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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 9 mars 1994

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

M. WALTER OSTANEK

LA CONGRÉGATION DE NOTRE-DAME-DU-BON-CONSEIL

LE DÉCORUM À LA CHAMBRE DES COMMUNES

LE BUDGET

LE DR MARGARET ARKINSTALL

LA SEMAINE INTERNATIONALE DE LA FEMME

HOMMAGE À ANDRÉ VIGER

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 2036

L'ÉCONOMIE

LES JEUX D'HIVER DE L'ARCTIQUE

MME JUDY LAMARSH

LA SEMAINE INTERNATIONALE DE LA FEMME

MIL DAVIE

LA GARDE DES ENFANTS

LA BARGE IRVING WHALE

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 2038

LA SOCIÉTÉ ROGERS COMMUNICATIONS

LES ÉLECTIONS PARTIELLES DANS SHEFFORD

LE MONUMENT COMMÉMORATIF DE LA GUERRE DU VIETNAM

QUESTIONS ORALES

L'ÉDITION

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2040
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 2040

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2040
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2040
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2041

LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2041
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2041

LA DETTE NATIONALE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2042
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2042

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

LES ALLOCATIONS DE RETRAITE DES DÉPUTÉS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2043
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2043

LE CODE CRIMINEL

LES AFFAIRES INDIENNES

    M. Harper (Churchill) 2044

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2044
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2045

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 2045
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2045

LA DÉFENSE NATIONALE

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2046

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2046

AFFAIRES COURANTES

LA COMPAGNIE DE NAVIGATION CANARCTIC LIMITÉE

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'approbation des huitième et neuvièmerapports 2047
    Adoption de la motion 2047

PÉTITIONS

LA LOI SUR LE DIVORCE

LES LANGUES OFFICIELLES

LES CRIMES AVEC VIOLENCE

QUESTIONS AU FEUILLETON

DEMANDES DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE BUDGET

L'EXPOSÉ FINANCIER DU MINISTRE DES FINANCES

    Reprise de l'étude de la motion sur le budget et del'amendement 2048
    M. Leblanc (Longueuil) 2051
    M. Leblanc (Longueuil) 2055
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2059
    M. Leblanc (Longueuil) 2060
    M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry) 2066
    M. Leblanc (Longueuil) 2067
    Rejet de l'amendement par 206 voix contre 54 2076

LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENTFÉDÉRAL ET LES PROVINCES ET SUR LES CONTRIBUTIONS FÉDÉRALESEN MATIÈRE D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE ET DE SANTÉ

    Projet de loi C-3. Étude de la motion à l'étape du rapport 2076
    Motion d'approbation 2076
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2076
    Adoption de la motion 2076
    Motion portant troisième lecture. 2077
    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 2077
    M. Harper (Calgary-Ouest) 2080
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 2083

ANNEXE


2035


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 9 mars 1994


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

M. WALTER OSTANEK

M. Walt Lastewka (St. Catharines): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter un Canadien remarquable, habitant de ma circonscription de St. Catharines, M. Walter Ostanek.

M. Ostanek, mieux connu sous le pseudonyme de roi de la polka, a reçu un prix Grammy pour la deuxième fois à New York la semaine dernière. M. Ostanek et son groupe ont remporté le prix du meilleur album de polka de l'année pour leur disque intitulé Accordionally Yours.

En ma qualité de député de St. Catharines, je suis fier et heureux de féliciter M. Ostanek pour ce succès remporté à la cérémonie de remise des Grammys. Les gens de St. Catharines connaissent le talent de M. Ostanek depuis déjà longtemps. Cette dernière marque de reconnaissance qu'il a reçue de la part de l'industrie internationale de la musique témoigne de sa persévérance dans sa quête de l'excellence.

Je tiens à féliciter sincèrement M. Walter Ostanek et son groupe.

* * *

[Français]

LA CONGRÉGATION DE NOTRE-DAME-DU-BON-CONSEIL

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Monsieur le Président, sous le thème «Cent ans d'éducation», les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame-du-Bon-Conseil fêtent cette année leur centenaire, centenaire de la seule communauté religieuse à être fondée à Chicoutimi. C'est une page d'histoire et de dévouement qui est à souligner ici.

Partout au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ces religieuses ont oeuvré pour l'éducation de la population et ce, depuis 1894, sans interruption. De plus, elles ont étendu leur ministère dans les régions de Charlevoix et de la Côte-Nord. Enfin, elles ont été présentes dans divers pays d'Afrique, ainsi qu'au Chili.

Je voudrais donc que tous les députés de cette Chambre s'associent aux gens du comté de Chicoutimi pour souhaiter aux religieuses de Notre-Dame-du-Bon-Conseil une bonne année en ce centenaire de leur congrégation.

* * *

[Traduction]

LE DÉCORUM À LA CHAMBRE DES COMMUNES

M. Allan Kerpan (Moose Jaw-Lake Centre): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter mes collègues, qui font un effort pour préserver le sens du décorum à la Chambre.

Ces derniers temps, j'ai rencontré de nombreux Canadiens qui étaient attristés et choqués par les propos qu'ont tenus certains députés à la Chambre. Un député a prétendu qu'il y en avait parmi nous qui n'aimaient pas les Indiens. Il s'est excusé par la suite. On a aussi entendu à la télévision un autre député qui taxait certains de ses collègues de racisme.

Mes électeurs m'ont dit qu'ils étaient déçus des députés quand ils s'insultaient les uns les autres. Ils craignent fort que cela jette le discrédit sur leur Chambre des communes, si des députés se croient libres d'employer un langage aussi déplacé.

* * *

LE BUDGET

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants): Monsieur le Président, notre budget est un élément clé d'un processus beaucoup plus vaste qui a débuté à l'automne dernier lorsque les Canadiens nous ont dit vouloir un gouvernement qui accorderait la priorité à l'emploi.

Nous les avons écoutés. Nous nous assurons que les modifications que nous apportons tiennent compte de ceux qui sont le plus dans le besoin. Nous avons, par exemple, modifié l'assurance-chômage de telle façon que les Canadiens à faible revenu et ayant des personnes à charge voient leurs prestations passer à 60 p. 100. Par ailleurs, les PME nous ont dit que si nous réduisions leurs cotisations d'assurance-chômage, si nous allégions leur fardeau, elles embaucheraient davantage d'employés.

Nous avons tenu nos promesses. Ces mesures doivent être considérées comme allant de pair avec les autres initiatives que nous avons prises pour créer des emplois, telles que le programme d'infrastructure, les 800 millions de dollars réservés aux projets fédéraux-provinciaux novateurs et générateurs d'emplois, la création d'un Service jeunesse, un nouveau programme d'apprentissage pour les jeunes et un train de mesures d'une valeur de 1,9 milliard de dollars pour venir en aide au Canada atlantique.

Comme on peut le constater, ce gouvernement tient parole.


2036

LE DR MARGARET ARKINSTALL

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Monsieur le Président, je voudrais profiter de l'occasion pour rendre hommage à une femme remarquable, le Dr Margaret Arkinstall.

J'ai eu le plaisir de la rencontrer il y a tout juste un peu plus d'un an dans ma ville d'East Gwillimbury.

(1405)

Après avoir fait ses études de médecine à l'Université de Toronto, Margaret Arkinstall a ouvert un cabinet avec son mari, le Dr Bill Arkinstall, à Hearst, en Ontario, en 1931. Ils se déplaçaient en traîneau tiré par un cheval pour aller s'occuper des gens travaillant dans les camps de bûcherons et des habitants de concessions éloignées.

Mme Arkinstall était non seulement médecin à une époque où il était rare de voir des femmes dans ce domaine, mais elle a également écrit des livres. En outre, elle a fait du travail de bénévolat pour la Women's Missionary Society de l'Église Unie. Elle vit à East Gwillimbury avec sa famille depuis 1948 et exerce la médecine à Newmarket.

On lui a octroyé le premier prix de Citoyen de l'année d'East Gwillimbury pour marquer sa contribution extraordinaire à sa collectivité.

Je tiens à souligner son apport au Canada, à sa collectivité et à l'avancement des femmes. C'est vraiment une Canadienne extraordinaire.

* * *

LA SEMAINE INTERNATIONALE DE LA FEMME

Mme Marlene Cowling (Dauphin-Swan River): Monsieur le Président, nous célébrons cette semaine la Semaine internationale de la femme. En tant que seule femme d'une région rurale à siéger sur les banquettes ministérielles, je voudrais rendre hommage à toutes les femmes de ces régions du Canada.

Au fil des ans, ces femmes ont énormément contribué à la vie sociale, culturelle et économique du Canada rural.

Je voudrais en particulier mettre l'accent sur le rôle du Women's Institute Movement, une organisation éducative vouée à l'épanouissement personnel et à l'action communautaire. Ce sont les fonctions énoncées dans son mandat et c'est la raison d'être de cet organisme fondé il y a 96 ans.

* * *

[Français]

HOMMAGE À ANDRÉ VIGER

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, je suis fier de rendre hommage, aujourd'hui, à un de mes concitoyens de l'Estrie, M. André Viger, qui est reconnu au plan national et international et qui a accédé récemment au Temple de la renommée Terry Fox.

Gagnant à maintes reprises d'honneurs, y compris des médailles d'or olympiques dans la catégorie «Coureurs en fauteuil roulant», M. Viger démontre à tous que les handicaps physiques ne diminuent en rien la détermination, la qualité et la valeur des individus.

André Viger est un gagnant qui, en plus de faire preuve d'un courage constant, est très impliqué, en Estrie, au sein de différentes associations visant à favoriser l'épanouissement des personnes handicapées.

Je tiens à m'associer aux membres de cette Chambre pour féliciter chaleureusement M. Viger. Au nom de tous les Québécois et Québécoises et de tous les Canadiens et Canadiennes, nous tenons à lui faire part de notre fierté et de notre admiration.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby): Monsieur le Président, aux États-Unis, certains gouverneurs promettent aussi des emplois, mais leurs promesses diffèrent de celles du gouvernement: elles se concrétisent.

Selon la revue Business Week, les États où les impôts sont peu élevés se tirent mieux d'affaire que ceux où les impôts sont élevés. Depuis 1985, la croissance des emplois y est de 65 p. 100 supérieure à celle que connaissent les États où les impôts sont élevés.

Le hic, toutefois, c'est que la baisse des impôts réduit les recettes. La croissance plus rapide ne compense pas tout à fait la perte des recettes et c'est alors que l'autre mesure doit intervenir.

Les politiciens doivent aussi repenser la prestation des services. Autrement dit, il faut recourir à la privatisation et à la déréglementation pour réduire le coût des services sociaux. Il ne s'agit pas là d'une idéologie, mais plutôt d'expériences qui fonctionnent.

* * *

LES JEUX D'HIVER DE L'ARCTIQUE

M. Jack Iyerak Anawak (Nunatsiaq):

[Note de l'éditeur: Le député parle en inuktitut.]

Dimanche dernier, au lac des Esclaves, le gouverneur général a officiellement déclaré ouverts les Jeux d'hiver de l'Arctique, une semaine de festivités au cours de laquelle nous célébrons les habitants et les cultures du Nord.

Les Jeux d'hiver de l'Arctique ont lieu tous les deux ans et constituent un événement international puisque des équipes du Groenland, de la Russie, de l'Alaska, des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du nord de l'Alberta y participent.

Ces jeux sont uniques du fait qu'ils ne mettent pas l'accent simplement sur les compétitions, mais également sur la culture. L'emblème des jeux, trois anneaux se chevauchant, symbolise à la fois les compétitions athlétiques, les expositions culturelles et les échanges sociaux.


2037

Au cours de ces jeux, les équipes qui s'affrontent s'entraident. D'ailleurs, la générosité et le partage des expériences et des connaissances acquises sont des valeurs auxquelles tiennent les autochtones, les habitants du Nord et tous les Canadiens.

Je souhaite bonne chance à tous les participants et je les remercie de nous rappeler les bienfaits de notre riche diversité culturelle et de nos valeurs communes.

* * *

MME JUDY LAMARSH

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls): Monsieur le Président, en cette Semaine internationale de la femme, je tiens à évoquer ici le souvenir d'une femme formidable et d'une grande politicienne qui a ouvert la voie de la carrière politique à bien des Canadiennes.

(1410)

Je veux, bien sûr, parler de l'honorable Judy LaMarsh, qui a été élue à la Chambre des communes comme députée de Niagara Falls, circonscription que j'ai moi-même l'honneur de représenter aujourd'hui.

C'est à Judy LaMarsh que nous devons quelques-unes des mesures législatives les plus innovatrices du gouvernement Pearson. De 1963 à 1965, elle a présidé, en tant que ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, à la mise en place du Régime de pensions du Canada et à l'élaboration du régime canadien de l'assurance-maladie. Elle a aussi établi la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada.

Lorsque Judy LaMarsh est entrée en politique, il n'y avait pas dix femmes députées à la Chambre des communes. Aujourd'hui, j'en vois un grand nombre qui, je le sais, doivent beaucoup à des pionnières comme Judy LaMarsh.

* * *

LA SEMAINE INTERNATIONALE DE LA FEMME

Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre): Monsieur le Président, pour souligner la Semaine internationale de la femme, je veux rendre hommage à deux femmes extraordinaires de ma circonscription qui ont surmonté de grandes difficultés pour réussir.

La première est Barbara Binns, une Canadienne de race noire d'origine jamaïquaine qui a consacré 20 ans de sa vie à améliorer le sort des femmes des pays en développement et à combattre le racisme au Canada.

Elle a travaillé pour le CUSO, Jeunesse Canada Monde, l'ACDI et les Nations Unies. À Vancouver, Mme Binns donne un cours contre le racisme au collège Langara.

Elle a récemment été choisie par OXFAM comme observateur lors des prochaines élections en Afrique du Sud et, le mois dernier, l'ACDI a reconnu son travail en lui remettant un prix.

La deuxième femme à qui je rends hommage obtiendra cette année son baccalauréat en communications de l'Université Simon Fraser. Âgée de 53 ans, Faye est la mère de six enfants et, pendant 17 ans, elle a subi la violence et la cruauté psychologique et physique de son mari. Elle l'a quitté, sans argent, ce qui ne l'a pas empêchée de s'occuper de ses enfants et de réussir son exploit remarquable.

Je félicite ces deux femmes pour leur courage.

* * *

[Français]

MIL DAVIE

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, la semaine dernière, j'ai participé à un événement vraiment exceptionnel, soit la fondation d'une coalition des principaux partis politiques du comté fédéral de Lévis et des comtés provinciaux de Lévis et des Chutes-de-la-Chaudière, en faveur de l'ensemble du plan d'affaires du chantier naval MIL Davie. Cette coalition regroupe des représentants du Parti québécois, du Parti libéral du Québec et, au niveau fédéral, du Bloc québécois bien sûr, du Parti conservateur, du Nouveau Parti démocratique et même du Parti libéral du Canada.

Les participants de cette coalition demandent au gouvernement fédéral de confirmer rapidement l'attribution du contrat de construction du traversier des Îles-de-la-Madeleine au chantier MIL Davie et de considérer, de façon prioritaire, une aide à la mise au point d'un prototype communément appelé le Smart Ship, afin de lui permettre de traverser la période de transition en attendant la reprise de la fabrication des bateaux commerciaux.

* * *

[Traduction]

LA GARDE DES ENFANTS

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour exprimer mes préoccupations à l'égard de la nature discriminatoire de la Loi de l'impôt sur le revenu, particulièrement de la déduction pour frais de garde d'enfants.

Deux habitants de Calgary, Jim et Laurie Boland, ont récemment appris d'un juge de la Cour fédérale qu'un parent qui décide de rester à la maison avec son enfant n'a pas les mêmes privilèges que celui qui paie pour faire garder le sien.

De l'aveu général, la Loi de l'impôt sur le revenu prive les Boland d'avantages égaux aux termes de la loi; cependant, comme les parents qui restent à la maison ne sont pas, selon le juge, une minorité clairement identifiable, ils ne sont pas protégés par la Charte des droits et libertés. Il faut mettre un terme à cette discrimination sanctionnée par la loi.

Les parents devraient pouvoir choisir librement la solution qui leur convient le mieux pour la garde de leurs enfants, et le gouvernement devrait éviter de privilégier un choix par rapport à l'autre.


2038

En cette Année internationale de la famille, j'ai l'intention de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire visant à assurer une aide financière égale à toutes les familles dans le besoin, indépendamment de la solution qu'elles choisissent pour la garde de leurs enfants.

* * *

[Français]

LA BARGE IRVING WHALE

M. Patrick Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Monsieur le Président, la semaine dernière, le Comité Gagnon-Easter tenait deux rencontres de consultations sur le dossier Irving Whale, cette barge qui a coulé il y a 24 ans entre l'Île-du-Prince-Édouard et les Îles-de-la-Madeleine. Je tiens à vous dire qu'il s'agissait là des premières consultations publiques à se tenir sur la présence de l'épave Irving Whale. Je tiens à féliciter très sincèrement les 24 intervenants qui se sont présentés devant le Comité Gagnon-Easter, les associations, les scientifiques, les municipalités et les individus que nous avons écoutés. Enfin, ils ont pu nous faire part de leurs revendications.

(1415)

Je veux également souligner l'excellente collaboration et le professionnalisme de mon collègue de l'Île-du-Prince-Édouard, M. Wayne Easter, député de Malpèque. Cet exercice démocratique nous a permis de nous rendre dans nos comtés respectifs et de connaître les inquiétudes de la population face à cette bombe à retardement écologique.

Je désire vous dire enfin que nous avons fait un meilleur travail que le ministre de l'Environnement il y a plus de trois ans, c'est-à-dire l'actuel chef de l'opposition.

* * *

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ ROGERS COMMUNICATIONS

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle): Monsieur le Président, l'acquisition de Maclean Hunter par Rogers marque la naissance d'un monopole qui aura de profondes répercussions sur le Canada dans les années à venir. Jamais auparavant dans l'histoire de l'industrie culturelle canadienne un événement d'une telle importance ne s'était produit.

Cette société contrôlera à elle seule non seulement toute une série de journaux, de magazines et de stations de radio, mais aussi presque toute l'industrie de la câblodistribution. L'autoroute de l'information au Canada est devenue la propriété privée d'une personne qui, par le truchement de sa société, pourra en contrôler l'accès de même que ce que nous verrons.

Ce n'est pas un grand jour pour la libre circulation de l'information et des idées, pour la concurrence et pour l'industrie canadienne du spectacle. Ce marché marque un point tournant dans l'avenir technologique et culturel du Canada.

Le gouvernement ne peut pas se contenter de se cacher derrière le CRTC et le Tribunal de la concurrence. Il doit élaborer ses propres positions.

J'exhorte le gouvernement à former un comité parlementaire afin qu'on puisse déterminer, dans le cadre d'un processus ouvert, où résident les intérêts de notre pays pour ce qui est de la propriété de notre autoroute de l'information.

* * *

[Français]

LES ÉLECTIONS PARTIELLES DANS SHEFFORD

M. Martin Cauchon (Outremont): Monsieur le Président, j'aimerais simplement entretenir la Chambre sur la récente victoire du Parti libéral du Québec lors des élections partielles dans Shefford. C'est une victoire importante parce que, au cours de cette victoire, les troupes du Parti libéral du Québec l'ont emporté sur le Parti québécois, qui est, en fait, le patron du Bloc québécois, le parti de l'opposition officielle. Cette élection est importante puisqu'elle marque le pas de la prochaine élection provinciale au Québec.

Nous avons perçu à travers cette élection l'humeur de l'électorat au Québec qui, certes, veut entendre parler d'économie et qui nous a aussi envoyé un message clair à l'effet que le développement du Québec passe également par la fédération canadienne.

* * *

[Traduction]

LE MONUMENT COMMÉMORATIF DE LA GUERRE DU VIETNAM

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, entre 1958 et 1975, quelque 40 000 Canadiens ont joint les rangs de l'armée américaine et bon nombre ont servi en Asie du Sud-Est et à la guerre du Vietnam.

À Washington, les noms de plus de 100 Canadiens qui ont perdu la vie ou sont disparus au combat sont gravés sur le monument commémoratif de la guerre du Vietnam. Un des noms qui y figure est celui d'un proche de ma famille, Paul Stuart Laverock.

Le 9 juillet 1994, une coalition canadienne dévoilera le monument national à la mémoire des anciens combattants canadiens de la guerre du Viet Nam qui ont donné leur vie ou qui sont toujours portés disparus en Asie du Sud-Est.

Ce monument devrait être érigé à Ottawa. Cependant, on n'a encore offert aucune parcelle de terre à ce jour pour ce monument qui est certes petit, mais qui a toutefois une valeur hautement symbolique.

Au nom des Canadiens qui ont donné leur vie ou qui sont portés disparus au Vietnam et des milliers de Canadiens qui ont perdu des proches lors de cette guerre, j'exhorte aujourd'hui le gouvernement à offrir une parcelle de terrain convenable pour l'érection de ce monument commémoratif.

2039


2039

QUESTIONS ORALES

[Traduction]

L'ÉDITION

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine canadien.

La vente de la maison d'édition Ginn à la Paramount Communications de New York inquiète vivement les milieux de l'édition et les industries culturelles du Canada. Un autre outil d'expression de notre identité culturelle est encore sur le point de passer aux mains d'intérêts étrangers. En outre, un climat de clandestinité entoure toute cette transaction. Celle-ci semble s'être déroulée dans le secret le plus complet, sur la foi d'une entente verbale d'origine inconnue.

Le ministre révélera-t-il l'identité de la personne responsable de la vente à rabais de nos intérêts à un éditeur étranger?

[Français]

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je crois que les responsables ce sont les fonctionnaires qui ont réussi la transaction, cette transaction en étant une que j'ai pleinement appuyée, ainsi que mon collègue, le ministre de l'Industrie, qui a la responsabilité pour Investissement Canada.

(1420)

J'ai donné, il y a quelques jours, des explications sur cette transaction. Elle a été rendue nécessaire par des engagements contractuels qui ont été confirmés par les plus hautes autorités juridiques du Canada. Nous avons donc rempli ces engagements contractuels.

À travers une négociation menée avec les acheteurs américains, nous avons réussi à obtenir d'eux une série d'engagements qui favorisent le développement de la production et de la distribution de livres au Canada.

[Traduction]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, les plus hautes instances juridiques du Canada sont les tribunaux, et principalement la Cour suprême. Le gouvernement n'a toutefois pas osé les saisir de la question.

Comment le ministre peut-il accorder autant d'importance à un engagement qui a été soigneusement exclu des ententes écrites, d'autant plus que le gouvernement de l'époque s'était publiquement engagé à ne jamais vendre cette entreprise à des intérêts non canadiens du monde de l'édition?

[Français]

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien): Monsieur le Président, je crois qu'il faudrait retourner dans ce qui est maintenant de l'histoire ancienne. Il y a eu une politique du gouvernement précédent, que le chef de l'opposition connaît certainement, la politique de Baie-Comeau, qui demandait aux acheteurs américains acquérant des firmes canadiennes dans le domaine de la publication des livres d'assurer que le contrôle appartienne à des propriétaires canadiens.

Lorsque les transactions se sont effectuées en vertu de cette politique, il était entendu que si la politique devait changer, à ce moment-là, les acquisitions qu'avait faites le gouvernement canadien par le biais de cette politique seraient renversées et les biens seraient rendus aux propriétaires américains. C'est la politique de Baie-Comeau.

Par la suite, le gouvernement conservateur a décidé de changer sa politique et, donc, il a donné suite aux engagements qu'il avait pris. Ce gouvernement a quitté ce côté-ci de la Chambre, ce dont nous nous réjouissons, mais il a laissé des obligations contractuelles auxquelles nous devons souscrire.

[Traduction]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, mettons les choses au clair. Le ministre parle d'une obligation fondée sur des dispositions législatives qui n'existent pas. Il est impossible à tout Canadien, à tout tribunal d'examiner le texte dont découle cette supposée obligation.

La vérité, c'est qu'au lieu de remplir ses fonctions, son rôle de protecteur du patrimoine culturel, le ministre a cédé aux pressions d'un lobbyiste américain. Voilà qui augure plutôt mal pour l'avenir.

Comment le ministre peut-il justifier le refus d'annuler cette entente, compte tenu que son gouvernement et le premier ministre ont déjà annulé un contrat dûment conclu relativement à l'aéroport international Pearson? Pourquoi a-t-il manqué de courage dans le cas présent?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, j'estime qu'il importe de clarifier cette question puisque le chef de l'opposition, qui s'intéresse de très près à la culture canadienne, a laissé entendre que les intérêts canadiens n'auraient pas été respectés.

En tant que ministre responsable d'Investissement Canada, je tiens à souligner que cette transaction comporte des éléments qu'il faut bien comprendre.

Investissement Canada a examiné l'acquisition indirecte d'une entreprise appartenant déjà à des intérêts étrangers, Maxwell Macmillan Canada Ltd., qui était en faillite. Aux termes de cette transaction, qui a été approuvée par Investissement Canada, Prentice-Hall a pris un certain nombre d'engagements importants en ce qui touche l'industrie canadienne du livre, des engagements qui, à mon avis, constituent un gain net pour le Canada.

(1425)

Par exemple, l'acquéreur s'est fermement engagé à élaborer un programme de conception de matériel didactique canadien amélioré. Nous nous sommes assurés que les principaux distributeurs des livres importés, dont la valeur était d'environ4 millions de dollars en 1993, soient des entreprises contrôlées


2040

par des intérêts canadiens. Nous avons garanti l'appui à l'infrastructure de l'industrie canadienne du livre en maintenant un système d'entrepôts intégrés, et ainsi de suite. Et ce ne sont là que quelques-uns des engagements pris par l'acquéreur.

En même temps, comme le ministre l'a dit, la CDIC a bien cédé son intérêt dans Ginn, par suite d'un engagement verbal pris par le gouvernement précédent. Après examen, nous avons jugé que cet engagement ne serait pas respecté par quelque acheteur canadien éventuel.

À cause de l'obtention d'engagements très importants dans le cadre de l'acquisition, nous estimons que cette transaction présentait un avantage net pour le Canada.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): J'adresse ma question au ministre de l'Industrie.

Le 14 février, la société américaine ViaCom a acquis le contrôle du groupe Paramount, aux États-Unis. Cette transaction aura de lourdes conséquences sur le taux de propriété canadienne dans le secteur culturel, car Paramount est un protagoniste d'importance dans notre industrie culturelle. Cette société contrôle notamment Prentice-Hall, Ginn Publishing et Maxwell Canada, et elle détient une importante participation dans les cinémas Famous Players.

Comme la transaction ViaCom-Paramount représente un fort accroissement de la propriété étrangère dans notre secteur culturel, le ministre demandera-t-il à Investissement Canada d'examiner cette transaction, comme la Loi sur Investissement Canada l'autorise à le faire?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je suis enchanté de constater que le Bloc québécois tient tellement à protéger la souveraineté culturelle du Canada. C'est une excellente nouvelle pour le Canada.

Je dois dire à la députée que, en fait, je n'ai pas besoin d'intervenir comme elle me demande de le faire, car la transaction, qui est une acquisition indirecte de ces sociétés canadiennes, peut être examinée par Investissement Canada conformément à la loi.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Le gouvernement oublie l'une de nos promesses. Nous avons dit que, tant et aussi longtemps que nous ferions partie du Canada, nous veillerions aux intérêts du Canada aussi bien qu'à ceux du Québec.

Le ministre, à la différence de son collègue du Patrimoine canadien, va-t-il prendre l'engagement de protéger le patrimoine canadien en redonnant aux Canadiens le contrôle de Ginn Publishing lorsqu'Investissement Canada examinera la transaction ViaCom-Paramount?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): L'engagement que nous prenons est très clair, monsieur le Président. C'est de veiller à ce que toute transaction soumise à l'examen d'Investissement Canada rapporte des avantages nets au Canada.

(1430)

LES DÉPENSES DU GOUVERNEMENT

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Après avoir étudié la politique canadienne des dépenses publiques au cours des 20 dernières années, M. Donald Savoie, un économiste, est parvenu à la conclusion suivante: les principaux efforts qui se font pour réduire les dépenses gouvernementales ne sont pratiquement jamais couronnés de succès s'ils n'ont pas l'appui inconditionnel du chef du gouvernement.

À la lumière de cette conclusion, le premier ministre acceptera-t-il de se retracter ou de modifier la déclaration qu'il a faite la semaine dernière en Alberta, où il a dit qu'il n'y aurait pas d'autres réductions de dépenses, au cours des trois prochaines années, que celles annoncées dans le budget de 1994?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai dit, à Edmonton, que nous voulions réduire les dépenses. Lorsqu'on voyage au Canada, on constate que beaucoup de gens pensent que nous avons annoncé des réductions très importantes et que nous devons maintenant passer aux actes.

En même temps, j'ai dit que nous avions un plan et ce plan est clair. Au cours des trois prochaines années, nous voulons ramener le déficit à 3 p. 100 du PNB. J'ai dit qu'avec les réductions de dépenses déjà annoncées et une croissance de 3 p. 100, la première année, et de 3,8 p. 100, la deuxième, nous atteindrions notre objectif. J'ai aussi demandé au ministre des Relations fédérales-provinciales d'examiner tous les autres secteurs du gouvernement pour voir si nous ne pouvons pas faire mieux.

C'est pour cela qu'hier, par exemple, nous avons conclu une entente avec le vérificateur général pour qu'il étudie de façon raisonnable le problème des avions au service du gouvernement.

En ce qui me concerne, je veux réduire les dépenses autant que faire se peut, mais je tiens à ce que cela se fasse d'une manière responsable. Si les réductions de dépenses sont trop importantes, on ne fait que créer du chômage et accroître les difficultés des Canadiens.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, il n'en demeure pas moins que le déficit se situe aux alentours de 40 à 45 milliards de dollars. Le gouvernement a actuellement une dette d'un demi-billion de dollars. La faiblesse et l'incertitude de la réponse du premier ministre n'inspirent pas confiance, surtout aux investisseurs et aux prêteurs.

Le premier ministre va-t-il reconnaître que son échec à prendre des mesures efficaces pour régler le problème du déficit et de la dette fait aujourd'hui fléchir le dollar et hausser les taux d'intérêt?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je pense que le gouvernement a livré exactement ce qu'il avait promis de livrer. Nous avons tenu les promesses que nous avions faites dans le livre rouge. Nous sommes sur la bonne voie. Quiconque se donnera la peine de vérifier ne pourra que


2041

constater que ce gouvernement est résolu à pratiquer une saine gestion publique. Nous atteindrons notre objectif.

Nous savons cependant que beaucoup de gens ont besoin de l'aide du gouvernement. C'est très facile de faire comme le premier ministre de l'Alberta, de procéder à des réductions et de mettre des gens au chômage, mais lorsqu'il agit ainsi, il ne fait que transférer le problème d'Edmonton à Ottawa. Il ne fait que déplacer le problème d'un palier de gouvernement à un autre.

Nous faisons notre possible, mais nous ne pouvons atteindre nos objectifs en un jour. Si nous réussissons à ramener le déficit à 3 p. 100 du PNB en trois ans, nous aurons tenu notre promesse. Il s'agit d'un objectif réalisable, et je suis certain que nous l'atteindrons.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je rappelle au premier ministre que la différence nette entre les montants que le gouvernement fédéral a soutirés à l'Alberta au cours des 25 dernières années et ceux qu'il a dépensés s'élève à environ cent milliards de dollars. Ses insinuations ne sont donc pas très justes.

J'ai une autre question supplémentaire à poser. Dans son budget, le gouvernement prévoit comprimer les dépenses de près de quatre milliards de dollars, d'ici 1996-97, en réformant les programmes sociaux. Or, bien des Canadiens ne croient pas que le gouvernement ira jusqu'au bout dans ces réductions des dépenses sociales pendant qu'il fera un effort particulier pour vanter les avantages du fédéralisme auprès du Québec.

Le premier ministre déclarera-t-il sans équivoque à la Chambre que le gouvernement fédéral poursuivra jusqu'au bout son plan de compressions des dépenses, quoi qu'il advienne?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il est très facile pour le chef du Parti réformiste de se rendre compte de ce que le gouvernement est en train de faire. Il n'a qu'à regarder ce que nous avons fait jusqu'à maintenant.

