La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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18. Les procédures financières

Les travaux des voies et moyens

Dans le cadre des « voies et moyens », le gouvernement établit sa politique économique en présentant un budget et obtient l’approbation du Parlement pour prélever les fonds nécessaires grâce à des mesures fiscales. À cet égard, les lois les plus importantes (c’est-à-dire celles qui permettent de regarnir le Trésor) sont la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur l’accise et le Tarif des douanes.

L’un des principes fondamentaux de la procédure des voies et moyens est que les projets de loi d’imposition et de taxation doivent émaner de la Chambre des communes. En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, « tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des communes [304]  »; une exigence de même nature est inscrite dans le Règlement de la Chambre [305] .

Les travaux des voies et moyens se répartissent en deux catégories :

  • Le débat sur une motion en vue d’approuver de façon générale la politique budgétaire du gouvernement (la présentation du Budget suivie d’un débat de quatre jours sur le sujet); et
  • L’examen des mesures législatives (les projets de loi fondés sur les motions de voies et moyens déjà approuvées par la Chambre) qui imposent une taxe, un impôt ou d’autres charges aux contribuables.

Une motion de voies et moyens propose que la Chambre examine une mesure financière particulière. Pour le Budget, la motion vise l’approbation de la politique budgétaire du gouvernement; pour les textes législatifs, elle fixe les modalités des mesures proposées, notamment les taux et l’incidence de la taxation. Alors qu’un budget est normalement suivi d’un projet de loi de voies et moyens, un tel projet de loi n’a pas à être précédé d’un exposé budgétaire. En règle générale, on peut présenter des mesures fiscales à n’importe quel moment d’une session, la seule condition préalable étant l’adoption d’une motion de voies et moyens.

La Couronne, sur l’avis des ministres responsables, est à l’origine de toutes les demandes visant à percevoir ou à augmenter une taxe ou un impôt, la Chambre accordant ou refusant son consentement [306] . Par conséquent, seul un ministre peut présenter une motion de voies et moyens. Une fois adoptée, une telle motion barre la voie à tout amendement qui contreviendrait à l’initiative financière de la Couronne [307] .

La procédure des voies et moyens (de 1867 À 1968)

À l’origine, les travaux des voies et moyens consistaient à étudier et à autoriser des mesures visant à produire des recettes ainsi qu’à affecter ou à mettre de côté, à même le Trésor, les fonds approuvés dans le Budget des dépenses par le Comité des subsides [308] . Pendant les cent premières années qui suivirent la Confédération, les procédures des voies et moyens demeurèrent pratiquement inchangées. Les mesures étaient proposées sous forme de résolutions, chacune devant être débattue et adoptée officiellement au sein du Comité des voies et moyens, puis on en faisait rapport à la Chambre. Elles étaient ensuite lues une première et une seconde fois, puis adoptées, avant d’être incorporées à un ou plusieurs projets de loi qui franchissaient ensuite les mêmes étapes législatives que tous les autres projets de loi [309] .

Au fil des ans, la principale activité des voies et moyens devint l’examen et l’adoption des résolutions découlant du discours du Budget. Toutefois, l’exposé financier du ministre des Finances et les réactions de l’opposition pouvaient difficilement être qualifiées de débat. Lors d’un jour désigné, le ministre des Finances prenait la parole à la Chambre afin de décrire la « situation financière du Dominion ». Après avoir entendu la réaction de l’opposition, la Chambre se réunissait en comité des voies et moyens afin d’étudier les résolutions sur la fiscalité ou les tarifs proposés par le ministre dans le Budget. Au départ, l’examen du discours du Budget et des résolutions annexes des voies et moyens ne représentait qu’une petite partie du travail du Comité; il consacrait la majorité de son temps à imputer les fonds votés dans le cadre des travaux des subsides. Toutefois, avec le temps, l’exposé financier se mua en événement politique majeur. Le débat sur le Budget commença à occuper davantage de place lorsque l’opposition se mit à l’utiliser pour contester la politique financière du gouvernement et, grâce aux amendements, pour attirer l’attention sur des mesures et programmes gouvernementaux particuliers.

