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CIMM Rapport du Comité

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PARTIE 3 : QUESTIONS RELATIVES AUX RÉFUGIÉS

A. STATUT DE RÉSIDENT PERMANENT POUR LES RÉFUGIÉS ET LES PERSONNES PROTÉGÉES ET LA CATÉGORIE DES PERSONNES PROTÉGÉES AU CANADA SANS PAPIERS (VIDE JURIDIQUE)

    Les personnes qui sont acceptées par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), soit comme réfugiés au titre de la Convention ou, dans le mandat bientôt élargi de la Commission, comme personnes ayant besoin de protection, peuvent demander la résidence permanente au Canada. Cependant, l’obtention du statut de résident permanent est souvent reportée car les règles obligent les requérants à établir leur identité une deuxième fois. Bien des requérants n’ont pas les documents jugés satisfaisants par CIC si bien que certains restent dans un « vide juridique » pendant des années. Même si la CISR a conclu qu’ils ont établi leur identité et leur crainte d’être persécutés, CIC ne leur accorde pas le droit d’établissement faute de documents d’identité satisfaisants.

    De nombreux témoins ont dit au Comité que les personnes coincées dans ce vide juridique font face à une multitude de problèmes. Elles sont incapables de parrainer des membres de leur famille désirant les rejoindre au Canada, elles ne peuvent pas obtenir de prêts étudiants, les employeurs hésitent parfois à les engager en l’absence du statut de résident permanent et elles ne peuvent pas voyager à l’étranger. Il existe en ce moment un programme spécial pour les Somaliens et les Afghans qui s’établissent au Canada, et dans le Règlement projeté on envisage de poursuivre ce programme — qui s’appellerait la catégorie des personnes protégées au Canada sans papiers. De nombreux témoins ont critiqué les programmes d’établissement sans papiers, déjà existants ou envisagés, parce que trop restrictifs et inutiles. Le Comité a trouvé ces témoignages convaincants.

    Les contrôles de sécurité commencent maintenant dès qu’un requérant du statut de réfugié présente une demande, et tant le statut de réfugié que celui de résident permanent peut être révoqué si on constate une fausse déclaration. Le Comité ne voit donc pas de raison impérieuse de ne pas se fier au constat d’identité de la CISR. Comme les témoins l’ont répété pendant les audiences, quand on détermine le besoin de protection, on détermine l’identité. Il est injuste de retenir l’établissement de milliers de personnes de crainte que certaines — sans doute un très petit nombre — ne soient pas celles que la CISR croit qu’elles sont.

    Le Règlement oblige les requérants à présenter des documents précis, comme le passeport et la carte d’identité nationale, avec la demande d’établissement. L’article 171 du Règlement projeté prévoit plutôt de recourir à une déclaration statutaire, accompagnée de documents d’identité délivrés à l’extérieur du Canada avant l’entrée de la personne au Canada. Certains témoins ont fait valoir que cette disposition demandait plus que l’arrangement conclu récemment par la Cour fédérale (l’ordonnance Aden). Quoi qu’il en soit, le Comité estime que le constat d’identité de la CISR devrait être jugé fiable et que les autres obstacles à l’établissement, comme ceux prévus dans cet article, n’ont pas lieu d’être.

    Le Comité recommande que les personnes à qui la CISR accorde le statut de réfugié ou de personne protégée reçoivent le statut de résident permanent dans un délai de 60 jours et que le constat d’identité de la CISR soit jugé valide à cette fin. La catégorie des personnes protégées au Canada sans papiers deviendrait dès lors inutile et devrait être abolie.

RECOMMANDATION 41

Les personnes à qui la CISR accorde le statut de réfugié ou de personne protégée devraient recevoir le statut de résident permanent dans les 60 jours suivant la réception de leur demande de résidence permanente, et le constat d’identité de la CISR devrait être considéré valide à cette fin.

RECOMMANDATION 42

La catégorie des personnes protégées au Canada sans papiers devrait être abolie.

 

B. RÉÉTABLISSEMENT DES RÉFUGIÉS À PARTIR DE L’ÉTRANGER

1. Survol

    Les réfugiés et les personnes vivant une situation apparentée à la condition de réfugié peuvent demander à se réinstaller au Canada. En ce moment, le réétablissement des réfugiés peut être parrainé soit par des groupes ou des organisations, soit par le gouvernement. En plus de satisfaire aux critères du statut de réfugié au sens de la Convention, les requérants doivent montrer leur capacité de s’établir au Canada. Il existe aussi deux catégories humanitaires : la catégorie du pays d’asile et la catégorie du pays source. La première comprend les personnes se trouvant à l’extérieur de leur pays d’origine et touchées personnellement par des violations massives des droits civils ou par un conflit armé, comme une guerre civile. La deuxième comprend les personnes d’un pays figurant dans l’Annexe des pays sources qui se qualifieraient comme réfugiés au sens de la Convention si elles se trouvaient à l’extérieur de leur pays d’origine.