Nous avons mis en oeuvre toutes les compressions et mesures promises dans le livre rouge. Tout est dans ce livre. J'ai dit, pendant la campagne électorale, de consulter la page 107. D'ici la fin de notre mandat, ces engagements se seront réalisés. Si vous jetez un coup d'oeil au budget qu'a présenté le ministre des Finances, vous constaterez que chacun de ces engagements s'est réalisé, non pas en quatre ans, mais en quatre mois.

* * *

(1435)

[Français]

LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau): Monsieur le Président, hier, dans une déclaration surprenante, le ministre du Développement des ressources humaines a clairement évoqué, pour la première fois, son désir de réformer en profondeur le régime de sécurité de la vieillesse. Il a même eu le culot et l'arrogance de placer les Canadiens devant un choix odieux, soit financer le régime de pension ou établir des programmes de formation pour les jeunes.

Le ministre, se souvenant de ses propos et de ceux de ses collègues lorsqu'ils étaient dans l'opposition, pourrait-il cesser de placer de façon démagogique les Canadiens devant un choix indécent, à savoir choisir ou la sécurité de la vieillesse ou les programmes de formation pour les jeunes?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, nous du gouvernement sommes très fiers de la réussite des programmes des gouvernements libéraux depuis les 30 ou 40 dernières années, en ce qui concerne les personnes âgées, mais en même temps, il faut faire face à la nouvelle réalité. Dans les prochaines années, le nombre des personnes éligibles aux programmes de la sécurité de la vieillesse doublera. Par conséquent, nous devons examiner le système avec les Canadiens afin de développer un programme stable et fort pour les personnes âgées, à l'avenir.

Tel que mentionné lors du discours sur le Budget, il y aura une étude qui sera entreprise avec la concertation de tous les Canadiens et Canadiennes, avec toutes les personnes âgées afin de développer des idées, des sujets concernant leurs soucis et aussi développer un programme pour l'avenir. Voilà l'objectif de mes remarques: avoir un dialogue sérieux à ce sujet, à l'avenir.

M. Maurice Dumas (Argenteuil-Papineau): Monsieur le Président, je désire poser une question supplémentaire. Le ministre, par ses déclarations inquiétantes sur le régime de sécurité de la vieillesse, est-il en train de préparer le terrain pour faire encaisser aux personnes âgées une diminution importante de leur pension de sécurité de la vieillesse?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, contrairement à ce qu'affirme le député, la raison pour laquelle nous croyons qu'il faille procéder à un examen objectif, franc et exhaustif de ces dossiers, c'est que nous voulons pouvoir offrir un système qui soit, d'une part, stable, efficace, équitable et juste pour les personnes âgées et, d'autre part, conforme à la capacité financière du Canada. Pour cela, il nous faut examiner les régimes de retraite, les programmes de la fonction publique et, enfin, toute la gamme des avantages.

Il n'y a que les députés d'en face pour faire l'autruche et tenir mordicus au statu quo. Quant à nous, nous voulons que l'avenir sourie aux Canadiens.

* * *

LA DETTE NATIONALE

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Les prévisions budgétaires du ministre étaient fondées sur deux hypothèses: que les recettes augmenteraient de 8 p. 100 et que les taux d'intérêt se maintiendraient, au cours des trois prochaines années, aux niveaux peu élevés actuellement en vigueur. Moins de trois semaines après la présentation de ce budget, nous commençons déjà à voir combien ces hypothèses étaient par trop optimistes.


2042

Quelles mesures de rechange le ministre a-t-il prévu prendre pour atteindre les objectifs de réduction du déficit qu'il s'est fixé si les taux d'intérêt continuent à grimper?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, en fait, les hypothèses sur lesquelles le député fonde sa question sont inexactes. Nous n'avons pas présumé que les recettes augmenteraient normalement de 8 p. 100. Comme on l'a expliqué, il y a eu un certain nombre d'éléments isolés ou uniques qui ont fait diminuer les recettes de cette année, mais qui ne se reproduiront pas. Donc, on prévoit que les recettes devraient représenter à peu près 17 p. 100 du PIB, ce qui est la norme au Canada.

De même, les taux d'intérêt utilisés dans notre budget sont actuellement plus élevés que les taux en vigueur ou prévus.

(1440)

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, peut-être devrai-je vérifier certains chiffres.

Le ministre a vu que les taux d'intérêt commençaient à grimper aux États-Unis. En fait, il s'est dit dernièrement que les taux d'intérêt au Canada pourraient bientôt être inférieurs à ceux des États-Unis. Si le ministre pense que les taux d'intérêt peuvent demeurer stables au Canada, alors qu'ils sont en train d'augmenter aux États-Unis, aurait-il l'amabilité de nous dire quand, à son avis, les taux d'intérêt aux États-Unis vont dépasser les taux d'intérêt au Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je voudrais d'abord dire, en réponse à la première question, que je peux comprendre la confusion au sujet des chiffres. Le député de l'opposition n'est pas la première personne à avoir ce problème. C'est très compréhensible.

Pour ce qui est de la deuxième question, le député me demande de réfléchir encore une fois à la question des taux d'intérêt. Le premier ministre m'a fait remarquer que ce n'était pas une très bonne idée pour un ministre des Finances de réfléchir à cette question. La seule chose que je puisse lui dire, c'est que j'aurais bien voulu qu'il m'ait donné son avis plus tôt.

Le Président: Je sais que le ministre des Finances s'adresse à moi, mais il est tourné de l'autre côté.

* * *

[Français]

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de le Défense nationale.

Le gouvernement justifie officiellement la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean par la nécessité de faire des économies. Pourtant, le coût total de l'enseignement par étudiant est beaucoup plus élevé à Kingston comparativement à Saint-Jean, soit plus de 71 000 $ à Kingston et 58 000 $ à Saint-Jean.

Puisque le ministre est si sûr de sa bonne décision, peut-il nous dire précisément de quel ordre sont les économies réalisées par la fermeture du Collège militaire de Saint-Jean, en tenant compte des coûts reliés à la relocalisation et à la nécessité de nouvelles installations à Kingston?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, j'ai dit hier au collègue du député que je pourrais répondre à toutes ces questions mardi prochain, quand je témoignerai devant le comité permanent chargé d'examiner le Budget des dépenses. J'aurai toute l'information pertinente et à jour à ce moment-là.

Il n'est donc pas nécessaire d'empiéter sur le temps de la période des questions pour discuter de ces chiffres. Le député pourra avoir tous les renseignements qu'il désire. Notre position sera documentée. Si les députés le veulent, je mettrai à leur disposition le rapport de l'enquête que le ministre précédent avait commandée, et dont on a discuté il y a quelques semaines. Ils pourront le lire en fin de semaine. Je suis sûr qu'ils n'auront plus de questions à poser, mercredi prochain, sur le Collège militaire de Saint-Jean.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, le ministre peut-il avoir l'honnêteté minimale de reconnaître que la décision, prise à la toute dernière minute. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nul député ne peut prêter des intentions à un autre député ou ministre en employant ce genre d'expression. L'honorable député pourrait peut-être reformuler sa question.

M. Bachand: Le ministre peut-il avoir l'amabilité de reconnaître que la décision, prise à la dernière minute, de fermer le Collège militaire de Saint-Jean est une décision purement politique pour faire avaler la fermeture des bases ailleurs au Canada?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, nous n'avons pas pris cette décision à la dernière minute. Cette question figurait déjà dans la première proposition de coupures en matière de défense. Comme beaucoup d'autres, j'étais contre, et le premier ministre aussi. Nous aurions aimé pouvoir nous en tirer sans fermer ce collège. Cependant, sur le plan budgétaire, il nous a semblé, selon les analyses de rentabilisation, que la meilleure chose à faire était de concentrer les activités au collège de Kingston, si nous voulions respecter les engagements du livre rouge.

Nous avons tenté d'éviter d'en arriver à cela mais, en dernière analyse, nous en sommes venus à la conclusion que c'était la seule décision sage que nous pouvions prendre pour épargner l'argent des contribuables-non pas seulement celui des contribuables des autres provinces, mais aussi celui de ceux du Québec.


2043

LES ALLOCATIONS DE RETRAITE DES DÉPUTÉS

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre, qui aime comparer les députés aux joueurs de la LNH.

D'anciens joueurs comme Gordie Howe et Bernard «Boom Boom» Geoffrion, qui furent parmi les meilleurs à avoir jamais évolué dans la ligue, touchent des pensions dont le montant est moins de la moitié de celles que reçoivent les pires députés, notamment de nombreux conservateurs et néo-démocrates battus aux dernières élections.

(1445)

Quand le premier ministre cessera-t-il de pressurer les contribuables canadiens et modifiera-t-il le régime de pensions des députés?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le député semble croire qu'il ne mérite pas son salaire.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, je ne comprends pas que le premier ministre ne puisse pas faire la distinction entre une pension et un traitement.

Ma question supplémentaire concerne le fait que les joueurs les plus mauvais de la LNH sont congédiés, échangés ou envoyés dans les ligues mineures, alors que les pires députés jouissent d'un régime de pensions en or et ne craignent pas d'être révoqués.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je suis certain que les députés aimeraient bien entendre la question que veut formuler leur collègue, et c'est pour cette raison qu'il a la parole. Je demanderais au député de poser sa question.

M. Hermanson: Comme je le disais, les joueurs les plus mauvais de la Ligue nationale sont congédiés, échangés ou même envoyés dans les mineures, tandis que les députés les plus mauvais jouissent d'un régime de pensions en or, et ne craignent pas d'être révoqués.

Quand le gouvernement prendra-t-il des mesures, à savoir l'instauration d'un mécanisme de révocation, pour permettre aux Canadiens d'expulser les députés inefficaces de leur équipe nationale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai envie de demander au député de nous expliquer comment il se fait que certains de ses collègues touchent une pension du gouvernement de l'Alberta. L'un d'entre eux, qui est présentement absent, occupe le fauteuil juste derrière le député. Nous aimerions que ces députés citent aussi des exemples qui s'appliquent aux membres de leur parti, à l'occasion.

Nous avons dit que nous examinerions le régime de pensions. Un comité sera chargé de le faire. Par ailleurs, je tiens à dire à tous que les députés touchent actuellement un traitement de 64 000 $. Je comprends que le député ne s'attende pas à toucher de pension, sachant qu'il ne sera pas réélu. Je comprends cela. Par contre, ceux qui ont siégé longtemps au Parlement et qui se retrouvent sur le marché du travail à 51 ans, après avoir touché ce genre de salaire, je crois qu'ils méritent une pension.

Quant au cumul de pension et de traitement, nous sommes disposés à examiner la question dans le cas de ceux qui obtiennent un emploi du gouvernement. Nous sommes prêts à examiner le cas d'ex-députés tout jeunes qui touchent une pension, comme ce fut le cas d'un des députés du Bloc québécois qui a quitté la vie politique l'an dernier.

Par ailleurs, je n'aime pas le genre de déclaration qui donne à penser que les députés, qui gagnent moins qu'un directeur d'école ou d'hôpital, sont surrémunérés et ne rendent pas de services à la population canadienne.

* * *

[Français]

LE CODE CRIMINEL

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Le ministre, hier, a paru très hésitant et embarrassé lorsqu'interrogé sur les intentions du gouvernement concernant la pratique d'excisions au Canada. Il a reporté d'un mois sa décision de modifier ou non le Code criminel.

Le ministre pourrait-il aujourd'hui s'engager à déposer rapidement les amendements appropriés pour criminaliser les pratiques d'excisions, plutôt que de reporter à plus tard sa prise de décision?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je ne me rappelle pas avoir été embarrassé ou troublé par la question hier. Je considère que j'y ai répondu de manière directe et franche.

Ce que je voulais faire ressortir par ma réponse hier et ce que je veux préciser aujourd'hui, c'est que de l'avis de mon ministère et selon ma propre opinion, les dispositions actuelles du Code criminel suffisent amplement pour traiter comme un acte criminel toute agression comportant la mutilation des organes génitaux d'une femme.

J'ai déclaré hier qu'aucun motif culturel ne peut justifier une telle pratique au Canada; j'ai précisé que nous ne la tolérerons jamais et que nous voulons que quiconque entre au pays sache sans aucun doute possible qu'un tel geste ne sera pas toléré.

(1450)

Afin de montrer que j'avais tout de même l'esprit ouvert à ce sujet et par respect pour la personne qui posait la question, j'ai dit que j'étais prêt à examiner s'il serait opportun de modifier le Code en ajoutant une disposition supplémentaire afin de désigner spécifiquement cette forme d'agression et de l'interdire en vertu de la loi.


2044

J'ai donné ma parole à la députée en l'assurant que je consacrerais un mois à étudier cette question et que je l'informerais des résultats à la fin de cette période.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, en sachant que l'opposition officielle est prête à offrir toute sa collaboration pour faciliter l'adoption d'une loi visant à bannir l'excision, le ministre ne convient-il pas qu'il pourrait économiser temps, énergies et argent en évitant la mise sur pied d'un comité tout à fait inutile?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, au cours de la période que je consacrerai à l'étude de cette question, je veux voir tout d'abord s'il y a déjà eu des enquêtes et des poursuites en vertu de l'article actuel de la loi pour le genre de pratique en cause.

Je veux aussi déterminer s'il est opportun de consacrer des fonds et le temps de la Chambre à l'adoption d'un autre article du code criminel alors que celui-ci renferme déjà des articles interdisant ce geste.

Je veux aussi déterminer s'il existe déjà des lois qui, appliquées adéquatement, nous permettraient d'atteindre l'objectif mentionné par la députée, sans qu'il soit nécessaire d'ajouter au code d'autres dispositions qui pourraient ne pas être essentielles.

* * *

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Elijah Harper (Churchill): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes.

Plus tôt cette année, six jeunes enfants sont morts dans l'incendie d'une maison à Lynn Lake, au Manitoba. Si on en croit un rapport annuel du Collège des médecins et chirurgiens du Manitoba, les enfants autochtones de la province ont quatre fois plus de chances de mourir que les enfants non autochtones. La proportion est de 11 fois supérieure dans le cas des incendies de maison.

Le ministre pourrait-il dire à la Chambre ce qu'il fait au juste pour corriger ces conditions sociales terribles qui mettent en danger les enfants autochtones, qui les tuent?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, il s'agit d'une question difficile au sujet de l'un des problèmes les plus graves auxquels nous sommes confrontés au Canada.

Il est vraiment regrettable que dans un pays aussi riche que le nôtre, on voie quotidiennement des enfants autochtones périr dans des incendies ou se suicider. On a pu le constater récemment d'un bout à l'autre du pays.

J'ai vu les maisons en question qui sont de vrais nids-à-feu et j'ai pu constater également le manque de débouchés économiques pour la population. Par ailleurs, j'ai rencontré des autochtones chefs d'entreprises florissantes, médecins, avocats, professeurs et dirigeants remarquables, qui m'ont tous dit que nous devrions supprimer le ministère des Affaires indiennes.

C'est pourquoi j'ai demandé aux dirigeants autochtones du Manitoba, aux chefs, de prendre des mesures en ce sens dans la province. Ce sera la première province à démanteler le ministère des Affaires indiennes et j'espère que cela servira de modèle au reste du pays.

Je sais que mon collègue de Churchill donnera l'exemple, car pour reprendre les termes de notre premier ministre, il est temps de rendre sa dignité, son honneur, son indépendance et son autonomie gouvernementale à un peuple qui est assujetti, pas nécessairement physiquement, mais certes moralement, puisqu'il en est réduit à supplier pour obtenir quelque chose en vertu d'une loi qui est désuète et dont il est temps de se débarrasser.

* * *

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

M. Bob Ringma (Nanaimo-Cowichan): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Un centre de télécommunications desservant les bénéficiaires des programmes de sécurité du revenu ouvrira ses portes au mois de mai, à Bathurst, au Nouveau-Brunswick. En faisant cette annonce, le gouvernement s'est félicité de s'être embarqué dans l'aventure des télécommunications de pointe, précisant que les 68 personnes qui seraient engagées devraient être bilingues.

Selon un fonctionnaire fédéral de Bathurst, les employés bilingues qui sont déjà là ne parlent bien qu'une langue.

[Français]

Le ministre ne croit-il pas que le centre pourrait mieux servir le public dans les deux langues en embauchant un personnel unilingue, dans les deux langues, et en demandant au public de composer soit le un ou le deux sur leur téléphone afin de recevoir un service plus efficace dans la langue de leur choix.

(1455)

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, comme devrait le savoir le député, le vérificateur général a évalué les services que nous offrons dans le cadre du Régime de pensions du Canada et d'autres, et qui représentent un total de quelque sept à huit millions d'appels par an.

Le commentaire qui revient le plus souvent aux oreilles des députés de mon caucus est que les gens aiment avoir une personne en chair et en os à l'autre bout du fil, particulièrement ceux qui vivent dans des régions rurales et qui n'ont pas le privilège, contrairement au député, d'avoir un téléphone à clavier Touch-Tone, et qui doivent encore composer les numéros à l'aide d'un cadran. Nous ne sommes pas tous aussi doués et choyés que le député qui, lui, a accès aux appareils les plus modernes. Peut-être devrions-nous envisager de priver le député de cet avantage


2045

et lui enlever son téléphone à clavier, au lieu de geler sa pension de retraite.

Mais en réalité, ce qui est important ici, c'est que nous tenons à assurer le meilleur service possible. Et pour ce faire, l'outil tout indiqué est un centre téléphonique important capable de s'occuper d'un grand nombre d'appels excédentaires en provenance de tout le pays, et permettant à ses clients d'être servis directement par un être en chair et en os, dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada. Telle est la raison d'être de ce centre téléphonique.

J'invite le député à se rendre à Bathurst et à juger de par lui-même de la qualité de la langue de ces gens, au lieu de se fier à des racontars anonymes dénonçant la médiocrité linguistique de certains.

M. Bob Ringma (Nanaimo-Cowichan): Monsieur le Président, par souci d'économiser 54 000 $ par an en primes au bilinguisme pour ce seul centre, le ministre ne serait-il pas prêt à combiner les propositions qui lui sont faites de ce côté-ci aux réponses données de ce côté-là, ce qui aurait pour effet de servir les gens dans la langue de leur choix, et ce de vive voix?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, la seule proposition qui me soit jamais parvenue de ce parti à ce sujet est l'élimination pure et simple du bilinguisme au Canada, et ça, jamais nous ne le ferons.

C'est grâce à cela que les Canadiens savent que dans leur pays, ils ont pleinement droit et accès aux services offerts par le gouvernement fédéral, quelle que soit leur langue.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le Nouveau-Brunswick, étant la seule province canadienne officiellement bilingue, est l'endroit idéal pour offrir ce genre de service au reste du Canada.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Dans les documents du Budget, le ministre affirme que sa décision de ramener les cotisations d'assurance-chômage à 3 $ en janvier 1995, soit l'année prochaine, créera 40 000 emplois sur une période de deux ans.

Si l'affirmation du ministre est exacte, pourquoi ne crée-t-il pas maintenant ces emplois en baissant les cotisations d'assurance-chômage que le gouvernement a lui-même augmentées en janvier?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, on a augmenté les cotisations d'assurance-chômage au mois de janvier, et d'ailleurs le ministre l'a dit lui-même, avec énormément de réticences. On était pris avec un déficit énorme, à peine un mois et demi ou deux mois après avoir pris le pouvoir. On a dit très clairement que l'on trouvait cela aberrant, mais on était pris avec le déficit.

Nous sommes encore pris avec le déficit. Ce ne sera vraiment qu'après avoir pu faire les réformes structurelles dont a parlé le ministre et qui nous apporteront l'argent dont nous avons besoin que l'on pourra baisser les cotisations d'assurance-chômage, mais malheureusement, ce ne sera qu'en janvier prochain.

Mme Francine Lalonde (Mercier): Monsieur le Président, le ministre ne reconnaît-il pas qu'il est aberrant qu'il se soit attaqué directement à l'emploi en haussant les cotisations d'assurance-chômage comme il l'a fait en décembre dernier et en prélevant, dans les poches des chômeurs, cet argent dont il dit avoir besoin?

(1500)

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, avec tout le respect que je dois à la députée, je trouve que sa question manque singulièrement de clarté. Un jour, les bloquistes nous recommandent de réduire les prestations, puis ils se plaignent des mesures que nous prenons pour le faire. Les voici maintenant qui préconisent le rétablissement des prestations au niveau de l'an dernier, ce qui signifie que nous devons financer les programmes.

Je rappelle à la députée que nous avons dû imposer cette hausse pour assumer le coût des programmes de l'ancien gouvernement. Dans les six semaines qui ont suivi notre arrivée au pouvoir, le temps nous a manqué pour prendre ces dispositions. Le ministre des Finances vient de le faire dans son budget.

Cette mesure a reçu l'appui de toutes les organisations des petites entreprises partout au Canada. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a déclaré que cette mesure l'aidera à créer des emplois.

Nous ne pouvons revenir en arrière, puisque ces programmes n'entrent pas en vigueur avant le 1er juillet. Par conséquent, nous devrons encore financer les programmes jusqu'au 1er juillet. À cette date, nous allons appliquer les nouvelles mesures, réaliser l'excédent nécessaire, réduire les cotisations, créer des emplois et rendre la députée très heureuse.

* * *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Monte Solberg (Medicine Hat): Monsieur le Président, un de mes électeurs qui travaille à la BFC Suffield se plaint du fait que les gestionnaires de la base ont récemment diffusé une note de service dans laquelle ils ordonnent l'embauche d'employés temporaires dans le seul but d'épuiser leur budget d'ici la fin de l'exercice financier.

Ma question s'adresse au ministre de la Défense. Acceptera-t-il d'étudier cette allégation qui est très grave et de nous dire si le problème se pose dans d'autres bases des Forces armées canadiennes?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je suis très heureux que le député me pose cette question. Cela m'inquiète évidemment. Je ne peux pas croire que ce soit vrai. Je vais m'informer et lui faire rapport plus tard.

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M. Monte Solberg (Medicine Hat): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire. Ce même électeur se plaint également du fait que des employés de la base prennent leur retraite, ce qui leur donne droit à une pension, simplement pour être réembauchés immédiatement à titre de consultants ou de civils. Ils touchent ainsi deux chèques émis par le gouvernement fédéral souvent pour accomplir exactement le même travail qu'ils faisaient auparavant.

Ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor. Le ministre entend-il s'attaquer à ce problème bien connu au sein de la fonction publique et élaborer des lignes directrices très sévères pour mettre un terme à des pratiques aussi éhontées?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, je ne suis pas au courant de telles pratiques. Je suis sûr que mon collègue, le président du Conseil du Trésor, ne l'est pas non plus.

Ces allégations sont très graves. Le député ne nous a donné aucun détail. Il s'agit d'affirmations dénuées de tout fondement, basées, comme on dit en jargon juridique, sur des ouï-dire. Si le député possède des renseignements précis à ce sujet, il voudra peut-être nous les transmettre.

* * *

L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Elsie Wayne (Saint John): Monsieur le Président, je dois dire tout d'abord que j'ai été ravie par la réponse que le premier ministre a donnée à la question de l'opposition au sujet des pensions. Je ne doute plus désormais que mon projet de loi d'initiative parlementaire sera adopté.

La semaine dernière, pendant que j'étais de passage dans ma circonscription, je suis allée faire un tour à l'assemblée législative, à Fredericton. J'étais là lorsque M. Frank McKenna, notre premier ministre libéral que tout le monde respecte, a proposé une motion concernant la réforme de l'assurance-chômage. Selon lui, les modifications apportées au programme de l'assurance-chômage vont priver la province du Nouveau-Brunswick de 200 millions de dollars.

Le premier ministre peut-il nous dire si le premier ministre McKenna a communiqué avec lui à ce sujet? Dans l'affirmative, qu'entend-il faire pour compenser cette perte de 200 millions de dollars que va essuyer la province du Nouveau-Brunswick?

(1505)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Je me suis entretenu de divers problèmes avec le premier ministre McKenna, dont celui-ci. Comme tout le monde, M. McKenna n'est pas sans savoir que notre gouvernement doit restreindre ses dépenses.

Nous avons discuté des moyens à prendre pour nous assurer que notre programme de création d'emplois aille de l'avant et fasse en sorte que les gens n'aient plus à compter sur l'assurance-chômage, mais gagnent dignement leur vie.

Nous essayons ensemble de trouver de nouveaux moyens de nous assurer que les gens aient un emploi au lieu de vivre des prestations de l'assurance-chômage.

Le Président: Comme les députés peuvent le constater, nous avons dépassé de quelques minutes le temps réservé aux questions orales. Je leur demanderais de s'efforcer à l'avenir d'être un peu plus brefs dans les préambules à leurs questions et, sauf leur respect, un tantinet plus concis dans leurs réponses.

Si je sollicite la collaboration de tous à cet égard, c'est afin que les députés des deux côtés de la Chambre aient l'occasion de poser des questions et d'obtenir une réponse à leurs questions. Je saurais gré à tous d'y songer lors des périodes des questions à venir.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Je me permets aussi de signaler aux députés la présence à la tribune du ministre du Développement économique et du Tourisme de la Nouvelle-Écosse, l'hon. Ross Bragg.

Des voix: Bravo!

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster): Monsieur le Président, le premier ministre, en répondant à une question, a fait allusion à l'absence d'un député. Je me demande s'il peut se rétracter ou s'excuser.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je voudrais rétablir les faits parce que nos vis-à-vis font preuve d'hypocrisie dans cette affaire. Il y a beaucoup de gens qui cumulent traitement et pension de l'armée, ou qui ont déjà touché la prime au bilinguisme ou d'autres avantages. Maintenant qu'ils sont à la retraite, ils attaquent des députés qui n'ont pas d'autres source de revenu que leur traitement de député.

Je ne suis pas d'humeur à retirer quelque parole que ce soit au sujet du travail de députés.

Le Président: Selon la pratique établie à la Chambre, on ne doit pas attirer l'attention sur l'absence d'un député. Si le député veut bien me permettre de revoir la déclaration, nous pourrons y revenir, peut-être demain. Je remercie le député d'avoir porté cette question à mon attention.

_____________________________________________


2046

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LA COMPAGNIE DE NAVIGATION CANARCTIC LIMITÉE

M. Joe Fontana (secrétaire parlementaire du ministre des Transports): Monsieur le Président, en tant que secrétaire parlementaire du ministre des Transports, j'ai l'honneur de déposer, conformément au paragraphe 32(2) du Règlement, le rapport annuel de la Compagnie de navigation Canarctic Limitée dans les deux langues officielles.


2047

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

* * *

(1510)

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre le huitième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui porte sur le statut de membre associé au sein des comités.

J'ai également l'honneur de présenter le neuvième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui vise à remplacer le nom du Comité permanent des affaires indiennes et du Nord canadien par celui de Comité permanent des affaires autochtones et du Nord canadien.

Si la Chambre donne son consentement, je proposerai l'adoption de ces deux rapports à l'appel des motions dans quelques instants. Je demanderai aussi le consentement de la Chambre pour ne pas faire lecture des rapports, ce qui est normal dans ce cas.

[Français]

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je propose que les huitième et neuvième rapports du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présentés à la Chambre aujourd'hui, soient adoptés.

(La motion est adoptée.)

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

LA LOI SUR LE DIVORCE

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam): Monsieur le Président, j'ai l'honneur et le privilège de présenter, conformément à l'article 36 du Règlement, une pétition visant à assurer aux grands-parents des droits de visite et de sortie à l'égard de leurs petits-enfants en cas de divorce ou de séparation des parents.

Comme le signalent les pétitionnaires, la relation qui existe entre les grands-parents et leurs petits-enfants est naturelle et fondamentale. Le fait de priver les grands-parents de ces droits de visite et de sortie peut être considéré comme de la cruauté envers les personnes âgées et peut avoir des conséquences très néfastes, du point de vue émotif, sur les grands-parents et sur les petits-enfants.

Par conséquent, les 3 120 personnes qui sont signé cette pétition demandent au Parlement de modifier la Loi sur le divorce pour permettre aux tribunaux d'accorder aux grands-parents, en cas de divorce des parents, le droit de visite ainsi que le droit de demander et de recevoir de l'information relativement à la santé, à l'éducation et au bien-être de leurs grands-enfants.

J'appuie cette pétition.

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, j'ai le devoir de présenter une pétition dûment certifiée par le greffier des pétitions, au nom de 151 citoyens inquiets de la circonscription de Fraser Valley-Est.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter un projet de loi prévoyant la tenue d'un référendum portant sur l'acceptation ou le rejet de la loi sur les langues officielles.

LES CRIMES AVEC VIOLENCE

M. John Finlay (Oxford): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition à présenter au nom d'habitants de deux circonscriptions, la mienne et celle d'un autre député.

Les pétitionnaires s'opposent à ce que des individus réalisent des bénéfices au détriment des victimes de crimes violents. Je prends aussi parti en faveur des victimes.

Les pétitionnaires veulent que le gouvernement se montre plus sévère avec ceux qui commettent des crimes violents contre les femmes, les enfants et les handicapés, c'est-à-dire les personnes les plus faibles et les plus vulnérables de notre société.

En cette Semaine internationale de la femme, il est impératif que, à titre de législateurs, nous fassions front commun, indépendamment de nos affiliations politiques, contre les éléments de notre société qui sanctionnent les crimes violents en tirant des bénéfices de la vente de cartes de tueurs en série. Il faut limiter et enrayer pareil encouragement de la violence.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

(Les questions auxquelles une réponse verbale est donnée sont marquées d'un astérisque.)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je suggère que toutes les questions soient réservées.

Le vice-président: Les questions sont-elles réservées?

Des voix: D'accord.

2048

(1515)

[Traduction]

DEMANDES DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que la motion portant production de documents soit reportée.

Le vice-président: La motion est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

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2048

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LE BUDGET

L'EXPOSÉ FINANCIER DU MINISTRE DES FINANCES

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 8 mars, de la motion: Que la Chambre approuve la politique budgétaire générale du gouvernement; et de l'amendement.

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi): Monsieur le Président, je désire vous aviser qu'à partir de maintenant, les députés du Bloc québécois qui interviendront sur le débat sur le Budget prendront dix minutes pour exprimer leur point de vue.

Il me semble important de confronter les intentions émises par le gouvernement lors du discours du Trône et ce qui constitue son articulation véritable, à savoir le Budget. À cet effet, je citerai un bref extrait du discours du Trône: Le gouvernement «s'efforcera de clarifier le rôle du gouvernement fédéral par rapport aux autres ordres du gouvernement, d'éliminer le double emploi et les chevauchements, et de rechercher les moyens de fournir à la population des services qui répondent à ses besoins réels et de tirer le meilleur profit possible de l'argent des contribuables».

Est-ce qu'on peut me dire où, dans le Budget déposé, le gouvernement peut répondre à ces voeux pieux lancés lors du discours du Trône?

Encore une fois, le Budget pressenti par le gouvernement libéral est centralisateur. L'effort avancé pour réduire le déficit reposera sur les épaules du contribuable et des provinces.

Ce n'est pas à ce genre d'équité que les Canadiens et Canadiennes s'attendaient. Une fois de plus, on démontre l'inertie du gouvernement et une fois de plus le Québec a la démonstration-et elle est évidente, cette fois-que le fédéralisme l'étouffe; le fédéralisme tue tout plan d'action qui se voudrait constructif et novateur pour la société québécoise.

Le ministre des Finances ne cesse de répéter à qui veut bien l'entendre que son budget fait suite à un processus sans précédent de consultation auprès des Canadiens et Canadiennes. Et à quels coûts, monsieur le Président? Oui, il a consulté, mais il a fait un choix parmi ses consultants. Est-il descendu devant la classe moyenne, devant les plus démunis pour connaître leur version, connaître leurs appréhensions? Est-il allé dans la région de Lac-Saint-Jean, région que le premier ministre lui-même qualifie de petite région?

Je représente la circonscription de Chicoutimi, durement touchée par le chômage. Le taux non désaisonnalisé pour la zone métropolitaine Chicoutimi-Jonquière, selon Statistique Canada, est de 15,7 p. 100 pour janvier 1994.

