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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 052 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 mars 2023

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 52e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Conformément à l'article 108 du Règlement et à la motion adoptée le 30 janvier 2023, le Comité entreprend son étude sur le système canadien de mise en liberté sous caution.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté à la Chambre le 23 juin 2022. Les députés y participent en personne ou à distance via l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des témoins et des membres du Comité. En fait, je vais sauter cette étape, car je pense que tous les participants savent utiliser les fonctions de Zoom.
    Pendant la première heure, nous accueillons l'honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada, qui est accompagné de Matthew Taylor, avocat général et directeur, Section de la politique en matière de droit pénal, du ministère de la Justice, et un habitué au Comité.
    Nous vous souhaitons la bienvenue à tous les deux et sommes heureux de vous avoir avec nous.
    Monsieur le ministre, vous disposez de 10 minutes, après quoi nous passerons à la période de questions. Vous avez la parole.

[Français]

    Monsieur le président, pouvez-vous confirmer que les tests de son ont été effectués, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Oui, on a procédé aux tests de son pour tous les députés et les témoins.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président. Je peux maintenant partir. Je crois que mon travail est terminé.
    Des voix: Ha, ha!
    Je remercie aussi mon collègue M. Fortin de s'assurer que les échanges vont bien se dérouler.
    Avant de commencer, je souligne que nous sommes sur le territoire non cédé du peuple algonquin anichinabé.
    Je remercie aussi Matthew Taylor, qui m'accompagne aujourd'hui.
    Je remercie le Comité de l'occasion qui m'est offerte de m'exprimer au sujet de la mise en liberté sous caution et de sa possible réforme au Canada. Je sais que c'est un enjeu important et qui préoccupe les Canadiens. Le besoin que les lois soient efficaces, justes, et qu'elles protègent les Canadiens tout en respectant la Charte canadienne des droits et libertés est certainement une priorité de mon gouvernement .

[Traduction]

    J'aimerais d'abord présenter mes condoléances aux familles de l'agent Greg Pierzchala et de Michael Finlay, ainsi qu'à Katie Nguyen Ngo et à toutes les victimes des incidents violents et troublants dont nous avons été témoins ces derniers mois dans tout le pays. Chacun de ces incidents a été une tragédie personnelle et un coup dur pour nos collectivités.
    Je suis content que le Comité se penche sur tous les aspects du système de libération sous caution au Canada. Les Canadiens méritent d'être et de se sentir en sécurité. Nous avons tous un rôle à jouer pour protéger nos collectivités.
    Je crois que notre système est solide et rigoureux, mais nous sommes toujours ouverts aux propositions d'amélioration, qu'elles portent sur une réforme législative ou un meilleur soutien à l'administration de la justice et à nos agents de police. Les provinces ont un rôle de premier plan à jouer dans ce dossier. La Colombie-Britannique a déjà pris des mesures pour améliorer son système, et je trouve encourageant de voir que l'Ontario et le Manitoba lui emboîtent le pas.
    J'attends avec intérêt la rencontre de vendredi avec le ministre Mendicino et nos homologues provinciaux et territoriaux pour discuter d'une réforme du système de mise en liberté sous caution et des façons de collaborer tous ensemble pour que les Canadiens se sentent en sécurité. Je prévois présenter ce que nous envisageons de faire au niveau fédéral, et j'espère entendre mes homologues parler de ce qu'ils comptent faire de leur côté.
    En ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral, je tiens à souligner, et à rassurer les Canadiens à ce sujet, que la loi prévoie déjà que si un individu présente un danger important pour la sécurité publique, il ne doit pas être mis en liberté sous caution. Il n'existe pas de solutions faciles ou rapides. C'est pourquoi, sur mes instructions, nous avons commencé à examiner la question il y a quelques mois, encore une fois en collaboration avec nos homologues provinciaux et territoriaux, afin de trouver des solutions pour assurer la sécurité à long terme dans nos collectivités.
    Il importe de souligner qu'une insuffisance de données risque de brouiller les cartes. D'une part, selon les données de l'opposition, les crimes sont à la hausse, en particulier chez les gens mis en liberté sous caution. D'autre part, selon les données de la police de Toronto, entre 2019‑2021, le pourcentage tant des gens qui ont obtenu une libération sous caution que de ceux qui ont été arrêtés de nouveau pendant qu'ils étaient en liberté sous caution a diminué.

[Français]

    Dans la mesure où notre gouvernement cherche toujours des façons d'améliorer la sécurité publique et l'efficacité de notre système de justice, je me dois de corriger les nombreuses désinformations qui circulent au sujet de l'ancien projet de loi C‑75.
    La Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, issue du projet de loi C‑75, est le fruit d'une longue et étroite collaboration avec les provinces et les territoires.
    Cette loi codifie les principes de mise en liberté sous caution, tels qu'ils ont été articulés dans le cadre de décisions contraignantes de la Cour suprême du Canada. Je veux réitérer que cette loi n'a apporté aucun changement fondamental au régime des mises en liberté sous caution. La loi n'a pas modifié les critères selon lesquels un accusé peut être libéré par le tribunal, et elle n'a pas touché les règles de base du régime. Au contraire, en inversant le fardeau de la preuve, cette loi a rendu plus difficile la mise en liberté sous caution dans le cas de certaines infractions, telles que la violence à l'endroit de partenaires intimes.
    Il est tout simplement faux d'alléguer que les incidents tragiques que nous avons récemment vécus au Canada peuvent être attribués à cette loi découlant du projet de loi C‑75. C'est une question bien plus complexe que ce que pourrait résoudre une seule loi, et il est excessivement simpliste de prétendre qu'il en est autrement.
    Notre gouvernement poursuit sa réflexion et son travail sur le système avec sérieux et dans un esprit de collaboration afin de trouver des solutions qui protègeront les membres de nos communautés.

  (1550)  

[Traduction]

    Une mesure que nous envisageons, et qui correspond à la demande faite dans la lettre des premiers ministres provinciaux, est d'établir une inversion du fardeau de la preuve pour d'autres infractions. Cela signifie que l'accusé se verra refuser la mise en liberté sous caution à moins qu'il puisse prouver au tribunal que sa libération ne poserait pas un risque important pour la sécurité publique ou ne minerait pas la confiance du public. Les travaux dans ce dossier progressent bien.
    J'aimerais souligner également qu'il existe déjà une inversion du fardeau de la preuve pour diverses infractions commises avec une arme à feu, y compris lorsqu'un prévenu soumis à une interdiction de port d'arme est accusé d'une infraction liée aux armes à feu. Toutefois, il est important d'examiner soigneusement dans quels cas il conviendrait d'élargir l'inversion du fardeau de la preuve. J'ai hâte de discuter plus en détail de cette question avec les provinces et les territoires plus tard cette semaine.
    Nous avons aussi entendu des appels à une réforme de l'application de la loi. En février, j'ai eu le plaisir de rencontrer des chefs de police de partout au pays. Je suis reconnaissant de leurs recommandations qui sont basées sur leur expérience sur le terrain.
    Des travaux sont en cours pour concevoir des options législatives et non législatives afin de relever le défi particulier que représentent les récidivistes violents. J'en discuterai aussi vendredi avec mes collègues.

[Français]

    Nous savons aussi que ce n'est pas seulement avec une réforme législative que nous allons complètement régler cet enjeu.
    La police doit avoir les ressources nécessaires pour surveiller ceux qui bénéficient d'une mise en liberté sous caution et pour arrêter ceux qui ne respectent pas les conditions de cette mise en liberté. Nous avons déjà fourni un financement considérable et nous sommes ouverts à l'accroître là où il y a des besoins.
    Il faut également du soutien et des soins pour la santé mentale, ainsi que des traitements pour les dépendances. Il faut un filet social. Le gouvernement précédent a fait des compressions dans les programmes sociaux et on en constate aujourd'hui les conséquences bien trop réelles et sérieuses. Notre gouvernement, lui, a fait des investissements sans précédent pour la santé mentale, dont 5 milliards de dollars pour les provinces et les territoires afin d'augmenter l'accès aux soins.

[Traduction]

    Je félicite nos partenaires de la Colombie-Britannique pour les mesures qu'ils ont prises en novembre au sujet de la libération sous caution dans le cadre de leur plan d'action pour des collectivités sûres, et du Manitoba pour le financement de nouveaux postes de procureurs chargés des infractions graves commises avec une arme à feu et des crimes violents.
    J'encourage toutes les provinces à utiliser les nombreux outils qui sont à leur disposition pour veiller à ce que les lois sur la libération sous caution soient appliquées de manière sûre, équitable et efficace. J'ai déjà communiqué avec nombre de mes homologues à ce sujet, de même qu'avec des dirigeants des organismes nationaux autochtones, et j'ai hâte de poursuivre nos discussions et notre collaboration.
    Pour relever les défis particuliers que posent les récidivistes violents, il faut une approche globale qui transcende les frontières provinciales et territoriales et les ordres de gouvernement. Nous agirons à l'échelle fédérale et j'espère que mes homologues provinciaux voudront faire de même. La seule façon de résoudre ce problème est de travailler ensemble.
    J'ai bon espoir qu'ensemble, nous pourrons examiner le produit de plusieurs mois de travail commun des fonctionnaires fédéraux et provinciaux et convenir d'un plan global à mettre en place.

[Français]

    Nous savons qu'il n'y a pas de solution facile à un enjeu si complexe. Nous croyons fermement qu'il faut protéger les Canadiens.

[Traduction]

    Parallèlement, nous devons nous assurer que toute mesure prise n'exacerbera pas la surreprésentation des Autochtones et des Canadiens noirs et racisés dans nos prisons. Nous ne devons pas marginaliser davantage les personnes vulnérables, notamment celles qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. C'est un équilibre délicat à atteindre, mais le gouvernement est déterminé à y parvenir.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Nous passons à notre première série de questions et commençons par M. Moore pendant six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur le ministre et monsieur Taylor, d'être avec nous pour cette importante étude.
    Monsieur le ministre, avant de commencer à parler de la libération sous caution, rapidement, lorsque vous avez comparu il y a trois semaines, mon collègue M. Brock vous a interrogé sur la très importante question de l'énoncé concernant la Charte pour le projet de loi C‑39, soit le projet de loi dans lequel votre gouvernement propose d'offrir l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladie mentale.
    Est‑ce que l'énoncé est prêt? Vous aviez mentionné à ce moment qu'il serait prêt très bientôt.

