La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 4. La Chambre des communes et les députés - L'attribution des sièges à la Chambre

 

Le Président, sur avis des whips des partis reconnus (habituellement ceux qui comptent 12 députés ou plus[264]) qui se seront consultés au préalable, attribue à chaque député un siège et un pupitre. S’il souhaite que le Président lui donne la parole ou s’il veut participer à un vote par appel nominal, le député doit le faire de sa place[265].

L’usage réserve au parti au pouvoir les sièges à la droite du Président, le premier ministre et les autres membres du Conseil des ministres ayant leur place dans les premiers rangs. Les simples députés, communément appelés députés de l’arrière‑ban, qui représentent le parti au pouvoir obtiennent habituellement des places en fonction de leur ancienneté à la Chambre des communes ou au sein de leur caucus. Si la majorité possède plus de députés qu’il n’y a de sièges à la droite du Président, le surplus obtient des sièges de l’autre côté de l’allée centrale. Le Président peut, à son gré, décider que ces sièges seront situés près du fauteuil du Président ou tout au fond de la Chambre[266].

Les députés appartenant à des partis d’opposition occupent habituellement des sièges à la gauche du fauteuil du Président[267]. Le chef de l’Opposition officielle siège immédiatement en face du premier ministre et il est entouré des députés de son parti. Les députés des autres partis d’opposition sont regroupés et occupent les sièges restants : le deuxième parti d’opposition en importance a le premier choix des sièges après l’Opposition officielle, le troisième parti en importance choisissant après, et ainsi de suite[268]. Les leaders des partis d’opposition, les whips et les principaux porte‑parole occupent les premiers rangs du bloc de sièges qui leur est attribué[269].

Les députés indépendants[270] ou qui représentent un parti qui n’est pas reconnu par la Chambre occupent, au gré du Président, les sièges restants. En règle générale, ils occupent les pupitres placés aux derniers rangs à la gauche du Président mais pas nécessairement à l’extrémité la plus éloignée. Le Président attribue à ces députés des sièges en fonction de leur ancienneté comme députés, tout en se donnant toute latitude pour leur disposition[271].

D’ordinaire, trois sièges près du fauteuil du Président sont réservés au Vice-président et aux autres présidents de séance, où ils peuvent s’asseoir lorsqu’ils ne dirigent pas les séances[272]. Aucun pupitre n’est réservé au Président[273].

L’attribution des sièges est modifiée fréquemment au cours d’une législature en raison de changements au sein d’un parti ou parfois à la suite de négociations entre les partis. Tout changement dans l’attribution des sièges aux députés d’un parti est décidé par le whip, qui en avise ensuite le Président. Si un député est expulsé de son parti ou s’il choisit de siéger comme indépendant, le Président lui attribue alors un nouveau siège[274].

*   Changement de parti

Si la plupart des députés sont affiliés à un parti (une très faible proportion d’entre eux se font élire sans la bannière d’un parti), ils ne sont pas tenus de le rester jusqu’à la fin de leur mandat. On dit d’un député qui décide de rompre tous les liens qui l’unissent à un parti politique qu’il « traverse le parquet de la Chambre »[275]. Le député qui change de parti n’est pas tenu de démissionner ou de briguer de nouveau les suffrages des électeurs; l’affiliation politique n’est pas une condition préalable du droit de siéger comme député[276]. Quand un député décide de traverser le parquet de la Chambre et de s’associer à un autre parti, le whip du nouveau parti du député lui attribue un siège.



[264] Pour plus d’information sur les partis reconnus, voir le chapitre 1, « Les institutions parlementaires ».

[265] Cette règle ne s’applique pas quand la Chambre siège en comité plénier ni pendant un débat d’ajournement, un débat d’urgence ou un débat exploratoire, où rien n’oblige le député à être à sa place s’il veut prendre la parole. Voir l’article 17 du Règlement. Pour plus d’information, voir le chapitre 13, « Le maintien de l’ordre et le décorum », et le chapitre 19, « Les comités pléniers ».

[266] Par exemple, au cours de la 35e législature (1994‑1997) et de la 37e législature (2001‑2004), certains députés ministériels ont dû occuper des places immédiatement à la gauche du Président. Pendant la 24e législature (1958‑1962), l’excédent de députés ministériels occupaient des sièges à la gauche du Président près de la barre de la Chambre. Pendant la 33e législature (1984‑1988), le parti ministériel comptait 211 députés et certains d’entre eux se sont vus attribuer des sièges immédiatement à la gauche du Président ou encore dans les rangs situés tout au fond du côté gauche de la Chambre, ce qui fait que le surplus de députés ministériels se trouvait des deux côtés des partis d’opposition.

[267] Au cours de la 40e législature (2008 à présent), des députés du Nouveau Parti démocratique (NPD) siégeaient du côté de la majorité et du côté de l’opposition tout au fond de la Chambre. Au cours de la 25e législature (1962‑1963), de la 38e (2004‑2005) et de la 39e (2006‑2008), des députés du NPD siégeaient du côté de la majorité tout au fond de la Chambre. Pendant la 31e législature (1979), les cinq députés du Parti Crédit social siégeaient du côté de la majorité tout au fond de la Chambre.

