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INST Rapport du Comité

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CHAPITRE 5
L'ÉLABORATION DES POLITIQUES À L'ÈRE DE
L'INFORMATION ? LOBBYING, ACCÈS ET INTERNET

Le lobbying consiste à prendre certains intérêts du secteur privé pour les faire correspondre aux intérêts du secteur public sans cacher quoi que ce soit […] L’Internet est un outil essentiel pour atteindre cet objectif. […] Selon nous, le gouvernement et le Parlement ont un rôle essentiel à jouer pour garantir que cela fonctionne bien. [Michael Teeter, 15:10:10]

La Loi sur l’enregistrement des lobbyistes concerne vraiment la transparence et l’amélioration de la transparence de la défense des intérêts publics. D’après notre expérience, la Loi est bien administrée et répond à un réel besoin, dans une certaine mesure, mais je crois qu’il y a des choses plus importantes qui se passent. En fait, il y a des choses que le gouvernement peut faire pour rendre le processus beaucoup plus ouvert, au-delà de la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes ? et ce dont il s’agit en fait c’est du processus de consultation publique et de son fonctionnement. [Scott Proudfoot, 15:10:20]

1. Le pouvoir de l’Internet

            Le sujet de discussion peut-être le plus intéressant que le Comité a abordé concernait l’Internet et son incidence sur le lobbying et le processus de consultation publique. La discussion a été menée par Scott Proudfoot et Michael Teeter, cocréateurs de www.Hillwatch.com, portail conçu comme centre de ressources en direct sur la vie politique et la politique officielle pour ceux qui travaillent dans le domaine politique et pour le gouvernement ou les gens qui veulent l’influencer. Le site catégorise plus de 2 300 sites et fournit des liens pour y accéder afin d’aider les gens à trouver des ressources utiles. Par exemple, il énumère 450 organisations et groupes canadiens dans différents secteurs, de même que plusieurs centaines de groupes internationaux. Le site a pour but de mettre en lumière les différentes positions du secteur privé ? associations, ONG et sociétés coalisées ? concernant la politique gouvernementale. Depuis sa création il y a six mois, le site a attiré quelque 40 000 visiteurs, ce qui témoigne du pouvoir de l’Internet :

L’Internet peut faire beaucoup pour favoriser la discussion des politiques publiques parce que c’est la source de renseignements de prédilection de bien des gens. Maintenant que plus de 50 p. 100 de la population du Canada est branchée, qu’il y a des liens avec les médias, avec ceux qui participent à la discussion des politiques publiques, avec les responsables d’associations, le taux de branchement est probablement de 80 p. 100 à 90 p. 100 dans bien des cas. [Scott Proudfoot, 15:10:10]

            Quelle est la nature du lien entre l’Internet et le lobbying? Le rapport le plus évident est le fait que le Registre des lobbyistes est en ligne et que quelque 98 p. 100 des enregistrements se font par voie électronique. La disponibilité du registre sur l’Internet a, de l’avis de la plupart des observateurs, contribué à une amélioration marquée de la transparence dans l’élaboration des politiques publiques :

En théorie, si vous voulez savoir qui dit quoi sur les questions qui vous intéressent et quelles questions font l’objet de débats au gouvernement ou ailleurs, vous pouvez aller voir sur l’Internet. Si vous organisez tous ces renseignements de façon utile, cela fournit un grand service au public. [Michael Teeter, 15:10:10]

            Fait intéressant, il semble que les groupes qui utilisent le plus efficacement le nouveau médium comme outil de lobbying sont souvent ceux qui ont le moins de ressources :

Les groupes qui ont compris la valeur de l’Internet comme outil de promotion pour leurs opinions ont été les groupes de la société civile. Ce n’est pas qu’ils soient plus intelligents que les autres. Le fait est qu’ils possèdent moins de ressources que les autres groupes. Ils ont compris que l’Internet est un outil qui leur permet de faire les choses mieux, de façon plus économique et plus vite et ont décidé de s’en servir. [Scott Proudfoot, 15:10:15]

            L’utilisation de l’Internet par les groupes de la société civile a incité d’autres organisations à préciser leurs propres politiques. On a donné l’exemple du débat sur les aliments génétiquement modifiés :

