Les institutions parlementaires du Canada

Historique

Avant la Confédération

L’histoire de nos institutions parlementaires (voir la figure 1.1, « Chronologie des institutions parlementaires du Canada ») trouve ses débuts en Nouvelle-Écosse. En 1758, la colonie se voit accorder une assemblée élue16, devenant ainsi la première colonie canadienne à avoir une institution politique représentative17. Aucune limite n’était fixée à la durée d’une législature ; de fait, l’Assemblée élue en 1770 devait siéger jusqu’en 1785. En 1792, une loi a été adoptée pour limiter le mandat à sept ans ; il sera ramené à quatre en 1840. À l’instar de la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard obtint une assemblée populaire en 177318 et la province nouvellement désignée du Nouveau-Brunswick, en 178419. Chacune des trois colonies continua d’être administrée par un gouverneur britannique et un conseil exécutif nommé. La chambre haute (appelée Conseil législatif) est devenue un organe législatif distinct au Nouveau-Brunswick en 1832 et en Nouvelle-Écosse en 183820.

La situation était sensiblement différente en Nouvelle-France où il n’y avait pas d’assemblée législative et où la participation populaire aux affaires publiques était quasi inexistante. Pendant une courte période, les habitants des établissements qui deviendront Québec, Montréal et Trois-Rivières élisaient des représentants ou syndics qui siégeaient au conseil colonial. Mais le conseil demeurait comptable devant le roi de France ou le gouverneur de la Nouvelle-France, et non pas devant le peuple. La charge de syndic a été abolie en 1674 par Jean-Baptiste Colbert, qui était alors secrétaire d’État aux affaires coloniales21.

Figure 1.1 Chronologie des institutions parlementaires du Canada

1758

La Nouvelle-Écosse obtient une assemblée élue, devenant ainsi la première colonie de ce qui sera le Canada dotée d’une institution politique représentative. L’Assemblée se réunit le 2 octobre à Halifax.

1773

L’île du Prince-Édouard (qui s’est appelée l’île Saint-Jean jusqu’en 1799) obtient une assemblée populaire.

1774

L’Acte de Québec donne au Québec une nouvelle forme constitutionnelle sans le doter d’une assemblée élue ; le gouvernement est confié à un gouverneur et à un conseil législatif, tous deux nommés par la Couronne.

1784

Le Nouveau-Brunswick obtient une assemblée populaire qui tient sa première réunion à Saint John.

1791

L’Acte constitutionnel de 1791 divise la province originelle du Québec en deux le Bas-Canada (le Québec actuel) et le Haut-Canada (l’Ontario). Chacune des provinces est dotée d’un conseil législatif (chambre haute) et d’une assemblée élue.

1792

L’Assemblée élue du Haut-Canada tient sa première réunion le 17 septembre à Newark, l’actuel Niagara-on-the-Lake.

1792

L’assemblée élue du Bas-Canada tient sa première réunion à Québec le 17 décembre.

1824

Terre-Neuve obtient le statut officiel de colonie et est administrée par un gouverneur.

1826

Le gouverneur de Terre-Neuve obtient le pouvoir de nommer son conseil consultatif. Ce conseil, qui allait devenir la chambre haute, s’est appelé le Conseil législatif de 1833 à 1855.

1832

Le Nouveau-Brunswick obtient un conseil législatif (chambre haute).

1832

Terre-Neuve élit sa première assemblée représentative.

1833

La Chambre d’assemblée (chambre basse) de Terre-Neuve tient sa première réunion le 1er janvier.

1838

La Nouvelle-Écosse obtient un conseil législatif (chambre haute).

1840

Le Haut et le Bas-Canada sont réunis par l’Acte d’union de 1840 qui dote la nouvelle Province du Canada d’un conseil législatif, dont les membres sont nommés, et d’une assemblée législative, dont les membres sont élus.

1841

L’Assemblée législative de la Province du Canada tient sa première réunion à Kingston le 14 juin.

1849

L’île de Vancouver obtient le statut de colonie et le pouvoir d’élire une assemblée.

1855

Terre-Neuve obtient un gouvernement responsable qui prend la forme d’un Parlement composé d’une assemblée élue et d’un conseil législatif (chambre haute) dont les membres sont nommés.

1856

L’Assemblée législative de la province du Canada adopte une loi créant une chambre haute élue ; la première élection des membres de cette chambre haute a lieu la même année.

1856

L’île de Vancouver élit sa première assemblée, qui tient sa première réunion le 12 août.

1858

La partie continentale de la Colombie-Britannique obtient le statut de colonie et un gouverneur est habilité à faire des lois pour la colonie.

1866

Les colonies de la partie continentale de la Colombie-Britannique et de l’île de Vancouver sont réunies et administrées par un gouverneur et un conseil législatif ; l’élection d’une assemblée n’est pas prévue.

1867

L’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 est adopté par le Parlement britannique le 29 mars et entre en vigueur le 1er juillet. La Confédération de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario et du Québec crée le Dominion du Canada ; le Parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales sont dotés de chambres hautes dont les membres sont nommés et de chambres basses élues (l’Ontario, qui n’a qu’une chambre basse élue, fait exception).

1867

La Chambre des communes tient sa première réunion à Ottawa le 6 novembre.

1868

L’Acte de la Terre de Rupert qui permet à la Couronne d’acheter toutes les terres de la Compagnie de la baie d’Hudson est adopté par le Parlement britannique.

1869

L’Acte concernant le gouvernement provisoire de la Terre de Rupert, qui autorise la création d’un gouvernement temporaire pour la Terre de Rupert (devenue par la suite les Territoires du Nord-Ouest), est adopté par le Parlement du Canada.

1870

La province du Manitoba est créée et dotée de chambres haute et basse ; l’Assemblée législative tient sa première réunion à Fort Garry, l’actuel Winnipeg, le 15 mars 1871.

1870

Le Décret en conseil sur la Terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest intègre la Terre de Rupert au Canada à compter du 15 juillet.

1871

La Colombie-Britannique entre dans la Confédération le 20 juillet.

1872

L’Assemblée législative de la Colombie-Britannique tient sa première réunion à Victoria le 15 février.

1873

L’Île-du-Prince-Édouard entre dans la Confédération.

1876

La chambre haute du Manitoba est abolie.

1881

L’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest est élue intégralement.

1892

La chambre haute du Nouveau-Brunswick est abolie.

1893

La chambre haute de l’Île-du-Prince-Édouard est abolie.

1898

Le Territoire du Yukon est créé ; on l’ampute des Territoires du Nord-Ouest.

1905

La Saskatchewan devient une province du Canada le 1er septembre.

