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CIMM Rapport du Comité

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CHAPITRE 2: LA SÉCURITÉ À LA FRONTIÈRE
CANADIENNE — CONSTATATIONS ET
RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

A. Les répercussions du 11 septembre 2001

        D’après les éléments dont nous disposons actuellement, les attentats du 11 septembre ont été dans une large mesure orchestrés et exécutés par un groupe de personnes entrées aux États-Unis en toute légalité. Les derniers rapports donnent à penser que les présumés terroristes étaient titulaires de visas valides délivrés par le Département d’État des États-Unis. Malheureusement, les autorités américaines ont été incapables de détecter la menace que ces personnes représentaient. Selon les médias, il semble aussi que certains des terroristes se trouvaient aux États-Unis depuis fort longtemps, au moment des attentats.

        Le Comité est conscient que, dans la nouvelle économie mondialisée, il est essentiel de faciliter le mouvement transfrontalier des personnes et des biens. Nous ne pouvons pas nous couper du monde extérieur par crainte du terrorisme. Non seulement ce serait irréalisable, mais, comme l’histoire nous l’a enseigné, le terrorisme n’est pas une menace qui vient nécessairement de l’extérieur. Toutefois, les événements du 11 septembre démontrent clairement que la menace est en partie externe, et il importe d’examiner la problématique dans le contexte de notre système d’immigration.

i. Idées erronées concernant la sécurité, à la suite du 11 septembre

        Les premiers témoins entendus par le Comité au cours de son étude ont été le commissaire de la GRC et le directeur du SCRS. Le commissaire Guiliano Zaccardelli a insisté pour dire qu’il ne fallait pas cesser de voir les choses en perspective en cette période de grande anxiété et il a assuré le Comité que notre pays demeurait le plus sûr du monde. Tout comme le directeur du SCRS, Ward Elcock, il a également beaucoup appuyé sur le fait que le Canada n’est pas un refuge pour terroristes. En revanche, tous deux reconnaissent que nous faisons face à des problèmes complexes, qui sont communs à toutes les démocraties occidentales, y compris les États-Unis.

        Contrairement aux déclarations des dirigeants de notre communauté du renseignement, le Comité constate qu’il existe des idées lourdement erronées sur la menace que les immigrants et les demandeurs d’asile pourraient faire peser sur le Canada et, tout particulièrement, des idées fausses sur la menace que le Canada représenterait pour les États-Unis. Il faut faire savoir au monde, et notamment aux Américains, que nous possédons des dispositifs de sécurité solides et que nous prenons actuellement d’autres mesures pour protéger nos sociétés. On ne saurait trop répéter combien ces idées fausses sont néfastes. Bien sûr, certains aspects du système méritent amélioration, mais le Canada n’est pas la passoire que d’aucuns ont décrite. Le Comité se réjouit du fait que l’ambassadeur américain, Paul Cellucci, ait désavoué publiquement ce genre d’affirmations fallacieuses, et il reconnaît que le Canada est aux prises avec les mêmes difficultés que les États-Unis et d’autres pays occidentaux. Toutefois, il reste du travail à faire pour diffuser l’information adéquatement.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada et d’autres ministères fédéraux s’efforcent de sensibiliser le public canadien et étranger pour réfuter les inquiétudes non fondées et injustifiées entourant la sécurité de la frontière canadienne. Les mesures en place et les mesures envisagées doivent faire l’objet d’une large publicité, et doivent également viser les législateurs américains.

ii. Effets immédiats à la frontière

            Les événements du 11 septembre ont déjà des incidences sensibles sur les activités et pratiques courantes dans les postes frontaliers du Canada. De fait, le Comité a noté que le contrôle de tous les voyageurs est dorénavant beaucoup plus complet. Les agents des douanes, chargés de la ligne d’inspection primaire (LIP), c’est-à-dire du premier interrogatoire au point d’entrée, défèrent maintenant un plus grand nombre de personnes aux services de l’immigration, pour y subir un interrogatoire secondaire détaillé. Dans les aéroports que nous avons visités, la sécurité a été notablement resserrée. Les caméras de surveillance et les effectifs sont plus nombreux. Même si le trafic dans tous les points d’entrée a diminué, ces mesures, et d’autres mécanismes de sécurité, sont à l’origine de l’augmentation du temps nécessaire aux déplacements.

            Depuis le 11 septembre, il devient essentiel de faciliter le flux du commerce et du trafic. À la frontière de Windsor (Ontario), le Comité a pu constater lui-même les difficultés entourant le trafic transfrontalier habituel. Les déplacements, aussi bien commerciaux que non commerciaux, demandent plus de temps, et cette situation a des conséquences économiques importantes. Les meilleurs moyens de résoudre ce problème sont traités dans les sections suivantes du présent rapport, mais le Comité juge nécessaire d’établir ici un principe directeur.

Le Comité recommande :

Que les pratiques frontalières continuent d’être axées sur les grands objectifs que sont la sécurité, la protection et l’efficacité.

B. L’incidence de la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (projet de loi C-11)

            Comme nous l’avons déjà dit, la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sera bientôt en vigueur. Plusieurs témoins et travailleurs de première ligne prévoient une mise en oeuvre difficile. Des perturbations sont à craindre, et le processus pourrait être difficile à gérer.

            La question du « contrôle à l’arrivée » des demandeurs d’asile revient constamment dans les témoignages. Les vérifications de sécurité qui autrefois n’étaient menées que dans le cadre d’une audience ou à la suite d’une demande de résidence permanente sont maintenant effectuées immédiatement, dès que le candidat présente sa demande d’asile. C’est là une mesure qui avait été recommandée dans notre rapport de mars 2000, et nous nous réjouissons qu’elle ait été retenue. La mise en place de ce mécanisme n’exige pas que la Loi soit en vigueur, et son application a donc déjà commencé.

            Les vérifications à l’arrivée sont capitales, mais le Comité comprend qu’il soit difficile d’obtenir des renseignements exacts en temps utile. Il faudra améliorer la coordination et l’accès aux différents services de renseignement, et il est manifeste que la compétence des travailleurs de première ligne jouera un rôle essentiel. Très souvent, a-t-on déclaré au Comité, les résultats dépendent de l’expérience des agents frontaliers, qui sont capables de « repérer » les personnes suspectes à cause de contradictions dans leurs entrevues ou de certaines incohérences dans leurs antécédents de travail et d’études.

            Le délai de 72 heures pour déterminer l’admissibilité d’un demandeur à un renvoi de son dossier à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) soulève également des inquiétudes. Le délai de trois jours ouvrables entrera en vigueur en vertu de la nouvelle Loi, ce qui devrait accélérer le traitement. Plus tôt la CISR recevra le dossier, plus tôt un agent des demandes d’asile pourra l’examiner et plus tôt la date de l’audience pourra être fixée. L’éventuelle transmission d’une demande n’empêche pas de poursuivre les vérifications de sécurité, ni la révocation du renvoi du dossier, si l’on se rend compte après coup que le demandeur n’était pas vraiment admissible. Le Comité note en outre que, selon le processus actuel, la vaste majorité des demandes sont réputées admissibles à une transmission à la CISR.

            À maintes reprises, les témoins ont exprimé la crainte que l’examen de sécurité ne puisse pas être réalisé en 72 heures. Toutefois, nous l’avons dit, la Loi n’impose aucun délai pour les vérifications de sécurité, et le processus de traitement des demandes d’asile peut être interrompu à tout moment si de nouveaux renseignements apparaissent. De plus, il est possible d’arrêter et de détenir des ressortissants étrangers, si besoin est. Le Comité estime que le mécanisme prévu par la Loi est tout à fait approprié et qu’il n’a pas besoin d’être modifié. Toutefois, soulignons-le, il est manifeste qu’une augmentation des compétences spécialisées et des moyens d’information rendraient le processus plus efficace et moins long, ce qui devrait réduire le recours aux détentions.

            Le Comité est conscient que la mise en œuvre de la nouvelle Loi soulève beaucoup d’inquiétude parmi les personnes chargées des fonctions administratives courantes, et que les événements du 11 septembre ont peut-être amplifié la crainte des travailleurs de première ligne. Les effectifs sont nettement insuffisants à certains postes frontaliers. Toutefois, lors de notre visite du point d’entrée de Lacolle — où le nombre de demandes d’asile est très élevé — nous avons été frappés par le fait que la vérification initiale et le délai de 72 heures ne soulèvent pas d’inquiétude. Le personnel dit être en mesure de traiter les demandes d’asile efficacement à l’intérieur de ce délai. En revanche, les employés de Windsor craignent qu’il leur soit impossible de procéder au traitement en 72 heures avec les moyens dont ils disposent.

Le Comité recommande :

Que le gouvernement établisse des normes nationales fondées sur les meilleures pratiques aux fins de la première vérification, et qu’il augmente le niveau des effectifs là où cela est nécessaire, de sorte que le contrôle à l’arrivée se fasse de façon efficace et rapide. Pour mettre en œuvre ces normes nationales, il faudra donner une formation adéquate aux intéressés, y compris les sensibiliser aux différences interculturelles.

Que l’on crée des équipes spécialisées pour traiter les demandes d’asile dans les points d’entrée où le volume est élevé.

            Des inquiétudes ont également été exprimées en ce qui concerne la mise en œuvre du processus d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR). L’ERAR est un nouveau mécanisme administratif applicable à toutes les personnes faisant l’objet d’un ordre de renvoi. À l’heure actuelle, les demandeurs d’asile non reconnus peuvent demander une évaluation des risques, et toute personne peut demander au ministre une permission spéciale de demeurer au Canada pour motifs humanitaires. Dans le cas de l’ERAR, un agent d’immigration prendra en considération les mêmes motifs de protection que la CISR actuellement (à savoir ceux qui sont prévus dans la Convention sur les réfugiés, dans la Convention contre la torture, il considérera aussi le risque de perdre la vie et celui de subir des traitements ou peines cruels et inusités).

            Si l’ERAR donne un résultat positif, le droit d’asile est accordé et le réfugié a la possibilité de demander le statut de résident permanent, à moins qu’il ne s’agisse d’un grand criminel ou d’une personne inadmissible pour motif de sécurité, de violation des droits de la personne ou d’appartenance au crime organisé. Dans ce dernier cas, le délégué du ministre doit soupeser les risques courus par le demandeur, d’une part, et la nature et la gravité des actes qu’il a commis, ainsi que l’éventuel danger qu’il présente pour le Canada, d’autre part. Une décision positive entraîne la suspension du renvoi, mais non pas l’attribution du statut de réfugié. Une décision négative entraîne l’expulsion.

            Les témoins ont exprimé la crainte que l’ERAR n’entraîne la formation d’un arriéré massif dès la proclamation de son entrée en vigueur, parce que les milliers de personnes actuellement visées par un renvoi pourront présenter une demande aux termes de cette nouvelle disposition. Selon le ministère, l’ERAR sera étroitement lié dans le temps à la détermination des mesures de renvoi. Ainsi, c’est uniquement une fois les mesures de renvoi complétées que la personne visée par l’expulsion sera informée qu’elle dispose de 15 jours pour demander une ERAR. En ne procédant aux évaluations des risques avant renvoi que lorsque le renvoi est imminent, le ministère pourra gérer le volume des demandes.