[268] En réponse à un rappel au Règlement, le Président Parent a expliqué la procédure à suivre dans l’attribution des sièges aux différents partis (Débats, 30 septembre 1998, p. 8584‑8585). Si un député ne peut s’asseoir à un bureau en raison d’un handicap ou d’une restriction physique (comme un fauteuil roulant), il peut se prévaloir de mesures d’adaptation. Voir l’article 1.1 du Règlement, qui autorise le Président à prendre les dispositions nécessaires en ce sens. En 2004, un député quadriplégique (Steven Fletcher (Charleswood–St. James–Assiniboia)) a été élu à la Chambre. On a enlevé un bureau et placé le député du côté de l’opposition, dans la première rangée, près du Président. Réélu en 2006 et en 2008, M. Fletcher a cette fois été placé du côté du gouvernement, dans la première rangée, près de la barre de la Chambre, où son assistant peut s’asseoir à ses côtés.

[269] En 1994, au début de la 35e législature (1994‑1997), le chef du Parti réformiste (Preston Manning) choisit d’occuper un siège dans la deuxième rangée; il choisit par la suite un siège au premier rang.

[270] Il arrive que des députés indépendants soient élus à la Chambre des communes. Par exemple, en 1997, on a donné un siège à John Nunziata (York‑Sud–Weston) dans la dernière rangée du côté de l’opposition. En 2004, Chuck Cadman (Surrey‑Nord) occupait aussi un siège dans la dernière rangée du côté de l’opposition. En 2006 et en 2008, André Arthur (Portneuf–Jacques‑Cartier) occupait un siège dans la dernière rangée du côté du gouvernement. Bill Casey (Cumberland–Colchester–Musquodoboit Valley) occupait un siège dans la dernière rangée du côté de l’opposition après son élection comme député indépendant en 2008.

[271] Débats, 24 septembre 1990, p. 13216‑13217. En 1963, un certain nombre de députés du Parti Crédit social du Québec formèrent un nouveau parti, le Ralliement des Créditistes. En conséquent, le Président Macnaughton dut se prononcer sur certaines questions, dont la reconnaissance des partis et la réattribution des sièges à la Chambre des communes. Le 30 septembre 1963, le Président fit savoir à la Chambre qu’à son avis, le Président ne devrait pas être appelé à trancher des questions touchant à la nature ou à l’existence d’un parti de crainte que ses décisions ne soient perçues comme étant politiques. Il conclut que la Chambre elle‑même devait trancher les diverses questions que soulève l’arrivée sur la scène d’un nouveau parti. Par la suite, la Chambre adopta une motion portant renvoi de ces questions au Comité permanent des privilèges et élections (Journaux, 30 septembre 1963, p. 385‑388). Dans son deuxième rapport à la Chambre, le Comité recommanda que le Nouveau Parti démocratique (NPD), troisième parti en importance à la Chambre, prenne place à côté de l’Opposition officielle; que le Parti Crédit social prenne place à la gauche du NPD; et que le Ralliement des Créditistes occupe les fauteuils à la gauche du Parti Crédit social (Journaux, 9 octobre 1963, p. 423). Le rapport fut agréé le 21 octobre 1963 (Journaux, p. 465‑466). Au début de la 35e législature (1994‑1997), on comptait parmi les « députés indépendants » neuf députés néo‑démocrates, deux députés progressistes‑conservateurs, plus les autres députés sans affiliation, dont le nombre était passé de un à quatre pendant la législature. Le Président Parent attribue à chaque député indépendant un siège selon son ancienneté à la Chambre. Dans sa décision en réponse à un rappel au Règlement sur le statut de parti du NPD, le Président modifia l’attribution des fauteuils afin que les députés des caucus néo‑démocrate et progressiste‑conservateur puissent être regroupés et identifiés comme tel. Les autres députés indépendants se virent attribuer les fauteuils restant en fonction de leur ancienneté. Voir Débats, 16 juin 1994, p. 5437‑5440, et en particulier p. 5439. En 2001, 8 députés de l’Alliance canadienne et 12 du Parti progressiste-conservateur se regroupèrent pour former la Coalition Parti progressiste-conservateur/Caucus de la représentation démocratique (PC/RD). Entre autres choses, les membres de la Coalition demandèrent la reconnaissance de leur désignation et de leurs agents ainsi que le droit de siéger ensemble (Débats, 19 septembre 2001, p. 5296‑5306). Dans sa décision, le Président Milliken déclara : « […] je ne puis trouver aucune objection, au plan de la procédure, qui puisse faire obstacle à la demande des députés membres de la Coalition, qui relèvent de la direction de ces agents, de siéger ensemble à la Chambre selon le plan établi par le whip » (Débats, 24 septembre 2001, p. 5489‑5492, et en particulier p. 5491).

