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HEAL Rapport du Comité

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BÂTIR LA FAMILLE

SECTION 1: URGENCE DE LA LOI

            Le 3 mai 2001, après le dépôt des Propositions relatives au projet de loi régissant l’assistance à la procréation, le ministre de la Santé, Allan Rock, a demandé au Comité permanent de la santé de formuler des recommandations relatives au projet de loi et, en particulier, de proposer des options visant l’éventuelle création d’un organisme de réglementation chargé d’appliquer la Loi, de surveiller son évolution et de recommander d’éventuelles modifications. Le Ministre a fait remarquer au Comité que le projet de loi couvrait deux activités : l’assistance à la procréation et la recherche connexe.

            Les membres du Comité ont accepté avec plaisir l’invitation à participer à l’étape initiale d’élaboration du projet de loi. Cela nous a donné l’occasion de prendre part à un projet ouvert, participatif et approfondi sur une question d’un vaste intérêt public. Après avoir entendu les témoignages articulés et engagés de nombreuses personnes œuvrant dans le domaine de l’assistance à la procréation, nous sommes convaincus que le projet de loi est indispensable pour façonner la société de demain.

            En tant que Comité, nous voyons notre examen de l’avant-projet de loi comme le début d’une ère d’examen parlementaire plus poussé. Tout au long de notre démarche, nous avons constaté la complexité du dossier et la portée de la Loi. Nous savons qu’il faut recueillir des données plus concrètes et les disséminer. Nous estimons que le ministre de la Santé devra également résoudre des questions de conséquences économiques, de coordination fédérale-provinciale-territoriale, des détails d’application et d’autres détails de la Loi et des règlements. Notre rapport retient les questions qui préoccupent le plus les témoins et nous-mêmes. Nous exhortons le Ministre à donner suite rapidement à nos recommandations et à déposer en priorité une loi complète au Parlement.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 1 :

Que le ministre de la Santé dépose en priorité une loi sur l’assistance à la procréation et la recherche connexe.

            Après avoir entendu les multiples points de vue d’ordre éthique, social, juridique, scientifique, médical et autre sur cette question complexe, nous sommes mieux en mesure de comprendre l’urgence de baliser les activités d’assistance à la procréation et la recherche dans ce domaine. Nous avons mieux perçu la tension que suscite la possibilité de conflits entre l’assistance à la procréation et la recherche. Des témoins nous ont informés des nombreux avantages découlant des techniques et pratiques d’assistance à la procréation ainsi que des bienfaits potentiels des recherches en cours. Ils ont également souligné les risques qui menacent les individus et la société si jamais les activités en cours se poursuivaient en dehors d’un cadre législatif et réglementaire.

            Les témoins nous ont surtout rappelé que l’assistance à la procréation est d’abord et avant tout un moyen d’aider les gens à avoir des enfants. Cette idée a toujours été au centre de notre réflexion, tout au cours du présent rapport.

SECTION 2 : CADRE LÉGISLATIF

            Les consultations antérieures sur les techniques de reproduction ont permis d’élaborer un ensemble de principes directeurs d’ordre éthique ou social. Le Comité de la santé a lui aussi adopté un cadre directeur pour son évaluation des propositions relatives au projet de loi sur l’assistance à la procréation et la recherche connexe. Ce cadre peut servir à uniformiser l’approche et à atteindre les résultats désirés.

A. Nos priorités

            Nous avons établi trois priorités qui nous permettront d’évaluer chaque composante du projet de loi. Pour cela, le Comité s’est appuyé sur le principe selon lequel l’objectif premier de l’assistance à la procréation est de permettre à des gens de fonder une famille. Notre examen porte donc essentiellement sur l’effet de l’avant-projet de loi sur :

i)    les enfants nés grâce aux techniques d’assistance à la procréation — la
      Loi doit protéger la santé physique et affective et la dignité des enfants qui
      sont le résultat voulu et souhaité de ces techniques.

ii)   les adultes qui se soumettent aux techniques d’assistance à la
      procréation — la Loi doit protéger les adultes qui se
      soumettent à ces techniques contre les risques qu’elles présentent
      sur les plans physique, social et émotionnel.

iii)  les chercheurs et les médecins qui effectuent la recherche conduisant à ces
      techniques et découlant de ces dernières — la Loi doit contrôler les volets
      expérimentaux des techniques d’assistance à la procréation tout en
      autorisant certaines techniques choisies susceptibles de soulager la souffrance
      humaine.

            Dans l’ensemble, notre réflexion est guidée par notre sentiment que les enfants conçus à l’aide de techniques d’assistance à la procréation méritent davantage de considérations que les adultes qui souhaitent fonder une famille ou que les médecins et les chercheurs qui souhaitent développer le savoir.

            Des enfants en bonne santé physique, émotionnelle et spirituelle sont le résultat recherché et souhaité de ces activités et techniques. Parmi les adultes participants, hommes et femmes peuvent subir des effets néfastes sur les plans émotionnel et financier, mais ce sont les femmes qui sont soumises aux processus physiques les plus intimes et potentiellement néfastes. Les chercheurs et les médecins en quête de découvertes et de nouvelles applications découlant de ces activités, techniques et processus ne devraient procéder que si leur objectif premier est le bien-être général des enfants et des adultes directement concernés.

B. Facteurs essentiels à considérer

            Des témoins nous ont aussi dit que le principal objectif du projet de loi était de protéger les êtres vulnérables contre les effets néfastes pour la santé et contre toute exploitation liée à la procréation assistée. Ils ont de plus signalé que lorsque des choses sont à la fois scientifiquement possibles et moralement inadmissibles, les considérations éthiques doivent prévaloir. À cette fin, ils nous ont suggéré de prendre en compte plusieurs facteurs dans notre évaluation du projet de loi. Nous croyons également que si les facteurs essentiels suivants sont pris en compte dans le projet de loi, la Loi finale n’en sera que plus cohérente : 

i)    le respect de l’individualité, de la dignité et de l’intégrité de l’être humain;

ii)   l’adoption d’une approche de précaution afin de protéger et de promouvoir
      la santé;

iii)  la non-chosification et la non-commercialisation;

iv)  le choix éclairé;

v)   la responsabilisation et la transparence.

 

        i) Respect de l’individualité, de la dignité et de l’intégrité de l’être humain

        La procréation assistée est une intervention axée sur la technologie et physiquement perturbatrice. Faisant appel à l’utilisation calculée et délibérée du matériel reproductif humain et à la production d’embryons, elle touche directement les notions d’unicité, de valeur et d’intégrité que la société associe à l’être humain. Elle soulève des inquiétudes quant au degré de respect et de protection qui doit être accordé aux personnes qui se soumettent à cette activité, aux enfants qui en naissent, au matériel reproductif et aux embryons qui ont le potentiel de devenir des êtres humains. Le Comité reconnaît que le lien entre le matériel reproductif et la composition génétique, biochimique et cellulaire de l’espèce humaine donne à ce matériel reproductif un statut particulier. Le Comité est également d’avis qu’il faut assurer à l’embryon un certain degré de respect et de protection en raison de son statut d’être humain en puissance.

ii) Approche de précaution pour protéger et promouvoir la santé humaine

            L’avant-projet de loi pose comme postulat fondamental qu’il faut protéger la santé et la sécurité des adultes, en particulier des femmes, qui se soumettent aux techniques d’assistance à la procréation ainsi que celles des enfants qui en sont issus. Le Comité est d’avis qu’une approche de précaution doit être adoptée lorsqu’une activité pose une menace pour la santé humaine. Bien qu’aucun lien de cause à effet n’ait encore été établi scientifiquement et que l’incertitude persiste, le Comité croit que le fardeau de la preuve incombe à ceux qui créent le risque. Nous sommes d’accord avec les témoins qui demandent qu’une plus grande attention soit accordée à la prévention de l’infertilité et avec ceux qui avancent qu’en l’absence de preuves quant aux avantages recherchés, il n’y aurait lieu d’autoriser les techniques, les traitements ou les médicaments que dans le cadre d’une recherche rigoureusement contrôlée et non pas dans le cadre d’une pratique médicale normale. Nous souhaitons qu’un plus grand nombre de chercheurs et de médecins fassent une analyse approfondie des solutions autres que les activités potentiellement risquées actuellement associées à la procréation assistée.

