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CIMM Rapport du Comité

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PARTIE 2 : QUESTIONS CONCERNANT LA FAMILLE

A. ENGAGEMENTS DE PARRAINAGE

        Les engagements de parrainage pour les membres de la catégorie « regroupement familial » sont d’une durée de 10 ans. Le Règlement proposé crée divers délais. Par exemple, il est,

  • pour les conjoints, de trois ans;

  • pour les enfants à charge arrivés au Canada avant l’âge de 12 ans, de la différence entre leur âge et 22 ans;

  • pour les enfants à charge arrivés au Canada à l’âge de 12 ans ou après, de 10 ans, et

  • pour tous les autres, de 10 ans.

        Des témoins ont soutenu qu’il faudrait abandonner les engagements de parrainage pour les membres de la catégorie « regroupement familial », les jugeant inutiles du fait que les provinces et les territoires ont des lois régissant le soutien financier des membres de la famille. Mais à supposer qu’on maintienne ces engagements, ils ont fait valoir que pour les parents proches, les engagements de parrainage ne devraient durer que trois ans.

        Les défenseurs des droits des femmes ont signalé que les engagements pourraient être utilisés contre les femmes en situation de vulnérabilité, à qui on fait parfois croire qu’elles doivent continuer d’endurer des situations familiales pénibles. Les engagements peuvent être interprétés comme impliquant essentiellement une relation de dépendance. D’autres ont fait remarquer qu’une famille d’immigrants qui arriverait au Canada avec un bébé devrait en assumer la responsabilité financière pendant 21 ans, même si l’enfant requérait une assistance sociale en raison d’un handicap.

        Le Comité ne peut pas être d’accord avec les témoins qui préconisent l’élimination des engagements de parrainage. Même si nous sommes heureux que le Ministère propose de faire passer de 10 à 3 ans la durée des engagements de parrainage pour les conjoints et les conjoints de fait, nous sommes d’avis que la proposition relative aux enfants à charge est trop complexe et risque d’être injuste. Nous avons conclu qu’aucune personne de plus de 18 ans ne devrait faire l’objet d’un engagement de parrainage, à l’exception des enfants à charge qui ont 19 ans et plus à leur arrivée au Canada. Le cas échéant, l’engagement devrait être de trois ans.

RECOMMANDATION 28

Les engagements de parrainage pour les enfants à charge devraient prendre fin au 19e anniversaire de ceux-ci. Quant aux enfants à charge qui ont 19 ans et plus à leur arrivée au Canada, l’engagement de parrainage devrait être de trois ans.

 

B. QUESTIONS FINANCIÉRES CONNEXES AU PARRAINAGE

  
1. Assistance sociale

        Les témoins ont signalé au Comité deux conditions financières préalables au parrainage de membres de la famille qu’ils jugeaient préoccupantes. La première est que le fait de toucher des prestations d’assistance sociale pour une raison autre qu’un handicap empêche irrévocablement de parrainer quelque membre de sa famille que ce soit. La raison de cet empêchement est claire : la justice envers le contribuable canadien.

Les témoins ont toutefois fait remarquer au Comité que dans certains cas, le parrainage de membres de la catégorie « regroupement familial » pourrait aider le contribuable. L’immigration du conjoint, du conjoint de fait ou même des parents d’un parent seul bénéficiant de l’assistance sociale pourrait permettre à ce dernier d’améliorer son niveau de vie, dans l’hypothèse où le nouvel arrivant pourrait trouver du travail ou s’occuper des enfants. Pour cette raison, le Comité juge improductif d’interdire irrévocablement aux bénéficiaires de l’assistance sociale de parrainer des membres de leur famille et estime qu’il faut repenser cette disposition. Il recommande donc, lorsque c’est avantageux, de permettre aux bénéficiaires de l’assistance sociale de parrainer des membres de leur famille. Nous savons qu’on pourrait les y autoriser en invoquant des motifs humanitaires, mais nous préférerions que ce soit expressément prévu dans le Règlement.

Nous soulignons qu’il faudrait disposer d’éléments de preuve matérielle convaincants montrant que l’arrivée du membre de la famille aiderait celle-ci à acquérir l’autonomie. Par exemple, un conjoint ou un conjoint de fait pourrait présenter une offre d’emploi comme élément de preuve. Un parent pourrait s’engager par écrit à fournir des services de garde d’enfants ou les parents pourraient montrer qu’ils possèdent les moyens financiers permettant à la famille réunie de vivre en autonomie.

