La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 16. Le processus législatif - Structure des projets de loi

 

Divers éléments composent le projet de loi. Certains sont essentiels, comme le titre; d’autres sont facultatifs, comme le préambule. Voici une description des divers éléments constitutifs d’un projet de loi.

*   Numéro

Lorsqu’un projet de loi est déposé à la Chambre au cours d’une session, un numéro lui est attribué afin d’en faciliter la référence et la classification[107]. Durant chaque session d’une législature, les projets de loi émanant du gouvernement sont numérotés consécutivement de C‑2 à C‑200[108]. Les projets de loi émanant des députés sont, pour leur part, numérotés consécutivement de C‑201 à C‑1000 et conservent leur numéro pour toute la durée de la législature, puisqu’ils résistent à la prorogation. Les projets de loi d’intérêt privé, qui sont rarement présentés à la Chambre, sont numérotés à partir de C‑1001. Afin de pouvoir différencier les projets de loi déposés dans l’une ou l’autre des deux chambres du Parlement, le numéro attribué aux projets de loi présentés au Sénat commence par un « S » plutôt que par un « C ». Les projets de loi émanant du gouvernement qui sont présentés au Sénat sont numérotés consécutivement de S‑1 à S‑200. Les projets de loi sénatoriaux d’intérêt public sont numérotés consécutivement de S‑201 à S‑1000 et ceux d’intérêt privé, à partir de S‑1001. Les projets de loi du Sénat ne sont ni renumérotés ni réimprimés lorsqu’ils sont transmis aux Communes[109].

*   Titre

Le titre est un élément essentiel du projet de loi. Un projet de loi peut comporter deux titres : un titre intégral et un titre abrégé[110]. Le titre intégral apparaît à la fois sur la page couverture du projet de loi, sous le numéro attribué au projet de loi, et au haut de la première page du document. Il expose en termes généraux l’objet du projet de loi et doit en refléter correctement le contenu. Le titre abrégé est surtout utilisé aux fins de citation et ne couvre pas nécessairement tous les aspects du projet de loi[111]. L’article premier du projet de loi énonce habituellement le titre abrégé (sauf dans le cas des projets de loi modifiant d’autres lois qui ne comportent pas de titre abrégé).

*   Préambule

Le projet de loi comporte parfois un préambule qui en expose les objectifs et la raison d’être[112]. Le préambule figure entre le titre long et la formule d’édiction.

*   Formule d’édiction

Partie essentielle du projet de loi, la formule d’édiction indique sous quelle autorité la loi est établie. Elle consiste en un bref paragraphe qui suit le titre intégral et précède les dispositions du projet de loi : « Sa Majesté, sur l’avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte : ». En cas de préambule, la formule d’édiction s’y rattache[113].

*   Articles

Les articles sont les éléments constitutifs les plus fondamentaux du projet de loi. Ils peuvent se subdiviser en paragraphes, en alinéas et même en sous‑alinéas[114]. Un projet de loi peut aussi se subdiviser en parties, en sections et en sous‑sections comprenant chacune au moins un article, avec numérotation ininterrompue du début à la fin. L’article est censé exprimer une seule idée, préférablement en une seule phrase. Plusieurs idées connexes peuvent coexister dans les paragraphes d’un même article[115].

*   Disposition interprétative

Un projet de loi peut proposer (habituellement dans ses dispositions initiales) des définitions ou des règles interprétatives[116] qui définissent du point de vue juridique les termes clés utilisés dans le texte et en précisent les modalités d’application. La présence de dispositions interprétatives dans un projet de loi n’est toutefois pas obligatoire.

*   Disposition d’entrée en vigueur

Le projet de loi peut comporter une disposition précisant sa date d’entrée en vigueur ou celle de certaines de ses dispositions. L’entrée en vigueur d’une mesure législative peut être différée après la sanction royale si le projet de loi contient une disposition en prévoyant la promulgation à une autre date précisée ou à une date à fixer par décret. Autrement, le projet de loi entre en vigueur le jour de sa sanction royale[117].

*   Annexes

Le projet de loi peut être assorti d’annexes fournissant des précisions essentielles à l’égard de certaines de ses dispositions. Il existe deux types d’annexes[118] : d’une part, celles qui comprennent des éléments ne pouvant être intégrés dans le corps du texte, y compris les tableaux, graphiques, listes et cartes géographiques[119] et, d’autre part, celles qui reprennent le libellé d’un accord relevant de la prérogative de la Couronne, comme les traités et conventions[120].