            Étant donné le grand nombre de mesures de renvoi encore en suspens, le Comité s’inquiète lui aussi de ce que l’ERAR ne surcharge les effectifs du ministère lorsque la Loi entrera en vigueur.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada prévoie les effectifs et les moyens nécessaires pour répondre aux inquiétudes entourant la mise en œuvre du mécanisme d’évaluation des risques avant renvoi.

C. La coopération, la coordination et les partenariats entre le Canada et les États-Unis

            Au cours de ses déplacements au Canada, le Comité a été à plusieurs reprises impressionné par le haut niveau de la coopération et de l’interdépendance entre les organismes gouvernementaux et les responsables aux points d’entrée canadiens et américains. De nombreux témoins nous ont affirmé que le travail en commun (souvent dans le cadre d’ententes locales et d’échanges d’information) se faisait tout naturellement et qu’il était absolument essentiel à la sécurité des deux pays et à la protection personnelle des agents frontaliers. Cette prédisposition naturelle à la coopération n’est pas surprenante. À St. Stephen (Nouveau-Brunswick), il existe des liens très forts avec le village frontalier de Calais (Maine), puisque les amitiés, les mariages et les festivals transfrontaliers y sont nombreux, tandis qu’à Stanstead (Québec), la frontière passe au milieu de la localité. À l’aéroport international de Vancouver, les représentants canadiens et américains des services des douanes et de l’immigration sont installés sur des étages différents de l’immeuble, et beaucoup d’entre eux montent et descendent plusieurs fois par jour pour se consulter.

            L’Accord du Canada et des États-Unis sur leurs frontières communes, annoncé le 25 février 1995, engage les deux gouvernement à :

  • assurer une protection améliorée contre les activités frontalières illégales et irrégulières;

  • faciliter le mouvement des personnes et des biens;

  • promouvoir le commerce international;

  • réduire les coûts pour les deux gouvernements et pour le public.

            Cet Accord a engendré un certain nombre d’initiatives, qui sont mises en œuvre sous la direction d’un comité de coordination composé de représentants de Citoyenneté et Immigration Canada, de l’United States Immigration and Naturalization Service, de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, de l’United States Customs Service ainsi que du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et du Département d’État des États-Unis. Par exemple, le projet de « Vision de la frontière » de CIC et de l’USINS intègre l’interdiction à l’étranger, le partage d’information, la coordination des politiques ainsi que la coopération terrestre, maritime et aérienne, pour régler divers problèmes, que ce soit à la frontière ou dans un continuum international, du point de départ à l’étranger jusqu’au point d’arrivée. Dans un monde de crime organisé mondial, il est essentiel de considérer la frontière comme un continuum.

Le Comité recommande :

Que le Canada et les États-Unis accordent une attention accrue à la mise en œuvre rapide des initiatives conjointes qui ont été élaborées, et qui continuent de l’être, dans le cadre de l’Accord sur leurs frontières communes.

i. Demandeurs d’asile en provenance des États-Unis

            Le Comité a appris que de nombreux demandeurs d’asile entrent au Canada après être passés aux États-Unis. Au cours des dernières années, environ un tiers des demandeurs qui ont eu recours au processus canadien avaient eu la possibilité de demander l’asile aux États-Unis, mais avaient choisi de venir dans notre pays. Au cours de l’exercice financier 1999-2000, 10 967 demandeurs d’asile sont arrivés des États-Unis, soit 34 % des demandeurs. En 2000-2001, ils ont été plus de 11 000 à entrer par les États-Unis, c’est-à-dire 37 %. Le Comité a consacré un temps considérable à l’analyse de cette question.

            Le président de la CISR, Peter Showler, a comparu devant le Comité et a parlé des différences entre les systèmes canadien et américain de détermination du statut de réfugié. Après avoir précisé que le système de détermination du droit d’asile aux États-Unis est considérablement plus compliqué que le nôtre, M. Showler a souligné ce qui suit :

Il est plus facile pour les ressortissants de certains pays d’obtenir la permission d’entrer aux États-Unis qu’au Canada.

  • Le Canada a un programme d’interception outre-mer qui empêche de venir au Canada nombre d’éventuels revendicateurs du statut de réfugié.

  • Certaines personnes préfèrent demander le statut de réfugié au Canada pour des raisons personnelles, par exemple si elles y ont de la famille ou sont francophones.

  • En tenant compte des révisions à tous les niveaux et des autres moyens pour rester aux États-Unis, ces derniers et le Canada acceptent à peu près le même pourcentage de revendicateurs. Au Canada, cette proportion atteint 58 %, et aux États-Unis, elle s’élève à environ 52 %.

  • Un plus grand nombre de revendicateurs sont détenus aux États-Unis qu’au Canada.

  • Aux États-Unis, les audiences du tribunal de l’immigration sur les revendications du droit d’asile se déroulent selon un processus accusatoire, c’est-à-dire qu’un avocat se présente au nom du gouvernement et s’oppose à la demande. Au Canada, un agent d’audience comparaît pour interroger les témoins et aider les décideurs, mais notre processus est considéré non accusatoire.

            D’autres témoins ont parlé de l’incidence, dans le passé, de la politique étrangère américaine sur la détermination du droit d’asile aux États-Unis. Le Canada a eu, et a toujours dans certains cas, des politiques à l’égard de certains pays qui sont contraires à celles des États-Unis. Cuba est un de ces pays et, dans les années 1980 et 1990, les revendicateurs du statut de réfugié provenant du El Salvador semblent avoir eu plus de difficulté à obtenir un statut aux États-Unis en raison du soutien qu’accordaient ces derniers au régime de droite salvadorien.

            Le Comité a aussi constaté que les revendicateurs du statut de réfugié au Canada ont un accès beaucoup plus grand aux services que financent les gouvernements, comme l’aide juridique et le bien-être social, et qu’ils peuvent demander l’autorisation de travailler et d’étudier pendant que leur revendication est examinée. L’accès à ces avantages est tout à fait approprié, mais le manque d’aide semblable aux États-Unis explique peut-être une partie de la circulation de réfugiés.

a. Tiers pays sûrs

            L’arrivée de demandeurs du statut de réfugié en provenance des États-Unis a soulevé la question des accords avec des « tiers pays sûrs ». En vertu de la loi actuelle et de la nouvelle, le ministre peut désigner un pays où les demandeurs du statut de réfugié peuvent être renvoyés pour qu’ils y présentent leurs revendications. Afin de mettre en place un tel arrangement avec les États-Unis, il faudrait négocier un accord bilatéral, ce qu’on a déjà tenté de faire sans succès au milieu des années 1990.

            Le Comité estime qu’il y a lieu d’essayer de nouveau de négocier une telle entente avec les États-Unis, mais il fait une mise en garde contre la tentation d’y voir une panacée qui règlera l’augmentation des demandes exercées sur notre système de détermination du statut de réfugié. Il s’agira en fait d’un outil parmi nombre d’autres. Les travailleurs frontaliers de première ligne sont clairement en faveur d’une telle entente avec les États-Unis et croient qu’elle permettra de grandes économies. En outre, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a établi des lignes directrices concernant l’application de la notion de tiers pays sûrs. Conformément à ces lignes directrices, le Canada pourrait chercher à conclure avec les États-Unis une entente qui assurerait le respect de nos obligations humanitaires.

Le Comité recommande :

Que, tout en maintenant son engagement dans le cadre de la Convention sur les réfugiés de même que ses normes élevées en matière de protection internationale, le gouvernement du Canada mène des négociations en vue de conclure des accords avec des tiers pays sûrs de première importance, particulièrement les États-Unis.

b. Renvois temporaires

        On peut répondre en partie aux préoccupations concernant les demandeurs qui cherchent à entrer au Canada à partir des États-Unis au moyen d’un processus appelé « renvoi temporaire ». Que les États-Unis soient officiellement désignés ou non comme « tiers pays sûrs », il est clair que les revendicateurs ne risquent pas d’être persécutés en sol américain. Avec l’accord de nos interlocuteurs américains, les demandeurs du statut de réfugié devraient, lorsque cela est justifié en raison d’un manque de ressources, être renvoyés aux États-Unis jusqu’à ce que les autorités canadiennes soient convaincues qu’ils ne représentent pas un risque du point de vue de la sécurité. Une fois le contrôle de sécurité effectué, les demandeurs pourraient être autorisés à entrer au Canada pour le traitement de leur revendication. Le Comité constate que ce processus a été utilisé dans le passé de façon limitée tant par le Canada que par les États-Unis.

Le Comité recommande :

Qu’en attendant la conclusion d’un accord de « tiers pays sûr », ce qui serait la meilleure solution, les renvois temporaires soient utilisés dans la mesure du possible comme solution de rechange à la détention quand les contrôles initiaux ne peuvent être effectués rapidement.

ii. Exigences relatives aux visas

            Le Canada et les États-Unis ont chacun leur propre liste de pays dont les ressortissants ne sont pas obligés d’obtenir un visa de visiteur avant de se présenter à un point d’entrée. Il y a un certain chevauchement, mais les deux listes ne concordent pas exactement (voir le Tableau I). Par exemple, le Comité a entendu que les États-Unis n’exigent pas de visa pour l’Argentine, contrairement au Canada. Par conséquent, de nombreux Argentins sont entrés aux États-Unis pour se rendre ensuite à la frontière et au Canada demander le statut de réfugié. En 1999, seulement 22 % des revendicateurs en provenance d’Argentine ont été reconnus par la CISR comme étant des réfugiés au sens de la Convention.

Tableau 1: Comparaison des exigences du Canada et des États-Unis
en matière de visas

Les personnes suivantes ne sont pas tenues d’obtenir un visa pour entrer
au Canada

Les personnes suivantes ne sont pas tenues d’obtenir un visa pour entrer
aux États-Unis

Les citoyens des pays suivants :
  • Allemagne, Andorre, Antigua et Barbuda, Arabie Saoudite, Australie, Autriche, Bahamas, Barbade, Belgique, Botswana, Brunei, Chypre, Costa Rica, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Grenade, Hongrie, Irlande, Islande, Israël (titulaires du passeport national), Italie, Japon, Kiribati, La Dominique, Les îles Salomon, Liechtenstein, Luxembourg, Malaysia, Malte, Mexique, Monaco, Namibie, Nauru, Norvège, Nouvelle-Zélande, Papouasie Nouvelle-Guinée, Pays-Bas, Portugal, République de Corée, Saint-Christophe et Névis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent, Samoa occidentales, Saint-Marin, Singapour, Slovénie, Suède, Suisse, Swaziland, Tuvalu, Vanuatu et Zimbabwe;

Les citoyens des pays suivants :
  • Allemagne, Andorre, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Brunei, Canada, Danemark, Espagne, Finlande, France, Islande, Irlande, Italie, Japon, Liechtenstein, Luxembourg, Monaco, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Saint-Marin, Singapour, Slovénie, Suède, Suisse, Royaume-Uni* et Uruguay.

