Le Président de la Chambre

Historique

La présidence de la Chambre des communes est étroitement liée, plus que toute autre charge parlementaire, à l’histoire de cette institution. Elle remonte à 600 ans au moins, presque aux origines du Parlement lui-même.

Royaume-Uni

Le premier président de séance apparaissant dans les registres parlementaires sous le titre de « Speaker » est sir Thomas Hungerford, en 13771, bien que l’on considère habituellement le premier président de séance comme étant son prédécesseur, sir Peter de la Mare, en 13762. À l’origine, le Président servait d’abord et avant tout de porte-parole de la Chambre des communes dans ses rapports avec la Chambre des lords et la Couronne3. À une époque où le roi jouissait d’une influence et d’un pouvoir considérables et où les prérogatives de la Chambre étaient encore mal définies, et subordonnées à celles du souverain, le Président était tout autant le représentant des intérêts royaux (il était d’ailleurs perçu comme « l’homme du roi ») que le serviteur de la Chambre4. L’année 1642 marque la fin de l’influence de la Couronne sur le Président ; c’est à ce moment-là en effet que le roi Charles Ier, accompagné d’une escorte armée, a traversé la barre de la Chambre, s’est assis dans le fauteuil du Président et a réclamé la reddition de cinq leaders parlementaires accusés de trahison. Tombant à genoux, le Président William Lenthall lui a répondu par ces paroles désormais célèbres, qui définissent depuis lors le rôle de la présidence par rapport à la Chambre et à la Couronne :

Qu’il plaise à Votre Majesté, je n’ai d’yeux pour voir et de langue pour parler que selon le bon plaisir de la Chambre, dont je suis ici le serviteur ; et j’implore humblement le pardon de Votre Majesté si je ne puis Lui fournir d’autre réponse à ce qu’Elle juge bon de me demander5.

En même temps qu’ils sonnaient le glas de l’influence de la Couronne sur la présidence, les propos du Président Lenthall marquaient le début de l’autorité du gouvernement sur cette dernière. La présidence est devenue une charge très convoitée par les membres du parti au pouvoir, et utilisée pour promouvoir la politique de ce parti. La Chambre autorisait le Président, qui occupait souvent un poste au gouvernement, à participer couramment aux débats et à fixer l’ordre du jour des séances en décidant des projets de loi qui devaient être étudiés, de même que du moment où ils le seraient. À son entrée en fonction, le Président Arthur Onslow (1728-1761) a toutefois desserré les liens entre la présidence et le gouvernement, et établi les normes d’indépendance et d’impartialité qui sont aujourd’hui associées à cette charge. Estimant que la corruption généralisée parmi les membres du gouvernement minait la dignité du Parlement, il appliquait à la lettre les règles de procédure et arbitrait avec impartialité les travaux des Communes. Dès le milieu du XIXe siècle et au cours du mandat du Président Shaw-Lefevre (1839-1857), le principe selon lequel le Président devait s’abstenir de toute activité politique était bien établi. Tout au long du XIXe siècle et même après le début du XXe, la Chambre a modifié ses règles pour investir le Président de pouvoirs considérables visant à empêcher les incidents d’obstruction et de désordre, établissant ainsi solidement la tradition d’une présidence non partisane.

C’est également pendant le mandat du Président Shaw-Lefevre que le principe de la continuité de la présidence émerge provisoirement. Selon ce principe, dès son élection, le Président renonce à toute affiliation partisane ; lorsqu’il cherche à se faire réélire, il se présente à titre de Président de la Chambre. Ce principe n’a pas réussi à s’imposer au Canada comme il l’a fait au Royaume-Uni. En effet, jusqu’à présent, aucun Président de la Chambre des communes britannique qui cherchait à se faire réélire dans sa circonscription n’a été battu ; il est toutefois arrivé que des Présidents en exercice affrontent un ou plusieurs adversaires nommés par d’autres partis6. À sa retraite, le Président est nommé à la Chambre des lords et reçoit une pension en guise de dédommagement pour son renoncement à la vie politique active7.

Canada

Comme dans le système parlementaire britannique, le Président de la Chambre des communes du Canada fait office de porte-parole et de président de séance de la Chambre. La situation historique et les attributs de la présidence sont toutefois nettement différents dans les deux pays.

Au Canada, les relations entre la Couronne, le Sénat et la Chambre des communes étaient clairement établies dès la Confédération. Contrairement à ce qui s’est passé en Grande-Bretagne pendant plusieurs siècles, le Président de la Chambre n’a pas été mêlé ici à de longues discussions constitutionnelles sur son rôle. Le mode de nomination et le rôle du Président ont été définis clairement dans la Loi constitutionnelle de 1867 et, plus tard, dans la Loi sur le Parlement du Canada et le Règlement de la Chambre des communes8. En outre, les partis politiques et le gouvernement de parti ont toujours figuré dans le paysage de la Chambre, au Canada, tandis que les Communes britanniques ont vu le système de gouvernement de parti évoluer pendant 150 ans, depuis la fin du XVIIe siècle9. Dès la fin du XIXe siècle, elles avaient conféré à leur Président des pouvoirs discrétionnaires suffisants pour leur permettre de mettre fin aux manœuvres dilatoires des groupes minoritaires à la Chambre.

Contrairement à ce qui se passe en Grande-Bretagne, où le principe de la continuité de la présidence est solidement établi, le mandat du Président de la Chambre se limite généralement ici à une ou deux législatures10. La question de la continuité a toutefois été soulevée au Canada, tant à la Chambre que devant ses comités11. Sur les 36 Présidents qui se sont succédé depuis la Confédération, sept sont demeurés en fonction pendant deux législatures12 et seulement trois sont demeurés en fonction pendant plus de deux législatures13. Le Président Milliken (2001-2011) est le seul Président à avoir été en fonction pendant quatre législatures et détient jusqu’à présent le record de longévité à la présidence.

Le Président vient presque toujours des rangs du parti ministériel14 et, bien qu’il évite toute activité politique partisane, il ne coupe pas complètement les liens avec son parti. Lorsqu’il se présente à nouveau comme candidat, un Président en exercice s’efforce habituellement d’éviter toute déclaration partisane pouvant un jour entacher son image d’impartialité. Seul le Président Lamoureux (1966-1974) a choisi de se libérer de toutes affiliations partisanes ; après avoir démissionné du Parti libéral, il a remporté les élections générales de 1968 et de 1972 à titre de candidat indépendant. En 1968, le Parti libéral et le Parti progressiste-conservateur se sont abstenus de présenter des candidats contre lui ; le Nouveau Parti démocratique avait toutefois déjà nommé un candidat avant l’annonce de sa décision de se présenter comme indépendant. En 1972, il a cependant dû affronter des candidats du Nouveau Parti démocratique et du Parti progressiste-conservateur.

Ces dernières années, certains changements ont contribué à consolider et à rehausser le prestige de la présidence de la Chambre. En 1968, le Tableau de la préséance officiel des dignitaires canadiens15 a été modifié de manière à porter le Président de la Chambre des communes de la huitième à la cinquième position, immédiatement après le gouverneur général (ou l’administrateur du gouvernement du Canada), le premier ministre, le juge en chef du Canada et le Président du Sénat16. Depuis le milieu des années 1970, la rémunération et les indemnités associées à la présidence sont comparables à celles d’un ministre17. Par ailleurs, la règle qui permettait depuis longtemps de porter les décisions du Président en appel devant la Chambre a été retirée du Règlement en 196518. Des règles adoptées de manière provisoire le 27 juin 1985 et rendues permanentes en juin 1987 prévoient en outre l’élection du Président par scrutin secret. Ces règles ont toutefois été modifiées en 2015 pour passer du scrutin de ballottage au scrutin préférentiel à un tour19. Des modifications apportées au Règlement en 2004 accordent au Président la responsabilité de choisir les trois autres présidents de séance, après consultation des chefs de chacun des partis reconnus20.

Dispositions habilitantes

La Loi constitutionnelle de 1867 établit la charge de Président de la Chambre des communes et certaines de ses fonctions, précise que ce dernier doit être élu, et prévoit que celui-ci n’a le droit de voter que s’il y a égalité des voix, auquel cas il bénéficie d’une « voix prépondérante »21.

La Loi sur le Parlement du Canada fixe le traitement du Président et énumère certaines de ses responsabilités administratives, par exemple la présidence du Bureau de régie interne, l’organisme auquel la loi confie la responsabilité de toutes les questions de politique financière et administrative touchant la Chambre des communes22. La Loi prescrit également que le Vice-président, ou tout autre député désigné par le Président, peut assurer la présidence de la Chambre en l’absence de ce dernier23. Elle prévoit en outre que le Président et les autres membres du Bureau de régie interne demeurent en fonction à la dissolution d’une législature, pour assurer l’administration de la Chambre, jusqu’à l’ouverture de la nouvelle législature24.

Un certain nombre d’autres lois ont aussi une incidence sur le rôle et les responsabilités du Président de la Chambre. Par exemple, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales établit le rôle du Président dans la nomination de deux commissaires à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de chaque province25, dans le dépôt des rapports de ces commissions et dans la présentation d’oppositions éventuelles26. La Loi sur les langues officielles stipule par ailleurs que, en cas d’absence ou d’empêchement du commissaire aux langues officielles, le gouverneur en conseil peut lui nommer un remplaçant après consultation des Présidents des deux chambres par le premier ministre27.

Certaines lois imposent en outre au Président la responsabilité de recevoir des rapports et autres documents et de les déposer à la Chambre28. D’autres, comme la Loi sur les mesures d’urgence, la Loi sur l’administration de l’énergie, la Loi d’urgence sur les approvisionnements d’énergie, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur l’aide au développement international (institutions financières) et la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui autorisent le Parlement à confirmer, à révoquer ou à modifier les décrets-lois par voie de résolution adoptée après un débat à la Chambre, imposent également au Président certaines obligations spécifiques à cet égard29.

Le Règlement de la Chambre des communes précise les fonctions du Président à titre de président de séance de la Chambre des communes et énumère d’autres tâches administratives, dont la plupart sont assumées, sous sa direction, par le Greffier, en sa qualité de chef de l’Administration de la Chambre30.

