Passer au contenu

NDVA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

UN VÉRITABLE ENGAGEMENT

Examen des causes sous-jacentes à la démotivation et à la piètre qualité de vie au sein des Forces canadiennes

Réponse de l'Opposition officielle au rapport majoritaire du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants

Octobre 1998


Pendant près d'un an, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants (le Comité) s'est consacré à l'étude des défis économiques et sociaux auxquels sont confrontés les membres des Forces canadiennes (FC). Des centaines de témoins allant d'experts des politiques sociales de la Défense au chef d'état-major de la Défense en passant par le personnel subalterne des FC ont comparu devant nous. De leurs témoignages se dégageait un thème commun : la trahison. En effet, les membres des FC se sentent trahis par leur gouvernement et par leurs propres chefs. Bref, le Comité a passé plus d'un an à entendre ces gens critiquer de manière cinglante les politiques du gouvernement.

Le Comité a entendu les histoires crève-coeur d'anciens combattants oubliés - des hommes qui avaient donné leur vie ou leur santé au service de leur pays - dont le sacrifice a été oublié ou amoindri par les bureaucrates du MDN. Nous avons entendu maintes histoires de logements délabrés au sous-sol inondé, aux murs moisis et au toit fuyant. Des membres des FC nous ont révélé qu'ils devaient recourir aux banques alimentaires pour joindre les deux bouts, et des conjoints de militaires, qu'ils éprouvent un sentiment d'abandon parce que leur mari ou leur femme est constamment appelé(e) à servir ailleurs au pays ou dans le monde. Nombre de témoins nous ont fait part de leurs inquiétudes au sujet du matériel vétuste et des dangers qu'il représente pour notre personnel. Il s'agissait dans tous les cas d'histoires très vraies de l'incidence de 30 années de déclin au sein des Forces canadiennes.

Dans bien des cas, les membres des FC risquaient de subir des représailles de la part de la haute direction du MDN s'ils témoignaient devant notre comité. Certains en ont d'ailleurs payé le prix. Cependant, les conditions s'étaient à ce point détériorées qu'ils ont estimé de leur devoir de révéler leurs inquiétudes à ce sujet. Tous les membres du Comité ont été émus par ces histoires.

Il s'agissait dans tous les cas d'histoires
très vraies de l'incidence de 30 années de
déclin au sein des Forces canadiennes.

C'est donc une vive déception que nous avons éprouvée en prenant connaissance de l'ébauche finale du rapport majoritaire. Plutôt que de s'attaquer aux causes fondamentales des problèmes que vit le personnel des FC, les membres ministériels du Comité ont choisi de traiter en grande partie les symptômes. Au lieu d'examiner comment les FC en sont arrivées à vivre l'état de malaise qui règne présentement en leur sein et de recommander des changements systémiques positifs afin de rectifier ces problèmes, la majorité a choisi de recommander des solutions symboliques. Même le ton du rapport majoritaire laisse entendre que des mesures de rafistolage régleront le malaise qui règne dans les FC. Malheureusement, nous avons vu ce que cela donne. Ce sont 30 années de rafistolage qui nous ont amenés à produire le présent rapport.

L'Opposition officielle est d'avis que cette façon de procéder du Comité représente une conjoncture critique pour les Forces canadiennes. L'orientation que prend maintenant le gouvernement déterminera si les FC, aux prises avec nombre de problèmes, seront rajeunies ou vivront simplement encore d'autres années de sous-financement, de rectitude politique, de déclin de leur infrastructure, d'amenuisement de leur capacité, et qu'elles continueront à souffrir de la démoralisation des troupes et de la piètre qualité de vie qui en découlent.

