Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la deuxième réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes.
[Français]
Conformément à l'article 108(3)h) du Règlement, le Comité tient aujourd'hui une séance d'information avec le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique; elle sera suivie d'une séance d'information avec la commissaire à l'information.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Les députés participent en personne dans la salle, et je ne crois pas qu'il y ait des participants sur Zoom.
Avant de continuer, j'aimerais demander à tous les participants de consulter les lignes directrices qui se trouvent sur les cartes posées sur la table. Ces mesures sont en place pour aider à prévenir les incidents audio et les retours de son et pour assurer la santé et la sécurité de nos participants, y compris les interprètes. Vous remarquerez également, sur la carte, un code QR qui renvoie à une courte vidéo de sensibilisation.
J'aimerais également faire quelques observations à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Les participants par vidéoconférence — le cas échéant — doivent cliquer sur le microphone pour l'activer.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
Les députés présents dans la salle sont priés de lever la main s'ils souhaitent prendre la parole.
J'aimerais maintenant accueillir les témoins qui comparaîtront pendant la première heure de la réunion d'aujourd'hui.
Nous accueillons le commissaire du Bureau du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, M. Konrad von Finckenstein.
Monsieur, nous sommes heureux de vous revoir. Cela fait longtemps, mais nous nous retrouvons enfin.
Nous accueillons également Lyne Robinson-Dalpé, directrice, Conseils et conformité, et Melanie Rushworth, directrice, Communications, sensibilisation et planification, qui a déjà comparu devant le Comité.
Bienvenue au Comité, monsieur le commissaire. Vous disposez de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Vous avez la parole.
Monsieur le président, comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de Lyne Robinson‑Dalpé et de Melanie Rushworth.
Je suis ravi de passer en revue le rôle et le mandat du Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique.
Nous appliquons le Code régissant les conflits d'intérêts des députés et la Loi sur les conflits d'intérêts visant les représentantes et représentants fédéraux nommés. Étant donné le mandat du Comité, je vais vous parler de la Loi.
[Traduction]
Les personnes visées par la Loi sont appelées « titulaires de charge publique » et elles se divisent en deux catégories.
Les personnes nommées à un poste à temps plein sont appelées « titulaires de charge publique principaux ». Elles doivent respecter les règles générales sur les conflits d'intérêts énoncées dans la Loi, ainsi que ses dispositions relatives à la production de rapports et à la divulgation publique. Cela signifie qu'elles doivent fournir au Commissariat des renseignements personnels et financiers détaillés sur elles-mêmes et, dans certains cas, sur leur famille. Le Commissariat assure la confidentialité de la plupart de ces renseignements. Cependant, la Loi exige que nous divulguions certains renseignements. Nous le faisons sous forme résumée dans le registre qui se trouve sur notre site Web.
Les personnes nommées à un poste à temps partiel sont simplement appelées des titulaires de charge publique. Elles doivent suivre les règles générales de la Loi, mais elles ne sont pas tenues de produire des rapports.
[Français]
La confidentialité et la transparence sont essentielles à notre travail. La confidentialité encourage les représentantes et les représentants publics à communiquer librement et ouvertement avec nous. Ils peuvent toujours demander de l'aide lorsqu'ils sont dans une situation qui pourrait les mettre en conflit d'intérêts. La transparence signifie que nous démontrons la plus grande ouverture possible envers le Parlement et la population canadienne. Elle aide à renforcer la crédibilité de la Loi et de son application.
[Traduction]
Notre travail soutient trois objectifs principaux.
Tout d'abord, nous renforçons chez les citoyens la conviction que les activités des représentants élus et nommés par le gouvernement fédéral sont exemptes de conflits d'intérêts. Deuxièmement, nous aidons les personnes les plus compétentes et les plus qualifiées à intégrer la fonction publique et à la quitter sans problème en les aidant à gérer leurs conflits d'intérêts. Troisièmement, nous examinons les allégations de conflit d'intérêts impliquant des représentants fédéraux élus ou nommés et nous en faisons rapport.
[Français]
Nos outils incluent des entretiens individuels avec les représentants publics, des séances éducatives en direct, des formations en ligne et des enquêtes. Une grande partie du travail du Commissariat est présentée dans nos derniers rapports annuels, déposés au Parlement en juin dernier. Le rapport propose six changements législatifs qui pourraient aider le Commissariat à mieux fonctionner et à appliquer la Loi plus efficacement.
[Traduction]
Tout d'abord, nous suggérons de permettre à la commissaire au lobbying de prendre la relève temporairement s'il n'y a pas de commissaire aux conflits d'intérêts. Par exemple, si je me faisais écraser par un camion demain, la commissaire au lobbying pourrait me remplacer dans mes fonctions.
Deuxièmement, nous proposons d'ajouter la notion de conflit d'intérêts « apparent » à l'obligation générale des titulaires de charge publique de gérer leurs affaires de manière à éviter toute apparence de conflit d'intérêts.
Troisièmement, nous suggérons de permettre de désigner certains biens comme étant des biens exclus s'ils ne présentent aucun risque de conflit d'intérêts. Par exemple, les fonds négociés en bourse n'entraînent pas de conflits d'intérêts, mais ils sont interdits par la Loi en ce moment.
Quatrièmement, nous proposons de permettre aux titulaires de charge publique de participer à des enjeux touchant les intérêts personnels d'amis ou de proches si ces intérêts sont les mêmes que ceux des autres membres de la vaste catégorie à laquelle ils appartiennent. Cela rendrait la Loi plus conforme au Code.
Cinquièmement, nous proposons de permettre au commissaire d'approuver des activités extérieures qui n'entrent pas en conflit avec les fonctions officielles d'un titulaire de charge publique, mais qui sont actuellement interdites. Par exemple, enseigner à l'université dans un domaine qu'ils connaissent bien.
Sixièmement, nous proposons d'augmenter les sanctions administratives pécuniaires maximales pour insister sur l'importance de respecter les exigences en matière de rapports prévues dans la Loi. À l'heure actuelle, elles sont très peu élevées et sont comparables à des infractions au Code de la route.
C'est ce qui conclut ma déclaration préliminaire. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Comme je l'ai dit au début, cela fait un certain temps, et nous avons donc beaucoup de rattrapage à faire. Nous entamons maintenant une série de questions de six minutes. Je vais donner la parole à M. Barrett.
C'est un plaisir de vous revoir au Comité, car cela fait déjà un an. Il s'est passé beaucoup de choses depuis ce temps.
Je vais aller droit au but. Les Canadiens peuvent voir dans quelles entreprises un titulaire d'une charge publique désignée détenait des actions ou des options avant d'entrer en fonction, mais pas la valeur de ces actifs. Ce niveau de divulgation fournit‑il au public suffisamment d'information pour évaluer un conflit potentiel ou des fourchettes de valeur serviraient-elles mieux l'intérêt public?
Les auteurs de la Loi ont déjà décidé qu'il est important que le public soit informé des actifs d'une personne, et il incombe au commissaire de décider ce qu'il faut faire de ces actifs. La plupart des actifs importants qui leur appartiennent sont soit cédés, soit placés dans une fiducie sans droit de regard. Seuls les actifs en dessous d'un seuil minimal peuvent être conservés.
Il me semble que l'organe législatif a pris cette décision pour indiquer qu'on tient à respecter la vie privée des gens et à les encourager à intégrer la fonction publique en ne les obligeant pas à divulguer tous leurs actifs et leur valeur. Ils doivent plutôt les gérer de façon à éviter tout conflit d'intérêts, et c'est le choix fait par l'organe législatif.
Selon vous, le Parlement devrait‑il se pencher sur cette question dans le cadre d'un examen de la Loi? Vous avez dit que la décision de ne pas toucher à cela dès le départ a été prise par le Parlement lors de son dernier examen. Il n'y a pas de fourchette de valeur et les actifs sont donc placés dans une fiducie sans droit de regard, mais un fiduciaire ne liquidera pas des actions très lucratives. Elles resteront là, et le titulaire de charge publique connaît donc le contenu de la fiducie.
Tout d'abord, ces actifs sont dans une fiducie sans droit de regard. Le titulaire de charge publique n'a absolument aucune idée de ce que le fiduciaire en fera, et il ne peut pas lui donner de directives, de sorte que la plupart des fiduciaires se contenteront de laisser le contenu tel quel. Ils ont évidemment le droit de négocier des actions en bourse, et ils le feront, mais ils devront aussi rendre des comptes à la personne qui a placé les actifs en fiducie. Au bout du compte, il vaut mieux être un détenteur passif et c'est ce que font la plupart des fiduciaires, mais ils ne sont pas tenus à cette restriction.
Deuxièmement, le titulaire de charge publique connaît évidemment le contenu de la fiducie, puisqu'il l'y a placé lui-même, et s'il prend des décisions qui pourraient concerner ce contenu, nous mettrons en place ce que nous appelons un mécanisme de vérification de conflit d'intérêts. Ainsi, nous nous assurons qu'un décideur ne prend pas de décisions qui pourraient avoir une incidence directe sur un actif de grande valeur qui se trouve dans son portefeuille, et il s'agit d'un actif précis qui n'est pas visé par la loi en général ou par une certaine catégorie.
Le dessaisissement obligatoire et le réinvestissement indépendant permettraient-ils d'éliminer cette perception et de simplifier la conformité?
Le problème avec une fiducie sans droit de regard, c'est que... Prenons l'exemple d'un premier ministre qui nommerait le greffier du Conseil privé, qui est une nomination politique, et son chef de cabinet, qui est aussi une nomination politique, fiduciaires de ses actifs sans indication publique du recours à ce mécanisme de vérification. Un mécanisme de vérification ne serait pas nécessaire si les fonds étaient simplement dessaisis et réinvestis par un gestionnaire financier.
Vous avez raison, mais c'est une solution plutôt simpliste. Imaginez... Vous suggérez qu'une personne qui intègre la fonction publique vende tous ses actifs, ce qui entraînera évidemment une dette fiscale importante pour cette année‑là, et s'en remette ensuite au bon jugement d'un fiduciaire pour gérer ces actifs.
Ce serait possible, mais je ne le recommanderais certainement pas, car je pense que cela découragerait grandement les gens d'intégrer la fonction publique. Cela...
Si vous me le permettez, monsieur, l'objectif, dans ce cas‑ci, n'est pas tant d'encourager les gens à se présenter aux élections ou à éviter une obligation fiscale que de veiller à ce que les Canadiens soient convaincus que les décisions prises par ces titulaires de charge publique sont dans l'intérêt du public. Il ne peut y avoir aucune apparence de conflit d'intérêts et aucune perception qu'ils prennent des décisions qui leur permettront de s'enrichir. C'est le fondement de ma question précédente.
