Rappel de la Chambre alors qu’elle est ajournée
Lorsque la Chambre est ajournée, le Règlement permet qu’elle soit rappelée avant la date prévue pour poursuivre ses travaux comme si elle avait été dûment ajournée à la date du rappel[94]. Pour ce faire, le gouvernement en fait habituellement la demande par écrit au Président en expliquant les raisons pour lesquelles il serait dans l’intérêt public de rappeler la Chambre. Cette demande peut se faire à n’importe quel moment[95]. La décision de rappeler la Chambre est prise par le Président, de concert avec le gouvernement, s’il a la conviction que c’est dans l’intérêt public[96]. L’intérêt public est le seul critère dont le Règlement fait mention. Si le Président est convaincu de la nécessité de rappeler la Chambre, il doit en outre donner avis du jour et de l’heure de la reprise des travaux. En temps normal, il demande une période de temps après la parution de l’avis (la pratique veut un minimum de 48 heures) pour lui permettre de prévenir les députés en personne et leur laisser le temps de se rendre. Si la situation l’exige, un Feuilleton et Feuilleton des avis spécial (en plus du Feuilleton et Feuilleton des avis habituel) pourra être publié à la demande du gouvernement[97]. Une fois la décision prise de rappeler la Chambre, le Président en avise le Greffier de la Chambre et lui demande de prendre les mesures nécessaires pour la reprise des travaux. Si le Président ne peut agir, pour cause de maladie ou pour une autre raison, les présidents de séance adjoints peuvent le remplacer aux fins de cet article précis du Règlement. Le Greffier s’assure alors que tout est prêt pour la reprise des séances. Les modalités de la reprise, y compris la communication avec les députés et la publication du Feuilleton et Feuilleton des avis (ainsi qu’un Feuilleton et Feuilleton des avis spécial, si le gouvernement en fait la demande), incombent aux hauts fonctionnaires de la Chambre[98]. HistoriquePendant les 70 premières années suivant la Confédération, il était de pratique courante de mettre fin à la session du Parlement par prorogation plutôt que par une longue période d’ajournement. En 1940, cependant, étant donné les incertitudes de la guerre, on a jugé plus sage d’ajourner la session au lieu d’y mettre fin par prorogation afin de pouvoir rappeler la Chambre rapidement au besoin. La Chambre a adopté une motion d’ajournement qui autorisait le Président à la rappeler si, après consultation du gouvernement, il jugeait que c’était dans l’intérêt public[99]. Des motions semblables ont été adoptées lors des sessions suivantes et c’est devenu la pratique lorsque la Chambre s’ajournait pour une période prolongée. La Chambre a été rappelée une première fois en pareille situation en 1944, le gouvernement voulant l’informer de la situation découlant de la démission du ministre de la Défense nationale[100]. La Chambre a été rappelée plusieurs fois avant 1982[101]; un nouvel article du Règlement libellé de manière semblable aux motions d’ajournement utilisées jusqu’en 1982 a alors fait de cette pratique une règle[102]. Annulation de l’ordre de rappelIl n’existe aucun mécanisme d’annulation d’un ordre de rappel de la Chambre. Le Président a toutefois, à une occasion, après en avoir reçu la demande de tous les partis reconnus à la Chambre, fait une déclaration officielle annulant un avis de rappel antérieur. L’avis initial, convoquant la Chambre pour le 15 juillet 1992, avait été donné le 26 juin 1992; l’avis d’annulation a été donné le 11 juillet 1992 et déposé le 8 septembre 1992, le jour où le Président a fait une déclaration à la Chambre[103]. Ordre des travaux à la reprise des séancesLorsque la Chambre se réunit après un rappel, il est de pratique courante pour le Président d’informer la Chambre des motifs du rappel, des diverses mesures prises pour y donner suite et, si le gouvernement a demandé qu’on publie un Feuilleton et Feuilleton des avis spécial, des mesures prises pour sa publication et sa diffusion[104]. Depuis 1980, le Président dépose aussi les messages reçus du gouvernement au sujet du rappel[105]. Une reprise n’a aucune incidence sur l’ordre habituel des travaux de la Chambre. Lorsque la Chambre se réunit pour la première fois après un rappel, elle procède comme d’habitude aux Affaires courantes, à la période des questions et aux délibérations selon l’heure de la séance, qui est fixée dans l’avis de rappel[106]. Exception faite de l’adoption d’une motion d’ajournement à une date ultérieure, ou de l’interruption de la session par prorogation, la