Rôle de la présidence en matière de procédure

La Chambre fixe ses propres règles, établit ses propres pratiques et décide elle-même de ses travaux. C’est d’elle que la présidence tient son autorité, et le titulaire du poste de Président peut, à juste titre, être considéré comme son représentant et son conseiller spécialisé sur toutes les questions de forme et de procédure31. Il faut faire la distinction entre la fonction de Président et le titulaire du poste, lequel exige le soutien et l’estime de la Chambre pour s’acquitter de sa charge. L’autorité et les responsabilités du Président en tant que président de séance de la Chambre des communes découlent en bonne partie de la Constitution et des règles écrites de la Chambre.

Les fonctions du Président de la Chambre des communes consistent à concilier les droits et les intérêts de la majorité et de la minorité à la Chambre afin de veiller à la conduite efficiente des affaires publiques, de même qu’à la défense et à la protection des intérêts de toutes les parties de la Chambre contre l’application d’un pouvoir arbitraire32. C’est dans cet esprit que le Président, à titre de principal serviteur des Communes, doit appliquer les règles en vigueur. En effet, le Président n’est au service ni d’une partie de la Chambre ni d’une majorité de ses députés, mais de l’institution tout entière et de ses meilleurs intérêts, fixés dans ses pratiques au fil des générations.

Malgré l’autorité considérable inhérente à sa charge, le Président ne peut exercer que les pouvoirs que lui confère la Chambre, dans les limites établies par cette dernière. Lorsqu’il rend ses décisions sur les questions de procédure, le Président est tenu d’adhérer strictement à ce principe, qui établit les paramètres de son autorité et fournit dans certains cas une indication des questions que la Chambre peut juger bon d’examiner33.

Protection des droits et privilèges

Le Président est le gardien des droits et privilèges de la Chambre des communes, en tant qu’institution, et des députés qui la composent34. À l’ouverture de chaque législature, la Chambre est convoquée dans la salle du Sénat, et le Président nouvellement élu s’adresse à la Couronne ou à son représentant afin de réclamer pour les Communes la reconnaissance de tous leurs droits et privilèges traditionnels35. Ceux-ci demeurent valables jusqu’à la dissolution de la législature, et un nouveau Président élu pendant cette période n’a pas à les réclamer de nouveau36. La liberté de parole est sans doute le plus important des privilèges accordés aux députés ; elle constitue :

[…] un droit fondamental, sans lequel ils ne pourraient remplir convenablement leurs fonctions. Cette liberté leur permet d’intervenir sans crainte dans les débats de la Chambre, de traiter des sujets qu’ils jugent pertinents et de dire tout ce qui, à leur avis, doit être dit pour sauvegarder l’intérêt du pays et combler les aspirations de leurs électeurs37.

Ce droit n’est toutefois pas absolu ; il est assujetti à certaines restrictions que la Chambre impose à ses députés et qui sont issues de la pratique, de la convention et des règles adoptées par la Chambre. Par exemple, le Règlement fixe certaines limites quant à la durée des discours ; de plus, en vertu de la convention relative aux affaires en instance judiciaire, les députés s’abstiennent de discuter de nombreuses questions qui ont été soumises à la considération d’un tribunal et qui sont toujours en cours d’examen38. Il incombe au Président de protéger la liberté de parole de tous les députés et de leur permettre de l’exercer dans toute la mesure du possible ; pour ce faire, il doit notamment veiller à l’application des règles et pratiques de la Chambre, de même qu’au maintien de l’ordre et du décorum39. Chaque fois qu’un député signale à la Chambre une atteinte possible à l’un des droits ou privilèges, le Président doit déterminer s’il s’agit d’une question de privilège fondée de prime abord40. Dans la pratique, lorsqu’on lui soumet une question de privilège, le Président peut intervenir pour rappeler au député le rôle que doit jouer la présidence et pour lui demander de se limiter à la présentation des faits nécessaires pour prouver que la question soulevée est effectivement une question de privilège fondée de prime abord41. D’autres députés peuvent être autorisés à participer à la discussion si le Président le juge opportun. Une motion peut être officiellement présentée à la Chambre uniquement quand le Président déclare qu’il s’agit bel et bien d’une question de privilège fondée de prime abord42.

Maintien de l’ordre et du décorum

En tant qu’arbitre des travaux des Communes, le Président a pour fonction de préserver l’ordre et le décorum à la Chambre et de régler toutes les questions de procédure qui peuvent s’y poser. Cette obligation s’assortit de vastes pouvoirs couvrant par exemple le comportement et la tenue vestimentaire des députés, la conduite des affaires, les règles du débat ainsi que les désordres sur le parquet de la Chambre et dans les tribunes43. Le Règlement exige, lorsque le Président rend une décision sur une question d’ordre ou de procédure, qu’il indique l’article du Règlement ou l’autre autorité applicable en l’espèce44.

Toutefois, cela n’est pas toujours appliqué. Il peut arriver que le Président rende sa décision rapidement, en ne fournissant qu’un minimum d’explications45. Mais, à d’autres moments, les circonstances ne lui permettent pas de le faire immédiatement. Il peut permettre la discussion sur un rappel au Règlement avant de trancher46, tout comme il peut réserver sa décision et en faire part à la Chambre ultérieurement47. Une fois cette décision rendue, la question ne peut plus faire l’objet d’un débat. Il est cependant déjà arrivé, en de rares occasions, que le Président décide de modifier ou de clarifier une décision antérieure48.

Outre les décisions portant sur la procédure, les Présidents peuvent faire des déclarations pour donner de l’information, des éclaircissements ou des directives à la Chambre49.

Le Président dispose d’un certain nombre de moyens pour veiller au maintien de l’ordre et du décorum. Les règles relatives à la conduite du débat autorisent le Président à rappeler un député à l’ordre si celui-ci persiste à répéter un argument déjà présenté dans le cours du débat, ou à s’éloigner du sujet de la discussion50. Le Président peut s’adresser directement au député fautif ou à l’ensemble de la Chambre51 ; il peut également répondre à un rappel au Règlement invoqué par un autre député52. Il peut aussi rappeler à l’ordre tout député dont la conduite trouble l’ordre de la Chambre. Par exemple, lorsqu’un député tient des propos non parlementaires, le Président demande habituellement au député de reformuler ou de retirer le mot ou l’expression en cause53.

Si le Président juge nécessaire d’intervenir pour rappeler un député à l’ordre, il peut décider de donner la parole à quelqu’un d’autre, empêchant ainsi le député pris en faute de poursuivre54. Il peut arriver qu’un député rappelé à l’ordre par le Président ne se conforme pas immédiatement aux directives de ce dernier ; le Président peut alors lui laisser le temps de reconsidérer sa position et de réfléchir au rôle de la présidence en refusant de le « voir » s’il demande la parole55. Au moment de rappeler un député à l’ordre, il suffit parfois que le Président l’avertisse qu’il pourrait décider de lui refuser la parole pour que le député se conforme à ses directives56.

La sanction disciplinaire la plus sévère dont le Président dispose pour maintenir l’ordre à la Chambre consiste à désigner par son nom un député qui persiste à ne pas respecter son autorité57. Si un député refuse de se comporter selon les règles et les pratiques de la Chambre lorsque le Président lui enjoint de le faire, celui-ci peut désigner ce député par son nom (plutôt que par son titre ou par le nom de sa circonscription, comme le veut la coutume) et, sans mettre la question aux voix, lui ordonner de quitter la Chambre jusqu’à la fin de la journée de séance58. Pendant le débat en comité plénier, si un député persiste, malgré les injonctions du président, à troubler l’ordre et refuse de mettre fin à une conduite non parlementaire, le président du comité se lève et fait rapport de ce comportement au Président de la Chambre ; il peut agir de sa propre initiative et n’a pas besoin d’une motion du comité pour le faire59. Normalement, le Président suit ensuite la procédure prévue pour désigner le député par son nom60. Le pouvoir de désigner un député par son nom s’étend également au Vice-président et aux Vice-présidents adjoints de la Chambre61.

Le Président dispose également d’un autre moyen pour maintenir l’ordre à la Chambre ; il s’agit du pouvoir discrétionnaire d’ordonner aux étrangers62 — c’est-à-dire à toute personne qui n’est ni député ni fonctionnaire de la Chambre des communes (par exemple les sénateurs, les diplomates, les fonctionnaires du gouvernement, les journalistes et les membres du public) — de se retirer. Cette mesure a déjà été appliquée pour obliger des gens dont la présence causait du désordre à quitter les tribunes63. Il est également arrivé que le Président juge bon de rappeler aux spectateurs dans les tribunes le comportement que l’on attendait d’eux64. En outre, les règles prescrivent que, lorsqu’un député note la présence d’étrangers ou que la Chambre souhaite siéger à huis clos65, le Président peut mettre aux voix la motion suivante : « Que les étrangers reçoivent l’ordre de se retirer66 ». Cette motion ne peut faire l’objet ni d’un débat ni d’un amendement et, si elle est adoptée, le Président, comptant sur le personnel de sécurité, veille à l’évacuation des tribunes67.

Décisions sans appel

Le Règlement interdit tout débat sur les décisions du Président, de même que tout appel de ces décisions à la Chambre68. Jusqu’en 1965, toutefois — et ce, depuis la Confédération —, tout député mécontent d’une décision du Président sur une question d’ordre pouvait en appeler immédiatement à la Chambre (en présentant une motion non sujette à débat sur la question de savoir si la Chambre confirmait ou non la décision du Président69). Cette disposition était rarement invoquée dans les premières années de la Confédération70. Après le début du XXe siècle, cependant, les députés ont commencé à exercer plus souvent leur droit d’appel à la Chambre71 et, à partir des années 1920, il se passait rarement une session sans qu’au moins une décision du Président soit portée en appel72. Cette pratique a atteint un sommet lors de la session de 1956, avec 11 appels des décisions du Président, principalement durant le très litigieux débat sur le pipeline73. Les chiffres sont à peu près similaires pour les 25e et 26e législatures (1962-1963 et 1963-1965 respectivement)74. Ce droit d’en appeler des décisions de la présidence dont jouissaient les députés a été aboli en 1965, en même temps qu’une série d’autres modifications étaient apportées au Règlement75. L’ancien Président Lambert appuyait l’abolition de ce droit d’appel parce qu’« une des principales difficultés en ce qui concerne les travaux du Parlement au cours des 10 dernières années découlait de l’usage étourdi du droit d’appel de la décision [du Président], non sur des points de jurisprudence ou de procédure, mais à des fins politiques »76.