1905

L’Alberta devient une province du Canada le 1er septembre.

1905

L’Assemblée législative élue des Territoires du Nord-Ouest est remplacée par un conseil dont les membres sont nommés.

1906

L’Assemblée législative de l’Alberta tient sa première réunion le 15 mars.

1906

L’Assemblée législative de la Saskatchewan tient sa première réunion le 29 mars.

1909

L’Assemblée législative du Yukon tient sa première réunion le 15 juillet.

1928

La chambre haute de la Nouvelle-Écosse est abolie.

1931

Le Statut de Westminster enlève au Parlement britannique tout pouvoir législatif sur le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et Terre-Neuve.

1934

La suspension du gouvernement responsable de Terre-Neuve, le 16 février, s’accompagne de l’abolition temporaire du Parlement (Chambre d’assemblée et conseil législatif) et du Conseil exécutif. De 1934 à 1949, Terre-Neuve est gouvernée par une commission de gouvernement, formée de trois représentants de Terre-Neuve et de trois représentants britanniques, que préside le gouverneur.

1949

Terre-Neuve se joint à la Confédération le 31 mars ; une élection générale est tenue pour élire les membres de la Chambre d’assemblée ; le Conseil législatif n’est pas rétabli.

1968

La chambre haute du Québec est abolie.

1975

Tous les membres du Conseil législatif (qui devient l’Assemblée législative en 1976) des Territoires du Nord-Ouest sont élus.

1999

Le Nunavut est créé ; on l’ampute des Territoires du Nord-Ouest. Il obtient sa propre assemblée législative le 1er avril.

En 1760, la Nouvelle-France est cédée à la Grande-Bretagne en prélude du Traité de Paris de 1763 qui mettra fin à la guerre de Sept Ans entre la Grande-Bretagne et la France. Suite à la signature du Traité en 1763, le roi George III rendait publique une proclamation créant les gouvernements de chacun des territoires du nouveau monde dont la Grande-Bretagne venait de faire l’acquisition, notamment le Québec22.

Un gouverneur a été mandaté et autorisé à nommer un conseil exécutif local et à convoquer une assemblée populaire (élue), sur le modèle de celle de la Nouvelle-Écosse23. Ensemble, ils étaient autorisés à légiférer pour assurer la paix publique, le bon ordre et le bon gouvernement de la colonie24. Mais avant d’être autorisés à siéger, les représentants élus devaient prêter serment à la Couronne britannique et faire une déclaration abjurant la transsubstantiation, dogme fondamental de la religion catholique romaine25. Peu d’anciens habitants acceptèrent de prêter ce serment, de sorte qu’aucune assemblée ne s’est réunie. La Proclamation royale a également imposé le droit civil et pénal britannique, ce qui a déplu à bon nombre d’anciens habitants, qui croyaient que leurs droits traditionnels en matière civile et de propriété leur étaient assurés par le Traité de Paris26. Durant 11 ans, la « Province de Québec », comme elle était appelée, sera gouvernée par le gouverneur, assisté de son conseil exécutif.

En 1774, le Parlement britannique adopte l’Acte de Québec, qui définit la nouvelle structure constitutionnelle de Québec27. La loi repousse les frontières de la province28 et n’oblige plus les catholiques romains à prêter le serment d’abjuration pour pouvoir occuper une charge publique. Mais elle ne prévoit pas d’assemblée législative ; le gouvernement est confié à un gouverneur et à un conseil législatif, tous deux nommés par la Couronne29. Avec l’assentiment du gouverneur, le conseil pouvait faire des ordonnances, mais il n’était pas autorisé à imposer des taxes ou à prélever des impôts, à l’exception de ceux que les habitants autorisaient à lever pour faire des chemins ou pour des services semblables. Les coûts de l’administration civile étaient couverts par les recettes provenant des droits sur l’eau-de-vie et la mélasse ; la différence était comblée par le trésor impérial30.

L’adoption de l’Acte de Québec est le premier cas d’intervention directe du Parlement britannique dans les affaires canadiennes ; jusque-là, les arrangements constitutionnels relevaient de la prérogative royale (c’est-à-dire que le roi intervenait unilatéralement)31.

En 1776, les États-Unis proclamaient leur indépendance de la Grande-Bretagne et sur quelque 20 ans, des milliers de loyalistes britanniques émigreront au Canada, la plupart s’établissant dans l’Ontario et le Québec d’aujourd’hui. L’arrivée massive de colons d’ascendance britannique s’est traduite par une demande accrue de représentation politique. Mais ce n’est qu’en 1791, avec le remplacement de l’Acte de Québec par l’Acte constitutionnel, qu’on obtiendra finalement des institutions représentatives32.

L’Acte constitutionnel de 1791 partage la Province de Québec de l’époque en deux provinces, le Bas-Canada (devenu le Québec) et le Haut-Canada (devenu l’Ontario). Chacune s’est vu attribuer une chambre haute (Conseil législatif) et une assemblée élue. Les membres du Conseil législatif étaient nommés à vie par le souverain33, alors que ceux de l’Assemblée étaient élus. Pour siéger au Conseil ou à l’Assemblée, il fallait être âgé d’au moins 21 ans et être sujet de la Couronne britannique. La loi prévoyait que le gouverneur pouvait nommer un Président au Conseil législatif, mais rien n’était prévu pour la nomination du Président à l’Assemblée législative. Chaque question soumise à l’examen des Assemblées était décidée à la majorité des voix exprimées ; en cas de partage, le président avait la voix prépondérante34. Il était de plus décidé que la Couronne pouvait nommer, dans chaque province, un conseil exécutif chargé de conseiller et d’assister le gouverneur dans l’administration de la province35. L’Assemblée du Haut-Canada s’est réunie pour la première fois le 17 septembre 1792 à Newark, aujourd’hui Niagara-on-the-Lake ; celle du Bas-Canada, le 17 décembre à Québec. Le gouverneur était autorisé à fixer la date et le lieu des séances de l’Assemblée, et il pouvait la proroger ou la dissoudre s’il le jugeait à propos, sous réserve que l’Assemblée se réunisse au moins une fois par année et qu’elle ne dure pas plus de quatre ans36. Le gouverneur avait le pouvoir d’accorder ou de refuser la sanction royale37 aux projets de loi ou de les « soumettre au plaisir de Sa Majesté38 » pour examen et approbation39.

Les lois étaient promulguées à la suite de l’examen et de l’adoption des projets de loi par les deux chambres — l’Assemblée et le Conseil législatif — et de leur approbation par le gouverneur au nom de la Couronne. Cette procédure était modelée sur celle du Parlement britannique de Westminster, le gouverneur jouant le rôle du souverain, alors que l’Assemblée et le Conseil législatif reprenaient respectivement le rôle et les fonctions de la Chambre des communes et de la Chambre des lords.