 

* Les citoyens ayant un droit illimité de résidence fixe en Angleterre, en Écosse, au pays de Galles, en Irlande du Nord, dans les îles Anglo-Normandes et à l’Île de Man

  • les personnes légalement admises aux États-Unis à titre de résidents permanents et titulaires d'une carte de résidence permanente américaine (carte verte) ou d’une autre preuve de leur statut de résident permanent;

 
  • les citoyens britanniques et les citoyens britanniques d'outre-mer qui sont réadmissibles au Royaume-Uni;

 
  • les citoyens des territoires britanniques dont la citoyenneté tient à leur naissance, à leur descendance, à leur enregistrement ou à leur naturalisation dans un des territoires britanniques, d'Anguilla, des Bermudes, des îles Vierges britanniques, des îles Caïmans, des îles Falkland, de Gibraltar, de Montserrat, de Pitcairn, de Sainte-Hélène ou des îles Turks et Caicos;

 
  • les titulaires d’un passeport de la zone administrative spéciale en cours de validité délivré par les autorités de la zone administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine; et

 
  • les titulaires d'un passeport ou de documents de voyage de l'État du Vatican.

        De plus, des témoins nous ont signalé que dans de nombreux cas où des visas sont nécessaires, il est parfois plus facile d’obtenir le statut de visiteur aux États-Unis qu’au Canada, ce qui expliquerait aussi en partie le flot de réfugiés en provenance des États-Unis.

        Des témoins ont souligné que ces deux facteurs ont influé sur les mouvements d’immigrants; le Comité considère donc souhaitable une certaine coordination entre nos deux pays.

Le Comité recommande :

Que le Canada travaille avec les États-Unis à coordonner dans la mesure du possible leurs exigences respectives en matière de visas, afin de régler les répercussions à la frontière des incohérences qu’elles comportent.

iii. Préautorisation de personnes et de biens

        Dans les points d’entrée terrestres comme dans les aéroports du pays, le Comité a entendu qu’il serait possible d’améliorer considérablement les modalités de sécurité et le mouvement des personnes et des biens si l’on adoptait des systèmes de préautorisation pour les voyageurs posant peu de risque et les transporteurs commerciaux. Les autorités frontalières soulignent que si l’on améliore la circulation du trafic à faible risque, il restera plus de ressources pour détecter les risques pour la sécurité. Il importe de comprendre que les besoins en préautorisation ne sont pas les mêmes dans les aéroports internationaux qu’aux postes frontaliers terrestres, puisque les premiers s’intéressent surtout aux personnes et que les seconds représentent des points d’entrée où passent sans cesse des voyageurs et de nombreux biens commerciaux.

        Les programmes CANPASS réalisés en vertu de l’accord sur la frontière commune représentent un mode de préautorisation qui facilite l’entrée au Canada des voyageurs en provenance des États-Unis qui se présentent aux postes frontaliers terrestres ou à l’aéroport international de Vancouver. Les citoyens canadiens et les résidents permanents présentent un formulaire de demande et subissent un contrôle de sécurité; s’ils sont acceptés dans le programme, ils reçoivent une vignette pour leur véhicule qui leur permet de traverser à la frontière dans une voie spéciale. Une des lacunes de ce programme, que les autorités frontalières ont signalée au Comité, est le fait que la vignette est liée au véhicule; il n’y a pas nécessairement de vérification directe de tous les occupants du véhicule traversant dans la voie spéciale CANPASS. Un programme américain semblable, appelé PORTPASS Voies réservées aux frontaliers, existe pour l’entrée aux États-Unis. Or, depuis les événements du 11 septembre, les voies réservées tant CANPASS que PORTPASS sont fermées tout le long de la frontière, situation qui a grandement exacerbé les délais aux postes frontaliers les plus occupés.

        Au point d’entrée de Windsor, le Comité a été informé du programme NEXUS, un autre projet relevant de l’accord de frontière commune pour gérer les voyageurs posant peu de risque aux postes frontaliers terrestres. NEXUS est mené par CIC, avec l’entière collaboration et coopération de l’ADRC, de l’USINS et de l’USCS. Il comporte de nombreux avantages par rapport à CANPASS et PORTPASS, y compris des conditions d’admissibilité, un régime de peines, un processus d’inscription, une carte d’identité, un formulaire de demande et un mode de formation qui sont les mêmes pour les deux pays. Les utilisateurs des deux pays font la demande au moyen du même processus centralisé. CIC effectue des vérifications complètes des casiers judiciaires au moyen des bases de données canadiennes et américaines et les demandeurs doivent n’avoir été condamnés ni dans un pays ni dans l’autre. Chacun des quatre partenaires gouvernementaux conserve le droit de refuser une demande. Les personnes qui réussissent reçoivent une carte de proximité avec configuration de la main qui doit être présentée à la frontière; la plaque d’immatriculation est lue électroniquement, et l’information sur la plaque doit correspondre à celle figurant sur la carte. Un avantage intéressant de NEXUS pour la sécurité est le fait que la personne est liée directement à un véhicule en particulier, et que la vérification est faite à chaque passage de cette personne à la frontière. Le projet pilote NEXUS est prévu pour le point d’entrée de Sarnia-Huron, mais sa mise en marche a été suspendue suite aux événements du 11 septembre.

        En vertu de l’accord sur la frontière commune, un programme CANPASS Aéroport a été élaboré et mis en œuvre à l’aéroport international de Vancouver pour faciliter l’entrée de personnes préautorisées et à faible risque qui voyagent fréquemment entre le Canada et les États-Unis. Ce programme, comme les programmes terrestres, a été suspendu depuis les événements du 11 septembre. Tant CANPASS Aéroport que son équivalent américain INSPASS utilisent les cartes de proximité avec configuration de la main pour confirmer l’identité d’une personne et déterminer son admissibilité au Canada. Ces processus permettent aux personnes préautorisées qui voyagent beaucoup par avion entre le Canada et les États-Unis d’éviter les traditionnelles entrevues face à face à la première ligne d’inspection dans les aéroports et d’utiliser à la place un kiosque automatisé. Ces personnes restent toutefois assujetties aux inspections aléatoires par les agents des douanes et de l’immigration au Canada et aux États-Unis.

Le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada et celui des États-Unis rétablissent les programmes CANPASS et PORTPASS aux passages frontaliers terrestres afin de faciliter l’entrée des voyageurs posant peu de risque, à condition que chaque personne dans la voiture subisse un contrôle. Il convient également de mettre l’accent sur la mise en œuvre intégrale du programme NEXUS à tous les postes frontaliers terrestres.

Que le gouvernement du Canada et celui des États-Unis rétablissent les programmes CANPASS Aéroport et INSPASS, respectivement, dans les aéroports internationaux visés et les mettent en œuvre dans tous les aéroports internationaux canadiens afin de faciliter l’entrée des personnes posant peu de risques qui voyagent beaucoup par avion entre le Canada et les États-Unis.

            Le Comité a observé les longues files de véhicules commerciaux qui attendaient de traverser aux postes frontaliers terrestres les plus occupés. Ainsi, à Windsor, c’est une moyenne de 7 000 camions chargés de biens qui traversent chaque jour à la frontière. Dans de nombreux cas, des courtiers en douane ont préparé les documents de déclaration avant le départ du camion, et la vérification à la frontière s’effectue rapidement. À Emerson, au Manitoba, où 750 camions traversent la frontière chaque jour, seulement 28 % des véhicules commerciaux sont arrêtés et inspectés en détail. Néanmoins, le Comité a entendu à plusieurs points d’entrée que la préautorisation des véhicules commerciaux réduirait considérablement les files en facilitant le mouvement de la circulation à faible risque, ce qui libérerait encore une fois des ressources pour les véhicules qui présentent plus de risques.

            Le gouvernement canadien est en train de mettre en œuvre un programme d’autocotisation des douanes grâce auquel certaines entreprises pourront faire préautoriser les marchandises avant l’arrivée à la frontière. En outre, des agents que le Comité a rencontrés ont suggéré un système général d’examen avant l’arrivée permettant une préautorisation plus coordonnée du trafic commercial. D’après les agents à la frontière, de telles mesures réduiraient considérablement la congestion par le trafic commercial aux postes frontaliers, surtout si les États-Unis mettent en œuvre des programmes semblables pour le trafic commercial à destination des États-Unis. Le poste de Windsor-Détroit où des véhicules commerciaux liés à l’industrie automobile traversent sans cesse chaque jour la frontière, constitue un excellent exemple de la nécessité de tels programmes.

            Le Comité a aussi entendu les inquiétudes des autorités frontalières concernant l’inadmissibilité de certains chauffeurs commerciaux américains qui entrent au Canada. En moyenne, 18 % de ces chauffeurs ne devraient pas entrer au Canada, habituellement à cause de condamnations mineures, mais, comme ils ne font pas l’objet de contrôles périodiques à la frontière, ils traversent régulièrement entre le Canada et les États-Unis. Il a été suggéré de mettre en œuvre un programme d’enregistrement des chauffeurs commerciaux afin qu’il soit possible de mieux vérifier leur identité et leur dossier.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada travaillent en collaboration avec leurs pendants américains à la mise en œuvre de programmes d’autocotisation des douanes et d’examen avant l’arrivée afin de faciliter les passages à la frontière du trafic commercial à faible risque, ce qui libérera en outre des ressources pour le trafic à risque plus élevé.

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada travaillent avec leurs pendants américains à la mise en œuvre d’un programme commun d’enregistrement des chauffeurs commerciaux.

iv. Cueillette et partage de l’information et du renseignement

            La cueillette et le partage de l’information et du renseignement sont des éléments clés de la sécurité aux frontières. C’est là un message important transmis au Comité partout au pays.  Les agents aux frontières soulignent qu’ils ont besoin davantage de ces deux éléments pour bien faire leur travail. On nous a dit qu’il est extrêmement utile d’avoir le plus d’information possible sur les personnes inadmissibles avant leur arrivée au pays, en particulier dans le contexte du passage organisé de clandestins et du trafic de personnes.

            Dans le cadre du programme Vision de la frontière, le Canada et les États-Unis ont signé une déclaration de partage d’information en 1999, afin de faciliter l’échange du renseignement sur la migration clandestine. En outre, la création du groupe canado-américain du renseignement de l’Atlantique Nord permet à la GRC et à la patrouille frontalière américaine de la région de l’Atlantique d’unir leurs ressources pour identifier les points sensibles le long de la frontière. Ces mesures sont en place et fonctionnent bien, mais il faut faire davantage pour partager l’information entre le Canada et les États-Unis. À Lacolle (Québec), on a évoqué un projet pilote fructueux qui donnait aux agents canadiens accès au système américain d’identification biométrique automatisé de l’USINS, IDENT, base de données permettant l’identification exacte et rapide des individus par les empreintes digitales et les photos. Il faut généraliser à l’échelle du pays des projets de ce genre une fois que leur efficacité est confirmée.

            On a maintes fois parlé au Comité de l’échange très efficace et courant d’information sur le terrain entre les agents des deux pays. Les mêmes agents se disent cependant frustrés par le fait que l’information importante dont ils ont besoin circule à pas de tortue entre les deux pays au niveau national. Certains fonctionnaires des points d’entrée sont préoccupés des différences entre les lois sur les renseignements personnels et la confidentialité dans les deux pays, qui limiteraient le partage de l’information, en particulier des renseignements délicats. D’autres soulignent que pour être efficace, le partage de l’information et du renseignement doit être réciproque; un côté ne peut pas retenir certains renseignements. Un fonctionnaire de Justice Canada nous a dit que les obstacles juridiques au passage de l’information sont rares. Il faut simplement que les deux pays soient davantage proactifs. Le Comité est convaincu que le Canada et les États-Unis doivent l’être beaucoup plus pour encourager le transfert d’information et la coordination des efforts du renseignement à tous les niveaux.