  (1555)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je pense que la question de la pertinence est importante ici. Le ministre est avec nous pour discuter de la réforme de la libération sous caution. Il reviendra plus tard pour discuter d'autres questions liées à son portefeuille.
    Je vais demander à M. Moore de poser des questions portant sur la réforme et le procès.
    Même si vous avez une certaine latitude, essayez de rester...
    Je vous remercie, monsieur le président. Le ministre est de retour pour la première fois depuis cette déclaration. Il peut se débrouiller. C'est un parlementaire d'expérience. C'est ma seule question à ce sujet.
    Monsieur le ministre, avez-vous terminé l'analyse concernant le Charte pour le projet de loi C‑39?
    Je ne suis pas certain où en sont les choses. Je vais vous revenir à ce sujet, monsieur Moore.
    Très bien. C'est important.
    Monsieur le ministre, je veux m'assurer que nous sommes sur la même longueur d'onde. Je sais qu'il nous arrive de ne pas être d'accord sur la bonne stratégie à adopter.
    Au sujet de la libération sous caution et de certaines des tragédies tout à fait évitables qui se sont produites parce qu'on a accordé à tort une libération sous caution à des récidivistes, vous avez dit que les Canadiens méritent de se sentir en sécurité. Je m'inquiète, parce que je pense que les Canadiens méritent plus que cela. Ils méritent la meilleure sécurité possible.
    Conviendriez-vous avec moi que les Canadiens ne méritent pas seulement de se sentir en sécurité, mais bien d'être en sécurité au pays?
    Bien sûr, j'ai dit publiquement — et je viens de le dire — que les Canadiens méritent d'être en sécurité.
    Vous avez dit qu'ils devraient se sentir en sécurité.
    Non, je l'ai dit de deux façons. Je peux reprendre ce que j'ai dit si vous le souhaitez, monsieur Moore.
    J'ai dit qu'ils méritent d'être en sécurité et de se sentir en sécurité. Les mesures que nous prenons et avons prises agissent au mieux pour produire cet effet. Je me suis engagé à travailler avec les provinces et avec vous tous autour de cette table pour apporter tout changement nécessaire au volet fédéral du régime de mise en liberté sous caution pour que les Canadiens soient et se sentent en sécurité.
    Monsieur le ministre, à la période des questions, nous vous entendons et entendons votre gouvernement parler du rôle des provinces dans ce dossier. Les provinces, toutefois... Nous devons veiller à ce que les Canadiens ne se fassent pas d'illusion. Les dispositions législatives qui entourent la libération sous caution au pays se trouvent dans le Code criminel. Les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux ont demandé d'une seule voix — ce qui est rare — au premier ministre d'apporter d'urgence des modifications importantes au Code criminel pour corriger les failles du système de mise en liberté sous caution, en particulier pour ce qui est des infractions liées aux armes à feu.
    Ce qui m'inquiète, quand on dit que nous avons tous un rôle à jouer, c'est qu'il revient à votre gouvernement, et c'est une question de volonté, de dire que certains délinquants, pour assurer la protection de la société canadienne, doivent demeurer derrière les barreaux et non pas être en liberté à récidiver pendant qu'ils attendent leur procès. Dans le cas de l'agent Pierzchala, c'est une tragédie que l'on aurait pu éviter.
    Écoutez-vous les 13 premiers ministres lorsqu'ils disent que votre gouvernement doit corriger les failles du Code criminel?
    Nous les écoutons assurément. Apporter des modifications au Code criminel est une option, monsieur Moore, comme vous le savez. Et comme vous le savez, le Code criminel prévoit déjà une inversion du fardeau de la preuve pour diverses infractions, y compris des infractions liées aux armes à feu. Nous avons assurément entendu la suggestion voulant que l'on tente de se concentrer sur les récidivistes. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, je suis ouvert aux suggestions à propos des récidivistes violents.
    On simplifie à outrance grandement en disant qu'il suffit d'apporter des modifications au Code criminel pour régler le problème. Le fait de travailler avec les provinces et les forces de police dans l'administration du système de libération sous caution présente aussi des défis. Nous sommes prêts à travailler avec nos homologues provinciaux et territoriaux, de même qu'avec les forces de police partout au Canada, pour nous assurer de mieux faire les choses là aussi. Cela relève en grande partie des provinces. Le fait est que nous devons travailler ensemble.
    Monsieur le ministre, en 2019, vous avez parlé du projet de loi sur la réforme de la mise en liberté sous caution, le C‑75, comme d'« une excellente mesure législative qui en fera beaucoup pour accroître l'efficience, l'équité et […] la rapidité au sein du système de justice pénale canadien. »
    Vous avez mentionné quelques statistiques. Si on croit Statistique Canada — et j'y crois —, les crimes violents et les meurtres liés aux gangs étaient en hausse à cette période. Au cours des cinq dernières années, la police de l'Ontario a constaté une augmentation de 72 % des cas de violence grave impliquant des prévenus remis en liberté après avoir déjà commis une infraction grave.
    Monsieur le ministre, on blâme votre gouvernement et le projet de loi C‑75 qui a rendu plus difficile de garder des individus et des récidivistes violents derrière les barreaux pendant qu'ils attendent leur procès. Acceptez-vous la critique que les premiers ministres provinciaux et territoriaux au pays vous adressent d'une seule voix? Ils disent que les modifications apportées au Code criminel par votre gouvernement ont nui à la sécurité publique.

  (1600)  

    Je n'accepte pas cela. Le projet de loi C‑75 a essentiellement intégré diverses décisions de la Cour suprême du Canada, qui faisaient déjà loi avant qu'il entre en vigueur. Le projet de loi C‑75 a ajouté l'inversion du fardeau de la preuve dans les cas de violence contre un partenaire intime, afin encore une fois d'aider les victimes dans ces situations.
    Les experts vous diront que la meilleure façon de renforcer le système de mise en liberté sous caution consiste à renforcer l'efficacité du système de justice pénale dans son ensemble. L'objectif principal du projet de loi C‑75 consistait à rendre l'ensemble du système plus efficace. Il n'a pas eu le temps encore de produire ses effets. Nous y travaillons toujours. Nous avons eu une pandémie depuis.
    Cela ne veut pas dire que le projet de loi C‑75 ne peut pas être amélioré. C'est la raison de notre présence ici. C'est, essentiellement, un bon projet de loi. Il a rendu plus difficile l'obtention d'une mise en liberté sous caution, et il n'a modifié aucun des principes de base qu'avait établis la Cour suprême à cet égard.
    Je vous remercie, monsieur Moore.
    Nous passons à Mme Diab pendant six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur le ministre et monsieur Taylor, je vous souhaite encore une fois la bienvenue à cette réunion où nous entamons notre étude sur une réforme du système de mise en liberté sous caution.
    Je tiens à vous souhaiter à vous, ainsi qu'au ministre de la Sécurité publique et à tous les ministres provinciaux et territoriaux une rencontre très productive vendredi. Je vous ai entendu dire que vous allez parler du sujet qui nous occupe aujourd'hui.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que de nombreux organismes et intervenants sont responsables du système de mise en liberté sous caution, et que nous avons tous un rôle à jouer. J'aimerais simplement que vous mentionniez ou précisiez à nouveau quels sont les différents organismes et intervenants qui sont responsables du bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution ici au Canada.
    Je vous remercie.
    C'est une question importante. M. Moore en a parlé un peu, mais je suis heureux de pouvoir en parler davantage.
    Bien entendu, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour ce qui est du Code criminel et des poursuites criminelles dans le cas d'autres infractions aux lois fédérales qui peuvent ne pas y être prévues, et nous avons assurément un rôle à jouer concernant des infractions précises dans le Code criminel et des poursuites liées à toutes les infractions dans les territoires.
    C'est le gouvernement fédéral qui s'occupe de cela, mais les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de l'administration de la justice dans le système canadien, si bien que la grande majorité des affaires criminelles sont traitées par les provinces et dans les tribunaux provinciaux. Les provinces sont responsables, en outre, des tribunaux supérieurs. Les provinces font beaucoup de travail.
    Bien entendu, les forces de police ont aussi un rôle à jouer, car elles procèdent aux arrestations et à la mise en détention. Un agent de police a le pouvoir discrétionnaire de détenir un individu. Encore une fois, la sécurité publique est le premier critère qui entre en jeu ici, soit le risque de fuite, le risque pour la sécurité publique, afin que, encore une fois, tous se sentent en sécurité. Si un agent de police opte pour la détention, c'est un juge ou un juge de paix qui entendra les motifs officiels lors de l'audience sur la libération sous caution.
    Différents acteurs jouent donc un rôle important et, bien entendu, il revient aux forces de police de faire respecter les dispositions et les conditions de la mise en liberté sous caution lorsqu'elles sont établies. Si ces conditions ne sont pas respectées, elles ont de nouveau un rôle à jouer.
    Une somme considérable de travail doit être faite en collaboration. La position que j'ai adoptée, de concert avec le ministre Mendicino et notre gouvernement, c'est que nous devons tous travailler ensemble pour que le système fonctionne mieux à tous les niveaux, et que, je le répète encore une fois, les Canadiens se sentent et soient en sécurité.

  (1605)  

    Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre.
    Vous avez parlé aussi de diverses initiatives prises par les provinces.
    En novembre, le gouvernement de la Colombie-Britannique a avisé les procureurs de la Couronne de demander aux juges de refuser la mise en liberté sous caution aux récidivistes violents qui attendent leur procès pour de nouvelles accusations de violence ou liées à une arme à feu. Pouvez-vous nous dire si d'autres provinces ou territoires ont mis en œuvre la même politique?
    De plus, qu'allez-vous dire aux ministres provinciaux et territoriaux lorsque vous allez les rencontrer vendredi? Que peuvent faire les provinces et les territoires pour appuyer les mesures prises par le gouvernement fédéral dans le dossier de la mise en liberté sous caution?
    Je vous remercie. C'est une excellente question.
    J'y serai principalement en tant qu'auditeur. J'ai déjà eu quelques échanges avec mes homologues provinciaux, mais nous voulons bien sûr connaître leur avis. La Colombie-Britannique a pris une initiative au sujet des récidivistes. C'est d'une importance capitale. Ils ont soulevé cette question dès le début, en octobre 2022. Ils se concentrent sur les récidivistes au sein du système de libération sous caution. C'est un point sur lequel nous pouvons assurément nous pencher. J'ai mentionné que le Manitoba était en train d'ajouter de nouveaux postes de procureurs à son système de mise en liberté sous caution, en particulier pour les crimes violents et les infractions commises avec des armes à feu. Je sais que l'Ontario envisage certaines mesures. Je n'ai pas encore tous les renseignements à ce sujet. J'espère que nous les obtiendrons.
    L'une des choses dont nous avons le plus besoin est d'obtenir de meilleures données. J'ai déjà parlé à mes homologues provinciaux de la nécessité d'obtenir de meilleures données, en particulier de la police et des tribunaux, dans la mesure du possible, afin de pouvoir nous faire une meilleure idée de la situation. Les données dont nous disposons actuellement sont contradictoires. Elles ne vont pas toujours dans le même sens. L'obtention de meilleures données nous aidera sur le plan stratégique.
    Nous devons en outre coordonner nos efforts avec les provinces. S'il s'agit effectivement des récidivistes, nous pourrons peut-être modifier le Code criminel fédéral pour préciser... Je ne sais pas s'il s'agirait d'une inversion du fardeau de la preuve ou de restrictions supplémentaires; nous verrons. Nous sommes ouverts à toute idée formulée de bonne foi concernant les récidivistes. Comme je l'ai dit, un certain nombre d'infractions commises avec des armes à feu sont déjà couvertes par des dispositions relatives à l'inversion du fardeau de la preuve. Pourrions-nous envisager d'autres mesures? Nous verrons, mais nous travaillerons avec les provinces et nous nous appuierons sur leur expérience sur le terrain en matière d'administration de la justice.
    Merci, monsieur le ministre.
    En tant que Canadienne de l'Atlantique, je suis curieuse de savoir si vous vous êtes entretenu avec des représentants des provinces de l'Atlantique.
    J'ai parlé à mon homologue de Terre-Neuve‑et‑Labrador. J'ai hâte d'entendre les autres vendredi.
    Merci, madame Diab.
    Nous passons maintenant à M. Fortin, qui aura six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vous entendais nous dire que l'administration de la justice relève des provinces et du Québec et, là-dessus, je pense que vous avez tout à fait raison. On s'entend pour dire que cela inclut notamment la construction de palais de justice, l'embauche de juges et de personnel ou encore la gestion des rôles.
    Toutefois, quand on parle de mise en liberté sous caution, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que tout le travail judiciaire doit se faire dans le respect le plus absolu des règles et des lois établies, s'agissant ici particulièrement du Code criminel?
    Oui, tout à fait. Nous avons cette responsabilité au fédéral. Évidemment, c'est une responsabilité que nous n'allons pas exercer seuls. Comme je l'ai dit, l'ancien projet de loi C‑75 était le produit d'une collaboration entre les provinces, les territoires et le fédéral, tout comme le projet de loi que nous avons adopté pour apporter des modifications au Code criminel concernant les règles de procédure pénale.
    Nous allons continuer sur cette voie. Il est aussi important de regarder les ressources dont les provinces disposent pour faire le travail, justement. Évidemment, nous sommes ouverts...

