La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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13. Le maintien de l’ordre et le décorum

Attribution du droit de parole

À quelques exceptions près, un député peut prendre la parole sur toute motion qui a été présentée à la Chambre et qui peut faire l’objet d’un débat [4]. Dans la gestion du débat relatif à une motion, le Président a la responsabilité de déterminer l’ordre dans lequel les députés se voient accorder la parole et d’appliquer les règles du débat se rapportant à des questions comme la règle d’une seule intervention sur une motion, le droit de réplique et les interventions injustifiées.

Ordre de parole habituel

Le Règlement n’établit pas d’ordre officiel pour l’attribution du droit de parole aux députés; le Président s’en remet à cet égard à l’usage et aux précédents de la Chambre. Le Règlement autorise seulement celui-ci à donner la parole au député qui la demande en se levant de son siège [5] . Le député que le Président « aperçoit » le premier obtient la parole. On parle communément, dans ce cas, d’« attirer l’attention du Président ». Cette expression, qui remonte aux premiers temps de la procédure britannique [6] , s’est implantée dans la terminologie parlementaire. Les whips des divers partis fournissent chacun au Président une liste de députés qui souhaitent prendre la parole, mais celle-ci sert seulement de guide [7] . Par tradition, on donne souvent une certaine priorité de parole à certains députés, comme les chefs de parti, les ministres lorsque c’est à propos [8]  et, souvent, les porte-parole de l’opposition. Le Règlement accorde des droits spéciaux à un nombre limité de députés, dont le premier ministre et le chef de l’Opposition, mais ces droits ont seulement trait à la durée de leurs discours [9] . Le Président a toute latitude de donner la parole aux députés [10] , mais il peut observer les dispositions non officielles éventuellement prises [11] , ou encore être lié par un ordre de la Chambre établissant un ordre de parole précis [12] .

Dans l’ordre de parole habituel, après qu’une motion a été présentée à la Chambre, le Président donne la parole au motionnaire en premier. Si celui-ci choisit de ne pas intervenir, il est néanmoins réputé avoir eu la parole; il est réputé avoir dit « je propose » en faisant simplement un signe de tête, et l’on considère qu’il est intervenu au cours du débat [13] . Le député qui appuie une motion n’est pas tenu de prendre la parole sur celle-ci à ce moment-là, mais il peut le faire plus tard au cours du débat [14].

Le Président « aperçoit » ensuite les députés des côtés opposés de la Chambre selon une rotation raisonnable, en tenant compte du nombre de membres des divers partis reconnus qui siègent à la Chambre [15], du droit de réplique [16]  et de la nature des travaux. Par exemple, au cours de la première ronde du débat sur les Ordres émanant du gouvernement, le Président donne la parole à un représentant du gouvernement et à un député de chacun des partis d’opposition reconnus s’ils se lèvent pour intervenir. Lors des rondes suivantes du débat, il alterne entre les députés du gouvernement et ceux de l’opposition. Par le passé, le Président a donné la parole à des députés indépendants et à des députés de partis non reconnus seulement après que les députés des partis reconnus avaient participé au débat proportionnellement à leur nombre à la Chambre [17] . Lors de l’étude des Affaires émanant des députés, le Président redouble de prudence lorsqu’il donne la parole aux députés et s’assure que tous les partis et tous les groupes représentés à la Chambre se font entendre et que tous les points de vue sur la question soumise au débat sont exprimés. Les jours réservés aux travaux des subsides, le Président peut donner plus souvent la parole aux députés du parti qui parraine la motion de l’opposition [18].

Au cours de la période de questions et d’observations de 10 minutes qui suit la plupart des discours [19] , les députés peuvent poser des questions au député qui vient de terminer son discours, ou faire de brèves remarques sur ce discours. Au moment de donner la parole aux députés, le Président accorde alors la préférence à ceux qui appartiennent à des partis autres que celui de l’orateur initial, sans toutefois exclure les députés du parti de ce dernier [20] . Si la période de questions et d’observations est interrompue par d’autres travaux, lors de la reprise du débat sur la motion, cette période se poursuit seulement si le député qui a prononcé le discours initial est présent [21] . Comme aucun temps précis n’est réservé pour la durée de chaque question ou observation, le Président détermine parfois combien de députés souhaitent participer à la période de questions et d’observations, puis répartit le temps alloué à chaque intervention en conséquence. Les députés qui se voient accorder la parole au cours de la période de questions et d’observations n’ont pas le droit de présenter des motions dilatoires [22] , de proposer des amendements [23] , ou de présenter des motions tendant à prolonger les heures de séance [24] .

Motion portant qu’un député soit maintenant entendu

La décision du Président sur la question de savoir qui a le droit de parole au cours d’un débat peut être modifiée par la Chambre sur une motion portant qu’un autre député « soit maintenant entendu ». La décision prise sur cette motion règle immédiatement l’ordre du débat.