Toutefois, les gouverneurs nommés et les représentants élus se disputaient sans arrêt pour savoir qui devrait contrôler les dépenses publiques (subsides40) et qui devrait nommer les hauts fonctionnaires (la liste civile41). « Depuis des années, les réformateurs du système colonial clamaient que la seule façon d’assurer l’harmonie entre l’exécutif et le législatif consistait pour le gouverneur à nommer au conseil exécutif ceux qui étaient responsables devant l’assemblée et qui avaient sa confiance42 ». Cela revenait donc à demander l’adoption du gouvernement responsable.

Finalement, ce mécontentement aboutit à des rébellions tant dans le Haut que le Bas-Canada dans les années 1837–183843. Les doléances de l’Assemblée du Bas-Canada prirent la forme de 92 résolutions, dont la demande d’un conseil législatif élu44. En 1838, lord Durham arriva au Canada en qualité de haut-commissaire et de gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique45. Dans un rapport fouillé destiné au Parlement britannique, il exposait les difficultés telles qu’il les avait perçues. Entre autres recommandations, il proposait que le Haut et le Bas-Canada soient réunis dans une seule assemblée et appelait à l’adoption du gouvernement responsable46. Sous le régime du gouvernement responsable, le gouverneur ne pourrait agir que sur l’avis des ministres qui avaient l’appui des membres de l’Assemblée élue ; autrement dit, par ceux qui représentaient les intérêts véritables des habitants du pays.

Adopté en juillet 1840 par le Parlement britannique, l’Acte pour réunir les provinces du Haut et du Bas Canada, et pour le gouvernement du Canada, appelé l’Acte d’Union47, est entré en vigueur le 10 février 1841. La loi établissait un seul conseil législatif, composé d’au moins 20 membres nommés par la Couronne48, et une seule assemblée législative, avec une représentation égale pour chacune des parties de la nouvelle « Province du Canada49 ». L’adoption de la loi impliquait que l’administration coloniale acceptait le principe du gouvernement responsable. Lord Syndenham, le premier gouverneur général après l’adoption de l’Acte d’Union, a instauré deux usages qui étaient essentiels au fonctionnement du gouvernement responsable. Il a d’abord réorganisé l’exécutif, créant des ministères à la tête desquels il n’y avait qu’un seul chef politique, faisant ainsi du conseil un véritable organe de décision. Ensuite, il a créé un parti du gouvernement, se servant de ses pouvoirs et de son influence pour s’assurer que ses ministres avaient l’appui de l’Assemblée. Bien que ce système se soit effondré, il a préparé le terrain à l’arrivée du gouvernement responsable ou de Cabinet, comme nous le connaissons aujourd’hui.

En 1847, le nouveau secrétaire aux Colonies dans le gouvernement britannique, lord Grey, ordonnait aux gouverneurs sir John Harvey (Nouvelle-Écosse) et lord Elgin (Canada) qu’à l’avenir ils devraient constituer leur conseil à partir des chefs du parti majoritaire à l’Assemblée. Peu de temps après, en 1848, le principe a été mis à l’essai en Nouvelle-Écosse, où le gouvernement a démissionné après avoir été défait sur une motion de confiance à l’Assemblée, et le gouverneur a appelé le chef du parti majoritaire à former le nouveau gouvernement. Dans l’espace de quelques semaines, des changements de gouvernement semblables se produisirent au Canada et au Nouveau-Brunswick ; ainsi, le principe du gouvernement responsable était fermement établi en Amérique du Nord britannique50.

En 1854, en réponse à une adresse (requête officielle) de l’Assemblée législative du Canada51, le Parlement britannique adoptait une loi autorisant l’Assemblée à modifier les règles du Conseil législatif. Deux ans plus tard, l’Assemblée adoptait une loi prévoyant que la chambre haute deviendrait élective52, et l’année suivante se tenait la première élection des membres de la chambre haute. Jusqu’en 1862, le Président du Conseil législatif était nommé par la Couronne ; par la suite, il sera élu par les membres du Conseil53.

Les institutions parlementaires de Terre-Neuve ont connu une évolution différente. Jusqu’en 1824, le territoire n’était pas reconnu comme colonie officielle. De 1729 à 1829, le commandant de la flotte navale britannique faisait office de gouverneur pendant les mois où la flotte était en station à Terre-Neuve pour protéger les bateaux de pêche britanniques. En 1824, l’île était officiellement reconnue comme colonie, sous l’administration d’un gouverneur, assisté d’un conseil nommé par lui. En 1832, le gouverneur déclenchait l’élection de l’Assemblée législative54. Comme ce fut le cas pour la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, une chambre haute était instituée en 185555 ; c’est au même moment que la province se voyait attribuer le gouvernement responsable.

La seule autre région du pays qui ait eu des institutions représentatives avant la Confédération est la Colombie-Britannique56 ; cette province est issue de la fusion en 1866 de deux colonies britanniques, l’île de Vancouver et la Colombie-Britannique « continentale ». Dès sa création en 1849, l’île de Vancouver avait une assemblée représentative57, mais lors de la constitution de la colonie « continentale » en 1858, seul le gouverneur avait le pouvoir de légiférer. Avec l’union des deux colonies en 1866, la gouvernance était exercée par le gouverneur et le Conseil législatif ; il n’y avait aucune disposition pour une assemblée élue. Lors de l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération en 1871, les conditions d’adhésion58 prévoyaient une assemblée législative, mais ce n’est que l’année suivante que le gouvernement responsable se réalisera59.

La Confédération

De la fin des années 1850 et jusque dans les années 1860, les provinces de l’Amérique du Nord britannique se voyaient de plus en plus poussées vers une forme d’union60. Provoqué par les difficultés politiques de la Province du Canada61, le mouvement était nourri par les perspectives d’avantages économiques pour tous et d’une sécurité militaire accrue.

Lord Durham avait recommandé une union fédérale dans son rapport, et la question avait été abordée plusieurs fois dans les Assemblées législatives de l’Amérique du Nord britannique62. Le 1er septembre 1864, des délégués des provinces maritimes se réunirent à Charlottetown pour discuter de l’union de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard. Des représentants des deux parties de la Province du Canada devaient se joindre à eux, de sorte qu’il fut décidé d’examiner la question d’une union élargie de toutes les provinces63. Le 10 octobre suivant commençait à Québec une seconde rencontre, à laquelle assistaient 33 délégués des provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve. Après 18 jours de débats, les délégués avaient adopté à l’unanimité 72 résolutions définissant les conditions d’une union fédérale64.