La moyenne annuelle du taux de chômage en 1992 était de 13,9 p. 100, alors que, en 1993, le taux moyen était de 16,1 p. 100. Ces chiffres sont inacceptables. Il y a donc, en janvier 1994, pour la zone métropolitaine Chicoutimi-Jonquière, 9 000 chômeurs, sur une population active de 60 000 habitants. Neuf mille chômeurs, cela veut dire des milliers d'individus affectés, des familles, des enfants, bref des ménages en difficulté. De plus, le taux de 15,7 p. 100 n'inclut pas les gens qui ne se cherchent plus d'emploi, qui sont découragés. Les 15,7 p. 100 n'incluent pas non plus les travailleurs saisonniers. C'est donc un chiffre conservateur qui occulte une réalité plus noire.

(1520)

Le ministre des Finances est-il descendu dans la rue pour questionner ces gens-là? On livre dans ce Budget toutes les recettes pour combattre le chômeur plutôt que le chômage. La durée maximale de versement sera réduite; la période d'admissibilité est portée de 10 à 12 semaines; le taux est ramené à 55 p. 100, une diminution de 3,5 p. 100. Dans l'ensemble, certains économistes renommés estiment que plus de 50 p. 100 de la nouvelle baisse annoncée du déficit fédéral sera supportée par les chômeurs québécois et canadiens. Voilà ce qu'on a réussi à trouver pour combattre le chômage.

La vie privée des gens ne sera pas épargnée. À titre d'exemple, je cite seulement le statut du ménage, les conjoints de fait, le contrôle de l'aide sociale. On fera enquête par-dessus enquête avant de se prononcer sur l'admissibilité au programme. D'ailleurs, le gouvernement a donné mandat d'examiner les programmes de sécurité sociale du pays: l'assurance-chômage, le régime d'assurance publique du Canada, le programme de prestations fiscales pour enfants, les programmes d'emploi et de formation, le financement des programmes établis d'aide à l'enseignement et le développement social. Qu'augure l'avenir?

Après avoir créé un certain espoir dans la population en tenant un discours portant sur la création d'emploi, ce Budget sème un certain désabusement parmi les travailleurs, pire, il s'attaque aux plus démunis de notre société. La pseudo-stratégie d'emploi des libéraux est notamment orientée vers les consultations, les études, les travaux de comité.

Il y a de moins en moins de nourriture dans les réfrigérateurs des Canadiennnes et des Canadiens. N'attendons pas que le réfrigérateur soit vide, sinon la population se regroupera, se soulevera et nous devrons en porter l'odieux. Le 25 octobre dernier, les Canadiens ont affirmé, avec force, leur désir de changement. On semble, du côté ministériel, l'avoir déjà oublié,


2049

puisque actuellement, il suit les traces du gouvernement précédent, il répète les mêmes scénarios.

De plus, c'est le premier gouvernement, depuis la Confédération, qui prévoit un déficit de cette ampleur, 39,7 milliards de dollars et ce, juste sous la barre psychologique des 40 milliards. Aucun économiste, aucun fiscaliste n'aurait osé faire une prédiction de la sorte.

Ce n'est sûrement pas uniquement avec un programme d'infrastructures à frais partagés entre les provinces et les municipalités que l'on réglera tous les maux. Les villes doivent s'endetter pour pouvoir participer au programme.

Pour ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB en 1996-1997, le déficit devrait être ramené à environ 25 milliards de dollars. Les objectifs budgétaires du gouvernement sont aléatoires. Les mesures proposées n'annoncent pas ce qui avait été promis, c'est-à-dire des emplois. Le Budget présenté par l'honorable ministre des Finances est lacunaire et un trompe-l'oeil.

(1525)

Le gouvernement, lors de son discours du Trône, avait annoncé ses intentions. Aujourd'hui, avec son Budget, le gouvernement annonce la couleur, la même d'ailleurs que son livre. Le Canada est dans le rouge et rien n'est fait pour combattre l'économie souterraine, l'emploi au noir.

[Traduction]

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député pour son intervention que j'ai trouvée très intéressante.

J'ai voyagé dans la région de Chicoutimi et de Jonquière, un très beau coin de pays.

J'ai cependant une question à poser au député dans le contexte de ce qu'il a dit à propos du fédéralisme. Je voudrais savoir s'il pense que les chômeurs de Chicoutimi et de Jonquière, dont il a décrit la condition à grand renfort de détails, s'en trouveraient mieux ou auraient de meilleures perspectives d'emploi dans l'économie réduite d'un Québec séparé.

[Français]

M. Fillion: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour sa question et je dois lui répondre dans l'affirmative, puisqu'à ce moment-là un Québec souverain éliminera les chevauchements, le dédoublement, et nous pourrons, avec l'argent ainsi économisé, créer de l'emploi, investir dans notre province pour faire en sorte que les jeunes aient une formation adaptée à leurs besoins.

Une formation adaptée à leurs besoins, cela veut dire une formation qui pourra leur procurer des emplois stables, rémunérateurs, bien payés. Avec ces économies, au niveau des chevauchements seulement, on pourrait relancer l'économie de cette région.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je voudrais poser au député une question qui me rend perplexe depuis quelque temps.

Dans bien des régions du Canada, on estime que le Québec est un net bénéficiaire des paiements de transfert versés par le Trésor fédéral au gouvernement provincial.

Le député pense-t-il que si ces transferts d'argent devaient être suspendus à l'égard d'un Québec indépendant, le bénéfice au chapitre du dédoublement des services serait supérieur ou inférieur au montant des paiements de transfert qui sont actuellement versés à la province?

[Français]

M. Fillion: Monsieur le Président, à cette question je répondrai qu'actuellement le Québec ne retire pas le même pourcentage des impôts que ce qu'il paye au gouvernement fédéral. Alors que nous représentons 25 p. 100 de la population canadienne, à peine 21 p. 100 de nos impôts nous est retourné. Vous voyez déjà là une iniquité qui, avec un Québec souverain, serait corrigée.

M. Maurice Godin (Châteauguay): Monsieur le Président, ce Budget est l'échec d'un gouvernement fraîchement élu, avec pourtant des promesses longues comme le bras.

Nous sommes devant le triste constat d'un double échec. Premièrement, ce gouvernement n'a pas su donner dès son premier exercice le coup de barre indispensable pour redresser les finances publiques. Deuxièmement, il n'a pas su non plus trouver les moyens nécessaires pour aider l'économie à se ressaisir. Il n'a su qu'enlever davantage aux moins bien nantis de la société, il n'a su qu'épargner les riches. Il a même aussi réussi à créer la controverse avec des décisions malheureuses comme celle de la fermeture du Collège militaire royal de Saint-Jean.

Le ministre des Finances aura eu beau tenter de démontrer, avec tous ses calculs, les efforts de coupures, peu de gens l'auront cru, pas les médias et surtout pas le monde ordinaire, car les grands chiffres sont là, implacables, sans aucune complaisance.

(1530)

Ces chiffres nous disent que l'actuel Budget est encore déficitaire entre les revenus disponibles et les dépenses incontrôlées. Ce gouvernement va encore engraisser la dette accumulée de près de 40 milliards de dollars, ce qui signifie que c'est 40 milliards de dollars que le gouvernement dépense, produit en surplus de ce que les citoyennes et citoyens sont en mesure de contribuer. Dans ces conditions, que l'on ne vienne pas me parler de coupures ou d'efforts allant en ce sens. L'échec est là, visible, incontestable, car les dépenses totales continuent d'augmenter.

La situation de la dette de ce pays devient risible. Pendant que ce gouvernement va ajouter près de 40 milliards à la dette accumulée, il va en verser presque autant juste pour les frais encourus par cette dette accumulée. Autrement dit, nous approchons dangereusement du seuil critique où notre déficit annuel va correspondre uniquement aux frais de notre dette accumulée. Allons-nous bientôt devoir couper dans les dépenses publiques pour couvrir seulement les frais? Le ministre des Finances l'a avoué


2050

lui-même, il ne pourra pas régler la dette accumulée de ce pays. Serait-il même capable de régler le déficit annuel? J'en doute fort! Imaginez, si le gouvernement pouvait injecter autant en faveur de la création d'emploi qu'il doit injecter au seul maintien de la dette.

Par ailleurs, le gouvernement n'a pas résisté à la vieille habitude de frapper les gagne-petit. Nous avions cru avoir tout vu avec les dernières mesures de l'ex-ministre responsable du Régime d'assurance-chômage. Ce dernier avait lui-même voulu berner la population en renommant son ministère par un euphémisme: le ministère du Développement des ressources humaines. Pensez donc! Mais les gens ne sont pas dupes, et nous savons ce qu'ils ont fait de cette sorte de développement des ressources humaines. Aux dernières élections, la population canadienne tout entière a congédié tous ceux qui n'avaient pas compris la différence entre s'attaquer au chômage et s'attaquer aux chômeurs.

Le nouveau gouvernement, loin de se démarquer du précédent gouvernement conservateur, a plutôt poursuivi dans la direction prise par ce dernier. Le monde ordinaire a bien du mal à comprendre comment les modifications proposées au Régime d'assurance-chômage peuvent représenter des mesures susceptibles d'aider à l'emploi. Moi aussi, j'ai bien du mal à comprendre le resserrement face à la durée dans un emploi, alors que la précarité de l'emploi ne cesse d'augmenter, alors que la sécurité d'emploi est un concept révolu, semble-t-il.

Le déficit cumulatif d'environ 6 milliards de dollars, au Compte d'assurance-chômage à la fin de 1993, n'est pas le fruit du régime comme tel, mais le fruit de l'échec des gouvernements à soutenir l'emploi et l'économie. Ce n'est pas le Régime d'assurance-chômage qui crée le chômage! Les libéraux confondent la maladie et le remède. Ce remède n'est pas curatif mais palliatif. Les libéraux sont sur le même chemin erroné que les conservateurs: les mêmes politiques, les mêmes lobbyistes, la même sorte de caisse électorale, les mêmes amis, les mêmes protecteurs.

Les observateurs ont vite fait de constater avec quel empressement le gouvernement avait procédé pour instaurer, à même son présent Budget, des mesures qui s'attaquent à la classe moyenne. Mais, pour toutes les mesures envisagées qui touchent les grands capitaux et les échappatoires fiscales, le ministre des Finances s'était contenté d'annoncer des consultations, des audiences publiques. Non seulement il n'y a pas d'équité dans ce Budget, mais il n'y a pas apparence d'équité.

Pendant qu'il coupe les paiements de transfert aux provinces de 2 milliards de dollars sur deux ans, il n'a pas le courage d'abolir les vrais abris fiscaux des riches. Nous, du Bloc québécois, ne cessons d'identifier les fiducies fiscales ou toutes les recommandations du vérificateur général à titre d'exemple. Si les mesures de compression des dépenses de fonctionnement pour 1994-1995 n'atteignent que 413 millions de dollars, c'est parce que le gouvernement ne s'attaque pas sans délai au gaspillage et aux dédoublements de service.

Pendant qu'il refuse de couper aux bons endroits, il coupe aux mauvais endroits. Le ministre des Finances, dans son discours, prônait un renouveau et une «responsabilisation» dans les programmes sociaux. Pour aider dans cette direction, le gouvernement aurait pu remettre en vigueur le Programme de logement sans but lucratif, par exemple. Un tel programme permettait à des ménages nécessiteux d'obtenir des logements de qualité et de taille convenable, à un prix abordable. Il offrait une aide aux organismes de parrainage admissibles pour la construction, l'acquisition, la remise en état et l'exploitation d'ensembles de logements locatifs subventionnés. Mais il ne l'a pas fait, et en cela, il a manqué une bonne occasion de se faire valoir.

(1535)

À défaut d'un semblable programme, il semble que la Société canadienne d'hypothèques et de logement, de qui relevaient les semblables applications à la Loi nationale sur l'habitation, se concentre désormais sur son mandat d'assureur hypothécaire, délaissant celui de partenaire dans les programmes sociaux.

Le bureau du président-directeur général de la Société d'habitation du Québec nous apprenait qu'en 1993, 782 nouvelles unités de HLM s'étaient ajoutées à l'échelle du Québec, grâce à la participation financière du fédéral. Trente-cinq de ce nombre sont au 41, rue Saint-Hubert à Châteauguay, grâce au dynamisme de tous les partenaires du milieu. Savez-vous combien d'unités nouvelles on prévoit ajouter en 1994, à la suite de ce Budget? Zéro, monsieur le Président. Zéro! Peut-être est-ce là le message de ce gouvernement. C'est peut-être la manière que le gouvernement a trouvée pour se désengager de ses obligations envers les démunis.

Mieux gérer passe-t-il nécessairement par le désengagement de l'État? Je dis non. Le travail n'a pas été fait quant aux nécessaires rationalisations des dépenses et des manières de faire. Il est plus que temps que le gouvernement sache faire la part des choses. Les libéraux, avec leur livre rouge, n'ont pas démontré par ce Budget qu'ils détenaient ce savoir-faire. C'est pourquoi le Bloc québécois trouve toute sa raison d'être ici, à la Chambre des communes, pour faire valoir au présent gouvernement les doléances de tous ceux qu'il oublie, qu'il néglige, et toutes les possibilités qui s'offrent pourtant à ses yeux, mais qu'il refuse de voir.

À titre de critique de l'opposition officielle pour Anciens combattants Canada, je me surprends de la déclaration du secrétaire d'État qui s'est dit satisfait qu'aucun programme n'ait fait l'objet d'aucune réduction et qu'il était confiant qu'aucun service ne serait affecté. Ces propos ont été rapportés par le Charlottetown Guardian, dans son édition du 24 février 1994. Comment comprendre, avec de tels propos, l'effet des mesures de compression de ce ministère, qui sont de l'ordre de 3,2 millions de dollars? Comment ces compressions, qui affectent les dépenses de fonctionnement de ce ministère pour 1994-1995, peuvent-elles n'avoir aucun effet? La gestion de ce ministère souffre-t-elle d'un tel laisser-aller pour qu'une coupure de la sorte n'ait aucun effet? J'entends bien veiller à ce que les prétentions du secrétaire d'État soient autre chose que de l'optimisme démesuré.


2051

Je conclus donc de ce Budget qu'il représente une démonstration nette de l'échec du régime fédéral canadien. La roue de ce régime tourne avec une telle inertie, sous l'influence d'une telle force extérieure, qu'elle ne semble pas pouvoir être contrôlée, tant et si bien que les libéraux ont écrit un budget identique à celui qu'aurait pu produire un gouvernement conservateur reporté au pouvoir. Du pareil au même! Si le contrôle de ce régime semble échapper aux élus, comment voulez-vous que les citoyens et les citoyennes puissent avoir l'impression qu'ils peuvent intervenir et changer des choses dans le devenir de ce régime?

Au fond, la solution réside, selon nous, dans une redéfinition majeure des leviers du pouvoir public. La souveraineté du Québec n'est pas une fin en soi. Elle ne représente pas automatiquement la fin du Canada, ou la volonté d'y mettre fin. La souveraineté du Québec représente le début d'une nouvelle relation où le traitement des problèmes communs peut s'ouvrir sur des avenues impossibles à solutionner dans la présente situation constitutionnelle. Résoudre la crise structurelle du Canada passe par la souveraineté du Québec. C'est ce chemin que je souhaite, pour nos générations futures.

M. Nic Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Châteauguay pour son excellent discours et son intérêt des plus grands pour le peuple du Québec. Lorsqu'il parle de souveraineté du Québec, il parle, bien sûr, de mieux-être pour le Québec, et probablement de mieux-être aussi pour le reste du Canada.

D'ailleurs, dans son discours, le ministre des Finances parle de centres uniques de services. Je suppose qu'il veut dire les centres uniques de services pour les services du gouvernement fédéral. Il oublie ce que le Québec revendique depuis des années, c'est-à-dire des guichets uniques qui incluent aussi les services du gouvernement du Québec.

(1540)

J'aimerais obtenir les commentaires du député de Châteauguay à l'effet que le ministre des Finances, encore une fois, oublie que cette duplication coûte énormément cher. Ces dédoublements, entre Québec et Ottawa, d'après l'étude de Bélanger-Campeau, coûtent de 2 à 3 milliards de dollars par année. Si le ministre des Finances avait été vraiment sérieux en voulant couper dans les dépenses, il aurait dû prendre en considération que ce n'est pas un centre unique de services dont on a besoin, mais une espèce de guichet unique qui inclut aussi les services du gouvernement du Québec. J'aimerais que le député de Châteauguay exprime sa position à cet égard, car je suis convaincu qu'il a d'excellentes idées sur le sujet.

M. Godin: Monsieur le Président, je suis d'accord avec mon collègue de Longueuil. À mon avis, le revenu, la capacité de production d'un pays ne se justifie pas simplement dans la grandeur ou en fonction de ses frontières, mais cela se situe surtout dans la façon de gérer le pays.

Je pense que c'est le problème que nous vivons au Canada. Nous avons un appareil gouvernemental qui pourrait probablement servir adéquatement 260 millions de personnes, comme aux États-Unis, alors que nous sommes à peine 26 ou 27 millions. C'est là que se trouve vraiment le problème. On reprend la même gestion aux niveaux fédéral, provincial et municipal. Si on ne peut changer ou modifier ce régime, la seule façon de s'en sortir pour instaurer une saine gestion sera la souveraineté du Québec.

Le vice-président: Je regrette, mes collègues, mais j'ai commis une erreur. En général, il faut reconnaître quelqu'un d'un autre parti après un discours.

[Traduction]

J'aurais dû d'abord donner la parole au député d'Edmonton-Sud-Ouest. Je vous prie d'être bref, car le temps est pratiquement terminé.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, j'ai beaucoup de respect pour le député de Châteauguay, mais je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur une contradiction que je vois dans son discours et peut-être obtenir une explication.

Il a commencé par dire que la fermeture du collège militaire de Saint-Jean était très grave pour la province de Québec. N'est-il pas d'avis que si le Québec se séparait du Canada et devenait un pays indépendant, le Canada n'aurait plus d'installations au Québec? Est-ce que la fermeture de ce collège militaire, dont il prend ombrage, ne préfigurerait pas, alors, la fermeture de bien d'autres installations fédérales au Québec, au détriment du Québec et du Canada?

[Français]

M. Godin: Monsieur le Président, je voudrais remercier mon collègue de sa question. Je ne crois aucunement que d'autres fermetures du fédéral au Québec changeraient le Québec. Il faut comprendre que tout investissement du fédéral au Québec est fonction des taxes qu'on paye. Qu'on prenne nos taxes et qu'on les envoie au fédéral pour les recevoir ensuite ou qu'on les dépense nous-mêmes, c'est du pareil au même.

Je voudrais lui faire remarquer, cependant, qu'il y a toute une différence entre recevoir un million de dollars en recherche et développement et un million en assurance-chômage. Si nous étions maîtres chez nous, au lieu d'investir un million de dollars dans l'assurance-chômage, nous pourrions l'investir dans la recherche et développement et ainsi faire travailler tout le monde.

[Traduction]

Le vice-président: On rappelle à la présidence que le temps accordé au député est terminé. La prochaine fois, je m'assurerai de donner la parole à quelqu'un d'un autre parti.


2052

(1545)

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre part à ce débat aujourd'hui. Comme c'est la première fois que l'occasion m'est offerte de m'adresser à vous, monsieur le Président, qu'il me soit permis de vous féliciter d'avoir bien voulu assumer cette fonction de la plus haute importance.

D'entrée de jeu, je tiens à rappeler à mon collègue d'en face qui, dans son allocution sur le budget, a employé l'expression «si nous étions maîtres de notre destin» que, vivant dans une société libre et démocratique, les Canadiens sont maîtres de leur destin. Les Québécois sont maîtres de leur destin. Chaque fois qu'on leur a demandé de tracer une route, de hisser les voiles et de commander leur propre navire, les Québécois ont décidé que leur sort et leur destination se confondaient avec ceux du Canada et qu'ils étaient dans le même bateau.

Je suis convaincu que si on leur demandait encore leur avis, les Québécois décideraient de continuer à contribuer à cette magnifique expérience tentée dans la partie nord du continent américain, c'est-à-dire le Canada.

Le 25 octobre, les Canadiens ont donné un mandat on ne peut plus clair à un nouveau gouvernement, celui de tenter d'en finir avec les problèmes d'une autre époque. C'est la première fois, dans les temps modernes, qu'un parti politique présente à la population canadienne, un mois complet avant la tenue d'une élection, un plan détaillé des objectifs qu'il entend réaliser une fois qu'il formera le gouvernement. Bien sûr, je veux parler du livre rouge des libéraux.

Chacune des grandes initiatives qui figurent dans le livre rouge a été annoncée des semaines avant les élections. D'aucuns estimaient que, sur le plan politique, c'était insensé d'expliquer en long et en large à la population, non pas à quelques heures, jours ou semaines des élections, mais bien un mois à l'avance, ce que nous nous proposions de faire si les électeurs nous confiaient la responsabilité de gouverner. C'est pourtant ce que nous avons fait.

Je suis fier de dire que je suis membre d'un parti qui a non seulement bien préparé son programme, mais qui l'a suivi scrupuleusement afin de remplir le contrat que les Canadiens lui avaient confié, quand ils ont voté majoritairement en faveur des libéraux, leur donnant ainsi la capacité et la responsabilité de gouverner le pays.

Dans la région de l'Atlantique, les Canadiens ont exprimé leur confiance dans le programme du Parti libéral avec une majorité écrasante. Ces électeurs ne croyaient pas simplement qu'avec un gouvernement libéral, les problèmes sociaux disparaîtraient comme par enchantement ou que le chômage se réglerait de lui-même parce qu'on a choisi le changement. Non.

Les Canadiens de l'Atlantique ont voté pour un parti et pour un programme en étant pleinement conscients que les problèmes structurels qui sévissent dans leur région ne se régleraient pas avec un seul budget, et que la bonne volonté d'un nouveau gouvernement ne suffirait pas. Ils croyaient que leurs problèmes, le taux de chômage chroniquement élevé et les problèmes structurels, nécessitaient des changements-non pas des beaux slogans, mais des changements fondamentaux.

Le secteur de la pêche en est un sur lequel nous avons promis du changement et les habitants de la région se sont unis à nos efforts pour réaliser ce changement.

Nous avons dit que nous apporterions deux changements importants à la politique sur les pêches. D'une part, nous avons dit que nous n'essaierions pas de nous défiler et que nous ne laisserions pas tomber ceux qui subissent les conséquences de cette crise, ceux qui n'ont plus rien et qui sont en chômage parce qu'il n'y a plus de poisson et qu'il y a un moratoire sur la pêche aux poissons de fond de l'Atlantique. On compte maintenant 14 moratoires en vigueur. Pour la première fois en 500 ans, on compte 14 espèces de poisson de fond qu'il est interdit de pêcher.

(1550)

Nous nous trouvons maintenant dans une situation où les résidants des régions rurales de Terre-Neuve habitant la pointe de la grande péninsule nord, dans une petite localité rurale isolée, touchent un revenu moyen parmi les plus bas au Canada et doivent compter beaucoup sur la chasse ou la pêche de quelques morues pour se nourrir. En tant que ministre des Pêches et étant moi-même originaire de Terre-Neuve, je me suis vu dans l'obligation de retirer même le droit de pêcher à la ligne méthode de pêche qui remonte pourtant à l'époque biblique. J'ai dû suspendre ce droit au nom de la conservation.

Il est difficile de croire que pour la première fois en 500 ans on ait dû suspendre ce droit. Il n'y a eu aucune protestation, aucune révolution, mais la décision n'a évidemment donné lieu à aucune réjouissance. La population accepte cependant cette décision, serre les dents et est prête à payer le prix pour reconstituer les stocks de morue, même s'il faut pour cela se priver des protéines de la mer et du poisson. Ceux dont la subsistance dépend de la pêche depuis 500 ans sont prêts à ne plus mettre de poisson dans leurs garde-manger, dans leurs congélateurs ou sur leurs tables.

Nous avons prévenu la population du Canada atlantique et celle de ma province, Terre-Neuve et le Labrador, que nous allions prendre des décisions difficiles. Nous avons déjà commencé à le faire. Le budget prévoit un montant de 1,9 milliard de dollars pour assurer le recyclage nécessaire des travailleurs et permettre aux pêcheurs de continuer de subsister pendant la période de reconstitution des stocks.

Nous avons reconnu publiquement la nécessité de réduire de 50 p. 100 l'activité de pêche et de transformation. Imaginez-vous en train d'annoncer publiquement à des gens qui, pendant des générations, ont vivoté en exploitant les ressources de l'Atlantique nord, qu'ils ne peuvent plus continuer à le faire et que la


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moitié d'entre eux devront se recycler dans d'autres secteurs d'activité.

Il y a une décennie, le simple fait de chuchoter l'idée aurait provoqué des émeutes. Il y a dix ans, si vous aviez déclaré publiquement à des gens qu'ils devraient renoncer à leur mode de vie, pas seulement à des moyens de subsistance mais à un mode de vie établi depuis des générations, on vous aurait chassé de la ville. Or, les gens se montrent maintenant tout à fait déterminés à appuyer les mesures nécessaires et à accepter toutes les privations voulues pour permettre la reconstitution des stocks de morue.

Je voudrais profiter de l'occasion pour m'adresser à ceux qui siègent dans leurs tours d'ivoire faites d'acier et de verre, à des comités de rédaction qui, du haut de leur 25e ou de leur 30e étage au centre-ville, affirment que la région de l'Atlantique est finie, qu'on a brisé les reins de l'économie, que les gens n'ont plus le moral et qu'il faut réinstaller les personnes touchées à Toronto, à Montréal, à Calgary, à Vancouver ou ailleurs où il y a des emplois. Mes propos visent également ceux qui pensent que, s'ils étaient confrontés aux mêmes défis que les gens de la région de l'Atlantique, ils s'effondreraient et abandonneraient tout. Je veux leur dire que ce n'est pas là l'état d'esprit des gens de la région de l'Atlantique et que ce n'est pas dans leur nature, non plus.

Les habitants de la région, ainsi que de Terre-Neuve et du Labrador, ne sont pas désespérés, mais ils puisent dans leurs ressources profondes et ils ont découvert une source de courage et de conviction leur permettant de poursuivre. Nous allons rebâtir notre industrie et rétablir une nouvelle éthique de conservation. Nous avons bien l'intention de nous assurer que le dernier poisson qui reste est protégé afin qu'on puisse rebâtir ce secteur qui a, de tout temps, été très important.

Nous paierons n'importe quel prix pour conserver cette ressource. Nous allons imposer 14 moratoires sur la pêche aux poissons de fond et en appliquer un à la pêche de subsistance. Nous allons demander à 35 000 personnes de remiser leurs bateaux et de fermer leurs usines.

(1555)

En tant que nation, nous allons payer la note pour subvenir à leurs besoins et les recycler. Nous n'exigerons rien de moins des pays étrangers qui pêchent aux extrémités des Grands Bancs. Pourquoi ne pas faire appel à la générosité et à la compréhension de la France, du Portugal, de l'Espagne, du Japon et de la Russie, et leur dire que nous avons déjà pris toutes les mesures possibles pour conserver les ressources halieutiques et qu'il leur incombe au moins de respecter, à notre instar, ces importants moratoires sur la pêche à la morue?

Nous avons déclaré que nous n'allions pas prendre une seule livre de poisson, cette année, aux extrémités des Grands Bancs, qui servent de frayères à ce qui a déjà été la plus importante source de protéines du monde, pas une seule livre. Nous avons aussi déclaré qu'à une époque où il existe une entente, signée à Bruxelles par le truchement de l'OPANO, alors que les Canadiens ont accepté de ne pas pêcher et que nos partenaires de l'OPANO ont aussi accepté de ne pas pêcher, nous n'admettrons pas que des navires pirates arborant un pavillon de complaisance viennent se moquer du sacrifice consenti cette année par les Canadiens, et par d'autres pays, en vue de la reconstitution des stocks de morue.

Lundi prochain, je serai à New York. Au nom du Canada, j'y présenterai une allocution devant la conférence des Nations Unies sur la pêche en haute mer. Je ferai valoir très nettement que nous voulons résoudre cette question au moyen d'une entente. Toutefois, je préciserai aussi que nous sommes prêts, si cela est nécessaire, à prendre des mesures unilatérales.

Il y a deux ans, lorsque le gouvernement d'alors s'est présenté devant le Parlement pour demander l'autorisation de mettre en place un programme d'aide pour les pêcheurs de l'Atlantique, le ministre de l'époque a fait remarquer que les stocks de morue du Nord avaient sérieusement diminué; il y a deux ans de cela déjà.

Dans un contexte de déficit national de 30 milliards de dollars, le ministre a demandé de l'aide pour les 17 000 personnes qui seraient déplacées. Il a déclaré que cette aide serait requise pendant deux ans. Voici que, deux ans plus tard, le déficit n'est plus de 30 milliards de dollars, mais bien de 46 milliards et ce ne sont plus 17 000 personnes, mais plutôt 35 000 qui ont besoin d'aide. La durée prévue n'est plus de deux, mais de cinq ans. La crise a pris une ampleur dramatique.

Comme je l'ai déjà dit, nous voulons faire tout notre possible pour rétablir l'industrie de la pêche en commençant la restructuration chez nous et en imposant des mesures de protection raisonnables d'un côté comme de l'autre de la limite des 200 milles. Nous savons aussi que nous devons renflouer l'économie. Nous devons diversifier l'économie de la région de l'Atlantique.

Permettez-moi de prendre comme exemple ma propre province, Terre-Neuve et le Labrador. Je sais qu'il ne suffit pas de demander à mes compatriotes canadiens de nous appuyer durant cette période difficile pour les pêches. Je sais que nous devons démontrer que les habitants de Terre-Neuve et du Labrador sont prêts à relever le défi de la concurrence, à se perfectionner et à se faire une place sur les marchés mondiaux.

C'est l'orientation que nous avons prise. Je voudrais faire part à certains de mes collègues originaires des autres régions du Canada, de ce qui se passe à Terre-Neuve, leur dire où se trouvent les nouveaux débouchés et d'où viennent les nouveaux chefs de file.

L'un des secteurs dans lequel nous pouvons être concurrentiels et auquel ne nuit pas le fait d'être à 90 milles du reste du pays, est celui des nouvelles industries axées sur l'information et les connaissances, de la technologie de pointe, de la recherche et du développement. C'est là qu'est l'avenir et c'est ce secteur qui assurera notre avenir.

De nouvelles entreprises d'ingénierie apparaissent régulièrement dans notre province. L'an dernier, la société RDS Engineering de Terre-Neuve s'est vu accorder, de préférence à ses concurrents nationaux et internationaux, un contrat de 6 millions de dollars pour Hibernia. Une nouvelle entreprise, Instrumar, a mis au point un système permettant de déceler la présence de glace, de neige ou de toute autre substance, sur les ailes des


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avions, et d'en mesurer l'épaisseur. Cette technologie est maintenant utilisée partout au pays. Cette société s'est récemment associée à Allied Aerospace Canada pour commercialiser son invention au Canada et à l'étranger.

(1600)

Ultima East Data Communications Ltd. a élaboré une gamme de produits matériels et logiciels aux fins d'application des communications, y compris l'accès à l'actuelle technologie des satellites. De concert avec une société soeur, Sea Link Ltd., Ultima East commercialise des systèmes radio à haute fréquence partout dans le monde. Cette société commercialise 80 p. 100 de sa production, non pas à l'échelle nationale, mais bien internationale, la grande majorité de ses produits d'exportation sont destinés à l'Asie et les logiciels ont tous été élaborés à Terre-Neuve et au Labrador. Or, c'est la voie de l'avenir.

En vertu d'un contrat de un million de dollars qu'elle a réalisé dernièrement, la société Compusult Limited de St. John's a élaboré pour Environnement Canada un système d'enregistrement et de stockage de données sur les glaces. La société commercialise aujourd'hui cette technologie. La société EGE Trans-Lite, de Terre-Neuve, a été établie en 1988 dans le but de concevoir et de commercialiser des produits spéciaux d'éclairage de sécurité pour les industries maritime et aéronautique. La société a produit une lampe de sauvetage personnelle et, en un court laps de temps, elle en a vendu plus de 200 000 unités et plus de 80 p. 100 de sa production est exportée partout dans le monde.

Une autre société, Nautical Data International, a récemment formé une entreprise en participation à partir de deux sociétés de haute technologie, l'une de Terre-Neuve et l'autre de Vancouver. Ces deux sociétés ont uni leurs ressources aux fins de commercialisation-elles «numérisent» les données pour le Service hydrographique de mon ministère. Il s'agit d'une réalisation unique. Nous avons privatisé les renseignements disponibles et nous les avons digitalisés. Les deux entreprises établies à Vancouver et à Terre-Neuve collaborent pour commercialiser ce produit partout dans en Amérique du Nord, voire partout dans le monde. C'est un autre nouveau produit de haute technologie.