iii) La non-chosification et la non-commercialisation

            Il est contraire à notre philosophie de traiter les êtres humains ou le matériel humain comme des produits prisés pour leur valeur marchande plutôt que pour leur valeur intrinsèque. Nous pensons, plus précisément, que les enfants ne doivent jamais être considérés comme des objets à acheter ou à échanger. Les femmes et les hommes doivent savoir que leur corps et leur matériel reproductif ne sont ni à vendre ni à troquer. Le Comité rejette toute notion de commerce, d’échange, d’achat ou de vente de matériel reproductif humain. Nous savons pertinemment qu’il y a eu des cas, ces récentes années, de chosification et, à bien des égards, de commercialisation dans le domaine de la procréation assistée. Nous voulons que le projet de loi interdise la chosification d’enfants, du corps de la femme, de matériel reproductif humain et de la fonction de reproduction.

iv) Choix éclairé

            Le Comité approuve le principe selon lequel un choix éclairé peut s’exprimer par un refus ou un consentement en toute connaissance de cause. Nous voulons que les personnes qui se soumettent aux techniques de procréation assistée soient en mesure d’exercer leur libre choix en s’appuyant sur une connaissance complète des risques et des avantages que leur choix comporte sur les plans médical, juridique, éthique, social ou psychologique. Autrement dit, les enfants qui naîtront de ces pratiques doivent pouvoir se fier aux adultes qui ont participé au processus. Les adultes participants, quant à eux, doivent être pleinement informés des implications à court et à long termes, notamment des conséquences sur les autres personnes concernées. Nous voulons que ces personnes donnent leur consentement librement, quel que soit l’aspect de la procréation assistée en cause, qu’il s’agisse d’un traitement, d’un don ou de travaux de recherche. Nous voulons également qu’on vérifie constamment leur consentement et qu’on reconnaisse qu’elles peuvent le retirer à tout moment dans la plupart des cas.

v) Responsabilisation et transparence

            Le Comité est convaincu que tous les intervenants du secteur de la procréation assistée sont tenus à un degré élevé d’imputabilité. Par imputabilité, nous entendons l’obligation, de la part des personnes ou des organisations, de répondre de leurs actes. Ainsi, les adultes qui choisissent la procréation assistée ont la responsabilité de prendre en compte sérieusement le bien-être futur des enfants. Mais nous croyons surtout que les personnes qui détiennent le pouvoir, comme les gouvernements et les organisations professionnelles, ont la responsabilité de s’assurer que leurs actions dans ce domaine seront toujours transparentes et qu’elles visent le bien de la société.

SECTION 3 : NÉCESSITÉ D’UNE DÉCLARATION

            Le préambule peut énoncer l’intention, l’objet et l’esprit de la Loi. Il peut aussi énoncer les principes directeurs qui sous-tendent le texte législatif, ainsi que les sentiments qui ont motivé les législateurs. Toutefois, il sert surtout d’outil d’interprétation pour aider à expliquer l’intention et l’objet de la Loi. En soi, il a moins de valeur effective.

            Comme la Loi que nous examinons porte sur des valeurs aussi fondamentales que la dignité et l’intégrité de l’être humain, le Comité est d’avis qu’il faut donner plus de valeur juridique aux principes directeurs énoncés dans le préambule. Ceux-ci doivent être inscrits dans une déclaration qui fait partie intégrante du texte de la Loi.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 2 :

De remplacer le préambule par une déclaration statutaire inscrite dans le corps de la Loi.

Après avoir examiné minutieusement l’actuel préambule et appliqué son cadre législatif, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 3 :

Que la déclaration statutaire établisse les principes directeurs suivants :

Par les présentes, nous reconnaissons et déclarons :

a)   que l’assistance à la procréation et la recherche
       connexe doivent être régies par des principes et des
       pratiques qui respectent l’individualité, la dignité
       et l’intégrité de l’être humain;

b)   que la santé et le bien-être des enfants issus de la
       procréation assistée doivent avoir préséance dans les
       décisions concernant l’assistance à la procréation;

c)   que, même si les techniques d’assistance à la
       procréation ont une incidence sur toutes les
       personnes participantes, les femmes sont touchées
       plus directement et dans une plus grande mesure que
       les hommes par leur application;

          d)    que l’intégrité du génome humain doit être protégée;

e)   que le principe du choix libre et éclairé comme
       condition fondamentale du recours à l’assistance à la
       procréation doit être favorisé et appliqué;

f)   que les techniques d’assistance à la procréation
      offrent des avantages aux individus, aux familles et
      à la société en général;

g)   que pour profiter au maximum de ces techniques, il
       faut prendre les mesures qui s’imposent, lors de leur
       utilisation, pour protéger et favoriser la santé, la
       sécurité, la dignité et les droits de l’être humain;

h)   que les personnes atteintes d’une incapacité peuvent
       mener une vie pleine et satisfaisante et enrichir celle
       des personnes qui les entourent;

i)   que la chosification des capacités reproductrices des
      femmes et des hommes ainsi que l’exploitation des
      enfants, des femmes et des hommes à des fins
      mercantiles doivent être interdites.

Outre la déclaration statutaire, il conviendrait d’inscrire un énoncé d’intention pour établir clairement les objectifs de la Loi. Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 4 :

De compléter la déclaration statutaire par un énoncé d’intention dans le corps de la Loi, comme suit :

L’objet de la Loi est d’établir un cadre législatif national pour l’assistance à la procréation et la conduite de recherches à l’aide de matériel de reproduction humain. Il doit veiller en particulier :

        a)   à ce que les intérêts de l’enfant issu de la
              procréation assistée soient protégés et aient
              préséance;

        b)   à ce que les intérêts des adultes qui participent à
               la procédure de procréation assistée soient
               protégés et à ce que leur choix soit éclairé;

        c)   à ce que les intérêts des chercheurs et des
               médecins soient appuyés dans la mesure où
               ils ne compromettent pas ceux des enfants et des
               adultes visés.

 

SECTION 4 : ACTIVITÉS PROHIBÉES ET ACTIVITÉS RÉGLEMENTÉES

            Conformément aux propositions législatives, les activités et les méthodes d’assistance à la procréation et de recherche dans le domaine se divisent en deux grandes catégories :

            i) les activités prohibées expressément interdites par la Loi même;

           ii) les activités réglementées qui peuvent être exercées à condition de faire l’objet d’une
               autorisation délivrée conformément au règlement.

            Si le règlement précise qu’aucune autorisation ne peut être délivrée à l’égard d’une activité réglementée, celle-ci est prohibée à toutes fins utiles. Dans ce cas, l’interdiction provient du règlement et non de la Loi.

            Les activités prohibées et les activités réglementées relèvent de la juridiction criminelle fédérale. Une des principales différences entre les deux catégories, c’est qu’une activité prohibée ne peut être modifiée ou abrogée que par mesure législative adoptée par le Parlement tandis qu’une activité réglementée (notamment toute activité interdite par non-autorisation en vertu du règlement) peut être modifiée ou abrogée par la procédure habituelle de modification du règlement, dans le cadre d’une consultation publique et sans l’intervention du Parlement.

            Certains témoins ont recommandé la suppression pure et simple de la catégorie des activités prohibées. Citant les avantages de la souplesse réglementaire, ils estiment que ces activités devraient être classées parmi les activités réglementées, y compris les activités les plus répréhensibles comme le clonage aux fins de procréation, à l’égard desquelles aucune autorisation ne sera probablement jamais délivrée aux termes du règlement.

            Il est possible d’interdire indirectement des activités réglementées en refusant tout simplement de délivrer une autorisation à leur égard, mais le Comité croit que cette interdiction n’aurait pas le même poids ou la même force de censure sociale qu’une interdiction aux termes de la Loi. Les peines prévues au projet de loi reflètent ce point de vue, puisque les peines maximales prévues pour des infractions liées à une activité prohibée sont presque deux fois plus sévères que celles prescrites pour les infractions liées à une activité réglementée.

            Nous croyons qu’il existe suffisamment de raisons pour maintenir la catégorie des activités prohibées. L’interdiction officielle dans la Loi précise qu’elles sont soit dangereuses, soit socialement inacceptables. Elle indique également que ces activités inquiètent et tellement les Canadiens que l’interdiction qui les frappe ne peut être modifiée sans l’aval du Parlement.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 5 :

Que les activités prohibées dans l’avant-projet de loi demeurent interdites dans la nouvelle Loi, sous réserve des modifications découlant des recommandations qui suivent.