Les militants anti-aliments génétiquement modifiés se servent de l’Internet pour critiquer les entreprises traditionnelles, qui ont été prises au dépourvu. Tout à coup, elles se sont rendu compte qu’elles devaient défendre leur position publiquement. Si vous visitez les sites des entreprises traditionnelles ou des associations qui les représentent, vous y trouverez toutes sortes de renseignements fiables, toutes sortes de renseignements intéressants, beaucoup de documents scientifiques et beaucoup de propagande visant à semer la peur. Vous pouvez trouver toutes sortes de choses sur cette question. Il y a quatre ou cinq ans, cela aurait été impossible. Maintenant, tous ces renseignements sont accessibles au public. Selon nous, à part la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes, l’existence de l’Internet incite l’industrie à fonctionner beaucoup plus au grand jour qu’auparavant. [Scott Proudfoot, 15:10:15]

            Cependant, bon nombre d’organisations d’intérêt public font davantage que simplement chercher de l’information :

Elles s’organisent pour exercer des pressions sur les gouvernements. […] Ce sont des lobbyistes, mais ce n’est pas seulement une personne qui représente quelqu’un qui préfère rester dans l’ombre et qui doit s’enregistrer. Il y a des millions de personnes qui se servent de l’Internet pour s’organiser. [Michael Teeter, 15:10:20]

2. Un défi pour les gouvernements

            L’arrivée de l’Internet soulève un certain nombre de questions pour les législateurs et autres décideurs. Les députés connaissent déjà au moins un des problèmes : que faire de tous les courriels?

Bien sûr, cela a certains désavantages. L’un de ces désavantages, c’est que vous, députés, allez être assaillis de toutes sortes de renseignements d’ordre politique superflus. Nous venons de voir un rapport disant que les sénateurs américains reçoivent 55 000 courriels chaque mois. Les représentants à la Chambre en reçoivent 8 000. [Scott Proudfoot, 15:10:15]

            La croissance du lobbying sur l’Internet soulève également la difficile question de déterminer qui se trouve derrière un site Web :

Les associations ont des structures et des règlements. Ce n’est pas le cas de ces communautés. Elles n’ont pas de chef, elles n’ont pas de mandat et elles n’ont pas de règles de conduite. L’un des grands défis pour les gouvernements sera de s’occuper de ces questions. Qu’allez-vous faire de ces communautés qui exercent des pressions sur vous? [Michael Teeter, 15:10:20]

D’après Scott Proudfoot, la solution du problème réside dans l’élaboration de codes volontaires :

Donc si on se préoccupe de la divulgation et de l’absence de communication de la part de ces groupes, ils ont tous des sites Web. Si nous arrivions à les persuader d’adopter volontairement un bon code de pratiques, je suis sûr que la plupart d’entre eux accepteraient d’en faire partie. Je pense que cela réglerait un grand nombre de problèmes. [Scott Proudfoot, 15:10:40]

3. Sensibilisation du public

            Malgré ces préoccupations, il est évident que l’Internet peut constituer un excellent outil pour sensibiliser le public en faisant « passer le message » :

Bien des gens veulent une démocratie plus directe. Ils veulent remplacer non seulement leurs élus, mais aussi, sinon plus encore, les médias. Vous allez avoir droit à l’émission « Tout ce qu’il faut savoir sur les droits des animaux » ou « Parlons antimondialisation ». C’est vers cela qu’on se dirige. Nous allons tous devoir nous adapter à ces changements […] [Scott Proudfoot, 15:10:15]

            En plus de contribuer à la sensibilisation du public concernant les grandes questions, l’Internet permettra en même temps aux décideurs d’étendre utilement le processus des consultations publiques. Le Comité sait que ce mécanisme est déjà enclenché au sein du gouvernement canadien et d’autres gouvernements de par le monde :

[…] les hauts fonctionnaires mêmes dont nous sommes en train de parler qui font l’objet de pressions de la part de lobbyistes forment leurs propres cybercommunautés. Ces cybercommunautés sont en train d’être formées à l’intérieur du gouvernement et elles adoptent des positions de principe. [Michael Teeter, 15:10:20]