Je mentionne toutes ces sociétés parce que je ne suis pas naïf. Je suis au Parlement depuis 14 ans. Je comprends que de nombreux Canadiens qui n'ont pas eu l'occasion de visiter Terre-Neuve et le Labrador ou encore certaines parties du Canada atlantique puissent penser que l'économie de la région repose uniquement sur les pêches, comme certains croient que l'économie albertaine ne dépend que du boeuf. Bien sûr, c'est totalement inexact.

Il y a une saine et moderne économie qui traduit un grand leadership notamment dans les secteurs de la haute technologie, de la pétrochimie et de l'ingénierie. De même, une nouvelle économie apparaît à Terre-Neuve. Elle représente en partie une retombée de l'exploitation des ressources pétrolières et gazières extracôtières.

De ce côté-ci de la Chambre, nous comprenons qu'il faut créer un climat favorable à l'épanouissement de cette nouvelle technologie, de ce nouveau leadership, de cet esprit d'entrepreneur. Il faut donner à ces gens et à cette province qui ont pendant trop longtemps compté sur l'exploitation d'une seule ressource la chance de mettre à profit leur esprit d'entreprise, de déployer leurs ailes et de soutenir la concurrence sur le marché international. On le fait déjà actuellement à Terre-Neuve et au Labrador.

Entre-temps, il ne faut pas oublier que le Canada atlantique, Terre-Neuve et le Labrador, sont depuis tout temps attachés à la mer et à ses ressources.

Les Canadiens doivent comprendre que la dégradation et la destruction du stock de morue du Nord, partout dans l'Atlantique, et des ressources marines correspondent, sur le plan écologique, à la détérioration de la forêt tropicale. Lorsque cette ressource disparaît, ce n'est pas simplement une source de revenus ou un moyen d'existence pour les habitants d'une région en particulier qui disparaît, mais bien un élément important du panier de provisions du monde entier, une riche source de protéines pour l'ensemble de la planète.

Il faut comprendre que la crise de la côte est ne touche pas simplement Terre-Neuve. Elle ne frappe pas uniquement l'Atlantique. Il ne s'agit pas d'un problème régional, mais bien d'une question de souveraineté nationale.

Si notre pays ne peut s'engager à reconstituer ces grandes ressources de l'Atlantique, s'il n'est pas prêt à prendre les mesures nécessaires pour y parvenir et à imposer sa volonté non seulement sur son territoire mais au-delà de la limite des 200 milles, alors, il faut remettre en question le degré de maturité de notre pays et nous demander si nous n'aurions pas tort de nous décrire comme une nation moderne, sage et raisonnable en 1994.

(1605)

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Monsieur le Président, je tiens à remercier le ministre pour son allocution qui est très énergique et très instructive.

J'ai relevé deux ou trois choses pendant que vous énumériez les réalisations qui allaient modifier le visage de Terre-Neuve. Vous avez parlé notamment de la diversification de l'économie de cette province et du nombre d'emplois qu'on est en train d'y créer.

Brillaient presque par leur absence les programmes d'infrastructure, si je puis dire, qui ont été lancés par les gouvernements antérieurs et dont le projet Hibernia fait partie. Ces programmes ne semblent pas jouer un rôle très important dans la reconstruction de Terre-Neuve.

Il y a peut-être là une leçon à tirer, étant donné que les entreprises énumérées sont des petites et moyennes entreprises qui utilisent la technologie de pointe pour réaliser des choses, qui étendent leurs ailes, comme l'a dit le ministre, pour profiter des nouvelles possibilités.

Le projet Hibernia ne joue pas vraiment tout le rôle escompté. Le ministre pourrait-il nous parler des futurs projets de création d'emplois? Je comprends que le ministre appuie son propre programme d'infrastructure, mais il semble que des milliards de


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dollars ont été en grande partie gaspillés sur Hibernia et on va engloutir un autre milliard dans le pont de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le ministre estime-t-il que c'est la meilleure manière d'employer l'argent des contribuables ou ne croit-il pas qu'il vaudrait mieux aider les petites et moyennes entreprises en réduisant les impôts?

Le vice-président: Avant d'accorder la parole au ministre, je rappelle aux députés qu'ils doivent dire «le ministre» ou «le député», et non «vous».

M. Tobin: Monsieur le Président, je n'ai pas parlé du projet Hibernia parce que je voulais mettre l'accent sur ce qui, à mes yeux, constitue une nouveauté remarquable. Un groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes, dans la vingtaine et la trentaine, créent des logiciels plutôt que d'en importer. Leur imagination est leur ressource.

Leurs limites sont celles qu'ils s'imposent à eux-mêmes. Ils se servent de techniques et d'outils modernes pour créer de nouveaux produits basés sur les connaissances et ils les exportent dans le monde.

Je trouve fascinant de retrouver ce type d'activité dans une province insulaire où la tradition ne nous avait pas habitués à ce genre de percées.

Je veux aujourd'hui souligner le travail de ces jeunes. Je trouve fascinant de voir une jeune entreprise, qui emploie une poignée de jeunes ingénieurs et deux ou trois personnes prêtes à créer des logiciels, donner naissance à une nouvelle industrie fondée sur les connaissances et utilisant comme ressource l'imagination des jeunes.

Je trouve cela tout aussi impressionnant que Hibernia qui, en soi, représente un incroyable travail d'ingénierie et qui, en passant, a beaucoup apporté à l'économie de l'Alberta.

Je ne veux pas minimiser l'importance d'Hibernia. C'est un projet important. Un autre gouvernement, avant nous, a dégagé des fonds pour ce projet. Je crois que cela peut conduire à une série de projets de mise en valeur des ressources en mer. Connaissant votre intérêt pour Hibernia et la somme de connaissances que vous avez sur le secteur énergétique canadien, monsieur le Président, je ne voudrais pas diminuer l'importance de ce projet.

Je voulais simplement profiter de l'occasion pour souligner le succès des jeunes entreprises incubatrices. Elles n'attentent pas votre permission ou la mienne, ni même notre reconnaissance, pour se lancer à la conquête des marchés mondiaux. Je crois que c'est des plus encourageants et que cela mérite d'être souligné.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, je suis toujours impressionné de voir avec quel coffre et quelle voix le ministre des Pêches et Océans et les gens de Terre-Neuve particulièrement font leur discours.

Le ministre a parlé, du livre rouge du Parti libéral, et on en entend parler tellement souvent que ça m'impressionne.

(1610)

J'aimerais que, avec le même ton, avec le même coffre, qu'il explique comment il se fait que dans le livre rouge, il n'ait pas dit aux citoyens qu'il taxerait les cotisations à l'assurance-chômage de plus de 800 millions. Comment se fait-il qu'il n'ait pas dit dans le livre rouge qu'il taxerait les entreprises de 1,7 milliard d'impôts dans les trois prochaines années? Comment se fait-il qu'il n'ait pas dit dans le livre rouge qu'il taxerait les particuliers de 1,8 milliard dans les trois prochaines années? Comment se fait-il qu'il n'ait pas dit dans le livre rouge qu'il y aurait encore un déficit de 40 milliards pour l'année en cours? Et que, en 1996, le dette accumulée atteindrait tout près de 600 milliards? Comment se fait-il qu'il ne l'ait pas dit?

J'aimerais que le ministre emploie ce même ton, ce même coffre, pour expliquer cela aux Canadiens. Comment se fait-il qu'il ait trompé la population de A à Z, si on se rapporte au livre rouge comparativement à ce qu'ils font maintenant?

[Traduction]

M. Tobin: Monsieur le Président, à Terre-Neuve, nous disons de quelqu'un qui est très audacieux qu'il a du front tout le tour de la tête.

Le député me demande pourquoi nous n'avons pas parlé aux Canadiens de la situation financière du pays. Le chef du député a apporté une contribution remarquable au débat des chefs durant la dernière campagne électorale, ce dont le chef du Parti réformiste se souviendra certainement. Durant ce débat, il n'a cessé de demander à l'ancienne première ministre quel serait le déficit. Elle a répondu ce qu'on nous avait toujours dit jusqu'à ce moment-là, soit que le déficit serait d'environ 33 milliards de dollars cette année. Malheureusement, ce n'est qu'après notre accession au pouvoir que nous avons constaté que le déficit serait en réalité de 46 milliards de dollars, soit 13 milliards de plus que ce que le gouvernement avait admis.

Je trouve cela amusant que le député me demande pourquoi nous n'étions pas au courant de l'ampleur du déficit, compte tenu du fait qu'il a passé ses quatre ou cinq premières années à la Chambre, sur les banquettes ministérielles, du côté des conservateurs.

Pourquoi le député ne me demande-t-il pas ce qu'il faisait lorsqu'il s'empressait de voter oui chaque fois que son gouvernement proposait une motion? Je ne sais pas ce qu'il faisait, pas plus que je ne sais quelles questions il posait à son caucus.

Tout ce que je sais, c'est qu'il était un député loyal qui n'hésitait jamais à se lever pour dire oui chaque fois que M. Mulroney demandait la permission de dépenser plus d'argent. Il faut vraiment que le député ait du front tout le tour de la tête pour oser se plaindre ici aujourd'hui. On devrait le mettre sur un bateau et l'envoyer à 200 milles de la côte, car il crie si fort et dit tellement de sottises qu'il ferait fuir tous les bateaux de pêche étrangers.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, j'ai une question similaire. Je l'ai déjà posée à deux des collègues du député, mais je n'ai pas obtenu de réponse. J'ai souvent regardé


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le ministre à la télévision au cours des quatre ou cinq dernières années, et j'ai toujours été impressionné par son intelligence et son esprit. Je l'inviterais donc à concentrer son esprit sur cette question, et j'espère obtenir une réponse.

Comment l'addition de 100 milliards de dollars à la dette fédérale au cours des trois prochaines années va-t-elle se répercuter sur le plan de reconstruction de l'industrie de la pêche de la côte est de même que sur l'industrie de nouvelle technologie dont il parle et qui est en train d'apparaître dans cette région?

M. Tobin: Monsieur le Président, le député veut une réponse, et je vais lui en donner une.

Renversons la proposition. Ce que le député suggère, en fait, c'est qu'au lieu d'ajouter 100 milliards de dollars à la dette, en voulant parler d'un déficit de 30 milliards en moyenne au cours des trois prochaines années, ou un peu plus de 100 milliards après trois ans, nous devrions réduire encore les dépenses de 100 milliards. N'est-ce pas vrai? Je vois tout le monde faire oui de la tête, sauf le chef du Parti réformiste. Il est un peu plus prudent.

En réduisant les dépenses de 100 milliards, nous commencerions bien sûr, d'après le député. . .

M. Ramsay: Répondez à ma question.

M. Tobin: Je suis en train d'y répondre. Le député n'aime tout simplement pas la réponse. Nous commencerions bien sûr par supprimer la dépense de 2 milliards pour les pêcheurs et les travailleurs des usines de transformation. Voilà ce que souhaite le député. Nous supprimerions ensuite toutes les prestations d'assurance-chômage, de sorte qu'il n'y aurait plus de régime d'assurance-chômage. Nous commencerions ensuite à réduire les services d'assurance-maladie en en supprimant le principe d'universalité et en veillant à ce que les gens paient-il fait signe que oui-leur part. Et, bien sûr, une fois que nous en aurions terminé avec l'assurance-maladie, nous éliminerions ensuite toutes les subventions de développement régional, de sorte que les habitants des régions où le chômage est le plus élevé seraient livrés à leurs propres ressources. Pour finir, nous abandonnerions tout simplement à Walmart les clés du Parlement et la notion de gouvernement responsable envers le Parlement.

(1615)

Le Parlement du Canada n'est pas McDonald's ni Walmart. Il incombe au gouvernement d'utiliser les outils et les ressources du pays pour façonner le pays et lui donner une orientation, et on ne façonne pas un pays en abandonnant la politique gouvernementale aux comptables. Nous ne ferons pas ça.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, si je veux parler de la politique budgétaire gouvernementale que le ministre des Finances a présentée le 22 février dernier, c'est surtout pour exprimer ma profonde déception et mes inquiétudes quant aux répercussions qu'aura le budget de 1994 sur les plans fiscal et humain.

La vérité brutale, c'est que le budget ne met pas un frein aux dépenses fédérales excessives ni au déficit ou à la dette de notre pays. Il ne nous donne pas non plus de moyens de le faire dans l'avenir. En fin de compte, les prévisions de dépenses pour 1994-1995 s'élèvent à 164 milliards de dollars, soit trois milliards de plus que la somme dépensée en 1993-94. Le déficit fédéral pour 1994-95 représente 40 milliards de dollars ou 5,4 p. 100 du PIB, et les plans de dépenses du gouvernement viennent encore grossir de 100 milliards de dollars la dette fédérale au cours des trois prochaines années, dette qui atteint déjà 511 milliards de dollars.

Finalement, l'amélioration de notre situation financière annoncée par le gouvernement actuel n'est rien de plus que l'amélioration qu'il prévoit pour les années à venir, ses prévisions n'étant toutefois pas plus crédibles que celles de son prédécesseur.

Si je suis déçu et préoccupé, voire alarmé, c'est à cause des répercussions que ce budget aura sur le plan humain. Parce qu'il n'enraye pas les dépenses excessives, ce budget n'offre aucun espoir d'allégement fiscal aux millions de contribuables déjà grandement accablés; en fait, il ne leur laisse entrevoir rien d'autre que de futures hausses d'impôt.

Parce que le budget grossit encore la dette fédérale de 100 milliards de dollars au cours des trois prochaines années, il nous prive encore de 3 à 6 milliards de dollars de recettes annuelles qu'il nous faudra verser pour payer les intérêts sur cette dette. L'aide financière fédérale pour la santé, l'éducation et les pensions continuera donc de se détériorer-ce qui ne laisse rien présager de bon pour les bénéficiaires des services visés.

Parce que le budget ne règle pas le problème du déficit et du fardeau fiscal excessif des Canadiens, il envoie un message extrêmement négatif aux créateurs d'emplois du secteur privé. Finalement, le budget décourage la création d'emplois par le secteur privé, ce qui est de mauvais augure pour les 2,5 millions de Canadiens qui sont chômeurs ou sous-employés.

En résumé, quand on fait abstraction des belles paroles et de l'optimisme inspiré par des considérations politiques qui sont contenus dans le budget, on constate que celui-ci est un échec de premier ordre, un échec qui se répercutera le plus durement sur les contribuables, les bénéficiaires de services sociaux, les chômeurs et les personnes sous-employées.

Si tel est le verdict, il convient que, comme députés, nous nous posions la question suivante: si le gouvernement du Canada était une grande société par actions ayant 27 millions d'actionnaires; si nous étions ses administrateurs et que nous ayons reçu des états financiers déclarant des pertes pour la 21e année consécutive, pertes qui s'élèvent cette fois-ci à 40 milliards de dollars; si notre bilan affichait une dette d'un demi-billion de dollars; si la Chambre était la salle du conseil de cette société et que nous nous réunissions aujourd'hui, un bon nombre d'entre nous étant de nouveaux administrateurs, légalement responsables envers nos actionnaires des mesures financières qui s'imposent, comment réagirions-nous?

Nous savons que certains choisiraient simplement de fermer les yeux. Ils diraient qu'un déficit de 40 milliards, ce n'est pas si mal, que nous pouvons continuer d'emprunter, que les prêteurs


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ne couperont jamais les vivres, que cela peut arriver à la Nouvelle-Zélande, mais jamais à nous. D'autres préféraient fuir la réalité et se réfugier dans les rêves: «Pensons à l'an prochain. Tout s'arrangera l'an prochain.» D'autres encore chercheraient à rejeter le blâme sur quelqu'un d'autre: «Ce n'est pas notre faute. C'est à cause des anciens administrateurs.» Enfin, un autre groupe s'efforcera de protéger ses arrières: «Prenons bien soin de ne pas nous faire avoir, que nos privilèges ne soient pas touchés,» ou: «Prenons une filiale de la société mère, séparons-la, et débrouillons-nous de notre côté.»

(1620)

Une autre réaction est possible, dans les circonstances: faire face aux problèmes financiers que le budget minimise et préparer un plan de secours pour le jour où tous prendront conscience de ses lacunes. Au lieu de nier, de rêver, de blâmer les autres ou de partir, nous pourrions collaborer pour dresser un plan d'urgence qui fasse vraiment face au problème des dépenses excessives, du déficit et de la dette, un plan d'urgence qui protège les contribuables, les travailleurs, les chômeurs, les bénéficiaires des services sociaux des difficultés que ce budget finira par leur causer. Permettez-moi de présenter brièvement les éléments clés d'un plan d'urgence pour aider les Canadiens à surmonter les lacunes du budget de 1994-95.

Tout d'abord, ce plan doit assurer une réduction réelle du déficit. Dans son budget du mois dernier, le ministre des Finances propose des réductions des dépenses s'élevant à seulement 2,2 milliards de dollars pour 1994-1995, soit 1,3 p. 100 de l'ensemble des dépenses. Ces réductions toucheront surtout la défense et l'assurance-chômage. Ceux d'entre nous qui croient que le gouvernement fédéral devrait diminuer davantage ses dépenses devraient dresser une liste plus détaillée des réductions et la conserver à titre de plan d'urgence pour une réelle diminution du déficit.

Le Parti réformiste a établi une liste de réductions d'une valeur de 20 milliards de dollars, laquelle peut être mise à jour et faire partie de ce plan d'urgence. Cette liste a été déposée à la Chambre pendant le débat prébudgétaire.

Il faut souligner, à son crédit, que le ministre des Finances a dit que ses collaborateurs et lui-même étaient prêts à s'asseoir avec nous pour examiner la pertinence de cette liste de réductions supplémentaires. Nous attendons cet instant avec impatience.

Plusieurs gouvernements provinciaux, dont ceux de l'Alberta et du Nouveau-Brunswick, ont devancé le gouvernement fédéral dans la réduction des dépenses excessives. Il convient donc d'examiner leurs activités en ce domaine afin de trouver des éléments à incorporer au plan d'urgence fédéral.

Quoi qu'il en soit, il faut établir un plan d'urgence pour une vraie réduction du déficit pour le jour où le gouvernement et la Chambre prendront conscience que le déficit fédéral est plus grave que ne le reconnaît le budget de 1994.

Ensuite, il faut un plan d'urgence pour les contribuables. Le budget présenté le mois dernier prévoit que le gouvernement fédéral ira chercher, dans le portefeuille des contribuables, 9 milliards de dollars de plus qu'en 1993-94, dont 600 millions de dollars d'ajustements d'impôt.

Le gouvernement a eu la sagesse de ne pas aller à l'encontre du souhait des Canadiens et de renoncer à la réduction des niveaux de cotisation aux REER ainsi à l'imposition de nouvelles taxes comme celle sur les hydrocarbures. Il n'en demeure pas moins que trop de Canadiens réagissent à l'imposition excessive en passant à l'économie souterraine ou en plaçant leurs capitaux à l'étranger. Ceux d'entre nous qui reconnaissent la gravité de la situation doivent présenter d'autres avenues aux contribuables. Nous avons besoin d'un plan d'urgence pour les contribuables. Voici d'ailleurs quatre propositions.

Premièrement, nous pouvons faire en sorte que les principaux groupes de contribuables sachent que des hausses d'impôt sont inévitables si le gouvernement ne s'attaque pas plus sérieusement au déficit.

Deuxièmement, nous pouvons inviter les contribuables à communiquer leurs préoccupations au gouvernement, par exemple, en joignant à leur déclaration de revenus une lettre de protestation de manière que le député ministériel le plus borné comprenne que l'augmentation des impôts n'est pas une option politique valable pour régler le problème financier du gouvernement.

Troisièmement, nous pouvons demander aux contribuables qu'ils nous proposent des mesures visant à réduire les frais de fonctionnement de l'appareil gouvernemental et nous donnent leur avis sur des formes d'allégement fiscal à mettre en place pour stimuler la création d'emplois dans le secteur privé.

Quatrièmement, nous pouvons montrer aux contribuables le bout du tunnel, si le Parlement s'engage à réduire le déficit à zéro d'ici la fin de son mandat. Ce n'est qu'alors qu'un véritable allégement fiscal sera possible.

Ensuite, il faudrait dresser un plan d'urgence pour les travailleurs. Au cours de sa campagne électorale et dans son livre rouge, le gouvernement a déclaré que la création d'emplois était sa priorité absolue. Or, les perspectives d'emploi offertes par le budget sont plutôt sombres. En fait, la conséquence immédiate et concrète du budget, c'est la suppression de 16 000 emplois effectuée par le ministère de la Défense nationale. Il s'agit donc d'une diminution et non d'une augmentation des emplois.

Le ministre des Finances prévoit que les mesures budgétaires qu'il a prises vont entraîner une réduction d'à peine un dixième d'un pour cent du taux de chômage en 1994.

(1625)

Quant au ministre de l'Industrie et au ministre du Développement des ressources humaines, ils se montrent toutefois plus optimistes. Le ministre de l'Industrie, dans son allocution sur le budget, a tenu des propos admirables sur la nouvelle économie axée sur l'information et les exportations qui s'installe au Canada. Il nous a donné l'assurance que le gouvernement avait le savoir-faire et les politiques qui permettraient aux travailleurs et aux propriétaires d'entreprises de participer à cette nouvelle


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économie. Dans son allocution sur le budget, le ministre du Développement des ressources humaines a dit, à juste titre, que le pays traversait une crise de l'emploi et que la Chambre devait examiner avec sérieux la méthode à suivre pour créer des emplois.

Comment créer des emplois viables dans les années 90? Le gouvernement semble croire qu'il joue un rôle clé dans la création d'emplois, alors que les réformistes proposent une bien meilleure recette.

Tout d'abord, il faut qu'il y ait un client, un consommateur quelque part, qui réclame un bien ou un service, et de l'argent pour donner suite à cette requête. Il faut ensuite qu'il y ait un entrepreneur ou une entreprise qui examine cette demande et décide de la combler. Cette entreprise doit alors réunir les ressources, les capitaux et la main-d'oeuvre nécessaires pour répondre à la demande du client. Lorsqu'elle y est parvenue, des possibilités d'emplois, des emplois sont créés pour des travailleurs qualifiés.

Le gouvernement n'a pas essentiellement pour rôle, ici, de prendre l'initiative de créer des emplois, mais de favoriser la création d'emplois. Il ne faudrait donc pas évaluer les différents aspects de l'emploi dont il est question dans un budget du gouvernement d'après le nombre d'emplois que créent les programmes et les dépenses du gouvernement, mais d'après les messages que ce budget envoie aux créateurs d'emplois dans le secteur privé, d'après les dollars supplémentaires qu'il laisse dans les poches des consommateurs et des investisseurs et d'après les programmes d'aide qu'il prévoit à l'intention des travailleurs.

Si l'on se fonde sur ces critères pour évaluer les différents aspects de l'emploi, le budget présenté à la Chambre est un échec. En ne s'attaquant pas au problème du déficit, il n'envoie aux entreprises et aux investisseurs qu'un seul message, un message négatif, c'est-à-dire plus d'augmentations de taxes et d'impôts en perspective. Ce message ne favorise pas la création d'emplois dans le secteur privé, bien au contraire.

Un plan d'urgence est nécessaire pour les chômeurs et les travailleurs sous-employés que ce budget a trahis. Ce plan se composera en partie des mesures de réduction du déficit dont nous avons déjà discuté et en partie de mesures visant à aider les travailleurs à trouver des emplois dans la nouvelle économie dont a parlé le ministre de l'Industrie.

À ce sujet, je propose que nous fassions subir un test très simple aux mesures que le gouvernement a proposées pour stimuler l'emploi. Le ministre de la Défense a dit qu'il allait éliminer 16 000 postes dans son ministère. Le ministre de l'Industrie a dit qu'il y aurait de nouveaux emplois dans la nouvelle économie et le ministre du Développement des ressources humaines a dit qu'il avait prévu des programmes pour doter les gens des compétences nécessaires pour occuper ces emplois.

Je propose donc qu'on laisse le ministre de la Défense donner à la Chambre les noms des 16 000 personnes qu'il a l'intention de mettre à pied. Dans six mois, nous communiquerons avec ces personnes pour savoir combien d'entre elles dépendent de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale, combien d'entre elles occupent des emplois qui ne mènent nulle part dans l'ancienne économie et combien, en fait, se frayent un chemin dans la nouvelle économie. Si 75 p. 100 de ces 16 000 personnes sont sur le point d'occuper un emploi dans la nouvelle économie, nous serons les premiers à féliciter le gouvernement et à l'encourager à continuer de prendre des initiatives en matière d'emploi. Cependant, si plus de 25 p. 100 de ces 16 000 personnes dépendent de l'assurance-chômage ou de l'aide sociale ou se sont retrouvées dans des emplois qui ne mènent nulle part dans l'ancienne économie, tout le pays en déduira que ce gouvernement n'a pas de réponse au problème de l'emploi et qu'il n'en a jamais eue.

Autrement dit, si le gouvernement ne peut pas guider 16 000 employés du ministère de la Défense nationale vers des emplois dans la nouvelle économie, qui croira qu'il a les politiques et les programmes voulus pour guider 1,6 million de chômeurs vers ces emplois?

Enfin, la Chambre doit se demander d'où viendront les conseils et le leadership nécessaires pour corriger les lacunes du budget fédéral de 1994 et pour préparer un plan d'urgence à l'intention des Canadiens. Cela m'attriste vraiment de le dire, mais il est évident que ces conseils et ce leadership ne viendront pas de notre premier dirigeant, le premier ministre du Canada. Cette situation est regrettable car, dans notre pays et ailleurs, l'expérience a montré que des efforts importants pour réduire les coûts d'un gouvernement ne sont pour ainsi dire jamais fructueux, à moins qu'ils ne soient pleinement et vigoureusement appuyés par le chef de ce gouvernement.

Malheureusement, lors de sa visite en Alberta la semaine dernière, le premier ministre actuel a bien fait comprendre qu'on ne peut pas compter sur lui pour qu'il assure un leadership de ce genre. Il aurait dit à l'auditoire d'une station radio d'Edmonton qu'il n'y aura pas de nouvelle série de fortes compressions des dépenses. Il y aura peut-être des changements dans la réforme des programmes sociaux, mais pas de réductions des dépenses au cours des trois prochaines années, hormis celles annoncées dans le budget d'il y a quelques semaines.

(1630)

Deuxièmement, il est tout aussi évident que les conseils et le leadership nécessaires pour corriger les lacunes du budget fédéral de 1994 ne viendront pas de l'opposition officielle. Si on analyse les discours prononcés par les députés du Bloc en réponse au budget, on constatera qu'ils sont totalement négatifs et qu'ils n'ont pratiquement aucune solution de rechange positive à proposer.

Il ne suffit pas de souligner simplement les faiblesses et les déficiences du budget. N'importe qui peut faire cela. Ce dont nous avons désespérément besoin, ce sont de solutions de rechange positives et de plans d'urgence pour remédier à ces faiblesses et à ces déficiences, ce que l'opposition officielle a négligé de présenter.

Nous remarquons également que, derrière la plupart des discours de l'opposition officielle en réponse au budget, se cache l'hypothèse qu'il est possible d'équilibrer le budget fédéral simplement en dégraissant l'appareil administratif. Or, si les députés du Bloc passaient seulement cinq minutes à étudier le tableau 17 de la page 64 du plan budgétaire, ils constateraient que, en 1994-95, les transferts fédéraux au titre des programmes sociaux s'élèveront à 67 milliards de dollars, soit à 55 p. 100 de toutes les dépenses de programmes. Par ailleurs, les dépenses


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totales pour les opérations de l'État se chiffrent à 20 milliards, soit à 16 p. 100 des dépenses gouvernementales.

Autrement dit, on peut couper le gras, le maigre et le squelette des services gouvernementaux et ne réussir à réduire le déficit que de moitié. Cela revient à dire qu'il est absolument impossible de résorber le déficit et la dette du fédéral sans toucher aux dépenses sociales.

Les réponses des députés aux problèmes budgétaires du fédéral sont totalement négatives ou absolument irréalistes et ne peuvent certainement pas servir de fondement à d'autres plans d'urgence pour la gestion de l'État.

Si l'on ne peut compter ni sur le premier ministre ni sur l'opposition officielle pour remédier aux lacunes du budget de 1994 ou pour produire d'autres plans susceptibles de contrer ses effets négatifs, sur qui pouvons-nous compter?

Les réformistes estiment que, dans ce cas, comme dans tous ceux qui touchent les affaires de l'État, nous pouvons compter d'abord et surtout sur la population, c'est-à-dire les contribuables, les travailleurs, les chômeurs, les sous-employés, les prestataires de l'aide sociale, les gens dont les intérêts sont les plus menacés par les carences du budget de 1994 et l'absence de plans d'urgence réalistes.

Les députés du Parti réformiste ont l'intention d'exprimer, dans les débats et les comités, la déception et l'inquiétude que leur inspire ce budget de 1994, mais ils ont aussi l'intention de faire plus que cela. Nous avons l'intention de réclamer l'établissement d'un plan d'urgence et nous invitons tous les députés et tous les Canadiens intéressés à y contribuer.

Nous nous faisons à l'idée un plan d'urgence qui s'attaquerait véritablement à la dette fédérale, au déficit et aux dépenses excessives en proposant d'indispensables réductions supplémentaires de dépenses qui ne figurent pas dans le budget. Nous nous faisons à l'idée un plan d'urgence qui inciterait fortement les contribuables à faire connaître leur opposition à la surimposition et leur désir d'obtenir des allégements fiscaux.

Nous nous faisons à l'idée un plan d'urgence qui consoliderait la base financière de nos programmes sociaux et qui concentrerait les dépenses sociales sur ceux qui en ont le plus besoin.

Nous nous faisons à l'idée un plan d'urgence qui répondrait aux besoins des chômeurs et des travailleurs sous-employés en stimulant la création d'emplois dans le secteur privé et en aidant les travailleurs à faire la transition entre l'ancienne économie et la nouvelle.

Nous nous faisons à l'idée que nous pourrions mettre à profit notre rôle, nos bureaux et nos ressources, en tant que députés, pour concevoir, avec la collaboration de la population, un plan d'urgence qui permettrait de contrôler les dépenses fédérales, d'assurer des allégements fiscaux et des services sociaux stables, ainsi que de stimuler la création d'emplois dans le secteur privé au profit des Canadiens.

Voilà la réponse du Parti réformiste au budget de 1994. Quand, dans six mois ou dans un an, peut-être deux, les Canadiens se rendront compte à quel point le budget de 1994 a échoué, ils sauront qu'il existe une solution de rechange plus constructive.

(1635)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, tout d'abord, je tiens à dire que c'est avec beaucoup de plaisir que je vois participer à ce débat le chef du Parti réformiste. Le premier ministre, votre serviteur et d'autres ministres ont parcouru le pays et sa présence nous a manqué ces deux dernières semaines; nous sommes donc très heureux de le voir à nouveau parmi nous.

Permettez-moi de formuler simplement deux observations, car je sais que le temps presse. Le chef du Parti réformiste parle de la nécessité de créer des emplois, mais du même souffle, il affirme qu'on doit procéder à des coupes sombres. Je suis persuadé qu'il va reconnaître que le ministre des Finances de l'Alberta lui-même a déclaré que ses compressions allaient réduire la croissance économique de la province de près de 1 p. 100. Étant donné que nous voulons créer des emplois au Canada, je suis sûr qu'il ne nous recommandera pas de procéder à des compressions qui vont ruiner notre économie; c'est, en fait, le résultat qu'auraient les mesures qu'il propose.

Nous suivons donc plutôt l'exemple de l'OCDE, qui aborde la question de façon beaucoup plus équilibrée, ce qui va permettre de réduire le déficit tout en créant des emplois.

Mon collègue d'en face parle d'éliminer le déficit. Il voudrait que ce soit chose faite à la fin de notre mandat, comme le programme de son parti le prévoit, mais le fait est, bien entendu, que ce déficit est maintenant supérieur de 13 milliards de dollars à ce qu'il était lorsqu'il avait préparé ce programme. Peut-il nous dire dans quels domaines il sabrerait ou nous préciser le type de croissance qu'il obtiendrait?