 

SECTION 5 : ACTIVITÉS PROHIBÉES DANS LA LOI

            Fidèles à notre cadre d’évaluation, nous demeurons fermement convaincus que les activités interdites dans l’avant-projet de loi doivent être interdites par la Loi. À l’égard des activités interdites pour des raisons de santé et de sûreté, le Comité est convaincu que l’examen législatif triennal recommandé plus loin permettra une réévaluation suffisante de l’interdiction.

i) Clonage à des fins de procréation et à des fins « thérapeutiques »

            Le Comité est convaincu que les effets potentiels physiques, psychologiques ou sociaux négatifs pour l’enfant qui en est issu suffisent à justifier l’interdiction du clonage aux fins de procréation. En outre, nous estimons que le « clonage thérapeutique » doit être interdit parce qu’il est dangereux et fait de l’embryon une marchandise.

ii) Modification génétique des cellules germinales

            Le Comité s’est fait dire que la modification génétique d’une lignée germinale est dangereuse et pas pratique à l’heure actuelle et présente des conséquences inconnues pour les générations futures. Nous reconnaissons que l’intention qui sous-tend la modification génétique des lignées germinales est de lutter contre les maladies d’origine génétique, mais nous convenons avec l’avant-projet de loi que cette pratique doit également être interdite par la Loi.

iii) Maintien d’un embryon hors du corps d’une femme

            Le Comité pense que retirer à la femme son rôle dans la procréation cause un grave préjudice social. Ce rôle, porter et donner naissance à l’enfant, est indispensable. En outre, cette pratique risque d’être dommageable à l’enfant qui en est issu. Le Comité convient donc qu’elle doit être interdite.

iv) Création d’un embryon aux seules fins de la recherche

            Le Comité reconnaît que la création d’embryons devrait être interdite aux seules fins de fournir du matériel expérimental. Cependant, le libellé dinterdiction de l’avant-projet de loi reflète mal l’intention du législateur. Nous craignons que ce libellé interdise également la recherche visant l’amélioration des mécanismes d’entreposage et de maturation des gamètes.

Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 6 :

Que l’alinéa 3(1)d) soit réécrit pour refléter plus fidèlement l’intention d’interdire la création d’embryons sur lesquels porterait la recherche.

v) Création d’un embryon à partir d’un embryon ou d’un fœtus

            Cette interdiction vise à empêcher la création d’enfants dont les parents génétiques n’ont jamais existé comme individus. Nous jugeons cette interdiction très mal formulée et peu claire à l’égard de l’activité visée.

Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 7 :

Que l’alinéa 3(1)e) interdise simplement de retirer des gamètes d’un embryon ou d’un fœtus aux fins de créer un embryon.

vi) Transplantation de matériel reproductif animal dans un être humain

            Le Comité convient que cette activité risque de causer des torts aux adultes participants et qu’elle viole en plus la dignité humaine. En outre, elle est absolument inutile pour produire un enfant en santé.

 

            Pour être parfaitement cohérent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 8 :

Qu’on ajoute l’interdiction de toute création et utilisation d’hybride animal-humain aux fins de procréation.

vii) Utilisation de matériel reproductif humain préalablement transplanté dans un animal

            Cette activité compromet la sécurité et la dignité des enfants et des femmes visés. Le Comité est d’accord avec l’avant-projet de loi pour l’interdire.

            viii) Sélection du sexe pour des motifs non médicaux

            Le Comité est d’accord avec le principe de l’avant-projet de loi d’interdire la pratique de choisir le sexe d’un enfant. Nous nous inquiétons cependant du fait que l’interdiction telle que formulée n’englobe pas la sélection du sexe par diagnostic avant l’implantation d’embryons. Elle vise seulement des procédures comme la manipulation de gamètes et la modification des techniques de fécondation qui augmentent la probabilité d’obtenir un embryon d’un sexe donné.

            Par conséquent, le Comité recommande :

            RECOMMANDATION 9 :

            Que l’alinéa 3(1)h) interdise précisément toute sélection du sexe, sauf dans le cas de troubles liés aux chromosomes sexuels comme précisé par règlement.

ix) Maternité de substitution

            Les enfants issus de la procréation assistée risquent de ne jamais connaître leurs parents et de voir leur bien-être compromis. La maternité de substitution lucrative traite les enfants comme des marchandises et la capacité de procréation des femmes comme une activité mercantile. La maternité de substitution non lucrative (altruiste) peut également causer des torts sociaux à l’enfant, et menacer la santé de la mère.

            Le Comité convient d’interdire la maternité de substitution lucrative et estime que la maternité de substitution non lucrative doit également être découragée mais non criminalisée.

            On devrait interdire toute reconnaissance, incitation ou rétribution, financière ou autre, offerte ou fournie directement ou indirectement par une partie à un arrangement de maternité de substitution. Cela comprend les parties qui offrent des services médicaux, juridiques et psychologiques professionnels.

            Par conséquent, pour réduire au minimum la chosification de la mère porteuse et de l’enfant, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 10 :

Que les paragraphes 4(4), qui exempte les services juridiques, médicaux et psychologiques, et 10 d), qui permet le remboursement des frais de la mère porteuse, soient supprimés.

            Cependant, afin de protéger la santé de la mère porteuse et de tout enfant issu d’un arrangement de maternité de substitution, nous recommandons de plus :

RECOMMANDATION 11 :

De faire exception pour les médecins et les autres professionnels de la santé qui fournissent les soins nécessaires à la femme enceinte.

            Dans l’éventualité de la maternité de substitution non lucrative, il convient de garantir par plusieurs mécanismes le bien-être de l’enfant et le choix bien éclairé de la mère porteuse. Il faut donner du counselling à toutes les parties sur la maternité de substitution non lucrative. Les médecins qui fournissent gratuitement leurs services à cet égard doivent être tenus de voir à ce que toutes les parties aient accès à la consultation médicale et au counselling. Les individus qui aspirent à ajouter un enfant à leur famille par la maternité de substitution doivent faire l’objet du même examen que les parents qui veulent adopter un enfant.

Ainsi le Comité recommande :

RECOMMANDATION 12 :

D’encourager les provinces et les territoires à donner au couple demandeur, à la mère porteuse ainsi qu’à son partenaire un counselling obligatoire à partir des services assurés offerts présentement pour l’adoption, et à modifier les lois pertinentes sur la famille pour reconnaître la mère donnant naissance comme la mère légale.

x) Achat de gamètes et d’embryons

            Le Comité est convaincu que la chosification et la commercialisation de gamètes et d’embryons humains peuvent avoir des répercussions sociales et affectives très vastes sur les familles visées. En outre, ces activités sont contraires à la pratique canadienne selon laquelle les organes et les tissus humains ne peuvent être vendus ni achetés. L’achat, le troc ou l’échange de gamètes ou d’embryons humains sont contraires à la dignité humaine. Le Comité est d’accord avec l’interdiction de la vente et de l’achat de gamètes et d’embryons. Nous nous opposons également à tout remboursement des frais d’un donneur de sperme, d’ovules ou d’embryons. Le Comité recommande en outre :

 

RECOMMANDATION 13 :

Que le paragraphe 10a), qui permet de rembourser les frais du donneur pour le don d’ovules ou de sperme, soit supprimé.

xi) Utilisation de matériel reproductif et d’embryons sans consentement

            Toute activité réglementée exercée sans le consentement complet et éclairé des participants adultes risque de causer des torts à long terme à ces derniers. Ils doivent donner leur consentement librement en connaissant toutes les implications liées au don de leur matériel reproductif pour utilisation par autrui. Le Comité appuie vigoureusement l’interdiction de l’utilisation de matériel reproductif et d’embryons sans consentement.

SECTION 6 : ACTIVITÉS RÉGLEMENTÉES

            Dans l’avant-projet de loi, les activités réglementées ne peuvent être menées qu’en vertu d’une autorisation délivrée conformément aux règlements. Nous avons hâte d’examiner des projets de règlements présentés à la Chambre des communes. Nous avons déjà recommandé des changements en défaveur du remboursement des frais des donneurs et des mères porteuses. Nous voulons également imposer des limites précises à la recherche sur les embryons.