Pour être justes avec le rapport majoritaire, nous estimons qu'il contient un certain nombre de recommandations constructives. Celles-ci portent sur l'augmentation immédiate de la rémunération, le meilleur traitement des anciens combattants, la redésignation des zones de service spécial pour les prestations accordées aux anciens combattants, les modifications apportées à un large éventail d'indemnités - en particulier pour les rendre non imposables - de même qu'un certain nombre d'autres solutions qui ont du sens. Néanmoins, il existe encore des symptômes de problèmes plus graves et plus profonds. À cet égard, le ton général du rapport majoritaire et les innombrables appels à l'accroissement de la bureaucratie civile sont contraires aux opinions exprimées par les témoins aux audiences du Comité. Par conséquent, l'Opposition officielle se sent obligée d'énoncer sa propre réponse aux audiences, ainsi qu'au rapport majoritaire du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Bref, l'Opposition officielle dégage trois grands thèmes au coeur des problèmes des Forces canadiennes, qui doivent être traités de manière fondamentale :

1. Financement insuffisant et mal employé

2. Crise de leadership et justice militaire

3. Poursuite de la rectitude politique

S'il ne s'attaque pas sérieusement à ces problèmes fondamentaux, le gouvernement ne fera que jouer avec les questions symptomatiques périphériques et il est donc condamné à échouer dans toute tentative visant à améliorer la qualité de vie et le moral au sein des Forces canadiennes.

Les soldats ne peuvent être
fiers d'appartenir à une force
qui n'est pas entièrement apte
au combat.

1. FINANCEMENT INSUFFISANT ET MAL EMPLOYÉ

Dans son rapport de mars 1997 à l'intention du ministre de la Défense nationale, le professeur David Bercuson, de l'Université de Calgary, a décrit les problèmes actuels des Forces canadiennes comme étant une « crise de professionnalisme ». Cette crise de professionnalisme provient du fait que les Forces canadiennes, en particulier l'Armée, sont aujourd'hui incapables de s'acquitter seules d'une mission de combat opérationnel. Ce fait a été admis par l'ex-chef d'état-major de la Défense, le général Jean Boyle et noté également par le vérificateur général, dans le chapitre sept de son Rapport à la Chambre des communes, daté de mai 1996. Ce fait a d'ailleurs été réitéré ce mois-ci par l'actuel chef d'état-major de la Défense, Maurice Baril, dans son rapport annuel 1997-1998 sur l'état des Forces canadiennes. Dans ce rapport, le général Baril déclare :

« Nos capacités sont limitées lorsque vient le moment de déployer nos forces... Nous avons des limites en ce qui concerne le déplacement des troupes, la capacité de transport, la collecte du renseignement et la capacité de diriger ou de coordonner les opérations multinationales avec efficacité. »

Les soldats des Forces canadiennes ne peuvent être fiers d'appartenir à une force qui n'est pas entièrement apte au combat. Ils ne peuvent pas non plus jouir d'une qualité de vie raisonnable avec leur famille s'ils ne cessent d'être surchargés de travail. Le maintien de cet état de fait a entraîné une érosion constante de la fierté et du professionnalisme au sein des Forces canadiennes avec un résultat inévitable : absence de motivation, piètre esprit de corps et émergence de graves problèmes sociaux et économiques. Le sous-financement chronique a grandement contribué à créer chacun de ces problèmes.

Depuis 1993, le budget du ministère de la Défense nationale est passé de plus de 12 milliards à un peu plus de 9 milliards de dollars (soit une réduction de 25 p. 100). En même temps, on a conservé et même élargi la bureaucratie inutile et ruineuse du MDN. À titre d'exemple, alors que la Force régulière était réduite à seulement 60 000 personnes, le Quartier général de la Défense nationale (QGDN) compte toujours plus de 5 p. 100 de tout l'effectif.

Le financement insuffisant ou mal employé est particulièrement évident dans quatre domaines :

i) Insuffisance de matériel;

ii) Surcharge de travail;

iii) Bureaucratie inutile;

iv) Traitement insuffisant.

i) Insuffisance de matériel

Puisque nombre d'experts de la Défense, le vérificateur général et des comités parlementaires précédents ont déjà grandement fait état des insuffisances de matériel, il n'est donc pas nécessaire d'entrer ici dans les détails. Il suffit de dire que les compressions budgétaires et l'interférence politique ont considérablement réduit la capacité des Forces canadiennes à remplacer son matériel vétuste. Les chars d'assaut ont 20 ans et s'inspirent d'une technologie qui en compte 30; les pièces d'artillerie automotrices ont 30 ans, la plupart des pièces d'artillerie tractées ont 40 ans; les hélicoptères de la Marine ont 30 ans, et les hélicoptères de recherche et de sauvetage de l'Aviation en ont 35.

