En 1922, le célèbre virtuose belge du carillon, Jef Denyn, fondateur de l’École de carillon Mechelen, présentait un exposé à l’occasion du premier Congrès de l’art du carillon organisé en l’honneur de l’inauguration de l’institution qui allait éventuellement accueillir quatre futurs carillonneurs du Dominion. Son exposé s’intitulait en flamand « Wat zal de Beiaard spelen? », qui pourrait se traduire par « Quels airs le carillonneur doit-il jouer? » ou « Quels airs le carillonneur devrait-il jouer? ». Le débat au sujet de ce qui constitue un répertoire convenable pour carillon s’est poursuivi des deux côtés de l’Atlantique pendant plusieurs décennies. Chaque génération de carillonneurs a donné sa propre réponse à cette question en fonction des instruments à sa disposition, de l’époque et de l’endroit.
Le carillonneur du Dominion donne plus de 200 récitals par année. De septembre à juin, il joue tous les jours à midi, pendant 15 à 20 minutes. Chaque récital propose un répertoire distinct, et le programme du mois est affiché sur notre site Web. Le carillon ouvre les festivités sur la Colline du Parlement le jour de la fête du Canada. Ensuite, pendant les mois de juillet et d’août, le carillonneur offre quotidiennement un récital d’une heure, après la Cérémonie de la relève de la garde, entre 11 h et midi. D’autres prestations ont également lieu à intervalles réguliers, par exemple, lors de la cérémonie du jour du Souvenir tenue au Monument commémoratif de guerre du Canada et à l’occasion de la cérémonie d’illumination des Lumières de Noël ainsi que le premier lundi de juin, à l’occasion du service commémoratif annuel pour les parlementaires. D’autres occasions spéciales se présentent aussi parfois, comme la visite de chefs d’État étrangers ou de membres de la famille royale, ou la tenue d’événements nationaux qui vont des sombres funérailles d’État aux célébrations du Jubilé de diamant de Sa Majesté. Par conséquent, le carillonneur consacre beaucoup de temps à la préparation, à la recherche, à l’arrangement et à la répétition des diverses pièces du vaste répertoire qu’il jouera tout au long de l’année.
Même si le carillon de la Tour de la Paix a été installé sur ordre du Parlement canadien pour commémorer l’Armistice de 1918 et rendre hommage aux Canadiens qui ont donné leur vie durant la Grande Guerre, sa musique ne se limite pas aux solennels chants funèbres, mais célèbre tous les aspects de la vie; elle symbolise non seulement la culture canadienne, mais aussi l’espoir d’une paix et d’une harmonie mondiales. La musique pour carillon provient de nombreuses sources. Des compositions expressément destinées à l’instrument sont constamment créées. Il existe en outre des transcriptions et des arrangements de musique tirée du répertoire d’autres instruments ou genres. Toutefois, chaque carillonneur doit acquérir la capacité d’adapter la musique à chaque situation. Les carillons ont été surnommés les « tours chantantes », mais les mélodies qui en émanent sont inspirées par les auditeurs au bas de la Tour. Il y a un dialogue qui s’installe lors de chaque prestation. Le répertoire doit capter l’attention des auditeurs et les toucher.
À première vue, la conception d’un répertoire pour le mois de décembre paraît simple : beaucoup de musique du temps des Fêtes. Les cloches sont automatiquement associées à Noël. Néanmoins, il faut chercher à offrir une nouvelle musique et proposer une nouvelle sélection de titres chaque année. Par exemple, le programme du 17 décembre met l’accent sur les chants canadiens, dont une nouvelle adaptation de l’œuvre « Mourning Dove » du compositeur d’Ottawa, Pierre Massie. De plus, il y a constamment de nouveaux défi s. Ainsi, chaque année, la Commission de la capitale nationale présente la cérémonie officielle d’illumination des Lumières de Noël au Canada le premier jeudi de décembre – le 6 décembre 2012. La tâche paraît simple : le 6 décembre coïncide avec la fête de Saint-Nicolas – donc, les chants de Noël seraient normalement de mise, mais ce jour est aussi la date d’un triste anniversaire, celui de la tuerie à l’École Polytechnique en 1989, et la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes. Par conséquent, le récital du carillon de midi a été consacré à la musique destinée aux femmes et composée par elles, notamment une adaptation inédite de la pièce « Méditation » de la compositrice québécoise, Rachel Laurin; le programme qui a précédé la cérémonie d’illumination des Lumières de Noël comprenait des chants de Noël, anciens et nouveaux, en français et en anglais. Voici le répertoire contrastant spécialement choisi pour cette date :
Le jeudi 6 décembre 2012, de 12 h à 12 h 15
Journée nationale de commémoration et d’action contre laviolence faite aux femmes
Oeuvres musicales de compositrices :
Le jeudi 6 décembre 2012, de 17 h 35 à 17 h 55
Récital du carillon précédant la cérémonie d’illumination des Lumières de Noël
Quels airs le carillonneur doit-il jouer? Comme l’a dit le premier ministre William Lyon MacKenzie King dans son discours d’inauguration de la Tour de la Paix, le 1er juillet 1927, le carillon est la « voix de la nation ». Grâce au musicien qui se trouve dans la Tour, les cloches deviennent l’expression humaine de la merveilleuse diversité de la vie à travers les époques.