            Le Comité tient à dire que le savoir scientifique nouveau et les applications médicales nouvelles ne devraient profiter à la société qu’à condition de ne pas porter atteinte aux enfants qui en sont issus et aux adultes participants. Nous soulignons notamment que, même si la science peut avoir d’énormes retombées bénéfiques, ses applications peuvent avoir des effets néfastes sur la diversité de la population humaine. Nous nous opposons à toute politique publique, recherche scientifique ou pratique qui vise à utiliser la connaissance de caractéristiques héréditaires ou génétiques pour modifier des caractéristiques intrinsèques de la population humaine. Comme nous l’avons déjà dit, les activités permises par la Loi doivent tenir compte de l’importance de préserver et de protéger l’individualité humaine et de l’intégrité du génome humain.

i) Recherche faisant appel aux embryons : situation actuelle

            Le Comité a appris que la recherche actuelle faisant appel aux embryons serait de plusieurs types : la recherche sur des embryons créés par fécondation in vitro (FIV); la recherche ayant comme résultat la création d’embryons; enfin, la création d’embryons aux fins spécifiques de la recherche. En général, la recherche sur les embryons existants porte sur des sujets comme la fécondation, les interactions pharmacologiques et le développement de médicaments. D’autres recherches, comme celle qui vise le perfectionnement des techniques d’entreposage des ovules, pourraient entraîner la création d’embryons. Certains croient que les recherches récentes sur les cellules souches provenant d’embryons offrent un potentiel remarquable pour le traitement de diverses affections et blessures.

            Nous déplorons le peu de transparence de la recherche actuelle qui utilise des embryons existants ou en crée au Canada. La justification de la recherche sur des embryons d’au plus 14 jours inclut notamment l’amélioration des traitements de l’infertilité, comme la FIV, le progrès du savoir sur les maladies génétiques et l’amélioration de la conception. La Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction mentionnait déjà ces travaux de recherche. Actuellement, les chercheurs du secteur privé ne sont pas tenus de rendre compte de leurs travaux devant une administration ni de se plier aux directives visant la recherche sur les embryons des Instituts canadiens de recherche en santé. Le Comité voudrait que cette situation soit corrigée.

ii) Recherche faisant appel aux embryons : notre démarche

            Pendant nos délibérations sur ces questions, nous avons respecté le cadre présenté en introduction. Nous avons cherché à savoir si l’interdiction de toutes les activités de recherche portant sur des embryons, ou leur restriction d’une manière ou d’une autre, n’aurait pas des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des enfants issus des techniques de procréation assistée ou des femmes qui font appel à ces techniques. De même, le Comité a dû examiner le lien entre le cas des embryons surnuméraires produits en vue de la FIV et les autres questions à l’étude.

            Sur la question des mesures de précaution visant à protéger et à promouvoir la santé, des témoins nous ont parlé des bienfaits potentiels pour la santé des résultats de la recherche sur les embryons. Au sujet de la non-chosification, nous avons appris qu’il existe un risque de chosification et de commercialisation des femmes afin qu’elles produisent des ovules et des embryons susceptibles d’être vendus et échangés comme source de matériel reproductif. Sur la question du choix éclairé, des témoins nous ont dit que les femmes qui produisent les ovules sont rarement informées du fait qu’elles doivent donner leur consentement en vue de l’utilisation de leurs embryons surnuméraires aux fins de la recherche. Certains témoins ont déploré que l’embryon n’ait aucun rôle à jouer dans aucun processus de consentement. En ce qui concerne le respect de l’individualité, de la dignité et de l’intégrité de l’être humain, des témoins nous ont dit que toute recherche sur des embryons doit respecter leur statut d’être humain en puissance. Quant à la responsabilisation, des témoins sont d’avis que toute activité dans ce domaine doit être transparente et ouverte à l’examen public.

iii) Recherche faisant appel aux embryons : notre avis

            Nous convenons avec l’avant-projet de loi que la recherche faisant appel aux embryons doit être une activité réglementée. Elle doit l’être strictement, et limitée à l’utilisation d’embryons excédentaires créés lors des FIV, sous réserve du consentement des donneurs.

            Nous reconnaissons que le milieu scientifique et médical a la responsabilité de bien valider les techniques de fertilité. La recherche requiert alors, dans certains cas, l’utilisation d’embryons existants ou peut entraîner la création d’un embryon. Cette recherche peut être nécessaire pour la santé des enfants issus de la procréation assistée et des femmes traitées.

            Nous avons appris que la recherche sur les cellules souches embryonnaires présente un certain potentiel, mais que d’autres sources de cellules souches comme le sang du cordon ombilical et les tissus adultes sont davantage disponibles et moins litigieuses sur le plan éthique. Certains témoins soutiennent que la recherche sur les cellules souches non embryonnaires offre le même potentiel. D’autres font remarquer que, malgré la préférence de la plupart des chercheurs pour les cellules souches adultes, l’utilisation de cellules souches embryonnaires pourrait fournir l’information requise pour manipuler correctement les cellules souches adultes.

            Le Comité a été stupéfait d’apprendre que la recherche sur les cellules souches humaines adultes a fait des progrès remarquables durant la dernière année. Nous avons également appris qu’après bien des années de recherche sur les cellules souches embryonnaires animales, les résultats ont déçu les attentes. Par conséquent, nous encourageons le financement de la recherche dans le domaine des cellules souches adultes.

            Nous craignons que la recherche sur les cellules souches embryonnaires chosifie l’embryon. Cette recherche utilise des embryons pour obtenir du matériel additionnel de recherche. Nous pensons qu’il ne faut autoriser une recherche faisant appel aux embryons qu’après avoir obtenu la preuve que le matériel provenant de sources non embryonnaires ne permettrait pas d’atteindre les résultats recherchés.

                    Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 14 :

Que la recherche faisant appel à des embryons soit une activité réglementée nécessitant une autorisation. Même si les autres critères du règlement sont tous respectés, aucune autorisation ne sera délivrée à moins que le demandeur ne démontre clairement qu’il ne peut effectuer sa recherche avec aucun autre matériel biologique.

SECTION 7 : LES RÈGLEMENTS

            L’article 40 de l’avant-projet de loi énonce la nature des règlements possibles en vertu de la Loi. On peut notamment désigner des catégories d’activités pour lesquelles on peut délivrer des autorisations ou en refuser. On peut également réglementer l’exercice d’une activité visée de même que les conditions dont les autorisations peuvent être assorties. Ces dispositions sont fondamentales : elles autorisent l’établissement de normes qui régiront la conduite des activités autorisées.

i) Règlements relatifs à des sujets particuliers

            Les témoignages présentés font croire que la santé des femmes visées par les techniques de procréation assistée n’est pas toujours primordiale. Leurs ovaires peuvent être excessivement stimulés par pharmacothérapie. On risque de prélever des ovules sur des femmes trop jeunes pour bien comprendre la portée de cet acte. Les embryons risquent d’être produits in vitro en surnombre, et d’être transférés en trop grand nombre dans l’utérus.

            Le Comité s’étonne particulièrement du nombre excessif d’embryons éventuellement produits et entreposés, prétendument à des fins de procréation. Nous comprenons que tant que les techniques d’entreposage ne seront pas perfectionnées, il faudra produire des embryons en surnombre. Cependant, nous comptons que la production excessive cesse une fois les techniques d’entreposage au point. Il sera alors possible de limiter la production des embryons à ceux servant effectivement à l’implantation.

            Fidèle au cadre visant à protéger les enfants et les participants adultes, le Comité estime essentiel que les règlements imposent des exigences et des restrictions précises contre les abus et l’exploitation.

                    Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 15 :

Que des normes émanant des règlements soient rédigées sur les sujets suivants :

a)   Nombre maximal d’ovules à prélever et à féconder;

b)   Nombre maximal d’embryons à produire, à entreposer et à
       transférer par la fécondation in vitro, l’interdiction de la
       production et de l’entreposage en excès devant suivre le
       développement et la validation des techniques d’entreposage;

c)   Nombre maximal de fois qu’on peut offrir une procédure donnée
       à une patiente;

d)   Counselling à fournir aux donneurs et aux bénéficiaires du
       traitement;

e)   Nombre maximal d’enfants pouvant naître d’un même donneur
       de gamètes;

f)   Exigences d’admissibilité des donneurs et des bénéficiaires;

g)   Maladies ou états héréditaires préalables ouvrant droit au
       diagnostic génétique de pré-implantation.

            ii)   Exception à l’alinéa 40(1)m)

            Plusieurs témoins doutent de la pertinence de l’alinéa 40(1)m) de l’avant-projet de loi, qui permet pour l’essentiel de soustraire par règlement une ou plusieurs catégories d’activités réglementées de l’application de la Loi ou des règlements.

            Le Comité convient avec ces témoins que la législation subordonnée, soit les règlements, ne devrait pas permettre d’annuler les dispositions de la Loi. S’il est nécessaire de créer des exceptions, celles-ci devraient faire l’objet d’un changement à la Loi soumis à l’examen du Parlement.

          Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 16 :

D’éliminer l’alinéa 40(1)m) qui permet de soustraire par règlement une ou plusieurs catégories d’activités réglementées de l’application de la Loi ou des règlements.

iii) L’exemption de l’article 43 

            L’article 43 permet à quiconque exerce une activité réglementée avant la date limite (date d'entrée en vigueur des articles visant l’activité) de continuer à l’exercer jusqu'à la date fixée par règlement sans être titulaire d’une autorisation.

            Le Comité note que cette exemption, au libellé vague, peut donner lieu à deux interprétations différentes. Selon la première, si le règlement n’est pas en vigueur à la date limite, toute activité existante exercée légalement ne peut être autorisée à la date limite. Elle devient donc une activité réglementée qui est exercée illégalement à moins d’avoir été exemptée en vertu des règlements.

            Selon la seconde interprétation, si le règlement est en vigueur à la date limite, une autorisation peut être délivrée immédiatement pour l’activité en question. Cependant, toute partie à l’activité serait exemptée de se conformer aux conditions d’autorisation pendant un temps suffisant pour qu’elle puisse s’adapter aux exigences du règlement.

            Quelle que soit l’interprétation, cette disposition est, selon nous, discutable. Elle n’est pas assez rigoureuse et peut mener à des abus. Certains pourraient entreprendre diverses activités juste avant la date limite afin de se conformer le plus tard possible aux exigences du règlement.

            Le Comité reconnaît qu’il faudrait établir une période de transition pour élaborer les règlements requis ou permettre aux parties de s’adapter et de se conformer aux exigences de ces règlements. L’exemption devrait toutefois être de courte durée. Nous recommandons une période maximale d’un an, ce qui serait suffisant pour prendre les mesures qui s’imposent.

                         Le Comité recommande :

            RECOMMANDATION 17 :

            De modifier l’article 43 afin de limiter à un an la période d’exemption d’une autorisation.

iv) Pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil

            Le Comité s’inquiète du pouvoir et de la latitude très vastes du gouverneur en conseil de prendre des règlements. Nous estimons qu’il faut une forme de contrôle parlementaire, dans le sens du paragraphe 42.1 de la Loi sur le tabac fédérale (voir annexe A).

            La Loi sur le tabac exige que les règlements proposés à la Loi soient soumis à la Chambre des communes pour examen éventuel par le comité pertinent, probablement le Comité de la santé. Si la Chambre accepte le rapport du comité, le gouverneur en conseil se limite à prendre des règlements dans la forme convenue, y compris les changements recommandés. Par contre, si la Chambre rejette le rapport du comité, le gouverneur en conseil peut promulguer les règlements comme prévu à l’origine.

            Étant donné que la procréation assistée et la recherche connexe forment un domaine hautement délicat et controversé, nous sommes persuadés de la nécessité d’une protection parlementaire de ce type. Les élus devraient être appelés à forger les règlements fondamentaux dans le sens des meilleurs intérêts des Canadiens.

                     Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 18 :

D’inscrire dans la Loi des dispositions analogues au paragraphe 42.1 de la Loi sur le tabac fédérale, exigeant que tous les règlements soient déposés à la Chambre des communes pour approbation ou modification dans un délai de 30 jours de séance, et de préciser dans la Loi que les règlements proposés soient renvoyés au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes.

SECTION 8 : REGISTRE BIOLOGIQUE

            La collecte et le maintien de registres de renseignements biologiques visent à faciliter la surveillance dans le domaine de l’assistance à la procréation. Dans l’avant-projet de loi, les renseignements biologiques désignent les renseignements relatifs à ce qui suit :

a)         l’identité, les caractéristiques personnelles, l’information génétique et les
             antécédents médicaux des :

            i)    donneurs de matériel reproductif humain : sperme, ovules et embryons;

            ii)   personnes ayant obtenu une assistance à la procréation, y compris les
                  inducteurs d’ovulation, l’insémination assistée et la fécondation in vitro;

           iii)    personnes qui sont issues de ces procédés;

b) la garde du matériel reproductif humain donné ainsi que l’utilisation qui en est faite.

i) Registre biologique

            Le Comité a appris que les données figurant au registre biologique prévu au paragraphe 21(2) de l’avant-projet de loi servent à plusieurs fins :

            i)    Évaluer les résultats à court et à long terme sur la santé des enfants issus
                  de l’assistance à la procréation;

            ii)   Évaluer les effets sur la santé des femmes qui reçoivent une assistance à la procréation;

           iii)   Obtenir des renseignements continuels sur les services d’assistance à la procréation,
                   les médicaments et les procédés, avec résultats et taux de succès;

           iv)   Permettre aux enfants d’accéder aux renseignements sur le donneur de sperme,
                  d’ovule ou d’embryon, à l’exception de son identité;

            v)   Apporter des données de recherche pour comprendre les résultats physiques et
                  émotifs des procédés d’assistance à la procréation sur les personnes touchées.

            Nous sommes d’accord avec la création du registre biologique proposé au paragraphe 21(2), mais aimerions qu’il ressorte davantage au début de la partie intitulée Renseignements personnels et accès à l'information. Nous voulons que cette information soit recueillie à l’échelle canadienne. Selon nous, ce registre peut contribuer avantageusement à notre désir d’assurer le respect de l’individualité, de la dignité et de l’intégrité de l’être humain; l’adoption d’une approche de précaution afin de protéger et de promouvoir la santé; la non-chosification et la non-commercialisation; le choix éclairé; la responsabilisation et la transparence.

            Nous avons été surpris d’apprendre que les Canadiens n’ont pas accès facilement aux données sur l’assistance à la procréation. Nous avons appris que des médecins tentent depuis dix ans d’établir un registre volontaire. Nous n’avons reçu ni preuve de l’existence d’un registre, ni données particulières tirées de celui-ci. Nous avons appris que peu de banques de sperme au Canada tenaient des renseignements détaillés sur les donneurs et sur l’utilisation faite du sperme donné et aucun témoignage n’a indiqué que des renseignements étaient maintenus sur les dons d’ovules ou d’embryons.

            Le Comité veut plus que de simples efforts volontaires de la part des médecins. Nous voulons l’obligation de faire rapport, de recueillir et d’analyser les renseignements. Nous voulons des données cohérentes et claires sur les cliniques qui offrent une assistance complète ou partielle à la procréation; sur les omnipraticiens qui offrent des médicaments et l’insémination artificielle; sur les banques de sperme, d’ovules ou d’embryons; sur les donneurs de sperme, d’ovules et d’embryons, les récipiendaires d’insémination assistée, de don d’ovules ou d’embryons, etc. Sans ces données, nous ne disposons pas de preuve concluante à l’appui de la poursuite de l’assistance à la procréation.

ii) Système ouvert de dons

            Le Comité a appris que les registres contenant des renseignements sur les donneurs sont importants pour la progéniture issue du traitement du donneur; les descendants de la progéniture; les couples qui ont eu un enfant à la suite du don; les donneurs qui ont fourni le sperme, les ovules et les embryons, les parents de ces personnes; les frères et sœurs génétiques des descendants issus de l’assistance à la procréation.

            Nous avons été particulièrement frappés par les arguments en faveur d’un système ouvert qui ne traiterait pas les enfants comme des produits de consommation à négocier entre adultes consentants comme les parents, les donneurs et les médecins. Nous convenons que le don de gamètes et d’embryons peut être l’équivalent d’une adoption. Comme pour l’adoption, nous voulons un système de don réglementé, non commercial et transparent, où les dossiers sur les dons sont étroitement contrôlés, mais accessibles à ceux qui ont besoin de renseignements pertinents. Nous croyons aussi que les enfants nés de mères porteuses devraient avoir pleinement accès aux renseignements.

            Dans un système ouvert, sans secrets, nous aimerions une stratégie conjuguant législation et éducation, visant particulièrement les médecins et les autres facilitateurs des dons. Nous voulons qu’avant le don, le donneur soit pleinement informé des conséquences possibles de l’assistance à la procréation, notamment la progéniture qui sera la sienne. Selon nous, seuls les donneurs qui consentent à divulguer leur identité à leur progéniture devraient être acceptés. À notre avis, en cas de conflit entre le droit à la protection des renseignements personnels du donneur et le droit de l’enfant à connaître ses antécédents, ceux de l’enfant doivent primer. Nous avons besoin d’un système qui responsabilise le don et sensibilise davantage la population. Nous voulons que cesse le système du don anonyme.