  (1610)  

    Monsieur le ministre, je suis désolé de vous interrompre, je sais que je suis impoli, mais vous savez comment cela fonctionne: nous avons un temps de parole est très limité.
    Ce que je comprends, c'est que vous êtes d'accord pour dire que les provinces, comme le Québec, et les territoires administrent tout le service judiciaire dans le respect le plus strict des dispositions du Code criminel.
    Vous dites que l'ancien projet de loi C‑75 était le fruit d'un travail de collaboration avec les provinces et les territoires. Je veux bien, mais cela demeure la responsabilité du gouvernement fédéral. C'est votre gouvernement qui a proposé le projet de loi C‑75 et qui supporte l'entièreté du Code criminel. Je suppose que ce dernier est à l'image de ce que votre gouvernement croit être les meilleures règles à appliquer en matière de justice pénale.
    Est-ce que je me trompe?
    Non, pas du tout. Vous avez raison et, comme je l'ai dit, ce n'est pas une responsabilité que nous exerçons seuls.
    Je comprends. Cependant, monsieur le ministre, nous sommes ici pour discuter des conditions de mise en liberté sous caution qui sont prévues au Code criminel.
    Excusez-moi, mais, en tout respect, je me demande si vous ne seriez pas en train d'éluder la question quand vous nous dites qu'il s'agit d'une responsabilité commune. Il y a les administrateurs de la justice que sont les provinces et territoires, il y a tout le personnel. Je veux bien, mais les règles que ces gens appliquent, ce sont les règles que vous dictez, monsieur le ministre.
    En conséquence, il m'apparaît intéressant de regarder ce que sont ces règles. Actuellement, nous discutons de la possibilité de modifier le régime de mise en liberté sous caution. Nous constatons que votre gouvernement a, ces derniers temps, libéralisé ces règles avec, entre autres, l'ancien projet de loi C‑75, devenu la Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, qui introduit le principe de l'entrave minimale. Selon ce principe, les juges doivent remettre un accusé en liberté à la première occasion, dans la mesure où certaines conditions sont remplies. Je veux bien.
    Ensuite, il y a eu la question des peines minimales qui ont été abolies pour plusieurs infractions, notamment celle de décharger une arme à feu intentionnellement. Cela a amené des accusés à dire que le législateur a décidé que ces crimes étaient moins importants, puisqu'il n'y a plus de peine minimale.
    Il en va de même dans le cas des agressions sexuelles, où les peines avec sursis sont maintenant permises.
    À mon humble avis, tout cela crée un climat — et vous me corrigerez si je me trompe — de liberté un peu plus grande et de rigueur moindre pour les accusés d'agressions criminelles. Après avoir regardé tout cela, croyez-vous que nous devrions, au contraire, être un peu plus rigoureux dans les modifications à apporter au régime de mise en liberté provisoire, être un peu plus réticents à l'élargir, et tenter de revenir à certaines peines minimales et peines avec sursis, entre autres, pour éviter les dérapages comme ceux que nous avons vus au cours des derniers mois?
    Merci de la question.
    Je suis très content de vous corriger.
    En fait, les peines minimales n'ont pas fonctionné; c'est un échec total du gouvernement conservateur. Les peines avec sursis existent pour combattre la surreprésentation des personnes noires et des personnes autochtones dans le système de justice. Les crimes graves méritent toujours des conséquences graves. Cependant, dans notre système, nous accordons une certaine marge de manœuvre aux juges pour appliquer la loi.
    La Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois n'est pas à l'origine du principe voulant qu'une personne soit présumée innocente jusqu'à ce qu'elle soit reconnue coupable. Ce principe est le fondement du droit à la présomption d'innocence pour la liberté sous caution, comme l'a dit la Cour suprême. Donc, cette loi avait pour but d'encadrer les principes de la common law et de la Charte tels qu'interprétés par la Cour suprême du Canada. Elle n'a pas changé la base ou la majorité des règlements entourant la liberté sous caution.

  (1615)  

    Merci, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lametti et monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci au ministre d'être présent.
    J'ai déjà dit que le système de libération sous caution suscitait selon moi trois niveaux de préoccupation différents. Nous parlons évidemment de l'inquiétude légitime du public au sujet des délinquants violents qui récidivent alors qu'ils sont en liberté sous caution. Nous parlons également d'un grand nombre de récidives de faible gravité, ou de ce que j'appelle des infractions contre l'ordre public, qui constituent une menace réelle à la sécurité de certaines personnes. Le troisième point, dont je ne pense pas que nous parlions, est la surreprésentation des personnes marginalisées, y compris des Autochtones, en détention avant jugement. En six minutes, je ne peux pas vous poser de questions sur ces trois sujets. Je pense que nous entendrons beaucoup d'autres témoins qui pourront nous expliquer pourquoi l'absence de programmes de santé mentale et de programmes de lutte contre la toxicomanie engendre un grand nombre d'infractions contre l'ordre public de faible gravité. C'est pourquoi je souhaite vous interroger sur les deux autres points.
    En ce qui concerne votre ouverture à la création d'autres infractions entraînant l’inversion du fardeau de la preuve, je suis frappé par le fait que la détention illégale d'armes à feu et de munitions soumises à des restrictions et à des interdictions n'entraîne actuellement pas l'inversion du fardeau de la preuve. Dans le langage courant, le fait de porter une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée dans un lieu public ne constitue pas une infraction entraînant l'inversion du fardeau de la preuve. Le gouvernement serait‑il prêt à ajouter cette infraction à cette liste?
    Merci pour votre question.
    Nous sommes tout à fait disposés à envisager cet ajout. Nous allons rencontrer nos homologues provinciaux de bonne foi et déterminer quels changements nous pourrions apporter. N'oubliez pas que nous travaillons dans le contexte de la Charte. Si le fardeau de la preuve est inversé, il est très probable qu'à un moment donné, nous atteignons un point de bascule et que les tribunaux ne donnent pas leur appui parce qu'ils estimeront que le droit de la personne à la liberté sous caution a été violé. Nous sommes toutefois tout à fait disposés à examiner cette question de bonne foi.
    Je crois que les tribunaux ont confirmé l'inversion du fardeau de la preuve dans tous les cas qui leur ont été soumis jusqu'à présent.
    C'est exact, mais comme je l'ai dit, il se peut qu'à un moment donné nous atteignions un point de bascule.
    D'accord.
    Parallèlement, nous constatons une surreprésentation des personnes marginalisées dans les centres de détention, et je pense que les gens oublient parfois que ces personnes sont innocentes et n'ont pas été condamnées pour quoi que ce soit, et que lorsqu'elles sont placées en détention avant le procès, elles n'ont généralement accès à aucun programme. Il n'y a ni services de counseling, ni programmes de lutte contre la toxicomanie. Elles n'ont accès à rien pendant qu'elles attendent leur procès, et en raison de la façon dont notre système fonctionne, cela peut durer des mois et des mois.
    Je sais que cette responsabilité ne revient pas uniquement au gouvernement fédéral, mais je pense que nous sommes confrontés à un problème de manque de programmes communautaires de surveillance de la mise en liberté sous caution qui permettraient à des personnes qui ne devraient pas nécessairement être en détention d'être libérées sous caution et de conserver leur emploi, leur logement et la garde de leurs enfants en faisant l'objet d'une surveillance adéquate. Que pense le gouvernement fédéral de ce manque dans de nombreuses communautés, en particulier dans les communautés rurales et éloignées?
    Encore une fois, nous sommes tout à fait disposés à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour envisager ce type de solution à l'avenir.
    J'estime que nous devons examiner toutes les composantes du système. La plupart des personnes incarcérées attendent en fait leur procès. Ces personnes sont toutes légalement innocentes à ce stade. Un certain nombre d'entre elles ne sont pas nécessairement innocentes dans les faits — nous le savons —, mais un grand nombre d'entre elles le sont et un grand nombre d'entre elles sont légalement innocentes. Nous avons la responsabilité de travailler à la création de ce type de programmes.
    Encore une fois, vous n'êtes pas censé obtenir une libération sous caution si vous présentez un risque de fuite, si vous représentez une menace pour la société, ou s'il existe tout autre motif qui pourrait jeter le discrédit sur l'administration de la justice. La plupart des gens n'entrent pas dans cette catégorie. Par conséquent, nous devons collaborer avec les provinces et les territoires pour nous assurer que notre système fonctionne, non seulement en ce qui concerne les cautions elles-mêmes, mais aussi pour les personnes qui attendent leur procès au sein de leur communauté, en essayant de les maintenir au sein de leur communauté d'une manière qui soit sûre pour tout le monde et productive pour l'avenir.
    Le projet de loi C‑75 visait notamment à établir un meilleur lien entre les conditions de mise en liberté sous caution et les infractions commises.
    Nous constatons souvent que les conditions de mise en liberté sous caution conduisent à des infractions, et que les personnes sont de plus en plus étroitement intégrées dans le système à chaque fois que cela se produit. Très souvent, l'abstinence de drogues ou d'alcool fait encore partie des conditions de mise en liberté sous caution, et nous savons que les personnes toxicomanes ne peuvent pas respecter cette condition. Selon vous, comment pourrions-nous aborder ce problème étant donné que le projet de loi C‑75 s'est engagé dans cette voie?
    Je pense que nous devons continuer d'essayer de mettre en œuvre le projet de loi C-75. Une partie de ce projet de loi visait précisément à s'assurer que les conditions de mise en liberté sous caution étaient liées aux objectifs du système, qui étaient d'assurer la sécurité des Canadiens et de prévenir la récidive. Nous devons poursuivre dans cette voie.
    Nous avons également essayé de faire en sorte que les infractions contre l'administration de la justice ne deviennent pas une raison pour que quelqu'un entre dans le système de libération sous caution et le système carcéral d'une manière qui ne garantisse pas la protection des personnes. Cette situation a eu une incidence sur les Autochtones et les autres Canadiens racisés.
    Nous devons commencer par mettre en œuvre les réformes du projet de loi C-75, puis réévaluer la situation et voir où nous en sommes.

  (1620)  

    Parfait. Merci.
    Merci, monsieur Garrison.
    Nous passons au tour suivant. Nous commençons avec M. Caputo, qui aura cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence, monsieur le ministre. C'est toujours un plaisir de vous recevoir.
    Avez-vous dit aujourd'hui au Comité que vous pensiez que le projet de loi C‑75 rendait la liberté sous caution plus difficile à obtenir? Ai‑je bien compris?
    Il reprend un certain nombre de décisions prises par la Cour suprême et rend la libération sous caution plus difficile à obtenir dans les cas de violence entre partenaires intimes.
    D'accord. Êtes-vous en train de dire que moins de personnes auraient dû être libérées sous caution en vertu du projet de loi C‑75? Est‑ce votre position?
    Non, pour ce qui est des infractions graves, le projet de loi C‑75 n'a rien changé. Il a rendu les choses plus difficiles dans les cas de violence entre partenaires intimes.
    Le projet de loi C‑75 a tenté de... Dans le cas des infractions contre l'administration de la justice, comme le fait de manquer une audience de mise en liberté sous caution, ces types d'infractions mineures ne devaient pas constituer un point d'entrée plus important dans le système de justice pénale.
    D'accord, mais pour ce qui est des infractions graves, nous pouvons convenir que depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C‑75 et au cours des cinq ou six dernières années — sept ou huit dernières années, en fait — un plus grand nombre de personnes ont été libérées sous caution alors qu'elles avaient commis des infractions graves.
    Êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Les statistiques sont contradictoires. Je pense que les statistiques de la police de Toronto pour les années 2019 à 2021 sont assez exactes.
    D'accord, vous les avez citées. Elles sont exactes, mais il y avait aussi une pandémie à ce moment‑là, monsieur le ministre. Les prisons étaient surpeuplées et les gens craignaient d'y attraper la COVID. Nous devons comparer des éléments comparables. En situation de pandémie, les choses sont très différentes.
    Des policiers vous ont‑ils dit qu'il était plus facile de maintenir les criminels violents en détention? Des policiers vous l'ont‑ils dit ces dernières années?
    Là encore, les statistiques et les discours se contredisent...
    Je ne parle pas des statistiques, monsieur le ministre.
    J'ai dit que l'obtention de meilleures données était selon moi une priorité importante. Nous travaillons avec les provinces pour obtenir de meilleures données.
    Je demande ce qui se passe dans la rue. Si vous voulez savoir ce qui se passe, interrogez les personnes concernées.
    Les policiers sur le terrain vous disent‑ils, monsieur le ministre de la Justice, qu'il est aujourd'hui plus difficile d'obtenir une libération sous caution qu'il y a cinq ans?
    Je m'attends à entendre un certain discours de la part des policiers, qui font très bien leur travail. D'autres acteurs du système ont un discours contradictoire.
    Monsieur le ministre, je ne vous interroge pas sur les discours. Je vous demande ce que vous disent les policiers.
    Les personnes qui risquent leur vie chaque jour pour assurer notre sécurité ne vous disent-elles pas que c'est trop facile? Des personnes qui devraient être détenues sont libérées sous caution. N'est‑ce pas ce que vous disent les policiers?
    Nous sommes à l'écoute des dirigeants des services de police de tout le Canada. Ils ont recommandé un certain nombre d'options.
    Ils ont également recommandé certaines mesures — l'inversion du fardeau de la preuve — qui figurent déjà dans le Code criminel. Nous sommes très à l'écoute de ces recommandations et nous travaillons en collaboration pour trouver une solution.
    Monsieur le ministre, voici le problème: l'agent Pierzchala a été tué le 27 décembre. Avant ces événements, pendant des mois, à la Chambre des communes, des députés ont répété, jour après jour, que le système de capture et de remise en liberté ne fonctionnait pas. Vous vous présentez aujourd'hui devant le Comité et vous nous dites que vous travaillez sur ce sujet.
    J'ai élaboré le projet de loi C‑313 dans les deux semaines qui ont suivi. Vous avez une armée de juristes et de conseillers politiques derrière vous, mais vous n'avez pas encore agi. Je trouve que c'est décourageant.
    En ce qui concerne le projet de loi C‑313, monsieur le ministre, je sais que vous avez dit que vous étiez prêt à collaborer avec moi. Je n'ai pas encore reçu d'invitation. Êtes-vous prêt à inviter les partis de l'opposition à travailler avec vous sur ce point?
    Oui.
    Permettez‑moi de répondre à l'autre partie de votre question, puisque vous avez soulevé ce sujet. Il est tout à fait faux de dire que nous n'avons pas travaillé sur ce sujet. Depuis octobre, au niveau des sous-ministres, nous travaillons avec les provinces et les territoires sur la réforme de la mise en liberté sous caution, pour déterminer ce que nous pourrions faire.
    Oui, la mort de l'agent Pierzchala est une tragédie, d'autant plus que l'auteur de l'infraction était sous le coup d'un mandat d'arrêt, et qu'il avait donc enfreint...