Ces mécanismes de vérification de conflits d'intérêts peuvent viser des dizaines ou des centaines d'entreprises. Votre bureau a‑t‑il la capacité de vérifier indépendamment que la vérification est déclenchée au besoin ou incombe‑t‑il simplement aux personnes nommées par le titulaire d'une charge publique désignée de vous en informer?
La Loi énonce cinq objets précis. Les deux derniers visent à « encourager les personnes qui possèdent l’expérience et les compétences requises à solliciter et à accepter une charge publique » et à « faciliter les échanges entre les secteurs privé et public ». Le deuxième consiste à « réduire au minimum les possibilités de conflit entre les intérêts personnels des titulaires de charge publique et leurs fonctions officielles, et de prévoir les moyens de régler de tels conflits... ».
Une partie de mon travail consiste justement à m'assurer que les meilleurs candidats peuvent intégrer la fonction publique et la quitter avec le moins de conflits d'intérêts possible.
C'est avec grand plaisir que je vous retrouve après l'été. J'espère que l'été a été bon pour tout le monde, que vous avez pris du repos et que vous êtes prêts au travail.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le commissaire, d'être avec nous ce matin et d'avoir pris le temps de venir nous expliquer ce que vous avez étudié et ce que nous devrions peut-être modifier.
Dans votre rapport annuel, vous avez recommandé des modifications à la Loi sur les conflits d'intérêts et à la Loi sur le Parlement du Canada. Quel processus vous a amené à suggérer ces modifications législatives en particulier?
C'est l'expérience que j'ai acquise depuis un an et demi dans ce poste qui m'a amené à proposer ces modifications.
Par exemple, je recommande que l'on change les règles concernant l'emploi pour les gens qui sont nommés à un poste ou qui sont élus. Il y a un exemple que je vois toujours: quelqu'un qui travaille au gouvernement et qui a beaucoup de connaissances dans certains domaines veut les partager avec les étudiants d'une université, comme l'Université de Montréal ou l'Université d'Ottawa, par exemple. L'université trouve cela fabuleux, mais elle lui dit qu'il doit devenir son employé pour le faire, même s'il ne recevra pas de salaire. En effet, l'entente qu'elle a conclue avec le syndicat exige que tous les gens qui enseignent à l'université soient des employés. Or cette personne ne peut pas devenir un employé de l'Université de Montréal, car ce serait une violation de la loi, techniquement, même s'il n'y a aucun conflit d'intérêts.
Alors, pourquoi ne pas me donner le pouvoir discrétionnaire d'autoriser une telle personne à partager ses connaissances et son expérience avec des étudiants de l'université?
Je veux m'assurer de bien comprendre ce que vous me dites, monsieur le commissaire.
En tant qu'élus, si une université nous invite à faire un discours devant ses étudiants ou à leur donner un cours, et que nous souhaitons partager notre savoir avec eux, nous ne sommes pas autorisés à le faire.
Je parle surtout des titulaires de charge publique principaux, comme les sous-ministres ou les gens qui font partie de l'équipe d'un ministre. Ces gens sont assujettis à la Loi sur les conflits d'intérêts et ne peuvent pas accepter une offre d'emploi de l'extérieur. Cela signifie qu'ils ne peuvent pas aller partager leurs connaissances avec les étudiants d'une université qui aimerait les recevoir, même s'il n'y a là aucun conflit. En ce moment, ce n'est pas permis.
Non, je voudrais qu'on me donne le pouvoir discrétionnaire de déterminer s'il y a là un conflit ou non. Si la personne concernée est prête à enseigner dans une université, et ce, sans traitement, seulement pour accomplir un acte d'intérêt public, pourquoi pas? Évidemment, s'il y a un conflit d'intérêts perçu ou réel, cela ne fonctionne pas.
Je l'ai suggéré, mais ce n'est pas à moi de changer la Loi; c'est à vous et au Comité de le faire. J'ai cru nécessaire de souligner dans mon rapport annuel que cette question revient souvent et que je suis un peu frustré de ne pouvoir rien y faire.
Je veux seulement qu'on me donne un pouvoir discrétionnaire à cet égard. La Loi laisse beaucoup de choses à ma discrétion, mais, dans ce domaine-là, je n'ai aucun choix.
À votre avis, le Comité devrait-il procéder à un examen ciblé des recommandations, ou plutôt entreprendre un examen de la Loi sur les conflits d'intérêts?
J'aimerais qu'il y ait une révision entière de la Loi, car je crois que la dernière révision remonte à il y a plusieurs années. Madame Robinson‑Dalpé, savez-vous quand elle a eu lieu?
En 2013, une étude a été entamée dans le cadre de la révision quinquennale de la Loi, qui devait avoir lieu une seule fois après l'adoption de celle-ci. Après cela, aucune obligation n'a été créée afin de réviser la Loi sur une base quinquennale ou autre de façon permanente. C'est donc arrivé une fois, mais cette révision quinquennale n'a pas donné lieu à des modifications, puisqu'il y a eu une élection générale et un changement de gouvernement.
Par exemple, la Loi vous permet d'investir dans des fonds communs de placement. Cela ne pose pas de problème. Toutefois, elle vous interdit d'investir dans ce qu'on appelle en anglais les FNB, soit les fonds négociés en bourse, parce que ces investissements sont considérés comme des actions. Or c'est essentiellement la même chose.
Si vous avez 100 $ ou 1 000 $ de placements dans des fonds négociés en bourse, votre opinion ne changera rien et vous ne pourrez aucunement influencer les entreprises en question. Néanmoins, je devrai tout de même vous dire de placer ces biens dans une fiducie sans droit de regard ou de les vendre, car c'est interdit. C'est parce que, quand la Loi a été rédigée la première fois, on n'a pas tenu compte des fonds négociés en bourse. Alors, maintenant, ça ne fonctionne pas. Le marché financier évolue et crée de nouveaux outils. On devrait permettre aux gens qui n'ont aucune influence politique de posséder ces biens, mais, pour le moment, je n'ai pas de pouvoir discrétionnaire à cet égard. Il n'y a aucune règle ni aucune loi qui précise exactement ce qui est permis ou non; on interdit tout simplement ce qui est lié au marché public et aux sociétés ouvertes.
Merci, madame Lapointe et monsieur le commissaire.
Monsieur Thériault, vous avez la parole pour sept minutes. Je vous accorde une minute de plus, puisque j'ai donné plus de temps de parole aux députés des deux autres partis.
Merci, monsieur le président. Il n'y a pas de problème.
Bonjour, monsieur le commissaire.
Bonjour, mesdames.
En ce qui concerne le premier ministre du Canada, il me semble que nous sommes présentement dans une situation qu'on n'a jamais vue, et je me pose des questions à ce sujet. Brookfield Asset Management, une société de gestion, gère des actifs de 1 milliard de dollars. Le premier ministre en était un des hauts dirigeants jusqu'en janvier dernier. Selon la banque de données tenue par Statistique Canada intitulée « Liens de parenté entre sociétés », Brookfield contrôlait 916 entreprises le 31 décembre 2024. Dans votre registre public, on peut lire que Mark Carney s'est dessaisi de valeurs cotées en bourse ainsi que de droits de souscription d'actions et d'autres effets semblables par l'établissement d'une fiducie sans droit de regard. Votre registre indique également que vous avez convenu de mettre en place un filtre anti-conflit d'intérêts et que cela constitue une mesure de conformité appropriée.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment s'articule ce filtre anti-conflit d'intérêts dans le contexte de cette situation, qui est assez particulière, à mon avis. On est loin de Paul Martin et de sa compagnie de bateaux.
Premièrement, ce filtre est permis en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts. L'article 29 de la Loi se lit comme suit:
Le commissaire détermine, avant qu’elle ne soit définitive, la mesure à appliquer pour que le titulaire de charge publique se conforme aux mesures énoncées dans la présente loi, et tente d’en arriver à un accord avec le titulaire de charge publique à ce sujet.
La Cour d'appel fédérale a statué que le filtre anti-conflit d'intérêts était une mesure appropriée que nous pouvions utiliser.
Dans le cas de M. Carney, il s'est dessaisi de tous ses intérêts, dont la liste est très longue. Vous l'avez devant vous. Il a mis tout cela dans une fiducie sans droit de regard. Toutefois, naturellement, il sait ce que cette fiducie implique. On veut éviter une situation où il prendrait une décision sachant que cela augmenterait la valeur d'une des compagnies dont il s'est dessaisi. Pour cette raison, nous avons établi ce filtre. Le chef du Cabinet et le greffier du Conseil privé doivent examiner chaque décision que le premier ministre doit prendre et déterminer si elles auront un effet sur une compagnie en particulier. Si on détermine qu'une décision n'est pas une décision générale, mais une décision qui a un effet sur une compagnie dont il s'est dessaisi en particulier, on va lui dire qu'il doit se récuser. Par contre, si la décision est une décision générale qui n'affecte pas une entreprise en particulier, il n'est pas obligé de se récuser.
Toutefois, si un premier ministre doit se récuser une centaine de fois, parce qu'il peut y avoir un conflit d'intérêts ou une apparence de conflit d'intérêts, est-il assis sur la bonne chaise? Je me pose cette question, mais je ne vous demande pas d'y répondre.
Prenons la question de l'impôt minimum mondial. Vous savez que, à l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, et au G20, on a convenu de lutter contre l'évitement fiscal des entreprises en instaurant un impôt minimum mondial de 15 % imposé aux entreprises multinationales. En clair, si une multinationale comptabilise ses revenus dans des paradis fiscaux pour éviter de payer de l'impôt, le pays où elle est domiciliée prélèvera un impôt d'au moins 15 %. Le projet de loi C‑69, l'omnibus budgétaire adopté en juin 2024, comprenait une loi sur l'impôt minimal mondial qui est entrée en vigueur en 2025. L'exercice financier a commencé le 1er janvier dernier. Or, en novembre 2024, soit deux mois avant l'entrée en vigueur de la Loi sur l'impôt minimum mondial, la société Brookfield Asset Management a déménagé son siège social aux États‑Unis, ce qui a eu pour effet de la soustraire à cet impôt de 15 %.
Non seulement on a fait cela, mais le premier ministre a décidé, au G7, d'exempter les États‑Unis de cet impôt minimum mondial sans passer par la Chambre des communes. Il a pris cette décision après que le siège social de Brookfield a été déménagé à New York.
Ne croyez-vous pas que cela pose des problèmes d'éthique et d'apparence de conflit d'intérêts? Votre filtre est-il capable de nous éclairer sur de telles choses?