*   Notes explicatives

Lorsqu’un projet de loi vise à modifier une loi existante, les rédacteurs insèrent des notes qui servent à expliquer les modifications apportées par le projet de loi. Ces notes servent entre autres à reproduire le texte original des dispositions visées par le projet de loi. Elles ne sont pas considérées comme faisant partie du projet de loi et sont absentes des impressions subséquentes[121].

*   Sommaire

Le sommaire est une récapitulation exhaustive et habituellement succincte de la substance du projet de loi. Il propose « un résumé clair, factuel et impartial de l’objet du projet de loi et de ses principales dispositions[122] ». Le sommaire vise à favoriser la compréhension du projet de loi, dont il ne fait pas partie. C’est pourquoi il se trouve au tout début, à l’écart des dispositions. Une fois le projet de loi adopté, le sommaire est reproduit sur une page distincte annexée au début des versions imprimées de la loi[123].

*   Notes marginales

Les notes marginales sont de courtes explications inscrites dans la marge du projet de loi. Elles ne font pas partie du projet de loi, n’y figurant qu’à titre de repère ou d’information[124].

*   Soulignements et traits verticaux

Dans un projet de loi modifiant une loi en vigueur, le nouveau texte est souligné lorsqu’il s’agit de longs passages ou simplement indiqué par un trait vertical (dans la marge des nouveaux articles, paragraphes et alinéas). Lorsqu’un projet de loi modifié par un comité est réimprimé, seuls les ajouts remontant à la dernière impression sont ainsi mis en évidence.

*   Rubriques

Pour faciliter la lecture du projet de loi, les rédacteurs législatifs insèrent des rubriques dans le texte. Ces rubriques n’ont toutefois jamais été considérées comme faisant partie des projets de loi et, par conséquent, n’ont jamais fait l’objet d’amendements[125].

*   Table des matières

Pour faciliter la lecture, les rédacteurs législatifs ajoutent parfois une table des matières. Cette dernière n’est toutefois pas considérée comme faisant partie du projet de loi.

*   Recommandation royale

Les projets de loi qui entraînent la dépense de deniers publics doivent être accompagnés d’une recommandation royale[126] émise par le gouverneur général et habituellement (mais pas nécessairement) communiquée à la Chambre avant le dépôt du projet de loi. La recommandation royale doit être publiée dans le Feuilleton des avis et imprimée dans le projet de loi ou annexée au début de celui‑ci[127]. Elle ne fait pas partie du projet de loi, mais est située à l’écart, au début du texte[128]. Après la première lecture du projet de loi, la recommandation royale est reproduite dans les Journaux. Elle ne peut être obtenue que par le gouvernement, puisqu’elle est octroyée par le gouverneur général sur l’avis du premier ministre et du Cabinet.



[107] Le 12 mars 1974, le Président Lamoureux annonçait à la Chambre la mise en place du système de numérotation actuellement en vigueur (Journaux, p. 31‑32). Au début de chaque nouvelle session, la numérotation reprend du début. Si la Chambre y consent unanimement, les projets de loi émanant des députés qui sont identiques quant à la forme et au contenu à des projets de loi présentés lors d’une législature antérieure peuvent conserver le numéro qui leur avait été assigné avant la dissolution (voir, par exemple, Débats, 12 octobre 2004, p. 222-223; 20 octobre 2004, p. 610‑611).

[108] Le numéro C‑1 est réservé au projet de loi fictif ou pro forma qui est traditionnellement déposé au début de chaque nouvelle session.

[109] Voir le cinquième rapport du Comité permanent du Sénat du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, présenté au Sénat le 29 juin 2005 (Journaux du Sénat, p. 1070‑1071) et adopté le 30 juin 2005 (Journaux du Sénat, p. 1078). Avant l’adoption du rapport, tous les projets de loi du Sénat étaient numérotés consécutivement à partir de S‑1, sans égard à leur catégorie.

[110] Par exemple, le titre intégral du projet de loi C‑15 (2007) est le suivant : Loi concernant l’exploitation de la réserve de charbon Donkin et l’emploi dans le cadre de l’exploitation de toute mine qui s’y trouve en tout ou en partie et apportant une modification corrélative à la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle‑Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Le titre abrégé se lit comme suit : Loi sur les possibilités de la mise en valeur de la réserve de charbon Donkin.

