La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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Les décisions de la Chambre

La volonté de la Chambre s’exprime au moyen d’un vote. À la fin du débat sur une motion, le Président met la question aux voix et la Chambre se prononce sur la motion [226] . Une simple majorité des députés qui sont présents et qui votent suffit pour qu’une question soit acceptée ou rejetée. En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 :

Les questions soulevées dans la Chambre des communes seront décidées à la majorité des voix, sauf celle [du Président] mais lorsque les voix seront également partagées — et en ce cas seulement — [le Président] pourra voter [227] .

La Chambre peut s’exprimer sans voix dissidentes au sujet d’une motion, auquel cas celle-ci est adoptée sans qu’un vote ne soit nécessaire [228] . Lorsque des voix dissidentes se font entendre, on procède alors à un vote. Il peut s’agir d’un vote par oui ou non ou d’un vote par appel nominal [229] , la Chambre étant alors appelée à se répartir selon les « voix pour » et les « voix contre » [230] .

La fin du débat

Lorsque le débat sur une motion semble terminé (lorsqu’aucun autre député ne veut prendre la parole), le Président demande si la Chambre est prête à se prononcer. Si aucun autre député ne souhaite intervenir, le Président met la question aux voix.

Certains articles du Règlement fixent des délais à l’intérieur desquels le Président peut ou doit mettre la question aux voix pour des affaires précises, sauf si le débat concernant la motion a déjà pris fin ou si aucun débat n’est prévu. Par exemple :

  • Les motions visant la prolongation des heures de séance au cours des 10 derniers jours de séance, en juin [231] ;
  • Les sous-amendements, les amendements et la motion principale pour une Adresse en réponse au discours du Trône [232] ;
  • Les motions de clôture [233] ;
  • Une fois adoptée la motion touchant la question préalable, la question principale doit aussitôt être mise aux voix sans amendement ni débat [234] ;
  • Les motions visant l’attribution de temps [235] ;
  • Les motions de l’opposition et les motions de subsides le dernier jour désigné de chaque période des subsides [236] ;
  • La motion principale concernant le Budget et tout amendement ou sous-amendement [237] ;
  • Les affaires votables dans le cadre des Affaires émanant des députés [238] ; et
  • Les motions portant production de documents [239] .

En outre, le Président peut être tenu, en vertu d’ordres spéciaux, de mettre une question aux voix à un moment précis.

La mise aux voix

Lorsque la Chambre semble prête à trancher, le Président pose la question suivante : « La Chambre est-elle prête à se prononcer? » Si aucun député ne demande la parole, le Président conclut alors que le débat est clos et met la question aux voix. Si le débat doit prendre fin à un moment prédéterminé, le Président interrompt les délibérations pour mettre la question aux voix conformément aux termes du Règlement ou de l’ordre spécial.

Pour « mettre la question aux voix », le Président lit la motion principale, puis les propositions d’amendement ou de sous-amendement dans l’ordre approprié [240]. Le Président demande ensuite : « Plaît-il à la Chambre d’adopter la motion? » Si personne ne s’y oppose, le Président déclare la motion adoptée; ainsi, on peut prendre une décision sans recourir au vote. Si quelqu’un exprime une objection, le Président peut d’abord vérifier si la Chambre souhaite que la motion soit déclarée adoptée ou rejetée simplement « avec dissidence ». Comme alternative, le Président procède à un vote par oui ou non, puis, s’il est exigé, à un vote par appel nominal. (Voir la figure 12.3, La mise aux voix.)

Figure 12.3 – La mise aux voix
Série de cases reliées par des lignes illustrant les étapes à suivre lorsque la Chambre doit se prononcer. Tout d’abord, le débat prend fin, puis, le Président met la question aux voix. Les cases affichent ensuite les options relatives au vote par oui ou non et au vote par appel nominal. À la fin, le Président annonce le résultat du vote.

Lorsqu’une motion, un amendement et un sous-amendement ont été proposés, c’est d’abord le sous-amendement qui est mis aux voix :

  • Si le sous-amendement est rejeté, le débat peut reprendre sur l’amendement; un autre sous-amendement peut être présenté et débattu, ou encore l’amendement est mis aux voix;
  • Si le sous-amendement est adopté, le débat peut reprendre sur l’amendement tel que modifié; un autre sous-amendement peut être présenté et débattu, ou encore l’amendement modifié est mis aux voix.