Avant 1965, il est arrivé à quelques reprises qu’une décision portée en appel ne soit pas maintenue par la Chambre. Dans le premier cas de ce genre, en 1873, la Chambre a infirmé une décision du Président sur la recevabilité d’une pétition77. Une deuxième décision a été rejetée en 1926, et trois autres en 196378. Le vote relatif à la quatrième décision portée en appel en 1963 ayant entraîné l’égalité des voix, le Président s’est abstenu d’accorder une voix prépondérante et a décrété sa décision maintenue « vu [qu’elle n’avait] pas été rejetée »79.

Depuis 1965, il est arrivé que des députés tentent de contourner l’interdiction de porter les décisions en appel en soulevant un rappel au Règlement pour « chercher des éclaircissements » quant à la décision ou à la déclaration du Président. Dans ces cas, le Président conseille habituellement au député d’examiner le compte rendu écrit de sa décision ou de consulter les autorités en matière de procédure qui y sont mentionnées80.

Impartialité de la présidence

Lorsqu’il occupe le fauteuil, le Président incarne le pouvoir et l’autorité associés à sa charge, et confirmés par le Règlement et les précédents. Il doit en tout temps faire preuve, de façon manifeste, de l’impartialité requise pour conserver la confiance et le soutien de la Chambre81. Ses actions ne doivent pas être critiquées dans le cours du débat ni d’aucune autre manière, sauf par la voie d’une motion de fond. Il est arrivé en de très rares occasions que des motions de ce genre soient présentées contre le Président82 ou d’autres présidents de séance83. Les réflexions sur la personnalité ou les actions du Président (par exemple les allégations de partialité) peuvent toutefois être interprétées par la Chambre comme des atteintes à son privilège et sanctionnées en conséquence.

À deux reprises, des éditoriaux publiés dans les journaux ont été jugés diffamatoires à l’endroit du Président ; la Chambre a déclaré qu’il s’agissait, dans le premier cas, d’un mépris de ses privilèges84 et, dans le deuxième, d’une grave violation de ses privilèges85.

En 1981, une ministre s’est plainte d’un commentaire qu’avait fait le chef de l’Opposition à l’endroit du Président Sauvé, et qui constituait d’après elle une attaque contre l’autorité et l’impartialité de la présidence. La ministre a soulevé le lendemain une question de privilège. Le chef de l’Opposition ayant retiré son commentaire, l’affaire n’est toutefois pas allée plus loin86.

Lors d’un autre incident survenu en 1993, une question de privilège a été soulevée à la suite de remarques désobligeantes d’un député au sujet de l’impartialité du vice-président adjoint des comités pléniers. Le député en question ayant refusé de retirer ses paroles, le Président a déclaré que ces commentaires « se rapport[aient] à la dignité de [la] Chambre » et constituaient « une attaque contre l’intégrité » d’un agent supérieur de la Chambre. Il a établi qu’il s’agissait donc d’une question de privilège fondée de prime abord et la question a été renvoyée sur-le-champ à un comité. Le député s’est rétracté deux jours plus tard à la Chambre87.

En 1996, une motion émanant d’un député publiée dans le Feuilleton accusait un député et son parti d’outrage à la Chambre pour avoir tenté de mobiliser l’opinion publique dans le but d’influencer une décision que devait rendre le Président. La motion a été inscrite à l’Ordre de priorité, mais a été retirée du Feuilleton par la suite sans avoir été débattue88.

En 1998, un député a soulevé une question de privilège en alléguant que des déclarations attribuées à d’autres députés dans un article de journal (au sujet d’une décision que devait rendre la présidence) constituaient une tentative d’intimidation du Président et de la Chambre elle-même. Le Président a décrété qu’il s’agissait d’une question de privilège fondée de prime abord et a renvoyé l’affaire à un comité, qui a examiné la question et a conclu que les déclarations attribuées à ces députés « n’avaient pas pour objet de faire outrage à la Chambre des communes ou au Président » et qu’elles n’avaient « pas mis en cause l’intégrité de la Chambre des communes et de son serviteur, le Président »89.

Afin de garantir l’impartialité de sa charge, le Président s’abstient de toute activité politique partisane (par exemple, en n’assistant pas aux réunions de son groupe parlementaire). Il ne participe pas aux débats90 et ne vote qu’en cas d’égalité des voix ; son vote est alors prépondérant91. Depuis 1979, le Président, à l’opposé de tous les autres députés, n’a pas de place assignée à la Chambre ; cela constitue une indication de plus du fait que dans la pratique, le Président n’a aucun rôle dans les débats, que ce soit à la Chambre ou dans un comité plénier92.

Bien que la règle selon laquelle le Président doit garder le silence pendant les débats existe depuis 1867, elle n’a pas toujours été appliquée quand la Chambre se réunissait en comité plénier. Pendant les 60 premières années de la Confédération, il est arrivé souvent que le Président participe aux débats dans ces circonstances93. En 1927, cette pratique se faisait toutefois de plus en plus rare, et les députés se sont opposés à ce que le Président Lemieux prenne la parole en comité94. Par la suite, les Présidents ne sont intervenus qu’exceptionnellement en comité plénier, pour défendre leurs prévisions budgétaires95. Depuis 1968, les prévisions budgétaires sont soumises à l’examen des comités permanents, et c’est à cette tribune que le Président continue, à titre de témoin, à défendre les prévisions budgétaires de la Chambre des communes96.

Il est déjà arrivé que le Président comparaisse devant des comités de la Chambre, ou même qu’il les préside, habituellement lorsque ceux-ci étudiaient des questions touchant la procédure et la réforme proposée du Règlement97. Au cours des dernières législatures, toutefois, la tendance veut qu’il se contente de témoigner uniquement sur les questions relevant de sa compétence.

Voix prépondérante

Le Président ne participe pas aux débats et n’use de sa voix prépondérante que s’il est nécessaire de briser l’égalité des voix (voir la figure 7.1 « La voix prépondérante du Président depuis 1867 »)98.

Figure 7.1 La voix prépondérante du Président depuis 1867

No

Date

Motion dont la Chambre est saisie

Voix prépondérante (oui ou non)

Déclaration du Président

Références

Président Cockburn (1867–1873)

1.

6 mai 1870

Un amendement de renvoi de trois mois à une motion portant troisième lecture d’un projet de loi intitulé Bill pour limiter le taux de l’intérêt.

OUI

« […] maintenir le projet de loi devant la Chambre. »

Journaux, p. 310‑1

Débats, col. 1405‑6

Président Ouimet (1887–1891)

2.

28 février 1889

Un amendement de renvoi de six mois à une motion pour étudier un projet de loi intitulé Bill à l’effet d’établir de nouvelles dispositions pour prévenir la cruauté envers les animaux, et de modifier le chapitre 172 des Statuts révisés du Canada, intitulé : « Acte concernant la cruauté envers les animaux » en comité général.

NON

« […] donner à la Chambre l’occasion de se prononcer ultérieurement sur la question. »

« […] laisser la question devant la Chambre. »

Journaux, p. 113‑4

Débats, p. 368

Président Lemieux (1922–1930)

3.

31 mars 1925

Motion visant à utiliser le reste du temps alloué à l’étude des projets de loi privés pour l’étude des projets de loi et ordres publics.

NON

« Vu que la Chambre a nommé un comité [Comité spécial nommé pour étudier conjointement avec M. l’Orateur, l’opportunité de réviser le Règlement de la Chambre] pour étudier l’opportunité de modifier certaines règles, et que le comité n’a pas encore discuté la règle 25 qui se trouve affectée par le principe invoqué dans ladite motion, il est donc sage de laisser ledit comité étudier la motion et la rapporter, avant de prendre aucune décision. »

Journaux, p. 180‑2

Débats, p. 1701‑2

Président Macnaughton (1963–1965)

4.

4 décembre 1963

Motion en faveur du maintien de la décision de la présidence.

Le Président n’a pas voté.

« Vu que la décision n’a pas été rejetée, je déclare que ma décision est maintenue. »

Journaux, p. 621‑2

Débats, p. 5709‑10

Président Milliken (2001–2011)

5.

16 septembre 2003

Amendement visant à supprimer certains mots d’une motion de l’opposition.

NON

« […] étant donné que la Chambre n’a pas pu parvenir à une décision ce soir, je vote pour que les députés aient une autre occasion de se prononcer sur la question ultérieurement ; je vote donc contre. »

Journaux, p. 972‑3

Débats, p. 7436‑7

6.

4 mai 2005

Motion portant deuxième lecture du projet de loi C-215, Loi modifiant le Code criminel (peine consécutive en cas d’usage d’une arme à feu lors de la perpétration d’une infraction).

OUI

« […] en faveur de la poursuite du débat sur ce projet de loi. »

Journaux, p. 701‑2

Débats, p. 5674‑5

7.

19 mai 2005

Motion portant deuxième lecture du projet de loi C-48, Loi autorisant le ministre des Finances à faire certains versements.

OUI

« […] pour que la Chambre ait le temps de poursuivre le débat et de prendre ultérieurement sa propre décision. »

Journaux, p. 783‑4

Débats, p. 6259‑60

8.

29 avril 2009

Motion portant deuxième lecture du projet de loi C-241, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (suppression du délai de carence).

OUI

« […] dans les circonstances comme celle d’aujourd’hui, c’est la coutume, de ce Président du moins, de voter pour une motion à l’étape de la deuxième lecture. »

Journaux, p. 427‑9

Débats, p. 2868‑9

9.

8 octobre 2009

Motion visant à passer à l’Ordre du jour.

NON

« […] la présidence doit normalement voter en faveur de la continuation du débat. Ainsi, en l’occurrence, je vais voter non sur la motion afin que le débat sur la motion dont la Chambre est saisie puisse continuer. »

Journaux, p. 892‑4

Débats, p. 5725‑6

Président Scheer (2011–2015)

10.

6 juin 2012

Motion portant deuxième lecture du projet de loi C-273, Loi modifiant le Code criminel (cyberintimidation).

OUI

« […] la tradition veut qu’à l’étape de la deuxième lecture, le Président vote en faveur de la motion portant deuxième lecture du projet de loi, alors je déclare la motion adoptée. »

Journaux, p. 1450‑2

Débats, p. 8996‑8

Président Regan (2015–présent)

11.