Dans ses propres prévisions, il était question d'une augmentation de 16,5 milliards de dollars des recettes sur trois ans. Elles sont basées sur des hypothèses fantaisistes. Je voudrais bien comprendre comment notre pays pourrait tripler son taux de croissance, qui s'établissait à 2,4 p. 100 l'année dernière, au cours des prochaines années.

Je poursuis. Il prône des compressions dans la Sécurité de la vieillesse. Il affirme qu'elles s'appliqueraient aux gens dont le revenu est de 54 000 $. Or, une évaluation objective des propos de mon vis-à-vis montre qu'on s'attaquerait plutôt à des gens qui ne gagnent même pas de 20 000 $ à 25 000 $. Il réduirait de 800 millions de dollars les subventions aux entreprises. C'est 200 millions de plus que ce qui est versé aux entreprises en subventions de base, par l'entremise des organismes régionaux. Ou bien ses calculs sont fondamentalement faux ou, en fait, il ne comprend rien aux comptes publics.

Il a réclamé une réduction de 25 p. 100 des subventions accordées aux sociétés d'État. Peut-il nous préciser à quelles sociétés d'État il s'attaquerait? S'agirait-il de VIA Rail ou de la Société Radio-Canada, qu'il éliminerait? Dites-nous ce que vous feriez. Ne vous contentez pas de lancer des chiffres en l'air.

Je poursuis. Il parle des impôts. Il dit que nous n'aurions pas dû procéder comme nous l'avons fait. Est-ce à dire qu'il aurait maintenu l'exonération des gains en capital de 100 000 $, alors que le gouvernement précédent, sur la foi de ses propres études, avait déclaré que les évaluations n'étaient pas concluantes et n'avait pas réussi à montrer un seul iota de lien entre l'exonération des gains en capital et la création d'emplois ou un autre


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avantage quelconque pour le pays? Aurait-il maintenu cette mesure? Nous l'avons éliminée et nous sommes fiers de l'avoir fait.

Il parle d'une taxe sur les hydrocarbures. Il fut le premier à en parler. Elle fait partie d'une étude amorcée par le gouvernement précédent et que nous poursuivons toujours, mais il a été le premier à parler d'une taxe sur les hydrocarbures.

À mon avis, c'est pour le moins spécieux de soulever la question d'une révolte des contribuables en cette Chambre, de parler d'une révolution contre une taxe qu'il a lui-même imaginée.

Monsieur le Président, je sais que le temps passe vite; permettez-moi de résumer. La position du Parti réformiste tient essentiellement à deux points: nous devrions procéder à un examen complet de la politique de défense avant d'entreprendre quelque réduction que ce soit, mais nous devrions immédiatement faire des coupes sauvages dans tous les programmes d'aide gouvernementaux qui s'adressent aux mères seules, aux chefs de familles monoparentales, aux aînés, aux veufs, aux veuves et aux enfants.

Je ne comprends tout simplement pas. Je ne comprends pas qu'un parti politique dise d'une part que la guerre froide n'est pas terminée et que, par conséquent, nous devrions continuer à dépenser au titre de la défense, en continuant comme par le passé, tout en affirmant d'autre part que nous avons gagné la guerre contre la pauvreté. C'est tout simplement irréaliste.

Le vice-président: Le chef du Parti réformiste dispose d'une période égale à celle du ministre des Finances, soit environ quatre minutes.

M. Manning: Nous allons monopoliser la période des questions.

Le ministre a prononcé une phrase avec laquelle je puis me dire d'accord. Il a dit: «Je ne comprends pas.»

Je crois que ce genre d'échange est représentatif des problèmes qui caractérisent les débats à la Chambre. Le ministre a fait un certain nombre d'affirmations au sujet de l'attitude du Parti réformiste face à la réduction du déficit. Ou bien il comprend mal notre position, ou nous ne l'avons pas exprimée clairement.

Pour nos projections, nous avons posé l'hypothèse d'une croissance d'environ 3,5 p. 100. Nous admettons maintenant que c'est un peu élevé, mais pas beaucoup plus que les chiffres utilisés par le ministre. Nous sommes capables de justifier les compressions de dépenses que nous préconisons. Nous sommes prêts à le faire. Selon moi, la meilleure tribune pour ce faire serait une rencontre informelle. Je crois que le ministre nous a invités à le faire. Nous pourrions nous rencontrer un bon soir, à l'écart des médias et sans chercher à nous faire du capital politique. Avec l'aide des fonctionnaires et de nos collaborateurs, nous pourrions piocher ces chiffres ensemble.

(1640)

Je suis passablement certain que le gouvernement s'intéresse assez à cette question pour nous écouter, si nous pouvons marquer des points dans ce débat et prouver qu'on pourrait faire plus dans certains secteurs. S'il s'avérait par contre que nous nous soyons trompés sur certaines projections, nous les retirerions de notre programme officiel. Je crois vraiment que c'est ainsi que nous pourrions nous rendre utiles.

Le deuxième point que j'aimerais soulever, et je pense que c'est là qu'il y a une différence de philosophie entre le gouvernement et nous, concerne la façon dont sont créés les emplois. Quels sont les rôles respectifs du gouvernement et du secteur privé à cet égard?

D'après le budget du ministre, le gouvernement va réduire les cotisations d'assurance-chômage de 725 millions de dollars en trois ans, les ramenant à 2 milliards, et il prétend que cela va conduire à la création de 40 000 emplois. Autrement dit, en laissant cet argent dans les poches des gens d'affaires et des contribuables, il va contribuer à la création de 20 000 emplois pour chaque milliard de dollars qu'il laissera. Mais le gouvernement ajoute qu'il va mettre en place un programme d'infrastructure et qu'entre les trois ordres de gouvernement, les contribuables devront payer 6 milliards d'impôts qu'il va réinvestir pour créer 65 000 emplois, soit environ 10 000 emplois pour chaque milliard dépensé.

Ces chiffres présentent une contradiction inhérente. Si on peut créer 20 000 emplois en laissant un milliard de dollars dans la poche des contribuables, pourquoi ne pas leur laisser ces 6 milliards et créer d'autant plus d'emplois? C'est là que réside la différence philosophique entre nos approches. J'ai hâte d'en débattre.

Ce qui nous intéresse, et qui je l'espère intéresse également d'autres députés, c'est d'obtenir des réponses. Marquer des points politiques dans ce dossier ne nous intéresse guère; nous voulons trouver le meilleur moyen d'assurer des emplois stables. Si nous proposons la meilleure solution, nous espérons que vous le reconnaîtrez, mais si votre solution est meilleure que la nôtre, nous nous ferons un plaisir de le reconnaître.

[Français]

M. Nic Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, en 1984, quand je me suis présenté en tant que conservateur, on parlait de trois choses: décentralisation de la gestion du gouvernement, coupures dans les dépenses et réconciliation nationale. J'aimerais dire au chef du Parti réformiste qu'au mois de juin 1990, rien de cela ne s'était produit.

La réconciliation nationale venait de tomber à l'eau; il n'y avait pas eu de coupures, on continuait à dépenser davantage et pour ce qui est de la décentralisation des pouvoirs et de la gestion gouvernementale, on continuait, comme dans le régime libéral, à centraliser davantage à Ottawa. Je pense que c'est la cause majeure du déficit et de la dette du pays, et c'est pour ces raisons que j'ai démissionné.

J'aimerais connaîre la position du chef du Parti réformiste à cet égard. Pense-t-il qu'une grande décentralisation, donnant beaucoup plus de pouvoirs aux provinces, permettrait de mieux gérer et d'être plus efficaces, dans le but de diminuer les dépenses et d'augmenter la croissance économique?


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[Traduction]

M. Manning: Je remercie le député de sa question.

Je ne crois pas qu'il y ait de réponse simple à la question de savoir laquelle, de la centralisation ou de la décentralisation, est la meilleure solution. L'évolution de la situation au Canada a fait en sorte qu'une génération de politiques croit qu'il faut centraliser les pouvoirs à Ottawa, et je crois que c'est ce qui a beaucoup caractérisé le gouvernement Trudeau, alors que la génération suivante estime qu'il faut plutôt céder tous les pouvoirs aux provinces.

Je ne crois pas que l'une ou l'autre de ces solutions extrêmes soit la bonne. Dans une fédération comme la nôtre, il faut examiner toute la gamme des compétences et voir où les pouvoirs du gouvernement central doivent être accrus et où il est préférable de décentraliser.

Notre programme, par exemple, propose de renforcer les compétences fédérales en matière de commerce et d'accroître le pouvoir du gouvernement fédéral d'abolir les barrières commerciales entre les provinces. Il s'agirait, dans ce cas, de renforcer les pouvoirs fédéraux.

Par ailleurs, dans les domaines linguistique et culturel, nous pensons qu'il est préférable de laisser les pouvoirs aux provinces et aux secteurs non gouvernementaux. Il s'agirait donc de centraliser dans certains domaines et de décentraliser ailleurs. Nous préférons ce genre d'équilibre à une réaction automatique dans une direction ou dans l'autre.

(1645)

Le président suppléant: Cinq autres députés se sont levés pour faire des observations ou poser des questions. Puisque la période de temps allouée est écoulée, y a-t-il consentement unanime pour prolonger de dix minutes?

Des voix: D'accord.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Monsieur le Président, je suis sincèrement ravi de pouvoir interroger le chef du Parti réformiste. Pendant la campagne électorale, il m'est arrivé souvent d'échanger avec des candidats et j'apprécie vraiment l'occasion qui m'est donnée.

Dans son discours, le député a mentionné que le gouvernement serait mieux de réduire les programmes sociaux plutôt que les opérations du gouvernement, car il y avait là beaucoup plus d'argent, ou de gras aurait-il dit.

J'aimerais qu'il précise quels programmes il réduirait, comment il s'y prendrait et dans quelle mesure. Pourrait-il citer quatre ou cinq exemples?

M. Manning: Monsieur le Président, je tiens d'abord à corriger l'impression qu'a donnée le député en posant sa question. Je le remercie d'ailleurs de sa question.

L'argument que je faisais valoir, surtout à l'intention des bloquistes parce que j'ai étudié leurs discours, c'est qu'un gouvernement ne parviendra jamais à contrôler le déficit ou la dette, s'il ne touche pas aux dépenses dans le domaine social. Voilà tout mon argument. La raison, comme je l'ai indiqué, c'est que 55 p. 100 des dépenses sont affectées au domaine social.

À entendre les bloquistes, on arriverait à contrôler le déficit si seulement on coupait dans le gras administratif du gouvernement. À mon avis, nous pourrions éliminer du budget tous les coûts de fonctionnement du gouvernement et nous n'aurions réduit le déficit que de moitié. Je souligne que c'est par nécessité et non par choix que nous en sommes arrivés à cette conclusion.

Ensuite, nous sommes d'avis que, s'il nous faut réduire les dépenses dans le domaine social, nous devrons cibler les dépenses pour venir en aide aux plus démunis. Autrement dit, il faudra restreindre l'accessibilité des gens dont le revenu dépasse un certain seuil. C'est à ce sujet qu'il risque d'y avoir une grande controverse.

Quand on rencontre les fonctionnaires du ministère des Finances, on constate qu'il y a des écarts dans le montant d'aide sociale, d'assurance-chômage et de sécurité de la vieillesse qui est versé aux familles dont le revenu se situe au-dessus du revenu moyen des ménages au Canada. Certains économistes disent que ce montant peut atteindre 20 milliards de dollars alors que d'autres soutiennent qu'il est nettement inférieur. Il faudrait tirer cela au clair.

Nous croyons qu'il faut cibler les dépenses pour venir en aide aux personnes à faible revenu. Nous disons qu'il faut réduire pratiquement tous les crédits dans le secteur social, ce qui permettrait de réaliser des économies importantes.

M. Jim Karygiannis (Scarborough-Agincourt): Monsieur le Président, c'est le pays de mes ancêtres qui a vu naître le vocable et la pratique de la démocratie.

Je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre ce qu'a dit tout à l'heure le chef du tiers parti. Au cours des débats de la dernière campagne électorale, j'avais été très impressionné d'apprendre que son parti allait former ici un groupe à l'esprit positif qui offrirait des solutions de rechange et ouvrirait des perspectives nouvelles, notamment.

Mais quand je l'ai entendu proposer tout à l'heure que ses collaborateurs et lui-même s'entretiennent en privé avec les hauts fonctionnaires du gouvernement, j'ai été sidéré. Est-ce pour cela que les Canadiens nous ont élus? Pour que nous nous entretenions derrière des portes closes? Est-ce là ce que veulent les Canadiens? Je suis persuadé que ce n'est pas ce qu'envisage le Parti réformiste. Ce n'est certes pas ce qu'il a prêché au cours de la campagne électorale. Or, lorsque j'ai entendu proposer que l'on tienne des séances à huis clos, des séances privées, j'en ai été renversé.

Le chef du tiers parti me dira-t-il pourquoi on tiendrait un débat de ce genre derrière des portes closes plutôt que publiquement? N'est-ce pas ici même que des débats de ce genre doivent se tenir? N'est-ce pas ici la tribune où l'on doit discuter de ces choses? N'est-ce pas ici que la démocratie doit s'exercer? N'est-ce pas ici, soit publiquement et non dans le privé, que nous devrions discuter de ces choses?

M. Manning: Monsieur le Président, je remercie le député de me poser cette question. Je crois qu'il y a ici double méprise.


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(1650)

Tout d'abord, c'est le ministre qui nous a invités à nous réunir ainsi pour un échange de vues. Nous avons accepté volontiers l'invitation, mais ce n'est pas nous qui l'avons lancée. L'invitation est venue du camp du député et non du nôtre. Le député a bien parlé, mais il aurait dû adresser ses récriminations aux députés de son propre parti.

Ensuite, je tiens à faire valoir que cela fait 18 mois que nous participons au débat public sur la nécessité de réduire le déficit et la dette. J'ai moi-même prononcé des milliers de discours, dont beaucoup au cours d'assemblées publiques où les gens pouvaient poser librement des questions à ce sujet. Nous accueillons volontiers les questions dans ces occasions-là comme ici, à la Chambre. J'ai fait valoir que, comme le savent beaucoup de députés, lorsque des questions de ce genre sont débattues à la Chambre, il arrive trop souvent que les querelles partisanes font oublier les vrais problèmes.

Nous savons bien que si l'on soulève, à la période des questions, un sujet brûlant comme les 140 000 $ dépensés pour des voyages en réacté, on sera cité au journal du soir et on attirera beaucoup l'attention. Un problème structurel du régime de soins médicaux qui coûte de un milliard et demi à deux milliards de dollars, cela ne fait même pas les manchettes parce que c'est compliqué et difficile à débattre brièvement.

J'accueille volontiers toutes les occasions de tenir un débat public, ici ou ailleurs, mais j'estime qu'il vaut la peine d'accepter l'invitation du ministre à se rencontrer autour d'une table et à décortiquer certaines questions pour y revenir ensuite ici, à la Chambre.

L'hon. Lawrence MacAulay (secrétaire d'État (Anciens combattants)): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui d'appuyer le budget qu'a déposé mon bon ami et mon collègue, le ministre des Finances, le 22 février dernier.

Permettez-moi de féliciter le ministre pour son premier budget depuis l'élection de notre gouvernement. Il nous a tracé une voie sage et prudente. Il a mis en place un processus qui sera à l'origine d'importants changements dans les années qui viennent.

Les députés ne sont pas sans savoir que le ministre des Finances a tenu de vastes consultations auprès des Canadiens avant de déposer son budget. Il est évident qu'il a écouté ce que les gens avaient à lui dire. Je le sais, parce que j'ai moi-même écouté ce qu'avaient à me dire mes électeurs et les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard.

Ces gens m'ont fait savoir qu'ils voulaient des mesures favorisant la relance économique et la création d'emplois. Ils veulent un régime de sécurité sociale équitable et généreux, même s'ils savent que le Canada doit s'en tenir à un régime à frais raisonnables. Ils m'ont dit que le gouvernement devait mettre de l'ordre dans les finances publiques.

Le budget répond à leurs attentes. Il pose les bases nécessaires à l'essor économique et à la création d'emplois, tout en préservant l'équilibre entre la réforme sociale et la réduction du déficit.

Je sais que de nombreux anciens combattants s'inquiétaient des répercussions que pourrait avoir le budget sur leur vie. Ces hommes et ces femmes ont très bien servi leur pays. Ils ont sacrifié les meilleures années de leur vie au Canada et ont encore en mémoire le sacrifice ultime qu'ont fait certains de leurs camarades pour le Canada et les valeurs qui nous sont chères.

Je tiens à dire aux députés qu'aucun groupe de Canadiens ne s'inquiètent aussi vivement de l'avenir du Canada que nos anciens combattants.

Aucun groupe ne souligne de façon plus éloquente la nécessité de préserver notre qualité de vie. Je sais que les anciens combattants de toutes les régions du Canada applaudissent aux mesures visant à réduire les dépenses gouvernementales. Nous entreprendrons bientôt un examen des activités gouvernementales afin de devenir plus efficaces. Nous analyserons tous nos programmes afin de déterminer la façon de réduire le chevauchement et le double emploi.

Au ministère des Anciens combattants, nous étudierons également nos propres activités, comme il se doit. À l'instar des autres ministères fédéraux, nous trouverons des façons de diminuer les frais administratifs.

Cependant, nous ne toucherons ni aux pensions des anciens combattants ni à leurs allocations. Nous voulons veiller à ce que les anciens combattants qui ont besoin des prestations et qui y sont admissibles les reçoivent. Les anciens combattants méritent de toucher leur pension et leurs allocations. De nos jours, de nombreux anciens combattants en ont grandement besoin puisque, à mesure qu'ils vieillissent, ils comptent sur nous pour préserver la qualité de vie qu'ils ont si légitimement gagnée.

(1655)

Il y a des anciens combattants dans les circonscriptions de tous les députés. Je suis convaincu que, peu importe de quelle région ils proviennent, les députés reconnaissent qu'il est tout à fait juste que le gouvernement s'occupe bien des anciens combattants. On a souvent dit que le Canada offrait les meilleurs programmes du monde à ses anciens combattants. À ce chapitre, aucun autre pays ne nous surpasse.

Je voudrais prendre quelques minutes pour parler de ma région, le Canada atlantique, et des retombées du budget dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard.

Je suis très heureux que le budget annonce un projet pilote à l'Île-du-Prince-Édouard. Ce projet conjoint du ministère du Développement des ressources humaines, du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, et de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire vise à trouver des moyens d'élargir les possibilités des personnes handicapées.

Le Canada ne peut pas négliger le potentiel de ses citoyens handicapés, surtout pas à une époque où nous avons besoin que tous mettent leurs compétences à contribution pour édifier le Canada. Le gouvernement espère que nous pourrons appliquer les connaissances que nous permettra d'acquérir ce projet dans d'autres régions pour en faire profiter d'autres personnes handicapées.


2063

Beaucoup de mes amis, voisins et électeurs m'ont aussi parlé des modifications apportées au régime d'assurance-chômage. Comme les députés le savent, ces modifications ne sont que la première étape d'une vaste réforme visant à rendre notre système de sécurité sociale à la fois juste et abordable.

Notre premier objectif consiste à modifier ce système pour qu'il ne nuise pas à la création d'emplois. Un bon emploi est la meilleure protection sociale dont peut bénéficier un Canadien. Par conséquent, quelques électeurs de ma circonscription se réjouissent des mesures que nous avons prises dans le budget pour réduire les coûts de l'assurance-chômage pour les employeurs.

L'assurance-chômage est une charge sociale. Si cette charge est trop lourde, elle fait perdre des emplois. En 1989, le taux des cotisations d'assurance-chômage s'élevait à 1,95 $. Cette année, il s'élève à 3,07 $. Le taux maximum des cotisations a plus que doublé pour les employés. Il a plus que doublé pour les employeurs aussi.

Ce sont là des taxes. Qui plus est, ce sont des taxes que doivent payer les petites entreprises. Dans ma province, pratiquement toutes les entreprises sont des petites entreprises. Les électeurs de ma circonscription ne peuvent pas se permettre de payer des cotisations plus élevées. Les petites entreprises de l'Île-du-Prince-Édouard ont besoin d'un allégement de leur fardeau fiscal pour pouvoir commencer à créer des emplois.

C'est pourquoi tant d'électeurs de ma circonscription appuient les mesures budgétaires visant à ramener le taux des cotisations d'assurance-chômage à 3 $ l'an prochain. C'est une réduction considérable par rapport au montant de 3,30 $ qu'on verserait sans cette mesure.

Beaucoup d'habitants de l'Île-du-Prince-Édouard ont besoin des prestations d'assurance-chômage en attendant de trouver de nouveau du travail. Je n'ai pas peur d'admettre que ce sont des mesures sévères pour les personnes qui touchent des prestations d'assurance-chômage.

Mes électeurs aimeraient mieux travailler que recevoir de l'assurance-chômage. Nous allons faire notre possible pour nous servir des programmes de sécurité sociale, y compris l'assurance-chômage, pour aider les Canadiens à retourner au travail.

En attendant, nous savons que certains Canadiens dépendent de l'assurance-chômage pour subvenir non seulement à leurs propres besoins pendant qu'ils cherchent un autre emploi, mais aussi aux besoins des personnes à leur charge. C'est pourquoi le budget prévoit une augmentation des prestations d'assurance-chômage pour les personnes les plus nécessiteuses, celles qui doivent s'occuper d'un enfant ou d'un parent dans le besoin, celles qui doivent faire vivre un conjoint ou une conjointe qui ne travaille pas.

(1700)

Après l'entrée en vigueur des modifications au régime d'assurance-chômage prévues dans le budget, le Canada atlantique recevra encore plus d'assurance-chômage par habitant que toute autre région du Canada.

En effet, les prestataires d'assurance-chômage au Canada atlantique toucheront en moyenne 970 $, comparativement à 540 $ ailleurs.

Cela montre bien que le gouvernement reconnaît les besoins spéciaux d'une région où le chômage chronique présente des problèmes particuliers. Le meilleur exemple de cela est dans l'industrie de la pêche.

Le gouvernement précédent n'a rien fait pour donner aux habitants du Canada atlantique qui vivent de la pêche au poisson de fond une aide financière au-delà du 15 mai. Le budget prévoit une stratégie de renouvellement et d'adaptation de l'industrie de la pêche au poisson de fond de l'Atlantique, stratégie qui vise à assurer une aide à long terme aux travailleurs de cette industrie.

Notre gouvernement déploie des efforts énormes pour trouver une façon d'aider quelque 35 000 Canadiens de la région de l'Atlantique qui n'auront plus aucun revenu après l'expiration du programme en cours. Le ministre des Pêches et des Océans et le ministre du Développement des ressources humaines travaillent à l'élaboration de nouvelles mesures pour que ces gens soient traités de façon juste et digne.

J'ai parlé de certaines des mesures contenues dans ce budget qui touchent particulièrement les habitants de ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, et de toute la région de l'Atlantique. J'ai aussi parlé de ce que les anciens combattants du Canada peuvent attendre de ce budget.

Le message que me lancent mes électeurs et les anciens combattants est très clair: les Canadiens savent que le gouvernement ne peut plus fonctionner comme avant et ils veulent avoir voix au chapitre sur la façon d'apporter les changements nécessaires.

Le gouvernement se dirige vers une nouvelle approche en ce qui concerne la création d'emplois et les programmes sociaux, et nous allons nous assurer que les Canadiens participent activement aux décisions concernant les changements qui seront apportés.

Le budget représente la première phase d'une importante réforme, et le gouvernement compte bien poursuivre ses discussions avec les Canadiens sur la meilleure façon de préparer notre grand pays à relever les défis du XXIe siècle.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de passer à la période des questions ou observations, j'aimerais vérifier si le secrétaire d'État partage son temps de parole avec son collègue, soit le député de Burlington, si je ne me trompe.

Si c'est ainsi, qu'il veuille bien l'indiquer à la présidence et nous aurons des périodes de cinq minutes pour les questions ou observations.

Le secrétaire d'État partage-t-il son temps de parole?

M. MacAulay: Oui, je partage mon temps de parole.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Monsieur le Président, j'ai écouté la plupart des propos du député et je les trouve intéressants. Assurément, de ce côté de la Chambre, nous sommes heureux de l'entendre parler de réforme et de la nécessité pour notre pays de changer sa façon de faire les choses. Nous sommes d'accord avec lui.

J'ai posé une question à ses collègues, une question difficile. Je n'ai pas encore reçu de réponse. Le budget dit que la dette fédérale croîtra de 100 millions de dollars au cours des trois


2064

prochaines années. Il ne dit rien quant aux conséquences de certains dossiers comme celui du programme de création d'emplois, celui des programmes sociaux, celui du million d'enfants canadiens qui vivent dans la pauvreté.

Je me demande si le ministre a pensé à certaines choses qui pourraient nuire à la capacité du gouvernement de fonctionner adéquatement, tel que le prévoit le budget, compte tenu du fait que la dette va augmenter de 100 milliards de dollars au cours des trois prochaines années.

Quelle menace la dette fait-elle peser sur le pays?

M. MacAulay: Monsieur le Président, je remercie le député de Crowfoot.

À vrai dire, notre approche diffère sensiblement de la sienne. Si nous cherchions à équilibrer le budget de la façon que le propose le député, il n'en résulterait pas une modification du régime d'assurance-chômage, mais plutôt un effondrement de notre système de sécurité sociale.

(1705)

La région que je représente serait dévastée. Les mesures que notre gouvernement a prises ont fait changer de cap à l'administration. Nous aurons un déficit de moins de 40 milliards de dollars; ce n'est pas extraordinaire, mais nous sommes sur la voie du rétablissement.

Si nous nous efforcions d'équilibrer le budget, les gens que je représente n'auraient plus rien. Notre gouvernement fait preuve de compassion et se soucie des gens. Il faut assainir les finances publiques, et c'est ce que nous sommes en train de faire. Mais ce faisant, nous n'accablerons pas les Canadiens qui ont besoin de notre aide.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, face au Budget, j'ai toujours un certain nombre d'interrogations. On sait que le gouvernement n'est pas toujours le pourvoyeur le plus efficient de certains services. Si on parlait par exemple des foyers pour anciens combattants, est-ce qu'il serait possible de savoir quelle est la différence entre le coût d'opération de ces services fournis par l'État et ceux qui seraient fournis par des hôpitaux comparables dans un autre secteur? Est-ce que la comparaison pourrait être faite? Je crois qu'il y a une différence de plusieurs dizaines de milliers de dollars. J'aimerais avoir des commentaires là-dessus.

[Traduction]

L'hon. MacAulay: Je remercie le député de sa question. Le ministère des Anciens combattants s'occupait beaucoup d'hôpitaux ces dernières années. Nous en avons maintenant deux, l'un à Sainte-Anne, comme le député le sait, et l'autre dans l'Ouest. Je n'ai pas les chiffres des coûts sous les yeux. La grande priorité du ministère des Anciens combattants consiste cependant à veiller à ce que les anciens combattants soient bien traités.

Le ministère des Anciens combattants négocie actuellement avec les autorités provinciales pour que nos institutions relèvent désormais de la compétence des provinces. Il nous reste deux hôpitaux, et nous négocions également avec leur direction pour opérer ce transfert de compétence.

Le ministère des Anciens combattants continuera cependant de s'assurer que les anciens combattants reçoivent le meilleur traitement possible, car au Canada, comme le sait très bien le député, nous sommes très fiers de pouvoir dire que nous offrons les meilleurs soins à nos anciens combattants. Aucun autre pays ne s'occupe mieux que nous de ses anciens combattants, et je puis assurer au député que nous allons rester le pays qui s'occupe le mieux de ses anciens combattants.

Mme Paddy Torsney (Burlington): Monsieur le Président, c'est pour moi un grand honneur de prendre la parole en cette Semaine internationale de la femme, à titre de députée de la circonscription de Burlington, en Ontario. L'idée de représenter ma ville à la Chambre des communes m'enthousiasme, mais je suis aussi animée d'un sentiment de profonde loyauté et d'une grande détermination à l'égard du mandat qu'on m'a confié en m'élisant.

Les électeurs de Burlington m'ont permis de grandir et de m'instruire à leurs côtés, et je me réjouis du privilège qui m'est accordé et du défi que je dois relever. La récompense que j'ai reçue est déjà énorme, et j'attends avec impatience l'occasion d'adjoindre à mon propre enthousiasme l'énergie sans pareil de la population de Burlington.

Je tiens à remercier non seulement ma famille et mes amis, sans l'aide desquels je ne serais pas ici, mais aussi la population de Burlington qui m'a d'abord gracieusement donné son aide et ses idées, puis sa confiance. Bien des gens ont travaillé très fort pour que je sois élue à la Chambre. Mes parents et ma famille m'ont appuyée de tout leur coeur dans ce qui, en rétrospective, semble avoir été une campagne très brève, même si, durant l'été, elle paraissait interminable.

Mes parents et ma soeur sont arrivés au Canada en 1957, en provenance de l'Irlande. Mes parents ont inculqué à chacun de leurs enfants un sentiment d'appartenance et de loyauté à l'égard de leur pays d'adoption. Ils nous ont appris la valeur de la persévérance et l'importance de travailler bénévolement pour sa communauté. Je les remercie de m'avoir inculqué ce sens de l'engagement profond et de m'avoir donné les traits de caractère et l'énergie nécessaires pour mettre à profit mon sens du devoir.

[Français]

À partir de maintenant, c'est mon devoir de prouver à la population de Burlington que je suis digne de leur confiance. Il est nécessaire d'établir avec elle un partenariat pour partager notre connaissance et notre vision du Canada. J'envisage de marcher main dans la main avec les gens de Burlington pour bâtir un Canada toujours meilleur.

(1710)

Je ne peux pas marcher seule tout comme je ne peux pas travailler seule dans cette Chambre. Nous devons toutes et tous le faire ensemble. Dans l'accomplissement quotidien de mes tâches de députée, j'ai noté plusieurs différences chez mes collè-


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gues. Les différences sont surprenantes entre les communautés que nous représentons, elles le sont aussi à l'intérieur de celles-ci.

Je crois que tout cela peut nous enrichir en tant que société. Ce ne sont pas nos différences qui nous séparent, mais bien nos silences.

[Traduction]

Nous avons de la chance d'avoir une tribune comme la Chambre pour amorcer notre voyage, pour y découvrir nos ressemblances, pour y expliquer nos différences et nos idées, y faire part de nos connaissances et y échanger sur nous-mêmes.

J'imagine un voyage à la découverte des beautés de notre pays. Ce sera un voyage pittoresque au cours duquel nous escaladerons des montagnes et nous traverserons des prairies. La durée de notre voyage sera proportionnelle à l'immensité de notre pays, et nous y découvrirons des langues et des coins de pays colorés. Nous serons témoins de printemps fleuris et d'hivers rigoureux, et nous comprendrons finalement que la seule façon de réussir, c'est de marcher tous ensemble en ne laissant personne derrière.

Je ne ménagerai aucun effort pour assurer la croissance et la prospérité de Burlington, mais aussi du Canada tout entier. Nous devons bâtir une économie saine pour les générations de demain et une société qui reconnaît l'égalité des races et des sexes. Tous ces objectifs s'imbriquent les uns dans les autres, car notre économie ne peut être vigoureuse que si tous ont une chance égale d'y participer.

Si la pleine égalité ne règne pas, le développement de notre pays en souffrira. C'est lorsque tous pourront participer également à la vie de la société canadienne que nous serons les plus forts sur le plan international.

Le premier budget du gouvernement met en place des éléments pour que notre pays devienne plus fort, et les réformes que le ministre du Développement des ressources humaines souhaite apporter vont dans le même sens.

Je suis fière de faire partie d'un gouvernement qui reconnait les injustices du système actuel, d'un gouvernement déterminé à apporter de vrais changements dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Ce budget est marquant, car c'est le premier qui tienne compte de la situation économique particulière des femmes. Trop d'enfants vivent dans la pauvreté, et ce sont surtout des enfants qui appartiennent à des familles monoparentales dirigées par des femmes. Dans ce budget, le gouvernement s'engage à étudier le problème des pensions alimentaires pour s'assurer que la fiscalité soit juste, car la question est d'importance critique pour l'avenir de nombreux jeunes Canadiens. Selon moi, la pauvreté chez les enfants est une menace pour l'avenir de notre économie et un gaspillage de ressources éhonté.