Le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada et celui des États-Unis trouvent de nouvelles façons de partager l’information relative à la sécurité des frontières. Les mesures transfrontalières de partage de l’information qui ont fait leurs preuves devraient être généralisées au Canada.

Que le gouvernement du Canada et celui des États-Unis soient davantage proactifs pour favoriser l’échange d’information et la coordination des efforts du renseignement à tous les niveaux. Si les lois sur les renseignements personnels et la confidentialité se révèlent des obstacles à cet égard, les deux pays devraient considérer modifier ces lois ou négocier de nouveaux accords bilatéraux de partage de l’information.

            Le Comité s’est également fait dire que les organismes canadiens doivent coordonner mieux et davantage le partage de l’information. Citoyenneté et Immigration Canada dispose de partenariats nationaux, régionaux et locaux, certains officiels et d’autres officieux, avec les grands corps policiers et du renseignement — ADRC, GRC, autres forces policières, SCRS, ministères provinciaux —, mais les agents pensent encore que la coordination en matière de sécurité pourrait être améliorée, peut-être en accroissant les partenariats officiels entre les organismes.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada cherche à établir des partenariats officiels avec d’autres organismes pour faciliter l’échange d’information en matière de sécurité.

v. Action policière et enquêtes conjointes

            Bien patrouiller la frontière longue de 8 895 km entre le Canada et les États-Unis pose un problème de distance et un défi aux ressources, en particulier entre les postes frontaliers. Une solution originale a été la création des équipes intégrées de police aux frontières (EIPF) qui patrouillent de longues zones frontalières dans l’Est et dans l’Ouest. Le Comité a été impressionné par la façon dont ces équipes surmontent les limites des moyens d’un seul organisme et d’un seul pays en combinant les forces et les ressources des organismes pertinents des deux pays.

            Les équipes sont généralement composées de représentants de CIC, de l’ADRC, de la GRC, de l’United States Immigration and Naturalization Service, du l’United States Customs Service ainsi que de la patrouille frontalière et de la garde nationale américaines. Les membres peuvent se déplacer ensemble ou patrouiller séparément leur propre côté de la frontière tout en restant en communication. Le renseignement et la technologie sont des éléments clés des opérations des EIPF et ils rehaussent considérablement leur adaptabilité. Les équipes font usage de caméras cachées déclenchées par le mouvement ainsi que de détecteurs de mouvements à des endroits éloignés des points d’entrée. Par l’analyse des « tuyaux » et des données technologiques, les équipes sont en mesure de réagir rapidement pour intercepter les personnes traversant clandestinement la frontière. On a dit au Comité que la communication pouvait faire problème parce que les organismes policiers canadiens et américains utilisent des fréquences radio protégées différentes. Dans les Prairies, la GRC distribue parfois des postes de radio ordinaires à tous les membres de l’équipe avant le début de leur quart. Le Comité a également noté que le niveau et la disponiblité des ressources de chaque pays pouvaient varier d’une région à l’autre le long de la frontière. Par exemple, on nous a dit que, dans certains secteurs, les autorités américaines étaient en mesure d’effectuer une surveillance aérienne à l’aide d’hélicoptères. Il importe de veiller à ce que les efforts et l’équipement soient bien coordonnés afin que les EIPF puissent se prévaloir d’outils clés comme des opérations d’appui aérien.

            Certains agents de la GRC nous ont fait part de la difficulté générale de mener des enquêtes transfrontalières lorsqu’il faut faire des demandes et obtenir de l’information en passant par Ottawa ou Washington. On perd un temps précieux et parfois l’information ne se matérialise pas. Ils nous ont expliqué que d’autres mesures conjointes comme celle des EIPF, qui fonctionne très bien selon eux, sont nécessaires pour faciliter les enquêtes et l’échange d’information.

Le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada et celui des États-Unis mettent en place suffisamment d’équipes intégrées de police des frontières pour couvrir toute la frontière terrestre en tout temps.

Les équipes devraient être suffisamment équipées pour bien communiquer et répondre immédiatement aux activités clandestines. Elles devraient bénéficier d’outils et d’aides technologiques comme des opérations d’appui aérien, des détecteurs de mouvement et des caméras déclenchées par le mouvement. On devrait coordonner les efforts et l’équipement des deux pays afin d’assurer une efficacité maximale.

vi. Postes frontières partagés

            En vertu de l’Accord sur la frontière commune, les postes frontières partagés sont devenus réalité à trois points d’entrée :

  • Coutts (Alberta) et Sweetgrass (Montana);

  • Little Gold Creek (Yukon) et Poker Creek (Alaska);

  • Osoyoos (Colombie-Britannique) et Oroville (Washington).

            Chaque projet regroupe les services frontaliers des deux pays sous le même toit ou à proximité les uns des autres, augmentant ainsi la sécurité du personnel et des voyageurs.

            Les agents des frontières des deux pays ont indiqué au Comité que les installations partagées seraient une amélioration pour les petits postes éloignés, où il y a déjà beaucoup de collaboration, voire partage des installations, mais que cela pourrait être compliqué et nuire à l’efficacité aux points d’entrée importants. Un problème éventuel souvent souligné, c’est que les agents américains portent une arme, contrairement à leurs collègues canadiens. Les agents se demandent comment cela influerait sur le travail quotidien et dans les situations potentiellement violentes. Cependant, le Comité s’est également fait dire qu’une des raisons pour partager les infrastructures, c’est précisément que les agents canadiens seraient mieux protégés dans les bâtiments occupés par des agents américains armés.

Le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada et celui des États-Unis envisagent construire davantage de postes frontières partagés. Ces installations seraient particulièrement efficaces dans les petits postes frontières éloignés.

D. Le Canada et le monde : interception à l’étranger

            Le Comité voit de grands avantages à coopérer avec d’autres gouvernements pour contrôler et filtrer les voyageurs étrangers. Il nous faut établir un réseau plus large de contrôle de l’immigration afin que le filtrage de sécurité ne soit pas laissé au point d’entrée. Pendant notre étude, on nous a dit que certains réseaux d’agents de contrôle de l’immigration (ACI) ont été créés, comme l’équipe composée de Canadiens, d’Australiens, de Néerlandais et de Suédois qui partagent des ressources à Bangkok. On nous a dit également que les autorités australiennes, américaines et britanniques avaient collaboré avec le Canada dans le filtrage des passagers aériens. Cependant, il semble que cette coopération ait été jusqu’à ce jour limitée.

Le Comité recommande :

Qu’on effectue davantage d’échanges d’information et d’activités coordonnées de renseignement avec d’autres gouvernements, pour le filtrage des voyageurs.

            Comme dans d’autres domaines abordés dans ce rapport, les effectifs outre-mer actuels font problème. Selon les chiffres de juin 2001, il n’y a que 44 ACI oeuvrant auprès des compagnies aériennes et des agents de contrôle étrangers à détecter les menaces potentielles à la sécurité et les documents frauduleux. Il s’agit là de la première ligne de défense du Canada et il faut qu’elle soit dotée de ressources suffisantes. La ministre a indiqué qu’on envisage de doubler l’effectif d’ACI et le Comité est d’avis que la dotation en ACI doit être considérée comme hautement prioritaire.

Le Comité recommande :

Qu’on engage davantage d’agents de contrôle de l’immigration pour travailler à l’étranger et qu’on fournisse les moyens d’infrastructure qui s’y rattachent. Cette mesure doit être considérée comme hautement prioritaire.

            Pour aider nos ACI dans leur travail, il faut d’autres ressources. Les aspects technologiques sont abordés ailleurs dans le rapport, mais il convient de répéter que nos agents ont besoin de meilleurs outils technologiques. On nous a également fait part du désir d’un soutien plus considérable en matière de renseignement. Cela concerne en partie l’échange d’informations avec nos alliés; nos propres services de renseignement : GRC, SCRS, Centre de la sécurité des communications, doivent fournir davantage d’aide.

Le Comité recommande :

Que la GRC, le SCRS et le Centre de la sécurité des télécommunications mettent davantage de ressources de renseignement à la disposition de nos bureaux de visa à l’étranger. Cela pourrait signifier poster davantage d’agents de la GRC et du SCRS à l’étranger.

            On s’est inquiété du personnel local embauché aux ambassades et aux consulats à l’étranger. Il y a eu des cas de pots-de-vin et de corruption; des enquêtes ont débouché sur des accusations criminelles. Le Comité note que ce personnel est essentiel à nos opérations de visa par ses compétences linguistiques. Il fait également le pont avec les communautés locales sur le plan culturel. Étant donné le rôle important de ce personnel et le fait qu’il y a eu très peu de cas de conduite incorrecte, le recours à ce personnel ne devrait pas être découragé. Cependant, le personnel recruté sur place devrait faire l’objet d’un contrôle de sécurité aussi complet que le personnel canadien, c'est-à-dire que le contrôle devrait viser le dossier criminel et comprendre d’autres vérifications.

Le Comité recommande :

Que le personnel recruté sur place dans nos postes de visa à l’étranger fasse l’objet d’un filtrage approfondi à des fins de sécurité.

            On a fait part au Comité d’inquiétudes concernant les documents d’identité et les mesures de sécurité pour les voyages par avion. Des sanctions sont prévues pour les transporteurs, afin qu’ils ne permettent pas aux voyageurs de monter à bord sans document, mais il est évident que beaucoup de voyageurs se débarrassent de leurs documents en route vers le Canada. On nous a dit que certaines compagnies aériennes mettent en sac les documents des voyageurs : les passeports, visas et autres documents de voyage sont recueillis par l’équipage et remis aux passagers à la fin du voyage, au moment de l’inspection par l’Immigration ou les Douanes. Cette démarche semble compliquée et, sur les vols embarquant des centaines de passagers, pourrait vraisemblablement causer des délais excessifs. Comme autre solution, le Comité propose d’utiliser un scanneur. La technologie numérique déjà disponible permet la mémorisation efficace et rapide des images. Si quelqu’un se présente à l’inspection primaire à l’aéroport sans document, l’information scannée pourrait facilement être retrouvée.

Le Comité recommande :

Que les documents de voyage soient scannés avant l’embarquement.

            Une autre option a été considérée par le Comité. Selon les témoins et le personnel de première ligne que nous avons rencontré aux aéroports, les douaniers et les agents d’immigration contrôlent les passagers dès leur débarquement. Cela les empêche de se débarrasser de documents entre l’avion et le comptoir de la douane ordinaire. Cela permet également de faire le lien entre les voyageurs et un vol donné. Si les documents ne sont pas scannés comme nous le recommandons, on devrait recourir davantage aux équipes au débarquement.

Le Comité recommande :

Que des équipes au débarquement soient utilisées autant que possible pour les vols présentant un danger.

            Il est également important pour la sécurité du transport aérien que le personnel canadien des frontières ait accès aux listes de passagers des compagnies aériennes avant le décollage pour le Canada, une pratique courante dans certains pays. Ce n’est pas encore obligatoire au Canada, mais le Comité sait que des modifications proposées dans le projet de loi C-42 répondraient à cette préoccupation.

Le Comité recommande :

Que les compagnies aériennes soient tenues de fournir la liste des passagers des avions à Citoyenneté et Immigration Canada avant le départ de tous les vols à destination du Canada.