La mesure dont vous parlez est une mesure d'impôt qui s'applique de façon universelle. Elle vise toutes les compagnies, y compris Brookfield. Prendre de telles mesures fait partie des tâches du premier ministre et, naturellement, cela aura un effet sur des compagnies comme Brookfield.
Par contre, à la rencontre du G7, on a exclu les États‑Unis de l'impôt minimum mondial. Le siège social de Brookfield n'est donc pas tenu de payer ces 15 % d'impôt mondial.
C'était lors de la rencontre du G7. C'est le premier ministre lui-même qui l'a annoncée. Il aurait été minimalement convenu qu'on puisse d'abord poser la question à la Chambre afin qu'on en discute.
La décision du premier ministre s'applique à beaucoup de compagnies. Vous savez comme moi que cette décision a été prise en raison des frictions avec les États‑Unis et le président Trump. Il n'était pas question de favoriser une seule compagnie. Brookfield en a sans doute profité, tout comme beaucoup d'autres compagnies. Comme je l'ai dit, s'il s'agit d'une mesure d'application générale, il n'est pas nécessaire d'avoir recours aux dispositions du filtre anti-conflit d'intérêts.
Monsieur le commissaire, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet du soi-disant filtre éthique du premier ministre. Tout d'abord, le filtre éthique est bien appliqué par le chef de cabinet du premier ministre et le greffier du Conseil privé, n'est‑ce pas?
On parle ici du chef de cabinet, qui est nommé par le premier ministre et travaille directement pour lui, et du greffier du Conseil privé, qui est nommé à titre amovible par le premier ministre. Ces deux personnes ne sont guère indépendantes du premier ministre.
Ainsi, quelle garantie les Canadiens ont-ils que ce filtre est appliqué correctement?
Il faut être pragmatiques. Tout ce qui est présenté au premier ministre pour qu'il prenne une décision passe par l'un ou l'autre de ces deux hommes, ou les deux. Ce sont, dans les faits, les principaux responsables de déterminer ce qui se retrouve sur son bureau et ce dont il s'occupe. Il est donc logique que ce soit eux qui s'assurent qu'il ne se mêle pas de ce genre de choses.
Je parle d'un point de vue purement administratif. Si vous voulez obtenir des chiffres, les principales personnes qui déterminent ce qui est soumis au premier ministre et qui sont les dernières personnes à le voir sont ces deux personnes. Elles ont, bien sûr, tout un...
Eh bien, monsieur, j'en comprends que ce filtre est appliqué par le chef de cabinet et le greffier du Conseil privé, qui sont tous deux nommés à titre amovible par le premier ministre. Je vous demande, dans ce contexte, quelle garantie les Canadiens ont que ce filtre est appliqué correctement. Y a‑t‑il des...
C'est parce qu'ils partagent l'intérêt du premier ministre. Ils ne veulent pas que le premier ministre, au service de qui ils travaillent, se retrouve en situation de conflit d'intérêts. Cela causerait des problèmes politiques et juridiques. Ils sont là pour s'assurer qu'il respecte la loi. C'est leur devoir. C'est la tâche qui leur est confiée. Ils vont assurément s'en acquitter de manière à ce qu'il n'y ait ni conflit d'intérêts ni apparence de conflit d'intérêts. C'est leur travail.
Je me fie à l'intégrité des plus hauts représentants du gouvernement et à leur respect de la loi, parce que c'est dans leur intérêt et dans l'intérêt du premier ministre au service de qui ils travaillent.
Non, pas du tout. N'oubliez pas que ce n'est pas leur décision propre. Chacun d'eux a tout un groupe d'employés. Ces employés ont tous reçu des instructions. Nous leur avons enseigné la façon de procéder et tout. En cas de doute, ils nous consultent. Ils tiennent vraiment à ce que personne ne puisse soulever un conflit d'intérêts. C'est leur travail.
Eh bien, tout ce que je peux dire, c'est qu'en l'absence de rapports, de mesures de transparence et de freins et contrepoids, nous devons nous fier à la parole de Mark Carney et de ses deux principaux conseillers. Je dirais que ce n'est pas suffisant.
En ce qui concerne le filtre éthique, M. Carney pourrait participer à une discussion ou à une décision sur une question d'application générale ou qui touche les intérêts des entreprises en tant que membre d'une vaste catégorie de personnes, à moins que ces intérêts ne soient disproportionnés par rapport à ceux des autres membres.
Le terme « disproportionné » n'est pas défini dans ce contexte. Qu'est‑ce qui constitue un intérêt disproportionné?
Tout d'abord, qu'est‑ce qu'une catégorie de personnes? Une catégorie, c'est tout un groupe de personnes qui sont touchées par quelque chose qu'elles ont en commun.
Les agriculteurs en sont un parfait exemple. C'est une catégorie de personnes. Il peut y avoir des sous-catégories, les producteurs de blé, par exemple. Si l'un d'eux a un intérêt disproportionné — les producteurs de blé en sont probablement un mauvais exemple — et qu'un membre de la catégorie possède environ 60 % des actifs, les autres en auront moins, puisqu'ils ne se partageront que les 40 % restants. Évidemment, la personne qui détient un intérêt de 60 % dans ce groupe d'entreprises a un intérêt disproportionné. Le filtre s'appliquerait donc ici.
Je ne peux pas vous donner de règle précise et globale, parce que tout dépend de la personne concernée, de l'industrie touchée et de la répartition large ou étroite des actifs.
Chers collègues, je vous souhaite une bonne reprise.
Monsieur le commissaire, je vous remercie, vous et votre bureau, de vos conseils et de votre vigilance constante. Je n'ai que quelques questions à poser.
Tout d'abord, quand les dispositions relatives à l'établissement d'une fiducie sans droit de regard ont-elles été adoptées? Était‑ce dès l'entrée en vigueur de la loi?
Comme je l'ai dit, l'article 29 dicte essentiellement que le commissaire peut déterminer les « mesures pertinentes » à appliquer aux titulaires de charge publique. Ce filtre est l'une des solutions que nous avons trouvées.
Habituellement, le titulaire de charge publique mettra dans la fiducie tout ce qu'il n'est pas autorisé à avoir. Il s'agit surtout d'intérêts dans des entreprises. Il peut y placer des obligations, des instruments financiers et ce genre de choses. Il les place dans une fiducie sans droit de regard, et les titres sont confiés aux fiduciaires, mais bien sûr, il reste conscient de ce qui s'y trouve. Par conséquent, pour éviter que les gens puissent placer des choses dans une fiducie sans droit de regard et en profiter en prenant des mesures qui augmentent leur valeur, nous avons créé ce filtre.
Ce n'est pas très souvent qu'une situation préoccupante se présente, comme ma collègue l'a souligné.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné que l'un de vos objectifs était de ne pas décourager les gens de divers horizons d'accepter une charge publique, surtout ceux qui viennent du secteur privé. Seriez-vous d'accord pour dire que le profil type d'un détenteur de fiducie sans droit de regard est généralement celui d'une personne ayant acquis un certain degré d'expérience dans le secteur privé?
Essentiellement, lorsqu'un titulaire de charge publique principal est nommé, il doit produire un rapport confidentiel des éléments à déclarer. Il doit y divulguer des renseignements sur ses actifs, ses passifs, ses activités extérieures et ses entreprises, ainsi que tout autre renseignement que le commissaire pourra utiliser pour lui fournir des conseils. Il peut s'agir de membres de sa famille qui ont des intérêts à déclarer ou qui font des affaires avec le gouvernement fédéral ou d'amis qui font des affaires avec le gouvernement fédéral. Tout cela est indiqué dans le rapport confidentiel. Ensuite, le Commissariat et ses conseillers examinent la déclaration et établissent les exigences requises.
Dans le cas d'actifs ou de biens qui sont réputés contrôlés, il faut procéder à un dessaisissement. Dans certains cas, le titulaire de charge publique principal doit également se retirer des entreprises privées dont il est administrateur, directeur ou président. Toutes ces mesures sont expliquées au titulaire de charge publique principal, et il dispose d'une période précise pour s'y conformer.
Essentiellement, il y a beaucoup de renseignements qui sont très semblables à ceux que doivent divulguer les députés, mais il y a des mesures plus concrètes à prendre pour qu'ils se conforment à la loi.
Pour résumer, alors, nous avons ici un outil qui n'est peut-être pas souvent utilisé, mais qui est assez couramment utilisé, surtout pour des personnes ayant une expérience privée externe qui acceptent une charge publique, et qui s'assortit d'un système de rapports réguliers connexes. Est‑ce bien cela?
Je comprends ce que vous devez appliquer. Moi, ce que je cherche, c'est l'essence même de l'éthique, c'est-à-dire l'éthique qui analyse ce qui est en fonction de ce qui devrait être. J'attends de votre Bureau qu'il nous fasse des suggestions en fonction de ce qui devrait être. Or, je veux bien que des gens s'engagent en politique, mais pas si, structurellement, l'assise qu'ils ont avant d'y arriver crée des conflits d'intérêts structurels.
Prenons notamment l'exemple d'une compagnie qui possède 916 entreprises pour un investissement de 1 000 milliards de dollars; le premier ministre dépose un projet de loi, le projet de loi C‑5, dans des domaines qui appartiennent à Brookfield: le chemin de fer est visé par le projet de loi C‑5; l'usine de traitement de gaz naturel est visée par le projet de loi C‑5; le gazoduc est visé par le projet de loi C‑5; Westinghouse, une entreprise qui construit et exploite des centrales nucléaires est visée par le projet de loi C‑5; une participation dans le domaine des sables bitumineux est visée par le projet de loi C‑5; et des installations portuaires sont aussi visées par le projet de loi C‑5.
Il me semble qu'il y a là une apparence de conflit d'intérêts, et encore plus quand un tel projet de loi est adopté sous bâillon, sans engager de discussion pour en évaluer les répercussions.
Ne croyez-vous pas que le premier ministre, actuellement, bien qu'il ne sache pas à quel point ça va faire prospérer ses actifs dans une fiducie sans droits de regard, est quand même conscient, d'une certaine manière, que Brookfield et les gens qui en profitent vont augmenter leurs avoirs? À mon avis, cela démontre une position structurellement et éthiquement inacceptable. On ne peut pas s'asseoir sur un siège lorsqu'on prend des décisions en sachant que, de toute façon, cela va nous servir.
Est-ce que tout le monde doit se lancer en politique? Je pense que les gens doivent faire un choix. Dans une telle situation, j'attends du commissaire à l'éthique qu'il puisse nous donner des outils supplémentaires pour éviter, justement, les conflits d'intérêts.
Vous avez donné en exemple une sélection de projets. C'est tout. On a décidé de miser sur ces cinq projets d'intérêt national.
Premièrement, que l'on en ait sélectionné seulement cinq ne veut pas dire qu'ils vont se réaliser.