L’amendement (ou l’amendement modifié) est ensuite mis aux voix :

  • Si l’amendement (ou l’amendement modifié) est rejeté, le débat peut reprendre sur la motion principale; un nouvel amendement et sous-amendement peuvent être présentés et débattus, ou encore la motion principale est mise aux voix;
  • Si l’amendement (ou l’amendement modifié) est adopté, le débat peut reprendre sur la motion principale telle que modifiée; un nouvel amendement et sous-amendement peuvent être présentés et débattus, ou encore la motion principale telle que modifiée est mise aux voix.

Lorsque tous les sous-amendements et amendements ont été réglés et que le débat sur la motion principale (ou la motion principale modifiée) prend fin, cette dernière est mise aux voix.

Avec dissidence

Les députés qui ne veulent pas qu’une motion soit adoptée ou rejetée à l’unanimité, mais qui ne veulent pas non plus d’un vote par appel nominal, peuvent le signaler en déclarant simplement « avec dissidence » après que le Président a demandé s’il plaît à la Chambre d’adopter la motion. Le Président indiquera alors que la motion est adoptée ou rejetée avec dissidence.

Le vote par oui ou non

Lorsqu’il est évident que la Chambre désire voter sur la question (c’est-à-dire qu’une dissidence est exprimée lorsque le Président demande s’il plaît à la Chambre d’adopter la motion), le Président procède à un vote par oui ou non. Il demande à la Chambre de prendre une décision en disant : « Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui »; puis : « Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non ». Le Président écoute les deux réponses, prend le pouls de la Chambre et exprime son avis quant au résultat : « À mon avis, les oui (non) l’emportent ». S’il n’y a pas d’objection, le Président déclare la motion adoptée ou rejetée, selon le cas; mais si cinq députés ou plus se lèvent pour indiquer qu’ils veulent un vote par appel nominal, le Président dit : « Convoquez les députés » [241] . Si moins de cinq députés se lèvent, le Président conclut que son évaluation initiale est juste et déclare la motion adoptée ou rejetée à la majorité. Il arrive parfois qu’après le vote par oui ou non des députés disent « avec dissidence », afin d’indiquer, sans toutefois réclamer un vote par appel nominal, que la décision n’a pas été prise à l’unanimité [242] .

L’obligation de voter

Rien n’oblige un député à voter [243] . Un député peut s’abstenir de voter simplement en restant assis pendant le vote. Ces abstentions sont de caractère officieux et ne sont pas consignées, même si à l’occasion, des députés se sont levés à la suite d’un vote pour expliquer pourquoi ils s’étaient abstenus [244]  ou comment ils auraient voté s’ils avaient été présents lors de la mise aux voix [245] .

L’intérêt pécuniaire direct

Aucun député n’a le droit de voter sur une affaire dans laquelle il a un intérêt pécuniaire direct, et le vote de tout député qui a lieu dans ces circonstances doit être rejeté [246] . Pour être exclu du vote, un député doit avoir un intérêt financier direct et personnel dans l’affaire examinée. On ne remet pas en question les intérêts personnels d’un député lorsqu’il s’agit de politiques d’intérêt public, qui sont d’application générale. Une augmentation de rémunération que les députés se votent eux-mêmes ne constitue pas non plus un intérêt financier direct car elle s’applique à tous les députés plutôt qu’à un seul, et non à certains députés plutôt qu’à d’autres [247] .

Lorsqu’il a un intérêt pécuniaire direct dans une question, un député s’abstient simplement de voter [248] . Si le vote d’un député est contesté, il est d’usage d’accepter sa parole [249] . Si la Chambre ne veut pas en rester là, il faut donner avis d’une motion distincte en vue de rejeter le vote du député [250] . Bien que plusieurs députés se soient volontairement abstenus de voter et que des votes aient été contestés, aucun vote n’a jamais été rejeté pour cause d’intérêt pécuniaire direct.