            Le Canada ne dispose pas de contrôle à la sortie, mais le Comité s’est fait dire que d’autres pays, dont les États-Unis, pratiquent une forme de contrôle sur les personnes qui quittent le pays. Il peut s’agir simplement d’une carte remplie par le voyageur, mais cette information pourrait être utile aux fonctionnaires qui contrôlent nos frontières.

Le Comité recommande :

Qu’afin de partager l’information avec d’autres gouvernements, nous tentions d’accéder à l’information que ces pays obtiennent des voyageurs à leur sortie.

            Cependant, le Comité affirme que l’accès à cette information ne devrait pas diminuer la vigilance de nos procédures de filtrage.

E. Exécution et mise en oeuvre du programme

            i. Rôle accru des agents d’immigration à la ligne d’inspection primaire

            Toutes les personnes qui entrent au Canada, que ce soit à un poste frontalier ou à un aéroport, arrivent à la ligne d’inspection primaire (LIP), où elles sont interrogées par un agent de douane, qui doit décider s’il faut les admettre ou non ou leur faire subir un deuxième interrogatoire aux fins de l’immigration. La décision d’admettre une personne est laissée à la discrétion de l’agent, sous réserve de la liste de renvoi obligatoire dont font partie :

  • les personnes que l’on croit être non admissibles;

  • les personnes — autres que les Canadiens — qui ont été accusées ou reconnues coupables d’un acte criminel;

  • les personnes dont le renvoi a été demandé par Citoyenneté et Immigration Canada;

  • les personnes qui demandent le statut de réfugié ou l’asile;

  • les personnes qui ont l’intention de séjourner plus de six mois.

            Les personnes soumises à un deuxième interrogatoire sont souvent des étudiants ou des gens qui viennent au Canada pour y travailler. À cette étape, on vérifie s’ils ont en leur possession les documents nécessaires pour étudier ou travailler ou on les leur remet, au besoin. Les revendicateurs du statut de réfugié doivent eux aussi se soumettre à un deuxième interrogatoire. Environ 98 % des voyageurs qui arrivent au Canada franchissent la LIP sans problème, tandis que les 2 % restants font l’objet d’un deuxième interrogatoire par des agents d’immigration.

            Les agents de douane reçoivent une certaine formation en matière d’immigration, mais leur travail à la LIP les oblige à appliquer 55 lois différentes, la Loi sur l’immigration n’étant qu’une parmi tant d’autres. Le Comité s’est fait dire qu’une plus grande présence d’agents d’immigration à la LIP améliorerait la sécurité. Cela ne veut pas dire que toutes les vérifications aux fins de l’immigration devraient être effectuées à la LIP, mais simplement que cela assurerait l’application uniforme des formalités d’immigration. Il est possible qu’une plus grande présence d’agents d’immigration à la LIP ralentisse le traitement des voyageurs, mais cet inconvénient pourrait être corrigé grâce à des innovations comme le programme NEXUS, dont il a été question précédemment, qui s’adresse aux voyageurs réguliers qui présentent peu de risques.

            On a laissé entendre au Comité que l’une des solutions consisterait peut-être à faire en sorte que les douanes et l’immigration relèvent d’une seule et même entité, ou à restructurer le système actuel de façon que les agents de douane et les agents d’immigration reçoivent une formation qui les rendent entièrement polyvalents. À titre d’exemple, certaines autorités frontalières ont cité le système américain où les agents de l’USCS et de l’USINS reçoivent une formation multidisciplinaire complète. Au point d’entrée d’Emerson (Manitoba)/Pembina (Dakota du Nord), le Comité a pu voir comment les agents de l’USCS et de l’USINS se relaient effectivement à la LIP.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada unissent leurs efforts pour améliorer la sécurité en augmentant la présence d’agents d’immigration à la ligne d’inspection primaire. Ces efforts de collaboration pourraient consister à former les agents d’immigration et les agents de douane pour les rendre entièrement polyvalents ou, peut-être, à regrouper les deux organes en une seule et même entité.

            Il importe également d’assurer une présence suffisante d’agents d’immigration aux points d’entrée maritimes. Le traitement du trafic maritime, parce qu’il est en grande partie commercial, est principalement assuré par des agents de douane. Toutefois, des incidents comme celui des quatre navires qui sont arrivés sur les côtes de la Colombie-Britannique à l’été 1999 avec 599 migrants chinois à leur bord, font ressortir la nécessité de la présence d’agents d’immigration aux ports. Le Comité a été surpris d’apprendre que, depuis le début des années 1990, un seul agent d’immigration est affecté à temps plein au port de Vancouver. Cette situation limite sérieusement la capacité de traitement, en particulier entre avril et octobre, lorsque le port de Vancouver accueille chaque jour en moyenne trois bateaux de croisière transportant chacun environ 1 500 passagers et 1 000 membres d’équipage.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada veille à affecter suffisamment de personnel aux points d’entrée maritimes de tout le pays pour que leur capacité de traitement suffise à répondre à la demande, en particulier entre le début du printemps et la fin de l’automne.

ii. « Faciliter» le trafic aux points d’entrée

            Le Comité note que les fonctions d’examen exercées par les agents de douane et les agents d’immigration aux points d’entrée les obligent à faire de constants compromis entre les besoins en matière de facilitation et les exigences en matière d’exécution. De plus, il importe de comprendre que chaque point d’entrée est différent et que les besoins peuvent varier de l’un à l’autre. Le point d’entrée du pont Ambassador à Windsor, en Ontario, qui est le poste frontalier le plus occupé avec environ 11 millions de voyageurs chaque année, aura évidemment des besoins différents de l’aéroport de Dorval, à Montréal (Québec).

            Comme il est mentionné précédemment dans le présent rapport, l’exécution peut être améliorée grâce à des mesures pour faciliter l’entrée en toute sécurité des voyageurs réguliers présentant de faibles risques et du trafic commercial aux points d’entrée. Cette « facilitation » du trafic libère des ressources limitées qui peuvent être utilisées à des fins plus ciblées pour détecter les voyageurs ou les marchandises présentant des risques élevés et les empêcher d’entrer au Canada. Les initiatives visant des points d’entrée aéroportuaires et terrestres, comme celles décrites précédemment — CANPASS, NEXUS, CANPASS-Aéroports, programmes d’autocotisation des douanes et système d’examen avant l’arrivée — constituent des pas importants vers la mise en place d’une frontière sûre et perméable.

            Le Comité s’est fait dire qu’un projet pilote prometteur avait récemment été lancé à l’aéroport de Dorval, à Montréal (Québec), en vertu duquel une ligne d’inspection distincte a été créée pour les voyageurs en provenance de l’étranger. Que ces gens soient des étudiants, des travailleurs temporaires ou de nouveaux résidents permanents, parce que leur entrée a été approuvée au préalable à l’étranger, leur traitement se fait dans une salle distincte en présence d’agents de douane et d’agents d’immigration qui effectuent ensemble les interrogatoires primaire et secondaire. Le fait de retirer ces personnes des lignes générales d’inspection primaire et secondaire a considérablement réduit le trafic global et les délais. Le Comité est d’avis que l’efficacité de ce projet devrait faire l’objet d’une évaluation attentive et, que s’il porte fruit autant qu’il semble vouloir le faire, sa mise en œuvre soit étendue aux aéroports internationaux de tout le pays.

            De plus, ce traitement distinct des voyageurs qui arrivent de l’étranger munis de visas pourrait être complété par la création d’une ligne distincte pour les citoyens nord-américains et les résidents permanents semblable à celle réservée aux « résidents de l’Union européenne » dans certains aéroports en Europe. Ces voyageurs seraient quand même assujettis à tous les contrôles de la LIP et, au besoin, à ceux de la ligne secondaire par mesure de sécurité, mais une telle initiative rationaliserait considérablement l’ensemble du système d’inspection des voyageurs à l’arrivée.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada vérifient et évaluent conjointement l’efficacité des mesures prises pour « faciliter» le traitement des passagers aériens et envisage de mettre en œuvre celles qui portent fruit dans les aéroports internationaux de tout le Canada.

iii. Normes nationales en matière de sécurité aux points d’entrée

            Le Comité s’inquiète au sujet de certaines mesures de sécurité en vigueur aux points d’entrée aéroportuaires et terrestres. Dans les aéroports, les personnes qui prennent un vol doivent remettre leur bagage à main pour qu’il soit passé aux rayons X et éventuellement fouillé par un agent de sécurité. Ce sont les transporteurs aériens qui engagent ces agents de sécurité et le Comité s’est fait dire que les contrats à cette fin sont généralement octroyés à l’agence de sécurité qui offre le meilleur prix, sans aucune garantie quant à la qualité du service offert.

            De plus, le Comité a appris que les mesures de sécurité auxquelles doivent se plier les employés des aéroports varient d’un aéroport à l’autre. Depuis les événements du 11 septembre, tous les employés de l’aéroport international de Dorval, à Montréal, sont maintenant tenus de passer par une zone de sécurité générale, où ils doivent présenter leur carte d’identité et passer par un détecteur de métal — avant d’entrer dans leur aire de travail. Toutefois, dans d’autres aéroports internationaux au Canada, les employés munis de laissez-passer peuvent circuler librement dans les aires de départ des aéroports sans avoir à se soumettre à des contrôles de sécurité. Le Comité croit qu’une autorité responsable de la sécurité dans les aéroports nationaux devrait être créée afin d’évaluer les besoins en matière de sécurité et de mettre en œuvre des mesures de sécurité rigoureuses et uniformes dans tous les aéroports internationaux du pays. Nous estimons important que tous les non-voyageurs — notamment les employés des aéroports — soient tenus de se soumettre à un contrôle de sécurité pour avoir accès aux aires de départ.

            Le Comité s’est fait dire qu’une « évaluation des menaces » se devait d’être effectuée à tous les postes frontaliers terrestres afin d’aider à améliorer les normes de sécurité en vigueur à chaque endroit. Les mesures proposées au Comité portent notamment sur l’installation de vitres pare-balles et une présence visible accrue d’agents en uniforme, comme des agents de la GRC. Les mesures de sécurité particulières peuvent varier d’un poste à l’autre le long de la frontière, en fonction de facteurs comme le volume du trafic, la situation géographique et les ressources disponibles.

Le Comité recommande :

Qu’une autorité responsable de la sécurité dans les aéroports nationaux soit créée afin d’évaluer les risques pour la sécurité et de mettre en œuvre des normes de sécurité rigoureuses et uniformes dans tous les aéroports internationaux du Canada.

Que tous les non-voyageurs — y compris les employés des aéroports — soient tenus de passer par un contrôle de sécurité avant d’accéder à une aire de départ.

Qu’une évaluation des menaces soit effectuée à tous les postes frontaliers terrestres afin de faciliter l’établissement de normes de sécurité à chaque endroit.

iv. Outils de protection pour les agents

            Le Comité a appris que les agents de douane et d’immigration sont actuellement autorisés à utiliser des matraques, du gaz poivré et des menottes, s’ils ont suivi une formation spécialisée à cette fin. Certains agents d’immigration se sont dits frustrés par la politique actuelle qui les oblige à consulter un gestionnaire avant d’utiliser un outil comme le gaz poivré. Ils ont expliqué que cette obligation va complètement à l’encontre du but recherché, puisque le gaz poivré sera le plus souvent utilisé spontanément à des fins de légitime défense dans une situation dangereuse.