Le budget aidera les petites entreprises. Je suis heureuse d'appuyer le Burlington's Businesswomen's Network, groupe qui favorise l'entrepreneuriat et encourage dans la voie de la croissance ceux qui ont le plus de succès dans le lancement de nouvelles entreprises, c'est-à-dire les femmes. Des gens comme Roxeanne Moffat, propriétaire de Hillcrest Florist, et Nancy Brewer, qui a ouvert son propre bureau comptable, sont des modèles d'excellence et de détermination pour nos concitoyens et nos jeunes.

Penser mondialement, agir localement, voilà un mot d'ordre qui convient parfaitement au Canada. Au moment de choisir une nouvelle orientation pour le Canada, il ne faut pas le perdre de vue. Si nous nous améliorons au niveau local, nous pouvons avoir un effet positif sur la scène internationale. À Burlington, par exemple, nous avons divers projets et activités communautaires qui ont enrichi notre région du point de vue tant social qu'économique.

Nous avons payé le prix fort pour avoir permis aux industries de polluer la baie Burlington, qui a déjà été si belle. Nous apprenons maintenant qu'il existe une nouvelle façon durable de développer notre économie, que des Canadiens se sont engagés à réparer les erreurs du passé et qu'ils font profiter d'autres pays de leur expertise moyennant rémunération.

Je me réjouis de la diversité et de la portée des initiatives locales qui stimulent l'inventivité des entreprises. Le prix d'excellence qui est décerné aux jeunes à Burlington encourage les jeunes à fonder leurs propres entreprises. Ces jeunes sont associés de près à des gens d'affaires locaux qui leur servent de guides et d'inspiration. C'est extraordinaire de voir des jeunes et des moins jeunes travailler ensemble pour forger un avenir meilleur.

Nul doute que les citoyens plus âgés de Burlington disposent d'un incroyable bagage de connaissances à partager avec les jeunes. Nombre de personnes âgées de Burlington encore jeunes d'esprit ont connu une seconde carrière au sein du Service d'assistance canadien aux organismes, un organisme sans but lucratif faisant appel à des volontaires axé sur le développement international et humain et visant à aider les Premières nations ou des organismes étrangers à subvenir à leurs besoins. Les bénévoles du SACO ont 62 ans en moyenne. Ce sont des gens comme Larry et Patricia McMahon et Anthony Miele de Burlington qui mettent leurs connaissances à la disposition d'autrui.

J'estime qu'il est nécessaire pour les Canadiens de partager ces ressources tant au Canada qu'à l'étranger. En prenant des mesures positives à l'échelon local, nous améliorons la qualité de vie de tous les Canadiens. Inévitablement, cela se répercutera à l'extérieur de nos frontières.

(1715)

À Burlington, nous avons un organisme qui travaille tant au Canada qu'à l'étranger pour éliminer la violence faite aux femmes. Cet organisme, CAVEAT, a été créé par une mère de Burlington, Priscilla de Villiers, et jouit de nombreux appuis au sein de la collectivité.

Sur le plan international, les Nations Unies ont emboîté le pas au Canada dans la lutte contre la violence faite aux femmes. C'est une question de droits de la personne aussi bien qu'une


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question d'égalité. Tous les habitants de la terre en profiteront lorsque les femmes ne craindront plus pour leur vie.

Je sais que tous les progrès que nous réaliserons n'auront été rendus possibles que par le travail réalisé par ceux qui nous ont précédés. Dans ma circonscription, les femmes représentent 64 p. 100 des personnes âgées de plus de 75 ans. Ces femmes dévouées et pleines d'entrain forment une communauté on ne peut plus dynamique. Leur participation à la vie de Burlington prend bien des formes. Elles poursuivent leurs missions de conseillère, d'éducatrice et de modèle.

Je suis honorée de pouvoir suivre les traces de personnes aussi exceptionnelles que Jean Galloway, la citoyenne de Burlington 1993. À l'âge de 73 ans, cette mère, grand-mère et bénévole admirable a fondé une société d'aide aux animaux. Elle travaille pour un organisme de charité qui se spécialise dans la livraison de repas à domicile et pour la Croix-Rouge. En un mot, elle est l'une des plus ardentes championnes de tout ce qui peut améliorer les choses à Burlington.

En partageant leurs expériences de vie avec parents et amis, les vieilles dames de Burlington ont fait ressortir ce qui apparaît rarement au grand jour: le rôle des femmes et tout le bien qu'elles accomplissent chez elles et au dehors. En effet, elles mènent une existence riche et variée.

Je profite donc de l'occasion pour remercier les vieilles dames de Burlington et du Canada. On oublie souvent leur précieuse contribution à la société. Il nous faut apprendre auprès des personnes âgées, hommes et femmes, les moyens de relancer notre économie de façon durable.

De concert avec tous les Canadiens, le gouvernement actuel va établir la stratégie de cette relance. Ce budget est la première ébauche de ce plan d'action.

Je suis heureuse de pouvoir collaborer avec mes électeurs et la Chambre afin de préparer le Canada à entrer dans le XXIe siècle, une ère d'égalité pour tous les citoyens, ici et ailleurs dans le monde. J'espère que tous les députés voudront m'accompagner sur la route d'un monde meilleur.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, j'ai écouté avec un grand intérêt le discours de notre collègue du Parti libéral, qui est aussi le parti au pouvoir. Elle a fait l'éloge de l'entrepreneuriat dans son comté et, effectivement, je crois que nous devons, tous et toutes, faire l'éloge de ces gens qui entreprennent dans chacun de nos comtés, d'un océan à l'autre.

Ceci dit, notre honorable collègue a aussi parlé des personnes âgées. J'ai un gros souci au sujet des personnes âgées, souci qui est avivé par le présent Budget. Je vais lui communiquer ce souci afin qu'elle puisse me donner son opinion.

Les personnes âgées reçoivent une pension du gouvernement fédéral. Cependant, à partir d'un niveau de 29 000 $, ces personnes devront maintenant commencer à en rembourser une partie. Or, bien souvent les personnes âgées ont acquis une propriété il y a nombre d'années, petite propriété, à l'époque, qui était à l'intérieur de leurs moyens. Cette propriété a pris une valeur parfois assez intéressante et j'en suis heureux pour eux. Mais d'autre part, la taxation foncière demande à ces personnes un effort fiscal supplémentaire. Or maintement, on les privera d'une partie de leur pension.

Je trouve que c'est aller chercher au mauvais endroit l'argent qu'on aurait pu aller chercher ailleurs, entre autres chez ces entreprises qui profitent d'un certain nombre d'abris fiscaux, particulièrement à l'étranger, ce que je trouve tout à fait indécent. J'aimerais que mon honorable collègue réagisse à mes propos.

Mme Torsney: Monsieur le Président, je pense qu'il est nécessaire que tous les niveaux de gouvernement travaillent ensemble pour tous les citoyens du Canada. Il faut examiner les niveaux de taxation des municipalités. . .

[Traduction]

. . .du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et veiller à ce que tous les habitants de nos circonscriptions ne soient pas frappés par deux fois par les impôts. Parfois, ces gens sont frappés trois fois et, en Ontario, à cause des administrations régionales, ils sont frappés quatre fois par les impôts.

(1720)

Je constate, avec plaisir, que le gouvernement a pu protéger le crédit d'impôt pour personnes âgées accordé à 75 p. 100 de personnes au pays. Beaucoup de personnes âgées de ma circonscription m'ont dit qu'elles craignaient de se retrouver au niveau suivant et de perdre ces exemptions. Cependant, beaucoup de personnes m'ont dit qu'elles voulaient participer à la reconstruction de notre économie et payer leur juste part. Bon nombre de gens reconnaissent que ce pays a fort à faire pour régler le problème du déficit.

Nous avons pris, je pense, des mesures positives pour protéger le crédit d'impôt pour personnes âgées de 75 p. 100 des personnes âgées de ce pays. Il y a beaucoup de travail à faire avec les autres paliers de gouvernement pour veiller à ce que nous ne causions pas de préjudice aux personnes âgées et autres dans notre pays. Ensemble, nous réussirons!

[Français]

M. Laurent Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Monsieur le Président, j'ai écouté avec attention les propos de notre sympathique collègue de droite et je voudrais lui faire quelques remarques.

Son discours m'a semblé sympathique et bien présenté, sauf que je ne retrouve pas dans le Budget qu'elle qualifie de budget du siècle ou de super budget, les fonds qui vont aider les mères de famille, particulièrement les chefs de familles monoparentales, au niveau des garderies. Lorsque le gouvernement d'en face était de ce côté-ci de la Chambre et qu'il formait l'opposition officielle, la vice-première ministre actuelle s'était battue, à l'époque, et je me souviens de ses propos, pour que le gouvernement d'alors investisse dans les garderies. Dans ce Budget, on n'y retrouve rien. Il n'y a rien non plus pour les logements sociaux. On sait qu'il y a énormément de besoins du côté des logements sociaux, mais on ne retrouve pratiquement rien à ce chapitre dans le présent Budget.


2067

À mon avis, on a tenté de régler le problème économique actuel en s'attaquant aux chômeurs plutôt qu'au chômage. Je trouve ça regrettable. On aurait probablement dû aller plutôt du côté des fiducies familiales, par exemple, dont on a beaucoup parlé.

Comme le temps presse, je laisserai ma collègue d'en face commenter mes propos.

[Traduction]

Mme Torsney: Monsieur le Président, je remercie le député de ses commentaires. Il est clair que la question des garderies a tenu une place importante dans la campagne électorale du gouvernement. Nous nous sommes engagés à accroître le nombre de places dans les garderies chaque année qui suivra une année de croissance économique de 3 p. 100.

Je suis heureuse de faire partie d'un gouvernement qui reconnaît que la question des garderies est en fait très importante pour l'égalité des femmes.

Nous avons également entrepris d'examiner la question de l'imposition et des crédits d'impôt pour enfants pour ceux et celles qui, dans nos collectivités, décident de rester au foyer pour s'occuper de leurs enfants. Il est important que nous mettions des choix à leur disposition. Il est important que nous prenions leur avenir à coeur.

J'estime que les enfants sont notre ressource la plus précieuse et que nous devons faire quelque chose pour qu'ils soient élevés dans un environnement sain et qu'ils ne manquent de rien. Les garderies, tout comme le choix de pouvoir faire garder ses enfants, sont deux choses très importantes pour de nombreux parents. Il faut donc travailler en ce sens.

Personnellement, j'ai l'intention de faire tout ce que je peux pour que nous remplissions ces engagements à chaque année de notre mandat.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Je tiens à remercier l'honorable député de Beauharnois-Salaberry de sa coopération, ainsi que la députée de Burlington de la brièveté de sa réponse. Nous reprenons le débat.

M. Nic Leblanc (Longueuil): Monsieur le Président, j'aimerais d'abord me servir du petit document Le budget en bref du ministre des Finances, dans lequel il dévoile trois grands objectifs: le premier doit apporter une aide aux petites entreprises; le deuxième traite d'un système de sécurité sociale responsable qui soit équitable; et le troisième objectif a pour but d'assainir les finances publiques.

J'exprimerai mon opinion sur le premier objectif qui vise à aider les petites et moyennes entreprises. Je me réfère à la page 5 où on retrouve le premier objectif, aider les petites entreprises. Il a d'abord augmenté, au mois de janvier, juste avant le Budget, les cotisations d'assurance-chômage pour obtenir des revenus d'environ 800 millions de dollars.

(1725)

Environ la moitié doit être payée par les petites et moyennes entreprises, et aussi, bien sûr, payée par les employés. Cela veut dire qu'il y a 800 millions de dollars qui seront perçus par le gouvernement, ce qui aura comme effet de diminuer encore le pouvoir d'achat des citoyens. Par le fait même, en diminuant leur pouvoir d'achat, les gens achètent moins, les entreprises produisent moins et on nuit à celles-ci. Je ne pense pas que ce soit une mesure pour aider la création d'emploi, tel qu'annoncé par le ministre à plusieurs reprises. C'est la première mesure qu'il semble prendre comme exemple pour aider l'entreprise.

Ensuite il dit qu'on va créer un réseau de centre unique de service aux entreprises qui sera étendu de manière à ce que les petites entreprises de toutes les provinces y aient accès. Il parle d'un centre unique du gouvernement fédéral. Il parle seulement de ce centre unique du gouvernement fédéral, alors que depuis déjà plusieurs années le gouvernement du Québec, les députés du Québec, les députés du Bloc québécois disent que pour diminuer la gestion du gouvernement, et cela de façon considérable, il faudrait plutôt avoir des guichets uniques entre le ministère du Développement économique du Québec et le ministère du Développement économique fédéral.

On le sait très bien, je l'ai dit souvent et je le répète encore aujourd'hui, la Commission Bélanger-Campeau a conclu que les dédoublements entre les provinces, particulièrement la province de Québec et le gouvernement fédéral, coûtaient environ deux à trois milliards de dollars par année.

C'est une somme très importante. En plus de coûter de deux à trois milliards de dollars par an, on sait que cela coûte énormément cher en inefficacité parce que les entreprises, particulièrement les petites et moyennes entreprises, ont beaucoup de difficulté à se retrouver dans tout cela.

Si le ministre des Finances avait été sérieux, il n'aurait pas parlé de centre unique, il aurait dû parler de guichet unique avec le Québec, ou les provinces, et le fédéral. C'est vraiment manquer d'idée et avoir les oreilles complètement bouchées, que de ne pas écouter les revendications du Québec.

Un autre des grands avantages qu'il nous mentionne pour augmenter la productivité et la création d'emploi dans nos PME, c'est qu'il décide de consulter et d'étudier.

Monsieur le Président, c'est ma dixième année à la Chambre des communes et il y a au moins dix ans qu'on consulte et qu'on étudie. Il me semblait que le Parti libéral avait un programme tellement clair, parce qu'on nous parle presque tous les jours, si ce n'est plusieurs fois par jour, de leur merveilleux livre rouge qui contenait toutes les solutions. Je me rends compte que le livre rouge n'était pas complet puisque, lorsqu'on parle de création d'emploi et d'aide aux PME, le gouvernement consulte et étudie, et il va étudier encore longtemps.

Si je regarde ici à la page 6, c'est écrit: «Un groupe de travail spécial recommandera, dans le meilleur délai, un régime réglementaire amélioré pour accroître la compétitivité des entreprises.»

Pourtant, il me semblait que le livre rouge était complet et que le gouvernement était prêt à agir après avoir obtenu le pouvoir.


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Actuellement, ils l'ont le pouvoir. Pourquoi étudier et consulter? Je vous cite toujours la page 6: «Le milieu des affaires sera consulté au sujet d'un large éventail de réductions tarifaires proposées sur les intrants. . .» Encore une fois, on étudie; et pourtant, des études ont déjà été faites là-dessus.

(1730)

Un peu plus loin, on y lit ceci: «Le ministre des Transports entreprendra, en consultation avec les gouvernements provinciaux. . .» Encore une fois, on étudie et on consulte. C'est ainsi que le ministre des Finances peut dire qu'il relance l'économie et qu'il va créer des emplois. Mais non, je pense qu'il n'est pas prêt à agir, donc il consulte. Il y a aussi le Comité permanent des finances de la Chambre qui doit présenter ses recommandations sur la taxe qui va remplacer la TPS. Encore une fois, on n'est pas encore prêts à agir pour créer des emplois et aider les petites et moyennes entreprises à créer des emplois.

Alors tout ce qu'il a fait concrètement, c'est abolir l'exonération des gains en capital de 100 000 $. Ce n'est pas mauvais, mais je suis convaincu que d'abolir l'exonération des gains en capital de 100 000 $, ce n'est pas la façon d'augmenter les emplois et aider les petites et moyennes entreprises à réussir.

Également, les déductions d'impôt au titre des frais de représentation ont été réduites. Beaucoup de petites entreprises, de travailleurs autonomes, de vendeurs avaient pourtant besoin de ces déductions d'impôt au titre des frais de représentation pour exercer correctement leur travail. On sait très bien et le ministre des Finances le sait aussi, j'en suis convaincu, que le jour où on a réduit les déductions d'impôt au titre des frais de représentation que plusieurs restaurants et hôtels se sont plaints et ont constaté qu'ils avaient perdu un nombre important d'emplois, parce que les gens fréquentent de moins en moins les restaurants et les hôtels. Le ministre des Finances est au courant de ces statistiques. Il dit qu'il veut créer des emplois, mais en agissant ainsi, il nuit justement à la création d'emplois en réduisant les crédits d'impôt au titre des frais de représentation pour les travailleurs autonomes et pour les vendeurs, ces personnes qui s'occupent de faire la promotion des produits et autres.

Le ministre des Finances croit-il réellement qu'en taxant davantage les entreprises, il va créer des emplois? Le gouvernement fédéral va augmenter de 1,7 milliard de dollars, dans les trois prochaines années, les taxes aux petites et moyennes entreprises. Il va aussi augmenter de 1,8 milliard celles des particuliers, ce qui veut dire 3,5 milliards en nouvelles taxes pour les entreprises et les particuliers dans les trois prochaines années. Est-ce que le ministre des Finances croit qu'en diminuant la capacité de consommer des entreprises et des particuliers, il va augmenter les emplois? Je pense que non.

Je vous soumets ici quelque chose qui est, à mon avis, assez dramatique. La Chambre de commerce du Canada a mené une enquête, une étude, auprès de ses membres. Cette question a été posée à 658 entreprises ou entrepreneurs: Est-ce que vous croyez que les politiques fiscales du gouvernement fédéral sont adéquates? Eh bien, 22 p. 100 de ces 658 entrepreneurs ont répondu qu'ils déménageraient en partie, qu'ils s'apprêtaient à le faire, qu'ils avaient déjà déménagé ou qu'ils quitteraient tout à fait dans les années qui viennent.

(1735)

Alors, il est dit clairement dans le quotidien La Presse du 15 février 1994, que les politiques fédérales incitent les entreprises à quitter le pays. Si le ministre des Finances prétend qu'avec ses politiques il va créer des emplois, il a plutôt, dans son dernier budget, encore augmenté le fardeau de la gestion et des impôts pour les entreprises. S'il pense que c'est la façon de créer des emplois, il aurait dû lire à ce moment le sondage de la Chambre de commerce du Canada. Il est malheureux, triste et dramatique de voir que 22 p. 100 de ces gens ont décidé partiellement ou totalement de quitter le Canada.

Alors, nous vivons un moment difficile. La dette est très élevée, mais il reste quand même que, à mon avis, le ministre des Finances n'a rien compris de ce qu'il faut faire pour créer des emplois ici dans ce pays.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de donner la parole au député de Crowfoot, je voudrais soumettre au consentement de la Chambre la proposition suivante.

J'ai en main une liste des orateurs qui doivent suivre. Il y en a quatre: deux de l'opposition et deux du gouvernement. Si la Chambre envisageait de dispenser chacun de ces quatre orateurs de la période de questions et d'observations de cinq minutes, cela nous mènerait à 18 h 15, heure à laquelle, sauf erreur, nous devons passer à une autre question.

Je n'oblige en rien la Chambre, je ne lui fais qu'une proposition. Je lui laisse le soin de décider, car je vois les quatre personnes qui désirent prendre la parole sur cet amendement aujourd'hui. J'attendrai les directives de la Chambre.

Peut-être le secrétaire d'État aux Affaires parlementaires voudra-t-il faire cette proposition ou devrais-je simplement demander le consentement unanime?

Des voix: D'accord.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, le premier budget du gouvernement nous était présenté comme celui qui devait redonner l'espoir à la population canadienne. Cet espoir, tant promis en campagne électorale, résidait principalement dans une lutte sans merci au chômage, une détermination à réduire le déficit, l'élimination des dépenses somptuaires et du gaspillage, et enfin le quasi-serment de ne pas toucher aux impôts des contribuables, incapables de fournir le moindre effort supplémentaire à ce niveau.

Mais qu'en est-il entre les beaux discours et la brutale réalité du Budget du 22 février dernier? D'abord, le message des contribuables n'a pas été entendu. On ira puiser 500 millions chez les retraités et 500 millions chez les salariés en imposant les primes d'assurance-vie. Pour le contrôle du déficit, on repassera. Ja-


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mais dans l'histoire du budget fédéral on a annoncé un déficit aussi élevé frôlant les 40 milliards de dollars.

À ce chapitre, le ministre confirme qu'il ne peut mieux faire que ses prédécesseurs, politique qu'il a pourtant jadis vertement décriée. Les dépenses de l'État sont à peine comprimées de 400 millions de dollars, alors que le vérificateur général nous propose 5 milliards de dollars de solutions utiles.

Quant au cancer du chômage, on applique la médecine du «visa le noir, tua le blanc», plutôt que de fournir des solutions efficaces pour endiguer le fléau du chômage. C'est aux chômeurs et aux chômeuses que l'on s'attaque. Est-ce là l'espoir qu'on avait promis de redonner aux Québécois et aux Canadiens? Je ne le crois pas. Je pense plutôt que ce budget passera à l'histoire des rêves brisés.

En ce qui concerne le Forum national sur la santé, le gouvernement a annoncé qu'un tel forum permettrait un examen en profondeur de notre système des soins de santé. Ce forum devra toutefois permettre un véritable dialogue pour identifier les obstacles auxquels les provinces sont confrontées, développer des solutions afin d'adapter des mesures répondant adéquatement au financement du système de santé, ainsi qu'aux prérogatives des provinces,

Ce forum national ne doit surtout pas servir de caution au gouvernement pour justifier toute amorce de changements unilatéraux dans les paiements de transfert au titre du financement des programmes établis, ce qui irait à l'encontre des intérêts des provinces.

(1740)

Lorsqu'on regarde de près le Budget du ministre des Finances, et que l'on évacue tous les précieux discours d'intention, on se rend vite à l'évidence que ce budget n'est qu'une copie des budgets conservateurs que le ministre lui-même a critiqué, ouvertement et avec force, lorsqu'il était dans l'opposition.

Le gouvernement actuel s'est fait élire sous la bannière du changement et du renouveau. Il semble, toutefois, qu'il ait inventé une autre définition de ce que peut être la notion de changement. À cet effet, le ministre des Finances perpétue la politique du gouvernement conservateur en gelant, jusqu'en 1994-95, la contribution fédérale par habitant.

Dans son discours du Budget, le ministre des Finances, en faisant référence à la mise en place d'un forum national sur la santé, nous indique, et je cite: «Pour établir les conditions nécessaires à ce dialogue, ce Budget n'apporte aucun changement aux paiements de transfert au titre de la santé. Notre engagement de maintenir les principes de la Loi canadienne sur la santé demeure ferme». Mais la réalité n'en est pas moins brutale pour le Québec et les provinces.

Le ministre n'apporte aucun changement bien sûr. Il maintient en force les coupures des conservateurs en consacrant, pour 1995-96, l'indexation du financement des programmes établis au taux de croissance du PNB moins 3 p. 100. Encore une fois, de façon unilatérale, le gouvernement fédéral refuse d'honorer sa signature et effectue un transfert de ses problèmes de caisse vers les provinces. Une question se pose donc. Est-ce avec ces mêmes bonnes intentions, avec cette même propension à décider et à décréter unilatéralement que le gouvernement entend animer le forum national sur la santé?

Le Bloc québécois a affirmé, à maintes reprises, que le gel des paiements de transfert aura des conséquences importantes sur le fardeau fiscal des provinces. En perpétuant cette politique mise de l'avant par les conservateurs, le ministre des Finances entraîne les provinces dans un guêpier où elles auront à faire face, seules, à l'augmentation croissante des coûts de santé.

La vice-première ministre critiquait également le gel des paiements de transfert lorsqu'elle était dans l'opposition. Elle affirmait que: «Le financement du fédéral glisse sur une pente savonneuse qui est en train de provoquer une crise dans le secteur des soins de santé au Canada.» Pourquoi le ministre des Finances n'a-t-il pas pris en considération cette remarque empreinte d'une certaine sagesse? Le gouvernement continue à pelleter une partie de son déficit dans la cour du voisin et pense s'en tirer à bon compte plutôt que de s'attaquer aux véritables racines du mal et de jeter du lest dans son entêtement à maintenir les chevauchements et les doubles juridictions.

Il y a deux ans, jour pour jour, le 9 mars 1992, à l'intérieur d'un discours bien senti, dans le cadre du débat du projet de loi C-60, Mme Diane Marleau, l'honorable ministre de la Santé, dénonçait, à l'époque, les effets pervers des compressions et des gels que perpétuait le gouvernement conservateur dans les transferts aux provinces pour les programmes de santé. Elle constatait alors, et je cite: «La réduction des transferts dans ce domaine n'a pas contribué à une meilleure gestion de notre système de santé.» Mme la ministre, fort à propos, posait également le constat suivant: «Nous avons littéralement refilé le fardeau de notre déficit aux provinces, leur disant qu'elles avaient le choix entre augmenter les impôts ou réduire leurs services. Dans bien des cas, elles ont fait les deux.»

Ce discours rempli de bons arguments, il ne date pas de 20 ans ni de 10 ans, il date du 9 mars 1992, donc il y a deux ans, jour pour jour. Que s'est-il passé durant ces deux années pour que ces justes perceptions aient si dramatiquement été perverties? Il y a bien eu des élections. Et celles et ceux qui dénonçaient, avec raison, les coupes sombres, et toujours bien camouflées, dans les transferts aux FPE sont maintenant au pouvoir et prennent les décisions.

Je comprends, maintenant, pourquoi le discours du Budget ne comprenait que cinq lignes sur la santé. C'est parce qu'on camouflait dans la honte les mêmes politiques restrictives des conservateurs, balayant sous le tapis nos bons principes et contredisant ainsi les fondements mêmes du discours électoral, celui du fameux livre rouge, avec lequel ce gouvernement s'est fait élire.

(1745)

La supercherie a un prix à payer: il s'agit de la méfiance et la perte de confiance de nos concitoyennes et de nos concitoyens à l'égard des institutions politiques et de celles et ceux qui gouvernent. Et pour bien illustrer cette méfiance, permettez-moi de citer une dernière fois l'honorable ministre de la Santé dans son discours du 9 mars 1992: «La réduction des transferts dans ce domaine, la santé, n'a pas contribué à une meilleure gestion de notre système de santé; elle n'a contribué qu'aux compressions et au développement du sentiment de crainte qui se répand


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maintenant chez les gens à revenu moyen de tout le pays, qui représentent la plus grande tranche de population. Ils vivent dans la peur de ce qu'il leur arrivera dans l'avenir. Existera-t-il un système de santé pour eux? Pourront-ils obtenir les médicaments dont ils auront besoin à des prix abordables lorsque viendra le moment opportun, c'est-à-dire lorsqu'ils atteindront un certain âge? Ils ont l'impression que le gouvernement fédéral se dérobe peut-être devant ses responsabilités en ce domaine», fin de cette citation, tout aussi révélatrice qu'actuelle.

Ainsi, le sous-financement fédéral des programmes de transfert aux provinces en matière de santé génère des conséquences graves, en bout de piste, pour les usagers, ce qu'a carrément oublié le concepteur du Budget du 22 février dernier.

Je rappelle à cette Chambre, par exemple, le cas de l'Hôpital Sainte-Croix, dans mon comté, qui souffre d'une sous-budgétisation annuelle de l'ordre de 10 millions de dollars. Or, il s'amorce dans notre collectivité un vaste mouvement de soutien à la survie de cet hôpital qui dessert une population de 90 000 personnes. Ce n'est pas dans un pays en développement que l'on parle de sauver un hôpital, c'est au Québec, à l'intérieur d'un système de santé canadien que l'on se plaît à décrire comme l'un des meilleurs au monde. Oui, la supercherie a un prix à payer: la méfiance de nos concitoyennes et concitoyens lorsqu'ils n'obtiennent plus les services qu'on leur avait promis et qu'en plus une loi leur confère.

Le Budget annonce la création d'un centre d'excellence sur la santé des femmes. Qu'en est-il de ce centre et quelles sommes y seront consacrées, alors que le Conseil de recherches médicales voit son budget amputé de 10,8 millions de dollars, diminution puisée justement dans le programme des réseaux de centres d'excellence. Quant aux engagements pris pour un programme de nutrition prénatale, s'agit-il d'argent neuf ou de sommes provenant de la liquidation de programmes secondaires-31,2 millions de dollars-ou de programmes d'aide de caractère exceptionnel-30,2 millions. Les chiffres sont trompeurs et laissent croire qu'on a éliminé des programmes pour faire place à ceux promis par le gouvernement en campagne électorale.

Les coupures draconiennes effectuées dans le régime d'assurance-chômage entraîneront nécessairement une détérioration des conditions socio-économiques d'existence de ces bénéficiaires et, par le fait même, une dégradation de leur état de santé.

Ce que je déplore vivement, c'est que cette politique et ces réductions touchent principalement les plus démunis de cette société. Comment une personne gagnant 25 000 $ par année avec deux enfants à sa charge pourra-t-elle subvenir aux besoins de subsistance de la famille lorsque le gouvernement ne lui accorde que 55 p. 100 des sommes assurables? Quelles sont donc les conséquences de cette mesure sur la santé des plus démunis? Le gouvernement a-t-il évalué les enjeux et les coûts de ces conséquences qui auront des répercussions sur les budgets de santé pour les provinces?

À la suite de cette réduction, ces personnes auront de la difficulté à se nourrir, se chauffer, à se loger et à se vêtir convenablement. Cette situation entraînera une dégradation de leur état de santé et une demande croissante en soins de santé. Si le gouvernement pense réduire ses dépenses en hypothéquant l'existence des plus démunis, il se trompe.

[Traduction]

M. Dan McTeague (Ontario): Monsieur le Président, j'ai l'honneur aujourd'hui, non seulement de vous féliciter de votre nomination, mais aussi de féliciter le ministre des Finances d'avoir présenté un des budgets peut-être les plus équilibrés et les plus raisonnables jamais présentés dans cette enceinte depuis longtemps. En tant que représentant nouvellement élu de la circonscription d'Ontario, c'est la première occasion que j'ai de m'adresser à la Chambre.

C'est un privilège que de pouvoir s'adresser à la Chambre à titre de député d'Ontario. J'ai été précédé par des personnalités importantes. Je pense naturellement à l'honorable Norman Cafik, à l'honorable Michael Starr et, plus récemment, à René Soetens qui a représenté la circonscription de 1988 à 1992.

(1750)

Je prends mes responsabilités de député très au sérieux. Mes électeurs m'ont confié le mandat de défendre leurs intérêts. C'est une tâche que j'ai l'intention d'accomplir avec humilité, diligence, intégrité et honnêteté. Je voudrais parler un peu de ma circonscription avant de passer aux principaux points du budget tels que je les perçois et à certains aspects qu'il me paraît utile de poursuivre et d'appuyer.

La circonscription d'Ontario est l'une des plus peuplées du pays. Elle comprend les villes en expansion d'Ajax, Pickering et Whitby. Elle comprend également une vaste zone «rurbaine» que mes prédécesseurs ont appelée les terres de l'aéroport de Pickering et les terres de Seaton. C'est une circonscription dont la population croît rapidement et qui, à bien des égards, est un microcosme de ce que deviendra le Canada. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles elle a élu un des plus jeunes candidats, maintenant un des plus jeunes députés de la majorité. C'est un honneur que de servir à ce titre, mais pour comprendre un peu mieux ce budget, je devais commencer par analyser ma circonscription.

Ce budget est le point de départ d'un processus qui devrait remettre le Canada au travail et qui devrait faire passer notre économie de la stagnation à la croissance. Au cours des dernières années, nous avons vu le gouvernement précédent adopter une politique néo-conservatrice. Je crois que cette politique a grandement gêné notre compréhension et notre évaluation de l'économie qui, au Canada comme dans le reste du monde, a connu des changements profonds.

C'est parce que nous avons compris ces changements que nous avons pu, en tant que gouvernement, concevoir une nouvelle façon d'envisager l'économie, instaurer une nouvelle économie, fondée sur des idées, sur des innovations et sur la reconnaissance du rôle très important que nous assumons dans l'établissement et le maintien d'une économie durable et bien dirigée.


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On pourrait dire que le Canada doit maintenant planifier son avenir. On pourrait dire qu'il doit décider de l'orientation qu'il doit prendre. Je reprends les paroles qu'un célèbre penseur avait prononcées il y a bien des années: «Quand on ne sait pas où l'on veut aller, il y a de fortes possibilités qu'on se retrouve ailleurs.» Selon moi, c'est justement là où se trouvait le Canada jusqu'en 1993, et même jusqu'au dernier budget.