[111] Voir Sullivan, R., Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd., Markham (Ontario) : LexisNexis, 2002, p. 294‑295. De plus en plus d’assemblées législatives, y compris au Canada, ont abandonné l’usage des titres intégraux (Sullivan, 4e éd., p. 294, note 55).

[112] Loi d’interprétation, L.R. 1985, ch. I‑21, art. 13. Les préambules peuvent aider les tribunaux dans leur compréhension et interprétation des textes de loi et il arrive parfois que les juges se réfèrent au préambule pour rendre leur jugement (Sullivan, 4e éd., p. 296‑300).

[113] Loi d’interprétation, L.R. 1985, ch. I‑21, art. 4.

[114] En anglais, l’usage veut que l’on désigne un article de projet de loi par le terme « clause » jusqu’à ce que le texte devienne loi, et ensuite on utilise le terme « section ». La langue française ne fait pas une telle distinction.

[115] Bien qu’il n’existe aucune règle précise sur le contenu des projets de loi, il doit cependant y avoir un lien logique entre les diverses questions abordées dans le projet de loi. Celles‑ci doivent en effet traiter du même objet et s’inscrire dans le cadre général défini par le titre intégral du projet de loi. Voir la décision du Président Lamoureux, Journaux, 6 mai 1971, p. 531‑532.

[116] Loi d’interprétation, L.R. 1985, ch. I‑21, art. 15.

[117] Loi d’interprétation, L.R. 1985, ch. I‑21, 6(2)a). Lorsque la sanction royale est signifiée par déclaration écrite, la loi est réputée sanctionnée le jour où les deux chambres du Parlement sont avisées de la déclaration. Voir la Loi sur la sanction royale, L.C. 2002, ch. 15, art. 5.

[118] Voir Sullivan, R., Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., Toronto et Vancouver : Butterworths, 1994, p. 279‑284.

[119] Voir, par exemple, la Loi concernant l’assurance‑emploi au Canada, L.C. 1996, ch. 23; la Loi de crédits no 4 pour 1995‑1996, L.C. 1996, ch. 4; la Loi sur les ponts et tunnels internationaux, L.C. 2007, ch. 1.

[120] Voir, par exemple, la Loi de 2006 sur la convention fiscale Canada‑Finlande, L.C. 2006, ch. 8, art. 2.

[121] Il est déjà arrivé que des députés se soient opposés à un projet de loi dont les notes explicatives semblaient insuffisantes. Le Président Lamoureux a rejeté l’objection, indiquant que le Règlement ne stipulait pas que les projets de loi devaient être accompagnés de notes explicatives (Débats, 29 mars 1972, p. 1267‑1268).

[122] Lois et règlements : l’essentiel, 2e éd., ch. 2.3.

[123] Voir, par exemple, la Loi de 2007 sur le maintien des services ferroviaires, L.C. 2007, ch. 8.

[124] Loi d’interprétation, L.R. 1985, ch. I‑21, art. 14. Traditionnellement, les tribunaux ont préféré ignorer les notes marginales pour leur interprétation des lois. Cette attitude est cependant en train de changer puisque dans un de ses jugements, la Cour suprême s’est appuyée sur les notes marginales (Sullivan, 4e éd., p. 309‑311).

[125] Depuis quelques années, toutefois, certains experts du processus législatif ont revu leur position à cet égard en réponse à la jurisprudence, et des comités de la Chambre ont amendé des rubriques à quelques occasions. Voir, par exemple, Sullivan, 4e éd., p. 305; Comité permanent de l’environnement et du développement durable, Procès‑verbaux, 14 mai 2008, séance no 32.

[126] Cette exigence est conforme à l’article 79(1) du Règlement et à l’article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867. En voici le texte : « Son Excellence le(la) gouverneur(e) général(e) recommande à la Chambre des communes l’affectation de deniers publics dans les circonstances, de la manière et aux fins prévues dans une mesure intitulée [titre intégral du projet de loi] ». Voir aussi le chapitre 18, « Les procédures financières ».

[127] Art. 79(2) du Règlement.

[128] Voir, par exemple, le projet de loi C‑32, Loi de 2007 sur les pêches (deuxième session, 39e législature, 2007‑2008).

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