            À l’heure actuelle, ni les agents de douane ni les agents d’immigration ne sont armés, contrairement aux agents de l’USCS et de l’USINS qui, eux, le sont. Le Comité a entendu différents sons de cloche en ce qui a trait à la nécessité ou non de munir nos agents de douane et nos agents d’immigration d’une arme. Certaines autorités frontalières n’en voient pas la nécessité, de façon générale, mais estiment que certains agents spécialisés devraient peut-être être armés dans certaines circonstances. D’autres, comme l’Union Douanes et Accise, soutiennent pour leur part que le fait d’être armés permettrait aux agents de douane de s’acquitter plus efficacement de leur rôle d’agents de la paix. Ceux-ci doivent régulièrement confisquer des armes à feu, en particulier aux points d’entrée occupés, et sont constamment confrontés à des impondérables, puisqu’ils ne savent jamais ce qu’ils vont trouver à l’intérieur de la prochaine voiture qui va se présenter à leur poste de contrôle. Le Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada estime qu’il y a une demande pour des armes à feu de la part des agents d’exécution de la Loi sur l’immigration affectés à des postes intérieurs, en particulier à Toronto, mais pas autant de la part des agents en poste à la frontière. De façon générale, on s’entend pour dire qu’il devrait y avoir une plus grande présence d’agents armés aux points d’entrée, que l’on choisisse d’armer les agents en poste ou d’y affecter davantage d’agents de la GRC et d’autres policiers. Le Comité estime que cette dernière solution serait la plus appropriée.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence canadienne des douanes et du revenu du Canada unissent leurs efforts pour s’assurer que leurs agents ont à leur disposition suffisamment d’outils de protection et ont reçu la formation et l’autorisation nécessaires pour les utiliser au besoin.

Qu’il y ait une plus grande présence de policiers armés en uniforme aux points d’entrée, par exemple des agents de la GRC ou de la police locale.

v. Détention des demandeurs d’asile

            La question de la détention des demandeurs d’asile est un autre sujet qui a fait l’objet de beaucoup de discussions au cours des délibérations du Comité. En vertu de la nouvelle Loi, les ressortissants étrangers peuvent être arrêtés et détenus sans mandat, si l’agent d’immigration n’est pas satisfait des preuves d’identité fournies. Ils peuvent aussi être détenus au moment de l’entrée, si l’agent juge nécessaire d’effectuer un contrôle ou s’il a des motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont interdits de territoire pour raison de sécurité. La détention peut se poursuivre, si la Section de l’immigration est convaincue :

  • qu’ils constituent un danger pour la sécurité publique;

  • qu’ils se soustrairont vraisemblablement aux procédures ultérieures;

  • que le ministre prend des mesures pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner qu’ils sont interdits de territoire pour raison de sécurité;

  • que le ministre estime que leur identité n’a pas été prouvée et fait des efforts valables pour l’établir.

            Le Comité a entendu des témoignages selon lesquels il n’est pas rare, compte tenu des circonstances dans lesquelles les gens fuient les persécutions, que les demandeurs d’asile arrivent ici sans papier. Les agents d’immigration procèdent à un interrogatoire serré et enclenchent maintenant presque immédiatement des vérifications auprès de la GRC et du SCRS. Si les agents ne sont pas satisfaits des preuves d’identité fournies par un demandeur ou craignent que celui-ci puisse présenter un risque pour la sécurité publique, ils ont la marge de manœuvre voulue pour ordonner sa détention. Certains soutiennent avec vigueur que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire est préférable à la détention automatique, qui expose inévitablement des personnes innocentes à être privées de leur liberté. Cela est particulièrement regrettable lorsqu’il s’agit de femmes et d’enfants.

            Il importe que les agents d’immigration prennent en considération les différences culturelles au moment d’envisager la détention. Ils doivent être sensibles au fait que, dans de nombreux pays, les représentants gouvernementaux sont perçus avec appréhension. De même, les barrières linguistiques et autres doivent entrer en ligne de compte au moment de l’évaluation générale, pour faire en sorte que les dispositions concernant la détention soient appliquées de manière non discriminatoire.

Le Comité recommande :

Que la détention continue à faire partie des mesures utilisées pour assurer la sécurité de nos frontières. Toutefois, le Comité insiste pour que les personnes soient détenues pour la période minimale nécessaire et qu’un contrôle de la détention soit effectué dans un délai de 48 heures, comme cela est envisagé à l’article 57 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Qu’on évite de détenir des mineurs et que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue un facteur dans les décisions liées à la détention.

            En règle générale, il y a très peu de cas où les demandeurs d’asile devraient être mis en détention. Toutefois, le Comité se rend compte qu’il y a lieu de détenir certains individus de manière systématique, entre autres ceux qui refusent de collaborer à l’établissement de leur identité. Nous avons déjà fait cette recommandation dans notre rapport de mars 2000.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada veille à ce que les demandeurs non munis de documents et qui ne veulent pas collaborer à l’établissement de leur identité soient détenus.

            Le Comité a obtenu des statistiques générales sur la détention de la part de CIC, qui l’a informé que les systèmes du Ministère n’enregistraient pas les données relatives aux motifs de détention. On ne peut donc savoir exactement combien de gens sont détenus pour avoir refusé de collaborer à l’établissement de leur identité, pour des raisons liées à la criminalité ou pour d’autres motifs. Le Comité s’inquiète du fait que les détails concernant la détention de milliers de personnes chaque année (9 138 au cours de l’exercice 2000-2001) ne soient pas disponibles. Il est clair que de tels renseignements sont nettement nécessaires pour l’élaboration des politiques.

Le Comité recommande :

Qu’on tienne des statistiques plus détaillées sur les détentions dans le cadre de l’immigration, et en particulier sur les motifs de détention, et que ces statistiques figurent dans le rapport annuel au Parlement du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

            En ce qui concerne les installations actuelles de détention, le Comité s’est fait dire que les détenus sont souvent incarcérés dans des prisons situées à proximité. Certains points d’entrée sont dotés d’aires de détention à court terme, mais ne peuvent accueillir de détenus pour la nuit. Les demandeurs du statut de réfugié ne devraient pas être traités comme des criminels. Il faut créer des installations de détention adéquates. À cet égard, le Comité approuve la construction prévue d’installations dans la région du Grand Toronto.

Le Comité recommande :

Qu’on établisse là où c’est nécessaire des installations de détention à long terme pour les demandeurs du statut de réfugié dont on ordonne la détention.

            Les agents d’immigration de première ligne ont exprimé leur mécontentement au sujet du processus d’examen des détentions à la Section d’arbitrage de la CISR. Bien entendu, il est nécessaire qu’un arbitre indépendant et quasi judiciaire examine les situations où une personne est privée de sa liberté. Le Comité prend acte également des lignes directrices du HCR sur la détention, qui mettent l’accent sur le droit fondamental à la liberté et sur le droit de demander et d’obtenir asile. Cela dit, certains agents d’immigration sont d’avis que la libération de certains individus par la CISR est parfois contre-indiquée. Une amélioration des communications s’impose dans la mesure où, aux audiences sur l’examen de la détention, il n’est pas possible de disposer de renseignements pertinents de la part de l’agent qui a ordonné la détention en premier lieu. Par ailleurs, les agents de première ligne profiteraient grandement d’une formation et d’une orientation plus approfondies en ce qui concerne la procédure d’arbitrage et la jurisprudence à cet égard.

Le Comité recommande :

Qu’on améliore la formation des agents d’immigration en ce qui concerne la jurisprudence de l’examen des motifs de détention.

Que le Ministère veille à ce que tous les renseignements pertinents recueillis par les agents d’immigration de première ligne soient présentés à la Section d’arbitrage.

vi. Arriérés des mesures d’expulsion

            Lorsqu’un avis d’interdiction de séjour est émis, on informe la personne visée qu’elle doit signaler son départ si elle décide de quitter le pays de son propre chef. Beaucoup de gens le font mais, malheureusement, certains d’entre eux seulement obtiennent une attestation de départ de CIC. On ne sait pas au juste combien de gens ont quitté volontairement le pays après avoir fait l’objet d’une ordonnance de renvoi.

            On a signalé dans des reportages qu’environ 27 000 personnes visées par une ordonnance d’expulsion étaient encore au Canada et qu’on ne savait pas où elles se trouvaient. Ce chiffre est trompeur. Bon nombre de ces gens ont sans doute quitté le pays sans le dire. D’autres sont peut-être en train de purger une peine de prison. Certains attendent les documents de voyage nécessaires, tandis que d’autres encore attendent d’être déportés à cause de la situation qui règne dans leur pays d’origine. Il convient également de noter que tous ces gens ne sont pas déportés parce qu’ils constituent un risque ou un danger pour la sécurité du public canadien. Beaucoup sont simplement restés plus longtemps que ne l’autorisait leur visa de visiteur ou d’étudiant, ou ils ont travaillé ou fréquenté un établissement d’enseignement au Canada sans avoir l’autorisation nécessaire.

            CIC sait où se trouve bon nombre de ces personnes, mais un ordre de priorité est accordé aux renvois. On a indiqué au Comité que, pour les renvois, l’ordre de priorité est le suivant : premièrement, les criminels; deuxièmement, les demandeurs du statut de réfugié qui ont été déboutés et qui reçoivent de l’assistance sociale; troisièmement, tous les autres demandeurs déboutés; et, enfin, ceux qui ont prolongé indûment leur séjour.

            Comme moyen possible de réduire l’arriéré ainsi que la charge de la direction de CIC responsable de l’exécution de la Loi, le Comité a envisagé l’option d’assouplir les exigences du droit d’établissement pour certaines personnes se trouvant au Canada. De tels programmes ont déjà été utilisés. Bon nombre de ceux qui se trouvent illégalement au Canada ne constituent aucune menace pour notre société et ont de la parenté ici. On devrait par conséquent accorder une considération spéciale à ceux qui peuvent faire la preuve qu’ils ont des liens avec notre pays, que leur dossier est vierge et qu’ils peuvent vraisemblablement être autosuffisants.

            Le Comité observe que bon nombre de ces gens travaillent actuellement de manière illégale, qu’ils ne paient pas d’impôt ni ne bénéficient de la protection des lois canadiennes du travail. Ces deux conséquences touchent des gens qui n’ont pas de statut; elles ne sont donc pas souhaitables. Le Comité est également au courant du fait que, à cause d’une pénurie de ressources humaines, certaines industries dépendent de ces travailleurs.

Le Comité recommande :

Qu’on assouplisse les exigences du droit d’établissement en ce qui concerne les demandes faites pour des raisons d’ordre humanitaire dans le cas de personnes qui se trouvent illégalement au Canada, qui peuvent démontrer qu’elles ne constituent aucun risque pour notre pays et qui sont autosuffisantes.

vii. Combattre le crime organisé (trafic illicite de migrants)

            Le Comité considère qu’il est crucial de travailler avec d’autres pays afin d’élaborer continuellement de nouveaux outils et méthodes pour combattre le crime organisé, en particulier le passage de clandestins et le trafic de personnes. De toute évidence, il s’agit d’un problème mondial qui nécessite une coopération à grande échelle, les profits de ces activités étant souvent utilisés pour financer le terrorisme dans de nombreux pays. La nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sera utile à cet égard, car elle établit de nouvelles infractions visant les produits du crime ainsi que des peines beaucoup plus sévères pour le trafic illicite de migrants.

