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FAIT Rapport du Comité

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La zone de libre-échange des Amériques : pour un accord qui sert les intérêts des Canadiens
Rapport dissident du Bloc Québécois sur le rapport à la Chambre des communes du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
Octobre 1999

I. Introduction

C'est avec un esprit de collaboration et d'ouverture que le Bloc Québécois a participé aux travaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international portant sur la zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Le présent rapport, La zone de libre-échange des Amériques : pour un accord qui sert les intérêts des Canadiens a été préparé en vue de la rencontre des 3 et 4 novembre prochains, à Toronto, où le Canada présidera la réunion ministérielle pour l'établissement, dans l'ensemble des Amériques, d'une zone de libre-échange.

Bien que favorables à la mise en place d'une zone de libre-échange des Amériques, nous déplorons une fois de plus le peu de temps dont ont disposé les députés pour examiner et débattre les 29 recommandations formulées dans le rapport.

Le Bloc Québécois s'attendait, avec raison, à ce que le rapport du Comité énonce clairement les positions et les orientations que le gouvernement fédéral devrait adopter en prévision des négociations de la ZLEA. Malheureusement, nombre des recommandations du rapport sont trop vagues. Celles-ci ne sont que des voeux pieux et ne génèrent pas d'obligations, autres que strictement commerciales, pour les États qui signeraient un traité s'en inspirant.

II. La participation du Québec aux négociations de la ZLEA

Comme dans le cas des négociations sur l'OMC, le Bloc Québécois considère que les intérêts du Québec seraient mieux servis et défendus dans le cadre d'un Québec souverain qui parlerait en son propre nom à la table des négociations.

En effet, le gouvernement fédéral, à ce jour, est le seul à décider l'ordre du jour et à négocier lors des accords internationaux. Pourtant, les enjeux qui y sont discutés porteront sur des matières qui sont de la compétence du gouvernement du Québec ou qui pourraient grandement affecter son exercice. Le Québec demeure ainsi injustement tributaire du gouvernement fédéral et estime que cette situation ne saurait durer.

Nous avons demandé, pour nous assurer que les intérêts québécois soient bien défendus, que le Québec siège, en son nom, aux tables de négociations. Comme nous l'avons déjà signalé dans notre rapport minoritaire sur l'OMC, un tel statut est reconnu au Québec au sein de l'Agence de la Francophonie où il intervient en son nom lorsque ses intérêts sont en jeu. Un tel accommodement est donc possible et souhaitable de la part du gouvernement fédéral.

Une autre façon d'associer aux négociations le gouvernement du Québec, et ceux des autres provinces, c'est de faire en sorte qu'ils participent aux pourparlers concernant la ZLEA. Dans le domaine des négociations internationales, nous réclamons, au moins, le même traitement que les pays membres de l'Union européenne. Ils n'ont, certes, qu'un seul représentant, mais chaque gouvernement fait partie des équipes de négociations. Le Bloc Québécois est convaincu que cette disposition serait, pour le gouvernement fédéral, une façon d'inclure le Québec, et toutes les provinces qui le désirent, à toutes les étapes des négociations.

III. L'exception culturelle et la promotion de la diversité culturelle

Nous nous réjouissons que le Comité des affaires étrangères et du commerce international ait accepté les propositions du Bloc Québécois sur les questions touchant la culture.

Le Bloc Québécois s'est toujours fait le défenseur de la clause d'exception culturelle de portée générale et auto-définie. Nous voyons d'un bon oeil que le gouvernement continue de défendre l'idée d'une exception culturelle tout en travaillant à la mise en place d'un nouvel instrument international relatif à la culture. Le maintien de l'exception culturelle est d'autant plus important que son projet de nouvel instrument reste flou : À qui sera confié cette mission ? Quels seront ses pouvoirs ? De qui dépendra-t-il ? etc.

IV. La participation de la société civile

Nous aurions aimé que la recommandation 1 soit encore plus précise en affirmant que le processus de consultation de la société civile doit être permanent, transparent et efficace. Ce mécanisme permettrait à tous les acteurs sociaux d'interpeller le gouvernement sur les sujets qui les préoccupent.

V. Le débat sur la monnaie commune

Le Canada présidera la réunion ministérielle en novembre prochain. Cette position lui permet d'ajouter à l'ordre du jour l'étude de certains enjeux que les Québécois et les Canadiens trouvent importants. Le Bloc Québécois, dans ce contexte, regrette que le gouvernement fédéral ne profite pas de cette occasion pour aborder une question cruciale, à savoir l'union monétaire des Amériques. Le gouvernement fédéral s'entête à ignorer cette question alors qu'elle fait l'objet de réflexions et de discussions dans de nombreux pays de la ZLEA.

L'hiver dernier, le Bloc Québécois a lancé un débat sur la possibilité d'adopter une monnaie commune en Amérique du Nord, puis dans les trois Amériques. Le Sénat américain, par l'entremise du Joint Economic Committee, s'est aussi penché sur l'avenir monétaire des Amériques. Les 23 et 24 juillet derniers, sous les auspices de la Banque interaméricaine de développement, plusieurs pays se sont rencontrés au Panama pour discuter de l'avenir des devises aux Amériques. En Argentine, l'ancien président, M. Carlos Menem, s'est déclaré en faveur d'une dollarisation de son pays. Au Mexique, deux importantes organisations d'affaires ont demandé au président Zedillo de faire adopter le dollar américain.