Le vote par appel nominal

Une fois que le Président a ordonné la convocation des députés aux fins d’un vote par appel nominal, la sonnerie d’appel se fait entendre et les whips rassemblent leurs collègues députés. Il incombe au sergent d’armes de faire retentir la sonnerie d’appel dans tous les édifices de l’enceinte parlementaire. Pendant que la sonnerie se fait entendre, le président de séance demeure au fauteuil en attendant que les députés prennent place. Les travaux de la Chambre sont alors effectivement suspendus; il n’y a plus de débat et la présidence ne peut donner la parole à aucun député, pour quelque raison que ce soit. Les comités peuvent volontairement suspendre leurs réunions afin que les députés se rendent à la Chambre pour voter [251] .

La durée de la sonnerie d’appel

Selon le genre de motion à l’étude et des conditions entourant le vote, la sonnerie d’appel peut retentir pendant au plus 15 ou 30 minutes [252]  :

  • Sonnerie de 15 minutes — lorsqu’en vertu du Règlement ou d’un ordre spécial, le Président est tenu de mettre une ou des questions aux voix à un moment précis et qu’un vote par appel nominal a été réclamé, la sonnerie d’appel retentit pendant au plus 15 minutes [253] ;
  • Sonnerie de 30 minutes — la sonnerie d’appel retentit pendant au plus 30 minutes dans le cas d’un vote sur une motion ne pouvant faire l’objet d’un débat, ou d’un vote non prévu sur une motion sujette à débat [254] .

Par exemple, la sonnerie retentit pendant 15 minutes pour les vote devant être tenus pendant le débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône, pendant le débat sur le Budget et à la fin du débat sur une motion visée par un ordre d’attribution du temps. La durée de la sonnerie est également d’au plus 15 minutes dans le cas des votes par appel nominal réclamés à l’égard de motions de l’opposition lors des jours des subsides. Si on doit tenir successivement deux ou plusieurs votes par appel nominal, sans débat dans l’intervalle, la sonnerie d’appel ne se fait entendre qu’une fois [255] .

L’arrivée des whips

Après avoir conclu que leurs collègues députés sont prêts pour le vote, les whips du gouvernement et de l’Opposition reviennent à la Chambre et la sonnerie d’appel cesse de retentir. Ils entrent ensemble, remontent l’allée face au fauteuil, s’inclinent devant le Président, se saluent mutuellement, puis reprennent leur siège. Cette convention constitue pour le Président le signal que la Chambre est prête à voter. Il rappelle donc la Chambre à l’ordre et met immédiatement la question aux voix.

Les whips peuvent revenir à la Chambre avant le moment fixé pour l’interruption de la sonnerie. À l’occasion, cela s’est produit avec le consentement préalable de la Chambre [256] ; à d’autres occasions, on a tenu le vote avant la fin de la durée maximum prévue pour la sonnerie, et des députés ont protesté en invoquant le Règlement [257] . Le Président a déclaré qu’en vertu du Règlement, la sonnerie d’appel doit se faire entendre « au plus » 15 ou 30 minutes, selon le cas, et qu’il est donc possible qu’elle retentisse moins longtemps [258] . Dans un cas, la sonnerie de 15 minutes a duré 30 minutes parce que les whips n’arrivaient pas, ce qui a fait l’objet d’un rappel au Règlement. À cette occasion, le Président a déclaré que, sans porter atteinte au rôle traditionnel des whips, la Chambre devait maintenir un équilibre délicat qui respecte l’esprit du Règlement relativement à la durée des sonneries d’appel [259] . À l’occasion, un vote a eu lieu malgré l’absence d’un des whips après que la sonnerie se soit fait entendre pendant la durée maximum prévue [260] . Dans chaque cas, le whip du gouvernement est revenu à la Chambre, mais le whip de l’Opposition (parfois avec l’ensemble du caucus) est demeuré à l’extérieur en guise de protestation.

Le Président a également déclaré que la présidence est habilitée à intervenir pendant la sonnerie d’appel si la motion pour laquelle se tient le vote par appel nominal n’est plus applicable ou devient sans objet. Par exemple, si on a proposé une motion en vue d’ajourner la Chambre, d’ajourner le débat ou de passer à l’Ordre du jour et qu’on a réclamé un vote par appel nominal qui n’a pas encore eu lieu à l’heure normale d’ajournement, le Président peut alors ordonner qu’on fasse cesser la sonnerie et ajourner la Chambre car les motions en question sont sans objet au-delà de l’heure normale d’ajournement [261] .