            Il importe de définir des infractions plus rigoureuses et d’imposer des peines plus lourdes car le Comité a pris connaissance de l’irritation d’enquêteurs de la GRC qui peuvent parfois consacrer des semaines à réunir et à organiser une preuve en vue de faire condamner des passeurs, pour se faire dire ensuite par un procureur de la Couronne que les liens sont insuffisants pour une condamnation. En outre, lorsqu’une condamnation est possible, l’individu peut simplement écoper de deux semaines de prison et d’une amende de 300 $ : les passeurs ne craignent pas ces peines et les acceptent comme le prix à payer pour leurs activités illicites.

            Le Comité observe que le projet de loi C-42, Loi sur la sécurité publique, modifierait l’actuelle Loi sur l’immigration de façon à mettre en œuvre les dispositions de la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés concernant le passage de clandestins avant que cette dernière n’entre en vigueur le 28 juin 2002. Par exemple, les peines seront sensiblement plus lourdes pour les infractions qui consistent à organiser l’entrée au Canada de personnes non munies des documents nécessaires ou à débarquer des personnes en mer; de même, une nouvelle infraction, le trafic de personnes, sera créée, qui entraînera de lourdes peines.

Le Comité recommande :

Que, compte tenu de la nature sérieuse des infractions liées au trafic illicite de migrants, dont témoignent les amendes et peines d’emprisonnement plus lourdes prévues dans la nouvelle Loi, les procureurs soient encouragés par CIC et Justice Canada à ne ménager aucun effort pour imposer des peines plus sévères.

            Dans le cadre du programme Vision de la frontière relatif à la sécurité, le Canada vient de participer à la plus vaste opération internationale anti-passeurs à ce jour, l’opération « Crossroads », à laquelle ont pris part des organismes de police du Canada, des États-Unis et de 12 pays de l’Amérique latine et des Caraïbes. Les agents canadiens de contrôle de l’immigration ont aidé à repérer des documents falsifiés et à empêcher la circulation de voyageurs n’ayant pas les documents voulus. Grâce aux renseignements recueillis, on a pu démanteler des réseaux de trafic de personnes couvrant le Mexique, l’Amérique centrale et les Caraïbes, ce qui a mené à l’arrestation de 7 898 personnes en juin 2001.

            On a signalé au Comité à maintes reprises que les partenariats officiels et officieux constituent le meilleur moyen de maximiser les ressources à l’intérieur du pays et à l’échelle internationale. Chaque renseignement enregistré dans une base de données pourrait s’avérer l’élément manquant d’une chaîne d’événements criminels, par exemple l’arrivée dans différents pays ou régions d’un certain nombre de personnes utilisant la même identité ou la même adresse. En outre, les agents des douanes et de l’immigration sont constamment à l’affût des mêmes « histoires » répétées par différentes personnes en provenance de la même région du monde. Le Comité s’est fait donner des exemples de telles histoires par des responsables à l’aéroport international de Vancouver. Entre autres, des gens prétendent venir au Canada pour une visite de trois jours à Victoria, Calgary et Toronto, ou pour passer trois jours dans un hôtel de Surrey, une agglomération située à proximité de la frontière canado-américaine et qui, de façon générale, n’est pas une destination touristique courue.

Le Comité recommande

Que le gouvernement du Canada continue de travailler en collaboration étroite avec les États-Unis et d’autres pays dans le cadre d’opérations communes visant à combattre le crime organisé, y compris le trafic illicite de migrants.

Que Citoyenneté et Immigration Canada continue de promouvoir des partenariats régionaux, nationaux et internationaux afin de faciliter la libre circulation de renseignements utiles, dans le respect de la Charte canadienne des droits et libertés.

F. Ressources et technologie

            Partout où il s’est rendu, le Comité a entendu répéter avec force qu’il faut davantage de ressources. Il est impossible d’améliorer les conditions aux ports d’entrée, en particulier depuis le 11 septembre, sans des augmentations aux chapitres du personnel, de la formation, de la collecte de renseignements, des partenariats et de l’utilisation de la technologie. Pour réaliser tous ces changements, il faut plus de ressources aux points d’entrée. Le Comité s’est fait dire que pratiquement tous les secteurs opérationnels pourraient utiliser davantage de ressources. Le message était : « Donnez-nous plus de ressources et nous saurons comment les utiliser à bon escient ».

Le Comité recommande :

Que les organismes gouvernementaux pertinents, y compris Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence canadienne des douanes et du revenu, évaluent en commun tous les besoins en ressources aux points d’entrée. Par suite de cette évaluation, le gouvernement du Canada devrait affecter davantage de ressources aux points d’entrée afin d’assurer la sécurité à la frontière et de faciliter le mouvement du trafic frontalier à faible risque.

i. Un personnel plus nombreux

            Avant le 11 septembre, de nombreux agents des douanes et de l’immigration partout au pays étaient stressés et surchargés de travail. On a signalé au Comité que, depuis le 11 septembre, cette situation s’était sérieusement aggravée et qu’elle ne pourrait continuer très longtemps avant qu’un grand nombre d’employés ne soient démotivés et ne souffrent d’épuisement professionnel. Ces conditions ne sont pas attribuables uniquement aux événements du 11 septembre, mais également aux réductions de personnel datant du début et du milieu des années 1990, conjuguées à des attentes et à des exigences opérationnelles de plus en plus fortes. Aux points de passage de Windsor, le nombre d’employés est demeuré pratiquement le même depuis 1977. Les agents à la frontière trouvent irritant de voir que selon la perception du public, leurs ressources sont supérieures à ce dont ils disposent réellement : à l’heure actuelle, les ressources humaines ne suffisent pas à répondre à la demande.

            Aux points d’entrée tout le long de la frontière terrestre, les gestionnaires ont été obligés de répartir un même nombre d’employés dans des postes de travail plus nombreux afin de pouvoir laisser ouverts plus longtemps les points de passage et d’effectuer des contrôles préliminaires de sécurité plus rigoureux. La majeure partie de ce travail a été accompli avec les ressources existantes, souvent grâce à un recours régulier au temps supplémentaire, une pratique qui augmente le stress et le surmenage et qui exerce de nouvelles ponctions dans les budgets régionaux déjà lourdement grevés.

            On a aussi fait valoir au Comité qu’un plus grand nombre d’employés sont nécessaires pour le soutien ministériel; il faut donc du personnel administratif pour traiter les détails et faire le travail d’écritures, de façon à libérer les agents de première ligne pour qu’ils puissent concentrer leurs efforts sur les activités d’inspection. Le Comité a aussi remarqué un manque de personnel à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et dans les services chargés d’exécuter les ordonnances de renvoi et les services de détention.

Le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada affecte des ressources suffisantes pour répondre aux besoins actuels des douanes et des services de l’immigration aux points d’entrée du pays.

Qu’il recrute à cette fin plus d’agents de première ligne et de personnel de soutien administratif et grossisse l’effectif de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Il y aurait également lieu d’affecter plus de personnel aux services chargés d’exécuter les ordonnances de renvoi et aux services de détention.

ii. Échelles salariales différentes pour les douanes et l’immigration

            On a signalé au Comité qu’un écart s’était creusé récemment entre la rémunération des agents des douanes et celle des agents de l’immigration, écart qui favorise les premiers. Cela est cause de mécontentement chez les agents d’immigration, qui subissent les mêmes pressions et contraintes en matière de ressources que les agents des douanes. Le Comité comprend que cet écart est largement attribuable au fait que CIC et l’ADRC sont maintenant des organismes différents. Le Comité est d’avis qu’en utilisant une seule échelle salariale, on pourrait plus facilement faire en sorte que le personnel des points d’entrée soit rémunéré de façon équitable et uniforme.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence canadienne des douanes et du revenu étudient avec leurs agents négociateurs la question de la rémunération des employés de l’immigration et des douanes affectés aux points d’entrée.

iii. Formation

            Le Comité a entendu des douaniers dire qu’ils n’avaient pas reçu assez de formation en immigration. C’est une des raisons qui explique la nécessité d’accroître la présence des services de l’immigration à la ligne d’inspection primaire décrite ci-dessus. L’Union Douanes et Accise a dit au Comité que le calcul du nombre d’employés est si serré par rapport au volume de travail que le départ en formation de quelques douaniers devient problématique. Le Comité croit que tous les douaniers doivent recevoir une formation adéquate en immigration et que CIC devrait vérifier si leurs connaissances dans ce domaine sont suffisantes.

            De plus, durant les mois d’été, de nombreux étudiants sont engagés aux points d’entrée et ils suivent généralement une formation de deux semaines qui leur permet à peine de comprendre les détails de la loi qu’ils sont chargés d’appliquer. Mais on a dit aussi au Comité que les étudiants travaillaient très bien dans de nombreux points d’entrée et que plusieurs restaient à la fin de l’été ou y retournaient à temps plein après leurs études, forts de l’expérience acquise. Le Comité appuie le recours aux services d’étudiants dans les points d’entrée, mais recommande qu’on les supervise de près au début pour s’assurer que leur formation leur permet de bien s’acquitter de leurs fonctions. Si ce n’est pas le cas, ils devraient recevoir un supplément de formation.

            Des agents travaillant à différents points d’entrée ont fait part de leur incertitude concernant certains aspects légaux du processus d’inspection. Le Comité a été fort intéressé par un projet pilote très novateur mené à l’aéroport de Dorval : les agents de première ligne et les enquêteurs peuvent consulter des avocats de Justice Canada sur des questions juridiques comme la conformité à la Charte canadienne des droits et libertés. On a dit au Comité que les agents se sentaient mieux épaulés et plus en confiance en sachant qu’ils peuvent compter sur des experts en droit dans les situations difficiles.

            Le Comité n’est pas sans savoir que les agents de première ligne se trouvent parfois dans des situations pénibles lorsqu’ils ont affaire à des voyageurs extrêmement désagréables ou qu’ils sont victimes d’intimidation ou de violence. Le Comité juge important que leur formation leur enseigne à réagir à ces comportements abusifs sans mettre leur propre sécurité en péril.

            Les gestionnaires et les employés des points d’entrée se demandent comment ils vont pouvoir absorber toute la formation requise pour l’entrée en vigueur le 28 juin 2002 de la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, tout en continuant de s’acquitter de leurs fonctions. Il n’y a en ce moment aucune marge de manœuvre, du point de vue du temps ou des ressources, pour de nouveaux programmes de formation. Nous avons appris que CIC avait dégagé des ressources importantes en prévision de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi et nous recommandons que la formation constitue un poste clé de cette affectation de ressources.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada dégagent des ressources pour bien former tous les douaniers en immigration. Citoyenneté et Immigration Canada ne devrait rien ménager pour que les connaissances des douaniers dans ce domaine soient suffisantes.

Qu’on suive de près les étudiants engagés et formés pour travailler aux points d’entrée et que l’on s’assure que leur formation leur permet de bien s’acquitter de leurs tâches. Sinon, ils devraient recevoir un supplément de formation.

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada collaborent avec Justice Canada pour offrir de l’aide juridique en tout temps aux agents affectés aux points d’entrée et aux enquêtes.

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada veillent à ce qu’on enseigne aux agents de première ligne comment réagir aux comportements abusifs — vulgarité extrême, intimidation et violence de la part de voyageurs — sans mettre leur propre sécurité en péril.