Pendant un bon nombre d’années après la Confédération, le ministre des Finances ne suivit aucune procédure établie pour la présentation de son Budget. Parfois, l’exposé avait lieu sur motion de la Chambre en vue de se constituer en comité des subsides [310]  et, à d’autres occasions, lorsque la Chambre siégeait en tant que comité des voies et moyens [311] . De 1912 à 1968, l’exposé budgétaire était présenté sur la motion portant que la Chambre se constitue en comité des voies et moyens. Comme dans le cas des subsides, la motion portant que le Président quitte le fauteuil et que la Chambre se constitue en comité des voies et moyens était sujette à débat, modifiable et non assujettie à une limite de temps. Par conséquent, les propositions budgétaires étaient d’abord débattues sur la motion portant formation de la Chambre en comité des voies et moyens, débattues sous forme de résolutions au sein du Comité, débattues lorsque celles-ci étaient rapportées et lues à la Chambre, puis débattues de nouveau lorsque les projets de loi passaient par les étapes normales du processus législatif. Cette pratique demeura inchangée jusqu’en 1913, date où la Chambre décida que, sur lecture de l’ordre visant les voies et moyens un jeudi ou un vendredi, la motion portant que le Président quitte le fauteuil ferait l’objet d’une décision sans débat ni amendement.

Par suite de modifications apportées au Règlement en 1955 [312] , il n’y eut plus aucun débat sur la motion portant que le Président quitte le fauteuil et que la Chambre se constitue en comité des voies et moyens, sauf lors de la présentation d’un budget. À ces occasions, la motion et tous les amendements connexes pouvaient être débattus pendant huit jours de séance au total. On se prononçait sur le sous-amendement au cinquième jour du débat, et sur l’amendement au septième [313] . Au début des années 1960, la Chambre limita de nouveau le débat sur le Budget, cette fois à six jours [314] , le sous-amendement et l’amendement devant être réglés le deuxième et le quatrième jour respectivement. À l’exception de ceux prononcés par le ministre des Finances, le premier ministre, le chef de l’Opposition et le député qui s’exprimait le premier au nom de l’opposition, les discours étaient limités à 30 minutes; le député proposant le sous-amendement pouvait s’exprimer pendant 40 minutes [315] .

Avant les modifications apportées au Règlement en 1968, les modifications au régime fiscal devaient obligatoirement être présentées dans le cadre d’un exposé budgétaire. La plupart des observateurs jugeaient que cette procédure était mal adaptée au contexte moderne, dans lequel le gouvernement considérait la politique fiscale comme son principal moyen d’influer sur l’activité économique et devait avoir les coudées franches pour réagir rapidement à l’évolution de la conjoncture [316] .

La procédure des voies et moyens (de 1968 À ce jour)

En 1968, la Chambre décida d’abolir le Comité des voies et moyens [317]  afin de supprimer le rôle de ce dernier dans l’examen des résolutions autorisant des prélèvements sur le Trésor par suite de l’adoption des crédits, et afin d’éliminer le processus répétitif des débats sur les propositions budgétaires, lesquels avaient lieu d’abord sur la motion portant formation du Comité des voies et moyens, et ensuite au sein du Comité des voies et moyens, puis de nouveau aux diverses étapes des projets de loi connexes [318] . Néanmoins, les projets de loi des voies et moyens continuèrent d’être examinés au sein d’un comité plénier jusqu’en 1985 [319] .

À la suite de ces modifications, le débat sur le Budget porte sur une motion très générale concernant la politique budgétaire du gouvernement. Les motions des voies et moyens (des propositions visant à modifier les recettes du gouvernement) résultant du Budget sont présentées à la Chambre, après que le débat sur le Budget est terminé, et sont réglées sans débat ni amendement. L’examen détaillé des mesures de voies et moyens a lieu uniquement dans le cadre du débat sur les projets de loi ayant pour objet de les concrétiser [320] .