Chambre poursuit simplement ses séances, les jours suivants, comme si elle avait ajourné à la date de son rappel. La Chambre peut très bien, dans de telles situations, poursuivre ses travaux en dehors du calendrier pendant quelque temps, comme elle l’a fait en 1987 lorsque, rappelée au début d’août, elle n’a ajourné pour une période prolongée qu’à la pause de décembre prévue au calendrier[107]. [94] Art. 28(3) du Règlement. Voir aussi l’annexe 14, « Les rappels de la Chambre des communes pendant des périodes d’ajournement depuis 1867 ». [95] En 1991, par exemple, la lettre demandant le rappel de janvier était datée du samedi 12 janvier 1991 (Journaux, 15 janvier 1991, p. 2556). [96] Voir, par exemple, Journaux, 8 septembre 1992, p. 1924. Le gouvernement a fait valoir la présence de mesures législatives pressantes au Sénat pour demander le rappel de la Chambre le 3 juillet 1987. La Chambre n’a pas été rappelée; les journaux ont fait état de discussions entre le gouvernement et le Sénat quant à la suite à donner aux projets de loi en question. Le 7 août 1987, le gouvernement a de nouveau demandé le rappel de la Chambre en invoquant d’autres raisons; le Président a acquiescé et la Chambre a été rappelée le 11 août (Journaux, p. 1308). Durant la crise de 1991 dans le golfe Persique, la Chambre a adopté une motion permettant à deux de ses comités permanents de demander au Président de rappeler la Chambre et prévoyant de modifier temporairement l’article 28(3) du Règlement de manière à accepter un préavis de 12 heures (Journaux, 21 janvier 1991, p. 2587‑2588). [97] Art. 55 du Règlement. [98] Un message est adressé à tous les députés sous la signature du Président pour les informer de la date et de l’heure de la reprise. Depuis 1986, ces messages sont envoyés par courrier électronique. Voir, par exemple, Débats, 24 juillet 1986, p. 15011; Journaux, 15 janvier 1991, p. 2556. On se servait jusque‑là de télégrammes. Voir, par exemple, Débats, 22 novembre 1944, p. 6729; 9 août 1977, p. 8129. Lorsque des moyens de transport spéciaux s’imposent, les hauts fonctionnaires de la Chambre peuvent collaborer avec le ministère de la Défense nationale; ils doivent alors ajouter aux avis adressés aux députés des détails sur l’itinéraire et l’horaire des vols. En 1977, par exemple, lorsque la Chambre a été rappelée à la suite d’une grève nationale qui paralysait l’industrie du transport aérien commercial, le transport a été assuré par avion militaire. Le bureau du whip de chaque parti est aussi prévenu du rappel et, le cas échéant, de toute mesure spéciale de transport. Les mesures nécessaires sont également prises pour s’assurer que les députés en mission parlementaire au moment du rappel en sont informés et qu’on leur facilite la rentrée à Ottawa. Autrefois, un avis de rappel était publié sous la signature du Président dans une édition spéciale de la Gazette du Canada. Cette pratique, qui ne répond à aucune exigence législative, a été abandonnée lors du rappel de février 1991. [99] Journaux, 3 août 1940, p. 325. [100] Journaux, 22 novembre 1944, p. 921. Voir aussi Débats, 22 novembre 1944, p. 6730. Il s’agissait du premier rappel en vertu d’un ordre de la Chambre. [101] Elle a été rappelée en période d’ajournement en 1951, 1966, 1972, 1973, 1977 et 1980. [102] Art. 28(3) du Règlement. Voir le troisième rapport du Comité spécial chargé d’examiner le Règlement et la procédure, présenté à la Chambre le 5 novembre 1982 (Journaux, p. 5328), p. 12. Le nouvel article est entré en vigueur le 22 décembre 1982 (Journaux, 29 novembre 1982, p. 5400). La Chambre a par la suite été rappelée en vertu de l’article 28(3) du Règlement en 1986, 1987, 1991 (deux fois) et 1992. Voir à l’annexe 14 la liste des rappels et des motifs. [103] Journaux, 8 septembre 1992, p. 1924, Débats, p. 12709. [104] Voir, par exemple, Débats, 22 novembre 1944, p. 6729; 29 janvier 1951, p. 785; 30 août 1973, p. 6059; 15 janvier 1991, p. 16981. [105] Journaux, 6 octobre 1980, p. 504; 24 juillet 1986, p. 2474; 11 août 1987, p. 1308; 15 janvier 1991, p. 2556; 25 février 1991, p. 2602; 8 septembre 1992, p. 1924. [106] Les lundis, par exemple, l’heure habituelle d’ouverture de la séance est 11 heures (art. 24(1) du Règlement); lorsque la Chambre a été rappelée à 14 heures le lundi 25 février 1991, le Président a fait la déclaration habituelle au sujet du rappel et la Chambre est passée au programme du lundi après‑midi fixé par le Règlement (Journaux, 25 février 1991, p. 2602‑2621). [107] Journaux, 11 août 1987, p. 1308; 18 décembre 1987, p. 2018‑2019. |