Ceux qui doutent qu'il existe un
lien entre le matériel, le moral et
la tranquillité d'esprit des
membres de la famille devraient
parler aux familles des
techniciens de recherche et de
sauvetage à la BFC Greenwood.

C'est sans doute ce qui a eu l'effet le plus dramatique sur la sécurité et le moral des membres des FC. Ceux qui doutent qu'il existe un lien entre le matériel, le moral et la tranquillité d'esprit des membres de la famille devraient parler aux familles des techniciens de recherche et de sauvetage à la BFC Greenwood.

Par conséquent, nous recommandons :

1. Que, d'ici l'an 2000, le gouvernement du Canada rétablisse le budget du ministère de la Défense nationale aux niveaux minimum énoncés dans le rapport du Comité mixte spécial de la Chambre et du Sénat de 1994 (10,5 milliards de dollars).

2. Que d'ici l'an 2001, le budget de la Défense soit rétabli au moins aux niveaux de 1994 (11,6 milliards de dollars).

ii) Surcharge de travail

La surcharge de travail a entraîné des conséquences inacceptables en ce qui concerne les congés. Le personnel des FC se trouve souvent incapable de prendre annuellement des congés d'assez longue durée. Cela occasionne un stress inutile aux familles et mène à l'épuisement. Cependant, il n'est aucunement fait mention dans le rapport majoritaire du lien qui existe entre la surcharge de travail et la décroissance des effectifs. À notre avis, il s'agit là d'une omission scandaleuse. La majorité recommande plutôt que le personnel des Forces canadiennes soit autorisé à « prendre un long congé lorsqu'il le désire ». Cela est tout à fait irréaliste dans un contexte militaire. Cela nuirait clairement à l'état de préparation opérationnelle et compromettrait la capacité d'un commandant à entraîner et à déployer ses troupes. La solution consiste à augmenter le nombre de troupes à un niveau tel que chaque membre des FC ne soit pas surchargé de travail.

Le chiffre exact de l'effectif devrait être déterminé par les commandants militaires et non pas les hommes politiques. Cependant, nous croyons que 75 000 membres de la Force régulière constituent probablement l'effectif minimum.

Par conséquent, nous recommandons :

3. Que le niveau de personnel soit augmenté conformément à la recommandation des commandants militaires et que, dans ce contexte, un niveau de 75 000 personnes constitue probablement l'effectif minimum.

4. Que toute augmentation du personnel se fasse dans le cadre d'une réduction majeure de l'infrastructure et de la bureaucratie inutile.

iii) Bureaucratie inutile

Une trop grande proportion du budget du MDN est consacrée à des programmes ou organismes inappropriés. Le rapport majoritaire encourage cette tendance dans diverses recommandations concernant autant les programmes de garderie pour adolescents que l'accroissement des sommes consacrées à la recherche d'une « deuxième carrière ». Ce qui est encore plus surprenant, c'est qu'on y propose un élargissement du mandat de l'Agence de logement des Forces canadiennes (ALFC). Nous ne croyons absolument pas qu'un tel élargissement des entités bureaucratiques permettra de quelque façon que ce soit de régler les problèmes systémiques des Forces canadiennes. Nous pensons plutôt que c'est précisément ce genre de réflexe bureaucratique qui est à la source de ce problème de logement.

L'entretien et la rénovation des logements relevaient auparavant de la compétence des commandants de base. En vertu de ce système, les problèmes de logement étaient examinés localement plutôt que d'être soumis à un lointain bureaucrate installé à Ottawa. En d'autres mots, le problème était étudié par quelqu'un qui comprenait ce problème et qui avait personnellement intérêt à ce que son personnel vive et travaille dans un milieu agréable. À cet égard, l'ancien système était plus susceptible de régler les problèmes qui se présentaient. Après tout, si le personnel était mécontent du logement qu'on lui attribuait, c'était le commandant de la base qui devait en payer le prix en raison de l'effet que cette situation avait sur le moral des troupes. Cette sorte de pression constituait nettement un facteur de motivation.

Redonner au commandant de la base le contrôle sur le logement permettrait donc d'éliminer une bureaucratie inutile, de donner plus de souplesse et de rétablir la confiance en un système qui a perdu toute crédibilité.

