La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
Édition 2000Plus d’informations …
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Historique

Précédents Britanniques

Les comités du Parlement britannique existent sous une forme ou une autre depuis le quatorzième siècle [1] . Les précurseurs des premiers comités parlementaires ont été les personnes chargées de vérifier et d’examiner les pétitions [2], et la première tâche des comités tels que nous les connaissons a été de rédiger des mesures législatives pour donner suite aux pétitions accueillies favorablement par la Couronne. Dès le milieu du seizième siècle, les comités faisaient partie des rouages du système parlementaire, modifiant ou « améliorant » les mesures législatives dont la Chambre des communes avait approuvé le principe. Les comités avaient leurs propres salles de réunion au palais de Westminster et leurs usages revêtaient déjà un grand nombre de leurs caractéristiques modernes, notamment des règles plus souples pour régir les débats, le droit de nommer des sous-comités et celui de convoquer des témoins. La Chambre a cependant toujours pris soin de conserver le contrôle et la responsabilité à l’égard des travaux qu’elle renvoyait aux comités.

À l’époque, on distinguait deux types de comités : les grands comités de 30 à 40 membres et les petits, qui en comptaient 15 au plus. Les grands comités, souvent composés de différentes classes de députés (selon la profession, la région et les fonctions), étaient chargés d’étudier les questions de fond. Au début, ils étaient toujours classés comme des comités « spéciaux », c’est-à-dire des entités créées pour une fin particulière et dissoutes aussitôt leur travail accompli. Avec le temps, certains de ces grands comités ont reçu des ordres de renvoi (ou mandats) qui valaient pour toute la durée d’une session. À titre de comités « permanents », ils étaient chargés d’un champ de responsabilité, comme l’étude d’une catégorie de projets de loi ou un domaine particulier des travaux de la Chambre [3] . Au milieu du dix-septième siècle, un système de comités permanents passablement élaboré était en place, et ce système est resté à peu près inchangé pendant les deux siècles qui ont suivi [4] .

Les comités plus petits, auxquels n’étaient nommés que des députés expressément désignés par la Chambre, ont fini par s’appeler les comités « restreints » (« select » en anglais). Bien que n’importe quel député ait pu assister aux délibérations d’un comité restreint, seuls les personnes nommées membres de ce comité par la Chambre pouvaient participer aux délibérations [5] .

Par contre, dans les grands comités, il est devenu courant qu’on permette à tous les députés présents de prendre part aux échanges. Cette pratique autorisant tous les députés à prendre la parole dans ces comités a évolué, et on a commencé à parler de comités « généraux » ou de « grands » comités. Ultimement, la composition de ces comités est devenue identique à celle de la Chambre même, et ils ont été appelés « comités pléniers » [6] . Les grands comités sont devenus l’instance de prédilection pour étudier les « projets de loi de grande préoccupation et surtout les projets de loi levant des impôts ou autres recettes sur les contribuables […] pour qu’il soit possible de tenir des débats plus exhaustifs, car, dans un comité, les députés ont la liberté de parler d’une même question aussi souvent qu’ils le jugent nécessaire […] [7]  ».

Le Long Parlement révolutionnaire (1640-1660) [8] , qui a assumé tous les pouvoirs de l’administration et du gouvernement pour le Commonwealth, a écarté les grands comités et a gouverné au moyen de petits comités. Les comités pléniers semblaient « fort peu commodes », car ils accordaient à l’opposition des droits égaux de participation aux débats [9] .

À la Restauration [10] , le Parlement est revenu en 1661 aux grands comités pour les travaux les plus importants et, dès 1700, il était de pratique courante d’étudier les projets de loi en comité plénier après la deuxième lecture [11] . Au fil des ans, divers comités de réforme ont continué de proposer que les projets de loi soient de nouveau renvoyés aux petits comités, mais la Chambre a préféré la plus grande transparence que permettait le comité plénier.

Procédure des Comités avant la Confédération

Contrairement à la pratique du Royaume-Uni au dix-neuvième siècle, où la majorité des travaux des comités était confiée à des comités pléniers, les assemblées législatives du Haut et du Bas-Canada renvoyaient régulièrement les projets de loi pour étude à des comités restreints [12] . En réalité, le système de comités permanents des deux Canada, ainsi qu’il a évolué, s’apparentait davantage à la structure de comités des assemblées législatives coloniales américaines et du Congrès des États-Unis qu’à celle du Parlement britannique [13] . Au cours des années 1830, un système de comités passablement évolué a fait son apparition.