    Le Règlement proposé maintiendrait le programme de réinstallation dans sa forme actuelle moyennant quelques modifications importantes. Tout d’abord, les réfugiés qui demandent le réétablissement, mais n’ont pas de répondants privés au Canada, devraient être référés par le Haut-Commissaire aux réfugiés des Nations Unies ou une autre organisation ayant un protocole d’entente avec le Ministre. (En fait, il est de pratique administrative courante maintenant de référer ainsi de nombreux réfugiés.) Des exceptions sont envisagées lorsqu’il n’existe pas d’organisation de référence ou, s’il en existe une, lorsqu’elle est incapable de fournir des références, ou encore lorsque les circonstances dans la région justifient l’acceptation de demandes sans référence. L’obligation d’une référence vise à faciliter la gestion du volume des demandes tandis que la désignation de régions géographiques où les références ne sont pas nécessaires donne au Ministre une certaine marge discrétionnaire dans les situations d’urgence humanitaire.

    Les critères permettant de déterminer les chances du requérant de réussir à s’établir économiquement au Canada demeureraient essentiellement les mêmes sauf que l’on ne considérerait plus sa capacité de communiquer dans une langue officielle mais plutôt d’apprendre une langue officielle. Par ailleurs, la présence de parenté au Canada constituerait un nouveau facteur à prendre en considération. Les personnes jugées « vulnérables » (ayant besoin davantage de protection que les autres réfugiés en raison d’un risque accru pour leur sécurité physique) ou ayant « un besoin urgent de protection » (c’est-à-dire faisant face à une menace immédiate d’assassinat, de violence, d’emprisonnement arbitraire ou de renvoi dans leur pays d’origine) n’auraient plus besoin de faire la preuve de leur capacité de réussir leur établissement économique au Canada.

    Le Comité a entendu des témoins faire part de certaines préoccupations concernant trois aspects du programme des réfugiés à l’étranger.

2. Capacité de s’établir

    Différents témoins ont critiqué l’obligation pour un ressortissant étranger ayant besoin de la protection conférée aux réfugiés de convaincre un agent d’immigration que lui et les membres de sa famille qui l’accompagnent pourront réussir leur établissement économique au Canada.

    La plupart des témoins qui se sont prononcés sur cette question préconisaient l’abolition pure et simple de toute obligation à respecter, mais certains ont suggéré à tout le moins de supprimer l’exigence  de « réussir son établissement économique ». Le Comité croit qu’une telle modification serait raisonnable.

RECOMMANDATION 43

Remplacer l’obligation prévue à l’article 136(1)g) selon laquelle un réfugié outre-mer doit démontrer sa capacité d’« établissement économique » par la capacité d’« établissement ».

    Les facteurs à considérer au moment d’évaluer la capacité des requérants de réussir leur établissement figurent à l’article 136(1)g) : leur débrouillardise; la présence de parents au Canada; les perspectives d’emploi en fonction de la scolarité et des compétences; et l’aptitude à apprendre à communiquer dans une langue officielle. Bien que la plupart des témoins aient indiqué qu’ils préféraient voir aboli le critère de la capacité de s’établir, d’autres ont suggéré à tout le moins qu’on n’accorde pas un poids démesuré aux facteurs individuels. Ainsi, l’absence de parents au Canada ne devrait pas en soi nuire à une demande de réinstallation.

RECOMMANDATION 44

Rendre l’article 136(1)g) plus clair et indiquer que les facteurs témoignant du potentiel d’établissement doivent être examinés dans leur ensemble afin que la présence d’un point faible n’annule pas complètement les chances d’admission.

3. Exigence de recommandation

    Le fait qu’on exige une recommandation du HCR ou d’une organisation qui a conclu une entente avec le Ministère préoccupe certains témoins. L’article 140(2) du Règlement proposé indique certaines dispositions que doit comporter toute entente conclue avec une organisation de recommandation. On a exhorté le Comité à envisager d’inclure les exigences suivantes en matière de procédure afin de garantir l’équité du processus de recommandation :

  • Une stipulation qu’avant de rendre une décision de ne pas recommander, l’organisation doit donner au demandeur un avis de son intention et la possibilité d’y répondre.

  • Une stipulation qu’avant de rendre une décision de ne pas recommander, l’organisation devrait interroger le demandeur.

  • Une stipulation que l’organisation doit fournir une copie du dossier à la Cour fédérale du Canada lorsque le demandeur conteste une décision de ne pas délivrer de visa en raison de l’absence d’une recommandation.

  • Une stipulation que l’organisation réexamine sa décision de ne pas recommander lorsque le Ministre lui en fait la demande.

    Le Comité désire s’assurer que les demandeurs de réinstallation au Canada sont traités équitablement et invite le Ministère à inclure des garanties procédurales dans l’entente.

RECOMMANDATION 45

Le Ministère devrait prévoir des exigences additionnelles quant au contenu de l’entente avec les agences de présentation afin d’assurer l’équité procédurale du processus de présentation.