Nous recommandons donc :

5. Qu'un comité « de renouvellement des infrastructures » soit formé au sein du MDN d'ici le 1er avril 1999. Ce comité établirait un échéancier pour le renouvellement des logements, bases, stations et autres biens immobiliers essentiels des FC afin de s'assurer que les membres des Forces vivent et travaillent dans les meilleures conditions possible. Ce comité aurait jusqu'au 1er avril 2000 pour remplir son mandat.

6. Que les terres non essentielles du MDN soient vendues et que le fruit de ces ventes soit directement versé dans les recettes du MDN. Ces recettes devraient ensuite servir à l'amélioration des infrastructures.

7. Que l'Agence de logement des Forces canadiennes soit complètement supprimée et que les commandants de base redeviennent responsables des logements locaux.

iv) Traitement insuffisant

Pendant trop longtemps, les membres des FC et leurs familles - particulièrement ceux des rangs inférieurs - ont souffert d'un traitement insuffisant et de rares chances de promotion. L'Opposition officielle appuie totalement les recommandations incluses dans rapport majoritaire en ce qui touche aux augmentations de traitement. Le gouvernement doit démontrer la solidité de l'engagement qu'il a pris à l'égard du personnel des FC et de leurs familles en lui accordant immédiatement de substantielles augmentations de traitement.

Nous reprenons donc le texte du rapport majoritaire lorsque nous recommandons :

8. Que, à compter du 1er avril 1999, la solde des simples soldats, des sous-lieutenants et des lieutenants, qui sont pour la plupart des nouvelles recrues, soit augmentée d'environ 10 p. 100.

9. Que, à compter du 1er avril 1999, la solde des militaires du rang soit augmentée d'environ 6 p. 100; celle des grades de capitaine à lieutenant-colonel, d'environ 3 p. 100; et celle des colonels et des officiers de grade supérieur, d'environ 2 p. 100.

Nous rejetons toutefois l'idée de lier les niveaux de traitement de quelque façon que ce soit aux niveaux de traitement de la fonction publique (peu sinon aucun des pays de l'OTAN le font). Le traitement des militaires n'est pas et ne devrait d'aucune façon être comparable au traitement des employés la fonction publique. Le rôle que les membre des FC jouent et le milieu dans lequel ils doivent travailler placent les militaires dans une classe à part. Les augmentations de traitement devraient être accordées au moment opportun et devraient tenir compte de l'inflation et des conditions du marché.

De plus, les allocations d'affectation ou autres devraient être majorées afin de tenir compte de manière réaliste des coûts associés aux déménagements. Ces allocations doivent également prendre en considération les conditions géographiques et économiques qui existent là où le membre des FC et sa famille sont affectés.

2. CRISE DE LEADERSHIP ET JUSTICE MILITAIRE

Trop de carriérisme, trop peu d'expérience opérationnelle, trop souvent deux poids deux mesures et trop de camouflage. C'est là un message que nous avons sans cesse entendu durant les audiences du Comité. Les Forces canadiennes traversent actuellement une crise de leadership. Ce problème n'est absolument pas traité d'une manière suffisante dans le rapport majoritaire. C'est à peine si on le mentionne ici et là. Cette situation est inacceptable.

Leadership

Le leadership constitue une question centrale comme l'ont d'ailleurs souligné d'autres analystes de la scène militaire canadienne. Ainsi, voici ce qu'écrivait le professeur David Bercuson dans le rapport qu'il a transmis au ministre de la Défense nationale :

« Chacun des nombreux incidents tristement célèbres portés à l'attention du public au cours des quatre dernières années - le meurtre de Shidane Arone en Somalie, les abus signalés dans un hôpital pour malades mentaux en Bosnie, etc. - se sont produits parce que le leadership a connu des ratés tant au niveau des sous-officiers supérieurs que des officiers. Parmi les autres problèmes mis en lumière, mentionnons le gaspillage des fonds publics au profit des officiers supérieurs, la perte de respect des troupes envers le haut commandement, la baisse de morale et, comme conséquence, une diminution de la confiance du public envers les Forces canadiennes. »

Le même problème est mentionné par le professeur Jack Granatstein dans le rapport qu'il a transmis au ministre (le 25 mars 1997), lorsqu'il cite un colonel de la Force aérienne à la retraite qui a déclaré :

« Il y a eu un manque évident de perspectives éthiques, de gouvernance, de supervision et de leadership chez les officiers généraux, au QGDN et ailleurs. Ce fait, combiné à la propension de ces officiers à remplir leurs poches au moyen de petits gains et émoluments inconvenants, crée un climat moral incompatible avec le leadership qui convient aux forces armées. Les militaires du rang les observent et ils savent. ».