En 1982, on réduisait de 30 à 20 minutes la limite imposée aux discours de tous les députés sur la motion relative au Budget, sauf pour le ministre des Finances, le député s’exprimant le premier au nom de l’Opposition, le premier ministre et le chef de l’Opposition, et on réservait une période de 10 minutes pour les questions et observations après chaque intervention de 20 minutes [321] . En 1991, on réduisait de six à quatre le nombre total de jours de séance consacrés au débat sur le Budget [322] .

Le Budget

Le mot anglais « budget » vient de l’ancien français bougette, diminutif de bouge, désignant un petit sac. Dans un pamphlet paru en 1733, intitulé The Budget Opened, on montre sir Robert Walpole, alors premier ministre britannique et chancelier de l’Échiquier, en train d’ouvrir son sac ou sa bourse comme un charlatan ouvrant une besace de remèdes miraculeux et d’attrape-nigauds [323] . Le mot — au sens actuel — serait passé dans l’usage anglais aux environs de cette époque, et immédiatement après en français.

Selon la tradition, le ministre des Finances présente chaque année un exposé budgétaire officiel dans lequel il fait une évaluation détaillée de la position financière du gouvernement tout en donnant un aperçu de la situation économique du pays [324] . Le ministre précise alors en quoi le fardeau fiscal du contribuable sera augmenté ou réduit.

Le discours du Budget

Lorsque le gouvernement désire présenter un exposé budgétaire, un ministre [325]  intervient à la Chambre pour demander qu’un ordre du jour soit désigné à cette fin; le ministre précise également la date et l’heure de l’exposé [326] . Normalement, le ministre des Finances fait l’annonce pendant les « Questions orales », en réponse à une question d’un député de l’Opposition officielle [327] . Toutefois, l’annonce peut avoir lieu à n’importe quel moment où la Chambre siège. Elle est considérée comme la demande portant qu’une journée soit désignée conformément au Règlement, et aucun avis n’est nécessaire. L’ordre du jour est aussi réputé être un ordre de la Chambre portant que celle-ci siégera, au besoin, au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien [328] .

Au moment prévu du jour désigné, normalement à la fin de l’après-midi après la fermeture des marchés financiers, le Président interrompt les travaux en cours, qui sont réputés ajournés [329] , et la Chambre passe à l’examen de l’ordre du jour visant la présentation de l’exposé budgétaire. Le ministre des Finances se lève alors pour proposer une motion de voies et moyens portant « que la Chambre approuve la politique budgétaire générale du gouvernement » [330]  et pour présenter le discours du Budget. Le ministre peut également déposer des avis de motions de voies et moyens établissant les différentes mesures fiscales et autres qui seront nécessaires pour donner suite au Budget, et demander qu’on désigne un ordre du jour pour l’examen de chaque motion. Toutefois, on ne peut proposer d’adopter l’une ou l’autre de ces motions, ou des motions de voies et moyens présentées à tout autre moment pendant la session, avant que les délibérations des voies et moyens sur le Budget lui-même ne soient terminées. La Chambre se prononce donc sur la politique budgétaire du gouvernement avant de passer à l’étude des mesures fiscales [331] .

Par convention, les propositions fiscales entrent en vigueur dès que le ministre dépose un avis d’une motion de voies et moyens, et ce même si les plans fiscaux du gouvernement n’ont pas encore été adoptés officiellement en vertu d’un texte de loi [332] .