  (1625)  

    Il était sous le coup d'un mandat d'arrêt après révision de sa mise en liberté sous caution. Ne coupons pas les cheveux en quatre. Il a été libéré par un juge.
    Puis‑je répondre à votre question?
    Non, nous devons citer les faits.
    Oui, il y a eu plusieurs audiences. Il avait contrevenu à la dernière ordonnance qu'il avait reçue, et il est regrettable que cette tragédie se soit produite.
    C'est plus que regrettable.
    Il est catégoriquement faux, monsieur Caputo, de dire que nous ne travaillons pas sur cette question. Nous y travaillons. Nous y travaillons avec les provinces et les territoires. En fait, nous allons nous réunir vendredi.
    Il me reste 30 secondes, monsieur le ministre. Je vais vous poser la question suivante: À quand remonte la dernière fois que vous avez assisté personnellement à une audience de mise en liberté sous caution, afin de voir ce qui se passe sur le terrain?
    Cette question n'est pas pertinente.
    Non, elle est tout à fait pertinente, monsieur le ministre.
    Je suis actuellement député, ministre de la Justice et procureur général. Je dois m'acquitter d'un certain nombre de tâches différentes. Je m'appuie sur l'expertise des membres de mon ministère.
    Vous êtes le ministre de la Justice. Vous devriez observer les choses par vous-même, monsieur.
    Je les observe très attentivement, monsieur Caputo.
    Merci, monsieur Caputo.
    Nous passons maintenant à Mme Brière, qui aura cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre. C'est toujours un plaisir de vous recevoir.
    Vous aviez raison de dire tantôt qu'il n'y a pas de réponse facile à un enjeu aussi complexe. Je suis très préoccupée par la protection des victimes, ainsi que par leur sécurité et celle de la population.
    Je m'intéresse à plus d'un volet. J'aimerais d'abord que vous nous disiez ce que l'ancien projet de loi C‑75 a accompli et comment il s'est aligné sur la jurisprudence de la Cour suprême. Par ailleurs, vous avez répondu tantôt à un de nos collègues qu'il ne fallait pas oublier que nous sommes dans un contexte où il nous faut tenir compte de la Charte. Enfin, nous n'avons pas beaucoup parlé de la présomption d'innocence.
    Merci beaucoup pour cette question.
    Comme je l'ai dit, le projet de loi C‑75 était le résultat d'une étroite collaboration entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. Nous avons rassemblé les meilleures idées de l'époque pour la réforme du système de droit pénal, y compris le système de mise en liberté sous caution. Ce projet de loi a aussi permis d'encadrer plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada, notamment sur la mise en liberté sous caution. En ce sens, le projet de loi n'a pas changé la base — l'architecture, si on veut — du système, ni la réglementation la plus importante, mais a plutôt clarifié les principes établis par la Cour suprême du Canada.
    Il a aussi fallu aborder la question de la surreprésentation des peuples autochtones et des Noirs dans le système, surtout en ce qui concerne les infractions mineures comme celles contre l'administration de la justice, par exemple dans le cas d'une personne qui manque une réunion ou une audience à cause de la distance. Nous avons aussi harmonisé les critères et les conditions avec les vrais problèmes. Cette réforme a été bien accueillie par les provinces et les territoires à l'époque.
    Évidemment, certaines situations qui viennent d’être mentionnées représentent un défi. Nous sommes prêts à réexaminer le tout afin de voir comment améliorer la législation.
    Merci. Que répondez-vous à quelqu'un qui vous dit que le projet de loi C‑75 aurait affaibli le système de caution?
    C'est carrément faux. Comme je l'ai dit, surtout pour l'exemple des crimes graves avec arme à feu, nous avons encadré les principes de la Cour suprême. Le fardeau de la preuve avait déjà été renversé dans de tels cas, et nous avons aussi appliqué ce renversement aux cas de violence entre partenaires intimes. Pour des cas sérieux, il était difficile d'obtenir une libération sous caution avant la réforme, et c'est encore plus difficile maintenant.
    Je crois que le projet de loi s'est avéré positif et valable. Nous cherchons maintenant à voir si nous pouvons l'améliorer.

  (1630)  

    Que fait le gouvernement pour lutter contre la violence entre partenaires intimes et pour protéger les victimes de leur partenaire violent?
    L'ancien projet de loi C‑75 a prévu un renversement du fardeau de la preuve pour aider les victimes et rendre plus difficile l'accès à une mise en liberté sous caution.
    Puisque nous cherchions aussi d'autres possibilités, nous avons également mieux expliqué certaines définitions de la violence sexuelle dans l'ancien projet de loi C‑51. De plus, dans le cadre de l'ancien projet de loi C‑3, nous avons prévu une meilleure formation des juges sur la façon d'aborder les questions liées à la violence entre partenaires intimes et à l'agression sexuelle.
    Nous soutenons pleinement les victimes partout au Canada grâce à nos programmes et nous sommes toujours disposés à apporter d'autres changements en matière de violence entre partenaires intimes. Je sais notamment qu'un certain député, ici présent, a proposé un projet de loi en ce qui concerne le contrôle coercitif et j'ai publiquement déclaré que je l'appuierais. Par ailleurs, il est très important de définir les infractions de façon simple aux victimes qui font face à une telle situation.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, madame Brière.
    Nous allons maintenant procéder à deux tours de deux minutes et demie, et nous commencerons par M. Fortin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai deux minutes et demie, monsieur le ministre.
    D'abord, je suis tout à fait d'accord avec le principe de laisser une certaine latitude aux juges. Je fais confiance à notre système judiciaire. J'aime aussi le fait que nous avons déjà adopté des dispositions pour améliorer la formation des juges dans différents domaines. Tout cela, c'est de la tarte aux pommes, personne ne peut s'y opposer.
    Il n'en demeure pas moins que le législateur envoie des messages aux tribunaux. Quand un juge s'apprête à appliquer des dispositions juridiques, il se fie à ce que le législateur en pense et a écrit. Vous savez comme moi qu'à de nombreuses reprises, ce juge doit interpréter les textes législatifs.
    Comme je le disais tantôt, nous sommes dans une période où on libéralise certaines choses. Ainsi, avec l'adoption du projet de loi C‑5 , on a aboli les peines minimales pour des crimes graves comme, par exemple, le fait de décharger une arme à feu avec intention. On a aussi aboli les peines minimales dans les cas d'agression sexuelle. Le message que cela envoie à nos tribunaux m'apparaît un peu contre-productif.
    Ne croyez-vous pas qu'il pourrait être sage de revenir à des peines minimales dans le cas de ces infractions? Cela pourrait faire qu'il n'y ait plus de peines avec sursis, purgées à domicile, notamment dans des cas d'agression sexuelle, tout en permettant aux juges de déroger aux peines minimales obligatoires dans des circonstances exceptionnelles. Le tribunal serait alors tenu de justifier ces circonstances exceptionnelles et toute peine qui dérogerait aux principes de la peine minimale. Ce faisant, nous éviterions les peines avec sursis, nous rassurerions la population et nous enverrions aux tribunaux le message clair que nous prenons ces infractions très au sérieux.
    Pour en revenir à la question des libérations conditionnelles, cela n'aiderait-il pas les tribunaux à mieux cerner la portée des infractions commises?
    Merci pour ces questions.
    Un juge n'est jamais tenu de donner une peine minimale. Il peut aller à l'autre extrémité du spectre. C'est la même chose pour...
    Il ne peut pas imposer moins qu'une peine minimale, monsieur le ministre.
    Non, mais il peut aller dans l'autre direction.
    Oui, mais nous ne parlons pas de cela.
    Non, mais c'est très important à comprendre.
    Monsieur le ministre, je n'ai que quelques secondes.
    C'est sérieux. Ce que nous avons changé vise les infractions avec armes de chasse. Nous n'avons pas touché aux infractions impliquant des armes prohibées ou liées au crime organisé. Ce message est très clair et, avec le projet de loi C‑21, nous sommes même en train d'augmenter les peines maximales pour les infractions avec arme à feu liée au crime organisé, notamment. Il ne s'agit donc que d'un petit nombre d'infractions concernant les armes de chasse.
    Je crois que le message est assez clair: les crimes graves méritent des conséquences graves et les juges ont cette option en tout temps.