16 mai 2016

Motion d’adoption à l’étape du rapport du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada et comportant d’autres mesures.

OUI

« Or, selon les précédents qui s’appliquent ici, la présidence vote pour que le débat sur la question à l’étude se poursuive ; je vote donc oui dans ce cas-ci. »

Journaux, p. 453‑5

Débats, p. 3352‑4

En théorie, il est libre de voter selon sa conscience, tout comme les autres députés ; cependant, l’exercice de cette responsabilité pourrait l’entraîner dans un débat partisan, ce qui risquerait d’amener la Chambre à mettre son impartialité en doute. Par conséquent, certaines conventions ont été établies afin de guider le Président (et le président d’un comité plénier) dans les rares cas où il doit user de son droit de voix prépondérante99. Plus précisément, le Président vote normalement de manière à maintenir le statu quo, c’est-à-dire que :

  • dans la mesure du possible, il laisse la question en suspens pour que la Chambre puisse l’examiner à nouveau et en discuter plus longuement ;
  • lorsque cette option n’est pas applicable, il maintient la possibilité que la question puisse, d’une façon ou d’une autre, revenir à la Chambre et être réglée par une majorité des députés ;
  • il laisse le projet de loi tel quel plutôt que de l’amender100.

L’Assemblée législative de la Province du Canada a confirmé ces conventions en 1863 ; son Président, appelé à exercer son droit de voix prépondérante, a alors fait valoir que la pratique, en cas d’égalité des voix, voulait qu’il garde la question devant la Chambre le plus longtemps possible afin de permettre à cette dernière d’exprimer à nouveau son opinion sur le sujet101. Ces conventions n’ont cependant pas toujours été appliquées avec une totale constance. Par exemple, il est arrivé que le Président vote pour un amendement de renvoi102 proposé à la motion portant troisième lecture d’un projet de loi, afin de garder celui-ci devant la Chambre103 ; dans un autre cas, le Président a voté contre l’amendement de renvoi pour la même raison (« afin de laisser la question devant la Chambre104 »).

Le Président suit la procédure suivante lorsqu’il use de son droit de voix prépondérante. Normalement, un député demande le vote par appel nominal et, lorsque l’annonce des résultats révèle une égalité des voix, le Président vote ; il peut exposer ses raisons, qui sont alors consignées dans les Journaux105. Il est déjà arrivé, à trois occasions, que l’égalité des voix ait été annoncée, que le Président vote et qu’on se rende compte plus tard qu’en réalité, il n’y avait pas eu d’égalité. Dans les trois cas, le Président a par la suite fait une brève déclaration à la Chambre afin de corriger le compte rendu106. Dans un autre cas, avant l’abolition du droit d’appel des décisions du Président, une motion visant à maintenir une décision de la présidence a obtenu l’égalité des voix. Le Président a refusé de voter, en indiquant : « Vu que la décision n’a pas été rejetée, je déclare que ma décision est maintenue ». Ce qui n’a pas été contesté107.

Fonctions spécifiques

Des fonctions spécifiques du Président à la Chambre sont décrites ci-dessous ; bon nombre des questions de procédure évoquées ici font l’objet d’un examen plus détaillé dans d’autres chapitres.

Ouvrir la séance : C’est le Président qui est chargé d’ouvrir les séances de la Chambre une fois le quorum établi108. Il prend alors place au fauteuil, appelle la Chambre à l’ordre, lit la prière et invite la Chambre à se recueillir un instant ; le mercredi, le Président donne la parole à un député pour qu’il entonne l’hymne national. Le Président donne ensuite instruction pour qu’on ouvre les portes des tribunes du public et passe à la première affaire du jour. S’il est absent à l’ouverture de la séance, comme cela se produit parfois, la Chambre en est informée par le Greffier, et le Vice-président (ou un des autres Occupants du fauteuil) prend place au fauteuil109.

Lire les motions, porter les questions aux voix et annoncer les résultats du vote : Avant qu’il y ait débat sur une affaire, le Président propose la question en lisant la motion sur laquelle la Chambre aura à se prononcer. Lorsque plus aucun député ne se lève pour demander la parole, le Président demande à la Chambre si elle est « prête à se prononcer », afin de déterminer si le débat est clos. Si tel est le cas, le Président met la question aux voix, c’est-à-dire soumet la motion à la décision de la Chambre et annonce ensuite à la Chambre le résultat du vote110.

Donner la parole aux députés : Aucun député ne peut prendre la parole à la Chambre sans y avoir été invité par le Président, que ce soit pendant les débats, les périodes réservées aux questions et observations, la période des questions ou les autres étapes des travaux de la Chambre. Il existe diverses conventions et ententes officieuses visant à encourager les députés de tous les partis à participer aux débats ; c’est cependant au Président que revient la décision ultime relativement à l’attribution du temps de parole à un député111.

Trancher les rappels au Règlement, les questions de privilège et les débats sur des motions : À titre de président des délibérations des Communes, le Président règle les questions d’ordre et de privilège, et veille au respect des règles et des pratiques de la Chambre112. Il doit trancher les questions d’ordre et de privilège au fur et à mesure qu’elles se posent ; il ne peut pas le faire par anticipation113. Ces questions peuvent lui être soumises par un député, tout comme il peut intervenir lui-même s’il constate une irrégularité. Lorsqu’il rend ses décisions à cet égard, il cite l’article du Règlement ou l’autorité applicable en l’espèce114. Il peut arriver qu’il soit appelé à se prononcer sur des situations qui ne sont pas prévues dans le Règlement ; il est alors autorisé à fonder ses décisions sur la tradition parlementaire ailleurs qu’à la Chambre des communes du Canada, « dans la mesure où [cela est] applicable115 ».

Les règles de la Chambre permettent également au Président de choisir les amendements qui seront soumis à la Chambre à l’étape du rapport, et de les grouper pour les besoins du débat et du vote116. En outre, lorsqu’on a donné préavis de plus d’une motion de l’opposition à l’occasion d’un jour réservé aux travaux des subsides, le Président doit déterminer quelle motion la Chambre examinera en priorité ce jour-là117.

Diriger les Affaires émanant des députés : Le Président a la responsabilité générale de prendre toutes les dispositions nécessaires pour veiller au bon déroulement de l’heure réservée aux Affaires émanant des députés chaque jour où la Chambre siège118. Il doit alors s’assurer que la Chambre a reçu un préavis de 24 heures au sujet de l’affaire abordée au cours de chaque séance119, voir à l’organisation des échanges nécessaires dans le cas où le parrain d’une motion ne peut pas être présent lorsque son affaire doit être prise en considération120 et refuser tout préavis portant sur une affaire émanant d’un député s’il juge celle-ci substantiellement identique à une autre121.

Projets de loi d’intérêt privé : Lorsque le Parlement est saisi de projets de loi d’intérêt privé122, les personnes qui veulent servir d’agents parlementaires (c’est-à-dire s’employer à promouvoir ces projets de loi ou à s’y opposer) doivent y être autorisées par le Président123. Celui-ci a également le pouvoir d’imposer une interdiction temporaire ou absolue pour empêcher une personne de faire office d’agent parlementaire lorsqu’elle n’a pas respecté les règles et les pratiques parlementaires124.

Dépôt de documents : En vertu des dispositions de certaines lois et du Règlement, le Président reçoit et dépose certains rapports et documents à la Chambre ; il peut soit les déposer en cours de séance125, soit les remettre au Greffier126. Dans les deux cas, le dépôt est consigné dans les Journaux127. Le Président dépose notamment les documents suivants :

  • À titre de président du Bureau de régie interne (l’organe responsable de toutes les questions financières et administratives touchant la Chambre des communes), le Président doit déposer le compte rendu des délibérations du Bureau128, à savoir les procès-verbaux de ses réunions tels qu’approuvés par le Bureau129. Le Président est également responsable du dépôt des rapports annuels dans lesquels sont consignées les décisions du Bureau concernant les budgets des comités parlementaires130. En outre, la Loi sur le Parlement du Canada exige qu’il dépose, généralement auprès du Greffier, tous les règlements administratifs pris par le Bureau dans les 30 jours suivant leur adoption131 ;
  • Le Président est tenu, après consultation des chefs des partis à la Chambre, de déposer au plus tard le 30 septembre de chaque année un calendrier précisant les semaines de séances et les pauses parlementaires pour l’année à venir132 ;
  • La loi prévoit par ailleurs que certains hauts fonctionnaires du Parlement133 et autres entités désignées transmettent au Président leurs rapports annuels, de même que tous leurs rapports spéciaux et rapports d’enquête, pour qu’il les dépose à la Chambre134 ;
  • Au cours du processus décennal de révision des limites des circonscriptions électorales, le directeur général des élections transmet les rapports des commissions provinciales et territoriales de délimitation des circonscriptions électorales au Président, qui les dépose quand la Chambre siège135 ;
  • Lorsque les résultats d’une élection font l’objet d’une contestation ou d’un appel en vertu de la Loi électorale du Canada, le Président est informé des décisions de la cour et doit transmettre cette information à la Chambre136.

Débats d’urgence : Lorsqu’un député demande l’autorisation de proposer l’ajournement de la Chambre en vue de la tenue d’un débat sur une affaire dont l’étude s’impose d’urgence (un débat d’urgence), c’est le Président qui doit décider d’accéder ou non à sa requête137. Si le débat d’urgence est autorisé, il doit normalement se tenir le jour même, mais le Président peut également, à sa discrétion, le reporter au jour de séance suivant, à une heure donnée138. Le débat d’urgence prend fin aux heures prévues dans le Règlement, mais là encore, le Président peut déclarer la motion adoptée et ajourner les travaux de la Chambre jusqu’au jour de séance suivant s’il juge que le débat s’est terminé avant le moment prévu par le Règlement139. Une fois en cours, le débat d’urgence a priorité sur toutes les autres affaires ; en cas de conflit ou d’incompatibilité avec d’autres règles ou d’autres affaires de la Chambre, la résolution de la question est laissée à l’entière discrétion du Président140.