Lorsque deux députés se lèvent en même temps pour « attirer l’attention du Président », celui-ci donne la parole à l’un d’eux. En invoquant le Règlement, un autre député peut proposer que le député qui ne s’est pas vu accorder la parole l’obtienne [25] . La présentation de la motion portant « qu’un député soit maintenant entendu » est une exception à la règle selon laquelle une motion ne peut être proposée sur un rappel au Règlement. Cette motion ne peut être présentée si le député à qui le Président a donné la parole en premier lieu a déjà commencé à parler [26] . Si le Président déclare la motion recevable, celle-ci est mise aux voix aussitôt sans débat. Un vote par appel nominal peut avoir lieu. Si la motion est adoptée, le député qui y est désigné peut prendre la parole [27] . Si elle est rejetée, le député qui avait obtenu la parole à l’origine conserve son droit de parole [28] . Une deuxième motion portant « qu’un député soit maintenant entendu » peut seulement être présentée après que celui qui a obtenu la parole a terminé son discours [29] . Il est donc impossible de présenter une série de ces motions dans le but d’empêcher un député particulier de prendre la parole. De plus, la motion ne peut être présentée :

  • si la Chambre n’est saisie d’aucune motion sujette à débat [30] ;
  • si personne ne s’est encore vu donner la parole [31] ;
  • si le député désigné dans la motion ne s’est pas levé à l’origine pour demander la parole [32] ;
  • pour donner la parole à un député dont le discours aurait pour effet de clore le débat [33] ;
  • au cours de la période de questions et d’observations consécutive à un discours [34] ;
  • si la Chambre a adopté un ordre précisant l’ordre des interventions au cours du débat [35] .

Octroi de la parole lors du rappel d’un ordre

Un député dont le discours est interrompu soit en vertu d’un article du Règlement ou d’un ordre spécial [36] , soit par l’adoption d’une motion d’ajournement du débat, peut poursuivre son intervention jusqu’à l’expiration du temps qui lui est alloué, lors de la reprise du débat sur la motion. De même, si les travaux sont suspendus, le député qui a la parole à ce moment-là conserve le droit d’intervenir lors de la reprise des travaux [37] . Si ce député n’est pas présent à la Chambre lorsque celle-ci reprend le débat, il est réputé avoir perdu la parole et avoir terminé son intervention [38] . Ce principe s’applique également à la période de questions et d’observations, à savoir que, si le député qui a prononcé le discours n’est pas présent au moment de la reprise du débat, la période de questions et d’observations ne se poursuit pas, et un autre député obtient la parole [39] .

Conservation du droit de parole après une cérémonie de sanction royale

Si l’huissier du bâton noir se présente à la Chambre muni d’un message du gouverneur général convoquant celle-ci au Sénat pour une cérémonie de sanction royale, les travaux de la Chambre sont interrompus [40] . Aucun député ne se voit accorder la parole pour faire un rappel au Règlement ou pour soulever une question de privilège [41] . À son retour du Sénat, la Chambre reprend ses travaux là où elle les avait laissés, et la séance continue; le député dont le discours a été interrompu par l’arrivée de l’huissier du bâton noir obtient la parole pour poursuivre son discours [42] .

Octroi de la parole avant et après les votes

Une fois que le Président a mis une question aux voix, aucun autre débat n’est permis. Ni les rappels au Règlement ni les questions de privilège ne sont admis [43] . En fait, les députés doivent rester assis jusqu’à l’annonce du résultat du vote. Toutefois, il est arrivé que des députés invoquent le Règlement après l’annonce d’un vote par appel nominal pour expliquer pourquoi ils s’étaient abstenus de voter [44] , ou comment ils auraient voté s’ils avaient été présents à la Chambre lors de la mise aux voix [45] , ou comment ils souhaitaient voir leur vote inscrit lors de votes subséquents auxquels on devait appliquer les résultats [46] . À l’occasion, des députés ont invoqué le Règlement après un vote afin de solliciter le consentement unanime de la Chambre pour modifier leur vote [47] . Toutefois, un député ne doit pas faire un rappel au Règlement pour commenter la façon dont un autre député a voté [48] .

Une seule intervention sur une motion

Pour accélérer la conduite des travaux de la Chambre, le Règlement prévoit qu’aucun député ne peut intervenir deux fois au cours du débat sur quelque motion que ce soit [49] . Si, par inadvertance, un député demande la parole une seconde fois, le Président l’interrompt et donne la parole à un autre député [50] .

Une motion, un amendement et un sous-amendement constituent trois questions distinctes et sont traités comme tels aux fins de la règle d’une seule intervention par question [51] . Toutefois, un amendement n’est pas une question distincte avant que le Président le présente à la Chambre. Par conséquent, le député qui propose un amendement est réputé avoir pris la parole non seulement sur l’amendement, mais aussi sur la motion principale [52] . De même, le député qui propose un sous-amendement est réputé être intervenu aussi sur l’amendement et ne peut intervenir de nouveau, mais cela ne touche pas son droit de prendre la parole sur la motion principale [53] . Après qu’un amendement (ou un sous-amendement) a été proposé, appuyé et présenté à la Chambre, tout député qui demande la parole intervient sur l’amendement (ou le sous-amendement). Une fois qu’un amendement (ou un sous-amendement) a été adopté ou rejeté, tout député qui n’est pas encore intervenu sur la motion principale (ou l’amendement) peut le faire. Une motion principale modifiée n’est pas considérée comme une nouvelle question; seuls les députés qui ne sont pas encore intervenus sur la motion principale peuvent prendre la parole sur la motion modifiée [54] .