Après avoir débattu des résolutions du 3 février au 14 mars 1865, les deux Assemblées de la Province du Canada s’entendirent pour aller de l’avant avec l’union. L’opposition des Maritimes devait cependant bloquer tout progrès pendant plus d’un an65. À l’automne de 1866, des délégués du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick se rendirent à Londres pour s’entretenir avec le secrétaire aux Colonies et présenter leurs arguments devant les législateurs du Parlement britannique. Soixante-neuf résolutions furent présentées le 12 février 1867, sous la forme de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique66. Un peu plus d’un mois plus tard, soit le 29 mars, la loi recevait la sanction royale, et elle entrait en vigueur le 1er juillet suivant.

Dans le préambule de la loi, les provinces fondatrices expriment le désir de contracter une union fédérale, avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni67. La loi intègre les trois grands éléments de la tradition parlementaire britannique — la monarchie, la représentation et la responsabilité — dans une nouvelle forme fédérale de gouvernement. Un gouvernement central est créé pour les questions nationales, et des gouvernements provinciaux pour les questions d’intérêt régional ou local. Les gouvernements provinciaux ne sont pas subordonnés au gouvernement national, mais dans leur sphère de compétence, ils sont largement autonomes.

Si, au départ, seulement la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et la Province du Canada (qui deviendra l’Ontario et le Québec) ont choisi d’adhérer au nouveau Dominion du Canada, la Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait que Terre-Neuve, l’île-du-Prince-Édouard, la Colombie-Britannique et la « Terre de Rupert et le Territoire du Nord-Ouest » (les Territoires du Nord-Ouest d’aujourd’hui) pourraient y adhérer plus tard68. Les Territoires du Nord-Ouest sont devenus une partie du Canada en 186869, la province du Manitoba a été créée en 187070, la Colombie-Britannique s’est jointe à la fédération en 187171, et l’Île-du-Prince-Édouard, en 187372. Les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta ont été établies en 190573. À la suite de la modification des limites provinciales, il ne restait plus comme « territoires » au Canada74 que les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon (détaché des Territoires du Nord-Ouest en 1898). Terre-Neuve a été admise dans la Confédération en 194975, devenant ainsi la 10e province du pays. Enfin, en 1999, le Nunavut a été créé à partir des Territoires du Nord-Ouest et doté de sa propre assemblée76.

Le cadre institutionnel

La Constitution

Le Canada n’a pas une constitution qui se résume à un seul document77. La Loi constitutionnelle de 1867 ne codifie pas toutes les nouvelles règles constitutionnelles du pays, elle indique simplement que le Canada aura une « constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni78 ». À l’exception des changements nécessités par la création de la nouvelle fédération, les anciennes règles régissant l’exercice des pouvoirs publics sont demeurées à peu près inchangées par rapport à celles des colonies au moment de la Confédération. C’est ce qui explique qu’une bonne partie du droit constitutionnel canadien ne se trouve pas dans les lois constitutionnelles. De fait, certaines de nos règles les plus importantes ne relèvent même pas du droit écrit, mais font plutôt l’objet de conventions79.

La Constitution énonce les pouvoirs — législatifs, exécutifs, judiciaires — qui seront exercés par tel organe de l’État, et définit les limites de cet exercice. Le Canada étant un État fédéral, la Constitution prévoit également le partage des pouvoirs entre le gouvernement national et les provinces80. Enfin, la réforme constitutionnelle de 1982 comportait une Charte des droits et libertés, à laquelle toute loi devrait se conformer81.

La Couronne

Au Canada, l’État est couramment désigné comme « la Couronne82 », et c’est la Couronne qui détient le pouvoir exécutif suprême au pays83. La souveraine est par ailleurs la personne à laquelle la Couronne est conférée par la Constitution. Pour distinguer la réalité canadienne de celle des autres pays qui reconnaissent la monarchie britannique comme leur chef d’État officiel, on parle habituellement de « la Reine du chef du Canada84 ».

L’évolution constitutionnelle de la Grande-Bretagne résulte pour l’essentiel des efforts du Parlement pour limiter ou s’approprier les pouvoirs de la prérogative royale. Aujourd’hui, sauf exception, aucune décision du monarque (ou de son représentant, le gouverneur général) n’est exécutée sans l’avis et le consentement officiels du premier ministre et du Cabinet. La Couronne conserve toutefois le droit d’être consultée, d’inviter le gouvernement à agir et de le mettre en garde85.

Le Canada étant un État fédéral, la Couronne est représentée dans chaque province par un lieutenant-gouverneur et dans chaque territoire par un commissaire.

Le gouverneur général

Officiellement, c’est le monarque qui est le chef de l’État, mais presque tous ses pouvoirs sur le Canada sont attribués au gouverneur général86, à l’exception, il va de soi, du pouvoir de nommer et de révoquer le gouverneur général. Sur l’avis du premier ministre, le souverain nomme le gouverneur général par une commission sous le grand sceau du Canada87. Le mandat du gouverneur général commence par son installation dans la salle du Sénat par le juge en chef du Canada ou par un juge puîné de la Cour suprême du Canada. Son mandat est à la discrétion du monarque et dure généralement cinq ans ; il est arrivé qu’un mandat soit prolongé jusqu’à sept ans88. Le titulaire de la charge est désigné comme « gouverneur général et commandant en chef dans et sur le Canada89 ».

Le gouverneur général peut nommer un ou plusieurs suppléants, habituellement des juges de la Cour suprême, pour exercer en son nom les pouvoirs, fonctions et attributions relativement au Canada qu’il pourra juger nécessaire ou opportun de leur assigner90. Un exemple courant est le pouvoir d’accorder la sanction royale91. En cas de décès, d’incapacité, de renvoi ou d’absence du pays du gouverneur général, le juge en chef de la Cour suprême (ou, le doyen des juges, si ce dernier en est empêché ou s’il est absent pour une certaine période) devient « administrateur du gouvernement » et est investi des pouvoirs du gouverneur général92. Si le gouverneur général doit s’absenter pour moins de 30 jours, il peut désigner le gouverneur général suppléant pour exercer ses fonctions93. Chaque fois qu’un administrateur exerce les fonctions de gouverneur, un administrateur suppléant est désigné d’office94.

Jusqu’au début des années 1950, la charge de gouverneur général était détenue par un citoyen du Royaume-Uni ; dans les premiers temps de la Confédération, c’étaient des membres de la famille royale ou de la noblesse britannique ; plus tard, ce seront des officiers supérieurs à la retraite. En 1952, Vincent Massey devient le premier Canadien à occuper cette charge ; depuis, le gouverneur général du Canada a toujours été un citoyen canadien.