Les votes différés

Il n’est pas nécessaire de tenir immédiatement un vote par appel nominal réclamé à l’égard d’une motion sujette à débat; on peut le reporter ultérieurement en vertu de diverses dispositions du Règlement ou d’un ordre spécial de la Chambre.

À la seule demande du whip en chef du gouvernement ou du whip en chef de l’Opposition, on peut reporter à un moment déterminé un vote par appel nominal sur une motion sujette à débat [262] . Après la mise aux voix de la question et pendant que la sonnerie d’appel se fait entendre, l’un des whips peut s’approcher du Président et demander le report du vote. Le Président fait interrompre la sonnerie et informe ensuite la Chambre que le vote par appel nominal est différé au moment demandé par le whip — plus tard au cours de la même séance ou à un moment déterminé ne dépassant pas l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien du jour de séance suivant, qui n’est pas un vendredi [263] . Si les deux whips demandent le report du vote à des moments différents, le Président tranche [264] .

Par ailleurs, pendant que la sonnerie d’appel retentit aux fins d’un vote par appel nominal, le whip en chef du gouvernement peut, avec l’accord des whips de tous les partis reconnus, s’approcher du Président et lui demander de reporter le vote à un moment convenu qui peut être au-delà de l’heure ordinaire d’ajournement du jour de séance suivant [265] . Si le vote porte sur une affaire dans le cadre des Affaires émanant des députés, le parrain de l’affaire doit également être d’accord. En outre, les votes par appel nominal déjà reportés à un moment déterminé peuvent l’être de nouveau.

Les votes par appel nominal réclamés un vendredi sur des motions sujettes à débat sont automatiquement différés jusqu’à l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien du jour de séance suivant; de même, lorsqu’un vote par appel nominal réclamé un jeudi est reporté au vendredi, il est automatiquement reporté de nouveau au prochain jour de séance — normalement le lundi suivant — à l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien [266] .

Les jours réservés aux travaux des subsides, un vote par appel nominal sur une motion de l’opposition à mettre aux voix et présentée par un député d’un parti reconnu autre que celui de l’Opposition officielle peut également être reporté à la demande du whip de ce parti [267] . Toutefois, on ne peut reporter les votes par appel nominal sur des motions votables de l’opposition le dernier jour désigné d’une période des subsides [268] , sauf si les whips de tous les partis reconnus sont d’accord [269] . Les votes par appel nominal sur des motions de l’opposition sont reportés du vendredi au lundi si le vendredi n’est pas le dernier jour désigné de la période des subsides [270] . À une occasion, la Chambre a fait une exception et adopté un ordre spécial prévoyant le report de votes sur les travaux des subsides le dernier jour désigné de la période des subsides, qui était un vendredi [271] .

À l’étape du rapport d’un projet de loi, les votes par appel nominal sur des motions d’amendement peuvent être différés à la discrétion du Président, si nécessaire de séance en séance, jusqu’à ce que la Chambre ait étudié toutes les motions ou un certain nombre d’entre elles [272] . Lorsqu’on a examiné toutes les motions présentées à l’étape du rapport, la Chambre passe aux votes différés. Le whip en chef du gouvernement ou le whip en chef de l’Opposition peut de nouveau reporter le vote, mais au plus tard à l’heure ordinaire de l’ajournement du jour de séance suivant. Le vendredi seulement, le vote par appel nominal sur une motion tendant à l’adoption d’un projet de loi à l’étape du rapport est automatiquement différé, même si cette motion ne peut faire l’objet d’un débat [273] .

À la fin de la période prévue pour l’examen d’une affaire votable dans le cadre des Affaires émanant des députés, on ne peut reporter le vote par appel nominal sauf s’il y a accord entre les whips de tous les partis reconnus et le parrain de l’affaire en question [274] . Si le débat prend fin avant le moment prévu par le Règlement, le whip en chef du gouvernement ou le whip en chef de l’Opposition peut reporter le vote.

Un vote par appel nominal sur un projet de loi visé par un ordre d’attribution du temps ne peut être reporté par le whip en chef du gouvernement ou le whip en chef de l’Opposition que si le débat prend fin avant le moment fixé dans l’ordre d’attribution du temps.