4. Aucune solution durable

    L’article 136(1)(d) du Règlement proposé exige que les réfugiés cherchant à se réinstaller démontrent qu’il n’y aucune possibilité raisonnable de « solution durable », dans un délai raisonnable, dans un pays autre que le Canada. Deux témoins ont indiqué qu’à leur avis, l’expression solution durable englobait le rapatriement volontaire, la réinstallation dans un pays autre que le Canada, ou la réinstallation dans le pays de nationalité ou de résidence habituelle. Ces témoins ont fait valoir que le libellé actuel du Règlement semble permettre la réinstallation dans le pays de persécution redoutée, contre le gré de l’intéressé. Mais il semble peu probable qu’on exige le retour contre sa volonté dans son pays d’origine de quelqu’un qui satisfait aux critères du Règlement pour ce qui est d’être considéré comme réfugié au sens de la Convention.

    Si l’intention est d’inclure dans la définition de « solution durable » la réinstallation involontaire dans le pays de nationalité ou de résidence habituelle, le Comité partage les préoccupations des témoins qui ont indiqué que cela violerait les normes internationales concernant le refoulement ou le renvoi dans un pays où la personne craint d’être persécutée.

RECOMMANDATION 46

La définition de «solution durable » devrait être plus claire et devrait exclure la réinstallation involontaire dans le pays de nationalité ou de résidence habituelle.

D. Examen des risques avant renvoi (ERAR)

    Le Règlement clarifierait certains aspects du processus d’ERAR en précisant, par exemple, à quel moment une demande peut être présentée et de combien de temps dispose le demandeur pour déposer sa preuve après avoir reçu l’avis du Ministère. Dans certaines situations, une audience peut être convoquée et le Règlement prévoit également certaines directives à cet égard. Toutefois, d’autres règles quant au fond et à la procédure sont absentes du Règlement proposé.

    En ce qui concerne le délai de 15 jours pour la présentation d’une demande après réception d’un avis de CIC, certains témoins ont indiqué qu’il est tout simplement trop court. Par le passé, le Ministère acceptait un délai de 30 jours comme période raisonnable pour la présentation des demandes écrites et, comme l’ont signalé des témoins, 30 jours est le délai fixé pour présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale.

RECOMMANDATION 47

Le délai imparti pour la présentation des demandes d’examen des risques avant renvoi devrait être de 30 jours.

    En règle générale, on prévoit que le processus d’ERAR se limitera à un examen de documents. Toutefois, une audience peut être requise dans certains cas. À l’article 159, le Règlement proposé prévoit que, lorsque la crédibilité du demandeur est en cause relativement à des éléments de preuve qui ont une importance cruciale pour la prise de la décision sur la demande de protection, et que, à supposer qu’ils soient admis, ces éléments de preuve justifieraient d’accorder la protection, une audience peut être convoquée.

    Le Comité observe que le processus d’ERAR vise en partie à remédier au fait qu’en vertu de la Loi, une personne ne peut présenter qu’une seule revendication du statut de réfugié dans sa vie. Conformément au paragraphe 101(1) de la Loi, ceux dont les demandes ont fait l’objet d’un rejet ou d’une décision prononçant le retrait ou le désistement (entre autres) ne peuvent présenter une nouvelle demande à la CISR, peu importe l’évolution de la situation avec le temps. On aurait donc recours à l’ERAR dans le cas d’une personne qui, par exemple, serait rejetée par la CISR en 2003 mais qui, après être retournée dans son pays d’origine, y subirait de nouvelles persécutions en 2005 et se présenterait de nouveau à un point d’entrée canadien pour y demander refuge. De même, l’ERAR serait utilisé par une personne qui retirerait une demande faite à la CISR en 2003, croyant par erreur pouvoir retourner en toute sécurité dans son pays, et qui reviendrait au Canada l’année suivante à cause de la crainte justifiée d’être persécutée là-bas.

RECOMMANDATION 48

Le Règlement devrait prévoir la tenue d’une audience pour examiner les risques avant renvoi lorsque le demandeur ne peut présenter de demande de protection à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en raison d’un retrait ou désistement antérieur.

    Le Règlement est vague en ce qui concerne la procédure à suivre au cours d’une audience d’ERAR. Un avis serait envoyé au demandeur pour lui indiquer les questions de fait qui y seront soulevées, et la personne devrait répondre aux questions posées par un agent de l’immigration. Toutefois, aucun détail n’est fourni quant aux autres règles de procédure, comme celles qui existent pour les audiences de la CISR. Étant donné que la tenue ou non de ces audiences peut devenir une question de vie ou de mort pour certains demandeurs, le Comité est d’accord avec les témoins qui préconisent une réglementation plus détaillée.

RECOMMANDATION 49

Le Règlement devrait prévoir des règles additionnelles pour faire en sorte que l’examen des risques avant renvoi assure une protection contre le refoulement.