Deuxièmement, on ne dit pas qui va les faire.
Troisièmement, on ne sait pas de quelle subvention ou de quel soutien il s'agit de la part du gouvernement.
Quatrièmement, on ne sait pas qui va choisir les compagnies ou quelles seront les compagnies.
Dans tous ces cas-là, on doit regarder quel est l'intérêt des compagnies, comme Brookfield, et ainsi de suite. Toutefois, en ce qui concerne la sélection même des projets, nous ne sommes pas arrivés au moment de prendre une décision qui ne bénéficierait à personne.
Parmi ces cinq projets, lesquels seront le premier et le deuxième choix? Maintenant, quand on aura décidé du projet, il faudra déterminer qui sera l'acteur principal, quelle sera la compagnie, et ainsi de suite. À ce moment-là, les gens qui sont responsables des filtres prendront des décisions, à savoir si une de ces compagnies, notamment Brookfield, est impliquée. Quelle sera son implication? Est-ce un leader ou une partie prenante? Est-ce un membre d'une classe? Toutes ces décisions seront prises à ce moment-là.
Maintenant, la sélection même, ce n'est pas une question de conflit d'intérêts, et les filtres ne s'appliquent pas.
Je vous remercie, monsieur le commissaire, de votre présence.
Je suis nouveau en politique, mais je crois que, effectivement, la plupart des gens doivent s'engager et entrer en politique pour changer les choses.
Cela étant dit, je pense que, maintenant, les gens font moins confiance à la politique. Je crois que le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique est justement là pour veiller à ce que les gens refassent confiance à nos institutions.
C'est un peu inusité d'avoir un multimilliardaire à la tête du pays. Les lois et les structures actuelles permettent-elles d'assurer à la population que cette personne est là pour les bonnes raisons, et non pour aider temporairement sa compagnie avant de retourner dans le privé par la suite?
Je crois que la Loi sur les conflits d'intérêts actuelle fonctionne. Par contre, comme je l'ai mentionné dans mon rapport annuel, on peut y apporter des améliorations. Le problème ne porte pas sur les conflits d'intérêts directs, mais plutôt sur l'apparence de conflit d'intérêts, sur la façon dont on perçoit la situation.
Pour cette raison, dans mon rapport annuel, j'ai suggéré d'adopter une définition que devraient respecter les gens au gouvernement. Elle ne porte pas seulement sur les conflits d'intérêts, mais aussi sur l'apparence de conflit d'intérêts. C'est assez difficile à définir et à appliquer, mais je crois que c'est essentiel pour stimuler la confiance politique dont vous parlez.
À ce titre, il faut se rappeler qu'il y a eu la commission Oliphant concernant les allégations de conflit d'intérêts entre le très honorable Brian Mulroney et monsieur Karlheinz Schreiber. Dans son rapport, le commissaire Oliphant a recommandé d'avoir une définition portant sur les conflits d'intérêts apparents.
Madame Robinson‑Dalpé va vous lire la recommandation.
La définition de « conflit d’intérêts » de la Loi sur les conflits d’intérêts devrait être révisée de façon à englober les « conflits d’intérêts apparents », s’entendant d’une situation où une personne raisonnablement bien informée peut convenablement avoir une perception raisonnable que la capacité d’un titulaire de charge publique d’exercer un pouvoir officiel ou d’exécuter un devoir ou une fonction officielle sera ou doit avoir été teintée par son intérêt personnel ou par l’intérêt personnel d’un parent ou d’un ami.
Quand il y a un conflit d'intérêts ou une apparence de conflit d'intérêts, la population se demande comment ces choses peuvent arriver. Dans le cas présent, un premier ministre multimilliardaire qui était à la tête d'entreprises, il y a quelques mois, prend maintenant des décisions de manière très rapide sur l'avancement du pays. De plus, il semble aider par la bande les entreprises qu'il possédait et les idées qu'il avait alors. Il y a là apparence de conflits d'intérêts.
En fonction de la Loi actuelle, il me semble qu'une personne devrait être responsable d'analyser de nouveau la situation. Ce devrait être une autre personne qu'un membre du cabinet du premier ministre ou un conseiller personnel.
C'est votre opinion. Cela ne veut pas dire, parce que le premier ministre est riche, qu'il est en conflit d'intérêts.
Comme je l'ai mentionné, interdire les conflits d'intérêts directs n'est pas assez. Nous devons aussi regarder s'il y a l'apparence d'un conflit d'intérêts et si nous devons adopter des mesures pour les éviter.
D'abord et avant tout, nous devons changer la Loi pour l'améliorer. Nous devons aussi adopter une définition comme l'a suggéré le commissaire Oliphant.
C'est très difficile de répondre à votre question.
D'abord, on examine si le projet est dans l'intérêt national ou non. Ensuite, on regarde les acteurs impliqués. Dans chaque décision prise pour réaliser le projet, on doit être conscient non seulement des conflits d'intérêts directs, mais aussi de l'apparence de conflit d'intérêts.
De combien de personnes parle-t-on? Par exemple, s'il y a 12, 15 ou 20 conflits d'intérêts potentiels, combien de personnes prennent le temps d'analyser ça? Cela se fait-il assez rapidement pour qu'on puisse intervenir, ou doit-on attendre cinq ans pour constater que le problème est déjà survenu?
Ça dépend. Si on adopte une telle définition, on doit aussi adopter des processus en amont: peut-être doit-on augmenter la supervision et l'approbation des choses.
Tout d'abord, je souhaite à tous un bon retour à la Chambre des communes.
Je remercie les témoins de leurs présentations.
Monsieur von Finckenstein, j'ai entendu vos propos et j'ai pris connaissance de la lettre que vous avez envoyée au Comité. Je trouve que présentement, dans notre pays, on a besoin d'encourager les gens d'expérience à accéder à des postes de pouvoir et de prise de décision, parce que le contexte change, tant sur le plan économique que sur le plan technologique. On a donc besoin, évidemment, d'avoir des gens d'expérience au sein de nos cabinets et de notre gouvernement.
Cela dit, notre comité va devoir faire des recommandations à la Chambre. J'aimerais vous poser une question afin que vous puissiez nous orienter dans notre étude et nous aider à mieux voir les choses. Comment voyez-vous l'étude que doit faire ce comité? Devrions-nous cibler quelques recommandations ou plutôt revoir le processus dans sa globalité? Je vous demande cela parce que vous avez parlé d'un changement de contexte; je vais d'ailleurs y revenir par la suite.
Les recommandations que j'ai faites concernent des aspects qui me préoccupent maintenant. Je pense qu'il serait opportun d'apporter des changements législatifs pour remédier à ces préoccupations. Toutefois, si on effectuait un examen de la Loi sur les conflits d'intérêts, je crois qu'on devrait le faire de manière globale, en tenant compte du monde nouveau dans lequel nous vivons. On devrait, par exemple, se pencher sur le rôle des médias sociaux et de leurs implications pour la Loi. Certes, je pense qu'on doit apporter des modifications ciblées à la Loi afin de l'améliorer, mais ce n'est pas la solution idéale. La Loi ne date pas d'hier, et il est vraiment temps qu'elle soit révisée.
Vous parlez de la nécessité d'améliorer la Loi en raison, notamment, d'un changement de contexte. Ce changement de contexte est, à l'heure actuelle, beaucoup plus rapide qu'avant. Croyez-vous que les modifications à cette loi devraient rendre cette dernière beaucoup plus agile? Aujourd'hui, j'ai entendu des questions vraiment pointues concernant des cas précis. Cependant, en fait, la Loi n'est pas faite pour cela. Je dirais qu'elle est faite pour voir une apparence de conflit d'intérêts globalement, sur l'ensemble du processus législatif.
Finalement, c'est à vous, le Parlement, ainsi qu'au gouvernement, de décider comment modifier la Loi. Ma tâche se limite à déterminer quelles sont les lacunes actuelles et à vous communiquer mes recommandations pour les pallier. Toutefois, le Parlement pourrait évidemment choisir d'apporter d'autres modifications. Par exemple, il pourrait se pencher sur une réorganisation des commissariats. Pourquoi y a-t-il un Commissariat au lobbying et un Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique? Pourrait-on les combiner pour réaliser des économies? Je pense qu'on doit se pencher sur toutes ces questions.
Vous avez parlé d'une révision globale de la Loi. Une telle révision serait-elle très vaste ou plutôt limitée, selon vous? Cette révision devrait-elle être très large et couvrir toute la Loi?
Une telle révision devrait-elle porter sur des parties de la Loi ou devrait-elle plutôt porter sur son ensemble? Je répète la même question qu'au début, parce qu'on entend parler, d'une part, d'une certaine urgence et, d'autre part, d'une absence d'urgence.
Une éventuelle révision de la Loi doit-elle être étendue ou ciblée?
Si on pouvait apporter des modifications ponctuelles comme celles que j'ai recommandées, j'en serais très heureux, mais je crois que ce ne serait pas suffisant à long terme. On pourrait en faire plus.
Monsieur le commissaire, je reviens au filtre anti-conflit d'intérêts. Vous avez cru bon d'en mettre un en place, parce que la situation était particulière. On peut convenir qu'il y a là l'expression la plus ultime d'une apparence de conflit d'intérêts. En effet, on a là un individu qui arrive du privé et qui veut devenir non seulement un ministre, mais le premier des ministres, celui qui prend toutes les décisions et voit à l'orientation de l'État. S'il n'était que ministre, ce serait différent.
Toutefois, ce n'est pas vous qui mettez en œuvre ce filtre. Ce n'est pas vous qui êtes continuellement en contact avec ces deux personnes au Cabinet. Ne pensez-vous pas que le filtre devrait être mis en œuvre par quelqu'un de l'extérieur du Cabinet?
Par ailleurs, avant de donner à ces personnes la possibilité de mettre en œuvre ce filtre, avez-vous vérifié s'ils étaient eux-mêmes en conflit d'intérêts?
Je pensais que le filtre anti-conflit d'intérêts était aussi géré par le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique, et non uniquement par des proches du premier ministre qui relèvent de lui et qui sont engagés par lui.
Avez-vous aussi vérifié leurs propres conflits d'intérêts potentiels avant de leur donner la responsabilité de mettre en œuvre le filtre anti-conflit d'intérêts?
À ce moment-là, je serais aussi en conflit d'intérêts. Je ne peux pas être à la fois juge et partie prenante. Si mon bureau participe à l'administration du filtre, c'est moi qui dois prendre une décision en cas de conflit d'intérêts.