Rappel de la Chambre : Lorsque la Chambre est ajournée en cours de session, le Président peut rappeler les Communes avant la date prévue pour leur retour141. Il revient toujours à un ministre de prendre l’initiative de demander le rappel de la Chambre (habituellement le leader du gouvernement à la Chambre) et le Président n’a pas l’autorité d’examiner une telle demande provenant de tout autre député. Dans ces circonstances (ou encore durant une prorogation du Parlement ou avant la première session d’une nouvelle législature), et à la réception d’une requête écrite du gouvernement, le Président fait publier un Feuilleton spécial afin d’informer les députés des mesures que le gouvernement souhaite soumettre immédiatement à la Chambre142. L’avis de rappel de la Chambre n’est normalement pas retiré ; toutefois, il est arrivé à une occasion que le Président, après avoir reçu une requête de tous les partis reconnus représentés à la Chambre, fasse une déclaration officielle annulant un avis de rappel antérieur143.

Publications parlementaires : Les documents officiels de la Chambre des communes sont publiés sous l’autorité du Président. Il s’agit notamment des Journaux, des Débats, de même que du Feuilleton et Feuilleton des avis, du Règlement de la Chambre des communes, des projets de loi et des procès-verbaux et rapports des comités de la Chambre des communes144.

Présidence des comités législatifs : Le Président a également certaines responsabilités touchant la présidence des comités législatifs145. Au début de chaque session, et au besoin par la suite, il doit désigner les députés qui formeront un comité des présidents. Il bénéficie d’une certaine latitude à cet égard ; le Règlement précise seulement que ces députés doivent être choisis en nombre proportionnel parmi les membres du parti ministériel et des partis de l’opposition, et que les autres présidents de séance de la Chambre font d’office partie de ce comité146. Chaque fois que la Chambre décide de créer un comité législatif, le Président doit en choisir le président parmi les membres de ce comité147.

Débats exploratoires : Le Président peut, à la suite de l’adoption d’une motion proposée par un ministre de la Couronne portant tenue d’un débat exploratoire en comité plénier, présider ce débat148.

Rôle administratif

Le Président est l’administrateur en chef de la Chambre des communes, dont il assure la direction et la gestion générales149. Les services administratifs de la Chambre appuient les députés dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires, individuellement et collectivement, tout comme l’institution de la Chambre elle-même.

L’un des privilèges fondamentaux de la Chambre est qu’elle a le droit de réglementer elle-même ses affaires internes en exerçant une compétence exclusive sur ses locaux et les personnes qui s’y trouvent150. En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, toutes les questions de politique administrative et financière touchant la Chambre des communes relèvent du Bureau de régie interne151, composé de députés du parti ministériel et des partis de l’opposition, et présidé par le Président de la Chambre.

L’administration courante du personnel de la Chambre des communes est confiée au Greffier152 et aux hauts fonctionnaires relevant du Greffier et est sujette aux ordres de la Chambre ou du Président153.

Les prévisions budgétaires de la Chambre des communes sont établies à la demande du Bureau de régie interne ; une fois que celui-ci les a approuvées, il incombe au Président de les transmettre au président du Conseil du Trésor pour que ce dernier les dépose avec les prévisions budgétaires des ministères pour l’exercice financier154.

Le droit dont bénéficie chacune des chambres du Parlement de régler elle-même ses affaires internes s’étend également à la gestion des locaux « dans son enceinte et à l’extérieur de la salle des débats155 ». En tant que gardien des droits et privilèges des Communes, le Président doit veiller à ce que ceux-ci soient respectés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Chambre156. Dans l’enceinte parlementaire, les Présidents des deux chambres supervisent conjointement la sécurité et le maintien de l’ordre, qui relèvent de la responsabilité opérationnelle du Service de protection parlementaire157. Il peut arriver que le personnel de sécurité demande — et reçoive — l’aide de forces policières de l’extérieur. Si celles-ci veulent entrer dans les édifices du Parlement, elles doivent cependant y être autorisées par le Président, qui exerce sa discrétion exclusive à cet égard158.

Le Président peut aussi, conformément à un ordre de la Chambre, demander aux autorités civiles de remettre à la Chambre quelqu’un sous leur garde dont la présence est exigée dans l’exercice des droits et des pouvoirs constitutionnels de la Chambre des communes. C’est ce qui s’est produit en 2007, lorsque le Président Milliken a délivré un rare « mandat de la présidence » exigeant la comparution d’une personne incarcérée devant un comité permanent de la Chambre159.

À titre d’administrateur en chef de la Chambre, le Président supervise tous les rapports de cette dernière avec les ministères au sujet des questions administratives. Par exemple, les fonctionnaires de la Chambre des communes, sous la direction du Président, collaborent avec le personnel de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) pour la prestation de services professionnels et techniques comme la traduction et l’interprétation, l’impression et l’édition, de même que la gestion des édifices du Parlement et des propriétés louées160. Par ailleurs, la Commission de la capitale nationale (CCN) est une société de la Couronne qui a pour mission « d’établir des plans d’aménagement, de conservation et d’embellissement de la région de la capitale nationale et de concourir à la réalisation de ces trois buts, afin de doter le siège du gouvernement du Canada d’un cachet et d’un caractère dignes de son importance nationale161 ». C’est la CCN qui est chargée de l’entretien des terrains de la Colline du Parlement162, un lieu historique où beaucoup d’autres activités publiques sont organisées. Le Président est tout naturellement intéressé à veiller à ce que toutes ces activités tiennent compte de la dignité et de l’autorité de l’institution qu’il représente ainsi que des privilèges des députés, tel le droit de libre accès en tout temps à la Chambre des communes et à l’enceinte parlementaire163.

Rôle cérémonial et diplomatique

Certaines des responsabilités du Président sont de nature traditionnelle, cérémoniale ou diplomatique, ce qui met en relief son rôle de représentant des Communes. Le Président est en effet le représentant et le porte-parole de la Chambre des communes dans ses rapports avec le Sénat, la Couronne et d’autres organes. C’est lui qui communique à la Chambre les messages, la correspondance et les documents qui lui sont adressés164.

Lorsqu’il arrive à la Chambre ou qu’il la quitte, au début ou à la fin d’une séance, le Président est toujours précédé du sergent d’armes, qui porte la masse. L’ouverture de chaque séance de la Chambre est précédée d’une cérémonie appelée « défilé du Président », au cours de laquelle le Président parcourt en cortège les corridors de l’édifice du Centre pour se rendre dans la salle de la Chambre des communes165.

Le Président ouvre également la marche chaque fois que la Chambre est convoquée à la salle du Sénat pour y rencontrer la reine, le gouverneur général ou son représentant, c’est-à-dire à l’ouverture de la législature ou de la session166, et chaque fois qu’a lieu la cérémonie traditionnelle de la sanction royale167. À l’ouverture d’une nouvelle législature ou d’une nouvelle session, le discours du Trône est lu dans la salle du Sénat et est ensuite communiqué officiellement aux Communes par le Président. Une fois que la Chambre a terminé son débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône, celle-ci est grossoyée, signée par le Président et présentée en personne au gouverneur général168.

Le Parlement du Canada entretient des liens avec les assemblées législatives provinciales et territoriales, de même qu’avec la plupart des parlements étrangers. Dans bien des cas, ces rapports sont assurés par le Président de la Chambre des communes et le Président du Sénat, ou en leur nom. Ces contacts avec les autres parlements et assemblées législatives peuvent prendre la forme d’échanges de lettres, de visites officielles réciproques, ou de séances de formation et de perfectionnement à l’intention du personnel parlementaire.

Le Parlement du Canada participe activement aux échanges internationaux d’idées, d’information et d’expériences entre les parlements du monde, et il est membre de plusieurs groupes et associations interparlementaires169. Le Président de la Chambre est président honoraire de toutes ces organisations. Sous l’autorité du Président (et de celle du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration), un Conseil interparlementaire mixte distribue des fonds aux diverses associations et en supervise l’administration170. Les parlementaires (en tant que délégués, membres ou participants) assistent à des rencontres, à des conférences et à des colloques nationaux, bilatéraux et internationaux organisés par l’entremise de ces associations parlementaires et de ces groupes interparlementaires.

En dehors du cadre des associations interparlementaires, le Parlement du Canada participe en outre à divers programmes d’échanges et de coopération avec d’autres parlements du monde, avec l’autorisation et sous la supervision des Présidents des deux chambres. Les programmes d’échanges permettent aux parlementaires d’élargir leurs connaissances, et de discuter de questions d’intérêt mutuel et de sujets d’actualité. Le rôle du Président à cet égard peut consister à accepter les invitations des autres parlements, à accueillir les délégations de parlementaires en visite, et à participer aux rencontres des Présidents d’assemblées législatives du Canada et d’ailleurs.

Conformément au rôle de représentant de la Chambre, le Président est le seul député pouvant attirer l’attention de la Chambre sur la présence de visiteurs de marque à la tribune de la Chambre171. En général, il fait cette annonce immédiatement après la période des questions, bien qu’il l’ait déjà faite avant ou même pendant172. Dans la plupart des cas, il salue des visiteurs se trouvant à la tribune du Président173. Rien dans le Règlement ne définit les types de visiteurs que le Président doit saluer, mais selon la pratique actuelle, ce sont :

  • les chefs d’État, les chefs de gouvernement provinciaux, territoriaux et étrangers et les leaders d’organisations nationales autochtones ;
  • les présidents ou secrétaires généraux de grandes organisations internationales (comme les Nations unies) ;
  • les délégations parlementaires officielles, les présidents de séance et les ministres des assemblées législatives provinciales et territoriales, ou ceux de pays étrangers ;
  • les Canadiens qui se sont distingués dans n’importe quel domaine par des réalisations, des actes ou des réussites d’envergure nationale ou internationale174.

Il arrive à l’occasion qu’un visiteur éminent (habituellement un chef d’État ou de gouvernement) s’adresse aux députés et aux sénateurs réunis dans l’enceinte de la Chambre des communes. À titre d’hôte, le Président joue un rôle de premier plan lors de ces cérémonies, dont le déroulement suit un protocole bien établi175.