Le secret budgétaire

En vertu d’une longue tradition, le contenu du Budget est gardé secret jusqu’à ce que le ministre des Finances le présente officiellement à la Chambre. Dans les cas de « fuites », on a souvent invoqué l’incidence du Budget sur les marchés financiers pour soulever une question de privilège ou pour contester la validité des délibérations au moyen d’un rappel au Règlement [333] . Toutefois, les Présidents des Communes canadiennes ont jugé que le secret tenait davantage à une convention parlementaire qu’au privilège [334] . Le Président Sauvé a fait observer qu’une violation du secret budgétaire « […] peut avoir des répercussions néfastes sur les affaires ou la bourse [et] peut rapporter à des gens des revenus qu’ils n’auraient pas obtenus autrement [mais cela n’a] cependant aucune incidence sur les privilèges des députés. [Ces conséquences] peuvent causer un tort parfois irréparable, à des personnes ou à des établissements, mais elles ne concernent en rien les privilèges. Elles concernent la conduite d’un ministre dans l’exercice de ses fonctions parlementaires [335] . » Afin que les députés et journalistes puissent réagir au discours du Budget, des représentants du ministère des Finances tiennent habituellement à leur intention une séance d’information à huis clos plusieurs heures avant que l’exposé budgétaire comme tel n’ait lieu à la Chambre [336] . Bien qu’on ait invoqué le privilège relativement à ces séances à huis clos, le Président a décidé qu’il ne lui revenait pas de statuer sur leur nature ni sur l’admission dans la salle [337] .

Les consultations prébudgétaires

L’accent étant mis de plus en plus sur la consultation, bon nombre des dispositions financières du Budget ont déjà fait l’objet de discussions publiques avant le début de la rédaction du document [338] . Depuis 1994, le Comité permanent des finances est officiellement habilité à tenir des consultations « prébudgétaires » [339] . Auparavant, seuls le ministre et le ministère des Finances consultaient les partenaires économiques et sociaux du gouvernement pendant le processus préparatoire. Le Comité des finances était déjà habilité à réaliser ce genre d’études consultatives [340] , mais l’ajout d’un article précis au Règlement signale que la Chambre tient à recevoir et à examiner un rapport sur le sujet. Conformément au Règlement, le Comité peut soumettre un rapport à la Chambre au plus tard 10 jours de séance avant le dernier jour ordinaire de séance, en décembre, tel que stipulé dans le calendrier parlementaire [341] . Même si elle n’a aucune obligation à cet égard, la Chambre a, chaque fois qu’on lui a soumis un rapport, tenu un débat soit sur le rapport comme tel soit sur l’objet des consultations. Il s’agit d’un débat « exploratoire » spécial tenu sous la rubrique des Ordres émanant du gouvernement quelque temps avant la présentation du Budget [342] .

L’exposé économique

À l’occasion, le ministre des Finances présente aussi à la Chambre un exposé économique qu’on appelle généralement un « mini-budget ». Contrairement à ce qui se passe dans le cas du Budget, ces exposés sont présentés sans avis et ne sont pas suivis d’un débat sur le Budget. Des avis de motions des voies et moyens sont également déposés en pareilles occasions. Jusqu’ici, le ministre a présenté de tels exposés pendant l’examen de l’Adresse en réponse au discours du Trône [343] , sur une motion portant ajournement de la Chambre afin de tenir un débat d’urgence [344] , pendant les Affaires courantes sous les « Déclarations de ministres » [345]  et au moment de présenter la motion pour la deuxième lecture d’un projet de loi portant pouvoir d’emprunt [346] . Les règles du débat applicables à chaque situation ont été respectées [347] .

Le débat sur le Budget

À la fin de l’exposé budgétaire [348] , le Président donne la parole à un représentant de l’Opposition officielle, habituellement le porte-parole en matière de finances, lequel, après une brève intervention, propose une motion d’ajournement du débat qui est alors réputée adoptée. Ce faisant, le député se réserve le droit d’intervenir le premier à la reprise du débat sur la motion, lors de la prochaine séance. Le Président ajourne ensuite la Chambre jusqu’au prochain jour de séance [349] .

Durée du débat

Une fois le Budget présenté, le Règlement prévoit que les délibérations sur la motion afférente et sur tout amendement ne doivent pas dépasser quatre jours de séance additionnels [350] . Il n’est pas nécessaire que les quatre jours de débat soient consécutifs [351]  et, si un petit nombre de députés désirent prendre la parole, le débat peut durer moins de quatre jours. Si la Chambre en convient, les jours non utilisés peuvent être ajoutés au nombre des jours de l’opposition de la même période de subsides, comme le stipule le Règlement [352] .