En vertu des règles de la Chambre, un vote par appel nominal ne peut être différé plus d’une fois [275] , sauf avec l’accord des whips de tous les partis reconnus [276] . Après qu’un vote est différé, la Chambre poursuit l’étude des affaires dont elle est saisie [277] .

Lorsque vient le temps de tenir un ou plusieurs votes différés, le Président interrompt les délibérations au moment fixé dans le Règlement ou ordonné par la Chambre, informe celle-ci que le ou les votes différés vont maintenant avoir lieu et demande qu’on convoque les députés. La sonnerie d’appel se fait entendre pendant au plus 15 minutes [278] . Une fois que les whips sont entrés à la Chambre, le Président met immédiatement la question aux voix. S’il y a plusieurs votes à tenir, la Chambre peut d’abord s’entendre sur la séquence, sinon les questions sont mises au voix selon l’ordre dans lequel elles ont été soumises à la Chambre et différées [279] .

Un pourcentage important de votes par appel nominal sont maintenant différés; on a tendance à les grouper et à les tenir successivement les mardis et mercredis, à la fin de la période prévue pour les Ordres émanant du gouvernement ou à l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien [280] .

Le déroulement du vote et l’annonce des résultats

Lorsque les whips sont revenus à la Chambre et que la sonnerie d’appel a cessé de retentir, le Président rappelle la Chambre à l’ordre, se lève, lit la motion et ajoute : « Le vote porte maintenant sur la motion principale (ou sur l’amendement). Que ceux qui appuient la motion (ou l’amendement) veuillent bien se lever. » Les votes affirmatifs sont consignés en premier. Les députés se lèvent un à un et s’inclinent en direction du Président tandis qu’un greffier au Bureau appelle les noms et qu’un autre les consigne. Les députés se rassoient après avoir voté. Une fois les votes affirmatifs consignés, le Président dit : « Que ceux qui sont opposés à la motion (ou à l’amendement) veuillent bien se lever. » On procède alors de la même façon pour les votes négatifs.

Il y a deux possibilités en ce qui concerne les votes par appel nominal : le vote de parti et le vote par rangée. En règle générale, on procède à un vote de parti [281]  pour les affaires émanant du gouvernement et à un vote par rangée pour les affaires émanant des députés.

Le vote de parti

Lors d’un vote de parti, les votes sont inscrits par parti, selon l’ordre correspondant à la représentation de chaque parti à la Chambre et selon l’attribution des sièges au sein du parti, à commencer par les dirigeants. Un député qui désire voter contrairement à la ligne de parti doit se lever lorsqu’on demande à ceux qui sont « pour » (ou « contre », selon le cas) de se lever.

Le vote par rangée

Dans ce cas, le vote par appel nominal ne s’exprime pas en fonction des partis, mais plutôt par rangée de sièges à la Chambre [282] . Le Président demande d’abord aux députés du premier rang, à sa droite, qui sont en faveur de la motion, de se lever ensemble. Un greffier au Bureau appelle les noms, en commençant par le député qui est le plus près du fauteuil; après avoir entendu leur nom, les députés se rassoient. Puis les députés du deuxième rang qui sont en faveur de la motion se lèvent. Après que tous les députés se trouvant à la droite du fauteuil et qui sont en faveur de la motion ont voté de cette façon, ceux qui se trouvent à gauche et qui sont en faveur se lèvent également par rangée, peu importe leur affiliation politique. La même procédure est suivie pour les députés qui sont contre la motion. Dans le cas d’un vote par appel nominal sur une initiative parlementaire, on inscrit d’abord le vote du député qui parraine le projet de loi ou la motion, s’il est présent à ce moment, puis les votes des autres députés du même côté de la Chambre qui sont en faveur, en commençant par la dernière rangée; on inscrit ensuite le vote des députés de l’autre côté de la Chambre qui sont en faveur de l’initiative, en commençant par la dernière rangée. On procède de la même manière pour les votes contre l’initiative [283] .