Comment votre filtre fonctionne-t-il? Je n'arrive pas à me satisfaire de ce prétendu filtre anti-conflit d'intérêts. Je ne comprends pas comment il peut effectivement rassurer l'ensemble de la population. L'articulation et la mécanique de la mesure énoncée me semblent tout à fait inadéquates.
J'ai moi-même quelques questions à poser sur les détails du mécanisme de déclaration, monsieur le commissaire. Un titulaire de charge publique doit‑il déclarer les options inhérentes à ses actions à dividende différé, ses unités d'actions ou toute prime future liée à l'une ou l'autre des entreprises auxquelles il était associé? Cela ferait‑il partie de la divulgation requise en matière d'éthique?
Voici la question que je me pose, monsieur le commissaire, et elle va dans le même sens que celle de M. Thériault. Lorsqu'on applique ces filtres, cela ne pousserait‑il pas une personne raisonnable à conclure que le titulaire de charge publique bénéficie, en fait, de ces options d'actions à dividende différé, de ces unités d'actions et de ces primes futures, malgré la création d'une fiducie sans droit de regard? Et si ce titulaire de charge publique était premier ministre, par exemple, et que ses principales plateformes politiques étaient le logement, l'infrastructure, les véhicules électriques et tout le reste, cela ne pourrait‑il pas mener une personne raisonnable à conclure qu'il bénéficie, en fait — abstraction faite des fiducies sans droit de regard qui sont créées et des filtres qui sont appliqués —, des grandes décisions stratégiques qui sont prises dans ce pays? Cela ne pourrait‑il pas amener une personne raisonnable et réfléchie à conclure qu'il y a, en fait, un conflit et que la personne bénéficie de ces décisions?
Vous venez d'énoncer le principal argument pour lequel les gens n'aiment pas l'idée de l'apparence de conflit d'intérêts, parce qu'il est possible de voir les choses de cette façon ou autrement. On pourrait aussi présenter l'argument contraire et dire qu'il a déjà gagné ces dividendes différés, qu'il les touchera plus tard de l'une des plus grandes entreprises du pays, alors comment pourrait‑il être personnellement... Où est le conflit d'intérêts? Il est impossible qu'une décision ait une incidence sur l'argent différé qu'il recevra plus tard. C'est pourquoi, lorsqu'on parle d'un conflit d'intérêts devant un comité, il faut tenir compte de la façon dont les gens voient les choses. Est‑il possible de donner l'apparence de conflit d'intérêts... ou est‑ce simplement que, malheureusement, il y a apparence de conflit d'intérêts, mais dans les faits, rien n'influence les intérêts personnels de la personne concernée? Il y a apparence de conflit d'intérêts, comme dans la décision qui a été lue. Comme M. Oliphant l'a dit, vous vous demandez: « Comment une personne extérieure raisonnable, connaissant très bien la situation, peut-elle voir cela? » Ce « très bien » est fondamental, ici: il faut comprendre comment fonctionnent les actions à dividende différé, comment elles ont été acquises, etc.
Je ne sais pas comment répondre à votre question, monsieur le président. C'est le mieux que je puisse faire.
Merci, monsieur le commissaire. Je vous suis grandement reconnaissant d'avoir consacré du temps à notre réunion d'aujourd'hui.
Madame Rushworth, merci d'avoir été présente.
Madame Dalpé, je crois comprendre que c'était peut-être votre dernière comparution devant le Comité avant votre départ à la retraite. Je vous souhaite donc bonne chance, une excellente santé et beaucoup de bonheur.
Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes. Nous entendrons ensuite la commissaire à l'information.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre témoin de la deuxième partie de notre réunion, qui représente le Commissariat à l'information du Canada. Il s'agit de la commissaire à l'information, Mme Caroline Maynard.
Cela faisait longtemps madame Maynard. Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau au Comité.
Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Allez‑y, s'il vous plaît.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
J'ai l'honneur d'assumer le rôle de commissaire à l'information du Canada depuis mars 2018, et j'apprécie chaque occasion qui m'est offerte de vous adresser la parole. Certains éléments que j'aborderai dans mon allocution pourront paraître familiers à ceux et celles d'entre vous qui reprennent leurs fonctions en tant que membres du Comité.
La Loi canadienne sur l'accès à l'information donne à la population le droit d'obtenir des renseignements concernant le fonctionnement et les activités du gouvernement fédéral. La Cour suprême du Canada a qualifié ce droit de quasi constitutionnel.
Chaque année, les Canadiens et les Canadiennes exercent ce droit en présentant plus de 200 000 demandes pour obtenir des documents qui relèvent des institutions fédérales. Ces demandes portent sur des sujets essentiels à notre société. Ils veulent notamment savoir comment sont dépensés leurs impôts, comprendre la gestion des programmes et services, savoir comment et à qui les contrats sont attribués, ainsi que connaître les mesures qui sont prises pour renforcer notre économie.
[Traduction]
Comme l'indique le document d'information que je vous ai fourni, mon rôle consiste à faire respecter la Loi sur l'accès à l'information en employant les outils et les pouvoirs à ma disposition. Au cours des sept dernières années, j'ai enquêté sur des milliers de plaintes liées à des demandes d'accès. J'ai rendu des ordonnances à des institutions grâce au pouvoir qui m'a été conféré en 2019 et j'ai intenté des procédures judiciaires afin de faire respecter la Loi et le droit d'accès de la population canadienne.
Lorsque la Loi est entrée en vigueur en 1983, elle était considérée comme avant‐gardiste. Toutefois, au fil des décennies, les gouvernements ne l'ont pas modernisée. La Loi, tout comme le système qui la sous‐tend, ne reflète plus la façon dont on crée, communique et utilise l'information.
Permettez‐moi de vous donner un aperçu concret de cette réalité. Dans de nombreuses institutions, répondre aux demandes d'accès implique de faire une recherche dans des milliers de documents électroniques qui n'ont pas été correctement gérés ou de fouiller dans des boîtes ou des classeurs contenant des dossiers papier souvent mal archivés. Trop souvent, les caviardages manuels, la suppression des doublons et d'autres processus laborieux réalisés à l'aide de technologies désuètes nuisent à l'efficacité de ces recherches.
Ces lacunes en matière de rendement, auxquelles s'ajoute une culture du secret persistante, font souvent en sorte que les institutions ne respectent pas leurs obligations en vertu de la Loi. Nous disposons donc aujourd'hui d'une loi et d'un système qui ne répondent pas aux besoins d'information des Canadiens et des Canadiennes.
En juin dernier, le gouvernement a lancé un examen législatif, comme l'exige la Loi. J'espère que cet exercice sera mené rapidement et qu'il permettra d'apporter des modifications significatives à la Loi et au système qui la soutient. Je me réjouis à l'idée de jouer un rôle actif dans le cadre de cet exercice, ainsi que dans tout autre examen que le Parlement choisira d'entreprendre, et ce, dans l'espoir qu'ils aboutissent à une refonte complète et approfondie de la Loi. Les Canadiennes et les Canadiens méritent d'avoir une loi régissant l'accès à la hauteur de leur grand pays.
À une époque où la désinformation et le scepticisme du public ne cessent de croître, le Canada se doit d'être un leader en matière de transparence et de responsabilité, pour le bien de notre démocratie. Cela exige aussi que la fonction d'accès à l'information et de protection de la vie privée au sein de chaque institution dispose des ressources nécessaires pour respecter cette obligation légale.
(1215)
[Français]
Alors que le gouvernement procède à un examen approfondi des dépenses pour s'assurer qu'elles sont responsables et efficientes et qu'elles produisent des résultats concrets pour la population, les institutions devront mesurer avec soin les risques de toute réduction dans le domaine de l'accès. L'accès à l'information n'est pas un simple service; c'est un droit prévu par la Loi.
La semaine prochaine marquera la Semaine du droit à l'information, un moment privilégié pour attirer l'attention sur le droit d'accès des Canadiens et des Canadiennes. C'est l'occasion idéale pour nous rappeler que moderniser la Loi sur l'accès à l'information afin d'accroître la transparence est l'un des moyens les plus efficaces de renforcer la confiance de la population envers son gouvernement et de protéger notre démocratie.
Monsieur Barrett, en raison des contraintes de temps, je m'en tiendrai à six minutes. Puisque nous avons un peu dépassé le temps la dernière fois, nous n'allons pas le faire cette fois‑ci, d'accord?
Madame la commissaire, c'est un plaisir de vous revoir.
Avant de passer à mes questions sur votre travail, j'aimerais vous demander votre avis sur le nôtre. L'année dernière, notre comité a publié un rapport. Je me demande si vous avez des commentaires à nous faire à ce sujet.
Comme vous l'avez vu dans mon document, je souscris à la plupart des recommandations que ce comité a formulées après son examen. Je pense que le gouvernement doit examiner les rapports de votre comité et mes mémoires, ainsi que les commentaires qu'il reçoit du public dans le cadre des consultations. J'espère qu'il partira de là plutôt que de recommencer à zéro.
Dans votre rapport annuel de 2024‑2025, vous avez écrit que certaines « institutions [...] ne se conformaient pas à [vos] ordonnances [juridiquement contraignantes] ou [ne faisaient pas appel à] la Cour fédérale », qu'elles « enfreignaient [ainsi] la loi » et vous obligeaient à présenter des demandes de bref de mandamus.
Estimez-vous que certaines institutions fédérales ont enfreint la loi en ignorant vos ordonnances? Pouvez-vous confirmer que le ministère de la Défense nationale est le pire contrevenant?
J'ai présenté huit demandes de mandamus parce que huit ordonnances n'ont pas été contestées en cour. Les institutions ont le droit de ne pas se conformer à une ordonnance tant qu'elles la contestent en cour. Lorsqu'elles refusent de le faire, je suis obligée de prendre des mesures. Je pense que sur les huit brefs de mandamus, le ministère de la Défense nationale en a reçu environ six. Je dois toutefois dire que, heureusement, le ministère s'améliore considérablement. Je ne sais pas si c'est grâce aux demandes de mandamus, mais cette année, nous avons reçu le plus petit nombre de plaintes contre Défense nationale. Il ne figure même pas parmi les cinq institutions qui enfreignent le plus la loi cette année.
Vous avez lancé une enquête sur ArriveCAN à la suite d'allégations relatives à la destruction de documents qui étaient visés par la loi.
Est‑ce que la destruction ou la suppression de documents visés par des demandes d'accès à l'information constitue une violation de la loi? Vos conclusions préliminaires semblent-elles indiquer qu'il y a eu violation de la loi dans ce cas?
En ce qui concerne ArriveCAN, je suis désolée, mais je ne peux pas vous parler de l'enquête. Elle est toujours en cours. Il s'agit d'une enquête très complexe qui, comme vous venez de le mentionner, porte sur de très graves allégations. L'une de nos priorités cette année est de terminer l'enquête. Je serai heureuse de vous faire rapport à ce sujet plus tard dans l'année.