  (1635)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Lametti.
    Merci, monsieur Fortin.
    Monsieur Garrison, vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le ministre d'avoir exprimé son appui à mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C‑202, sur la conduite contrôlante ou coercitive. J'ai également travaillé en étroite collaboration avec la députée de Victoria, Laurel Collins. Notre engagement, à titre de néo-démocrates, est de présenter bientôt ce projet de loi au Parlement, d'une façon ou d'une autre. Je vous remercie donc de l'avoir mentionné.
    J'aimerais revenir directement sur la question des audiences sur le cautionnement. L'une des choses dont j'entends parler, c'est que, souvent, ceux à qui l'on demande de prendre des décisions ne disposent pas de tous les renseignements. L'article 518 du Code criminel permet aux procureurs de présenter des éléments de preuve concernant des infractions antérieures et d'autres circonstances pertinentes, mais il ne les y oblige pas.
    Là encore, l'une des réformes proposées consiste à modifier le Code criminel pour exiger que, lors de chaque audience sur le cautionnement, le juge dispose de renseignements sur les infractions antérieures commises par la personne qui demande à être libérée sous caution. Est‑ce le genre de chose que le gouvernement serait prêt à envisager dans le cadre de la réforme du système de mise en liberté sous caution?
    Certainement. Tout ce qui peut aider à prendre une meilleure décision, en particulier lorsque la sécurité du public est en jeu... J'estime également qu'il serait intéressant de voir si les victimes peuvent jouer un rôle dans la détermination de la mise en liberté sous caution au regard des éléments de preuve qui sont présentés.
    Encore une fois, ce que nous essayons de faire, c'est de garder l'esprit ouvert aux réformes positives qui peuvent être apportées pour assurer la sécurité du public, prévenir la récidive et protéger les victimes et les collectivités, mais aussi pour éviter d'incarcérer quelqu'un qui ne présente aucun de ces risques pour la société.
    Je le répète, nous avons beaucoup de données empiriques — du moins, dans ma collectivité —, sur les conditions qui continuent d'être imposées, comme les couvre-feux, l'interdiction de se trouver dans certains quartiers d'une ville ou l'interdiction de s'associer à certaines personnes. Voilà qui établit des conditions impossibles à respecter, en particulier pour ceux qui sont sans abri ou qui ont des problèmes de santé mentale.
    Un des membres de mon personnel était auparavant travailleur social et devait s'occuper du cas d'une personne dont les problèmes de santé mentale l'empêchaient carrément de lire l'heure correctement et qui était pourtant obligée de se présenter à une certaine heure tous les jours. Nous continuons à imposer ce genre de conditions, qui mènent à de nouveaux démêlés avec la justice.
    Selon l'esprit du projet de loi C‑75, de telles conditions ne devraient pas être imposées. Il faudrait éviter tout ce qui n'est pas lié, de quelque manière que ce soit, au crime ou à d'autres normes comme la récidive, la sécurité publique, etc.
    Nous devons continuer de travailler à la mise en œuvre du projet de loi.
    Merci, monsieur Garrison.
    Merci à MM. Lametti et Taylor d'avoir été des nôtres. Encore une fois, c'est toujours un plaisir de vous recevoir.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant une minute ou deux, le temps que nos prochains témoins se joignent à nous. Je crois que l'un d'eux est en ligne et les deux autres se trouvent au fond de la salle.

  (1635)  


  (1640)  

    Nous sommes de retour pour poursuivre l'étude sur le système canadien de mise en liberté sous caution.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue au surintendant principal Sydney Lecky, commandant de la Division G de la Gendarmerie royale du Canada. Je crois que vous vous joignez à nous par vidéoconférence depuis la magnifique Colombie-Britannique. Non, excusez-moi, vous êtes dans les Territoires du Nord-Ouest. Je me suis trompé. J'étais un peu emballé à l'idée que ce soit la Colombie-Britannique, mais il s'agit là de la Division E. Vous représentez la Division G.
    Nous accueillons également le chef du service de police de Brantford, Robert Davis. Merci d'être parmi nous.
    Enfin, nous recevons le chef du service de police des Six Nations, Darren Montour. Je vous souhaite la bienvenue.
    Nous sommes tous heureux de vous accueillir. Vous disposez chacun de cinq minutes, après quoi nous passerons, comme d'habitude, à la période des questions.
    Commençons par le surintendant principal Lecky, le commandant des Territoires du Nord-Ouest.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité aujourd'hui, avec mes collègues des forces de l'ordre, dans le cadre de votre étude sur le système canadien de mise en liberté sous caution.
    Je suis le surintendant principal Syd Lecky, membre de la Gendarmerie royale du Canada et commandant de la Division G dans les Territoires du Nord-Ouest. En tant que membre de la nation des Peskotomuhkati, je tiens à souligner que je me joins à vous aujourd'hui depuis le territoire du chef Drygeese de la Première Nation des Dénés Yellowknives.
    J'occupe mon poste actuel depuis octobre 2022, avant quoi j'étais l'officier responsable du détachement de la GRC de Kamloops, étant chargé des services de police de la ville de Kamloops, mais aussi d'une vaste région rurale comprenant trois communautés des Premières Nations.
    La GRC est favorable à une approche équilibrée de la réforme du système de mise en liberté sous caution qui tienne compte de la sécurité de la communauté et des agents, de la surreprésentation des personnes racisées dans les prisons et du droit de l'accusé d'être présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. Je suis ici aujourd'hui pour vous faire part de certaines des répercussions sur nos communautés, répercussions qui mettent en évidence la nécessité d'une réforme du système de mise en liberté sous caution afin d'atténuer non seulement les risques pour la sécurité du public, mais aussi ceux pour la sécurité des agents, causés par la mise en liberté sous caution de délinquants violents et de récidivistes dans nos communautés en attendant leur procès.
    La GRC ne connaît que trop bien les incidents et les risques que les délinquants violents chroniques peuvent présenter pour la sécurité du public et des agents. Au cours de la dernière décennie, la GRC a été témoin du meurtre de l'agent David Wynn et, plus récemment, de l'agente Shaelyn Yang par des délinquants violents chroniques.
    Les informations obtenues auprès de l'une de nos 11 divisions qui fournissent des services de police de première ligne ont révélé que sur les 91 homicides commis dans cette division au cours des trois dernières années, 44, soit 48 %, des personnes accusées étaient soumises à des conditions imposées par la police ou le tribunal.
    Il y a un peu plus d'une semaine, un membre s'est fait tirer dessus lors d'un contrôle routier et a échangé des coups de feu avec le suspect. L'accusé avait été libéré deux semaines auparavant, moyennant une caution en espèces de 1 500 $, assortie de la condition de ne pas posséder d'arme. Les accusations en suspens comprenaient un crime violent et quatre infractions liées aux armes à feu.
    Sans vouloir minimiser l'importance des crimes violents, c'est l'effet de ce que l'on appelle communément les crimes mineurs ou les crimes contre la propriété qui touche le plus les citoyens de plusieurs de nos communautés.
    J'ai rencontré des maires, des conseils des Premières Nations, des associations d'amélioration des affaires et des groupes communautaires qui ont exprimé un sentiment d'anarchie. Ils s'interrogent régulièrement sur les raisons pour lesquelles les délinquants sont arrêtés et relâchés à plusieurs reprises pour ensuite récidiver. L'expression « attraper et libérer » est souvent utilisée pour décrire ce cycle. Le message principal est le suivant: ce qui est considéré comme un crime mineur pour certains ne l'est pas pour beaucoup de gens qui sont victimisés à plusieurs reprises. Cela se fait souvent à grands frais pour les entreprises qui expriment leur colère et se sentent abandonnées.
    Ce cycle répété d'arrestations et de remises en liberté a eu une incidence importante sur de nombreuses personnes impliquées dans le système judiciaire, ajoutant des charges de travail à la police, au personnel de bureau et à tous les participants qui doivent traiter les volumes de documentation qui en découlent. Bon nombre de ces coûts de maintien de l'ordre sont assumés par la communauté.
    J'ai également observé que les accusations liées à l'administration de la justice qui accompagnent les récidivistes font rarement l'objet de poursuites lorsqu'elles sont recommandées par la police. Il s'agit notamment des accusations de bris d'engagement, de non-respect des conditions de la probation et de non-comparution. Ce sont les principaux motifs prévus par le Code pénal pour justifier la détention. Dans une ville, 50 % des accusations de manquement à un engagement ont été suspendues, retirées ou rejetées au cours des trois dernières années.
    Comme le soulignent les recommandations de différentes associations de police, la réforme du système de mise en liberté sous caution offre la possibilité de resserrer les règles sur le recours aux cautions, d'élargir le recours aux conditions de renversement du fardeau de la preuve pour les délinquants et d'étendre l'utilisation de la surveillance électronique lorsque cela est possible.
    En vertu des ententes sur les services de police, la GRC fournit des services de police de première ligne à environ 22 % de la population du Canada sur environ 75 % de la superficie terrestre du pays. Cela comprend les services de police pour un grand nombre de nos communautés autochtones. Dans cette optique, la GRC accueillerait favorablement une approche holistique de la réforme du système de mise en liberté sous caution, c'est‑à‑dire une approche qui tient compte des traumatismes. D'après notre expérience, ce sont souvent les membres de nos communautés autochtones et marginalisées qui sont les plus menacés par les délinquants violents, souvent dans des collectivités éloignées et isolées.
    Je vous remercie, et j'attends vos questions avec impatience.

  (1645)  

    Merci, monsieur le surintendant principal.
    Nous allons maintenant entendre le chef Robert Davis. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui pour parler du sujet très important qu'est la réforme du système de mise en liberté sous caution.
    Je m'appelle Rob Davis. Je suis le chef du service de police de Brantford. Je suis très fier d'être un Mohawk des Six Nations de la rivière Grand. C'est là que j'ai grandi.
    Tout au long de ma carrière de policier, j'ai eu l'occasion de travailler auprès de plusieurs organisations policières partout en Ontario, dans l'extrême nord-ouest, dans les communautés isolées de la Nation nishnawbe-aski. Ma carrière m'a également conduit en Alberta, où j'ai travaillé au sein du service de police régional de Lethbridge avant de revenir en Ontario. J'ai également été détaché auprès de la GRC pendant cinq ans. Cela m'a amené à parcourir le pays pour former des chefs de police. Au cours de ma carrière, j'ai pu acquérir une vision unique de la manière dont le système judiciaire fonctionne dans les différentes provinces.
    J'ai aussi consciemment, dans chacun de mes déplacements, opté pour des postes où je pouvais continuer de jouer un rôle actif auprès des services de police autochtones, que ce soit dans des réserves ou en milieu urbain. J'aimerais mettre à contribution mon expérience dans le cadre de nos discussions sur la réforme du système de mise en liberté sous caution parce que j'ai pu constater jusqu'à quel point les principes de l'arrêt Gladue — principes qui devaient initialement servir à la détermination de la peine — ont maintenant une incidence sur le système de mise en liberté sous caution, et je dirais, pour être tout à fait franc, qu'on en abuse. Il est beaucoup trop facile pour un accusé de prétendre qu'il est d'origine autochtone et de demander ainsi que ces principes soient pris en considération. J'ai également observé que, dans le système de mise en liberté sous caution, il y a bien souvent un manque d'examen des cautions qui sont proposées, ce qui est devenu problématique.
    La mort de l'agent Greg Pierzchala est très tragique. Dans la première partie de la séance, M. Caputo a voulu savoir ce qu'en pensaient les policiers sur le terrain. Je vais vous donner un exemple de ce qui se passe. Vous pouvez ainsi l'entendre de première main.
    Le 12 février, à Brantford, en Ontario, dans la communauté que je sers, nos agents ont reçu un appel anodin — quelqu'un s'était évanoui dans un taxi — à 4 h 45 du matin. À leur arrivée, ils ont réveillé l'individu. Ils l'ont identifié et ont découvert qu'il faisait l'objet d'une ordonnance de mise en liberté datant du 12 janvier 2023. L'individu devait se trouver dans la résidence en tout temps, selon les conditions de sa mise en liberté sous caution. Il s'agissait donc d'une violation flagrante. Lors de la fouille qui a suivi l'arrestation, une arme à feu chargée a été trouvée dans sa poche. L'arme était entièrement chargée, et des munitions supplémentaires étaient facilement accessibles. L'individu a été détenu en vue d'une audience sur le cautionnement. Aux dernières nouvelles, il a été libéré.
    Ce qui m'a fait froid dans le dos, c'est que cet endroit se trouve littéralement à 35 kilomètres du lieu où Greg Pierzchala a été tué. Il faut compter 20 minutes de route — 10 minutes, avec les gyrophares et les sirènes, si nous avons de la chance. Il est donc révoltant qu'un tel incident se soit produit 47 jours après sa mort.
    Le commissaire Carrique a déclaré que la mort de Greg aurait pu être évitée, et voilà que 47 jours plus tard, mes agents répondent à un appel à 4 h 45 du matin dans une ville-dortoir à proximité de la région du Grand Toronto. Il y a beaucoup de gens qui se déplacent à cette heure de la journée, et voilà qu'un individu, que le système judiciaire a mis en liberté sous caution, porte une arme à feu chargée à bloc. Ne perdons pas de vue que son lourd passé criminel comprend de nombreuses infractions liées aux armes à feu, des actes de violence et une interdiction à vie. Les circonstances de cet individu sont étrangement semblables à celles de McKenzie, la personne impliquée dans la mort de l'agent Pierzchala.
    Monsieur Caputo, vous avez demandé tout à l'heure ce qu'en pensent les policiers: le système est brisé. Des individus de ce genre sont remis en liberté alors qu'ils sont détenus en vue d’une audience sur le cautionnement. En tant que policiers, nous faisons notre travail — nous essayons de faire notre travail — et ensuite, lorsque nous faisons comparaître ces gens devant les tribunaux pour obtenir un cautionnement, pour qu'ils soient maintenus en détention, ils sont constamment relâchés.
    Ce qui est également préoccupant, c'est que les gens voient ce qui se passe. Les citoyens, les contribuables du pays voient cela. Ils perdent confiance dans le système. Les citoyens me disent sans cesse qu'ils perdent confiance dans le système judiciaire. Ma plus grande crainte, c'est que cette situation risque de provoquer le phénomène du justicier en incitant les gens à prendre les choses en main pour se sentir en sécurité.
    Je suis impatient de répondre à vos questions.