                Le Comité recommande que :

RECOMMANDATION 19 :

        a)   Le consentement de divulguer des renseignements d’identification soit
              obligatoire avant d’accepter une personne comme donneur de sperme,
              d’ovule ou d’embryon;

        b)   Toute la progéniture du donneur (ou leur tuteur) ait accès à leur dossier
               médical mis à jour périodiquement;

        c)   Le nombre de bébés nés d’un même donneur soit limité;

        d)   Le nombre de dons d’un même donneur soit limité;

        e)   Les contacts entre les frères et sœurs génétiques soient facilités pour
               éviter les possibilités de relations sexuelles ou de mariage;

        f)   Des dossiers médicaux et personnels soient tenus;

        g)   Un counselling obligatoire soit accordé aux donneurs avant qu’ils ne
               consentent à faire un don et avant qu’un descendant établisse un lien
               avec un donneur;

        h)   Un don n’entraîne aucune obligation légale.

            Le Comité a appris que Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, le Québec et le Yukon ont promulgué des lois qui excluent expressément et implicitement les donneurs comme parents légaux d’un enfant, ce qui les exclut comme source de soutien financier à la progéniture.

            Pour que ce type de loi soit encouragé dans les autres provinces, le Comité recommande :

            RECOMMANDATION 20 :

            Que le ministre fédéral de la Justice, en collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux, cherche à faire adopter dans l’ensemble du pays une législation uniforme établissant le statut légal des donneurs par rapport à leur progéniture.

SECTION 9 : ACCORDS D’ÉQUIVALENCE ET D’APPLICATION DE LA LOI

            L’article 41 de l’avant-projet de loi autorise des accords d’équivalence avec les provinces et les territoires. Ces accords peuvent être conclus avec la province ou le territoire qui a promulgué une loi où certaines dispositions et règlements correspondants sont équivalents, soit les articles 8 à 11 (activités réglementées), 18 à 21 (renseignements biologiques) et 23 à 32 (inspection et contrôle d’application). Une fois en vigueur, l’accord d’équivalence suspend l’application des articles 8 à 40 de la Loi fédérale. Ce sont plutôt les mesures « équivalentes » promulguées au niveau provincial ou territorial qui s’appliquent.

            Le Comité constate un malaise généralisé face à l’article 41. Des témoins craignent que les provinces et territoires ne soient pas tenus d’établir un registre public parce que l’article 22 n’est pas visé par les mesures d’équivalence. D’autres craignent que les accords d’équivalence n’imposent pas les mêmes peines que celles prévues aux articles 34 à 39. D’autres encore craignent que les accords d’équivalence pourraient nuire à une réglementation canadienne vigoureuse de l’assistance à la procréation et de la recherche connexe.

            Le Comité partage ces réserves. Les mesures équivalentes ne sont pas des mesures identiques. Il y a place à interprétation et par conséquent, différents systèmes pourraient être promulgués d’une juridiction à l’autre. Il pourrait en résulter un ensemble disparate. À notre avis, il vaudrait mieux, pour les enfants issus de la procréation assistée, et les hommes et les femmes qui y participent, qu’une seule réglementation prévoyant un ensemble de normes et de peines s’applique partout au pays, sans exception.

            Toutefois, nous reconnaissons que l’assistance à la procréation et la recherche connexe forment un domaine de responsabilité partagée. Les provinces et les territoires peuvent vouloir agir à cet égard, ce que permettrait l’accord d’équivalence. Malgré nos réserves sérieuses face aux accords d’équivalence, nous les acceptons comme outil nécessaire au progrès du fédéralisme coopératif.

            En plus des accords d’équivalence, le Ministre peut signer, en vertu de l’article 33, des accords d’application de la Loi avec des provinces, des territoires, des organismes d’application de la Loi et des organismes non gouvernementaux.

            Le Comité a également quelques réserves quant à ce type d’accord. Nous craignons particulièrement les accords avec des organismes non gouvernementaux. Selon nous, les pouvoirs d’application de la Loi ne doivent pas être dévolus de l’État à des organismes non gouvernementaux.

            Comme les inspections à effectuer sont très spécialisées et nécessitent une grande compétence technique, il serait préférable à notre avis qu’un seul organisme spécialisé s’acquitte des inspections et applique la Loi. Un organisme unique serait mieux en mesure d’appliquer la Loi de façon uniforme partout au pays. Nous nous demandons si l’uniformité peut être assurée par plus d’un organisme d’inspection.

            Les accords d’équivalence et d’application de la Loi nous préoccupent. Nous ne sommes pas prêts à recommander leur abandon, mais nous reconnaissons avec les témoins la nécessité de mécanismes pour en garantir l’imputabilité et la transparence.

            Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 21 :

Que les accords d’application de la Loi ne soient pas passés avec des organismes non gouvernementaux.

                    Le Comité recommande aussi :

                    RECOMMANDATION 22:

                    Que les accords d’équivalence et d’application de la Loi soient soumis aux mécanismes de contrôle suivants :

                        a)   Le Ministre doit rendre compte au Parlement de tous les accords
                              d’équivalence et d’application de la Loi;

                        b)   Le public doit être consulté effectivement concernant les accords avant
                               leur signature;

                        c)   Les accords provisoires, avec le résumé des commentaires du public,
                               doivent être déposés à la Chambre des communes avant la signature,
                               afin que les élus aient l’occasion de faire des
                              recommandations  leur égard;

                        d)   Le texte de tous les accords finals doit figurer dans le registre public
                               émanant de la Loi;

                        e)   Tous les accords peuvent être abolis ou révoqués après avis raisonnable
                               de l’une ou l’autre partie;

                        f)   Une disposition de la Loi doit permettre au Ministre d’intervenir en prenant
                              toute mesure jugée nécessaire pour l’administration et l’application de la
                              Loi;

                        g)   Tous les accords doivent avoir une durée maximale de cinq ans et
                               peuvent être reconduits pour d’autres périodes quinquennales le cas
                               échéant;

                        h)   Préalablement à la signature d’un accord, l’autre gouvernement doit
                               accepter les mêmes obligations redditionnelles que le gouvernement
                               fédéral. Il doit également accepter de transmettre les données
                               sur l’organisme de réglementation au registre biologique et au registre public fédéraux.

SECTION 10 : ORGANISME DE RÉGLEMENTATION

            Selon l’avant-projet de loi, le ministre de la Santé, avec l’appui de son ministère, serait responsable d’appliquer la Loi. Étant donné les nombreuses considérations morales, déontologiques et sociales entourant la recherche sur l’embryon et le traitement de l’infertilité, la plupart des témoins jugent préférable un organisme indépendant. Certains témoins estiment même qu’un organisme externe serait mieux capable de réagir promptement aux changements technologiques rapides de ce domaine.

            Le consensus est large en faveur de la création d’un organisme de réglementation hors du Ministère, mais le Comité a entendu des avis divergents sur la structure et le mandat de l’organisme de réglementation. Il y a également désaccord sur la question de savoir si l’organisme doit relever du Parlement directement ou par le truchement du ministre de la Santé. Nous endossons la création d’une agence externe pour gérer et contrôler l’application de la Loi. L’agence devrait être un organisme semi-autonome, dirigé par un conseil relevant directement du ministre de la Santé, avec des mécanismes redditionnels pour le Parlement.

            Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 23 :

De créer un organisme de réglementation hors du ministère de la Santé pour gérer et contrôler l’application de la Loi. L’organisme devrait être une agence semi-autonome, dirigée par un conseil relevant directement du ministre de la Santé, avec des mécanismes redditionnels pour le Parlement.

            À notre avis, exiger que l’agence relève du Ministre est davantage conforme au principe de la responsabilité ministérielle. La participation du Ministre est également souhaitable dans les relations intergouvernementales puisque les provinces et les territoires partagent la compétence constitutionnelle en ce domaine.

            Dans la conception du cadre réglementaire de l’assistance à la procréation, on nous a demandé d’étudier une approche équilibrée, par laquelle le Ministre serait tenu d’établir les politiques et les normes générales de sûreté et d’efficacité des techniques de procréation et génétiques autorisées au Canada. Le Ministre devrait également vérifier et évaluer l’efficacité de l’inspection et de l’application de la Loi réalisée par l’organisme de réglementation vis-à-vis des normes de santé et sûreté. Cependant, le Ministre ne s’intéresserait pas au travail quotidien de l’agence.

            Le Comité souscrit à cette structure, qui fait un compromis réaliste entre la responsabilité ministérielle et une agence autonome.

            Le Comité recommande :

                RECOMMANDATION 24 :

                Que le ministre soit responsable, en vertu de la Loi :

                    a)   des politiques sur les techniques de procréation et génétiques du
                           gouvernement du Canada;

                    b)   de l’orientation de l’organisme de réglementation;

                    c)   de la négociation des accords d’équivalence et d’application de la Loi;

                    d)   de l’évaluation de l’efficacité de l’organisme.