Le vote libre

Aucune règle ni aucun article du Règlement ne définit ce qui constitue un vote libre à la Chambre des communes. De façon simple, on peut dire qu’un vote libre a lieu lorsqu’un parti décide que ses députés ne sont pas tenus de respecter la ligne du parti sur une question particulière, ou que celle-ci ne relève pas de la politique du parti et que ses députés sont libres de voter comme ils l’entendent. Un vote libre peut être permis par un ou plusieurs partis, ou encore par tous les partis [284] . Lorsque tous les partis proposent un vote libre, le vote par appel nominal peut s’exprimer par rangée ou selon la procédure normale du vote de parti. Il ne saurait être question pour le Président de se prononcer sur les décisions des partis à cet égard (quant à savoir si une question doit faire l’objet d’un vote libre).

Dans le système canadien de gouvernement responsable, les votes libres ont un lien particulier avec la convention de confiance. Le principe qui sous-tend cette convention est simplement que le gouvernement doit bénéficier de l’appui de la majorité des députés de la Chambre et rendre compte de ses actes devant cette assemblée élue. Suivant cette convention, lorsqu’une motion ne condamne pas explicitement le gouvernement, que celui-ci n’a pas déclaré qu’un vote particulier constitue un vote de confiance ou qu’il n’y a pas implicitement un vote de censure (comme dans le cas d’une motion visant l’adoption du Budget ou l’Adresse en réponse au discours du Trône, ou d’accorder des crédits), le gouvernement peut interpréter le résultat du vote comme il l’entend [285] . Par conséquent, lorsque le gouvernement déclare dans ces conditions que tel vote sera un vote libre, la convention veut qu’un résultat négatif n’équivale pas à un vote de censure à son égard [286] .

On ne sait pas exactement quand a eu lieu le premier vote libre à la Chambre des communes. Toutefois, depuis celui de 1946 sur les subventions au lait [287] , on a tenu plusieurs de ces votes sur des mesures d’initiative gouvernementale, entre autres sur le choix d’un drapeau national [288] , la peine de mort [289] , l’avortement [290] , l’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle [291]  et les modifications constitutionnelles [292] .

L’annonce des résultats

Peu importe la manière dont se déroule un vote par appel nominal, on annonce toujours les résultats de la même façon. Lorsque les votes ont été inscrits et qu’on a fait le compte des voix « pour » et « contre », le Greffier se lève et annonce le résultat au Président. Le Président déclare alors la motion ou l’amendement adopté ou rejeté.

Il incombe au Greffier de la Chambre d’enregistrer tous les votes. Le Greffier est assis au bout du Bureau. Un greffier au Bureau se tient debout à droite du Greffier, face à la Chambre, prêt à appeler les noms des députés au fur et à mesure qu’ils se lèvent pour voter. D’autres greffiers sont assis de chaque côté du Greffier de la Chambre et inscrivent le nombre de députés qui votent « pour » et « contre ». Tout écart de pointage doit être réglé avant que le Greffier n’annonce le résultat du vote au Président.

Pendant un vote par appel nominal, si on attire l’attention du Président sur le fait que la somme des votes et du nombre de députés présents qui n’ont pas voté (y compris le Président) n’atteint pas au moins 20, la question demeure en suspens; la procédure normale relative au quorum est alors enclenchée [293]. Si aucune objection n’est soulevée au moment où on annonce le résultat du vote à la Chambre, le Président confirme simplement ce résultat et les travaux se poursuivent comme s’il y avait quorum [294] .

Les votes tenus successivement

Lorsque les députés sont prêts à voter sur plus d’une question, la Chambre, après la tenue du premier vote, passe immédiatement à la question suivante. Cela se produit habituellement lorsque des votes ont été reportés à un moment particulier [295] . Ces dernières années, on a fait revivre un usage ancien selon lequel les résultats d’un vote sont appliqués à d’autres [296] . Normalement, le whip en chef du gouvernement demande le consentement unanime de la Chambre pour qu’on applique directement les résultats d’un vote — ou, à l’occasion, qu’on les applique dans l’ordre inverse — aux votes subséquents et qu’on les enregistre séparément [297] . Normalement, les whips des autres partis et les députés indépendants se lèvent pour indiquer qu’ils sont d’accord. Le Président déclare alors que les motions sont soit adoptées, soit rejetées. On considère que cette façon de procéder entraîne des économies de temps appréciables pour la Chambre [298] .