[272] Pendant la 38e législature (2004‑2005), le Vice-président de la Chambre, un député conservateur, occupait un siège avec son parti du côté gauche de la Chambre, tandis que les deux autres présidents de séance, tous deux députés du parti ministériel, occupaient une place avec leur parti. Pendant la deuxième session (2007‑2008) de la 39e législature, les présidents de séance ont souvent changé de place. Au début de la session, ils étaient placés du côté du gouvernement, entre conservateurs et néo‑démocrates. Quelques semaines plus tard, on leur donna des sièges dans les deux dernières rangées, toujours du côté de la majorité, cette fois-ci près du fauteuil du Président. Au printemps 2008, ils étaient près du fauteuil du Président mais du côté de l’opposition. Pendant la première session (2008) de la 40e législature, la vice‑présidente adjointe des comités pléniers, député du Nouveau Parti démocratique, siégeait avec son parti.

[273] Il semble, d’après des plans de salle pour la Chambre, que le Président, normalement un député du parti ministériel, occupait habituellement un pupitre à la droite du fauteuil du Président. Aucun pupitre ne fut assigné à un Président depuis la 31e législature (1979), moment où, après un changement de gouvernement, le Président Jerome, élu pour un deuxième mandat, devint le premier député de l’opposition à se voir confier la présidence de la Chambre par le parti ministériel (Beauchesne, A., Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, Règlement annoté et formulaire de la Chambre des communes du Canada, 6e éd., sous la direction de A. Fraser, W.F. Dawson et J.A. Holtby, texte français établi au Centre de traduction et de terminologie juridique de l’École de droit de l’Université de Moncton, Toronto : Carswell, 1991, p. 39).

[274] Voir, par exemple, Débats, 18 février 1965, p. 11457; 29 août 1966, p. 7731‑7732; 3 décembre 1969, p. 1532; 27 juin 1978, p. 6777‑6778; 14 mai 1986, p. 13268; 2 février 2004, p. 1. Dans bien des cas, on ne retrouve dans les Débats ou les Journaux aucune mention du changement d’affiliation ou de statut. Les changements sont signalés au Président par écrit ou par un communiqué publié par le député.

[275] Pour des exemples de députés qui ont changé d’affiliation politique, voir Débats, 13 mars 1972, p. 745; 7 mars 1979, p. 3910. Le 20 avril 1977, Jack Horner (Crowfoot), député de l’opposition, traversa le parquet de la Chambre pour siéger avec le parti ministériel et nommé ministre sans portefeuille le lendemain. Le 17 mai 2005, Belinda Stronach (Newmarket–Aurora) se rallia au parti ministériel et fut nommée ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences et ministre responsable du Renouveau démocratique. David Emerson, élu comme député libéral dans Vancouver–Kingsway le 23 janvier 2006, fut assermenté ministre du Commerce international dans le Cabinet conservateur le 6 février 2006. Dans ce dernier cas, trois députés ont demandé au commissaire à l’éthique de mener une enquête en vertu du Code régissant les conflits d’intérêts des députés pour vérifier si le premier ministre Stephen Harper avait persuadé M. Emerson de traverser le parquet de la Chambre en échange d’un poste au Cabinet. Le commissaire à l’éthique a conclu que ni M. Emerson ni M. Harper n’avait enfreint le Code (rapport du commissaire à l’éthique intitulé « L’enquête Harper‑Emerson », daté de mars 2006, déposé à la Chambre le 4 avril 2006 (Journaux, p. 15)). Depuis le début de la Confédération, à trois reprises au moins, des députés ont quitté le parti sous la bannière duquel ils s’étaient fait élire pour former un nouveau groupe parlementaire. En février 1943, trois députés du Québec quittèrent le Parti libéral pour former le Bloc populaire canadien, afin de protester contre la conscription (Débats, 10 février 1943, p. 309‑313; 18 février 1943, p. 532‑537, 542‑545). En 1963, certains députés de l’aile québécoise du Parti Crédit social firent défection et fondèrent un nouveau groupe parlementaire appelé Ralliement des Créditistes (Journaux, 30 septembre 1963, p. 385‑388). En 1990, motivés par l’échec de l’Accord du lac Meech, huit députés de partis politiques différents formèrent un nouveau parti, le Bloc Québécois (Débats, 18 mai 1990, p. 11615‑11617; 22 mai 1990, p. 11631, 11662‑11664; 26 juin 1990, p. 13087‑13088, 13121‑13123).

[276] À plusieurs reprises, Peter Stoffer (Sackville–Eastern Shore) a proposé un projet de loi visant à modifier la Loi sur le Parlement du Canada pour que le siège d’un député ayant changé d’affiliation soit déclaré vacant et que se tienne une élection partielle (Débats, 13 mars 2000, p. 4398; 5 février 2001, p. 229; 4 octobre 2002, p. 321; 2 février 2004, p. 10; 1er novembre 2004, p. 1012‑1013; 6 avril 2006, p. 60; 21 novembre 2008, p. 116‑117).

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