Jusqu'ici, l'économie reflétait le point de vue que les déficits sont moins importants que la croissance ou les emplois. Je regarde les choses d'une point de vue différent. Compte tenu de ce qu'a connu notre économie et notre pays au cours des derniers mois, des nombreux Canadiens qui ont perdu leur emploi, des entreprises qui sont devenues clandestines et des sociétés qui ont simplement mis fin à leurs activités, je dis qu'on ne peut plus tolérer la situation, dans ce grand pays qui est le nôtre. Notre gouvernement a conçu un programme qui doit favoriser le renouveau, tant pour l'ensemble du Canada que pour chacun de ses habitants.

Les gens ne veulent pas vivre d'assurance-chômage ou d'aide sociale, au Canada. Les Canadiens veulent travailler. Ils veulent gagner leur vie et mériter le respect que confère un emploi à la hauteur de leurs possibilités. Nous voulons parler des expériences personnelles des Canadiens dans le monde des affaires, des moyens à prendre pour diriger une entreprise et la tenir à flot en période de difficulté.

C'est là un besoin auquel le budget a répondu en reconnaissant l'importance de la petite entreprise. Ma circonscription se distingue peut-être un peu des autres du fait qu'elle regroupe un nombre plus élevé de travailleurs du secteur privé oeuvrant dans des petites entreprises de moins de 15 employés. Il est important que le gouvernement apprécie son rôle à sa juste valeur, du moins sur le plan de l'accès au capital. C'est l'une des raisons pour lesquelles je félicite le ministre des Finances de sa ténacité à l'égard du code de conduite dicté par ce budget.

(1755)

Sans un tel code de conduite, non seulement les banques pourraient décider du choix des priorités en matière de prêts, mais aussi les petites entreprises, qui créent la richesse au sein de cette économie, pourraient tout simplement décider de partir ou de passer à l'exploitation au noir.

Afin de régler la question de l'économie parallèle, on a aussi inclus dans ce budget un volet concernant la TPS. Le Comité des finances a reçu le mandat de modifier, de changer ce qui est perçu comme la taxe la plus détestée des temps modernes de notre histoire. Nous croyons qu'une modification de la TPS contribuerait à renouveler l'économie. Elle pourrait faciliter la relance des entreprises.

Le Parlement est tenu envers la population du Canada de présenter des politiques fiscales logiques et de restaurer la foi dans nos institutions politiques. C'est notre devoir de réformer le Parlement et d'abolir les avantages et les privilèges auxquels les Canadiens ordinaires n'ont pas accès. Nous devons donner l'exemple. Ce Parlement ne peut demander aux Canadiens de faire d'énormes sacrifices s'il ne sait pas pratiquer ce qu'il prêche.

C'est pourquoi, en ma qualité de l'un des plus jeunes députés de ce Parlement, j'appuierais certainement toute mesure visant à corriger un déséquilibre qui est parfaitement perçu par les Canadiens, soit l'écart énorme et ridicule qui existe entre le monde réel et ce qui se passe ici à la Chambre des communes.

La taille de la circonscription d'Ontario, qui compte quelque 200 000 habitants, est l'un des aspects les plus intimidants de mon travail en tant que député et ce n'est pas quelque chose que je prends à la légère. Chaque député reçoit chaque jour des lettres de nombreux électeurs sur des sujets très variés, et je m'efforce évidemment de répondre à celles que je reçois.

Pendant la période qui a précédé la présentation du budget, les électeurs de ma circonscription m'ont soumis deux ou trois revendications dont ils voulaient que le ministre des Finances tienne compte. En premier lieu, ils demandaient que les prestations des régimes de soins dentaires et d'assurance-maladie ne soient pas imposables. Le gouvernement a su écouter et il a fait droit à cette demande.

Deuxièmement, les électeurs souhaitaient que le gouvernement stimule le secteur du logement en autorisant l'utilisation du régime d'épargne-retraite pour l'achat d'une maison. Je ferai remarquer que cette politique, appliquée provisoirement par l'ancien gouvernement, avait en fait été subtilisée à la politique énoncée par le Parti libéral en 1988-89. Il s'agit d'une bonne politique et je suis heureux que le gouvernement l'ait adoptée à titre temporaire, mais je suis encore plus fier de voir que le Parti libéral ait décidé de lui donner un caractère permanent, ayant reconnu que l'industrie de la construction n'est pas qu'un simple rouage de la grosse machine économique, mais l'une de ses composantes fondamentales.

Le processus budgétaire est une fonction continue qu'il convient d'examiner, puis de soumettre aux Canadiens après quelques mois, afin de permettre à ceux-ci, notamment aux habitants de ma circonscription, de discuter de ses nombreux volets.

Cet exercice donne aux électeurs de ma circonscription, avec qui j'ai eu l'occasion de discuter du budget la semaine dernière, l'occasion d'intervenir plus activement dans le processus décisionnel général, non seulement auprès de leur député mais par rapport au processus budgétaire comme tel. Il faut reconnaître au gouvernement tout le mérite qui lui revient pour avoir donné au public la chance de participer au processus d'examen au Parlement.

Ma circonscription bénéficie, comme le reste du Canada, du programme d'infrastructure, puisqu'elle recevra 47 millions de dollars. Ce montant permettra d'employer plus de 1 000 personnes qui, autrement, n'auraient peut-être pas eu la possibilité de travailler. D'un autre point de vue, on peut dire que les 1 000 emplois investis dans l'infrastructure, c'est-à-dire les travaux d'amélioration des égouts et des aqueducs, aideront l'économie.

Je suis heureux d'appuyer le budget et je remercie les habitants de la circonscription d'Ontario de l'appui qu'ils m'ont accordé.

(1800)

M. Charles Hubbard (Miramichi): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer à ce débat sur le budget et d'exprimer les préoccupations des gens de ma circons-


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cription de Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Le fait d'intervenir dans cette enceinte au nom de tous mes électeurs est un honneur, un privilège et une responsabilité incroyables à l'égard de ceux qui, en octobre dernier, m'ont choisi pour les représenter.

Pendant 15 ans, Maurice Dionne a été le député de cette circonscription. Je continue de lui demander conseil. Les habitants de l'endroit ont une dette envers lui étant donné les énormes efforts qu'il a déployés pour défendre leurs intérêts. Le week-end dernier, j'y étais lorsque les membres des clubs Rotary de Newcastle et de Chatham ont présenté à Maurice le prix Paul Harris, la plus haute récompense décernée par cet organisme.

Le mot «Miramichi» désigne un point géographique, aussi bien qu'une liberté d'esprit qu'on retrouve, en fait, sur tout le continent. C'est une région rurale qui dépend de ses ressources naturelles.

Dès le début, les gens de l'endroit ont dû aller chercher un emploi ailleurs. Pendant des générations, les jeunes sont partis pour l'Ouest ou le Sud. Ainsi, au cours des générations passées, l'esprit de la Miramichi s'est répandu dans la plupart des provinces canadiennes et dans de nombreux États américains.

En fait, la Miramichi est une rivière qui prend sa source dans les hautes terres du centre du Nouveau-Brunswick et qui coule vers l'est, jusque dans la baie Miramichi qui fait face à l'Île-du-Prince-Édouard. Les habitants de la région vivent pour la plupart dans les vallées de la rivière ou de l'un de ses affluents, qu'ils peuvent voir de leur maison. Il s'agit des rivières Tabusintac, Bartibog, Black, Napan, North West, Little South West, Barnaby, Renous, Cains, et j'en passe.

Newcastle et Chatham sont deux petites villes. Ce sont les centres d'affaires de notre collectivité et nous avons en outre sept villages constitués en corporations. Nous sommes également fiers de compter dans la région trois collectivités autochtones, Burnt Church, Eel Ground et Red Bank.

Les emplois sont surtout concentrés dans les secteurs de l'exploitation forestière, de la pêche, des mines et de l'agriculture, et jusqu'à la semaine dernière, la BFC Chatham était l'un de nos principaux employeurs.

La circonscription de Miramichi a traditionnellement été libérale. Depuis la Seconde Guerre mondiale, elle a toujours élu un député libéral, sauf une fois. Dans la région, on croit fermement aux principes du libéralisme et on est persuadé que ce sont ceux qui appuient la politique libérale qui peuvent le mieux assurer le bien-être des gens de notre coin du pays.

Le gouvernement représente le peuple. Un budget est un plan établi par le gouvernement pour percevoir des recettes et exercer un contrôle sur ses dépenses. Il devrait être le plus avantageux et le moins douloureux possible pour les nombreux groupes et particuliers qui composent notre nation. C'est un plan de partage. Un plan qui doit être équitable. Un plan qui doit établir un équilibre entre les ressources disponibles et les besoins des citoyens. Par-dessus tout, c'est un plan qui doit inspirer la confiance de nos propres institutions financières et de la communauté monétaire internationale en notre système économique. J'estime que notre ministre des finances est parvenu à équilibrer ces forces. Ce budget est un bon début pour notre nouveau gouvernement.

J'aimerais faire remarquer que nous ne devons pas perdre de vue l'élément le plus important pour redresser la situation économique de notre pays, à savoir restaurer la confiance des Canadiens de façon à ce qu'ils dépensent leur argent, investissent dans leur pays, et envisagent leur avenir économique avec sérénité.

Pour que les entreprises vendent leurs produits, il faut qu'il y ait une demande. Cette demande ne peut venir que des consommateurs qui ont de l'argent et qui veulent se procurer les biens et services offerts par les entreprises.

Notre gouvernement doit créer un climat qui ne laisse pas place au désespoir. Un climat d'où sont bannis les prophètes de malheur et dans lequel les Canadiens ont confiance en leur gouvernement parce qu'il sait où il va et surtout parce qu'il est déterminé à dépenser ses ressources prudemment et dans l'intérêt de tous les citoyens.

Ce budget demande à chaque Canadien de faire des sacrifices pour le bien de la nation. Les régions de l'Atlantique devront faire des sacrifices encore plus grands que tout le reste du Canada.

Les modifications au programme de l'assurance-chômage vont entraîner la perte de millions de dollars en prestations pour les gens de notre région. Ceux qui travaillent dans les secteurs de la pêche, du tourisme et de l'exploitation forestière auront du mal à travailler un nombre de semaines suffisant pour être admissibles à l'assurance-chômage. Ceux qui y auront droit pourront en bénéficier pendant une brève période. En définitive, les nombreuses personnes qui comptaient sur cette forme de soutien financier manqueront d'argent pour subvenir aux besoins de leur famille. L'économie du Nouveau-Brunswick perdra un financement de quelque 200 millions de dollars et toutes les entreprises du Canada atlantique en souffriront.

(1805)

Il faudra donc tenir compte de ce problème en examinant tous les programmes sociaux du ministère du Développement des ressources humaines. Il serait bon de définir la situation de l'emploi à l'approche du XXIe siècle.

Il y a plus de 150 ans, en Grande-Bretagne, la législation ouvrière de ce pays était dure et les conditions de travail exigeaient d'énormes sacrifices de la part des hommes, des femmes et des enfants. Aujourd'hui, même si les semaines de travail sont de 40 heures, il faut deux salariés pour satisfaire aux besoins d'un ménage au Canada. Dans bien des cas, les adolescents disposent de peu de temps pour jouir de leur jeunesse, parce qu'ils travaillent à temps partiel tout en essayant de terminer leurs études.

Nos descendants considéreront-ils que les gens de notre génération devaient consacrer le plus clair de leur énergie et de leur temps pour subvenir aux besoins de leur famille? Ne pourrions-nous pas établir un équilibre en réduisant les heures de travail et en prévoyant plus de temps pour les loisirs, la détente et le jeu?


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La circonscription de Miramichi doit consentir un autre grand sacrifice par suite de ce budget, qui prévoit la fermeture de la BFC Chatham. La disparition de cette base aérienne qui fait partie de notre collectivité depuis plus de 50 ans entraînera la suppression de 240 emplois pour des civils et de près de 700 pour des militaires, ainsi que la perte de 50 millions de dollars pour l'économie locale.

Nous reconnaissons tous que le ministère de la Défense nationale subit des compressions et que ces compressions doivent être le plus efficientes possible. Malheureusement pour la circonscription de Miramichi, cette réduction arrive au moment où notre industrie des pâtes et papiers traverse une récession et où nos mines de Heath Steele sont fermées à cause du bas prix des métaux usuels.

L'année 1994 marque donc un virage pour notre région. Notre population est prête à relever le défi qui consiste à créer une nouvelle économie, mais il lui faudra la pleine collaboration des gouvernements fédéral et provincial.

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, l'honorable Frank McKenna, s'efforce de rebâtir la région de la Miramichi. En tant que membre du gouvernement, moi aussi, je vais consacrer toute mon énergie afin d'aménager un nouvel avenir pour notre population.

Le Canada doit être représenté d'un océan à l'autre. Je crois fermement que notre gouvernement doit viser la décentralisation de sorte qu'il y ait des ministères et des organismes partout au pays. Pour que le Canada survive, il faut que tous les Canadiens soient de la partie.

Le Canada et le gouvernement fédéral ne doivent pas être représentés comme une lourde bureaucratie située à Ottawa et dans quelques grandes villes. Ils doivent réussir à atteindre toute la population, les Canadiens de toutes les régions du pays. Tous nos concitoyens doivent profiter de leur contribution.

La ville de Chatham, au Nouveau-Brunswick, a joué, grâce à son collège communautaire, un rôle de premier plan dans l'élaboration de l'autoroute électronique en participant à des programmes d'éducation à distance et d'apprentissage multimédia. À notre époque où prédominent les communications électroniques, n'importe quel ministère, provincial ou fédéral, pourrait facilement fonctionner à partir de ma circonscription.

Ces dernières années, les gouvernements fédéral et provinciaux ont subi de lourdes pertes à cause de l'économie souterraine. J'ai l'impression que de nombreux Canadiens contribuent à l'économie parallèle, parce qu'ils sont convaincus que nos gouvernements ont commis deux délits très graves. Nos gouvernements les auraient, à leur avis, frappés d'un impôt excessif et utilisé de façon imprudente et peu judicieuse l'argent qu'ils avaient durement gagné.

En cette 35e législature, nous, les représentants élus, avons l'occasion de corriger la situation. Chacun d'entre nous doit travailler en collaboration avec ses électeurs et les fonctionnaires pour veiller à ce que les deniers publics ne soient pas gaspillés et à ce que les contribuables canadiens en aient pour leur argent.

Il faut éliminer le gaspillage, accroître l'efficacité, mais avant tout, respecter les principes d'équité et de justice. Nous devons tous comprendre que l'évasion fiscale et la mauvaise utilisation des fonds nuisent à la collectivité, car les gens honnêtes qui appuient le gouvernement ont alors un fardeau plus lourd à porter.

Les fonctionnaires ne doivent pas considérer les budgets qui leur sont accordés comme un montant à dépenser absolument, mais plutôt comme une limite à ne pas dépasser ou, mieux encore, une source à ne pas épuiser. Ceux qui croient qu'ils doivent dépenser tout leur budget avant le 31 mars de chaque année ne devraient pas occuper un poste de responsabilité.

En octobre dernier, les Canadiens nous ont fait savoir qu'ils voulaient un nouveau système et qu'ils en avaient assez des méthodes, des attitudes et du comportement du gouvernement précédent.

(1810)

Ce budget marque le début d'une ère nouvelle. Les élus des deux côtés de la Chambre ont l'occasion de créer un nouveau type de gouvernement et un nouveau climat. Espérons que nous saurons travailler ensemble pour améliorer notre pays et l'avenir de tous nos concitoyens. Il ne faut pas perdre de vue nos objectifs, sinon la bureaucratie qui nous entoure pourrait entraver nos progrès.

Le défi est énorme, mais ensemble nous pouvons le relever.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin): C'est avec beaucoup de plaisir que, à l'instar de mes collègues réformistes, je participe au présent débat en tant que représentant de Cariboo-Chilcotin.

La circonscription de Cariboo-Chilcotin est située au sud de la Colombie-Britannique à proximité du haut plateau de l'intérieur. Elle s'étend sur 103 000 kilomètres carrés environ, de la crête de la chaîne de montagnes côtières au parc Wells Gray.

Elle a longtemps eu la réputation d'être l'une des dernières régions pionnières. On se rappelle encore que ce que les derniers arrivants appellent aujourd'hui l'autoroute 97 est en fait l'ancienne route d'accès à la région de Cariboo. Cette route a été la première à être tracée par le Corps royal du génie, au siècle dernier, pour permettre aux mineurs de mener leurs chariots jusqu'aux gisements aurifères et aux colons d'ouvrir le pays à ceux qui allaient suivre et qui y vivent aujourd'hui.

Cariboo-Chilcotin est aussi le pays des Indiens Chilcotin, Carrier et Shuswap, qui font partie intégrante de la pluralité culturelle actuelle de la circonscription.

Chaque année, toutes les localités de la circonscription célèbrent leur patrimoine. La ville de Quesnel a ses Jours Billy Barker et Williams Lake, son stampede. Lillooet a son festival bien à elle et Barkerville a repris son visage de l'époque de la ruée vers l'or. Je pourrais en citer d'autres, mais qu'il suffise de dire que toute la circonscription se souvient de ses pionniers et célèbre le mode de vie qu'ils nous ont laissé.

Aujourd'hui, le secteur forestier est à l'avant-garde de l'économie. Mais l'esprit d'indépendance, la débrouillardise et la franchise truculente caractérisent encore les gens de Cariboo-Chilcotin, et souhaitons qu'il en soit toujours ainsi.


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C'est avec beaucoup de satisfaction que je songe à tous ces gens qui sont venus à Cariboo-Chilcotin, n'ayant pour tout bagage que le désir de trouver un emploi et de prospérer, ce qu'ils ont réussi à faire grâce à leur ingéniosité, leur détermination, leur perspicacité et leur labeur. Ils étaient trop indépendants et trop fiers pour réclamer un traitement de faveur ou une considération spéciale.

Ce que ces pionniers voulaient vraiment, c'était la possibilité de prouver qu'ils pouvaient subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Donc, beaucoup de gens sont arrivés les mains vides, mais ont trouvé le genre de vie qu'ils recherchaient.

C'est cela Cariboo, c'est cela Chilcotin, c'est ma région.

Mais le lourd fardeau fiscal et le gouvernement aux gros sabots ne facilitent pas les choses pour des gens dont le mode de vie repose sur l'indépendance et l'autonomie. D'ailleurs, les taxes élevées donnent un sens nouveau à ces mots. Les gens doués d'imagination trouvent des moyens pour contourner les obstacles que les politiciens et les bureaucrates dressent devant eux. Si cela est vrai dans les villes étouffantes, imaginez un peu ce que peut produire l'imagination dans l'air pur de Cariboo.

Par exemple, il y a environ deux semaines, je m'entretenais avec un homme qui investit de l'argent au nom d'autres personnes. Dans une petite localité de 10 000 habitants, il a reçu, en janvier seulement, plus d'un million de dollars d'argent frais à convertir en devises et à investir à l'étranger. Il ajoutait qu'il avait reçu encore davantage en février. Il me parlait pourtant d'une petite localité.

Les gens font preuve d'imagination. Si le gouvernement est déterminé à détruire l'économie canadienne, les gens qui comprennent ce qui se passe feront marcher leur imagination pour trouver des moyens de se protéger.

En 1993, les Canadiens ont acheté pour 12,8 milliards de dollars d'actions et d'obligations étrangères, un record. Un nombre croissant de Canadiens sortent leurs actifs du Canada. L'an dernier, les Canadiens ont acheté davantage de participations à des fonds mutuels étrangers que de fonds d'actions canadiens.

Cette saignée d'argent canadien constitue un grave problème et il s'explique par la peur qu'ont les citoyens de voir notre économie prendre la même tangente que l'économie de la Nouvelle-Zélande. Nous voyons maintenant au Canada les signes qui se sont manifestés en Nouvelle-Zélande il y a dix ans. Nous pourrions subir bientôt les mêmes conséquences. Il y a dix ans, la dette extérieure de la Nouvelle-Zélande représentait 44 p. 100 de son PIB, et son déficit annuel équivalait à 9 p. 100 de son PIB. Soudainement, très soudainement, les marchés étrangers ne voulaient plus acheter des obligations de la Nouvelle-Zélande.

Cette pénurie de recettes a forcé ce pays à dévaluer de 20 p. 100 sa monnaie et à faire d'importantes réductions dans les pensions, l'aide sociale et l'assurance-maladie. Il n'était pas rare d'entendre parler de salaires qui avaient été coupés de moitié ou de personnes dont la valeur nette avait diminué de 80 p. 100.

Les gens qui sortent leur argent du Canada ont peur que la même chose se produise ici bientôt. La mauvaise gestion de notre dette par le gouvernement est la principale cause du taux élevé de conversion de notre monnaie observé actuellement. Les Canadiens craignent des pertes aussi élevées que celles subies en Suède et en Nouvelle-Zélande lorsque les déficits ont atteint des niveaux critiques dans ces pays. Ces sorties de dollars canadiens nuisent à l'expansion économique dont nous avons besoin pour prospérer.

Nous devons prendre des mesures concrètes afin de contenir le déficit et d'assurer au monde des affaires que le Canada est un endroit sûr pour investir.

Les habitants de Cariboo-Chilcotin, comme les Canadiens de toutes les autres régions du pays, font preuve de beaucoup d'ingéniosité et de créativité dans le développement de l'économie parallèle. Ce qu'il y a de plus triste dans tout ce phénomène qui prend sans cesse de l'ampleur, c'est que bien des gens ne voient pas cela comme quelque chose d'immoral, même si c'est illégal. Certains considèrent même cette forme d'évitement fiscal comme étant une affirmation politique et un moyen d'assurer leur survie économique. L'économie parallèle supprime tout effet que la croissance économique aurait normalement sur les recettes fédérales.

Durant les années 1980, une progression de 1 p. 100 du PIB entraînait une augmentation de 1,2 p. 100 des recettes fiscales, comparativement à seulement 0,4 p. 100 aujourd'hui. Ce budget est un autre exemple d'un gouvernement qui compte sur l'optimisme pour résoudre ses problèmes économiques.

Nous avons vu dans le passé un gouvernement qui a fait l'erreur de se fier sur la croissance économique pour accroître ses recettes. Ce budget nous montre que le gouvernement actuel n'a pas tiré sa leçon des erreurs commises auparavant. Avec une dette de 0,5 billion de dollars, le Canada ne peut plus compter sur l'optimisme.

Selon la firme Ernst & Young, l'économie parallèle représente actuellement 15 p. 100 du PIB ou 100 millions de dollars par année. Si ces revenus pouvaient être taxés, cela augmenterait les recettes fiscales de 40 milliards de dollars, ce qui serait à peu près suffisant pour éliminer le déficit.

Michael Manford, économiste en chef à la société Scotia McLeod Inc., estime que ces chiffres sont encore plus élevés. Selon lui, le taux de croissance annuelle de l'économie parallèle est de 10 à 12 p. 100.

Les Canadiens se sont dits déçus des réductions limitées prévues dans ce budget. Le livre rouge faisait partie d'une campagne axée sur un déficit beaucoup plus bas, soit 35 milliards de dollars. Ils exigent un budget équilibré, et la seule façon d'y parvenir consiste à réduire les dépenses publiques au lieu de les augmenter ou de lancer de nouveaux programmes. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de plus de bon sens dans la façon dont il dépense l'argent des contribuables.

La circonscription de Cariboo-Chilcotin est surtout peuplée par des gens qui ont quitté leur pays ou leur région d'origine, ou dont les ancêtres l'ont fait, pour venir y tenter leur chance, mener une vie indépendante et prospérer. Comme ceux qui immigrent aujourd'hui au Canada, les ancêtres de beaucoup d'entre nous sont venus ici pour fuir des gouvernements autoritaires et interventionnistes, dont les dirigeants exploitaient la population au lieu de la servir.


2075

C'est avec beaucoup de fierté que je parle des habitants de Cariboo-Chilcotin, mais ils forment simplement un microcosme de notre grand pays. Depuis que je suis à Ottawa, j'entends les gens dans les magasins et dans les rues dire la même chose que ce qu'on dit dans ma région. Partout où je vais, j'entends le même message: «Réduisez les taxes et les impôts, car ils sont en train de tuer notre économie.»

Je tiens cependant à profiter de l'occasion pour féliciter le ministre des Finances d'avoir pris certaines des mesures contenues dans le budget. À en juger par les dispositions qu'il a prises en faveur des petites entreprises, par exemple, on peut dire qu'il a certainement entendu certaines de leurs doléances. La façon la plus rapide de susciter une véritable activité économique consiste en effet à réduire les taxes et les impôts et à motiver les Canadiens à travailler. C'est ce qu'on a fait en diminuant les cotisations d'assurance-chômage. Il est encore nécessaire de cibler d'autres problèmes fiscaux des petites entreprises et de tâcher d'y remédier.

Je félicite également le gouvernement du bon sens dont il a fait preuve en rendant permanent le programme d'accession à la propriété. Depuis mon élection, j'ai reçu de mes électeurs plus de courrier à ce sujet qu'à propos de n'importe quel autre sujet. L'accession à la propriété vient en tête de la liste des priorités de la plupart des gens, et cette mesure du gouvernement va certainement aider.

Pour en revenir à la fiscalité, le moyen le plus efficace de neutraliser l'économie souterraine serait d'offrir à tous les Canadiens une véritable diminution des taxes et des impôts en s'engageant par voie législative à accorder d'autres diminutions en fonction du recul de l'économie souterraine et de l'augmentation des recettes fiscales. Tant que l'économie souterraine continuera de croître, notre déficit continuera d'en faire autant.

Nous avons effectivement besoin de certains services. Les Canadiens le reconnaissent; ils veulent ces services. C'est indéniable. Nous voulons que tous les Canadiens puissent se loger, manger et recevoir les soins de santé dont ils ont besoin, bref, qu'ils aient tout ce qui est nécessaire à leur bien-être. Ils devraient avoir toutes les possibilités de répondre eux-mêmes à ces besoins. Il faut aider ceux qui sont dans l'impossibilité de le faire, mais assurer ces premières nécessités à court terme seulement à ceux qui sont temporairement en difficulté, et à long terme, uniquement à ceux qui sont handicapés en permanence.

La plupart des Canadiens estiment inacceptable que le gouvernement encourage un mode de vie qui réprime l'indépendance et l'autonomie. Je le répète, les Canadiens doivent sentir que le gouvernement tient vraiment compte de leur opinion au moment de prendre des décisions. Souvent, les Canadiens choisissent le moindre de deux maux lorsqu'ils vont aux urnes. Les députés d'en face confondent cela avec un mandat très clair.

Quand le gouvernement ne tient pas compte de leurs préoccupations, les gens cessent de s'impliquer socialement. Certains renoncent à participer au processus politique et ne vont plus voter. Pire encore, certains cessent même de participer au processus économique et placent leur argent à l'étranger ou participent à l'économie souterraine.

Dans l'ensemble, les Canadiens ne sont pas des escrocs et des fraudeurs, mais ils se sentent maintenant contraints d'assurer leur survie parce qu'ils sont menacés de perdre leur emploi, leur maison et leur mode de vie. Ils en ont assez des gouvernements qui ne tiennent pas compte de leurs préoccupations. Quand le gouvernement comprendra-t-il que la plupart des Canadiens souhaitent le voir intervenir moins et dépenser intelligemment et parcimonieusement l'argent des contribuables durement gagné?

Bien que le budget comporte certaines dispositions louables, le gouvernement actuel doit réaliser qu'il est possible de prendre d'autres mesures pour redresser la situation financière du Canada.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est maintenant 18 h 15, conformément au paragraphe 84(5) du Règlement, je dois maintenant interrompre les délibérations et mettre aux voix toute question nécessaire pour disposer de l'amendement à la motion des voies et moyens no 6. Le vote porte sur l'amendement.

Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

(L'amendement, mis aux voix, est rejeté.)

(Vote no 11)

POUR

Députés
Althouse
Asselin
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Bachand
Bellehumeur
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bouchard
Brien
Bélisle
Canuel
Caron
Chrétien (Frontenac)
Crête
Dalphond-Guiral
Debien
de Jong
de Savoye
Deshaies
Dubé
Duceppe
Fillion
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Godin
Guay
Guimond
Jacob
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre


2076

Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Marchand
McLaughlin
Mercier
Ménard
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Péloquin
Rocheleau
Sauvageau
St-Laurent
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)-54

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Adams
Allmand
Anawak
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre)
Baker
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellemare
Benoit
Berger
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brown (Calgary-Sud-Est)
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chatters
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Comuzzi
Cowling
Crawford
Culbert
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Duncan
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Epp
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Forseth
Frazer
Fry
Gaffney
Gagliano
Gallaway
Gauthier (Ottawa-Vanier)
Gilmour
Godfrey
Goodale
Gouk
Graham
Gray (Windsor-ouest)
Grey (Beaver River)
Grose
Grubel
Guarnieri
Hanger
Hanrahan
Harb
Harper (Calgary-ouest)
Harper (Churchill)
Harper (Simcoe-Centre)
Harris
Hart
Harvard
Hayes
Hermanson
Hickey
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Hopkins
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jennings
Johnston
Jordan
Karygiannis
Kerpan
Keyes
Kirkby
Knutson
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLaren (Etobicok/Nord)
MacLellan (Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Manning
Marchi
Marleau
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
Mayfield
McClelland (Edmonton-sud-Ouest)
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton-Nord-Ouest)
McTeague
McWhinney
Meredith
Mifflin
Milliken

Mills (Broadview-Greenwood)
Mills (Red Deer)
Minna
Mitchell
Morrison
Murphy
Murray
Nault
Nunziata
O'Brien
O'Reilly
Ouellet
Pagtakhan
Patry
Payne
Penson
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Ramsay
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringma
Robichaud
Rock
Rompkey
Schmidt
Scott (Fredericton-York--Sudbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Silye
Simmons
Skoke
Solberg
Speaker
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stinson
Strahl
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Thompson
Tobin
Torsney
Ur
Valeri
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
White (Fraser Valley-Ouest)
Williams

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Députés
Chan
Daviault
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Loubier
Wood-206

(1855)

Le Président: Je déclare l'amendement rejeté.

[Français]

LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRELE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES ET MATIÈRE D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIREET DE SANTÉ

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé, dont le comité a fait rapport sans propositions d'amendement.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)) propose: Que le projet de loi soit agréé.

Le Président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée.)


2077

[Traduction]

Le Président: Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec la permission de la Chambre, maintenant?

Des voix: D'accord.

M. Martin (LaSalle-Émard) propose: Que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends part au débat en troisième lecture du projet de loi C-3, qui modifie la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé. Le projet de loi porte essentiellement sur une seule chose, le renouvellement du programme de péréquation.

Comme les députés le savent, la péréquation revêt une importance telle que son principe a été constitutionnalisé. Cette forme proprement canadienne de partage remonte au début de la Confédération et témoigne du bon fonctionnement de la fédération canadienne.

Pour renouveler le programme de péréquation, le gouvernement a dû trouver le juste équilibre entre la nécessité d'accorder les ressources voulues aux provinces qui bénéficient de la péréquation et celle de se montrer responsable sur le plan financier.

Je suis sûr que le projet de loi satisfait à ces deux critères. Selon les prévisions, les paiements de péréquation passeront de 8 milliards de dollars cette année à 10,4 milliards en 1998-99. Les sept provinces qui reçoivent des paiements profiteront de ces augmentations. Ce sont Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan.

La péréquation est le plus important programme fédéral de transfert qui permet d'atténuer les disparités entre les provinces. Avant péréquation, la capacité fiscale des sept bénéficiaires se situe à 85 p. 100 de la moyenne nationale. Après péréquation, elle passe à 93 p. 100.

(1900)

Je voudrais maintenant traiter de quelques éléments du projet de loi C-3.

D'abord, il est proposé que la péréquation soit renouvelée pour cinq ans. En outre, le gouvernement s'engage à ne pas modifier la structure de la formule, ce qui facilitera la tâche des provinces dans leur planification budgétaire. Il ne faut toutefois pas en conclure qu'on cessera d'étudier le programme de péréquation. Bien au contraire, on continuera de mesurer la capacité fiscale des provinces ou leur capacité de prélever des recettes et d'étudier la structure générale du programme en tenant compte des besoins du prochain renouvellement.