            L’expérience du Royaume-Uni concernant les consultations en direct a suscité beaucoup d’intérêt au sein du Comité. Le gouvernement britannique a créé un « portail pour les citoyens », UK Online. Dans la partie du portail appelé « Citizen Space », il y a un bouton portant la mention « Consultations » qui amène le visiteur à un registre central où il peut trouver toutes les consultations qui se déroulent au gouvernement. Le visiteur peut aussi, grâce à un lien, consulter des renseignements de base qui sont fournis par les hauts fonctionnaires et trouver les coordonnées des personnes ressources et de l’endroit où envoyer des mémoires. Le registre central constitue un lien vers les différents registres ministériels dont certains permettent d’accéder aux sites des ministères où se trouve un bouton de « Consultations ». Normalement, les sites fournissent des renseignements sur les consultations en cours et sur celles qui viennent de se terminer. Dans ce dernier cas, si le gouvernement a rendu une décision, on fournit un résumé des personnes qui ont comparu, de ce qu’elles ont dit et de la décision prise par le gouvernement.

            Les cofondateurs de Hillwatch estiment que le gouvernement canadien pourrait, en établissant un site semblable, encourager les citoyens à participer de façon utile au débat sur la politique publique :

Nous pensons que c’est une excellente idée. Cela motiverait beaucoup plus les gens à participer, à se renseigner sur ce qui se passe, et c’est pourquoi nous vous recommanderions de tout simplement leur voler cette idée et de l’appliquer au Canada. [Scott Proudfoot, 15:10:20]

            Hillwatch est toutefois d’avis que le système britannique pourrait être amélioré, et l’un des moyens serait de dire par courriel à tous ceux qui ont exprimé un intérêt qu’une consultation est sur le point de se tenir :

[…] il suffit de créer, dans le cadre d’un registre de consultations, une liste de 30 ou 40 sujets clés. Ces sujets vous intéressent-t-il? Cochez-les et donnez-nous votre adresse électronique. Nous vous enverrons alors un courriel pour vous indiquer la tenue d’une prochaine consultation. Vous pourrez alors vous rendre sur le site de consultations, obtenir plus de renseignements, vous renseigner sur le contexte et participer si vous le voulez. C’est une technologie très simple, peu coûteuse et facile à utiliser. [Scott Proudfoot, 15:10:20]

            Hillwatch offre une seconde suggestion d’amélioration :

Si vous avez un registre de consultations, pourquoi ne pas avoir un bouton sur lequel on pourrait cliquer pour avoir accès aux mémoires? Il suffit d’avoir une liste des personnes qui ont présenté des mémoires. Elles pourraient alors fournir les liens qui permettraient de consulter leurs documents sur leur site. Les gens pourraient alors les consulter, ou le gouvernement pourrait fournir une forme quelconque de registre central doté d’une base de données consultable. [Scott Proudfoot, 15:10:20]

            Le Comité sait, bien sûr, qu’il faut continuer de protéger le caractère confidentiel des renseignements commerciaux délicats, et c’est pourquoi les intervenants qui présentent des mémoires devraient avoir le choix d’en divulguer ou non la teneur :

Il faut toutefois faire une importante mise en garde : je crois que cela doit être volontaire. Parfois, les renseignements que nous fournissent nos clients sont confidentiels ? nous ne devrions pas divulguer de l’information que ne devraient pas connaître leurs concurrents. Je pense que les gens ont le droit de ne pas divulguer de l’information s’ils ne le veulent pas. Mais je pense que la plupart des gens participeraient à une telle initiative. [Scott Proudfoot, 15:10:25]

            Le Comité trouve très justifiables les recommandations de Hillwatch. Le gouvernement du Canada a déjà établi un portail Web (www.canada.gc.ca) pour permettre l’accès aux institutions gouvernementales et ces recommandations pourraient facilement lui être appliquées.