L’élection du Président comme président de séance

L’élection du Président de la Chambre des communes est prévue dans la Constitution176. Elle doit se tenir à l’ouverture de la première session de chaque législature, la présidence de la Chambre étant alors vacante. Une nouvelle élection doit également avoir lieu si le Président démissionne ou annonce son intention de démissionner en cours de législature, ou s’il se produit une vacance pour une autre raison177. Cette exigence constitutionnelle sert de fondement aux articles du Règlement qui précisent à quel moment et dans quelles circonstances cette élection doit se dérouler178. La plupart des Présidents ont été élus à l’ouverture de la première session d’une nouvelle législature, mais plusieurs autres l’ont été en cours de session, ou encore à l’ouverture de la deuxième session de la législature ou d’une session subséquente179. Dans tous les cas, l’élection a priorité sur toutes les autres affaires de la Chambre et ne doit pas être considérée comme une question de confiance envers le gouvernement180. Le scrutin peut au besoin se poursuivre après l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien, jusqu’à ce qu’un Président soit déclaré élu. La Chambre ne peut être saisie d’aucune autre affaire tant que le scrutin n’est pas terminé et que le nouveau Président n’a pas pris place au fauteuil181.

Bien que la Constitution indique à quel moment doit se tenir l’élection du Président, le Règlement ne prescrivait pas avant 1985 par quels moyens cela devait se faire. Entre 1867 et 1985, c’est le Greffier de la Chambre qui présidait à l’élection. En règle générale, le premier ministre proposait un candidat à la présidence en présentant une motion sujette à débat, qui était généralement appuyée par un ministre de premier plan ou, depuis 1953, par le chef de l’Opposition182. Après le débat sur cette motion, le Greffier mettait la question aux voix, et le candidat désigné était élu à la majorité des députés présents ou, le plus souvent, à l’unanimité183. Le Président élu, affichant une feinte réticence, était ensuite escorté vers le fauteuil par les députés ayant proposé et appuyé la motion visant son élection, après quoi il acceptait sa nomination et la masse était placée sur le Bureau. La coutume voulant que le Président élu se montre hésitant remonte à l’époque des premiers Présidents des Communes britanniques, qui acceptaient leurs nouvelles fonctions avec une réelle réticence184.

En 1985, la Chambre a adopté une nouvelle procédure visant l’élection du Président par scrutin secret185. Le nouveau mode de scrutin, soit le scrutin de ballottage186, est entré en vigueur en septembre de la même année, à titre provisoire, et a été appliqué pour la première fois en 1986 lors de la démission du Président Bosley ; après 11 tours de scrutin, la Chambre a alors élu John Fraser à la présidence187. La longueur de cette élection a suscité des demandes de modification de la nouvelle procédure ; c’est ainsi que le Règlement a été modifié de nouveau en 1987 de manière à exclure du tour suivant les candidats ayant reçu cinq pour cent ou moins des suffrages exprimés. C’est également à ce moment-là que le mode de scrutin secret est devenu permanent188. En 1988, le Président Fraser a été réélu au premier tour. Le Président Parent a pour sa part été élu au sixième tour en 1994 et réélu au quatrième tour en 1997. Le Président Milliken a été élu au cinquième tour en 2001, par acclamation en 2004, au premier tour en 2006, et au cinquième tour en 2008. En 2011, le Président Scheer a été élu au sixième tour.

En 2001, on a modifié le Règlement pour donner aux candidats à la présidence l’occasion de s’adresser à la Chambre pendant au plus cinq minutes avant le premier tour189. On avait recommandé cette modification pour que tous les députés puissent entendre les candidats dans le cadre d’une séance plénière190. Puis, en 2015, on a de nouveau modifié le Règlement pour instaurer le scrutin préférentiel à un tour191. On avait recommandé ce type de scrutin pour améliorer le système de ballottage à tours multiples, souvent très long, et pour favoriser un processus d’élection qui soit impartial. En 2015, le Président Regan a été le premier Président à être élu selon ce mode de scrutin192.

L’élection du Président par scrutin secret

Lorsque la Chambre se réunit à l’ouverture d’une nouvelle législature, les Communes sont convoquées à la Chambre du Sénat au moyen d’un message que leur transmet l’huissier du bâton noir193. Précédés du Greffier de la Chambre, les députés se rendent donc au Sénat où un suppléant du gouverneur général194 les informe que les motifs de leur convocation ne seront pas divulgués (c’est-à-dire que le discours du Trône ne sera pas lu) « avant que la Chambre des communes n’ait choisi son Président conformément à la loi ». Les députés retournent alors à la Chambre et procèdent immédiatement à l’élection du Président.

Tous les députés, à l’exception des ministres et des chefs de parti, sont d’office des candidats à la présidence195. Le Règlement détermine qui doit présider à l’élection du Président,196 mais ne précise pas si le député qui préside peut aussi être candidat. Pour toutes les élections tenues à ce jour, le député qui présidait s’est volontairement retiré de la liste des candidats de la façon prescrite. Tout député éligible qui ne souhaite pas se porter candidat doit en informer le Greffier par écrit avant 18 heures la veille de la date prévue pour le scrutin197 et signer un avis de désistement198. Après l’expiration de ce délai, le Greffier établit la liste alphabétique des députés qui ne souhaitent pas se porter candidats ou qui ne sont pas éligibles du fait qu’ils sont ministres ou chefs de parti. Un député qui s’est désisté peut, avant l’expiration du délai, annuler son avis de désistement et rétablir ainsi sa candidature199.

Les règles régissant l’élection du Président par scrutin secret passent sous silence bien des aspects du processus électoral. Par exemple, elles ne précisent pas si le Greffier peut ou non recevoir de l’aide pour le dépouillement et la destruction des bulletins de vote ou s’il faut suspendre la séance pendant ce temps. En 1986, quand ont commencé les préparatifs en vue de la première élection par scrutin secret, les questions qui n’étaient pas prévues dans les règles écrites ont été résolues par le Greffier, en consultation avec les leaders parlementaires, et les décisions prises à cette occasion font maintenant partie de la pratique associée à l’élection du Président200.

La disposition de la Chambre est légèrement modifiée pour la circonstance. Le Bureau est vidé des objets qui s’y trouvent d’habitude et, bien que le fauteuil du Greffier demeure à sa place, ceux des greffiers au Bureau sont retirés. Une urne est déposée sur une petite table au bout du Bureau, et des isoloirs portatifs sont placés de chaque côté sur le Bureau. Pendant la tenue du scrutin, la masse reste sous le Bureau puisque la présidence est vacante.

Quand l’élection du Président a lieu à l’ouverture d’une législature, elle est présidée par le « doyen de la Chambre », c’est-à-dire le député qui compte le plus d’années de service ininterrompu parmi ceux qui ne sont pas ministres et qui n’occupent aucune charge à la Chambre201. Lorsque les députés reviennent du Sénat, le Greffier invite le doyen de la Chambre à s’installer dans le fauteuil à titre de président d’élection. Quand l’élection a lieu pendant une législature afin de remplacer un Président qui a annoncé son intention de démissionner, comme cela s’est produit en 1986, c’est le Président sortant qui préside à l’élection202. En son absence, lors d’une élection en cours de législature, la tâche revient au Vice-président de la Chambre et président des comités pléniers203. Le député qui préside à l’élection est investi de tous les pouvoirs de la présidence et a le droit de voter ; son vote n’est toutefois pas prépondérant en cas d’égalité des voix204.

Comme le prévoit le Règlement, le président d’élection annonce à la Chambre que la liste des députés qui ne souhaitent pas se porter candidats à la présidence ou qui n’y sont pas éligibles peut être consultée au Bureau205. Il doit le faire avant le début du scrutin ; en même temps, il lit à haute voix la liste des candidats, par ordre alphabétique. Le président d’élection indique aux députés que les deux listes leur ont été distribuées à leur siège et qu’ils peuvent aussi les consulter au Bureau. Dans la pratique récente, le président d’élection invite ensuite les députés dont le nom apparaît dans la liste des candidats et qui ne souhaitent pas poser leur candidature à l’élection à se lever pour en informer la Chambre206. Les députés qui sont candidats sont autorisés à faire un discours d’au plus cinq minutes à la Chambre207. Après leurs discours, la Chambre suspend ses travaux pendant 30 minutes avant la tenue du scrutin. Le scrutin commence quand le président d’élection invite les députés qui souhaitent voter à quitter leur siège, à se diriger vers le fauteuil du Président en empruntant les corridors situés derrière les rideaux et à se présenter au Bureau en passant par les entrées se trouvant à la gauche et à la droite du fauteuil, selon le côté de la Chambre où ils siègent.

À ces entrées, les greffiers au Bureau qui assistent le Greffier de la Chambre inscrivent les noms des députés et leur remettent un bulletin de vote. Sur le bulletin de vote sont énumérés, par ordre alphabétique, les noms de tous les députés souhaitant poser leur candidature à la charge de Président208. Une fois en possession de leur bulletin de vote, les députés se dirigent vers l’isoloir placé du côté approprié du Bureau. Chaque député vote en inscrivant le chiffre « 1 » dans la case en regard du nom du candidat qui représente leur premier choix, le chiffre « 2 » dans la case en regard du candidat qui représente leur deuxième choix et ainsi de suite. Les députés ne sont pas tenus de classer tous les candidats et peuvent voter pour un seul d’entre eux, s’ils le veulent209. Ils déposent ensuite leur bulletin de vote dans l’urne210 et quittent le secteur pour permettre aux autres députés de voter en toute confidentialité.

Lorsque le président d’élection juge que tous les députés qui souhaitaient voter l’ont fait, le Greffier se retire de la Chambre vers une salle voisine afin de compter les votes avec l’aide des autres greffiers au Bureau. Le sergent d’armes porte l’urne et s’arrête devant le fauteuil pour permettre au président d’élection d’y déposer son bulletin de vote. Le président d’élection annonce alors que les travaux sont suspendus pendant le dépouillement.

Ce dépouillement se fait en secret. Le Greffier compte le nombre de voix obtenues par chaque candidat à titre de premier choix. Si un candidat obtient la majorité des premiers choix, le Greffier communique le nom de ce candidat au président d’élection211. Si aucun candidat n’obtient la majorité des premiers choix, on élimine le ou les candidats ayant obtenu le moins de voix à titre de premier choix et on réattribue les bulletins de vote. Pour tous les dépouillements subséquents, les bulletins de vote appartenant au candidat ayant obtenu le moins de voix à titre de premier choix sont réattribués aux autres candidats en fonction de la préférence subséquente ; c’est-à-dire que le Greffier traite chaque deuxième choix, ou choix suivant, comme s’il s’agissait d’un premier choix à l’égard du candidat qui, sans être éliminé, vient ensuite dans le classement. Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’un candidat obtienne une majorité absolue de premiers choix212. Le Règlement prescrit que chaque bulletin de vote doit être compté à chacun des dépouillements, à moins qu’il ne soit épuisé213. Un bulletin de vote est épuisé lorsque tous les candidats choisis comme préférence sont éliminés214.