Depuis les modifications apportées en 1955, il s’est produit sept occasions où le débat sur le Budget n’a pas occupé tout le temps prévu dans le Règlement [353]. En 1962, le Budget a été présenté, mais on a dissous le Parlement avant que n’ait lieu le débat sur le Budget [354] . En 1966 et 1969, la Chambre a adopté des ordres spéciaux réduisant le nombre de jours de débat [355] . Dans deux autres cas (en 1974 et 1979), on a coupé court au débat lorsque le premier ministre a demandé et obtenu la dissolution du Parlement après l’adoption des sous-amendements [356] . Au début de 1991, alors que six jours de débat étaient prévus au Règlement, le débat sur le Budget présenté le 26 février n’a duré que quatre jours; tant l’amendement que le sous-amendement ont été rejetés, et le débat sur la motion principale n’a pas repris avant la prorogation, en mai [357] . En 1993, il n’y a eu que deux jours de débat sur le Budget présenté le 26 avril; on a rejeté le sous-amendement, et le débat sur l’amendement et la motion principale n’a pas repris avant la dissolution de septembre 1993 [358] .

Priorité du débat

En 1955, la Chambre a décidé que le débat sur la motion sur le Budget devait avoir préséance sur tous les autres ordres émanant du gouvernement [359] . Conformément au Règlement, lorsqu’un ordre du jour portant reprise du débat sur le Budget est appelé, il devient le premier ordre du jour de la séance et aucun autre ordre émanant du gouvernement ne peut être étudié pendant cette séance, à moins que les délibérations sur la motion sur le Budget ne soient terminées [360] .

Durée des discours

Le ministre des Finances, le premier ministre, le premier député qui prend la parole au nom de l’Opposition et le chef de l’Opposition disposent d’une période illimitée et leurs discours ne sont pas suivis d’une période de questions et d’observations de 10 minutes [361] . Tous les autres députés peuvent s’exprimer pendant au plus 20 minutes, leurs discours pouvant être suivis d’une période d’au plus 10 minutes pour des questions et observations. La motion sur le Budget étant de nature générale, il en va de même pour le débat, pendant lequel on relâche normalement la règle de pertinence.

Mise aux voix des amendements et fin du débat

Un seul amendement et un seul sous-amendement peuvent être proposés à la motion sur le Budget [362] . Cela est contraire aux règles habituelles du débat, qui permettent aux députés de proposer un nombre illimité d’amendements et de sous-amendements à condition que chacun soit réglé avant qu’on ne passe au suivant. Le premier jour de la reprise du débat sur la motion sur le Budget, le député de l’Opposition qui a proposé l’ajournement du débat sur le Budget poursuit son discours et, habituellement, propose un amendement avant de reprendre son siège. Le prochain intervenant, un député du deuxième parti d’opposition, propose normalement un sous-amendement à la fin de son intervention. Il arrive qu’aucun sous-amendement ne soit proposé [363]. Aucune règle n’interdit qu’on propose l’amendement ou le sous-amendement après le premier jour de la reprise du débat (même si cela ne s’est pas produit depuis qu’on a réduit à quatre, en 1991, le nombre de jours consacrés à la poursuite du débat) [364] .

Le Règlement définit l’exacte procédure à suivre en ce qui touche l’amendement et le sous-amendement. Le deuxième jour de la reprise du débat, si on a proposé un sous-amendement, le Président interrompt les délibérations 15 minutes avant l’expiration du temps prévu pour les affaires émanant du gouvernement et met aux voix ledit sous-amendement [365] . Le troisième jour de la reprise du débat, le Président interrompt les délibérations de la même manière qu’au deuxième jour et met aux voix l’amendement à l’étude [366] . Enfin, le quatrième jour, à moins que le débat n’ait pris fin antérieurement, le Président interrompt de la même manière les délibérations et met aux voix la motion principale [367] . Pendant les années 1970, la motion principale a souvent été adoptée avec dissidence [368] , mais depuis les années 1980, sauf une exception [369] , les députés ont demandé un vote par appel nominal.