Face à ces différentes prises de position, le Bloc Québécois aurait voulu que le rapport contienne une recommandation sur la monnaie commune afin de mettre en place un institut monétaire des Amériques au sein de la ZLEA. Cet institut pourrait se pencher sur l'étude des avantages et des inconvénients d'une zone monétaire correspondant à l'espace économique de la ZLEA, de même que sur divers scénarios monétaires possibles, tel le statu quo, un système de taux de change fixe, les conditions pour une union monétaire, la dollarisation.

Cet institut non partisan, multinational et composé d'experts, pourrait, entre autres, éclairer les décideurs de nos pays respectifs afin de prendre la bonne décision pour l'avenir monétaire. Cet institut pourrait aussi servir d'organe de concertation et de coordination entre les différentes banques centrales, et ce, afin d'assurer une circulation adéquate de l'information.

VI. La nécessité d'une clause environnementale

Le Bloc Québécois considère que les recommandations 11 à 13 qui portent sur l'environnement sont beaucoup trop vagues. Le Bloc Québécois propose, quant à lui, l'insertion, au sein de la ZLEA, de clauses de protection environnementale qui permettraient aux États de soustraire les écosystèmes menacés de l'application de clauses strictement commerciales.

Le Bloc Québécois recommande également que des règles minimales de protection de l'environnement fassent partie des négociations. Ces clauses et ces règles, en se trouvant dans le coeur de l'accord, lieraient les États signataires et autoriseraient l'imposition de mesures compensatoires en cas de non respect. Elles pourraient s'inspirer des résolutions adoptées à la Conférence de Rio et des conventions et protocoles qui en découlent.

VII. Les clauses sociales

Le Bloc Québécois désapprouve la recommandation 10 car il la juge beaucoup trop faible : elle ne dépasse pas l'énoncé de principe. Tout comme bon nombre d'organisations non gouvernementales et de syndicats, notre formation politique favorise l'inclusion, dans les règles de la ZLEA, de clauses sociales qui protégeraient adéquatement les travailleurs et travailleuses à travers le monde. De plus, des clauses basées sur les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme, doivent véritablement assurer le respect des droits de la personne.

Nous avons déjà fait état de nos préoccupations à ce sujet dans notre rapport dissident sur les négociations de l'OMC. À notre avis, plutôt que de se limiter à affirmer qu'il faille « renforcer la présence de l'Organisation internationale du travail (OIT) dans l'initiative hémisphérique », les clauses sociales devraient directement faire référence à l'obligation, pour les États, de respecter les règles contenues dans les sept conventions fondamentales du travail de l'OIT. Elles auraient ainsi beaucoup plus de poids et de portée. Comme nous l'avons préalablement souligné dans notre rapport dissident de juin dernier sur l'OMC, nous nous appuyons sur les conventions suivantes : la convention 29 sur le travail forcé, la convention 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la convention 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, la convention 100 sur l'égalité de rémunération, la convention 105 sur l'abolition du travail forcé, la convention 111 sur la discrimination dans l'emploi et la convention 138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi.

De l'avis du Bloc Québécois, l'introduction de ces conventions dans les accords de la ZLEA contribuerait à prévenir les formes les plus extrêmes d'exploitation ainsi que les injustices dont sont victimes plusieurs travailleurs à travers les Amériques.

VIII. L'approbation par la Chambre des Communes et l'assentiment des provinces

Un des reproches le plus fréquemment soulevé à l'égard de la mondialisation touche l'absence de transparence du processus et le peu d'information sur ce phénomène, trop souvent perçu comme inéluctable. Nous devons faire en sorte que les parlementaires et la population soient davantage associés aux enjeux que soulève la mondialisation.

Le Bloc Québécois pense dès lors primordial d'impliquer directement la Chambre des communes au processus de conclusion des accords internationaux. Non seulement est-il essentiel qu'une surveillance parlementaire des négociations sur la ZLEA soit exercée, mais il importe aussi que le Parlement y donne son approbation. S'agissant de traités importants, il serait opportun, après la signature de ces accords par le gouvernement, que ceux-ci fassent l'objet de débats conduisant à l'adoption d'une résolution d'approbation par la Chambre des communes.

En outre, le Bloc Québécois est d'avis que les provinces doivent pouvoir participer directement aux négociations. Cependant, le gouvernement fédéral refuse obstinément de reconnaître ce qui semble aller de soi pour la plupart des Québécois.

Comme plusieurs des sujets qui seront débattus lors des négociations de la ZLEA concernent des compétences provinciales, il est important que les provinces donnent leur assentiment avant que le gouvernement fédéral procède à la ratification des accords.

IX. Conclusion

Le Bloc Québécois a participé activement à l'exercice de consultation des citoyens du Canada et du Québec relativement à la prochaine création d'une zone de libre-échange des Amériques, que nous appuyons par ailleurs.

Lors de cet exercice, toutefois, la majorité libérale a encore démontré son intransigeance face aux revendications légitimes du Québec. Son droit de participer aux négociations et son droit de parole sur les questions relevant de ses compétences ne sont pas reconnus. Qui plus est, le peu de temps alloué aux députés pour l'analyse de ces enjeux, pourtant fondamentaux, reflète l'absence de volonté politique du gouvernement d'écouter et de tenir compte des opinions des intervenants.

Le Bloc Québécois a déjà mené cette bataille lors de la rédaction du rapport du Comité sur l'OMC et les négociations du cycle du millénaire. Le Bloc Québécois poursuivra la défense des véritables intérêts du Québec et continuera d'exercer une vigilance de tous les instants dans le dossier de la ZLEA.