  (1650)  

    Merci, chef Davis.
    Nous passons maintenant au chef Darren Montour. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
    J'appuie sans réserve une grande partie des propos du chef Davis. Lui et moi travaillons ensemble pour assurer le maintien de l'ordre sur le territoire des Six Nations. J'ai grandi là‑bas. J'ai passé toute ma carrière sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand. Je suis Mohawk. J'appartiens au clan du Loup. La sécurité de ma communauté me tient beaucoup à cœur. Comme l'ont dit le chef Davis et M. Caputo, le système est brisé.
    Je pense à la mort de Greg Pierzchala, survenue le 27 décembre 2022. Je ne connaissais pas ce jeune homme, mais il travaillait avec mes jeunes agents. L'un des policiers qui travaillaient ce jour‑là était mon neveu. Il venait de commencer à travailler sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand. Il avait fait le nécessaire, dès son adolescence, pour devenir policier. Le fils de notre chef adjoint par intérim travaillait également ce jour‑là. Par conséquent, un des agents des Six Nations aurait très bien pu perdre la vie ce jour‑là dans des circonstances aussi tragiques.
    J'aimerais, moi aussi, parler des facteurs liés à l'arrêt Gladue. Comprenons-nous bien. Si l'on regarde l'historique de l'arrêt Gladue, on s'aperçoit qu'il fonctionne dans certaines circonstances. Toutefois, il y a un bémol. Pour les récidivistes violents qui demandent à être libérés sous caution, et à la lumière de tout ce qui se passe — d'après mon entretien avec le chef Davis au sujet du dernier cas de mise en liberté —, les facteurs liés à l'arrêt Gladue l'emportent sur la sécurité publique. À l'avenir... C'est ce que me disent les gens de ma communauté et les membres élus du conseil. Ils considèrent l'arrêt Gladue comme la carte de « sortie de prison ».
    Je l'ai dit aux médias à plusieurs reprises. À mon avis, la race ne devrait pas entrer en ligne de compte dans les conditions de mise en liberté sous caution des récidivistes violents. Voici une question: si Randall McKenzie n'était pas autochtone, aurait‑il été libéré ce jour‑là? Je n'en sais rien. Je ne peux pas répondre pour les juges concernés, mais à mon avis et au vu de son casier judiciaire... Il devait résider sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand. Sa caution n'était pas le meilleur choix, selon moi. Là encore, ces décisions étaient indépendantes de ma volonté. Mes agents ont répondu aux appels lorsqu'il a trafiqué son bracelet électronique avant de disparaître dans la nature. Le délai d'intervention était de 25 minutes. Le temps que nous arrivions sur place, il était déjà parti.
    En octobre, il était à nouveau recherché par le service de police d'Hamilton pour d'autres infractions graves liées à l'utilisation d'une arme à feu et à la violence conjugale. Après des vérifications, nous avons frappé à la porte de la maison de sa caution à Ohsweken, sur le territoire. Sa mère nous a informés qu'elle ne l'avait pas vu depuis qu'il s'était débarrassé de son bracelet en juillet 2022.
    Le 27 décembre, l'agent Pierzchala a été abattu. Cela m'a vraiment ébranlé, compte tenu de ce que je vous ai dit plus tôt. J'étais sur le terrain ce soir‑là, vêtu de mon uniforme et équipé de mon arme à feu. Mes collègues ont aidé la police provinciale à arrêter cet individu. La mort de cet agent m'a profondément peiné. Cela me touche de près. J'espère que les choses vont changer.
    Comme je l'ai dit, le chef Davis et moi sommes amis. Je sais que beaucoup de membres de la Police provinciale de l'Ontario et du détachement du comté d'Haldimand traversent une période éprouvante en ce moment. À mon avis, cette réforme est tout à fait justifiée, car il faut que cela change. Il faut corriger le système.
    Je vous remercie.

  (1655)  

    Merci, chef Montour.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de questions, en commençant par M. Brock pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, chef Davis, chef Montour et surintendant Lecky d'être des nôtres aujourd'hui. Il s'agit d'un sujet d'une importance majeure. Nous tentons de rédiger un rapport afin que la Chambre des communes puisse amener des changements. C'est un sujet qui m'est très cher vu mon ancienne carrière.
    Je vais essayer de diviser mon temps de la façon la plus équitable possible. Je vais commencer par vous, chef Davis.
    Le ministre de la Justice, aussi appelé procureur général ou avocat et procureur en chef du Canada, a fait des déclarations que je qualifierais d'incendiaires et qui ne peuvent provenir que d'un universitaire. C'est son bagage: il est issu du milieu universitaire. Il a enseigné le droit. Il n'a pas exercé le droit dans les tranchées. Il y a actuellement quelques avocats au sein de cette équipe conservatrice. Je veux séparer la réalité de la théorie et de la rhétorique.
    Le ministre a fait référence à certains sujets ou tenu certains propos tels que les suivants: il a déclaré que notre système de mise en liberté sous caution est solide et rigoureux; que la loi prévoie déjà que, si un individu présente un danger important pour la sécurité publique, il ne doit pas être mis en liberté sous caution; qu'il est faux d'associer des événements récents comme le meurtre d'un agent de la Police provinciale de l'Ontario au projet de loi C‑75; que le projet de loi C‑ 75 a rendu l'obtention d'une mise en liberté sous caution plus difficile; et que les personnes qui, au titre de l'article 515, risquent de prendre la fuite ou constituent un danger pour la communauté, voire qui sont dans une situation où l'administration de la justice peut être discréditée, ce qu'on appelle le motif tertiaire, ne sont pas censées obtenir une mise en liberté sous caution.
    Tout cela, c'est théorique. Parlons maintenant de la réalité. Qu'en dites-vous?

  (1700)  

    Merci, monsieur Brock.
    Je crois que l'exemple que j'ai donné est très éloquent. Greg Pierzchala a été tué le 27 décembre. Dans cet exemple, la personne a commis un crime, a été détenue en attendant une mise en liberté sous caution le 12 janvier, puis relâchée pour ensuite violer les conditions de sa remise en liberté quand les agents de Brantford l'ont interpellée le 12 février. Cette personne a de nombreux antécédents de violence, d'infractions liées aux armes à feu, de même qu'une condamnation pour homicide involontaire, mais était en liberté sous caution. Le fait est que le système ne fonctionne pas.
    À l'heure actuelle, l'accent est mis sur les policiers en raison d'un décès, et je le comprends. Toutefois, dans mon exemple, il s'agissait d'une personne inconsciente dans un taxi, donc que dire de ce pauvre chauffeur de taxi qui essayait de gagner sa vie et des risques pour sa sécurité et celle des citoyens ordinaires de ce pays?
    Je dirai rapidement que, dans ma carrière antérieure, j'ai souvent entendu dire que l'accusé sait comment ruser avec le système de mise en liberté sous caution. Pourriez-vous fournir des détails là‑dessus dans le contexte de l'application de l'arrêt Gladue?
    Bien franchement, par l'intermédiaire de leur avocat, les gens se magasinent un juge de paix qui sera très généreux dans l'application des principes de l'arrêt Gladue, et la minute que quelqu'un se dit Autochtone, il est très probable qu'il sera libéré sous des conditions minimales. Vous voyez ce genre de magasinage très souvent.
    Je vais passer à vous, chef Montour. Je ne sais pas si ces propos sont attribuables au chef Davis ou à vous, mais on abuse de l'arrêt Gladue. Veuillez nous fournir des détails là‑dessus du point de vue de l'accusé, mais surtout du point de vue de la communauté.
    Du point de vue de l'accusé, comme l'a dit le chef Davis dans sa déclaration liminaire, le contrevenant n'a pas à prouver qu'il est Autochtone. On le croit sur parole. Il y a des personnes…
    Pourrez-vous fournir des détails là‑dessus, s'il vous plaît? Que voulez-vous dire quand vous affirmez qu'on la croit sur parole?
    La personne ne fournit aucune preuve qu'elle est Autochtone. Elle pourrait avoir des arrière-grands-parents autochtones, ce dont on tient compte pour accorder ou non la mise en liberté sous caution dans le contexte de l'arrêt Gladue. Je dois demander combien de générations après celle qui a connu les pensionnats sont prises en compte chez les personnes qui vivent un traumatisme intergénérationnel. Certaines personnes se servent de cela comme d'une béquille, ce qui m'interpelle tout particulièrement en raison des personnes avec lesquelles j'interagis sur mon territoire. Nous connaissons notre communauté. Nous savons qui y a grandi. Je connais pour ainsi dire tout le monde de mon âge. Si je ne connais pas une personne, les générations suivantes la connaissent, et pourtant nous entendons ces prévenus, par l'intermédiaire de leur avocat, bien sûr, expliquer au juge de paix qu'ils sont Autochtones.
    Je suis perplexe et me demande pourquoi nous n'exigeons pas de preuve ou ne demandons pas à ces personnes de fournir des renseignements de quelque sorte sur leur ascendance.
    Merci.
    Surintendant Lecky, je vais m'adresser à vous pour le reste de mon temps. J'ai trouvé très intéressants vos commentaires sur le nombre d'accusations pour non-respect des conditions, qu'il s'agisse d'une promesse, d'un engagement, des conditions de la probation ou du défaut de comparaître, toutes des raisons clés pour lesquelles un juge de paix ou un juge peut exiger la détention de quelqu'un. Vous avez dit que dans une ville en particulier, la moitié de ces accusations étaient suspendues, retirées ou rejetées. Qu'est‑ce que cela nous dit? Qu'est‑ce que cela communique aux délinquants partout au pays, surtout à ceux dans votre territoire?
    Merci pour cette question.
    Quand j'étais membre de l'Association canadienne des chefs de police, l'une des frustrations exprimées par les agents de police, de même que par de nombreux autres collègues avec qui nous travaillions, venait de la suspension ou du rejet fréquents des accusations proposées, comme celles du défaut de comparaître ou liées à diverses formes de non-respect des conditions. C'est très frustrant, car ce sont exactement les accusations qui servent à appuyer la détention sous garde. Il devient donc beaucoup plus difficile d'aller de l'avant si vous ne pouvez pas vous servir des raisons que vous utiliseriez normalement quand tous les autres outils ont été amoindris ou retirés. C'est un autre outil qui est rendu moins efficace, ce qui veut dire que rien ne figurera au casier judiciaire du prévenu quand un juge ou un juge de paix le consultera pour établir la liberté sous caution. Cela vient accentuer le problème des récidivistes relâchés, puis arrêtés de nouveau.

  (1705)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Brock.
    C'est maintenant au tour de Mme Brière pendant six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Je vais poser mes questions dans l'autre langue. Avez-vous accès à l'interprétation?
    D'accord.

[Français]

    Messieurs les témoins, j'aimerais d'abord vous exprimer toute ma compassion pour la perte de vos collègues. Il doit être difficile de travailler dans de telles conditions, et je tiens à vous remercier de tout ce que vous faites.
    Monsieur Lecky, dans vos remarques préliminaires, vous avez donné des statistiques concernant une des onze divisions qui fournissent des services de police de première ligne. Avez-vous des données concernant les autres divisions?