En cas d’égalité des voix entre deux candidats ou plus, le Greffier prépare de nouveaux bulletins de vote sur lesquels sont énumérés les noms des candidats en ordre alphabétique, et les députés votent de la même façon qu’au premier tour215. Au besoin, la Chambre peut prolonger sa séance au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement jusqu’à ce qu’un Président soit déclaré élu216.

Une fois qu’un candidat remporte l’élection, la sonnerie retentit pendant quelques minutes pour convoquer les députés et le Greffier revient à la Chambre. Le Greffier remet le nom du candidat vainqueur au président d’élection, qui l’annonce ensuite à partir du fauteuil217. Le Règlement interdit au Greffier de divulguer, par quelque moyen que ce soit, le nombre de préférences indiquées pour chaque candidat, et une fois que le Président est déclaré élu, tous les bulletins de vote et les documents relatifs au vote sont détruits218.

Après avoir annoncé le nom du Président élu, le président d’élection invite ce dernier à prendre place au fauteuil. Le président d’élection quitte alors l’estrade et le Président élu est escorté de son siège jusqu’à l’estrade par le premier ministre et le chef de l’Opposition. Suivant la coutume, le Président élu leur oppose une résistance symbolique219.

Le premier geste officiel de chaque Président élu depuis la Confédération a toujours consisté à remercier la Chambre, du haut de l’estrade, pour l’honneur qu’elle vient de lui faire. Ces remerciements commencent par une formule bien établie : « Honorables députés, je tiens à exprimer à la Chambre mes humbles remerciements pour le grand honneur qu’elle a bien voulu me faire en me choisissant comme Président ».

Le Président poursuit généralement en s’engageant à s’acquitter de ses devoirs avec fermeté et impartialité, en soulignant les importantes responsabilités liées à sa charge, en demandant à la Chambre de continuer à lui manifester son appui et sa bonne volonté, et en offrant ses compliments et ses félicitations à ses prédécesseurs, aux autres candidats (lorsqu’il a été élu par scrutin secret), à ses électeurs, à sa famille et à ses collègues députés220. Il prend ensuite place au fauteuil. Une fois les isoloirs et l’urne enlevés, le sergent d’armes va chercher la masse (symbole de l’autorité de la Chambre) sous le Bureau, où elle est demeurée tout au long du scrutin, et la pose sur le Bureau, ce qui signifie que la Chambre est dûment constituée maintenant que le fauteuil de la présidence est occupé.

Depuis l’instauration du scrutin secret, les chefs de parti ont pris l’habitude de se lever pour offrir leurs félicitations, leurs bons vœux et leur appui au Président nouvellement élu une fois qu’il a pris place au fauteuil et que la masse a été déposée sur le Bureau221. Avant 1986, à l’époque où le Président était nommé sur une motion proposée par le premier ministre, le Président était déclaré élu une fois la motion adoptée. Le premier ministre et le chef de l’Opposition avaient coutume de faire l’éloge du candidat proposé dans leurs discours de nomination, mais ce dernier ne recevait généralement pas de félicitations après son élection222.

Une fois que le nouveau Président a pris place au fauteuil et qu’il a écouté les félicitations de ses collègues, il peut arriver que la Chambre ait dépassé l’heure prévue dans le Règlement pour son ajournement ; le Président lève alors la séance jusqu’au lendemain223. C’est ce qui s’est produit en 1986 ; la Chambre a alors siégé jusqu’à 2 h 30 du matin et a été convoquée de nouveau quelques heures plus tard, dans la même journée, en vue de l’ouverture de la session224. En 1988, le Président a été élu après un seul tour de scrutin, et la séance a été suspendue pendant quelques heures jusqu’à l’ouverture de la législature plus tard dans la même journée225. Depuis lors, le Président a été élu avant l’heure ordinaire de l’ajournement de la Chambre, qui a suspendu ses travaux jusqu’au lendemain à l’heure prévue pour l’ouverture de la législature226.

Pendant l’élection du Président, aucun débat n’est permis, aucune motion n’est acceptée, et aucune question de privilège ne peut être soumise au président d’élection227. Il est toutefois déjà arrivé qu’un député invoque le Règlement et que la présidence lui réponde228.

À l’heure fixée pour l’ouverture officielle de la législature et la lecture du discours du Trône, la Chambre reçoit la visite de l’huissier du bâton noir et se rend en cortège à la salle du Sénat. Le nouveau Président s’avance à la barre du Sénat, prend place sur une petite plateforme, enlève son tricorne et se fait reconnaître par le gouverneur général, qui est assis sur le Trône. Il s’adresse à lui selon une formule établie :

Qu’il plaise à Votre Excellence,

La Chambre des communes m’a élu Président, bien que je sois peu capable de remplir les devoirs importants qui me sont par là assignés. Si, dans l’exécution de ces devoirs, il m’arrive jamais de faire une erreur, je demande que la faute me soit imputée et non aux Communes, dont je suis le serviteur et qui, en vue de s’acquitter le mieux possible de leurs devoirs envers la Reine et le pays, réclament humblement, par ma voix, la reconnaissance de leurs droits et privilèges incontestables, notamment la liberté de parole dans les débats ainsi que l’accès auprès de la personne de Votre Excellence en tout temps convenable, et demandent que Votre Excellence veuille bien interpréter de la manière la plus favorable leurs délibérations229.

Ce à quoi le Président du Sénat, au nom du gouverneur général, fait la réponse traditionnelle :

Monsieur/Madame le (la) Président(e),

Son Excellence le/la gouverneur(e) général(e) me charge de vous dire que, ayant pleine confiance dans le loyalisme et l’attachement de la Chambre des communes envers la personne et le gouvernement de Sa Majesté, et ne doutant nullement que ses délibérations seront marquées au coin de la sagesse, de la modération et de la prudence, il/elle lui accorde et, en toutes occasions, saura reconnaître ses privilèges constitutionnels. J’ai également ordre de vous assurer que les Communes auront, en toute occasion convenable, libre accès auprès de Son Excellence et que leurs délibérations ainsi que vos paroles et vos actes seront toujours interprétés par lui/elle de la manière la plus favorable230.

Le nouveau Président se présente toujours au gouverneur général. Cependant, il ne réclame les privilèges des Communes, en leur nom, qu’à l’ouverture d’une nouvelle législature ; ces privilèges ne sont pas renouvelés lorsqu’un nouveau Président est élu avant la fin d’une législature231.

L’élection du Président en cours de session

Lorsqu’ils doivent élire un Président pendant une session, les députés se réunissent à la Chambre à l’heure habituelle du début de la séance. Le fauteuil est occupé soit par le Président qui a déjà annoncé son intention de se démettre de sa charge232, soit, en son absence, par le Vice-président de la Chambre et président des comités pléniers233. Comme la présidence est vacante, la masse n’est pas sur le Bureau234. Le premier ministre informe les députés que le gouverneur général a autorisé la Chambre à se choisir un Président. L’Occupant du fauteuil préside alors à l’élection selon la procédure habituelle. Une fois le scrutin terminé, le Président élu est escorté de son siège et fait quelques brèves remarques sur l’estrade avant de prendre place au fauteuil pour la première fois. La masse est alors posée sur le Bureau, et la séance est suspendue quelques minutes jusqu’à l’arrivée de l’huissier du bâton noir. La Chambre est convoquée et se rend à la salle du Sénat, où le Président se présente et se fait reconnaître par le gouverneur général selon la formule traditionnelle235. À son retour du Sénat, la Chambre reprend les travaux prévus pour la séance du jour.

Deux seulement des 36 Présidents élus depuis la Confédération l’ont été en cours de session236, dans les deux cas avant l’adoption des règles prévoyant l’élection du Président par scrutin secret. Le Président Bain a succédé en 1899 au Président Edgar, le seul Président mort en exercice, et est demeuré en fonction jusqu’à la fin de la 8e législature, en 1901. Le Président Francis a été élu pour sa part à la deuxième session de la 32e législature (en 1984) pour succéder au Président Sauvé, qui avait remis sa démission après avoir accepté le poste de gouverneur général. Les Présidents Bain et Francis ont tous deux présidé la Chambre jusqu’à la fin de la session et de la législature pendant lesquelles ils avaient été élus.

L’élection du Président à l’ouverture de la deuxième session d’une législature ou d’une session subséquente

Lorsqu’elle doit procéder à l’élection d’un Président dès l’ouverture de la deuxième session d’une législature ou d’une session subséquente, la Chambre se réunit à la date fixée par proclamation. Comme pour l’élection d’un Président en cours de session, le fauteuil est occupé soit par le Président qui a déjà annoncé son intention de se démettre de sa charge, soit par le Vice-président de la Chambre et président des comités pléniers, et la masse n’est pas posée sur le Bureau. Le premier ministre demande la parole et annonce que le gouverneur général consent à ce que la Chambre élise un nouveau Président237, ce qu’elle fait ensuite selon la procédure établie. Le Président élu est escorté de son siège vers l’estrade, où il fait les remarques et les remerciements habituels avant de prendre place au fauteuil pour la première fois. La masse est ensuite posée sur le Bureau. La séance est normalement levée à ce moment-là, ou peu après, la présentation du Président au gouverneur général et la lecture du discours du Trône ayant lieu le lendemain238.

Il est arrivé à six reprises, depuis 1867, que le Président soit élu le premier jour de la deuxième session d’une législature ou d’une session subséquente239, chaque fois à la suite de la démission du Président. La dernière fois, en 1986, la démission du Président Bosley est entrée en vigueur le jour de l’ouverture de la deuxième session de la 33e législature, et le Président Fraser est devenu le premier Président élu par scrutin secret, en vertu des nouvelles règles adoptées en 1985.

Dans ces six cas, la Chambre s’est réunie pour l’ouverture de la session à la date fixée par proclamation. Les cinq fois où la chose s’est produite avant 1986, la Chambre a été immédiatement convoquée au Sénat et informée (comme à l’ouverture d’une législature) qu’elle devait se choisir un Président avant que le discours du Trône puisse être lu240. À son retour du Sénat, la Chambre a donc procédé à l’élection d’un Président : le premier ministre, appuyé par un ministre de premier plan, a proposé la nomination d’un député, et (à une exception près241) le candidat proposé a été élu à l’unanimité après une brève intervention du chef de l’Opposition.