Un autre rapport rédigé pour le ministre en mars 1997 soulignait des opinions partagées par un éventail d'experts sur les questions liées à la politique de défense. La majorité de ces experts concluaient ce qui suit : « Les valeurs bureaucratiques civiles qu'on a imposées aux forces armées ont nui aux valeurs militaires liées au leadership ».

Malgré qu'il soit évident que presque tout le monde reconnaît qu'il existe un sérieux problème de leadership au sein des Forces canadiennes, le rapport majoritaire ne contient aucune recommandation concrète pour régler ce problème. En fait, certaines des parties du rapport semblent passer sous silence ce problème de leadership.

Ainsi, le rapport majoritaire mentionne que la culture militaire peut expliquer en partie la maladresse et l'insensibilité dont ont fait preuve les Forces dans le passé en ce qui touche aux soins à fournir aux soldats blessés. Cette affirmation est tout simplement fausse. Les militaires ont toujours mis l'accent sur la nécessité de « prendre soin des leurs ». Ce n'est en fait que relativement récemment, alors que des officiers supérieurs se sont moins souciés du personnel subalterne, que l'attitude du « chacun pour soi » a commencé à prédominer. L'honneur et la compassion ne s'enseignent pas facilement. La seule façon de s'assurer que les dirigeants militaires prennent soin des leurs, c'est de maintenir une force de combat professionnelle qui préconise un code d'éthique axé sur des valeurs comme le devoir, l'honneur et le respect de chaque soldat. Le système de justice militaire joue un rôle central pour favoriser l'adoption et le respect de ces valeurs. Malheureusement, ce système a actuellement perdu toute crédibilité.

Justice militaire

Le pire exemple de justice militaire qui ait mal tourné vient sans doute de la récente révélation selon laquelle les abus sexuels seraient très répandus dans les Forces canadiennes. Les enquêtes bâclées, le camouflage, le manque de sensibilité et de professionnalisme, voire même l'incompétence, sont devenus des lieux communs pour décrire la façon dont la police militaire et son sous-produit, le Service national des enquêtes, se conduisent. Les enquêtes, les poursuites et les défenses, et les cours martiales doivent toutes dégager une image de compétence, de professionnalisme, d'équité, d'impartialité et d'indépendance.

Nous recommandons donc :

10. Que le système de justice militaire soit réformé de façon à uniformiser les règles du jeu, en prévoyant des sanctions pour comportement inapproprié ou illégal qui soient également appliquées aux officiers et aux sous-officiers.

11. Que le système de justice militaire soit réformé de façon à assurer le caractère indépendant des enquêtes, des poursuites et des défenses, et des jugements. La pierre angulaire de ces réformes serait la création d'un bureau de l'inspecteur général.

12. Que toutes les enquêtes sur des crimes violents perpétrés dans les Forces armées soient menées par la GRC.

À noter que le gouvernement a récemment modifié la Loi sur la défense nationale par la voie du projet de loi C-25. C'était là une occasion unique depuis plus de 50 ans d'apporter des modifications importantes au système de justice militaire et il l'a ratée, de sorte qu'il n'est pas étonnant qu'aucune mention de justice militaire n'est faite dans le rapport majoritaire.

3. À LA POURSUITE DE LA RECTITUDE POLITIQUE

L'époque est révolue où le mérite était le critère de sélection pour servir dans les Forces canadiennes. Les planificateurs politiquement corrects ont plutôt opté pour un contingentement en fonction de la race et du sexe qui fait très peu de place à l'égalité et qui, ce qui est encore plus inquiétant, mine le potentiel de combat de nos militaires. De plus, la rectitude politique, et les quotas artificiels qui en résultent, nuisent énormément au moral, à la cohérence et à la confiance des troupes, surtout dans les armes de combat.