[Traduction]

    Merci pour cette question.
    Pour faire une réponse courte, la GRC est en train de recueillir et de colliger des renseignements en ce moment même. Ces renseignements seront fournis au ministre de la Sécurité publique pour l'aider, ainsi que le ministre de la Justice, dans le cadre du processus de réforme du système de mise en liberté sous condition.
    Je n'en ai pas d'autres à l'heure actuelle.

[Français]

    D'accord, je vous remercie.
    Tantôt, le ministre nous a dit qu'il était non seulement nécessaire d'apporter des changements législatifs, mais qu'il fallait aussi améliorer le soutien en santé mentale et les programmes sur les dépendances.
    Monsieur Davis, pouvez-vous nous parler des effets de la détention provisoire sur les personnes aux prises avec une maladie mentale ou un problème de toxicomanie ou de dépendance?

[Traduction]

    Pourriez-vous préciser la question? Est‑ce l'incidence sur le prévenu ou sur... Pourriez-vous préciser, s'il vous plaît?

[Français]

    Ma question concerne la personne en détention.
    Pouvez-vous nous parler des effets de la détention provisoire sur une personne aux prises avec un problème de santé mentale ou de dépendance?

[Traduction]

    On a fait référence plus tôt à la pénurie de services accessibles aux personnes en détention préalable au procès, et j'estime que c'est juste. C'est une affirmation factuelle. J'ai également constaté que, même si une personne est reconnue coupable, il y a quand même pénurie de services dans les établissements. L'incidence sur le prévenu est qu'il demeure en crise, si vous voulez, et qu'il doit gérer des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale.
    L'incarcération n'est pas nécessairement la solution. Ce doit être fait au cas par cas. Il faut procéder à l'analyse de chaque cas. C'est là que la sécurité publique et le risque pour la communauté doivent toujours... Ce doit être primordial.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Chef Montour, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Je fais écho aux propos du chef Davis.
    Nous nous penchons sur la stabilité mentale d'une personne à son arrestation, le cas échéant. S'il est impérieux qu'elle reçoive une aide médicale d'un professionnel en santé mentale, nous veillons à ce qu'il y ait d'abord une évaluation de la santé mentale.
    Pour ce qui est de la question de la toxicomanie, nous procédons à l'arrestation et portons des accusations. Je sais, pour avoir eu directement affaire à certaines personnes, que la dépendance demeure. Pour moi, cela devient une initiative communautaire où les organismes doivent œuvrer de pair, et je parle expressément des Six Nations de la rivière Grand.
    Les forces de l'ordre ne sont qu'une pièce du puzzle. Nous appliquons les lois et portons les accusations connexes, puis veillons à la sécurité de la communauté, tandis que les services sociaux, les services de santé et les services de santé mentale de Six Nations prennent ici le relais, puisqu'ils ont un processus de nature communautaire où ils peuvent concrètement venir en aide à ces personnes. Évidemment, les personnes sont en crise quand nous les appréhendons, et nous voulons assurer la sécurité de la population, déjà, mais aussi de ces personnes.
    Comme l'a dit le chef Davis, chaque situation est unique.

  (1710)  

[Français]

    Merci, monsieur Montour.
    Monsieur Lecky, voudriez-vous commenter les effets de l'incarcération, même provisoire, sur les personnes atteintes d'un trouble de santé mentale ou souffrant d'une dépendance?

[Traduction]

    Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas tout à fait la question.

[Français]

    Quels sont les effets de garder en détention des personnes atteintes de maladie mentale ou souffrant d'une dépendance?

[Traduction]

    Merci pour cette question.
    Il va sans dire qu'il faut remédier aux questions sous-jacentes qui amènent les personnes dans l'orbite de la police et des tribunaux. Si nous ne remédions pas aux problèmes sociaux, y compris ceux de santé mentale et toutes les autres circonstances dans lesquelles se retrouvent ces personnes, il est évident que nous ne traitons pas la cause et que nous pouvons nous attendre à ce que le problème perdure. Parfois, le fait d'être en détention est la seule occasion pour ces personnes d'obtenir le traitement qu'elles méritent, ce qui est un avantage.
    C'est une situation malheureuse, mais plus particulièrement ici, aux Territoires du Nord-Ouest et dans les autres territoires du Nord canadien, où il n'y a pas suffisamment de soutien adéquat dans certaines communautés rurales et isolées. Bien que nous tentions de résoudre certains de nos problèmes dans les régions plus méridionales et les villes plus populeuses, mon objectif est de veiller à ce que nous n'oubliions pas que ce qui pourrait fonctionner dans le Sud du pays ne fonctionnera pas forcément dans certaines régions rurales du Nord des provinces ou dans les territoires.
    Merci, madame Brière.
    Passons maintenant à M. Fortin pendant six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs Davis, Montour et Lecky.
    On a vu que l'ancien projet de loi C‑5 a notamment aboli un certain nombre de peines minimales obligatoires. Au Québec, des gens ont invoqué ces changements pour remettre en question la gravité des actes dont ils sont accusés. Cela m'interpelle quand on parle de libération conditionnelle.
    Par ailleurs, vous avez soulevé tantôt le fait que bon nombre de personnes vont utiliser les principes de Gladue pour tenter d'influencer la peine dont elles pourraient être passibles, mais aussi leur mise en liberté sous caution. Évidemment, il est question ici d'Autochtones, mais certaines autres personnes vont recourir à ces principes de Gladue.
    À votre avis, toutes ces questions mises ensemble ne viennent-elles pas influencer le travail des tribunaux lorsqu'ils doivent administrer une preuve sur la question des libérations conditionnelles?

[Traduction]

    Tout à fait. Si j'ai bien compris la question, vous demandez si la présence d'un système de vérification, d'un quelconque mécanisme pour vérifier les origines autochtones déclarées, aurait une incidence sur les tribunaux. Tout à fait. Il faudrait y consacrer beaucoup d'énergie, mais je suis d'accord avec les commentaires du chef Montour voulant qu'il n'y ait rien en place à l'heure actuelle. Comme je l'ai mentionné plus tôt, une fois qu'une personne se dit Autochtone, cela s'ajoute au magasinage d'un juge de paix qui a la réputation de relâcher les gens en se fondant sur les principes de l'arrêt Gladue.

[Français]

    Dans certains procès, on a vu que le juge demandait aux avocats de présenter leur argumentation en tenant compte du fait que le législateur avait aboli la peine minimale qui prévalait. Ainsi, au moment de déterminer la peine applicable à un accusé, le juge dit aux avocats que le législateur a aboli la peine minimale et il leur demande ce qu'ils en pensent.
    Quand on parle de mise en liberté sous caution, cette question est-elle encore pertinente? Est-ce qu'on ne se retrouverait pas dans des situations où les tribunaux vont dire que, selon le signal du législateur, le fait de décharger une arme avec intention n'est plus passible d'une peine minimale? Cela n'a-t-il pas également une influence sur les tribunaux lorsque vient le temps de décider d'une mise en liberté sous caution?

  (1715)  

[Traduction]

    Je crois que je comprends votre question, monsieur.
    Quand on regarde la façon dont fonctionnent les tribunaux en matière de mise en liberté sous caution et de peines minimales obligatoires, du point de vue de l'arrêt Gladue, il y a d'abord la mise en liberté sous caution et les tribunaux tiennent compte des antécédents de la personne, surtout si elle est Autochtone. Les accusations antérieures, le casier judiciaire et toutes ces choses jouent un rôle dans la décision d'accorder ou non la libération ou dans les conditions applicables à la détention.
    Pour ce qui est des peines minimales obligatoires, d'après des enquêtes auxquelles j'ai pris part et qui comportaient des peines minimales obligatoires pour, disons, le trafic d'armes à feu, il doit y avoir une forme de dissuasion. Je sais que, dernièrement, on a imposé des peines d'emprisonnement avec sursis pour des infractions liées à une arme à feu. Je ne suis pas d'accord avec cela, parce que certains crimes graves liés à une arme à feu se répètent par la suite, et nous avons tous les deux fourni des exemples de personnes qui ont commis des crimes avec arme à feu et violence par le passé et qui ont été libérées pour ensuite commettre le même genre d'infractions malgré les conditions de leur mise en liberté sous caution.
    J'espère que cela répond à votre question, monsieur.

[Français]

    Merci, monsieur Montour.
    Puisque vous êtes tous les deux d'origine autochtone, si j'ai bien compris, je vais en profiter pour vous poser une question.
    Tantôt, quand je lui parlais de l'ancien projet de loi C‑5, qui a aboli des peines minimales, le ministre a dit que le gouvernement l'avait fait parce qu'il y avait trop de personnes racisées ou autochtones dans les prisons.
    Évidemment, nous sommes tous sensibles à cette situation et personne ne veut instaurer de régime discriminatoire. Cependant, les statistiques ne mentent pas: proportionnellement, il est vrai qu'il y a plus d'Autochtones que de non-Autochtones dans les prisons. Toutefois, je me demande pourquoi. Est-ce parce que les policiers sont trop sévères envers ces gens? Est-ce que ce sont les juges qui sont trop sévères? Est-ce parce qu'il manque de services dans les communautés pour les aider?
    Comme je ne suis pas autochtone, j'ai toujours de la difficulté à comprendre le pourquoi de la chose, mais on se fait servir cet argument continuellement et j'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.

[Traduction]

    Merci pour votre question, monsieur.
    Je suis d'accord que le nombre d'Autochtones incarcérés et d'autres personnes marginalisées en détention est disproportionné, mais, dans le cas des Autochtones, cela émane selon moi d'un problème de société associé au régime des pensionnats qui a été maintenu pendant plus de 100 ans. Je parle plus particulièrement de l'Institut Mohawk, à Brantford, qui a ouvert ses portes en 1831, puis qui les a fermées en 1970.
    Il y a ce traumatisme intergénérationnel, transmis d'une génération à l'autre. Les gens ont perdu leur langue, leurs traditions. Les gens ont oublié comment dire « Je t'aime ». C'est ce que m'ont dit des survivants qui ont séjourné à l'Institut Mohawk. Cela mène à la toxicomanie, à la pauvreté et à une faible scolarité, puis les personnes touchées par cela se tournent vers les activités criminelles. C'est triste à voir, mais nous avons la responsabilité de veiller à la sécurité publique dans nos communautés, car dans 99 % des cas, le prévenu est Autochtone, tout comme la victime.
    Merci.
    Merci, monsieur Fortin.
    M. Garrison est le suivant, pendant six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais plus particulièrement remercier les chefs Davis et Montour de nous rappeler les répercussions sur les membres du corps policier et leur famille de circonstances comme le meurtre de l'agent de police Pierzchala. Je crois qu'il est important pour nous tous de s'en souvenir. Bien que ces circonstances puissent sembler exceptionnelles, elles ne le sont pas dans le milieu policier. Merci de nous faire ce rappel important aujourd'hui.
    Je crois que la majorité des personnes à cette table s'entendent sur la nécessité de renforcer le système de mise en liberté sous caution pour certaines personnes, soit celles qui obtiennent une libération et qui ne le devraient pas. La question du renversement du fardeau de la preuve dans le cas de la possession d'une arme à feu chargée est certes une des choses que j'ai étudiées, car ce principe ne s'applique actuellement pas à la mise en liberté sous caution pour cette infraction.
    Chef Davis, vous nous avez donné l'exemple de quelqu'un que l'on a trouvé inconscient avec une arme chargée et qui a finalement été libéré sous caution. Si nous renversons le fardeau de la preuve à l'article 95, ce serait beaucoup plus difficile pour ce genre de personnes d'obtenir une mise en liberté sous caution. Croyez-vous que c'est une chose qui contribuerait à renforcer les critères?