Le parrainage d’enfants à charge par des parents seuls bénéficiant de l’assistance sociale pose un problème différent. Il est clair que l’arrivée d’un enfant à charge n’est pas de nature à assurer l’autosuffisance financière de son parrain. Toutefois, en pareil cas, nous croyons que le principe de la réunification de la famille l’emporte sur les considérations financières et nous concluons que les parents seuls devraient pouvoir parrainer des enfants à charge même s’ils bénéficient de l’assistance sociale.

RECOMMANDATION 29

Il y aurait lieu d’autoriser les bénéficiaires de l’assistance sociale à parrainer un membre de la catégorie « regroupement familial » lorsqu’il peut être démontré, à l’aide d’éléments de preuve matérielle convaincants, que son arrivée permettrait fort probablement au ménage de devenir autosuffisant sur le plan financier.

RECOMMANDATION 30

Le fait qu’un parent seul bénéficie de l’assistance sociale ne devrait pas l’empêcher de parrainer des enfants à charge.

2. Revenu minimum

        La seconde condition financière préalable au parrainage qui inquiétait les témoins est la modification apportée au revenu minimum requis pour pouvoir parrainer une personne autre qu’un conjoint, un conjoint de fait ou un enfant à charge. Le Règlement actuel exige un revenu annuel égal au seuil de faible revenu (SFR) publié par Statistique Canada pour une zone équivalente à celle où réside le parrain. Le Règlement proposé exigerait le revenu annuel prévu pour les centres urbains de 500 000 habitants ou plus, sans égard au lieu de résidence du parrain, ce qui fait une différence considérable. En effet, le SFR pour une famille de quatre personnes vivant dans une zone rurale est de 22 639 $, alors qu’il est de 32 759 $ pour une famille identique vivant dans un centre urbain d’au moins 500 000 habitants. Il ne fait aucun doute que la modification aura une incidence sur la capacité de certaines personnes de parrainer des membres de leur famille.

        Le Comité épouse le point de vue d’un témoin selon lequel l’augmentation proposée à l’égard du revenu minimum requis pour pouvoir parrainer quelqu’un aura vraisemblablement un plus grand effet sur les répondantes que sur les répondants étant donné, qu’en général, les femmes sont moins bien payées que les hommes. De plus, si l’augmentation ne s’applique pas aux conjoints, aux conjoints de fait ni aux enfants à charge, il demeure que les parents constituent une composante importante de la catégorie « regroupement familial ». Ces raisons nous font hésiter à alourdir les responsabilités inhérentes au parrainage et nous incitent à recommander le maintien de la règle actuelle.

RECOMMANDATION 31

Il y aurait lieu de maintenir le revenu minimum requis pour parrainer des membres de la catégorie « regroupement familial » autres que des conjoints, des conjoints de fait ou des enfants à charge au niveau du seuil de faible revenu applicable au lieu de résidence du parrain.

C. PARRAINAGE DU FIANCÉ ET DU CONJOINT DE FAIT AVÉRÉ

        En ce moment, le fiancé peut être parrainé dans la catégorie de la famille à condition que le mariage ait lieu dans les 90 jours. Si l’agent des visas rejette la demande relative au fiancé, le parrain peut interjeter appel auprès de la Section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

        Dans le Règlement, il est proposé d’éliminer la relation de fiancé dans la catégorie de la famille et de traiter ces demandes au titre des motifs humanitaires. Il en irait de même pour les conjoints de fait avérés. Le droit d’appel serait donc perdu, et le seul recours des requérants refusés serait de présenter une demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale. L’article 38 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui empêche d’interdire de territoire les membres de la catégorie de la famille sous prétexte qu’ils pourraient constituer un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé, ne s’appliquerait pas non plus.

        Le Comité ne voit pas la raison d’être de ce changement. Les fiancés sont des membres de la catégorie de la famille depuis longtemps, et nous ne voyons pas pourquoi ils devraient être privés des droits dont jouissent les autres membres de cette catégorie. Nous recommandons le maintien des règles existantes et leur application aux conjoints de fait avérés.

RECOMMANDATION 32

Les fiancés et conjoints de fait devraient faire partie de la catégorie de la famille.

D. DÉFINITION DE « CONJOINT DE FAIT AVÉRÉ »

        Le Règlement contiendrait pour la première fois une définition de « conjoint de fait » : « Personne qui vit avec [une] personne […] dans une relation conjugale depuis au moins un an. » Cette définition est suivie d’une disposition disant que si la relation conjugale dure depuis au moins un an, mais que la cohabitation est impossible pour des raisons de persécution ou de contrôle pénal quelconque, la personne peut quand même être considérée comme un conjoint de fait.