            L’organisme, pour sa part devrait suivre les progrès sur la scène canadienne et internationale pour recommander au Ministre des changements à la Loi, aux règlements et aux politiques. Il devrait délivrer, renouveler, modifier, suspendre ou révoquer les autorisations aux demandeurs qualifiés concernant les traitements et la recherche approuvés. Il devrait contrôler le respect de la Loi, à l’aide soit d’inspecteurs à son service soit de tiers jugés acceptables en vertu d’un accord d’application de la Loi.

            En outre, l’organisme devrait tenir le registre biologique et le registre public. Il devrait notamment garder le dossier des enfants issus de la procréation assistée et, dans la mesure du possible, tenir à jour l’information provenant des donneurs et des enfants. En outre, afin d’assurer que des normes scientifiques solides soient appliquées, il devrait faire rapport sur le résultat des traitements et de la recherche effectués.

            L’organisme de réglementation devrait également assumer un rôle considérable d’information et de communication. À cet égard, il devrait mener des consultations constantes avec les parties intéressées. Il devrait aussi offrir aux participants à la procréation assistée une information complète pour leur permettre des choix éclairés.

            Outre ses opérations quotidiennes, l’organisme devrait rendre des comptes au Parlement et au public par divers mécanismes, dont :

            i) un rapport annuel au Parlement;

            ii) une vérification du Bureau du vérificateur général;

            iii) un plan stratégique triennal devant être approuvé par le Parlement et le Ministre;

            iv) des audiences publiques sur la délivrance des autorisations et sur des problèmes précis;

            v) un rapport des activités dans le registre public;

            vi) un examen ministériel de l’efficacité de l’organisme de réglementation;

            vii) un examen par la Chambre des communes et le Comité permanent de la santé des règlements
                  proposés avant leur mise en oeuvre par l’organisme de réglementation.

            Pour garantir que l’organisme de réglementation applique et impose fidèlement les valeurs fondamentales de la Loi, le Comité croit fermement que les principes inscrits dans la déclaration statutaire devraient figurer explicitement dans le mandat de l’organisme. Ce dernier devrait également rédiger un code déontologique à partir de ces principes, ce qui informerait les Canadiens de la façon qu’il entend exercer ses pouvoirs.

            Le Comité recommande :

                RECOMMANDATION 25 :

                Que l’organisme de réglementation soit fondé par la loi. Ses fonctions devraient :

                    a)   suivre les progrès, ici et à l’étranger, afin de faire des recommandations au
                           Ministre concernant les modifications à apporter à la Loi, aux règlements et
                           aux politiques;

                    b)   délivrer, modifier, renouveler, suspendre ou révoquer les autorisations des
                           personnes admissibles à l’égard de traitements et de recherches
                           approuvés;

                    c)   faire respecter la Loi en procédant à des inspections;

                    d)   tenir les registres public et biologique, ainsi que les renseignements sur le
                           nombre d’enfants issus de la procréation assistée, et mettre à jour les
                           renseignements sur les donneurs et leur progéniture;

                    e)   communiquer au public les résultats des traitements offerts et des
                           recherches effectuées;

                      f)   tenir régulièrement des consultations avec les parties intéressées;

                    g)   fournir toute l’information nécessaire pour permettre aux Canadiens
                           de faire des choix éclairés.

                    Le Comité recommande aussi :

                    RECOMMANDATION 26 :

Que les principes inscrits dans la déclaration statutaire soient énoncés clairement dans le mandat de l’organisme de réglementation et que celui-ci soit tenu d’élaborer un code déontologique à partir de ces principes. Que l’organisme de réglementation présente aussi un rapport annuel au Parlement et prépare un plan stratégique triennal à faire approuver par le Ministre et le Parlement.

            Concernant la composition de l’organisme de réglementation, nous reconnaissons qu’il y a deux domaines réglementaires distincts, comme le propose le projet de loi : d’une part, les traitements d’assistance à la procréation et, d’autre part, la recherche faisant appel à des embryons, des ovules et des spermatozoïdes. Nous reconnaissons que l’expertise nécessaire pour délivrer un permis relativement à l’assistance à la procréation est très différente de celle qui est nécessaire pour délivrer un permis de recherche faisant appel à des embryons, qui n’a pas de lien avec le traitement de l’infertilité. Le Comité convient que deux organismes distincts pourraient être créés pour réglementer deux champs essentiellement différents, l’assistance à la procréation et la recherche faisant intervenir des sujets et des tissus humains, mais nous voudrions que rien ne retarde plus l’adoption d’un cadre législatif très attendu. Le Comité veut que la Loi soit déposée immédiatement pour établir les limites appropriées concernant les activités en cours. À court terme, nous croyons que le conseil de réglementation que nous proposons peut couvrir les deux domaines.

            Après avoir examiné attentivement les diverses options qui nous ont été présentées, le Comité appuie dans une large mesure la création d’un organisme de réglementation régi par un conseil d’environ neuf membres choisis pour leur sagesse, leur jugement et leur capacité de comprendre les multiples facettes de l’assistance à la procréation et de la recherche connexe. Ce conseil composé de membres représentant une vaste gamme d’expériences et de points de vue devrait pouvoir compter sur plusieurs sous-comités consultatifs composés de personnes provenant de diverses disciplines et milieux sociaux.

            Pour maintenir l’indépendance du conseil, aucun de ses membres ne devrait provenir du gouvernement ou représenter des intérêts précis. Les membres ne devraient notamment pas se trouver en situation de conflit d’intérêts financiers. Puisque les femmes sont touchées plus directement que les hommes par les thérapies de reproduction, le Comité croit qu’une majorité du conseil doit être composée de femmes.

            Après consultation des gouvernements provinciaux et territoriaux, des parties intéressées et du Comité de la santé de la Chambre des communes, les membres du conseil devraient être nommés par le gouverneur en conseil. Ils devraient être nommés pour un mandat renouvelable de trois ans. Les premières nominations devraient être échelonnées pour assurer une rotation et rafraîchir le savoir collectif.

                    Le Comité recommande :

                    RECOMMANDATION 27 :

a)   Que le conseil soit composé d’environ neuf membres qui seront
       nommés par le gouverneur en conseil, après consultation des
       gouvernements provinciaux et territoriaux, des parties
       intéressées et du Comité de la santé de la Chambre des
       communes;

b)   Que les membres soient choisis pour leur sagesse, leur
        jugement et leur capacité de comprendre les multiples
       facettes de l’assistance à la procréation et de la recherche
       connexe;

c)   Qu’aucun des membres ne représente des intérêts précis ou
       n’entretienne des liens étroits avec des intérêts précis, ni ne se
       place en situation de conflit d’intérêt financier;

d)   Qu’aucun des membres ne provienne du gouvernement;

e)   Qu’au moins la moitié des membres du conseil soient des
       femmes;

f)   Que les membres du conseil soient nommés pour des mandats
      échelonnés de trois ans, renouvelable deux fois.

            Un secrétariat, dirigé par un directeur général et composé de personnes spécialisées dans des domaines comme la politique médicale et sanitaire, les affaires réglementaires, etc. doit être établi pour aider le conseil dans le sens de ses objectifs stratégiques et administratifs. En outre, le conseil pourrait être autorisé à créer des sous-comités composés de spécialistes de l’extérieur pour étudier des questions et des progrès en particulier. Notamment des sous-comités pourraient être établis pour traiter les deux grands domaines de réglementation, c’est-à-dire la thérapie de la reproduction et la recherche.

            Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 28 :

Qu’un secrétariat dirigé par un directeur général et composé de personnes ayant une expertise ou spécialisées dans divers domaines pertinents soit constitué dans la Loi pour aider le conseil dans le sens de ses objectifs stratégiques et administratifs.

Que le conseil soit autorisé à établir des sous-comités d’experts pour étudier des questions et des progrès en particulier.

Que les sous-comités soient composés de personnes représentant les points de vue des personnes handicapées, des personnes infertiles, des minorités raciales, de diverses confessions religieuses, de même que des personnes ayant une vaste gamme d’expertise, y compris dans les domaines de la médecine de la reproduction, de la recherche sur la santé, de l’éthique, des sciences sociales et du droit.

            Une des fonctions immédiates du conseil consistera à délivrer des permis pour l’exercice des activités réglementées. À notre avis, les audiences relatives à l’octroi de permis devraient être publiques. Certaines audiences seront, il va de soi, plus courantes que d’autres, mais nous croyons qu’il est important de donner au public l’occasion d’être entendu.