Pour ce qui est des allégations relatives à la destruction de documents, il s'agit d'un acte criminel si on les a détruits délibérément et que l'on voulait éliminer l'information afin que personne ne puisse y avoir accès. À ce stade, je ne peux pas vous dire quelles sont nos conclusions au sujet d'ArriveCAN.
Dans votre rapport de 2024‑2025, vous avez dit que l'année précédente, les délais prescrits n'avaient pas été respectés pour « près de 30 % des demandes » dans l'ensemble du gouvernement. En termes clairs, est‑ce que le fait de ne pas respecter les délais pour près d'un tiers des demandes signifie que le gouvernement, dans son ensemble, ne respecte pas la loi?
À l'heure actuelle, la loi oblige les institutions à répondre dans les 30 jours suivant la réception d'une demande d'accès ou à demander une prorogation. Pour 33 % de ces demandes, le délai n'est pas respecté. Il y a toutes sortes de facteurs. L'un d'entre eux est que les consultations avec d'autres institutions prennent beaucoup trop de temps. Un autre facteur est la mauvaise gestion de l'information, qui fait que l'on doit accéder à d'énormes quantités de renseignements et traiter un nombre considérable de documents. Il y a beaucoup à faire pour améliorer le système. Comme je l'ai dit dans mon mémoire en 2020, il y a beaucoup à faire pour moderniser cette loi. Réduire la durée des consultations serait également un moyen de réduire les délais.
Je pense que vous avez dit que le plan de modernisation du gouvernement n'était pas suffisant. Je crois que c'est bien ce que vous avez dit. Quant au bâton qu'il faudrait peut-être utiliser ici, parce que je ne pense pas qu'il y ait de carotte qui puisse faire bouger les choses, que font les pays comparables? Quelle est la mesure la plus sévère ou la plus efficace utilisée ailleurs dans le monde pour faire respecter la loi? Le Canada est‑il un cas particulier? Il m'apparaît incroyable qu'un gouvernement semble bafouer cette loi très importante.
J'ai rencontré des collègues d'ailleurs dans le monde et malheureusement, nous ne sommes pas les seuls à avoir des problèmes relatifs à l'application de la loi. Que nous ayons ou non une bonne loi, voire une loi parfaite, c'est dans son application que l'on voit vraiment si un pays fait bien les choses.
Aucun autre pays ne sanctionne les fonctionnaires, car il est très difficile de savoir qui est responsable en dernier ressort des décisions qui ont été prises.
J'aimerais mieux comprendre la situation. Pouvez-vous nous parler de votre expérience et nous dire dans quelle mesure le volume de la production a changé depuis que vous suivez l'accès à l'information?
Entre autres choses, lorsque la loi a été adoptée en 1983, nous travaillions avec des dossiers papier. Il était facile d'imprimer ce qui constituait réellement un document officiel et de le conserver quelque part. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde numérique où les gens utilisent les courriels pour prendre des décisions et des messages texte, Teams et des vidéos.
Je ne pense pas que la loi ait été conçue pour une telle quantité de renseignements et, essentiellement, les gens ont été négligents dans la gestion de leur information. Dans de nombreuses institutions, la capacité de stockage des boîtes de réception n'est pas limitée, de sorte que les gens peuvent tout conserver et n'ont pas à faire de ménage, ce qui est ridicule. Nous voyons des dossiers où quelqu'un doit chercher des renseignements pertinents dans 30 000 pages de documents. Comme je l'ai dit plus tôt, cela ne répond vraiment pas aux besoins et nous devons trouver un moyen de responsabiliser davantage les fonctionnaires dans la gestion de leur information. Nous devrions peut-être utiliser l'intelligence artificielle pour supprimer les doublons. Il existe toutes sortes de technologies, mais elles ne sont pas utilisées pour l'instant, et nous voyons des dossiers dont la taille n'est pas raisonnable par rapport aux demandes.
Dans la loi, il est question de « documents ». Ainsi, si un document n'est pas supprimé de votre boîte de réception et qu'une demande d'accès est faite, vous devez le fournir.
Selon la politique du Conseil du Trésor du Canada, on peut supprimer les documents éphémères et on doit conserver les documents ayant une valeur opérationnelle. Cela dépend vraiment de différentes décisions. Certaines personnes conserveront toutes les ébauches qui ont mené à une décision, surtout si elles montrent comment la décision a été prise.
C'est vraiment une situation où c'est du cas par cas, mais à l'heure actuelle, je pense que beaucoup de gens conservent tout, simplement pour s'assurer qu'ils ne... Vous savez, il devrait y avoir de meilleures politiques et de meilleures directives, ou peut-être une définition législative de ce qui constitue un document officiel, afin que les gens sachent ce qu'ils sont censés faire et quelles sont leurs responsabilités.
Parfois, oui, et on affirme aussi qu'ils ne gardent pas assez de documents. Nous avons des cas où une décision est prise et où on a de la difficulté à comprendre pourquoi aucun document n'a été créé, et c'est également préoccupant.
Vous avez soulevé le point à propos de la technologie, et c'est manifestement une partie du défi ici, ne serait‑ce qu'à cause du nombre de plateformes et des types de technologies que nous utilisons pour stocker l'information pour les communications de base au gouvernement. Selon vous, quelles seraient certaines des façons pour un gouvernement de mieux utiliser la technologie afin d'améliorer la gestion de l'information ou l'accès à l'information?
Je ne suis pas experte, mais je suis certaine qu'il y a des moyens d'intégrer l'intelligence artificielle ou des technologies qui vont cerner l'information pertinente plutôt que chaque document qui contient un certain mot.
Nous en avons eu un exemple à mon bureau. Quelqu'un a demandé de trouver un mot, et pratiquement tous les documents que nous avons créés comportaient ce mot. On ne peut pas traiter cela. Nous devons trouver des moyens de travailler avec la technologie pour éliminer les doublons. Nous devons trouver des manières de mieux gérer cette information. Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je suis persuadée que le gouvernement devrait embaucher un plus grand nombre de spécialistes des TI pour trouver ces façons de procéder. Nous devrions examiner les pratiques exemplaires.
Je sais que l'Australie compte parmi les pays qui utilisent l'intelligence artificielle beaucoup plus qu'ailleurs. Oui, c'est le premier pays qui me vient en tête.
Vous avez également parlé de l'objectif qui consiste à lutter contre la mésinformation et la désinformation. Pouvez-vous en parler un peu et nous dire comment le régime d'accès à l'information pourrait nous aider selon vous dans cette lutte?
Je dis toujours que la demande d'accès à l'information qu'on ne doit pas présenter est la meilleure, car si l'information est là, qu'elle est fiable, qu'il existe une politique sur la divulgation proactive... Les Canadiens ont besoin de savoir qu'ils peuvent se fier à l'information qu'ils lisent et qu'ils consultent, à l'information qu'ils obtiennent, que ce soit par l'entremise de journalistes ou de leur député, mais à l'heure actuelle, lorsque même l'information fiable du gouvernement est difficile à obtenir, à qui doivent-ils s'adresser? Vers qui vont-ils se tourner? C'est ici que la mésinformation intervient...
Nous faisons un excellent travail. La fonction publique donne des conseils qui s'appuient sur des faits et des statistiques, et il devrait être possible de consulter cette information. Nous ne devrions pas avoir à répondre, à la demander.
Je vous souhaite la bienvenue, madame la commissaire.
Vous avez un rôle très important. Je ne connaissais pas beaucoup la Loi sur l'accès à l'information, je m'en confesse. J'ai donc beaucoup lu à ce sujet, et j'ai été stupéfait de constater, en lisant votre rapport, que peu de choses ont réellement changé depuis 1983. Lorsqu'on est dans l'opposition, on fait beaucoup de demandes et on est très vertueux, mais, une fois qu'on est au gouvernement, tout à coup, on adopte la même posture politique quant à l'accès à l'information. C'est comme un jeu qui se passe d'un mandat à l'autre, d'un gouvernement à l'autre. À moins que je me trompe, c'est ce que j'ai perçu, et je me demandais ce qui causait cela, structurellement, et ce qu'on pouvait faire pour contrer cela.
Supposément, dans chaque ministère, il y a une personne responsable de cette question de l'accès à l'information et, à moins que je me trompe, elle relève du ministre. Si cette personne relevait de vous, croyez-vous que cela améliorerait déjà les choses?
Présentement, l'administration de l'accès à l'information relève du Conseil du Trésor, mais chaque institution doit avoir une unité d'opération, et c'est celle-ci qui s'occupe de mettre en place les procédures pour répondre aux demandes d'accès. Je ne sais pas si une institution indépendante pourrait avoir accès aux documents des institutions. Ce serait difficile.
Pour revenir au début de votre question, je dirais que la Loi sur l'accès à l'information a été mise en place pour donner accès à l'information, avec certaines exceptions limitées. Depuis 1983, les gens voient plutôt la Loi comme un moyen d'empêcher d'accéder à l'information. Au lieu de se demander quelles informations devraient être données, on se demande quelles informations devraient être protégées ou exemptées. L'application de la Loi ne lui a pas permis d'atteindre son but ultime.
Le fait d'avoir une unité centrale au gouvernement pourrait-il permettre une meilleure administration de l'accès à l'information? C'est possible. Certaines provinces, comme l'Alberta, ont une unité centrale, mais elles doivent quand même faire une vérification auprès des ministres responsables des institutions. Ultimement, la décision revient au chef de l'institution. Je ne suis donc pas certaine que ça changerait les choses. Ce qu'il faut changer, c'est la culture au sein du gouvernement. Il faut adopter une culture de transparence qui permettrait aux gens de se rendre compte que c'est une bonne chose de partager l'information et de faire en sorte que les partis politiques aient l'information nécessaire pour avoir un débat public. C'est bon pour la démocratie. Cependant, présentement, je pense que les gens ont peur. Ils se cachent derrière la Loi sur l'accès à l'information, et c'est ce qui fait qu'il y a des limites et que ce n'est pas un processus parfait.
Je veux m'assurer que les gens comprennent bien. Ce que vous nous dites, c'est que je pourrais faire une demande à un ministère et qu'il pourrait me fournir l'information. Or, présentement, on nous dit de faire une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, sachant que cela va prendre une éternité.
Vous pourriez faire une demande, mais ce serait considéré comme une demande informelle. De plus, les gens appliquent souvent la Loi quand même ou trouvent des moyens de retenir certaines informations. C'est permis, mais en principe, encore une fois, ils devraient vouloir vous donner le plus d'information possible pour que vous puissiez comprendre la décision, ce qui a été mis en place ou les services en question. Souvent, ils retirent de l'information; vous faites donc moins confiance au processus et vous vous demandez pourquoi ils cachent cette information.