En deuxième lieu, la norme de péréquation demeure inchangée. On conservera donc la norme actuelle de mesure de la capacité fiscale des cinq provinces, le Québec, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique.

En troisième lieu, un plafond sera maintenu.

En quatrième lieu, le montant minimal du programme sera inchangé. Ce plancher protège les provinces contre de fortes diminutions de la péréquation d'une année à l'autre. Le plancher dépend de la capacité de prélèvement de recettes des provinces, les provinces dont les recettes sont les plus basses jouissant de la plus grande protection.

En cinquième lieu, un certain nombre de modifications de l'assiette fiscale seront apportées pour mettre à jour la mesure de la capacité fiscale des provinces. C'est crucial si on veut maintenir l'équité du programme en ce qui a trait à la mesure de la capacité fiscale des provinces. Par exemple, le déclin récent des prix agricoles a particulièrement désavantagé la Saskatchewan; une modification de forme aux calculs du programme en tient compte.

Enfin, le projet de loi prévoit un moyen visant à alléger la diminution exagérée de la péréquation pour les provinces dont une proportion exceptionnellement grande de l'assiette fiscale est représentée par les ressources naturelles. Cette disposition supprimera un irritant de longue date ayant trait à ce problème de récupération. Les provinces pourront ainsi conserver 30 p. 100 des recettes tirées des ressources naturelles au lieu de la diminution à peu près égale de la péréquation. Cette mesure a été bien accueillie par les provinces touchées.

Ce projet de loi est très responsable du point de vue fiscal, et je recommande à la Chambre de l'adopter.

[Français]

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir à cette étape-ci du projet de loi C-3 qui vise à reconduire le programme de paiement de péréquation qui a été déposé par le gouvernement. Ce projet de loi constitue une autre preuve de l'inefficacité et de l'iniquité du système fédéral envers les provinces, particulièrement envers le Québec.

En principe, ce programme vise principalement à réduire les disparités financières entre les provinces. Il est grand temps de se demander si cet objectif a jusqu'ici été atteint. Le Québec, en tout cas, se voit encore désavantagé, à long terme, par un tel système de redistribution de la richesse. Bien sûr, certains diront que le Québec reçoit plus que sa part de transferts fédéraux, mais ne faudrait-il pas nous interroger sur les causes historiques qui ont mené le Québec dans cette situation accablante.

En effet, n'est-il pas paradoxal de constater que, depuis la mise en vigueur des programmes de péréquation, les fonds versés à l'Ontario étaient destinés à couvrir des dépenses structurantes, comme des investissements dans la recherche et le développement ou dans des dépenses d'infrastructure qui ont permis un développement économique stable pour cette province.

Toutes ces mesures ont affaibli le Québec et confirment encore aujourd'hui que même si le Québec contribue pour plus de 23 p. 100 à la richesse canadienne, il ne reçoit jamais sa juste part quand vient le temps pour le gouvernement fédéral de distribuer ses fonds en investissements structurants. Les statistiques sont


2078

d'ailleurs très révélatrices à cet égard, et vous me permettrez d'en citer quelques-unes.

Entre 1979 et 1989, en ce qui a trait à la recherche et au développement, la part du Québec était de 18,5 p. 100, tandis que celle de l'Ontario pour la même période était de 50,1 p. 100, et je vous rappelle que la contribution du Québec à la richesse canadienne représente 23 p. 100.

(1905)

Au niveau des investissements publics fédéraux, au cours des dernières années, la part du Québec a été de 15,4 p. 100; le restant étant consenti à l'extérieur du Québec. Quant à la valeur des infrastructures dans le domaine de la défense, les chiffres sont encore plus révélateurs et plus accablants, le Québec ayant une proportion de 13 p. 100 des investissements, contre 25,8 p. 100 pour l'Ontario, 34 p. 100 pour l'Ouest et 27 p. 100 pour les Maritimes.

Je pourrais également, quand on parle d'investissement dans les infrastructures, parler, bien sûr, de la Voie maritime qui remonte à au moins trois décennies et qui a permis, il est vrai, à des ports, au Québec, de se développer, mais qui a eu également comme conséquence de développer des ports en Ontario et de développer particulièrement toute l'industrie automobile du sud de l'Ontario.

Pendant ce temps, le Québec se voyait octroyer des fonds pour des paiements d'assurance-chômage ou des prestations d'aide sociale, symbole d'une vision réductrice du développement économique du Québec. Comme on a pu le constater, l'écart des capacités fiscales entre l'Ontario et le Québec existe, et persiste, malgré les paiements de péréquation supposément si généreux envers le Québec.

Le tout a amené le Québec à dépendre, de plus en plus, des transferts fédéraux à cause de la situation du chômage qui est toujours plus élevé au Québec qu'en Ontario. Depuis des décennies, le Québec a eu un taux de chômage qui a toujours été de 3, 4, et même, 5 p. 100 supérieur à celui de l'Ontario. Cette situation devait sûrement plaire aux nombreux adeptes du fédéralisme dominateur.

Le projet de loi C-3 prévoit que la modalité plafond des paiements de péréquation ne sera pas abolie, mais reconduite pour une période de cinq ans. Or, cette modalité va à l'encontre du principe même de la péréquation car cette mesure ne vise pas la redistribution équitable de la richesse canadienne. Elle vise à réduire, de façon particulièrement hypocrite, les transferts aux provinces, et c'est encore le Québec qui devra acquitter la plus grosse partie de la facture.

En effet, si le taux de croissance du PNB atteint 5 à 6 p. 100 par année, comme le prévoit notre très optimiste ministre des Finances, cela signifie que dans la meilleure des hypothèses, le Québec devra absorber une perte de 900 millions de dollars, soit 60 p. 100 des 1,5 milliard de dollars prévus en diminution de transfert, causée par la seule reconduction du plafond de péréquation pour les 5 prochaines années. Voilà l'effet pervers de ce projet de loi.

Le gouvernement fédéral a donc, encore, procédé à une opération de pelletage de son déficit dans la cour des provinces puisque, bien entendu, si le gouvernement fédéral accorde moins de fonds au gouvernement du Québec et aux gouvernements de l'ensemble des provinces, les citoyens vont continuer de requérir le même niveau de service et ce sont donc les provinces qui devront taxer davantage.

J'entends déjà, sans les entendre, les députés de l'autre côté de la Chambre; ils vont crier fort, bien fort, que les critiques de l'opposition officielle sont exclusivement motivées par d'ignobles intentions souverainistes, pour ne pas dire séparatistes, puisqu'il semble que depuis la semaine dernière, le premier ministre vient d'apprendre que l'opposition officielle avait comme intention de retirer le Québec de la fédération canadienne.

(1910)

Pourtant, et je reviens au projet de loi C-3, même le ministre des Finances du Québec, qui, avec le premier ministre actuel, M. Johnson, forment certes le couple le plus fédéraliste qui soit, le ministre des Finances n'a pu s'empêcher de faire certains commentaires négatifs sur le projet de loi concernant les paiements de péréquation. Bien sûr, en bon défenseur de l'unité canadienne, le ministre Bourbeau se disait généralement satisfait des résultats de la conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances, tenue à Montréal en janvier dernier. Mais le ministre Bourbeau a également émis certains commentaires négatifs face à ce projet de loi. Ses critiques prennent une dimension très significative quand on sait qu'ils proviennent de la bouche d'un membre du Cabinet du gouvernement libéral du Québec, ce même parti libéral qui était prêt à toutes les compromissions, et on a pu le constater dans l'Accord de Charlottetown, pour maintenir en vie un semblant d'unité canadienne.

Voilà donc ce que nous affirmait le ministre des Finances du Québec dans un communiqué émis le 21 janvier dernier. Donc, on peut considérer cette déclaration comme encore opportune. Le ministre disait, et je cite: «Je trouve cependant difficilement acceptable que le gouvernement fédéral ait décidé de maintenir la disposition plafond du programme de péréquation.» Quand le ministre des Finances du Québec, fédéraliste à n'en pas douter, prétend qu'il est difficilement acceptable, cela signifie que pour le sens commun et pour l'ensemble des citoyens du Québec, c'est carrément inacceptable.

Le plafond fait en sorte qu'on s'éloigne de l'objectif inscrit dans la Constitution, lequel est de donner aux provinces des revenus suffisants afin qu'elles soient en mesure d'offrir les services publics à un niveau de qualité et tout en tenant compte d'une fiscalité sensiblement comparable d'une province à l'autre.

Il est toujours surprenant d'entendre un ministre québécois, chaud partisan de l'orthodoxie fédéraliste, se dire satisfait d'une disposition qui fait en sorte qu'on s'éloigne d'un des grands objectifs de la Constitution canadienne. Mais là ne s'arrêtait pas la contradiction, et le ministre des Finances du Québec, on l'a vu dernièrement, n'en est pas à une contradiction près.

Le ministre ajoutait même un peu plus loin, toujours dans le même communiqué, et je cite: «Les impôts fonciers constituent


2079

la deuxième plus importante source de revenus prise en compte aux fins de la péréquation et la capacité fiscale du Québec à son égard est nettement surestimée, ce qui se traduit par un manque à gagner important à ce chapitre. Il est difficile pour le gouvernement du Québec d'accepter que des améliorations substantielles ne soient pas apportées avant cinq ans à cette mesure de capacité fiscale».

Mais comment une personne peut-elle ainsi se dire satisfaite d'une disposition qui, par ailleurs, la désavantage à ce point? Il me semble que la réponse est simple et tombe sous le sens. Tout le monde connaît les positions-et c'est légitime-du ministre des Finances du Québec, comme de l'ensemble de son gouvernement, face au maintien du lien fédéral. On sait également qu'il y a des élections dans l'air au Québec et qu'il n'est pas dans l'intérêt de ce gouvernement de s'opposer au gouvernement fédéral, fraîchement élu, en plus de partager les mêmes allégeances politiques.

Ils sont d'ailleurs bien peu nombreux à se dire satisfaits des termes du projet de loi C-3. La preuve que les souverainistes ne sont pas les seuls à condamner le plafond de péréquation tient, entre autres, dans la récente déclaration du sous-ministre des Finances du Manitoba, M. Neumann, ici même à Ottawa, devant le Comité permanent des finances, au cours de laquelle le ministre manitobain disait:

(1915)

[Traduction]

«Le plafond proposé à l'égard des paiements de péréquation est une atteinte à l'esprit et à la lettre de la Constitution. Continuer d'appliquer ce plafond est une mesure injustifiée et préjudiciable pour les Canadiens qui vivent dans les provinces moins prospères.»

[Français]

Lorsque le principe de transferts aux provinces est conjugué aux différents pouvoirs discrétionnaires du gouvernement fédéral, comme c'est le cas actuellement, il en résulte un effet particulièrement pervers pour le Québec.

Voyons un peu comment cela se passe: premièrement, le gouvernement fédéral prélève des impôts dans la poche des contribuables québécois, des contribuables canadiens, afin de financer des programmes qui, dans bien des cas, relèvent de la compétence exclusivement des provinces. Ce même gouvernement fédéral établit ensuite des normes dites nationales qui devront être respectées envers et contre tous, from coast to coast. C'est de l'ingérence pure et simple, et cette ingérence devient particulièrement inacceptable, voire vicieuse, quand le gouvernement fédéral réduit sa propre contribution pour soutenir des programmes, mais s'assure en même temps de maintenir les normes nationales que les provinces devront continuer à respecter.

Autrement dit, le fédéral dit aux provinces: Je vous donne moins d'argent, mais vous devez continuer à donner les mêmes services à vos concitoyens. C'est exactement ce qui s'est passé au Québec dans les domaines de la santé et de l'enseignement postsecondaire qui demeurent, selon la Constitution canadienne, de juridiction provinciale exclusive. Ainsi, entre 1977 et 1993, la part que le gouvernement fédéral assumait pour le maintien de ces deux programmes est passée de 47 p. 100 des dépenses dans ce secteur à 34 p. 100 maintenant.

Ensuite, ce même gouvernement fédéral a dit au Québec: Bien sûr, on continue à prélever de plus en plus d'impôts au Québec-on l'a vu dans le discours du Budget du ministre des Finances récemment-pour financer ces deux programmes. Mais on vous donne moins d'argent pour assurer les services à votre population. Alors, pour ce qui est du caractère équitable des paiements de transferts aux provinces, comme on dit chez nous, on repassera!

Ainsi, dans le domaine de la santé, alors que le fédéral diminuait sans cesse sa part de contributions, il obligeait les provinces, comme je viens de le dire, à maintenir les normes de santé définies par le fédéral. On ne donne pas au Québec un contrôle accru sur son système de santé, on lui donne le pouvoir de couper, tout en lui refusant celui de décider où couper. Une autre des grandes iniquités du système actuel de transferts aux provinces, iniquités qui se manifestent surtout dans le cas du financement des programmes établis où le gouvernement fédéral prend l'argent des Québécois et des Québécoises pour mettre en place des programmes nationaux qui devront répondre à des normes canadiennes, même si celles-ci ne correspondent pas toujours à la réalité québécoise.

La société distincte, c'est beaucoup plus qu'une expression creuse sortie du fond d'un lac qui fut un jour témoin d'un pseudo-accord constitutionnel. La société distincte, pour ceux qui y croient, et nous sommes de ceux qui y croyons, que le Québec est une société distincte, non seulement une société distincte, mais que les Québécois forment un peuple, donc cette particularité correspond à une situation, à une réalité socio-politique bien vivante.

(1920)

Un peuple sait se reconnaître à travers les valeurs qu'il partage, et ces valeurs devraient être le fondement de l'établissement de programmes et d'infrastructures, et devraient se refléter aussi dans les programmes gouvernementaux qui détermineront la qualité de vie de ces gens. Or, les Québécois et Québécoises se reconnaissent de moins en moins dans les normes imposées par le gouvernement fédéral, et le gouvernement refuse toujours de reconnaître cette spécificité.

Je me permets de citer un seul exemple, que la ministre de la Santé a même utilisé en cette Chambre il y a quelque temps, celui du réseau de CLSC que le Québec a créé, sans le support et sans même avoir besoin de l'avis du gouvernement fédéral. Ce réseau de CLSC a été mis sur pied au début des années 1970 et la ministre le citait en exemple comme étant un modèle de dispensation de services. Eh bien, cet outil que les Québécois et les Québécoises se sont donné et qui leur permet de bénéficier de services de santé et de services sociaux plus près d'eux a été conçu et financé entièrement par les Québécois.

Ce que le Bloc québécois préconise, c'est une amélioration en profondeur et globale de l'ensemble des programmes de transferts fédéraux aux provinces. En effet, en procédant à de petites réformes sectorielles de ses programmes, le gouvernement fédéral se permet de jouer sur les chiffres et ainsi faire accepter des changements qui s'avèrent toujours être au désavantage des provinces. Comme nous avons pu le constater dans le dernier


2080

Budget, celui qui est devant nous présentement, d'un côté, on coupe deux milliards de dollars dans le financement des programmes établis en enseignement postsecondaire et dans le régime d'assistance publique du Canada, et de l'autre, on reconduit le plafond de péréquation, malgré l'iniquité que cela provoque et que j'ai tenté d'expliquer précédemment. Le tout, dans le but de confondre la population et lui laisser croire à une amélioration du système de transferts fédéraux, alors qu'il en est tout autrement.

Le Bloc québécois est donc résolument contre le projet de loi C-3, puisqu'il reconduit. . .

M. Milliken: C'est incroyable!

M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Oui, je vous le répète, il est contre le projet de loi C-3, puisqu'il reconduit la modalité plafond des paiements de péréquation, modalité qui entraîne une perte, je tiens à le rappeler, de 900 millions de dollars pour le Québec et qu'il perpétue la tradition fédérale de pelleter ses problèmes dans la cour des provinces.

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, avant de parler du projet de loi C-3, qui modifie les dispositions relatives aux paiements de péréquation pour les cinq prochaines années, je voudrais remercier le gouvernement de nous avoir permis d'examiner cette question ce soir.

Au départ, le gouvernement voulait étudier ce projet de loi vendredi, alors le porte-parole du Bloc aurait été dans l'impossibilité d'être présent. Nous nous sommes finalement mis d'accord pour débattre de ce projet de loi ce soir. Je dis cela en toute sincérité, même si j'ai l'intention de m'opposer à ce projet de loi et d'exprimer certaines réserves, pas tant à l'égard de ce projet de loi, mais plutôt à l'égard du processus suivi en général pour examiner de telles mesures législatives.

Comme je l'ai mentionné, mon parti s'oppose à ce projet de loi. Je prendrai ce soir le temps d'expliquer les raisons de notre opposition et de vous exposer nos réserves au sujet de ce débat et du processus utilisé ici pour décider de certaines questions.

Notre parti approuve certains éléments de ce projet de loi, et je pense qu'il est important de le préciser. Nous appuyons, par exemple, l'idée d'un plafond. Il est important pour quiconque est vraiment sérieux en ce qui concerne la responsabilité financière et la nature des problèmes auxquels nous sommes confrontés de ne pas créer une situation où le gouvernement aurait à faire des paiements de transfert illimités. Or, cela risquerait fort de se produire faute d'une forme de plafond.

(1925)

Nous appuyons également, dans ce projet de loi, l'idée d'une forme de paiement de péréquation compensatoire pour la récupération exagérée à l'égard de certaines sources de revenu.

[Français]

En faisant ces commentaires, je voudrais aussi dire que la position de mon parti n'est pas celle du Bloc québécois ou du député de Mégantic-Compton-Stanstead. Malgré ses propos bien réfléchis, notre perspective est tout à fait différente.

[Traduction]

Je voudrais prendre quelques minutes pour bien faire ressortir en quoi nos positions diffèrent. En tant que parti, nous appuyons le concept de la péréquation. Je voudrais faire remarquer à tous les députés ici présents que le concept de la péréquation est un principe inscrit dans la Loi constitutionnelle de 1982 que notre parti reconnaît et qui s'applique, à notre avis, à toutes les provinces du Canada. Il s'agit là d'une position très différente, je crois, de celle du Bloc québécois.

Je tiens également à faire remarquer que, malgré les lacunes que peuvent présenter ce projet de loi ou d'autres programmes fédéraux, ce programme particulier est en fait très généreux pour la province de Québec. C'est un point dont on a déjà parlé. Cette année, sur les 8,4 milliards de dollars qui seront dépensés au titre de ce programme, près de 3,8 milliards iront au gouvernement du Québec, alors que le gouvernement de l'Alberta et celui de la Colombie-Britannique n'auront droit à rien. Même si ce projet de loi n'est pas nécessairement parfait, il importe que nous reconnaissions tous l'importance de ces transferts, non seulement symboliquement, mais aussi en ce qui concerne les montants en jeu.

Je voudrais également souligner, même si nous reviendrons là-dessus plus tard, que, à un moment donné, le Bloc québécois va devoir parler plus sérieusement qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant de son appui à l'indépendance et de son opposition à la Loi constitutionnelle, d'une part, et de son attachement manifeste à certains de ces programmes sociaux et à certaines de ces dépenses, d'autre part. Malgré ce qu'a dit mon collègue, il y a une contradiction entre le fait de ne pas aimer le Canada et le fait d'être très attaché au dollar canadien. Il s'agit là, toutefois, d'une question dont nous discuterons plus tard.

Nous nous opposons principalement à l'importance des dépenses en jeu ici et au fait que nous prenions des engagements énormes sans proposer de réforme en profondeur dans ce domaine. Notre proposition de zéro en trois avait exigé une réduction des paiements de péréquation, dans le cadre d'un abaissement assez faible, dans l'ensemble, du niveau des transferts aux provinces.

Je tiens à souligner qu'avec ce programme, même avec le plafond qui a été fixé, les taux de croissance prévus pour la péréquation sont d'environ 5 p. 100 par an, ce qui est très élevé en comparaison des taux de croissance prévus pour les fonds consacrés aux programmes fédéraux, en général. Ces taux sont sûrement plus élevés que ceux de la plupart des programmes qui nécessitent des paiements de transfert fédéraux aux provinces. Le coût du programme de péréquation pour la période en question passera de 8,4 milliards de dollars à environ 10,4 milliards de dollars en cinq ans, c'est-à-dire pour les exercices de 1995 à 1999.

De plus, nous prenons de tels engagements sans avoir une proposition de réforme en profondeur. Le débat à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi a eu lieu avant que le budget ne soit déposé, avant l'infâme livre écrit à l'encre rouge.

En faisant cette annonce, le gouvernement fédéral a renouvelé son engagement envers les programmes de transferts fédéraux et a sous-entendu, comme il l'avait fait pendant la campagne électorale, qu'il n'envisagerait jamais de réduire les programmes

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sociaux et les transferts fédéraux. Cependant, le budget a montré que malgré la reconduction de ce programme particulier, malgré le maintien des plafonds actuels, il va y avoir des réductions dans les paiements de transfert dans d'autres secteurs, des réductions que nous n'approuvons pas toutes.

(1930)

Je note, entre autres choses, que le budget prévoit d'autres plafonds au titre des transferts du Régime d'assistance publique du Canada, après l'exercice 1995-96. On commencera à limiter les dépenses en dollars absolus au niveau de 1994-95, y compris le financement des programmes établis en matière d'enseignement postsecondaire en 1996-1997. On ne tolérera pas que le total combiné des transferts du Régime d'assistance publique du Canada et du financement des programmes établis au titre de l'enseignement postsecondaire dépassent ceux des deux programmes, ensemble, en 1993-94.

Cela fait surgir un élément qui, à mon sens, a été largement omis dans l'analyse budgétaire. Il s'agit de la réduction des dépenses planifiée par le gouvernement dans le domaine de l'enseignement postsecondaire, un objectif que nous, partisans de la réduction du déficit, n'avons aucunement mentionné. Et il va sans dire que nous n'avons pas trouvé dans ce pays la manifestation d'un appui favorable à une réduction dans ce domaine.

Ce que je trouve très bizarre, c'est que le gouvernement parle de renouvellement du programme, alors qu'il envisage de sabrer dans les paiements de transfert aux provinces, sans avoir planifié une quelconque réforme exhaustive ou arrêté de grands objectifs.

Il est intéressant de noter que le débat sur ce projet de loi, et à l'étape de la deuxième lecture et à celle de l'étude en comité, a révélé qu'un tel examen n'est pas nécessaire en ce qui concerne la péréquation et dans le cas d'autres programmes de transfert. De façon générale, des éclaircissements s'imposent quant aux objectifs et aux modalités d'application du programme de péréquation.

À l'étape de la deuxième lecture et à celle de l'étude en comité, le député de Lethbridge a fait observer que, si cette formule apporte de l'équité dans l'administration des programmes fédéraux, si c'est précisément l'objectif que vise la péréquation, il faut se demander pourquoi dans ce cas on ne souscrit pas, de différentes façons, à un financement particulier à l'égard des provinces démunies, un financement autre que celui prévu dans le cadre de tel ou tel programme, dans d'autres domaines. Je pense en particulier au programme d'infrastructure, au Programme d'aide à la remise en état des logements ou au plafond imposé au RAPC dans le cas des provinces riches. Il y a de toute évidence un dédoublement d'efforts et un manque d'objectifs clairs.

Par ailleurs, certains problèmes remontent à l'origine même du programme de péréquation. M. Tremblay, professeur à l'Université de Montréal, faisait remarquer dans son exposé devant le Comité des finances que des facteurs économiques qui ont justifié à l'origine des mesures comme le programme de péréquation, notamment les déficits et excédents économiques créés par le système des paiements tarifaires au Canada, n'ont plus cours depuis l'entrée en vigueur du libre-échange. Il ne faut pas pour autant conclure que le programme n'a plus sa raison d'être, mais les facteurs économiques qui le justifiaient à l'origine ne sont plus valables.

Des questions importantes ont été soulevées non seulement par M. Tremblay mais par d'autres personnes lors de l'étude en comité et à l'étape de la deuxième lecture. On a notamment parlé de l'influence de la péréquation sur la dépendance des régions et sur le chômage structurel, et on s'est demandé si la péréquation n'empêchait pas un ajustement naturel aux forces du marché et la migration d'une partie de la population hors des régions offrent de faibles possibilités de revenu.

Toutes ces questions sont importantes. Nous procédons actuellement à l'examen des effets qu'ont certains programmes fédéraux, notamment l'assurance-chômage et le bien-être social, sur les particuliers et sur la restructuration des stimulants. Il serait certainement indiqué d'examiner aussi les effets de ces programmes sur les gouvernements supérieurs, nommément les provinces et les municipalités.

Le gouvernement a déclaré, à la défense du projet de loi, qu'il a maintenant besoin de certitude dans le domaine des paiements de transfert fédéraux aux provinces et en particulier en ce qui a trait à la formule de péréquation. C'est notamment pour cette raison que le gouvernement et les députés ministériels appuient le projet de loi.

Je voudrais mentionner à la présidence qu'au cours des audiences de notre comité, le seul représentant du gouvernement qui est venu témoigner, M. Neumann, du Bureau des affaires intergouvernementales du Manitoba, a exprimé de grand doute à ce sujet, comme l'a fait le député du Bloc québécois qui vient de prendre la parole. Cette approche particulière ne fait pas l'unanimité des provinces, et les gouvernements expriment des doutes sur la question de la certitude. M. Neumann avait surtout exprimé des réserves au sujet du plafond, réserves que je ne partage pas, et avait fait valoir que certains facteurs, dans les calculs, donnent lieu à une certaine incertitude quant aux montants qui seront accordés dans l'avenir et que nous devrions peut-être examiner ces questions. Naturellement, nous n'en avons rien fait.

(1935)

Il y a d'autres points embêtants. Ce projet de loi laisse, sur une base indéfinie, des choix entre deux types d'options pour certaines provinces de l'Atlantique. Il continue d'y avoir des injustices dans la formule de péréquation. Ces injustices sont bien documentées.

Les recettes provenant des ressources naturelles peuvent être traitées de façon très différente selon qu'elles appartiennent à des sociétés d'État ou à des entreprises privées. La formule est extrêmement complexe, difficile à comprendre et à administrer. En plus, elle n'utilise aucun critère standard pour mesurer la capacité financière. C'est une formule tout à fait unique qui a été conçue spécialement pour ce type de transfert. Encore une fois, il n'y a aucun raisonnement particulièrement clair, du moins d'après moi et d'après les personnes auxquelles j'ai parlé, entre les détails du programme de péréquation et ses objectifs.

J'ai tenté d'exposer non seulement notre objection générale à l'égard des coûts, mais également la gamme assez vaste de questions que ce projet de loi a suscitées tant à sa deuxième lecture qu'au comité. Je souligne cela, car c'est la première fois, en tant que nouveau parlementaire, que je suis chargé de critiquer

2082

un projet de loi, de participer au système et de voir comment il fonctionne.

Le projet de loi a été débattu à la Chambre. Nous l'avons ensuite renvoyé à un comité. Au comité, des députés de deux partis d'opposition ont soulevé des arguments contre cette mesure législative. Des témoins qui ont comparu devant le comité ont également soulevé des arguments et des préoccupations au sujet du projet de loi et de son objet.

Ce que j'ai trouvé fort intéressant, c'est que, en général, les ministériels qui ont participé au débat à la Chambre et qui ont pris la parole en comité n'ont fait pratiquement aucun effort pour réfuter ou pour commenter les arguments qui étaient présentés.

Je n'essaie de critiquer personne, mais les ministériels semblaient très sûrs d'eux dans leur défense générale du projet de loi. En outre, ils semblaient associer la péréquation au partage et, comme le partage est un principe valable, à leurs yeux, l'adoption du projet de loi allait de soi.

À partir de ce raisonnement, nous avons donc procédé à l'adoption du projet de loi. Nous avons tenu deux audiences de comité, puis nous avons commencé à approuver, article par article, pendant 30 secondes à une minute, des montants totalisant 45 à 50 milliards de dollars pour les quelques prochaines années.

Je présume que moi-même, les députés du Bloc québécois, d'autres députés du Parti réformiste, ou encore, tout autre député auraient le choix de faire indéfiniment obstruction au projet de loi, de présenter des orateurs et de continuer de soulever ces arguments en comité et à la Chambre.

Néanmoins, je suis l'exemple de notre chef à ce chapitre. Il ne sert à rien de prêcher l'économie au sein du gouvernement si l'on ne peut pas être parcimonieux dans ses paroles. Je n'ai pas l'intention de faire indéfiniment de l'obstruction à ce projet de loi, mais ce qui importe ici, c'est d'examiner la chose et, même si nous n'arrivons pas à nous entendre, à tout le moins de raffiner nos arguments de façon à pouvoir clarifier davantage ce texte.

Ce n'est évidemment pas le cas parce que dans notre système, où la mise aux voix de toute motion donne lieu à un vote de confiance et où les votes ne sont pas libres, l'important, ce n'est pas tant le fond de la mesure législative que l'appartenance à tel ou tel parti.

Contrairement à ce qui se passe dans d'autres assemblées législatives, comme le Congrès américain, pour nommer celle qui est la plus proche, nous ne sommes pas tenus, à titre individuel, d'expliquer notre position à l'égard des mesures législatives proposées, même dans le cas de projets de loi que nous parrainons. Tout ce qu'il faut savoir, c'est que le gouvernement était favorable au projet. Si on est un ministériel, il fallait l'appuyer.

Cela me déçoit. Loin de moi l'idée de laiser entendre que certains ministériels ne comprennent pas le projet de loi relatif à la préréquation ou seraient incapables d'avancer de bons arguments en faveur de cette mesure législative, mais ce n'est certainement pas ce qui s'est dégagé des débats auxquels j'ai assisté.

Pourquoi nous précipiter? Tout cela est trop rapide. Ce projet de loi a été déposé avant la présentation du budget. Au départ, le gouvernement voulait qu'il ait franchi l'étape de l'étude en comité aux alentours de la présentation du budget. Il tient à ce que la Chambre l'adopte et obtient de notre part une certaine coopération parce que, comme je l'ai dit, faire de l'obstruction systématique ne nous intéresse pas. Il veut que ce projet de loi ait franchi toutes les étapes d'ici le 31 mars. Pourquoi? Eh bien, parce que le programme est censé démarrer le 1er avril et être en place pendant tant d'années. Il en a été décidé ainsi en dépit du fait que les provinces n'ont pas vraiment donné leur plein accord.

Le projet de loi n'était débattu à la Chambre ou ne figurait au Feuilleton que depuis deux ou trois semaines lorsque le Pr Booth, de l'Université de l'Alberta, m'a écrit une longue lettre au sujet des programmes fédéraux de transfert aux provinces. Il aurait souhaité s'exprimer là-dessus, mais le comité a terminé ses audiences avant même qu'il apprenne qu'un projet de loi avait été présenté.

Pourquoi? Rien ne justifie une telle précipitation, le système fédéral-provincial ne risque pas de s'effondrer si nous n'adoptons pas le projet de loi avant le 31 mars, mais le gouvernement, et les gouvernements qui l'ont précédé, en sont venus à voir le processus comme une formalité. Il s'agit simplement d'approuver ce qui a déjà été fait. Peu importe quelles sommes sont en jeu, l'objectif est d'adopter la mesure parce que les décisions ont déjà été prises. Elles ont été prises par le pouvoir exécutif, ailleurs, sur d'autres tribunes. Il n'est pas nécessaire de savoir exactement de quoi il s'agit tout simplement pour adopter la mesure. Peut-être sera-t-elle un enjeu des prochaines élections?

Cet état de choses me préoccupe. Mes critiques du projet de loi et du processus ne sont pas des attaques contre un gouvernement en particulier ni même contre le gouvernement actuel, mais contre le processus législatif que nous en sommes venus à accepter au Canada. Il ne fonctionne pas. C'est avec un tel processus que nous avons mis le Canada dans la mauvaise position financière où il se trouve.

Je voudrais simplement rappeler encore une fois aux députés que dans bien des secteurs de la politique d'intérêt public, nous dépensons autant, voire plus que tout autre pays, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé, de l'assurance-chômage ou des paiements de transfert aux provinces, notamment. Il en résulte que notre compétitivité en souffre.

Voilà, je crois bien avoir tout dit là-dessus, monsieur le Président. Je répète que le projet de loi sera sans doute adopté, mais que nous voterons quand même contre, pour le principe.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 19 h 40, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 19 h 40.)