Historique

La charge de gouverneur général est l’une de nos plus anciennes institutions. En Nouvelle-France, le principal dignitaire était le gouverneur général, qui était nommé par le roi95. Au XVIIIe siècle, dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique, le fonctionnaire le plus haut placé portait le titre de « capitaine général et gouverneur en chef96 ». À l’époque, les guerres et les conflits étaient fréquents, de sorte que le gouverneur général exerçait des fonctions militaires en plus de ses responsabilités administratives. Avec le temps, les pouvoirs de la charge ont diminué, pour être assumés par le premier ministre et le Cabinet97.

À l’époque de la Confédération, le gouverneur général était à la fois le représentant personnel du monarque et un agent du gouvernement britannique98. Ainsi, sur les questions jugées d’ordre « impérial », il devenait l’exécuteur des ordres du ministère des Colonies99. De 1887 à 1937, les principaux moyens de consultation de haut niveau entre les représentants du Royaume-Uni, du Canada et des autres territoires autonomes de l’Empire britannique/du Commonwealth étaient les conférences coloniales et impériales. Le rapport sur les conclusions de la Conférence de 1926 (le rapport Balfour) a abouti directement à la reconnaissance de l’autonomie des dominions100. Le gouverneur général a cessé d’être un représentant du gouvernement britannique et sa nomination a cessé d’être faite sur l’avis du Cabinet britannique101.

Outre les pouvoirs et compétences des gouverneurs généraux énoncés dans la Loi constitutionnelle de 1867, d’autres étaient définis dans les diverses commissions, instructions et lettres patentes102 délivrées par le monarque d’abord et, par la suite, par le ministère des Colonies. Les lettres patentes délivrées en 1947 — toujours en vigueur aujourd’hui — sont certes les plus importantes. Les Lettres patentes constituant la charge de gouverneur général (1947)103, qui remplaçaient toutes les commissions, instructions et lettres patentes antérieures, reconnaissaient au gouverneur général le droit d’exercer, sur l’avis du gouvernement élu, tous les pouvoirs et attributions du souverain du chef du Canada. Mais les pouvoirs conférés par ce texte n’ont pas tous été exercés dès 1947. Ce n’est que depuis 1977, par exemple, que les nominations des diplomates canadiens sont faites par le gouverneur général plutôt que par le monarque104.

Pouvoirs législatifs et exécutifs

La Loi constitutionnelle de 1867 attribue au gouverneur général certains pouvoirs de gouvernement. Dans l’exercice de ses pouvoirs exécutifs, le gouverneur général agit presque toujours sur l’avis du premier ministre et du Cabinet105. Toute mesure législative qui engage une dépense106 doit être accompagnée d’une recommandation du gouverneur général, et c’est lui qui accorde la sanction royale à toutes les lois adoptées à la fois par le Sénat et par la Chambre. En vertu de la Constitution, le gouverneur général (le lieutenant-gouverneur dans les provinces) peut refuser la sanction royale107.

La Constitution dispose que seul le Parlement peut autoriser des paiements sur le Trésor. Mais dans des circonstances exceptionnelles, le gouverneur général peut être appelé à délivrer un mandat spécial autorisant le gouvernement à effectuer des dépenses qui ne seraient pas autorisées en temps normal108. Cette disposition permet notamment au gouvernement de faire face à ses dépenses lorsque le Parlement est dissous en vue d’une élection générale. Le mandat spécial ne doit pas être confondu avec le mandat que le gouverneur général signe et délivre chaque fois que des paiements sont effectués sur le Trésor.

Sur l’avis du premier ministre, le gouverneur général nomme des personnes qui deviennent sénateurs à la chambre haute109, nomme un sénateur à la charge de Président du Sénat110, convoque la Chambre des communes111, et proroge et dissout une législature112. Au début d’une nouvelle session, le gouverneur général fait la lecture du discours du Trône et, ce faisant, donne un aperçu du programme du gouvernement. Tous les conseillers privés113 sont nommés et leurs nominations peuvent être révoquées par le gouverneur général, qui nomme également les juges des cours, toujours sur l’avis du premier ministre et du Cabinet114. Le gouverneur général est d’office le commandant en chef protocolaire des forces armées115 ; il remplit certaines fonctions protocolaires et représente le Canada à l’occasion de visites d’État à l’étranger et d’autres manifestations internationales.

Le gouverneur général nomme les lieutenants-gouverneurs des provinces116. Il peut nommer en outre divers fonctionnaires — commissaires, juges de paix, diplomates — et peut aussi les destituer, toujours sur l’avis du premier ministre et du Cabinet117. Il a également le pouvoir de présider à la prestation du serment d’allégeance et du serment d’office, de délivrer des exequatur (instrument qui sert à reconnaître un représentant diplomatique étranger), et de gracier118.

Le gouverneur général jouit aussi de prérogatives ou pouvoirs discrétionnaires119. Il a notamment pour tâche de choisir le premier ministre. La personne choisie doit être disposée à former un gouvernement et à s’efforcer de gagner la confiance de la Chambre des communes. L’usage veut que ce soit le chef du parti politique qui, à la dernière élection générale, a obtenu la majorité des sièges à la Chambre. Si aucun parti ne détient la majorité, le gouvernement défait peut choisir de rester en poste jusqu’à ce qu’il soit renversé suivant un vote de confiance à la Chambre, ou il peut démissionner. S’il démissionne, le gouverneur général demandera au chef du parti de l’opposition qui a le plus de chance d’obtenir la confiance de la Chambre de former un gouvernement120. Techniquement, on peut néanmoins parler, à propos de la nomination du premier ministre, de la prérogative ou du pouvoir discrétionnaire du gouverneur général — sous réserve de confirmation par la Chambre —, étant donné que c’est l’une des rares décisions qu’il prend sans l’avis du gouvernement121.

Un autre pouvoir discrétionnaire est celui de dissoudre une législature en vue d’une élection générale, ce qui se fait normalement à la demande du premier ministre. L’usage veut que si le gouvernement est majoritaire, le gouverneur général accède à la demande du premier ministre. Mais si le premier ministre est à la tête d’un gouvernement minoritaire (qui ne détient pas la majorité absolue des sièges à la Chambre des communes), le gouverneur général peut choisir de donner ou de refuser son consentement122.

Ces prérogatives ou pouvoirs discrétionnaires sont rarement exercés, et seulement dans des circonstances très exceptionnelles. Inévitablement, l’essentiel des pouvoirs du gouverneur général s’exercent sur l’avis du premier ministre et du Cabinet123.