Le Budget : Présentation et débat
Présentation du Budget Déebat sur le Budget
Maximum de 4 jours
1re journée 2e journée 3e journée 4e journée
Normalement, le ministre des Finances présente son budget à la fin de l’après-midi. Normalement, un amendement et un sous-amendement sont proposés. Le sous-amendement est mis aux voix 15 min. avant la fin des Ordres émanant du gouvernement. L’amendement est mis aux voix 15 min. avant la fin des Ordres émanant du gouvernement. La motion principale est mise aux voix 15 min. avant la fin des Ordres émanant du gouvernement.

Comme pour les amendements à l’Adresse en réponse au discours du Trône, les amendements proposés à la motion sur le Budget constituent des occasions de faire valoir que le gouvernement a perdu la confiance de la Chambre. À plusieurs reprises depuis 1930, les amendements proposés à la motion sur le Budget ont été explicitement libellés comme des blâmes à l’endroit du gouvernement [370] . Dans les années 1970, le premier ministre a demandé à deux occasions la dissolution du Parlement après l’adoption des amendements [371] .

L’étape législative

Le texte de loi nécessaire pour mettre en vigueur les propositions fiscales, qu’elles soient énoncées dans un budget ou présentées indépendamment du processus budgétaire en cours de session, doit franchir une étape préliminaire unique dans le processus législatif. La Chambre doit d’abord adopter une motion de voies et moyens avant qu’on puisse déposer un projet de loi obligeant le contribuable à assumer une charge fiscale. Dans ce contexte, la motion vise à imposer une nouvelle taxe ou un nouvel impôt, à maintenir une taxe ou un impôt qui expire, à augmenter le taux d’une taxe ou d’un impôt existant ou à élargir à une nouvelle catégorie de contribuables le champ d’application d’une taxe ou d’un impôt. Les prélèvements sur une industrie et les frais administratifs exigés par des ministères ne constituent pas des charges imposées aux contribuables dans le contexte des voies et moyens [372] . Il n’est pas nécessaire de faire précéder d’une motion de voies et moyens les propositions législatives qui ne visent pas à prélever des fonds, mais plutôt à réduire les charges fiscales [373] .

Les motions de voies et moyens

Avant qu’un projet de loi fiscale ne puisse être lu une première fois, un ministre doit d’abord déposer à la Chambre un avis de motion de voies et moyens, ce qu’il peut faire à n’importe quel moment pendant une séance [374] . Le jour du dépôt de l’avis ou à un autre moment pendant la session, un ministre peut demander au Président qu’on désigne un ordre du jour pour l’examen de la motion à une séance ultérieure, c’est-à-dire pour qu’on l’inscrive au Feuilleton [375] . Bien qu’il n’y ait pratiquement aucune restriction quant au moment où l’avis peut être déposé, on ne peut présenter la motion pendant la même séance [376] , ni avant que le débat sur le Budget ne soit terminé [377] . Lorsque l’ordre du jour est appelé, un ministre propose que la motion soit adoptée. La motion d’adoption doit alors faire l’objet d’une décision immédiate, sans débat ni amendement [378] . L’adoption d’une motion de voies et moyens constitue un ordre de la Chambre en vue du dépôt d’un ou de plusieurs projets de loi fondés sur les dispositions de cette motion, ou du dépôt d’un ou de plusieurs amendements à un projet de loi déjà soumis à la Chambre [379] .