        Les témoins ont fait certaines critiques au sujet de la définition :

  • la « persécution » et le « contrôle pénal » sont loin d’être les seules raisons expliquant que l’exigence de cohabitation n’a pas été remplie;

  • l’exigence de cohabitation pendant un an pourrait être interprétée trop littéralement;

  • l’exigence de cohabitation devrait être abandonnée ou ne constituer qu’un facteur parmi bien d’autres pour établir l’authenticité de la relation;

  • les couples de même sexe unis officiellement devant la loi d’un autre territoire devraient être reconnus dans notre droit également; et

  • on ne mentionne pas explicitement qu’un conjoint de fait peut être du même sexe ou de sexe opposé.

        Le Comité est sensible à ces préoccupations, et surtout à la question de la « persécution » et du « contrôle pénal » comme motifs de non-cohabitation. La mention de persécution, ou de persécution potentielle, dans le cas d’un couple de même sexe qui cohabiterait dans un autre pays, signifie essentiellement que le Canada les considérerait comme des réfugiés. C’est un critère inutilement rigoureux. Si un couple explique sa non-cohabitation en invoquant une discrimination véritable, que ce soit au travail, dans la famille ou dans les relations sociales, cela devrait suffire pourvu que l’agent d’immigration soit convaincu de l’authenticité de la relation. De même, la menace de châtiment pour cause de cohabitation est beaucoup trop rigoureuse.

RECOMMANDATION 33

Les raisons admissibles de la non-cohabitation des conjoints de fait devraient dépasser la « persécution » et le « contrôle pénal ». La preuve de discrimination devrait suffire.

        Même malgré ce changement, la règle de cohabitation de un an posera des difficultés énormes. Certains témoins craignaient également que cette règle soit interprétée littéralement sans qu’il soit tenu compte des contraintes de la vie moderne. Tous les couples sont séparés de temps à autre par les affaires, la famille ou d’autres engagements; les couples désirant être réunis au Canada peuvent même être séparés par les règles de l’immigration. Un témoin a signalé que la majorité des partenaires de même sexe sont incapables de cohabiter.

        Le Comité est d’accord avec les témoins qui ont indiqué que, sur le plan de l’immigration, le critère principal auquel devrait être astreint le conjoint de fait devrait être le suivant : La relation conjugale est-elle authentique et dure-t-elle depuis au moins un an? Une exigence obligatoire en matière de cohabitation est susceptible de déboucher sur des résultats injustes dans certaines circonstances, et nous avons conclu que la cohabitation ne devrait être qu’un élément parmi ceux qui permettent de prouver l’authenticité de la relation.

RECOMMANDATION 34

Les agents qui évaluent les demandes des conjoints de fait devraient faire preuve de souplesse lorsqu’ils déterminent la durée de la cohabitation, qui ne devrait être qu’un facteur dans l’évaluation de l’authenticité de la relation de fait. La définition de « conjoint de fait » à l’article 1 devrait être modifiée en conséquence.

        Il convient de souligner un autre point au sujet de la définition de « conjoint de fait ». La définition ne précise pas explicitement s’il s’agit d’une relation homosexuelle ou hétérosexuelle, même si c’est clairement l’intention recherchée. Nous sommes d’accord avec les témoins qui ont préconisé de modifier la définition afin qu’elle reflète le sens véritable du terme.

RECOMMANDATION 35

La définition de « conjoint de fait » à l’article 1 devrait préciser qu’il peut s’agir d’une relation homosexuelle ou hétérosexuelle

E. RÉPONDANT SE TROUVANT HABITUELLEMENT AU CANADA

        En ce moment, des membres de la famille peuvent être parrainés même si le répondant est à l’extérieur du pays pourvu qu’il ait l’intention de rentrer au Canada au moment où les membres de la famille recevront un visa. L’article 130(1)b) semble renverser cette règle puisqu’il exige que le répondant se trouve habituellement au Canada. Un témoin a signalé que ce serait injuste pour les répondants se trouvant à l’extérieur du pays mais ayant l’intention de revenir au Canada.

RECOMMANDATION 36

Les citoyens canadiens et résidents permanents à l’étranger devraient être autorisés à parrainer des parents s’ils ont l’intention de rentrer au Canada pour y résider.

F. DÉFINITION « D’ENFANT À CHARGE »

        L’article 2 contient une définition « d’enfant à charge » où il est question « d’enfant biologique » pour faire la distinction par rapport aux enfants adoptés. Le Règlement actuel utilise le terme « descendant » à cette fin.

        Un des témoins s’est opposé au changement, soutenant que le terme « descendant » pouvait être interprété plus généralement que « enfant biologique » et comprendre un enfant de fait. Le témoin a parlé d’une affaire actuellement devant les tribunaux qui est susceptible de régler la question. Le Comité ne voit pas pourquoi il faudrait modifier la terminologie pour utiliser « enfant biologique » au lieu de « descendant ». L’expression « enfant biologique » pourrait laisser supposer aux agents évaluant les demandes qu’il faudrait dorénavant une preuve plus rigoureuse, notamment des tests d’ADN qui coûtent cher et prennent beaucoup de temps.