En 1831, le Bas-Canada a commencé à nommer un certain nombre de comités permanents (c’est-à-dire des comités ayant un mandat permanent) au début de chaque session. Un peu plus tard, en 1836, l’Assemblée du Haut-Canada a nommé 12 comités restreints et permanents chargés d’à peu près tous les domaines d’activité du gouvernement, rompant avec la pratique usuelle, qui voulait qu’on nomme des comités spéciaux ou ad hoc au gré des besoins [14] .

Les comités donnaient aux députés des assemblées législatives une certaine indépendance par rapport à l’exécutif et traduisaient leur volonté de s’occuper plus directement des affaires du gouvernement. Pour cette raison, le Conseil exécutif du Haut-Canada a arrêté de nommer des comités permanents après la rébellion de 1837 [15] . De la même façon, le gouvernement de la Province unie du Canada (1841-1866) a tout d’abord refusé de créer un système de comités permanents, soutenant que cela compromettrait le principe de gouvernement responsable [16] .

Élaboration des Règles régissant les Comités de la Chambre des communes du Canada

La Chambre des communes du nouveau Dominion du Canada a hérité de la Province du Canada les règles régissant ses comités. Elles étaient essentiellement identiques à celles appliquées à l’Assemblée législative du Bas-Canada avant l’Acte d’Union de 1840 [17] . Les efforts de réforme, tant avant qu’après la Confédération, ont continué de refléter la volonté de rendre l’Assemblée législative plus efficace ou encore l’interminable lutte en vue de modifier l’équilibre des pouvoirs entre l’assemblée législative et le pouvoir exécutif.

Dans le premier Règlement adopté en 1867, fort peu d’articles traitaient directement des comités permanents ou spéciaux. Le Règlement n’énumérait pas les comités qui devaient être mis sur pied, ne donnait aucune précision sur leurs pouvoirs, leur procédure ou l’autorité de la présidence. Il interdisait cependant à un député qui s’était prononcé contre la question renvoyée à un comité de faire partie de ce comité [18] . Cette règle, caractéristique de la pratique parlementaire britannique depuis au moins l’époque d’Elizabeth 1re, n’a été abrogée au Canada qu’en 1955 [19] .

De 1867 à 1906, la liste des comités permanents de la Chambre [20]  était établie par l’adoption d’une motion à chaque session de chaque législature, d’habitude dans les premiers jours suivant le discours du Trône [21] . En 1906, la Chambre ajoutait pour la première fois au Règlement une liste des comités « permanents » qui devaient, selon la décision de la Chambre, être constitués à toutes les sessions, même si ces comités n’étaient actifs que lorsque la Chambre leur ordonnait expressément d’étudier une question donnée [22]. Les comités spéciaux et mixtes, dont le nombre et le mandat variaient d’une année à l’autre, étaient également établis dans le cours de chaque session. Également en 1906, la Chambre a créé un comité de sélection chargé de nommer les membres des comités permanents [23] .

Vu la taille considérable de la plupart des comités dans les premières années de la Confédération (certains comptaient plus d’une centaine de membres) et la règle fixant le quorum à la majorité des membres, les grands comités avaient beaucoup de mal à rassembler assez de membres régulièrement pour pouvoir siéger et s’acquitter de leurs travaux [24] . C’est pourquoi, au fil des ans, la taille des comités permanents a diminué, si bien que, à la 26e législature (1963-1965), le maximum n’était pas supérieur à 15 membres; au cours de la 36e législature, le maximum est remonté à 16 ou 18 membres [25] . Par ailleurs, le nombre de comités permanents de la Chambre est passé de 10 en 1867 à 25 en 1986, pour être ramené à 17 au cours de la 36e législature (1997-     ) [26] .