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada consacrent suffisamment de ressources à l’application de la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et tiennent compte du fait que la formation nécessaire et la permanence du service doivent se chevaucher.

iv. Renseignement et capacité mobile

            Le Comité s’est fait dire à maintes reprises que le besoin d’accroître les ressources destinées aux services de renseignement était pressant : il faut plus d’agents du renseignement, plus d’agents du contrôle de l’immigration à l’étranger, une meilleure coordination des interactions entre les partenaires du renseignement, plus de technologies axées sur le renseignement et davantage de ressources et de moyens de déplacement pour effectuer les enquêtes de renseignement. On nous a dit que dans toute la région du sud de l’Ontario, la région frontalière la plus achalandée du pays, CIC avait un seul agent du renseignement.

            Le Comité a été impressionné par le réseau de renseignement national de CIC, qui comprend des représentants de toutes les régions et des principales entités de CIC à Ottawa. Les tâches du réseau consistent à :

  • gérer et entretenir les partenariats avec les autres services de police et de renseignement;

  • appuyer les agents d’immigration, les services de l’ordre ainsi que les agents de contrôle de l’immigration à l’étranger;

  • analyser les documents frauduleux saisis;

  • faire un suivi des tendances en matière de migration et d’arrivées par bateau illégales.

            Les employés de nombreux points d’entrée nous ont dit que les relations avec la GRC et le SCRS étaient excellentes, mais qu’il fallait mieux coordonner les échanges d’information et les interactions entre les nombreux organismes partenaires. Le Comité juge prioritaire d’améliorer ces interactions, car le renseignement est un facteur de dissuasion fondamental et une mesure de prévention contre les activités illégales aux frontières.

            En plus des ressources humaines et de la coordination, le Comité estime que les outils suivants s’imposent pour assurer un bon service de renseignement : la technologie et la capacité mobile. L’utilisation des outils biométriques doit devenir la norme aux points d’entrée, par exemple, les cartes de proximité et les systèmes de dactyloscopie électroniques. On a dit au Comité que la fusion des bases de données canadienne et américaine sur les avis de surveillance serait une amélioration notable, surtout pour l’examen des demandes de visa.

            Par ailleurs, le Comité est d’avis que le personnel des points d’entrée a besoin d’une plus grande capacité mobile pour recueillir les données de renseignement. Les Équipes intégrées de la police des frontières dont on a parlé plus haut permettent de faire un bon pas dans cette direction et devraient être déployées partout sur la frontière. Ces équipes sont capables de faire du travail d’application de la loi et de renseignement; elles peuvent poursuivre des personnes ayant traversé la frontière illégalement à des endroits éloignés et aussi interroger des résidents locaux sur des activités douteuses dans une région frontalière éloignée. En plus des équipes, certains points d’entrée ont simplement besoin d’autres véhicules pour que les responsables de l’immigration et des douanes puissent s’occuper des problèmes entre les points d’entrée.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada et ses organismes partenaires engagent plus d’agents du renseignement au Canada et à l’étranger afin d’assurer l’amélioration requise du renseignement.

Que les interactions entre Citoyenneté et Immigration Canada et ses partenaires du renseignement soient mieux coordonnées afin d’optimiser les échanges d’information. Cet aspect devrait être prioritaire parce que le renseignement est un facteur de dissuasion et une mesure de prévention contre les activités illégales aux frontières.

Que les outils technologiques soient incorporés aux activités de renseignement lorsque c’est pertinent et possible.

Que Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada soient dotés d’une plus grande capacité mobile pour s’occuper des problèmes qui surviennent entre les points d’entrée.

v. Technologie

            Les outils technologiques dont le personnel des points d’entrée dispose en ce moment sont impressionnants, mais le Comité a constaté qu’il y a encore place à l’amélioration. La base de données de CIC sur les avis de surveillance, ou Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL), est à la disposition des agents d’immigration de ligne secondaire de tous les points d’entrée, et de l’information provenant de partout au Canada et de l’USINS y est versée régulièrement. Le Comité a cependant entendu beaucoup d’agents d’immigration se plaindre que le SSOBL est trop compliqué à utiliser parce qu’il n’y a pas encore d’interface conviviale, et peu utile parce qu’il n’est pas relié directement à la base de données de l’ADRC. Le Comité est d’avis que le SSOBL doit être le plus convivial possible et que les agents des douanes et de l’immigration doivent avoir accès en temps réel à leurs bases de données respectives.

            Les caméras du Système automatisé de surveillance à la ligne d’inspection primaire (SASLIP) qui sont en place à certains postes frontières lisent les plaques d’immatriculation des véhicules et donnent aux douaniers des données sur le propriétaire, l’immatriculation du véhicule et les éventuels avis de surveillance concernant le véhicule ou le propriétaire. Les caméras du SASLIP complètent les systèmes CANPASS et NEXUS décrits plus haut en ce sens qu’elles facilitent le débit de circulation des véhicules. Le Comité préconise l’installation de caméras SASLIP à tous les points d’entrée de la frontière ou, dans un premier temps, aux plus achalandés.

            Les agents d’immigration de la ligne secondaire ont accès aux terminaux informatiques du Centre d’information de la police canadienne (CIPC) pour effectuer des vérifications de sécurité concernant des personnes. Ils sont également en mesure de consulter la base de données Edison, qui contient des renseignements de l’étranger sur des passeports frauduleux ou modifiés. Les agents de la frontière n’ont pas accès pour l’instant à la base de données des transporteurs aériens, qui contient des renseignements sur les passagers et les réservations : le Système d’information préalable sur les voyageurs et des dossiers des passagers. Le Comité a appris que l’accès à cette base de données serait particulièrement utile dans tous les points d’entrée pour vérifier les personnes suspectes. Comme la base de données contient des renseignements comme le lieu d’achat du billet, il pourrait être plus facile de retracer l’identité et l’itinéraire de la personne.

            CIC collabore actuellement avec la GRC à différents points d’entrée pour faciliter l’installation du Système informatisé de dactyloscopie (SID) électronique afin d’accélérer le traitement des revendications du statut de réfugié et des demandes émanant de personnes potentiellement inadmissibles. En ce moment, les empreintes digitales sont prises manuellement et envoyées au siège de la GRC à Ottawa, ce qui explique que la vérification des empreintes prenne généralement entre quatre et six semaines. Avec le SID, ce travail se fera entièrement par voie électronique et le temps de vérification sera ramené à environ une heure. On pourrait aussi transmettre immédiatement l’information à l’U.S. Immigration and Naturalization Service. Le Comité préconise l’installation de la technologie SID, surtout dans les points d’entrée aéroportuaires et terrestres achalandés, afin de complémenter d’autres technologies, comme l’identification photographique.

            Lors de la visite du port de Vancouver, le Comité a été frappé par le nombre élevé de navires qui transitent régulièrement par ce port, chacun apportant ou emportant des centaines de conteneurs. Il est manifestement impossible de vérifier tous les conteneurs, mais on en vérifie quelques-uns au hasard en plus des conteneurs suspects. Le Comité a appris que CIC possédait un détecteur de chaleur à main dans la région qui permet de détecter la chaleur d’un corps dans les conteneurs. On nous a également parlé de la coûteuse technologie à rayons gamma dont on se sert en Europe pour visualiser l’intérieur des conteneurs. Le Comité estime qu’il faudrait acheter d’autres détecteurs de chaleur à main pour les points d’entrée maritimes qui accueillent un nombre élevé de navires commerciaux. L’acquisition de la technologie de visualisation intérieure aux rayons gamma devrait également être envisagée.

            Le Comité estime que CIC devrait élaborer des normes nationales à l’égard de la technologie à utiliser aux points d’entrée de l’ensemble du pays. Les besoins ne seront certes pas les mêmes partout, mais nous devrions nous doter de lignes directrices précisant ce qui est nécessaire à chaque point d’entrée.

Le Comité recommande :

Que Citoyenneté et Immigration Canada intègre son Système de soutien des opérations des bureaux locaux à une interface plus conviviale et collabore avec l’Agence des douanes et du revenu du Canada pour fusionner leurs bases de données et permettre aux agents des douanes et de l’immigration un accès croisé.

Que des voies de circulation dotées de caméras SASLIP soient aménagées à tous les points d’entrée terrestres ou, au moins dans un premier temps, aux plus achalandés.

Que le gouvernement du Canada collabore avec les transporteurs aériens pour avoir accès à leur base de données sur les passagers et les réservations, le Système d’information préalable sur les voyageurs et des dossiers des passagers, pour tous les points d’entrée.

Qu’on installe la technologie du Système informatisé de dactyloscopie dans tous les points d’entrée aéroportuaires et terrestres de manière à compléter d’autres technologies, comme l’identification photographique, utilisées dans le traitement des revendications du statut de réfugié et des demandes émanant de personnes potentiellement inadmissibles.

Que Citoyenneté et Immigration Canada achète d’autres détecteurs de chaleur à main pour les points d’entrée maritimes accueillant beaucoup de navires commerciaux avec conteneurs. L’achat de dispositifs à rayons gamma pour visualiser l’intérieur des conteneurs devrait également être envisagé.

Que Citoyenneté et Immigration Canada élabore des normes nationales régissant la technologie nécessaire aux divers points d’entrée.

vi. Installations

            On a dit au Comité que de nombreux points d’entrée sont désuets et ont besoin de travaux de réparation et de reconstruction. On nous a dit que le tunnel de Windsor et le pont Ambassador adjacent ont tous les deux environ 70 ans et montrent des signes de fatigue. Le Comité estime prioritaire et même crucial pour la sécurité des employés de moderniser, d’agrandir et de reconstruire les installations des frontières. L’aménagement d’installations canado-américaines communes est un élément essentiel de ce rajeunissement. Les travaux de reconstruction seraient également l’occasion rêvée d’incorporer les dernières innovations technologiques le long de la frontière. Il importe aussi d’améliorer les installations et l’infrastructure routière pour faciliter la circulation dans les principaux couloirs commerciaux.

Le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de Travaux publics et Services gouvernementaux, dégage des ressources pour la modernisation, l’expansion et la reconstruction des installations des points d’entrée qui sont désuètes et ont besoin de rénovations. Il faudrait envisager d’aménager des installations canado-américaines communes chaque fois que ce serait possible.

Que l’on affecte les ressources voulues pour améliorer les installations et l’infrastructure routière afin de faciliter la circulation dans les principaux couloirs commerciaux.

G. Réfugiés

            Le Comité tient à rappeler l’engagement du Canada d’assurer la protection des personnes qui demandent l’asile. Les critiques irréfléchies et non fondées contre le système canadien d’accueil des réfugiés n’étaient pas rares avant le 11 septembre, mais elles ont augmenté sensiblement depuis. Il existe des cas isolés de personnes indésirables qui sont entrées au Canada en exploitant le système de revendication du statut de réfugié, mais le Comité est convaincu que presque tous les demandeurs du statut, y compris ceux dont la demande est finalement rejetée, ne représentent aucun danger pour les Canadiens. Il est bien sûr prudent de multiplier les contrôles de sécurité vis-à-vis toutes les personnes qui entrent au Canada, mais il ne faut pas oublier que les demandeurs du statut de réfugié constituent une infime partie — moins d’un dixième de 1 % — des personnes qui entrent au Canada chaque année.