Le pouvoir législatif

L’article 17 de la Loi constitutionnelle de 1867 dispose que : « Il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d’une chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des communes ». Par conséquent, l’organe législatif du Parlement canadien est bicaméral. Si chaque chambre jouit du même statut pour ce qui est de ses privilèges, immunités et pouvoirs124, elles sont loin d’être la réplique l’une de l’autre. C’est dans la chambre basse (seule habilitée à prendre un vote de confiance) que la confiance du gouvernement est mise à l’épreuve ; selon l’usage, c’est là que siègent généralement les membres du gouvernement125. En outre, bien que chaque chambre doive adopter le même texte législatif avant qu’il reçoive la sanction royale, l’initiative des projets de loi ayant pour but l’appropriation du revenu public ou la création de taxes ou d’impôts appartient à la Chambre des communes126. Autre différence à noter, le Président du Sénat est nommé par le gouverneur général sur recommandation du premier ministre127, alors que la Chambre des communes élit son propre Président128. Chaque chambre fonctionne selon ses propres traditions, pouvoirs et usages.

Le Sénat

Le Sénat est la chambre haute du Parlement du Canada, dont les membres sont nommés. Il exerce tous les pouvoirs de la Chambre des communes, à l’exception de l’initiative des législations financières129.

Les sénateurs sont « mandés » ou nommés par le gouverneur général sur la recommandation du premier ministre130. Ils doivent être âgés de 30 ans révolus, domiciliés dans la province pour laquelle ils sont nommés et détenir des propriétés mobilières et immobilières valant quatre mille « piastres », après déduction de leurs dettes et obligations131. Au Québec, en plus d’y être domicilié, le sénateur doit posséder sa qualification foncière dans le collège électoral où il est nommé132. Le sénateur qui souhaite démissionner en avise le gouverneur général par écrit133. Le siège d’un sénateur est déclaré vacant si celui-ci est absent pendant deux sessions consécutives ; s’il est déclaré en faillite ou insolvable, ou se rend coupable de concussion ; s’il devient sujet ou citoyen d’une puissance étrangère ; s’il est atteint de trahison ou convaincu de quelque « crime infamant » ; ou s’il cesse de posséder la qualification relative à la propriété ou au domicile134. Sauf les cas de décès, de démission, de perte de qualification ou de vacance de leur siège, les sénateurs occupent leur place au Sénat jusqu’à l’âge de 75 ans135.

À la Confédération, le nombre des sénateurs était fixé à 72136. Depuis, il y a eu plusieurs ajouts, essentiellement avec l’entrée de nouvelles provinces ou de territoires. Pour les besoins de la représentation au Sénat, le Canada est partagé en quatre divisions : les provinces de l’Ouest, les provinces maritimes, l’Ontario et le Québec. À ces divisions se sont ajoutés Terre-Neuve-et-Labrador, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut137. La Loi constitutionnelle de 1867 prévoit maintenant qu’il y aura 105 sénateurs138, répartis de la façon suivante :

Figure 1.2 Répartition des sièges sénatoriaux

Provinces de l’Ouest

24

Colombie‑Britannique (6)

Alberta (6)

Saskatchewan (6)

Manitoba (6)

Ontario

24

Québec

24

Provinces maritimes

24

Nouveau‑Brunswick (10)

Nouvelle‑Écosse (10)

Île‑du‑Prince‑Édouard (4)

Terre‑Neuve‑et‑Labrador

6

Yukon

1

Territoires du Nord‑Ouest

1

Nunavut

1

La Constitution prévoit également la nomination de quatre ou huit nouveaux sénateurs, représentant également les quatre divisions139. Lorsque surviennent de telles nominations, il ne peut y en avoir de nouvelles dans une division donnée jusqu’à ce que la représentation tombe à moins de 24140. Le nombre des sénateurs ne peut à aucun moment dépasser 113141.

La Chambre des communes

La Chambre des communes, ou chambre basse, est l’Assemblée élue du Parlement du Canada. La Loi constitutionnelle établit le nombre et la répartition des représentants à la Chambre, et prévoit des augmentations ou de nouvelles répartitions142. Avec l’adoption de la Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et la Loi électorale du Canada, en 2011, la Chambre compte maintenant 338 députés, répartis de la façon suivante :

Figure 1.3 Répartition des sièges à la Chambre des communes

Alberta

34

Colombie‑Britannique

42

Île‑du‑Prince‑Édouard

4

Manitoba

14

Nouveau‑Brunswick

10

Nouvelle‑Écosse

11

Nunavut

1

Ontario

121

Québec

78

Saskatchewan

14

Terre‑Neuve‑et‑Labrador

7

Territoires du Nord‑Ouest

1

Yukon

1

Le pouvoir exécutif

Au Canada, le pouvoir exécutif est conféré au souverain, mais exercé par le gouverneur général en conseil143. Officiellement, le gouverneur général agit sur l’avis et avec le consentement du Conseil privé de la Reine pour le Canada ; dans les faits, il agit sur l’avis et avec le consentement du premier ministre et du Cabinet144. D’après la Loi constitutionnelle de 1867, c’est le gouverneur général qui choisit les membres du Conseil privé, pour conseiller la Couronne145 ; de fait, les nominations au Conseil privé se font sur l’avis du premier ministre. Les conseillers privés sont désignés comme « honorables », titre qui leur est conféré à vie146. Ils sont nommés « à titre amovible147 », mais en réalité il s’agit d’une nomination à vie. Le titre de « très honorable » est conféré à vie au premier ministre, dès son entrée en fonctions148.

Après sa nomination, le premier ministre choisit plusieurs conseillers particuliers (qui sont habituellement membres du parti au pouvoir), qui sont d’abord désignés membres du Conseil privé. Les conseillers choisis sont ensuite assermentés comme ministres149. Collectivement, on les appelle « conseil des ministres », « ministère » ou « Cabinet »150. Les conseillers privés ne jouent leur rôle de conseillers auprès de la Couronne que dans le cadre d’un Cabinet151. Mais les conseillers privés ne font pas tous partie du Cabinet ou gouvernement, et certains peuvent n’avoir jamais été ministres152.

Le premier ministre choisit les ministres qu’il veut, mais il sera influencé par des considérations d’ordre politique — équilibre régional, proportion hommes-femmes, représentation des groupes ethniques. Toutefois, c’est lui qui décide seul de la taille de son conseil et de l’équilibre à respecter.

La coutume veut que les membres du Cabinet siègent normalement à la Chambre des communes. Lorsqu’un non-parlementaire est nommé au Cabinet, on s’attend à ce qu’il se porte candidat à une élection à la première occasion. S’il est défait, la coutume veut qu’il démissionne du Cabinet153.