La sollicitation des votes

Les règles régissant l’élection du Président par scrutin secret ne contiennent aucune disposition sur le processus de mise en candidature ni sur la sollicitation des votes242. Le comité spécial de la procédure qui avait recommandé la tenue d’un scrutin secret cherchait à donner à la Chambre et à ses députés le plein contrôle sur le choix du Président (pour le soustraire à ce qu’il qualifiait de « contrôle exclusif » du premier ministre), en soulignant que le Président ne relevait ni du gouvernement ni de l’opposition, mais de la Chambre243. Le Président Bosley, lorsqu’il a comparu devant le comité en 1985, a exprimé des réserves quant aux chances de succès du système de scrutin secret si l’élection était précédée d’une campagne de style politique244.

Toutefois, certains députés ont fait valoir que, quand vient le temps d’élire un Président, les nouveaux venus à la Chambre n’ont guère eu le temps ou l’occasion de prendre des renseignements sur tous les candidats245. Bien que le Règlement n’autorise pas le débat pendant le processus électoral, une modification apportée en 2001 permet maintenant aux candidats de faire de brefs discours à la Chambre246.

Certains candidats ont fait campagne à chacune des 10 élections qui se sont tenues jusqu’ici sous le système de scrutin secret (1986, 1988, 1994, 1997, 2001, 2004, 2006, 2008, 2011 et 2015), mais toujours officieusement, à l’extérieur de la Chambre. Par exemple, en 1994, certains des partis représentés à la Chambre ont organisé des réunions de groupes parlementaires avant l’élection du Président et y ont invité les divers candidats247. Par ailleurs, avant l’élection du Président de 1997, on a suggéré que les intéressés se portent officiellement candidats et participent à une séance de questions et réponses organisée par l’un des partis de l’opposition à l’intention des députés de tous les partis248. De même, en 2001, des réunions de présentation des candidats se sont tenues avant l’élection du Président249. Avant l’élection du Président de 2008 et de 2011, certains candidats ont tenu des réceptions électorales, où les députés étaient invités à se rassembler entre les tours de scrutin250.

Mandat

Le Président est élu dès le début de la législature, avant l’examen de toute autre affaire, et préside les travaux de la Chambre pendant toute la durée de la législature251. À la dissolution d’une législature, il est réputé demeurer en fonction, à des fins administratives, jusqu’à ce qu’une nouvelle élection ait lieu252. S’il se produit une vacance à la présidence en cours de législature, la Chambre doit élire un nouveau Président sans délai253 et ne peut être saisie d’aucune autre affaire tant qu’elle ne l’a pas fait.

Il peut se produire une vacance à la présidence à la suite d’un décès ou d’une démission. Le Président Edgar (1896-1899) est mort en fonction, en juillet 1899, pendant une session. Il était déjà absent de la Chambre depuis quelque temps, pour cause de maladie, et le Vice-président occupait le fauteuil254. Son décès a été annoncé à la Chambre le 31 juillet 1899 par le premier ministre, qui a ensuite proposé une motion d’ajournement de la Chambre. Après une brève intervention d’un député de l’opposition, la motion a été adoptée et la séance a été levée255. La Chambre s’est réunie le lendemain à l’heure habituelle et a procédé immédiatement à l’élection d’un nouveau Président256.

La présidence peut aussi se libérer lorsque son titulaire annonce son intention de démissionner ou si la Chambre prend les mesures nécessaires pour le relever de ses fonctions. La chose s’est déjà produite également parce que le Président avait accepté un poste qui l’obligeait automatiquement à abandonner son siège à la Chambre.

Il est arrivé trois fois qu’il y ait une vacance à la présidence après que le Président eut signifié par écrit son intention de se démettre de sa charge ; il s’agissait du Président Black, en 1935, du Président Sauvé, en 1984, et du Président Bosley, en 1986.

Le Président Black (1930-1935) a informé le premier ministre qu’il comptait quitter la présidence dans une lettre datée du 15 janvier 1935, pendant une prorogation. Le premier ministre en a fait l’annonce à la Chambre à la reprise des travaux parlementaires le 17 janvier, date prévue pour l’ouverture de la session, et la Chambre a alors procédé à l’élection d’un nouveau Président257.

Le Président Sauvé (1980-1984), après avoir été nommée au poste de gouverneur général du Canada, a pour sa part annoncé dans une lettre adressée le 6 janvier 1984 au Greffier de la Chambre qu’elle quitterait son poste de députée et la présidence de la Chambre à minuit, le 15 janvier 1984. La Chambre, qui s’était ajournée le 21 décembre 1983, a repris ses travaux le 16 janvier 1984, et le Greffier a lu cette lettre. La Chambre a alors procédé à l’élection du Président Francis258.

Le Président Bosley (1984-1986) a quitté la présidence en 1986. Ses préoccupations touchant l’érosion du respect de la population pour le Parlement étaient bien connues, et il était d’avis qu’il serait mieux placé pour contribuer à la réforme de cette institution en tant que simple député, laissant ainsi la Chambre tout à fait libre de se choisir un Président selon le nouveau mode d’élection par scrutin secret259. Il a donc écrit au Greffier le 5 septembre 1986, pendant une prorogation du Parlement, pour lui annoncer son intention de démissionner dès l’élection de son successeur à la date fixée par proclamation pour l’ouverture de la session suivante. Lorsque la Chambre a repris ses travaux, le 30 septembre, il a déposé des copies de cette correspondance et remercié les députés de lui avoir fait l’honneur de les servir à la présidence. Puis, comme le prévoit le Règlement, il a présidé à l’élection du Président Fraser par scrutin secret260.

Trois Présidents ont accepté des postes qui les obligeaient à renoncer à leur siège de député, et par conséquent à la présidence. Les Présidents Brodeur (1901-1904) et Sévigny (1916-1917) ont été nommés au Cabinet261, et le Président Sproule (1911-1915), au Sénat262. Dans chaque cas, leur nomination a eu lieu dans l’intervalle entre deux sessions, et c’est pourquoi la Chambre n’a reçu aucun avis officiel concernant les intentions de démission de son Président. À la reprise de ses travaux, la Chambre n’avait donc plus de Président. La lettre l’informant de l’arrivée du suppléant du gouverneur général pour l’ouverture de la nouvelle session, lue normalement par le Président, a été lue par le Greffier. Plus tard, suivant la pratique établie, quand celui-ci a annoncé quelles étaient les circonscriptions électorales pour lesquelles des avis de vacance avaient été reçus, il a mentionné celles des Présidents Brodeur, en 1904263, Sproule, en 1916264, et Sévigny, en 1917265.

Il faut également citer l’exemple inhabituel du Président Anglin, élu deux fois à la présidence au cours de la 3e législature (1874-1878). Après son élection à l’ouverture de la législature, en 1874, il a quitté son siège à la Chambre pendant l’intersession266 et l’a repris à l’occasion d’une élection partielle. C’est ainsi qu’à l’ouverture de la nouvelle session, le 7 février 1878, la Chambre a été informée en même temps de la vacance dans la circonscription représentée par l’ancien Président et de la réélection de ce dernier à la Chambre267. M. Anglin a alors été proposé comme candidat à la présidence et réélu268.

Il n’est pas arrivé souvent, au Canada, qu’un Président doive remettre sa démission directement à la suite de mesures prises en ce sens par un organe législatif269. En 1875, la Chambre d’Assemblée de la province de Nouvelle-Écosse a été saisie d’une motion proposant que le Président soit invité à se démettre de sa charge et qu’un nouveau Président soit élu270. La motion a été adoptée à la suite d’un vote par appel nominal, et l’Assemblée a suspendu ses travaux jusqu’au lendemain ; à ce moment-là, comme premier point à l’ordre du jour, le Président s’est levé, a remis sa démission et a quitté le fauteuil271. L’Assemblée a alors adopté une motion, présentée par un membre du Cabinet, proposant que la démission du Président soit acceptée et qu’un comité ministériel soit constitué afin d’informer le lieutenant-gouverneur que l’Assemblée n’avait plus de Président272. À la séance suivante, le comité a annoncé qu’il avait communiqué avec le lieutenant-gouverneur, et l’Assemblée a élu sur-le-champ un nouveau Président273.

En juillet 1956, à la Chambre des communes, le Président Beaudoin (1953-1957) a offert sa démission — mais la Chambre ne l’a pas considérée — dans le sillage de la controverse politique et des disputes de procédure qui ont marqué ce qu’on a appelé le débat sur le pipeline274. L’examen du projet de loi sur le pipeline a donné lieu à de nombreux rappels au Règlement, et le Président a été fortement contesté. Vingt-cinq de ses décisions ont été portées en appel, soit 11 décisions en tant que Président et 14 en tant que président des comités pléniers (ce qui était permis en vertu des règles en vigueur à l’époque), mais elles ont toutes été confirmées275. Il a également fait l’objet d’une motion de censure (chose très rare), qui a été rejetée276. Trois semaines après l’adoption du projet de loi par la Chambre, une question de privilège mettant en doute l’impartialité du Président a été soulevée277. Le 2 juillet, à l’ouverture de la séance, le Président a fait une déclaration et remis sa démission à la Chambre, pour qu’elle entre en vigueur quand il lui plairait278. La Chambre n’a toutefois été saisie d’aucune résolution en ce sens, et personne n’a soulevé d’objection quand le Président Beaudoin a continué d’assumer ses fonctions officielles. Il est demeuré en poste jusqu’à la fin de la 22e législature.

En mars 2000, on a déposé à la Chambre avis d’une motion de censure remettant en cause l’impartialité du Président en raison d’une décision qu’il avait rendue sur une question de privilège279. Cette décision faisait suite à des allégations selon lesquelles des communications privilégiées entre des députés et le Bureau du conseiller législatif avaient été indûment divulguées. Les députés du gouvernement ont réussi par deux fois à éviter le débat sur la motion de censure en présentant des motions pour passer immédiatement à l’ordre du jour. Les leaders à la Chambre s’étant consultés, on a fini par retirer la motion de censure et par adopter, après débat, une motion renvoyant la question de confidentialité des communications privilégiées au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre280.