  (1720)  

    Oui, tout à fait. C'est absolument une considération qui doit être prise au sérieux et mise en oeuvre: le renversement du fardeau de la preuve.
    Chef Montour, êtes-vous d'accord pour dire que cela ferait une véritable différence sur le terrain s'il y avait renversement du fardeau de la preuve dans le cas d'armes chargées?
    Oui, car nous constatons de plus en plus souvent que ce sont surtout les trafiquants de drogues illicites qui possèdent des armes de poing. J'ai grandi dans une société autochtone où la chasse — les armes d'épaule, les fusils et les carabines — était un mode de vie. Dernièrement, c'est‑à‑dire au cours de la dernière année, voire des deux dernières années, chaque fois que nos agents de la lutte antidrogue ont exécuté un mandat de perquisition en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ils ont trouvé une arme à feu chargée, et il s'agissait d'une arme de poing. Les accusés peuvent facilement dissimuler ces armes sous la ceinture de leurs pantalons.
    Je suis d'accord pour dire que le fardeau de la preuve devrait être inversé, car nous n'avons pas besoin que ces personnes se promènent dans les rues de nos collectivités avec des armes à feu chargées, surtout si les capacités de ces personnes sont affaiblies par la drogue ou l'alcool.
    Je pense que le deuxième point très important que vous avez fait valoir aujourd'hui, c'est le recours à des cautions. Je n'aime pas personnaliser les choses, mais si vous demandiez à ma mère si je devrais rester en liberté, elle s'assurerait que je n'ai rien fait de mal, puis répondrait par l'affirmative.
    Je pense que le problème — en tout cas dans ma propre collectivité —, c'est que nous manquons souvent de solutions de rechange. Nous n'avons donc pas de bons programmes communautaires de surveillance de la mise en liberté sous caution, dans le cadre desquels une partie neutre, formée professionnellement, pourrait assurer la surveillance des libérations sous caution.
    Je commencerai par interroger le surintendant principal Lecky. Ce type de programmes de supervision de la mise en liberté sous caution existe‑t‑il dans les Territoires du Nord-Ouest?
    Ensuite, je demanderai à chacun de vous de répondre à cette question.
    Je vous remercie de votre question.
    Ils existent, même s'ils ne sont pas utilisés aussi souvent qu'ils pourraient l'être. En ce qui concerne les cautions, certains membres de nos collectivités peuvent avoir du mal à fournir des garanties financières. Dans les cas où d'autres personnes se portent garantes, mes collègues et moi-même avons remarqué et indiqué qu'il était possible d'améliorer ce système et peut-être de renforcer certaines règles. À l'heure actuelle, les gens qui ne respectent pas les règles de leur libération sous caution subissent très peu de conséquences. Il est possible d'améliorer ce système et, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, c'est certainement l'une des solutions qui sont disponibles et appuyées par tous nos collègues.
    Chef Montour, ces programmes sont-ils disponibles et utilisés dans votre cas?
    Dans les cas impliquant des délinquants de la communauté des Six Nations de la rivière Grand, il y a des problèmes liés aux personnes qui sont amenées à se porter garantes, comme l'a dit le surintendant. Il n'y a pas de dépôt en espèces, et certaines des personnes désignées comme cautions ne devraient pas l'être.
    Il faut qu'il y ait davantage de consultations, principalement avec les services de police compétents.
    Existe‑t‑il un programme communautaire de surveillance de la mise en liberté sous caution?
    Non. Nous n'avons ni les effectifs ni les ressources pour le faire. Je fais allusion à la déclaration que la commissaire a faite devant l'Assemblée législative de l'Ontario. Comme le chef Davis, j'estime qu'il incombe au délinquant de s'assurer qu'il respecte les conditions de sa libération sous caution. Ils ont promis de le faire avant d'être libérés. La société regarde du côté des services de police... Nous ne sommes pas des gardiens d'enfants.
    Cependant, en ce qui concerne la confiance du public, je pense que nous constatons que le public se dit que personne ne surveille ce système. Même si le public comprend que la police n'a pas les ressources pour le faire et ne s'attend pas à ce qu'elle le fasse, je crois que bon nombre de gens nous disent que quelqu'un devrait le faire.
    Chef Davis, vous avez la parole.
    Merci.
    Absolument. L'augmentation du nombre de personnes libérées sous caution a pour effet de transférer aux services de police la compétence de faire fonction de gardiens d'enfants professionnels là où le besoin s'en fait sentir.
    Si nous voulons qu'une véritable surveillance soit assurée, il faut qu'il y ait une entité ou un organe responsable, qu'il soit communautaire ou semblable aux marshals des États-Unis. Il faut qu'il y ait une sorte d'organisme dont le travail à temps plein consiste à faire respecter les conditions de la mise en liberté sous caution, à vérifier ce respect et, en cas de violation de ces conditions, à veiller à ce que soient portées des accusations pour avoir enfreint les conditions imposées.
    Croyez-vous que cela contribuerait à accroître la confiance du public dans l'ensemble du système de mise en libération sous caution?
    Je crois que oui, parce que la société actuelle sait que nous ne pouvons pas être des gardiens d'enfants et que nous ne pouvons pas être partout à la fois. Nous recevons d'autres demandes concurrentes auxquelles nous devons répondre.

  (1725)  

    Formidable. Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Garrison.
    Pour gagner du temps, nous allons condenser un peu la série de questions. Le prochain intervenant sera M. Van Popta, et les interventions seront d'une durée de deux ou trois minutes, si cela vous convient.
    Je vous remercie, messieurs, de vous être joints à nous.
    Chef Davis, chef Montour et surintendant principal Lecky, nous vous sommes vraiment reconnaissants du travail que vous et vos collègues réalisez. Le travail de première ligne peut être très dangereux. Je pense à Shaelyn Yang qui était au service du détachement de la GRC de Burnaby, près de chez moi. Je ne la connaissais pas personnellement, mais je connais des gens qui l'ont connue ou qui ont suivi une formation avec elle. Cela m'a donc touché de près.
    Chef Davis, au cours de votre témoignage, vous nous avez dit à quoi ressemble le travail des agents de police et des personnes en première ligne — à quel point ce travail peut être dangereux et démoralisant. Cependant, vos propos ont été cités — je crois que c'était dans l'un des journaux locaux — lorsque vous avez déclaré que ce n'était pas la faute des juges, qu'ils appliquaient simplement les principes énoncés dans l'arrêt Gladue.
    Je vais maintenant faire allusion à l'affaire McKenzie. Il s'agit de la personne qui est aujourd'hui accusée du meurtre de Pierzchala. Le juge a déclaré ce qui suit: « Je suis convaincu que le public estimerait que le plan strict actuel de détention à domicile, supervisée par la mère de l'accusé et accompagnée d'une surveillance indépendante et d'un encadrement, est une restriction raisonnable de la liberté de l'accusé jusqu'à son procès ».
    Avec le recul, il est clair qu'il s'agissait d'une mauvaise décision, mais le problème résidait-il dans les principes de Gladue ou dans la manière dont le juge a appliqué ces principes?
    Avec tout le respect que je vous dois, le chef Montour connaît beaucoup plus de détails à ce sujet. Je vais d'abord lui céder la parole, si vous le voulez bien.
    C'est de bonne guerre. Passons au chef Montour dans ce cas.
    Merci, monsieur.
    C'est un peu les deux. J'ai déjà comparu devant le tribunal du juge Arrell. C'est un juge très compétent.
    En ce qui concerne les facteurs liés à l'arrêt Gladue, je sais que la Cour suprême a fait de cet arrêt une jurisprudence pour la détermination de la peine, ainsi que pour la mise en liberté sous caution. Elle est citée comme la jurisprudence pour « délinquants autochtones » dans le code.
    Je vais faire allusion à la question que j'ai posée au cours de ma déclaration préliminaire: Si Randall McKenzie n'était pas Autochtone, aurait‑il été remis en liberté? Je pense que non, compte tenu de ses antécédents criminels. Il a été reconnu coupable de vol qualifié commis avec une arme à feu, au cours duquel il a agressé le propriétaire d'un restaurant de Hagersville, que je connais également. Il a commis d'autres infractions liées à des armes à feu. Il a agressé un agent de police de Hamilton et a commis d'autres crimes avec des armes à feu.
    Je répète que la race ne devrait pas entrer en ligne de compte pour les délinquants qui commettent des infractions graves comme celle‑là à répétition.
    Merci.
    Merci, monsieur Van Popta.
    Le prochain intervenant est M. Zuberi, qui aura la parole pendant trois minutes.
    J'aimerais remercier tous les témoins de leur présence aujourd'hui. Je tiens à vous dire que j'ai été militaire et que j'ai porté l'uniforme à une certaine époque. Je respecte donc ce que vous faites et les difficultés auxquelles vous devez faire face sur le terrain.
    Je voudrais revenir sur la question soulevée par un collègue du Bloc québécois concernant le nombre élevé d'Autochtones incarcérés. Nous avons parlé un peu du point de vue de la police. Nous avons également abordé la question de l'administration de la justice et des juges.
    Où en sont les juges en ce qui concerne la compréhension des peuples autochtones et des difficultés qu'ils affrontent, en particulier dans votre domaine et celui de l'administration de la justice?
    À mon avis — et je ne souhaite pas nuire aux juges en disant cela —, il faut qu'ils soient mieux renseignés pour comprendre précisément la communauté des Six Nations.
    Il y a deux juges qui siègent à Brantford — le juge Edward et le juge Good —; ils sont tous deux d'origine autochtone, et ils comprennent la situation. On ne me demande plus autant qu'avant de comparaître devant le tribunal pour les Autochtones de Brantford. Je considère que c'est une bonne chose. Les choses fonctionnent.
    Comme je l'ai indiqué précédemment, quand des infractions plus graves sont commises, les principes de l'arrêt Gladue doivent peser moins lourd, et la sécurité publique doit être renforcée. C'est à nous que ce travail incombe. Comme vous le savez pour avoir porté l'uniforme, la sécurité publique est primordiale. Je l'ai toujours dit. J'ai toujours dit au juge Edward — nous avons eu quelques débats à ce sujet dans le passé — que les délinquants bénéficient de la jurisprudence Gladue, mais qu'en est‑il des victimes autochtones de la communauté?

  (1730)  

    Je comprends ce que vous dites à propos de l'arrêt Gladue. Je comprends qu'en général, ce type de discussions sont réservées à des juristes ou à des personnes ayant une formation juridique, mais vous travaillez au sein du système judiciaire.
    D'après ce que je comprends de l'arrêt Gladue, ce n'est pas parce qu'une personne invoque une discrimination systémique — que cette personne soit noire, autochtone ou d'une autre origine — que les principes de l'arrêt Gladue entraîneront automatiquement une peine plus légère. N'y a‑t‑il pas une sorte d'analyse ou de filtrage à effectuer?
    Je sais qu'en général, des avocats se pencheraient probablement sur la question. Mais d'après vous, les juges ne procéderaient-ils pas à une certaine analyse afin de déterminer si les principes s'appliquent?
    Je sais que lorsqu'une condamnation est prononcée, le juge ordonne la rédaction d'un rapport Gladue, dans le cadre duquel un rédacteur de rapports Gladue rencontrera la victime, la famille du délinquant et le délinquant lui-même pour obtenir des renseignements sur le contexte.
    Ne vous méprenez pas. Comme je l'ai déjà dit, la jurisprudence Gladue fonctionne dans certains cas. C'est le cas, et je l'ai constaté. Il y a des personnes souffrant de toxicomanie et de problèmes de santé mentale qui sont passées par le système et qui, avant d'être condamnées, ont disposé d'un certain temps pour trouver l'aide dont elles avaient besoin. Le système fonctionne.
    Je voulais juste savoir s'il y aurait un certain degré d'analyse...
    Merci, monsieur Zuberi. Cela conclut notre série de questions.
    Je tiens à remercier les témoins. Vous êtes tous des premiers intervenants ou des membres d'organismes d'application de la loi. Nous admirons vraiment les services que vous assurez, et nous les prenons très au sérieux. Je vous remercie donc infiniment de votre participation.
    J'ai quelques questions de régie interne à régler avec les membres du Comité. Je pense que le budget de déplacement que nous avons présenté a été remis à tous. Je vois M. Garrison arborer un beau sourire, et je m'en réjouis toujours. Je tiens simplement à savoir si vous approuvez ce budget.
    Le deuxième document présente le budget pour l'étude sur le système de libération sous caution. Il s'agit du budget proposé pour l'étude. Puis‑je voir quelques hochements de tête pour montrer que nous approuvons ce budget? Merci.
    Je remercie tous les membres. Nous nous reverrons mercredi, je crois.
    La séance est levée.
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