Malgré le fait qu’une structure de comités permanents fut établie à la Confédération, pendant les 100 premières années, en fait la plupart des comités ne se réunissaient pas d’une session à l’autre et la plupart des travaux de la Chambre se sont faits sur le parquet même de la Chambre, souvent en comité plénier [27] . À maintes reprises, la Chambre a envisagé de renforcer le rôle des comités permanents, surtout pour l’étude du Budget des dépenses. À plusieurs occasions, les députés ont exprimé des inquiétudes parce que le Budget des dépenses ne faisait pas l’objet d’une étude détaillée à la Chambre et ils ont avancé l’idée que l’étude serait plus efficace si les prévisions de dépenses étaient tout d’abord renvoyées pour examen à des comités permanents ou spéciaux. Une proposition à cet effet a été déférée à un comité spécial en février 1925 [28] . Le comité n’a pas retenu la proposition, mais on a continué de soulever la question à la Chambre. En juillet 1955, la Chambre adoptait une motion permettant de retirer au Comité des subsides l’étude du Budget des dépenses pour la confier à des comités permanents ou spéciaux [29] . En 1958, la Chambre ajoutait un Comité permanent des prévisions de dépenses [30] . En 1964, un Comité spécial de la procédure et de l’organisation proposait également que le Budget principal des dépenses soit automatiquement renvoyé, dès son dépôt, aux comités permanents [31] .

En 1965, le Règlement a été modifié de façon provisoire pour permettre aux comités permanents d’examiner les prévisions de dépenses [32] , mais ce n’est qu’en 1968 que la Chambre a accepté une restructuration et une réorientation permanentes du système de comités. Aux termes des nouvelles dispositions du Règlement, le Budget principal des dépenses était déposé et renvoyé aux comités permanents au plus tard le 1er mars de chaque année, le rapport des comités devant être présenté à la Chambre (ou réputé présenté à la Chambre) au plus tard le 31 mai. En outre, il était prévu que tous les projets de loi (autres que ceux découlant des motions de subsides et de voies et moyens) seraient étudiés par un comité permanent après la deuxième lecture [33] .

En 1982, la Chambre a de nouveau mis sur pied un comité spécial chargé de revoir le Règlement [34]  et a mis en œuvre de façon provisoire plusieurs de ses recommandations. Parmi les modifications les plus importantes, figurent celles prévoyant le renvoi d’office des rapports annuels des ministères, organismes et sociétés d’État aux comités permanents et autorisant les comités à entreprendre de leur propre initiative des études ou enquêtes fondées sur l’information fournie dans ces rapports [35] . Au début de la législature suivante (1984-1988), la Chambre a accepté de conserver les modifications provisoires [36]  et a chargé un autre comité spécial d’étudier l’efficacité de tous les aspects de la procédure et de l’administration de la Chambre [37] . Ce comité a recommandé d’élargir la portée des mandats des comités, de leur accorder un large pouvoir leur permettant d’étudier, pour en faire rapport à la Chambre, toute question se rapportant aux ministères qui relèvent de leur compétence; de créer une structure de comités qui correspond autant que faire se peut à la structure de l’administration publique [38] ; et d’établir un comité de liaison regroupant les présidents de tous les comités permanents et les présidents ou vice-présidents appropriés des comités mixtes, chargé d’attribuer les budgets aux comités [39] . Des modifications provisoires apportées au Règlement en 1986 ont repris la majorité des recommandations du Comité concernant les comités, et ces modifications ont été rendues permanentes l’année suivante [40] . La structure des comités permanents de la Chambre a été rajustée en 1991 et 1994 pour tenir compte des changements survenus dans l’administration publique [41] .

Mis à part ces réorganisations du système des comités, il y a eu deux autres modifications d’importance dans les pratiques des comités depuis les réformes du Comité McGrath, et elles tendent surtout à mettre davantage en évidence les comités et les simples députés et à améliorer leur efficacité. En avril 1991, la Chambre a convenu d’autoriser les comités à diffuser leurs délibérations dans le cadre de lignes directrices arrêtées par le Comité permanent de la gestion de la Chambre [42] ; en 1994 [43] , le Règlement a de nouveau été modifié pour autoriser la Chambre à charger un comité d’élaborer un projet de loi et de le déposer ou à renvoyer des projets de loi à un comité avant la deuxième lecture [44] . Le but visé par ces modifications était de donner aux simples députés l’occasion de participer à l’élaboration d’une politique avant que le gouvernement n’arrête sa position sur une initiative législative donnée [45] .


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