4. Le rôle des parlementaires

Quelle est la place du député dans ce processus? Jusqu’à un certain point, vous pouvez être exclus du processus. Dans le cadre de nos discussions sur les mécanismes de consultation et les cybercommunautés, je pense que nous devons examiner comment nous pouvons intégrer au processus les représentants élus et la responsabilité démocratique. [Scott Proudfoot, 15:10:25]

            Les membres du Comité ont conscience de ce que certains observateurs ont qualifié de diminution constante du rôle du simple député dans le processus décisionnel. Beaucoup de députés arrivent au Parlement bardés d’expérience et de connaissances dans divers domaines On pense généralement que les députés se joignent au débat uniquement au moment où un projet de loi est déposé. Or, leur participation au processus commence en fait bien avant. En effet, la représentation effective de nos électeurs impose souvent une participation précoce. Cependant, les députés ne sont souvent pas mieux informés que les membres du public sur ce qui se passe dans les différents ministères. Hillwatch propose un moyen simple d’utiliser l’Internet pour « impliquer » plus rapidement les députés :

[…] je propose […] [qu’]on prévoie un bouton qui indique : « Communiquez avec votre député. Si quelque chose vous tient à cœur, faites-en part à votre député. » C’est le genre de mécanisme qu’il faut prévoir. Au fur et à mesure qu’évoluera le gouvernement en direct, il faudra envisager d’autres moyens d’intégrer les députés au processus. Il serait très inquiétant de ne pas en faire une grande priorité. [Scott Proudfoot, 15:10:25]

            Cela signifie-t-il plus de travail pour les députés, dans un horaire déjà chargé? Peut-être. Le Comité y voit cependant une occasion de mieux représenter nos électeurs, en entretenant un dialogue électronique avec les intéressés. On en retire une efficacité accrue en tant que représentants élus, mais Hillwatch a aussi rappelé au Comité que d’engager ce genre de dialogue avec les électeurs procure d’autres avantages :

[…] lorsque les gens communiquent avec vous en tant que députés par Internet, que ce soit des gens de votre circonscription ou d’ailleurs, vous devriez y voir l’occasion de saisir des données. Une fois que vous apprenez quelque chose à propos d’une personne, cette personne devient essentiellement un bénévole. Les politiciens américains ont perfectionné ce système, et il arrive au Canada. [Michael Teeter, 15:10:30]

            Le Comité estime que l’Internet offre au gouvernement du Canada et aux députés une occasion unique d’engager les Canadiens dans le débat sur la politique publique comme jamais auparavant. Si les Canadiens peuvent aisément exprimer leurs opinions, il sera possible de baser l’élaboration des politiques d’intérêt public sur les points de vue et intérêts de tous et non pas seulement de ceux qui ont accès au gouvernement. En engageant les Canadiens d’une façon utile dans le débat, nous pouvons faire en sorte que la politique publique reflète véritablement les souhaits de tous les Canadiens.

            Pour promouvoir la transparence du processus d’élaboration des politiques et faire en sorte que tous les Canadiens puissent contribuer véritablement à ce processus :

Recommandation 24 :

Le Comité recommande que le ministère de l’Industrie, en consultation avec d’autres ministères, consacre les ressources nécessaires et procède délibérément à la conception et à l’application d’une architecture Internet, à incorporer au site Web du gouvernement du Canada (htpp://www.canada.gc.ca) et comprenant les caractéristiques suivantes :

  • un portail « Consultations » facile à trouver pour amener les visiteurs à un registre central contenant des renseignements sur toutes les consultations en cours au gouvernement, avec des liens vers les ministères responsables des consultations;

  • des liens additionnels vers des données de base préparées ou reçues par le gouvernement en rapport avec une consultation;

  • des liens vers les personnes ou les ministères à contacter et l’endroit où envoyer les mémoires;

  • de l’information au sujet des consultations qui sont en cours ou viennent de se terminer. Dans le cas de celles qui viennent de se terminer et à l’issue desquelles le gouvernement a rendu une décision, un résumé des personnes qui ont comparu, de ce qu’elles ont dit, de la décision prise par le gouvernement et de ses justifications;

  • une liste d’envoi d’avis électroniques pour informer les Canadiens des consultations à venir sur les sujets qui les intéressent;

  • un bouton « Communiquez avec votre député » permettant aux Canadiens d’envoyer à leur député leurs présentations au gouvernement.

Recommandation 25 :

De plus, une fois que le portail de consultations sera disponible, le Comité recommande que le gouvernement entreprenne d’annoncer le site pour informer les Canadiens de son existence et de la possibilité de prendre part au processus d’élaboration des politiques publiques.