C'est une culture d'opacité; ce n'est pas une culture de transparence.
Je reviens à mon idée de départ. Il faut sans doute que des gens gèrent cet accès à l'information. Cette loi, ce n'est pas n'importe quoi. C'est une loi essentielle — vous l'avez dit — pour nos valeurs démocratiques. Elle doit nous permettre, à l'ère dans laquelle nous sommes, de lutter contre la mésinformation et la désinformation. C'est important. C'est une loi costaude, quand même, même si elle ne l'est peut-être pas assez à votre goût. Ce sera l'objet d'une autre question plus tard.
Bref, je ne peux pas croire que les ministères n'ont pas quelqu'un qui s'occupe de gérer ces demandes. Si cette personne relève d'un ministère ou d'un ministre, je ne pense pas que la culture change beaucoup. C'est pourquoi je me disais que, si cette personne relevait du Commissariat à l'information du Canada, ce serait un peu différent. Ce serait un pas qui nous rapprocherait de l'intention derrière la Loi sur l'accès à l'information. D'ailleurs, nous pourrons discuter, dans une autre intervention que je ferai, des changements qu'il faut apporter à la Loi.
D'accord. Vous avez dit — et votre rapport le souligne — que la non-conformité de la part des ministères et des organismes gouvernementaux pose problème. Les ministères et les organismes qui ne se conforment pas à vos ordonnances enfreignent donc la loi, n'est‑ce pas?
C'était problématique au début. Cela semble être moins le cas maintenant. Je pense que les gens ont compris que nous avons maintenant recours à une demande de mandamus pour les forcer à respecter les ordonnances.
Vous avez indiqué en répondant à M. Barrett que votre bureau a été contraint de présenter pas une, pas deux, mais huit demandes de mandamus pour forcer des ministères et des organismes en situation de non-conformité à respecter la loi.
Il est coûteux de s'adresser à la cour fédérale. Cela nécessite beaucoup de ressources, n'est‑ce pas?
Pouvez-vous fournir un chiffre ou décrire dans une certaine mesure à quel point votre bureau a dû déployer des ressources pour contraindre des ministères et des organismes gouvernementaux, malgré leurs protestations, à se conformer à votre ordonnance légitime?
À l'heure actuelle, la loi ne me demande pas de surveiller ces décisions et ces ordonnances. Si quelqu'un porte plainte à mon bureau parce qu'une ordonnance n'a pas été respectée, le seul recours que j'ai actuellement consiste à présenter une demande de mandamus, ce que nous faisons. Nous avons plus d'avocats qu'avant. Les coûts pour nous se rapportent aux salaires et au temps.
Malheureusement, d'une certaine façon, cela demande aussi du temps aux demandeurs, car jusqu'à maintenant, aucune demande de mandamus n'a donné lieu à une audience. Les organismes ont toujours répondu avant qu'un juge ne prenne connaissance de notre demande. Essentiellement, il faut tout simplement plus de temps pour que les organismes répondent.
Le 7 mars 2025, vous avez écrit à l'ancienne présidente du Conseil du Trésor, Ginette Petitpas Taylor, pour exprimer votre inquiétude au sujet de cette tendance à ne pas se conformer. Vous avez demandé que la ministre émette, « à l'intention des institutions assujetties à la loi, des directives claires et sans équivoque concernant leurs [...] responsabilités légales, y compris le fait de respecter [vos] ordonnances ».
Eh bien, cette année, nous faisions face à un déficit de 600 000 $ à cause de la convention collective qui a été négociée et pour laquelle nous n'avons pas reçu d'argent. Compte tenu de l'examen lancé par le gouvernement, nous avons décidé de l'assumer.
Je ne peux pas dire que nous sommes dans une situation où nous n'avons pas assez de fonds, mais nous n'en avons certainement pas trop. Nous gérons nos ressources du mieux que nous le pouvons, en fonction de la situation actuelle au gouvernement.
En 2024, vous avez soumis une proposition en dehors du cycle prévu à cet effet pour demander 400 000 $ en financement permanent pour maintenir maintenir les ressources actuelles. Qu'est‑il advenu de votre demande?
Pour revenir à vos ordonnances et au droit des ministères et des organismes de demander un examen à la cour fédérale, le caractère de novo est la norme à la cour fédérale. Votre prédécesseure, Suzanne Legault, a affirmé qu'un examen de novo « n'incite pas les institutions à fournir des raisons suffisantes pour justifier que l'information ne doit pas être divulguée au cours des enquêtes ». C'est pourquoi elle a recommandé d'éliminer la norme de novo. Êtes-vous d'accord?
Tout d'abord, je tiens à vous remercier, madame Maynard. Vous êtes vraiment la bienvenue à ce comité, parce que ce sujet est vraiment passionnant et intéressant, surtout pour moi. J'ai moi-même fait l'expérience des demandes d'accès à l'information auprès de plusieurs ordres de gouvernement, que ce soit du côté provincial ou du côté municipal.
En guise de préambule, je dirai que la quantité d'information traitée par les machines gouvernementales augmente de façon exponentielle. Également, le nombre de demandes d'accès à l'information commence à augmenter, en même temps que la quantité d'informations à traiter, à communiquer et à autoriser devient très importante, notamment avec les outils collaboratifs qu'on utilise au moyen de nos machines. J'aimerais bien avoir votre avis: le non-respect de la Loi sur l'accès à l'information est-il surtout attribuable à cela?
Il faut un certain temps pour recevoir et traiter une demande, puis pour y répondre, et le délai de 30 jours n'est pas toujours respecté. Je l'ai vécu plusieurs fois dans ma vie. Ce n'est pas un manque de volonté du récepteur de la demande, c'est plutôt le processus lui-même qui devient de plus en plus compliqué, notamment avec le caviardage, auquel on a souvent recours.
Présentement, la Loi sur l'accès à l'information prévoit que l'institution a 30 jours pour demander une prorogation de délai. Le problème, c'est que, bien souvent, 30 jours ne suffisent pas aux unités d'accès à l'information pour obtenir l'information suffisante pour établir combien d'heures supplémentaires seront nécessaires, étant donné, comme vous le dites, le nombre de pages.
Il arrive même souvent que des unités d'un ministère ne répondent pas à l'unité d'accès à l'information dans les 30 jours. Il est donc très difficile pour celles-ci de faire des demandes de prolongation appropriées et raisonnables, et c'est souvent ce qui mène à des plaintes auprès du Commissariat à l'information. Le nombre de pages et de documents est certainement un problème, mais on peut se demander s'il faut blâmer la Loi sur l'accès à l'information ou la mauvaise gestion de ces documents.
Pour ce qui est de la mauvaise gestion, comme n'importe quel autre gouvernement, nous voulons être efficients. Je reviens à la question de ma collègue au sujet de l'utilisation des technologies, notamment l'intelligence artificielle, qui n'est pas souvent mentionnée dans vos rapports et vos recommandations. Faudrait-il miser bien davantage là-dessus pour améliorer la situation? Depuis 2010, la quantité d'information a augmenté de manière exponentielle, ainsi que les informations échangées sur n'importe quel processus décisionnel. S'il y avait auparavant des centaines de milliers de pages sur un processus décisionnel, aujourd'hui, on parle de millions de pages.
L'intelligence artificielle devrait-elle être recommandée par votre bureau?
Ce que je comprends de l'intelligence artificielle, c'est qu'on ne peut pas l'utiliser comme outil si on n'a pas bien géré l'information en premier lieu. Comme je le disais tout à l'heure, cet outil peut être utilisé pour éliminer des doublons ou pour trouver des informations. Cependant, si on a tellement d'information et qu'elle est si mal gérée qu'on ne sait même pas où elle se trouve, cet outil ne nous sera pas utile.
Il faut donc, en premier lieu, bien gérer l'information; ensuite, on pourra se servir de l'intelligence artificielle.
Je reviens à votre lettre du 13 mai 2025 adressée au Conseil du Trésor. Pouvez-vous expliquer brièvement en quoi l'examen de la Loi sur l'accès à l'information est urgent?
Ma lettre visait simplement à rappeler au président du Conseil du Trésor que la Loi sur l'accès à l'information prévoit une révision législative tous les cinq ans et que celle-ci doit avoir lieu cette année.
Je lui rappelais également que ce processus devrait avoir lieu le plus tôt possible. On a mené beaucoup de consultations et on a reçu des rapports de plusieurs experts. On connaît bien les problèmes liés à la Loi et au système.
J'espère que le processus de révision législative va se faire rapidement et qu'il va mener à des résultats concrets.
Madame Maynard, je sais que vous êtes très cohérente dans vos demandes d'examen. En tout cas, je vous l'ai souvent entendu dire depuis que je siège ici.
[Français]
Monsieur Thériault, la parole est à vous pour deux minutes et demie.
Quand un élu doit jouer son rôle, c'est-à-dire demander des comptes, travailler à la reddition de comptes de l'appareil exécutif, la Loi sur l'accès à l'information est l'un des principaux outils. On ne l'a pas mise en place pour rien.
Toutefois, ce que j'entends, c'est que le traitement de l'information est déficient. Il y a une mauvaise classification, il y a des délais indus. Il faudrait donc modifier la Loi.
Dites-moi donc quelles seraient vos préférences. Que devrait-on modifier? Peut-être pourriez-vous nous donner un ordre de priorité. Ce n'est pas grave, si vous vous trompez de deux ou trois priorités, mais que faudrait-il modifier? Selon vous, sur quoi faut-il se pencher? Vous avez sûrement des idées là-dessus.
Oui. En 2020, j'ai déposé des soumissions touchant différents éléments, comme élargir l'application de la Loi aux cabinets des ministres et au Cabinet du premier ministre, parce que, présentement, ils ne sont pas assujettis à la Loi. Toute l'information qui émane de ces bureaux n'est pas accessible. J'ai aussi proposé de l'élargir aux entités privées qui font du travail pour le gouvernement, au nom du gouvernement. L'argent des contribuables est utilisé pour offrir des services aux Canadiens, et il faudrait s'assurer que l'information est également accessible.
En ce moment, les documents confidentiels du Cabinet ne sont pas révisés par mon bureau. Le Commissariat à l'information ne peut pas les voir. Selon moi, cela ne devrait pas être exclu non plus de la Loi, parce que, souvent, une exemption, une exclusion est appliquée à certains documents. Présentement, personne, que ce soit moi ou un juge, ne peut voir les documents et s'assurer que la Loi est appliquée adéquatement. Je ne vous dis pas que les documents devraient être accessibles, mais plutôt qu'il devrait y avoir un processus de révision de ces documents pour s'assurer que la Loi est appliquée comme il faut.