Depuis le début de la 35e législature (1994-1997), lorsqu’il faut régler plusieurs motions au cours d’une séance, on a souvent recours à une autre pratique de concert avec le vote appliqué. Après un vote par appel nominal ayant établi quels députés sont présents et comment ils ont voté, le whip en chef du gouvernement se lève pour demander que la Chambre accepte à l’unanimité d’inscrire les noms des députés qui ont voté sur la motion précédente comme ayant voté sur la motion suivante, les députés du parti ministériel étant inscrits « pour » ou « contre » la mesure. Les whips des autres partis se lèvent alors et déclarent comment leur parti désire voter sur la motion [299] , puis vient le tour des députés sans appartenance politique. Tout député qui désire voter différemment de son parti peut demander la parole pour indiquer de quelle façon il veut que son vote soit inscrit. Après que les greffiers au Bureau ont consigné les résultats du nouveau vote, le Greffier se lève et communique les résultats au Président, qui déclare la motion adoptée ou rejetée. Encore une fois, on considère que cette façon de procéder entraîne des économies de temps appréciables pour la Chambre.

Le pairage des députés

Il y a pairage lorsque les whips prennent des dispositions pour qu’un député s’entende avec un député du parti opposé afin de s’abstenir de voter à une occasion particulière, l’un ou l’autre ou les deux pouvant alors s’absenter de la Chambre. Leurs votes sont alors neutralisés et le poids relatif de leur parti à la Chambre demeure identique [300] . Jusqu’à tout récemment, le pairage n’avait pas un caractère officiel; on le considérait comme une entente privée entre députés [301] .

En 1991, on a quelque peu officialisé ces arrangements. À l’heure actuelle, le Règlement prévoit la tenue au Bureau d’un registre des députés pairés [302] . Afin d’indiquer qu’ils ne participeront pas aux votes par appel nominal prévus pour une date donnée, les députés y font inscrire leur nom ensemble par leur whip respectif. Les députés indépendants signent le registre eux-mêmes. Les noms des députés pairés sont imprimés dans les Débats et les Journaux à la suite de l’inscription relative à tout vote par appel nominal tenu ce jour-là [303] .

Le Règlement demeure muet en ce qui touche la rupture de paires, c’est-à-dire lorsqu’un député pairé vote. Comme l’a observé le Président Fraser en 1992, malgré les nouvelles dispositions officielles à cet égard, les accords de pairage demeurent des ententes privées entre députés, à propos desquelles ni le Président ni la Chambre ne peuvent intervenir [304] . Un député pairé qui participe au scrutin par inadvertance doit demander le consentement unanime de la Chambre pour annuler son vote.

Le vote prépondérant

Le Président ne peut participer aux débats de la Chambre, mais, à voix égales, son vote est prépondérant [305] . Lorsqu’il use de son vote prépondérant, le Président peut expliquer brièvement pourquoi il vote de telle ou telle façon. Ses motifs sont alors consignés dans les Journaux. Pour de plus amples renseignements, voir le chapitre 7, « Le Président et les autres présidents de séance de la Chambre ».

Le décorum pendant un vote

Les débats cessent dès que les députés sont appelés à la Chambre pour un vote [306] . À partir du moment où le Président met la question aux voix et jusqu’à ce que les résultats soient annoncés, les députés ne peuvent entrer à la Chambre ni en sortir ni la traverser, ni faire du bruit ou du désordre [307] .

Pour que leurs votes soient enregistrés, les députés doivent se trouver à leur siège à la Chambre et avoir entendu la lecture de la motion [308] . Un député qui entre à la Chambre pendant que la question est mise aux voix ou après coup ne peut voter [309] . Les députés doivent demeurer à leur siège jusqu’à ce que le Greffier annonce le résultat du vote [310] . On a contesté le vote de députés parce que ceux-ci avaient quitté la Chambre immédiatement après le vote et avant que les résultats ne soient annoncés, ou parce qu’ils n’étaient pas demeurés à leur siège pendant le vote [311] . Toutefois, si la présence d’un député est mise en doute et que ce député affirme avoir été là au moment de la lecture de la motion, il est d’usage que la Chambre accepte la parole du député [312] .

Lorsqu’on a porté à sa connaissance des manquements au décorum, le Président a rappelé aux députés qu’ils devaient agir de façon ordonnée à la Chambre pendant la tenue des votes [313] . S’il y a du désordre dans les tribunes, le Président peut interrompre les travaux et les faire évacuer, puis poursuivre la tenue du vote [314] .