        Le Comité comprend la situation des enfants qui font partie d’une famille même s’ils ne sont pas les enfants véritables d’un des deux parents. Les fonctionnaires ont en main les outils nécessaires pour permettre à un membre de fait de la famille d’immigrer avec celle-ci. Le Manuel de l’immigration présente les membres de fait de la famille comme une catégorie à considérer aux fins de l’établissement pour des motifs humanitaires. Si la relation de dépendance est authentique, stable et de longue durée, une décision favorable devrait être justifiée. Le Comité exhorte le Ministère à maintenir cette approche humanitaire.

RECOMMANDATION 37

Dans la définition de l’expression « enfant à charge » à l’article 1 du Règlement, il faudrait utiliser « descendant » au lieu d’« enfant biologique ».

RECOMMANDATION 38

La pratique actuelle qui consiste à permettre aux membres de fait de la famille de s’établir avec le reste de la famille pour des motifs humanitaires devrait se poursuivre.

G. DÉFINITION DE « MEMBRE DE LA FAMILLE »

        Deux témoins sont intervenus au sujet des définitions de la famille contenues dans le Règlement. L’article 1 définit l’expression « membre de la famille » comme désignant l’époux ou le conjoint de fait et les enfants à charge. Par contre, la « catégorie de la famille » englobe ces personnes plus les parents, les grands-parents et d’autres personnes. Il s’ensuit que les personnes venant au Canada en tant qu’immigrants sont autorisées à amener avec elles les membres de leur famille, c’est-à-dire la famille nucléaire. Le reste de la famille peut être parrainé plus tard.

        Un témoin a remis ce point en question dans le cas des réfugiés. Le Règlement constituera dorénavant un fondement juridique pour la pratique administrative qui consiste à permettre aux personnes protégées, choisies à l’étranger, de faire traiter les membres de leur famille qui ne les accompagnent pas dans le cadre de leur demande pendant un an, sans devoir les parrainer. Mais, comme on l’a signalé, la famille s’entend de la famille nucléaire, et on a fait remarquer que les parents, par exemple, pourraient être des personnes à charge au Canada. Le Comité recommande que le gouvernement envisage de traiter en même temps la famille d’un réfugié choisi de manière à englober les personnes à sa charge.

RECOMMANDATION 39

On devrait envisager de traiter en même temps qu’un réfugié choisi à l’étranger le cas des membres de la catégorie de la famille qui sont à la charge du réfugié.

H. OFFRES D’EMPLOI DANS UNE ENTREPRISE FAMILIALE

        Le Programme des offres d’emploi dans une entreprise familiale est un programme administratif qui permet aux entreprises familiales de faire venir un membre de la famille au Canada pour travailler dans l’entreprise à un poste de confiance. L’offre d’emploi est traitée comme si elle avait été validée par Développement des ressources humaines Canada et donne 10 points.

        Le gouvernement envisage d’éliminer le programme à cause de sa lourdeur de fonctionnement et parce que le critère d’adaptabilité du système de sélection proposé accorde des points à la fois pour une offre d’emploi, sans qu’il s’agisse nécessairement d’un poste de confiance, et pour une relation familiale au Canada. Plusieurs témoins se sont opposés à l’idée de mettre fin au programme. L’un a fait remarquer qu’il s’agissait d’un moyen utile de promouvoir la réunification des familles tout en appuyant la petite entreprise.

        Le Comité est d’accord avec les témoins qui ont recommandé de conserver le programme. Même s’il nécessite beaucoup de ressources, le nombre de personnes admises est peu élevé et les besoins à combler dans les entreprises sont susceptibles d’être importants. Une petite entreprise familiale ne sera vraisemblablement pas en mesure d’attirer un employé aussi loyal et travailleur qu’un membre de la famille, particulièrement s’il s’agit de quelqu’un qui vient d’arriver au pays et qui veut réussir.

        Nous remarquons également que nous avions recommandé précédemment d’éliminer les points pour une offre d’emploi non officielle en vertu du facteur d’adaptabilité dans les critères de sélection. Si le Ministère est d’accord avec les membres du Comité pour affirmer que ce facteur donne libre cours à la fraude, on fera ainsi disparaître l’un des motifs justifiant l’élimination du Programme des offres d’emploi dans une entreprise familiale. Outre que nous recommandons la poursuite du programme, nous préconisons également de le consolider en l’incluant dans le Règlement.

RECOMMANDATION 40

Le Programme des offres d’emploi dans une entreprise familiale devrait être poursuivi et faire partie du Règlement.