On devrait aussi établir des restrictions en ce qui a trait aux consultations entre les institutions. Présentement, les institutions ont 30 jours pour donner une réponse, mais il n'y a pas de délai prescrit pour les institutions qui sont consultées à l'interne. Cela engendre beaucoup de délais pour ce qui est de l'application de la Loi.
Outre les exemptions, les exclusions, plusieurs éléments devraient être révisés.
Madame la commissaire, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. Si je comprends bien, vos directives sont exécutoires. Les ministères et les départements doivent suivre vos directives pour donner un accès à l'information à tout le monde.
La Loi leur permet d'aller en cour, si elles ne sont pas d'accord sur l'ordonnance. Elles doivent le faire dans un certain délai. Par contre, si elles ne le font pas, elles devraient, en principe, respecter l'ordonnance. Comme on l'expliquait tout à l'heure, il y a eu quelques cas où elles n'ont pas respecté l'ordonnance et ne sont pas allées en cour non plus. J'ai dû prendre moi-même des mesures en m'adressant à la cour pour les obliger à respecter l'ordonnance. Cette situation s'est produite à plusieurs reprises...
Qu'arrive-t-il au moment où vous décidez d'exercer un recours contre eux? J'imagine qu'à un certain point, elles vont devoir agir. Au fond, est-ce seulement pour ralentir le système qu'elles vous donnent une réponse après avoir pris leur temps?
Comme je le disais tout à l'heure, en ce qui concerne les dossiers qui se sont retrouvés en cour, cela ne s'est pas rendu devant un juge, parce que l'institution a répondu à la demande avant qu'on obtienne l'ordonnance d'une cour. Les dossiers se sont réglés de cette façon.
À votre avis, cela relève-t-il d'une stratégie? Au lieu de suivre un système clair, précis, accessible et transparent, on gaspille du temps et on utilise un mécanisme pour ralentir le processus et essayer de trouver dans ses papiers quels documents donner, afin d'en tirer un avantage, au bout du compte.
La Loi sur l'accès à l'information prévoit que vous devez fournir votre information en 30 jours. Si vous ne l'avez pas fait en 30 jours, vous pouvez déposer une plainte au Commissariat. Une fois que le Commissariat a rendu une décision; on présume que l'institution la respectera ou ira d'elle-même en cour. Or, le processus de mandamus est coûteux et prend du temps. Il est donc certain que l'on peut voir ça comme une tactique pour gagner du temps.
Qu'on le veuille ou non, l'accès à l'information est le nerf de la guerre. On vit dans une ère où l'information est excessivement accessible, consommée. Tout le monde veut savoir ce qui se passe. On vit à une époque où les gens font de moins en moins confiance à nos politiques ou à nos gouvernements.
Selon vous, devrait-on financer davantage votre commissariat pour s'assurer qu'il est capable de faire son travail de la bonne manière et que les Canadiens font confiance à nos systèmes?
Il est certain que les unités d'accès et mon bureau devraient être suffisamment financés pour répondre aux demandes et appliquer la Loi. Cela dit, en premier lieu, le gouvernement devrait donner l'information avant même qu'une demande d'accès ne soit nécessaire.
De notre côté, nous promouvons beaucoup la production d'informations volontaires, par défaut. L'information devrait être accessible sur les sites Internet. Les gens devraient avoir accès à cette information pour bien comprendre les décisions et les politiques, sans nécessairement être d'accord, mais au moins pour comprendre ce qui se passe.
On me dit souvent qu'au gouvernement fédéral, publier de l'information est très coûteux parce qu'il faut le faire dans les deux langues officielles. Par ailleurs, certaines personnes ont peur de donner de l'information. Il y a une culture du secret.
Néanmoins, si les hauts fonctionnaires des différents ministères promouvaient la transparence et comprenaient, comme vous le dites, l'importance pour les gens de faire confiance à leurs ministères et au gouvernement, cela devrait être de plus en plus disponible et accessible.
Ce sera le nerf de la guerre de l'avenir. Il est évident que l'accès à l'information est très important.
Avez-vous l'impression que, dans les ministères, dans nos institutions ou en politique de façon générale, on garde plus de documents qu'avant? Ce problème a d'ailleurs été soulevé plus tôt: il reste énormément de documents, de courriels, etc.
Est-ce ce à quoi on assiste ou est-ce l'inverse, à savoir que des documents sont perdus, oubliés ou effacés trop vite?
Malheureusement, au Commissariat, nous constatons que les choses se répètent.
Si vous aviez parlé avec la commissaire qui m'a précédée, elle aurait soulevé les mêmes problèmes et préoccupations. Cela devient de plus en plus important parce qu'il y a de plus en plus de demandes. Cette année, 200 000 demandes d'accès ont été déposées.
Madame la commissaire, je suis nouvellement élu, et je vous prie donc de m'excuser si je n'ai pas...
Dans quelle mesure notre loi est-elle concurrentielle par rapport à celle d'autres pays développés, comme l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis? Notre degré de conformité est‑il moins élevé que celui des autres pays ou est‑il comparable, et quelles mesures devons-nous prendre pour faire mieux?
Il y a un organisme qui examine la loi et qui la compare à celle d'autres pays. Je pense que le Canada figure au 58e rang parmi 109. Nous sommes donc au milieu. Notre loi n'est pas la meilleure pour ce qui est de l'accessibilité et de la transparence ainsi que du niveau auquel l'organisme à laquelle elle s'applique...
J'aime notamment nous comparer à l'Écosse, qui a une législation très progressive. Le commissaire là‑bas a le pouvoir de surveiller à quel point les organismes sont conformes, contrairement à moi. Il y a également une loi qui permet au bureau du commissaire à l'information de faire de la sensibilisation, ce que je fais également, même si ce n'est pas prévu dans ma loi. Je pense qu'il est important que les gens comprennent leurs droits et la façon dont la loi s'applique.
La mise en œuvre de la loi est très difficile à surveiller, car cela se rapporte à l'administration du gouvernement et chaque organisme procède différemment. Nous avons donc des organismes qui font du très bon travail et d'autres qui ne se conforment pas aussi bien à la même loi. À ce jour, il n'existe pas beaucoup d'outils pour dire quel pays fait mieux que les autres.
Fait intéressant, le Brésil n'a pas de commissaire indépendant, mais toutes les demandes d'accès à l'information se trouvent sur un site Web. On peut voir combien de temps aura été nécessaire pour obtenir une réponse.
Il existe certains outils, et chaque fois que je vois ce genre de choses, je le dis aux gens du Secrétariat du Conseil du Trésor, car je veux qu'ils fassent une comparaison et qu'ils voient les pratiques exemplaires existantes. De toute évidence, le Canada peut faire mieux. Nous nous en sortions très bien, mais à ce stade‑ci, nous ne nous conformons pas aux principes actuellement prévus dans la loi.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui et de votre réponse à la question que vous a posée mon collègue par rapport aux autres pays. Vous avez parlé de 200 demandes par année. Que pouvez-vous nous dire sur l'évolution de l'accès à l'information, vous qui êtes en poste depuis 2018?
Pour ce qui est de l'évolution de l'accès à l'information, les demandes augmentent à peu près de 20 % tous les ans. Chaque année, il y a donc plus de demandes et, chaque année, mon bureau reçoit entre 3 et 5 % des plaintes.
Si je me base sur le rapport du Conseil du Trésor — c'est vraiment lui qui a les données —, la majorité des demandes proviennent des entreprises et des entités commerciales, mais elles proviennent aussi souvent des agents d'immigration, qui sont considérés comme des entreprises.
Par conséquent, beaucoup de demandes sont faites par le ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Cela vise un grand nombre de personnes dans la population.
La seule mise à jour importante qui a eu lieu remonte à 2019. En ce qui a trait à la Loi comme telle, les exclusions n'ont pas été révisées, mais j'ai eu, à ce moment-là, le pouvoir d'émettre des ordonnances. Avant 2019, les commissaires n'avaient que le droit de faire des recommandations.
Plus tôt, certains de mes collègues et vous avez parlé de l'information se trouve à différents endroits, dont dans des courriels. Auparavant, on travaillait tous avec des documents sur support papier. Comment pouvez-vous traiter l'ensemble de cette information? On en a parlé un peu, mais imaginons que quelqu'un cherche une information assez large. Y a-t-il une façon de faire une demande? En effet, si l'information est très large, cela va donner énormément de documents à réviser.
Oui, il est certain qu'une demande d'accès à l'information très vague n'est pas l'idéal. Les institutions tentent souvent de traiter avec la personne qui demande l'information et de lui expliquer que, si elle présente sa demande telle quelle, elle va recevoir 2 millions de pages. Les institutions vont donc essayer, en travaillant avec le demandeur, de réduire la portée de sa demande. Cependant, c'est parfois impossible, parce qu'il ne voudra pas la modifier. Or, présentement, la Loi comporte une disposition selon laquelle elles peuvent me demander la permission de ne pas répondre à une demande qui est faite de mauvaise foi ou qui serait déraisonnable, dans la mesure où la quantité d'information contenue dans la réponse serait trop volumineuse.
Madame Maynard, vous aviez commencé à énumérer une liste de modifications, tout à l'heure. Il se peut que les gens qui nous écoutent ne lisent pas votre rapport, alors je trouverais intéressant que vous nous donniez l'ensemble de l'œuvre.
On pourrait améliorer énormément de choses dans la Loi sur l'accès à l'information. L'article 21 est souvent invoqué; il traite des avis, des conseils et des recommandations des fonctionnaires. Il est souvent utilisé de façon un peu abusive, selon notre bureau et nos enquêtes. Dans d'autres lois, il existe des dispositions qui prévoient une liste pour exclure certaines informations, comme des faits et des statistiques. Alors, nous voudrions faire une comparaison avec ces autres lois pour aider les gens qui appliquent la Loi sur l'accès à l'information à mieux respecter l'intention derrière cet article.
Bien entendu, quand on parle de révision judiciaire ou de procès de novo, il y a des choses qu'il est important de savoir. Présentement, le Commissariat à l'information peut agir en tant que partie à une audience devant la Cour fédérale. À mon avis, il est important de maintenir cela, parce que, souvent, les plaignants ne sont pas représentés et ne voient pas le dossier. Nous, nous voyons le dossier, quand nous faisons une enquête. Il est donc important pour le Commissariat de garder ce pouvoir et d'être en mesure de représenter les intérêts liés à l'accès, sans parler de l'intérêt du plaignant, et de défendre l'application de la Loi sur l'accès à l'information, même si un dossier se retrouve devant la Cour fédérale. C'est donc particulier.