Les rappels au Règlement et les questions de privilège

Bien que le Règlement n’interdise pas expressément les rappels au Règlement et les questions de privilège pendant les votes, la pratique habituelle consiste à tenir le vote et à en annoncer les résultats avant que ne soient soulevées des objections ou des questions de privilège [315] . Des députés ont parfois cherché à attirer l’attention de la présidence sur une question pendant la tenue d’un vote (après la convocation des députés et avant l’annonce des résultats), mais le Président a refusé d’interrompre le processus pour entendre un rappel au Règlement ou une question de privilège [316] . Toutefois, il est arrivé récemment que des rappels du Règlement portant sur l’inscription du vote soient admis et réglés pendant le processus de vote [317] . Parfois, immédiatement après l’annonce du résultat d’un vote, des députés n’ayant pu être présents demandent la parole pour expliquer comment ils auraient voté s’ils avaient été là [318] .

Les rectifications

Après avoir été enregistré, un vote devient une décision de la Chambre, et le vote d’un député ne peut être modifié. Toutefois, il arrive que des députés se lèvent après un vote pour signaler une erreur ou demander une rectification, soit parce qu’ils ont par inadvertance voté contrairement à leur intention, soit parce qu’ils ont voté tout en étant pairés. Dans certains cas, le vote a été rectifié [319] ; dans d’autres cas, la demande a été refusée [320] .

Un député dont le nom n’a pas été appelé ou qui a été appelé incorrectement peut faire corriger l’erreur avant l’annonce du résultat, si elle est notée pendant la tenue du vote, ou après-coup dès que l’erreur est notée [321] . Si la correction est faite après l’impression des Journaux, un rectificatif est inséré dans les Journaux de la séance suivante.

Une décision doit être maintenue

On ne peut remettre en question une décision déjà prise, laquelle représente le jugement de la Chambre [322] . Par exemple, on ne peut ranimer une motion ou un projet de loi ayant été rejeté au cours de la même session [323] . On veut ainsi éviter que le temps de la Chambre ne serve à discuter de motions de même nature, avec la possibilité d’arriver à des décisions contradictoires au cours d’une même session. Il ne convient pas que les députés « critiquent » les votes de la Chambre (c’est-à-dire les reconsidérer ou y revenir) et, lorsque cela s’est produit, la présidence s’est empressée d’y mettre un terme [324] . À l’occasion, des députés ont également attiré l’attention sur cette règle [325] .

La Chambre peut discuter de nouveau d’une décision antérieure (une résolution ou un ordre de la Chambre) seulement si elle a l’intention de la révoquer [326] ; cela nécessite un avis de motion portant révocation de la résolution ou de l’ordre, selon le cas [327] . De cette façon, la Chambre peut reconsidérer une résolution ou un ordre antérieur et, si la mesure initiale est révoquée, la Chambre peut ensuite rendre une deuxième décision sur la même question. Dans un certain nombre de cas où des ordres de la Chambre ont été révoqués, il s’agissait d’arrangements concernant la tenue des séances [328]  ou le retrait de projets de loi et de motions [329] .

La question du vote électronique

Au fil des ans, on a proposé à différentes reprises d’installer un système de vote électronique pour améliorer la gestion du temps de la Chambre [330] . En 1985, dans le deuxième Rapport du Comité McGrath, on recommandait l’adoption d’un tel système qui permettrait, de l’avis du Comité, de réduire le temps consacré par la Chambre aux votes par appel nominal [331] . Dans sa réponse au rapport, le gouvernement acceptait en principe la recommandation, mais la Chambre n’y a pas donné suite [332] . En 1995, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a observé que les modalités des votes par appel nominal avaient modifié de façon importante le contexte de l’examen du vote électronique (il faisait allusion aux pratiques consistant à reporter plusieurs votes à un moment déterminé ainsi qu’à appliquer le résultat de votes à des votes subséquents, pratiques qui de l’avis du Comité ont « grandement accéléré le processus de scrutin »). Le Comité recommandait que la Chambre ne procède pas tout de suite à l’enregistrement électronique des votes [333] . Lors de la première session (1997-1999) de la 36e législature, le Comité s’est penché brièvement sur la question, mais il n’a pas présenté de rapport à la Chambre [334] .


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