            Le Comité croit également que le conseil devrait avoir l’autorité de tenir des audiences publiques sur des points de préoccupation précis. En prévoyant une tribune publique pour débattre de questions potentiellement litigieuses, le conseil permettra aux Canadiens de participer de façon plus significative à la formulation de la politique. Le conseil profitera également du débat public et sera mieux éclairé pour faire des recommandations au Ministre.

                Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 29 :

Que les audiences relatives à l’octroi de permis se tiennent en public.

Que le conseil soit autorisé à tenir des audiences publiques sur des points de préoccupation précis.

            Nous croyons que les actions de l’organisme de réglementation, de même que celles du Ministre, devraient être les plus transparentes possible. Le registre public proposé à l’article 22 de l’avant-projet de loi est un pas dans la bonne direction car devront y être inscrits les renseignements prescrits par règlement : les autorisations délivrées, demandées et renouvelées; les décisions concernant la délivrance des autorisations et l’application de la Loi; les résultats cumulés des démarches des titulaires d’autorisations, etc. Toutefois, pour que le public soit le mieux renseigné possible, nous croyons que toutes les activités du conseil devraient être consignées dans le registre public, à l’exception de celles que la législation soustrait expressément à la divulgation obligatoire.

 

                    Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 30 :

Que toutes les activités du conseil soient consignées dans le registre public, sous réserve des exclusions qui sont précisées expressément dans la Loi.

            Enfin, de nombreux témoins ont souligné la nécessité de financer adéquatement l’organisme de réglementation afin de lui permettre de faire son travail. Le Comité est d’accord. Nous voulons que l’organisme de réglementation dispose d’un budget séparé, suffisant pour exercer ses activités. Nous ne voulons pas que la réglementation de l’assistance à la procréation et de la recherche connexe soit influencée par des préoccupations de recouvrement des coûts. Nous croyons donc que l’organisme de réglementation ne devrait pas être assujetti à la politique du gouvernement fédéral à ce sujet.

                    Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 31 :

Que le gouvernement fédéral finance adéquatement l’organisme de réglementation à l’aide de crédits distincts votés par le Parlement.

Que l’organisme de réglementation ne soit pas assujetti à la politique de recouvrement des coûts du gouvernement fédéral.

SECTION 11 : EXAMEN PAR UN COMITÉ PARLEMENTAIRE

            L’article 42 de l’avant-projet de loi prévoit un examen de la Loi par un comité parlementaire dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la Loi. Le Comité juge ce délai trop long.

            Une fois la Loi adoptée par le Parlement, il faudra élaborer les règlements essentiels à son application. L’organisme de réglementation devra aussi être mis sur pied et prêt à fonctionner. Bien des mois pourraient passer avant que la nouvelle Loi soit promulguée. Entre-temps, la technologie de l’assistance à la procréation et la recherche connexe pourraient évoluer à un rythme tel qu’il faudra sans doute mettre à jour la nouvelle Loi.

            À cause de l’évolution rapide de la science et de la technologie, un délai de trois ans pour un examen par un comité parlementaire serait plus indiqué selon nous. Le sujet du projet de loi est très délicat et prête beaucoup à la controverse. Le Parlement doit examiner la Loi plus tôt, à un moment plus opportun, pour que celle-ci reste actuelle sur les plans social et technologique.

                    Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 32 :

Que la nouvelle Loi prévoit un examen de son contenu par un comité parlementaire dans les trois ans suivant la date de sa promulgation.

SECTION 12 : AUTRES PRÉOCCUPATIONS

i) Prévention

            Le Comité a appris que des mesures de précaution doivent être prises pour réduire l’infertilité. À notre avis, il vaudrait mieux prévenir certains facteurs de risque qui contribuent à l’infertilité que de mettre au point de nouveaux traitements de l’infertilité causée par des maladies transmises sexuellement, des expositions professionnelles et environnementales, voire le report de la grossesse. Selon nous, un programme national complet, axé sur la santé génésique, s’impose. Nous reconnaissons que Santé Canada fait des efforts depuis une décennie pour mettre au point une stratégie, mais nous estimons qu’elle mérite plus de détermination et plus de ressources.

                        Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 33 :

Que le ministre de la Santé fasse la promotion et procure les ressources nécessaires à un programme axé sur la santé génésique, qui consisterait à recueillir des données, à faire de la recherche, à diffuser de l’information et à établir une politique, dans le but de prévenir l’infertilité.

Que l’on prévoie une coordination horizontale avec les ministères fédéraux concernés, tels Développement des ressources humaines Canada concernant les reports de grossesse et la santé professionnelle; Environnement Canada concernant les menaces pour la santé génésique; les Instituts canadiens de recherche concernant la recherche sur les facteurs de risque de l’infertilité et la prévention de l’infertilité.

Que l’on poursuive la collaboration avec les homologues provinciaux et territoriaux.

            ii) Définitions et terminologie

            Le Comité souhaite qu’on précise davantage certains termes et définitions et qu’on améliore sensiblement leur exactitude dans l’avant-projet de loi. Nous n’avons ni la compétence ni le temps pour mener une vaste consultation, mais à Santé Canada, on nous a assuré qu’on a observé les problèmes dont on nous a fait part et qu’on s’efforce d’améliorer les passages en cause. Selon nous, pour des raisons d’uniformité et de clarté, il faudrait réunir toutes les définitions au début du texte de loi. Nous trouvons aussi offensant l’inclusion de « embryon » dans l’expression « matériel reproductif humain » et problématiques les définitions de gène, génome, embryon et donneur d’embryon. Il faudrait aussi définir le terme gamète dans la Loi. En outre nous avons appris que rien ne semble justifier une définition de « femme ».

iii) Brevetage du matériel humain

            Le Comité est fort préoccupé du fait que du matériel humain puisse être breveté. Nous sommes profondément troublés du fait que la Loi sur les brevets n’interdise pas expressément les brevets concernant les gènes humains, les séquences de l’ADN et les lignées cellulaires. Il répugne à bien des membres qu’on puisse traiter des constituants biologiques humains comme une propriété brevetable. Cela suppose leur chosification, pavant ainsi la voie à leur commercialisation. Vu l’importance que le Comité attache au respect de l’intégrité et de la dignité humaines, nous demandons instamment de ne pas accorder de brevets sur le matériel humain. Il faudrait souligner, d’une part, les conséquences éthiques et sociales du brevetage du matériel humain et, d’autre part, l’incidence de la mise au point, de la disponibilité et des coûts des traitements issus de tels brevets sur la prestation des soins de santé au pays.

                    Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 34 :

Qu’on modifie la Loi sur les brevets de manière à interdire d’accorder des brevets sur les humains et sur le matériel humain.

iv) Application à l’État

            Il n’est pas clair dans quelle mesure les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux participent aux activités visées par l’avant-projet de loi. Toutefois, en tant qu’importants bailleurs de fonds de la recherche dans le domaine, nous voulons qu’ils soient liés par la Loi. Selon nous, dans la mesure de leur participation directe ou indirecte, tous les gouvernements devraient être assujettis, aux mêmes normes et contrôles que les autres Canadiens oeuvrant dans le domaine. Il faut donc inclure dans la Loi une disposition qui lie l’État.

 

                    Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 35 :

D’inclure dans la Loi une disposition qui lie Sa Majesté la Reine du chef du Canada ou une province ou un territoire.

v) Éléments essentiels d’un choix éclairé

            Le Comité reconnaît que, pour faire un choix éclairé, il faut avoir le droit de consentir et le droit de refuser. Nous convenons qu’un choix éclairé est une démarche continue qui doit inviter au changement selon les circonstances de chacun. Nous avons appris que l’avant-projet de loi est notamment fondé sur le consentement écrit et éclairé, mais que celui-ci n’est ni défini, ni explicité. Nous proposons plusieurs moyens pour conférer au cadre législatif plus de substance concernant le choix éclairé.

                    Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 36 :

Que la Loi définisse clairement le choix éclairé. La définition et les règlements d’application de la Loi renferme au moins les éléments suivants :

a)   Counselling ]obligatoire par une tierce partie indépendante pour
       toute assistance à la procréation;

b)   Garantie de services de counselling comme condition préalable
       à toute autorisation;

c)   Obtention du consentement à chaque étape de chaque
       traitement;

d)   Droit de refuser de consentir en tout temps, sauf s’il s’agit de
       conserver ou de communiquer un dossier médical et des
       renseignements personnels sur l’identité lorsque la progéniture
       est en cause.