Les termes « ministère » et « Cabinet » sont souvent employés l’un pour l’autre, mais de fait, le ministère peut comprendre à la fois les ministres et les secrétaires d’État. La plupart de ceux qui sont nommés au Cabinet sont des ministres chargés d’un ministère, mais il arrive qu’ils soient chargés d’importants portefeuilles sectoriels154. Les secrétaires d’État sont chargés d’aider les ministres dans des secteurs particuliers de leur portefeuille155. En outre, la Loi sur le Parlement du Canada prévoit la nomination de secrétaires parlementaires (des députés qui secondent les ministres, mais sans faire partie du conseil des ministres)156. Enfin, en cas d’absence ou d’incapacité d’un ministre, ou de vacance, il est prévu qu’un ministre intérimaire pourra être nommé.

La durée du mandat d’un ministre dépend du « bon plaisir » du premier ministre, qui peut remplacer un ministre ou demander sa démission à tout moment. Dans l’ordre de préséance157, les ministres et secrétaires d’État viennent après le premier ministre, leur rang étant fonction de leur date d’assermentation comme conseiller privé, indépendamment de leur portefeuille.

La durée d’un ministère correspond à la durée du mandat du premier ministre, qui commence avec le jour de son assermentation et prend fin avec sa démission. La démission du premier ministre entraîne la démission de l’ensemble du ministère158. Si le premier ministre démissionnaire est rétabli dans sa charge, on considère qu’il forme un nouveau ministère159.

Le gouvernement responsable et la responsabilité ministérielle

Le gouvernement responsable a longtemps été perçu comme étant un élément essentiel des systèmes de gouvernement basés sur le modèle de Westminster160. Bien que le « gouvernement responsable » soit largement reconnu comme étant le fondement du système de gouvernement canadien, le terme lui-même recouvre plusieurs sens. En général, le gouvernement responsable signifie qu’un gouvernement doit être à l’écoute de ses citoyens, qu’il doit fonctionner de façon responsable (en faisant preuve de constance dans l’établissement de ses politiques et de méthode dans leur application) et que les ministres doivent rendre compte au Parlement. Les deux premiers points renvoient aux fins visées par un gouvernement responsable, tandis que le troisième — l’obligation pour les ministres de rendre des comptes — est le moyen de parvenir à ces fins161.

En termes de responsabilité ministérielle, les ministres ont des responsabilités à la fois individuelles et collectives devant le Parlement. Cette responsabilité individuelle ou personnelle des ministres remonte à l’époque où le monarque gouvernait, pas seulement en théorie, mais en pratique. Les ministres conseillaient le souverain, et lui rendaient des comptes sur les avis qu’ils lui donnaient. Le principe de la responsabilité individuelle veut que les ministres soient responsables non seulement de leurs décisions comme chefs de ministère, mais également des actes de leurs subordonnés. C’est cette responsabilité individuelle qui est à la base de notre système de reddition de comptes. Virtuellement toutes les activités d’un ministère se font au nom du ministre, qui, de son côté, est responsable de ces activités devant le Parlement. Les ministres exercent le pouvoir et ils sont constitutionnellement responsables de l’action et de la conduite du gouvernement ; le Parlement les en tient personnellement responsables162.

Le principe de la responsabilité ministérielle collective163, qui est beaucoup moins ancienne, est apparu lorsque les ministres sont devenus, à la place du souverain, les décideurs du gouvernement. Les ministres sont censés assumer la responsabilité de toutes les décisions du Cabinet, et les défendre164. Ce principe apporte la stabilité dans le système du gouvernement ministériel en incorporant les responsabilités des ministres individuellement dans la responsabilité collective de l’État165.

Les partis politiques

À l’origine, les définitions de parti politique166 étaient multiples : on parlait d’un groupe qui tente de faire élire à des charges gouvernementales des candidats qui se présentent sous une étiquette167 ; ou de formations qui luttent pour obtenir le pouvoir politique dans les corps législatifs et exécutifs afin de diriger le débat politique et d’y définir la politique officielle168 ; ou encore, d’organisations qui ont pour but de prendre en main les leviers de gouvernement afin de mettre en œuvre leurs politiques et programmes169.

Bien qu’il ne soit pas question de partis politiques dans la Loi constitutionnelle, ceux-ci sont définis dans diverses lois, à des fins administratives. Par exemple, les partis politiques peuvent demander à se faire enregistrer en vertu de la Loi électorale du Canada170, qui les autorise notamment à délivrer des reçus accordant aux donateurs un crédit d’impôt aux fins de la fiscalité fédérale171 ; à faire inscrire l’affiliation politique de leurs candidats sur le bulletin de vote ; à engager des dépenses électorales ; et à obtenir des radiodiffuseurs du temps d’antenne gratuit au cours de la campagne d’une élection générale172.

En 2004, de nouvelles dispositions législatives relatives à l’enregistrement des partis politiques ont été instaurées par la Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l’impôt sur le revenu. Pour la première fois, une définition est donnée dans la Loi du terme « parti politique » : une « organisation dont l’un des objectifs essentiels consiste à participer aux affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l’élection d’un ou de plusieurs de ses membres173 ».

La Loi sur le Parlement du Canada et les Règlements administratifs du Bureau de régie interne (l’organe administratif de la Chambre des communes) font une distinction entre les partis politiques « reconnus » à la Chambre et ceux qui y comptent moins de 12 députés. Pour les avantages pécuniaires, la Loi sur le Parlement accorde des indemnités au chef, au whip, au whip suppléant, au leader parlementaire, au leader parlementaire adjoint, et au président du groupe parlementaire de tout parti comptant officiellement au moins 12 députés à la Chambre174. Le Bureau de régie interne prévoit également, pour les partis comptant au moins 12 députés, une aide financière pour le groupe de recherche, l’informatique et les réunions de caucus175. Sur le plan de la procédure, les partis reconnus bénéficient aussi de certains avantages176, mais dans ce cas-ci, contrairement aux avantages pécuniaires, la définition de ce qu’est un « parti reconnu » n’est pas aussi claire. Comme le Règlement ne donne pas de définition dans ce sens, les Présidents s’en sont remis à l’usage ou à une décision de la Chambre177. Mais d’après l’usage récent, aux fins de la procédure, le terme « parti reconnu » s’entend d’un parti qui compte au moins 12 députés à la Chambre178.