Dans son récent rapport annuel sur l'état des Forces armées, le général Baril, chef de l'état-major de la Défense, a déclaré :

« Pour l'année financière 1998-1999, le commandement de la force terrestre vise à recruter 1 000 personnes, dont 25 p. 100 doivent être des femmes. ... Outre l'objectif de recrutement concernant les femmes, les FC ont fixé des objectifs de 7 p. 100 dans les cas des minorités visibles et de 3 p. 100 dans celui des Autochtones. »

Cela contraste énormément avec l'approche des Libéraux d'il y a quelques années à peine. En 1982, le Sous-comité sénatorial sur la défense nationale (composé d'une majorité de députés libéraux) déclarait :

« Le Sous-comité recommande que la viabilité militaire, c'est-à-dire la capacité de remplir avec compétence les tâches qui leur sont assignées, demeure le critère essentiel pour juger les opérations des Forces armées. »

Comment se fait-il que, en 16 ans à peine, une telle perte de bon jugement ait pu se produire? Le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants n'a rien entendu en faveur des quotas au cours de ces audiences; or, le rapport majoritaire ne cesse de revenir sur l'idée de la rectitude politique dans des passages tels que :

« L'Armée a demandé que 25 % des recrues dans les armes de combat soient des femmes pour obtenir une masse critique de personnel à l'entraînement et à l'emploi dans les diverses unités. »

Les questions suivantes se posent : Comment, les quotas d'entrée dans les Forces (ou les armes de combat) visant certaines catégories de personnes contribuent-ils au maintien d'un potentiel de combat? Comment des normes moins rigoureuses permettant l'intégration des femmes dans l'infanterie, l'arme blindée, l'artillerie et le génie de campagne peuvent-ils améliorer le potentiel de combat de l'armée?

Évidemment, la réponse, c'est que des quotas fondés sur le sexe, la race, la religion ou tout autre facteur démographique n'améliorent en rien le potentiel de combat. En fait, les quotas par nécessité ont un effet négatif sur le potentiel de combat car, pour atteindre ces quotas, il faut modifier les critères physiques ou autres qui seraient autrement imposés pour le recrutement dans les Forces.

Le vent actuel de rectitude politique dans les Forces canadiennes émane en grande partie de la décision de 1989 du tribunal de la Commission canadienne des droits de la personne qui établissait que les FC doivent réaliser l'« intégration complète » des femmes dans les armes de combat dans un délai de 10 ans. Cela soulève une autre question : Les Forces canadiennes devraient-elles pouvoir échapper d'une façon ou d'une autre aux décisions de la Commission des droits de la personne?

Face à la Charte canadienne des droits et libertés et à ses conséquences juridiques en cas de non-respect des décisions de la Commission des droits de la personne, le ministère de la Défense se retrouve dans une position précaire. D'une part, il doit protéger son potentiel de combat. D'autre part, il est obligé d'abaisser ses normes pour respecter des quotas démographiques artificiels. La solution à ce problème échappe nettement au contrôle du ministère de la Défense nationale. Seul le gouvernement fédéral a le pouvoir de soustraire le ministère à un régime de quotas imposés de l'extérieur.

Malheureusement, les pires
craintes des Libérauxse
sont matérialisées.

Ironiquement, ce sont les Libéraux qui l'ont d'abord reconnu. Dans le même rapport du Sous-comité sénatorial de 1982, le Comité à majorité libérale a proposé de recourir à la cause « nonobstant » de la Charte pour « étendre aux Forces armées les exemptions nécessaires pour assumer leur rôle... »

Le rapport sénatorial fait ensuite la recommandation suivante :

« Le Sous-comité recommande que le MDN regroupe d'urgence ses exigences d'exemption de la Charte canadienne des droits et libertés, et rédige au besoin les changements en conséquence à la Loi sur la défense nationale. Ensuite, le ministre devrait présenter ces changements au gouvernement et au Parlement pour examen rapide et sérieux. »

En d'autres mots, les Libéraux ont reconnu que le rôle premier des Forces canadiennes, la préparation au combat, allait être affectée par l'introduction de quotas de recrutement raciaux et sexuels. Ils reconnaissaient également qu'il revenait au gouvernement (libéral) d'autoriser des exemptions spéciales pour les Forces.

Malheureusement, les pires craintes des libéraux se sont matérialisées. Non seulement la capacité de combat des Forces était déjà compromise, mais la hâte apparente avec laquelle le MDN mettait en oeuvre sa politique de quotas accélère encore.