Tout député qui demande la parole pour présenter une motion sujette à débat doit donner le nom d’un deuxième député qui appuie officiellement celle-ci. Un ordre émanant du gouvernement doit être présenté par un ministre, mais il peut être appuyé par n’importe quel député [55] . Si le motionnaire choisit de ne pas prendre la parole immédiatement après la présentation de la motion à la Chambre, il perd son droit d’intervenir sur celle-ci, sauf en réplique [56] . L’appuyeur peut se voir accorder le droit d’intervenir sur la motion plus tard au cours du débat [57].

Si un député présente une motion dans le cadre de son discours (par exemple, un amendement ou une motion d’ajournement du débat), cela met automatiquement fin à son discours [58] . Un député qui est déjà intervenu sur une question ne peut demander la parole de nouveau pour proposer ou appuyer un amendement ou pour présenter une motion d’ajournement du débat ou de la Chambre, mais il peut intervenir sur un amendement proposé par un autre député [59] . Si la Chambre rejette une motion d’ajournement du débat, le motionnaire est réputé avoir épuisé son droit de parole sur la question principale [60] . Toutefois, si la motion est adoptée, le motionnaire est autorisé à intervenir en premier lors du prochain rappel de l’Ordre. S’il ne prend pas la parole à ce moment-là, il perd l’occasion d’intervenir [61] .

De temps à autre, la Chambre autorise par consentement unanime un député à intervenir une seconde fois sur une motion [62] . Le Règlement prévoit en outre des exceptions à la règle d’une seule intervention par question. Premièrement, bien que cela se produise rarement depuis l’instauration, en 1982, de la période de questions et d’observations de 10 minutes [63] , un député peut être autorisé à intervenir une seconde fois afin d’expliquer une partie importante de son discours pouvant avoir été mal citée ou mal interprétée [64] . Le député doit pour cela invoquer le Règlement et se borner à expliquer la citation ou l’interprétation présumée erronée; il ne peut introduire aucun élément nouveau [65] . Deuxièmement, le Règlement accorde en outre aux auteurs de certains genres de motions le droit d’intervenir une seconde fois lorsqu’aucun autre député ne souhaite prendre la parole [66] . C’est ce qu’on appelle le « droit de réplique ».

Le droit de réplique

Tout député qui a présenté une motion de fond a le droit d’intervenir une seconde fois pour clore le débat [67] . La coutume s’est établie d’accorder également ce droit au député qui propose la deuxième lecture d’un projet de loi, mais il ne s’applique pas à ceux qui proposent des amendements, la question préalable, des instructions destinées à un comité, ni la troisième lecture d’un projet de loi [68] . Le droit de réplique fournit à l’auteur d’une motion de fond une occasion de réfuter les critiques et arguments formulés à l’encontre de sa motion et a pour effet de clore le débat. Afin qu’aucun député désireux de participer à un débat ne soit empêché de le faire par l’exercice subit et non annoncé du droit de réplique, le Président doit informer la Chambre que la réplique de l’auteur de la motion initiale clôt le débat [69] .

Si un député présente une motion au nom d’un autre député, un discours prononcé plus tard par l’un ou l’autre clôt le débat [70] . Toutefois, au cours du débat sur la motion portant deuxième lecture d’un projet de loi émanant du gouvernement, un secrétaire parlementaire ne peut clore le débat au nom du ministre qui a présenté la motion qu’avec le consentement unanime de la Chambre [71] .

Bien que les ministres puissent exercer le droit de réplique [72] , habituellement seuls les simples députés s’en prévalent. En effet, ce droit est inscrit dans deux autres articles du Règlement qui ont trait aux affaires émanant des députés. Le motionnaire d’une mesure d’initiative parlementaire ne pouvant faire l’objet d’un vote a le droit de prendre la parole pour répliquer pendant au plus cinq minutes à la fin du débat [73] . Au cours de la période réservée aux Affaires émanant des députés, lorsque le débat sur une motion portant production de documents sous la rubrique « Avis de motions (documents) » a duré une heure et demie au total, un ministre peut parler pendant au plus cinq minutes, qu’il ait déjà pris la parole ou non, après quoi le motionnaire peut clore le débat après avoir parlé pendant au plus cinq minutes [74] .

Interventions

Lorsqu’un député prend la parole à la Chambre, aucun autre député ne peut l’interrompre, sauf pour soulever une question de privilège qui surgit soudainement ou pour faire un rappel au Règlement [75] . Avant 1982 et l’instauration de la période de questions et d’observations consécutive à la plupart des discours [76] , si un député souhaitait poser une question au cours d’un débat, il devait d’abord obtenir le consentement de celui qui parlait [77] . Le député qui admettait l’interruption n’était pas tenu de répliquer, et il hésitait souvent à le faire, car le temps ainsi employé était soustrait de son temps de parole.


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