Les groupes (caucus) parlementaires

Depuis que le Canada existe, les parlementaires ont presque toujours été membres d’un parti politique. De fait, notre système de responsabilité ministérielle implique que le parti au pouvoir (habituellement celui qui a le plus de sièges à la Chambre des communes) soit en mesure de remporter les votes parlementaires. Les députés qui appartiennent au même parti, ainsi que, traditionnellement, leurs homologues au Sénat179, sont désignés collectivement comme le groupe ou caucus parlementaire du parti. Le gouvernement conserve la confiance de la Chambre en grande partie grâce à l’appui du caucus. Depuis la 42e législature, suivant l’adoption de la Loi de 2014 instituant des réformes, les caucus des partis reconnus doivent décider de la façon dont ils détermineront leur composition, choisiront leur président de caucus, effectueront l’examen de la direction et choisiront un chef intérimaire180.

En session, les groupes parlementaires se réunissent régulièrement, habituellement le mercredi matin, ou à tout autre moment jugé nécessaire par les responsables parlementaires du parti181. Chaque caucus fonctionne différemment, mais la plupart restreignent la participation aux parlementaires.

Les réunions de caucus se tiennent à huis clos afin de permettre aux députés de s’exprimer librement et franchement sur ce qui les préoccupe182. Les positions du parti y sont définies ainsi que, dans le cas du parti au pouvoir, les propositions législatives du gouvernement. Le caucus donne aux députés l’occasion de débattre entre eux de leurs divergences sans nuire à l’unité du parti.

Le whip assure la discipline de parti. Cet agent supérieur veille à ce que les députés s’acquittent de leurs devoirs (comme assister aux réunions des comités et aux séances de la Chambre, et tenir compte des consignes de vote du parti)183. Le whip désigne les membres des comités, attribue les bureaux et choisit qui représentera le parti à diverses activités ou réceptions. Il est le lien indispensable entre la direction du parti et les députés de l’arrière-ban184.

Outre le whip, chaque parti a un leader parlementaire185 qui est responsable, de concert avec les autres leaders, de coordonner les affaires quotidiennes de la Chambre. Les leaders parlementaires des partis reconnus se réunissent régulièrement pour négocier l’ordre et le déroulement des travaux parlementaires. Cette coutume, qui s’est développée avec les années, permet d’assurer la conduite méthodique des affaires de la Chambre. Si les leaders ne s’entendent pas sur le programme, le gouvernement se réserve le droit, sous réserve des règles de la Chambre, d’établir unilatéralement l’ordre des travaux186.

L’opposition

Pratiquement, la Chambre est composée de trois groupes : les ministres et les secrétaires parlementaires, les députés qui appuient le gouvernement, et les opposants187. Le rôle de l’opposition est crucial dans une démocratie parlementaire comme la nôtre. Le premier ministre Wilfrid Laurier a bien résumé ce rôle :

[…] il est réellement essentiel au pays que nous placions autant que possible sur un pied d’égalité les différences d’opinion qui sont représentées des deux côtés de la Chambre ; nous admettons que nous devons avoir une forte opposition pour exprimer les vues de ceux qui ne pensent pas comme la majorité188.

Les députés de l’opposition peuvent appartenir à un parti inscrit ou n’être affiliés à aucun parti189.

L’usage veut que le parti de l’opposition ayant le plus grand nombre de sièges à la Chambre soit désigné comme l’Opposition officielle (et appelé « l’Opposition de Sa Majesté190 »), bien qu’il n’en soit pas fait mention dans les lois ou règlements191. L’Opposition officielle a préséance sur les autres partis de l’opposition reconnus. Sur tout projet de loi ou motion du gouvernement, après le premier orateur du gouvernement, c’est habituellement un représentant de l’Opposition officielle qui prend la parole. De façon générale, le temps de débat est réparti suivant le nombre de sièges de chaque parti reconnu à la Chambre192. Lors de la présentation des rapports des comités, qui sont accompagnés d’opinions ou de recommandations complémentaires ou dissidentes, un membre du comité appartenant à l’Opposition officielle, représentant ceux qui appuient les opinions ou recommandations, peut prendre la parole pour fournir une brève explication193.

En cas d’égalité de sièges entre les deux principaux partis de l’opposition, le Président peut être appelé à décider lequel devrait être désigné l’Opposition officielle. En 1996, lorsque les deux principaux partis de l’opposition se sont retrouvés à égalité en cours de session, le Président Parent a jugé que l’antériorité était le facteur déterminant et que le statu quo devrait donc être maintenu194.

Si le chef du parti désigné comme Opposition officielle siège à la Chambre, il devient d’office chef de l’Opposition195. S’il n’a pas de siège à la Chambre, le caucus de l’Opposition officielle peut désigner un autre député pour jouer le rôle de chef196.

Le poste de chef de l’Opposition est officiellement reconnu depuis 1905, année où le Parlement a voté l’attribution au titulaire du poste d’une indemnité supplémentaire égale à celle des ministres197. Le chef de l’Opposition jouit de certains droits et privilèges, dont celui de siéger au Bureau de régie interne198, d’occuper un siège dans la première rangée à la Chambre, directement en face du fauteuil du premier ministre, et de bénéficier d’un temps de parole illimité dans les débats199, sauf dispositions contraires. L’usage veut qu’à la demande du chef de l’Opposition, le Président lui accorde la parole pour poser la première question lors de la période des questions200. En outre, le Règlement permet au chef de l’Opposition de choisir chaque année, après avoir consulté les chefs des autres partis de l’opposition, le Budget principal des dépenses d’au plus deux ministères ou organismes en particulier qui feront chacun l’objet d’un examen d’au plus quatre heures en comité plénier. Le Règlement autorise également le chef de l’Opposition à prolonger l’étude en comité du Budget principal des dépenses de tel ministère ou organisme201.

Les chefs des autres partis de l’opposition reconnus s’assoient habituellement dans la première rangée202 et, à leur demande, ils sont les premiers de leur parti à poser une question lors de la période des questions203. Diverses lois exigent que le gouvernement consulte le chef de l’Opposition, ainsi que les chefs des autres partis, avant de prendre certaines décisions ou de faire des nominations qui sont particulièrement délicates204. Le Règlement prévoit que le Président, après consultation des chefs de chacun des partis reconnus officiellement, annonce à la Chambre les noms du Vice-président de la Chambre et président des comités pléniers, du Vice-président adjoint de la Chambre et vice-président des comités pléniers ainsi que du Vice-président adjoint de la Chambre et vice-président adjoint des comités pléniers. Chaque annonce est suivie d’une motion visant à élire le député désigné. La question est réputée avoir été présentée et appuyée et elle est immédiatement mise aux voix sans débat ni amendement205. Aussi, en vertu du Règlement de la Chambre des communes, les partis reconnus ont la possibilité de commenter les déclarations des ministres206, de présenter des motions les jours désignés ou de l’opposition207 et d’assumer la présidence de certains comités permanents208.