Même si le ministère prend bien soin d'éviter de mentionner par écrit l'abandon d'exigences physiques ou d'aptitudes, on a parfois un aperçu concret de la politique de quotas. En décembre 1996, le major général Leach, alors sous-commandant de l'armée et aujourd'hui chef de l'état major des Forces terrestres, a émis un ordre signalant la réduction des exigences physiques :

« La doctrine ou les pratiques qui sont incompatibles avec une participation sans restriction (des groupes désignés) seront changés. »

À quel moment s'est-on écarté de l'idée qu'on devrait restreindre la participation aux armes de combat aux plus aptes?

À la lumière de l'effet potentiellement dévastateur des quotas sur l'armée en général et sur les armes de combat en particulier, nous avons fait écho au Sous-comité sénatorial de la défense nationale en recommandant ce qui suit :

13. Que le MDN regroupe d'urgence ses exigences d'exemption de la Charte canadienne des droits et libertés, et rédige au besoin les changements en conséquence à la Loi sur la défense nationale. Ensuite, le ministre devrait présenter ces changements au gouvernement et au Parlement pour examen rapide et sérieux.

14. Que le MDN adopte officiellement une politique d'embauche, de placement et de promotion au mérite, qui protège fondamentalement l'égalité des chances.

La rectitude politique n'a pas sa place dans la planification militaire. En plus d'être dommageable à l'aptitude au combat, elle a un effet d'entraînement. La rectitude politique s'est développée au point d'échapper désormais à tout contrôle au MDN. Le comble est survenu en septembre cette année : les Forces canadiennes ont annoncé qu'elles rembourseraient les frais de changement de sexe pour ses membres.

D'autres groupes, dans la population, peuvent prétendre qu'il y a quelque chose de bien à changer de sexe, mais il est difficile d'imaginer un gain quelconque au point de vue militaire. Voilà certainement un monument d'absurdité. Même le choix des mots utilisés pour décrire l'opération traduit l'idiotie de la politique.

Nous recommandons donc que :

15. Le MDN mette fin immédiatement à toute politique d'expérimentation sociale qui nuit à la préparation au combat.

En définitive, le Canada a besoin d'une armée forte, prête et apte au combat. Ce principe doit guider toute politique du gouvernement ou du MDN. La rectitude politique et ses semblables, les quotas au recrutement et le « génie social », doivent disparaître de l'armée. Ceux qui défendent ces choix dans la société doivent mener leur bataille dans la société civile, et remercier l'armée de protéger ces droits.

CONCLUSION

Nous avons été sincèrement outrés et désappointés par le rapport majoritaire du Comité. Les membres de notre comité ont entendu de vive voix des témoignages sur les conditions difficiles dans lesquelles vivent et travaillent de nombreux militaires et ex-militaires des Forces. Même les plus sceptiques auraient pensé que les membres ministériels du comité auraient été suffisamment motivés pour exiger des changements fondamentaux et systémiques au sein du MDN et des Forces. Malheureusement, les membres du gouvernement ont choisi de demeurer dans l'erreur. Ils ont rejeté la substance en faveur de l'accessoire, le changement en faveur du statu quo. Ce faisant, les membres gouvernementaux du comité envoient un message terrible à ceux qui ont témoigné : « nous ne vous avons pas écoutés ».

Pour les Forces canadiennes, le gouvernement est maintenant placé devant une alternative cruciale : continuer de rejeter les changements de fond et de laisser nos Forces prestigieuses s'embourber, ou alors saisir l'occasion de leur donner un nouveau souffle. Espérons que le gouvernement fera le bon choix. Les Forces canadiennes sont trop importantes pour qu'on les laisse sombrer dans l'oubli.

Nous reconnaissons qu'un changement positif ne sera pas facile. Les réformes soulèveront beaucoup de débat et exigeront de la détermination. Politiquement, il serait certes plus facile de choisir l'autre route, mais nous sommes convaincus qu'il est du devoir du gouvernement de donner suite à son obligation envers les membres des Forces. L'Opposition officielle exhorte le gouvernement à prendre des mesures vigoureuses et immédiates pour remettre nos Forces sur la voie du renouveau.