On peut libeller les motions de voies et moyens en termes très généraux [380]  ou de façon très précise, par exemple sous forme d’avant-projet de loi [381] . Dans l’un ou l’autre cas, elles fixent des limites à la portée — plus précisément, les taux d’imposition et leur application — des mesures législatives qu’elles proposent. Ni le projet de loi de voies et moyens ni les amendements proposés par la suite ne peuvent dépasser les limites fixées dans la motion de voies et moyens. En particulier, ils ne peuvent accroître le montant d’un impôt ni élargir l’incidence fiscale ou l’assiette de l’impôt applicable [382] . Si cela se produisait, on devrait soit adopter une nouvelle motion de voies et moyens autorisant les exceptions avant que ces dispositions ne puissent être étudiées en comité, soit modifier les dispositions fautives pour qu’elles concordent avec la résolution sur laquelle le projet de loi est fondé [383] . En procédant différemment, on contreviendrait à l’initiative financière de la Couronne sur le plan fiscal. « Les termes de la motion de voies et moyens sont l’expression soigneusement établie de l’initiative financière de la Couronne et de fréquentes déviations ne pourraient que conduire à la détérioration de ce très important pouvoir [384] . » Lorsqu’une nouvelle motion de voies et moyens est requise, elle doit également être adoptée et non simplement déposée [385] . Si on constate qu’un projet de loi n’est pas conforme à la motion de voies et moyens pertinente, une nouvelle motion est requise avant qu’on puisse examiner les dispositions fautives et prendre une décision à cet égard [386] .

Une motion de voies et moyens se rapporte souvent à plus d’une proposition législative; elle peut s’appliquer à plus d’une disposition d’un projet de loi et peut viser la présentation de plus d’un projet de loi ou d’un projet de loi modifiant plus d’une loi. Essentiellement, aucune restriction ne s’applique au libellé ou au contenu de la motion [387] .

Les projets de loi de voies et moyens

L’adoption d’une motion de voies et moyens constitue un ordre en vue du dépôt d’un ou de plusieurs projets de loi fondés sur les dispositions de la motion [388] . Un projet de loi de voies et moyens doit être « fondé sur » les dispositions de la motion connexe, mais son libellé n’a pas à être « identique » [389] . Le projet de loi peut alors franchir l’étape de la première lecture et être envoyé à l’impression immédiatement après l’adoption de la motion ou lors d’une séance ultérieure de la Chambre [390] . À partir de là, les étapes du projet de loi de voies et moyens sont exactement les mêmes que celles suivies pour d’autres projets de loi d’intérêt public [391]. Comme toutes les mesures fiscales, les projets de loi qui imposent une charge au contribuable, et qui par conséquent nécessitent une motion de voies et moyens, doivent émaner de la Chambre des communes [392] .

Les amendements en comité et à l’étape du rapport

On ne peut proposer aucun amendement au libellé d’un projet de loi avant que le comité n’en soit saisi. Les amendements aux projets de loi de voies et moyens sont assujettis aux règles normales touchant les mesures législatives [393]. Un amendement qui dépasse la portée de la motion sur laquelle le projet de loi est fondé est irrecevable, sauf si on adopte une nouvelle motion de voies et moyens avant de le présenter [394] . Étant donné que seul un ministre peut proposer une motion de voies et moyens et que, normalement, les ministres ne siègent pas aux comités, tout amendement dépassant la portée de la motion de voies et moyens habilitante ne peut être proposé et étudié qu’à l’étape du rapport. Si la Chambre a adopté la motion de voies et moyens requise avant que le projet de loi n’atteigne l’étape du rapport, le ministre peut donner avis d’amendements qui seront étudiés avec les autres amendements de l’étape du rapport. Si le débat à l’étape du rapport a commencé avant l’adoption de la motion de voies et moyens requise, le ministre a besoin du consentement de la Chambre pour mettre en délibération la motion de voies et moyens et passer à l’étude des amendements.

Les projets de loi de voies et moyens qui exigent une recommandation royale

Un projet de loi fondé sur une motion de voies et moyens et qui renferme des dispositions visant des dépenses publiques exige en outre une recommandation royale [395] . Dans ces cas, avant de passer à la première lecture du projet de loi, la Chambre doit adopter la motion de voies et moyens autorisant le gouvernement à aller de l’avant avec les mesures fiscales et, après la période d’avis normale de 48 heures, accorder l’autorisation de présenter les dispositions de dépenses nécessitant la recommandation royale [396] .

Si l’avis requis n’est pas donné pour un projet de loi exigeant la recommandation royale, ce dernier doit être retiré et l’ordre tendant à sa deuxième lecture doit être révoqué et rayé du Feuilleton; cela ne compromet pas la validité de toute motion de voies et moyens déjà adoptée par la Chambre [397] .


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