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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 31 mai 1996

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

    Adoption de la motion 3243

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA JOURNÉE NATIONALE DES TRANSPORTS

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

L'EMPLOI

HASTINGS-FRONTENAC-LENNOX AND ADDINGTON

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

    M. Leroux (Shefford) 3251

LE PARTI LIBÉRAL

L'EMPLOI CHEZ LES JEUNES

TONYA SCHWEIGERT

LES EMPLOIS POUR LES JEUNES

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

L'INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 3253

LA CRIMINALITÉ

PÊCHES ET OCÉANS

L'UNITÉ NATIONALE

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 3253

L'UNITÉ NATIONALE

QUESTIONS ORALES

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

LA JUSTICE

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

LA TAXE SUR LES BIENS ET SERVICES

    M. Harper (Calgary-Ouest) 3257
    M. Harper (Calgary-Ouest) 3257

HOLLINGER INC.

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

L'INDUSTRIE DE LA FARINE

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

LES MINORITÉS FRANCOPHONES

LES CONTRATS DU GOUVERNEMENT

LES SOINS DE SANTÉ

LES CENTRES D'EMPLOI

    M. Leroux (Shefford) 3261

L'IMMIGRATION

L'AGRICULTURE

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

TRANSPORTS

    Adoption de la motion 3263

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-291. Adoption des motions de présentationet de première lecture 3263

PÉTITIONS

LES ANCIENS COMBATTANTS

LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE PROJET DE LOI C-205

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 3263

L'UNITÉ NATIONALE

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 3263

LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

LES AFFAIRES DES ANCIENS COMBATTANTS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE CRÉDIT-BAIL AUTOMOBILE

LE PROJET DE LOI C-205

    M. Speaker (Lethbridge) 3264

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES AVORTEMENTS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA SANTÉ

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA

    Reprise de l'étude de la motion 3264
    M. Harper (Calgary-Ouest) 3266
    M. Harper (Calgary-Ouest) 3275

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-224. Motion de deuxième lecture 3275

3243


CHAMBRE DES COMMUNES

Le vendredi 31 mai 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose:

Attendu que l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée,
la Chambre des communes a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.
ANNEXE

MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA

1. La clause 17 des Conditions de l'union de Terre- Neuve avec le Canada figurant à l'annexe de la Loi sur Terre- Neuve est abrogée et remplacée par ce qui suit :
«17. En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, le texte qui suit s'applique au lieu de l'article quatre-vingt- treize de la Loi constitutionnelle de 1867.
Dans la province de Terre-Neuve et pour ladite province, la Législature a le pouvoir exclusif d'édicter des lois sur l'enseignement, mais:
a) sauf dans la mesure prévue aux alinéas b) et c), sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au ler janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école; les droits des catégories de personnes qui se sont regroupées par un accord conclu en 1969 pour constituer un système scolaire unifié sont assimilés à ceux dont jouit une catégorie de personnes en application de la présente clause;
b) sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles:
(i) toute catégorie de personnes visée à l'alinéa a) a le droit de créer, maintenir et faire fonctionner une école soutenue par les deniers publics,

(ii) la Législature peut approuver la création, le maintien et le fonctionnement d'une école soutenue par les deniers publics, qu'elle soit confessionnelle ou non;

c) toute catégorie de personnes qui exerce le droit prévu au sous-alinéa b)(i) conserve le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école ainsi que d'y régir les activités académiques touchant aux croyances religieuses, la politique d'admission des étudiants et l'affectation et le congédiement des professeurs;
d) les écoles visées aux alinéas a) et b) reçoivent leur part des deniers publics conformément aux barèmes fixés par la Législature sur une base exempte de différenciation injuste;
e) si elles le désirent, les catégories de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause ont le droit d'élire une proportion d'au moins deux tiers des membres d'un conseil scolaire et une de ces catégories a le droit d'élire le nombre de membres de cette proportion qui correspond au pourcentage de la population qu'elle représente dans le territoire qui est du ressort du conseil.»
(1005)

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour la motion suivante. Je propose:

Que, nonobstant tout article du Règlement ou ordre spécial, si, à 21 h 30, le lundi 3 juin 1996, l'étude de l'Affaire émanant du gouvernement no 5 n'est pas complétée:
1. la Chambre continue à siéger jusqu'à ce qu'elle ait terminé l'étude de cette affaire;
2. durant ce temps, aucun député ne prenne la parole pendant plus de dix minutes et qu'aucune période de questions et d'observations ne soit tenue;
3. tout vote réputé reporté à cette date soit retardé jusqu'à la fin de l'étude de cette affaire;
4. la Chambre s'ajourne immédiatement après tout vote ainsi reporté et retardé.
Pour le bénéfice de nos collègues, je rappellerai qu'un vote a déjà été différé et que nous voudrions le retarder jusqu'à l'issue de nos travaux.

(La motion est adoptée.)

M. Boudria: Monsieur le Président, je désire préciser que, conformément au paragraphe 43(2) du Règlement, tous les députés libéraux qui vont intervenir dans le débat sur l'initiative ministériel-


3244

le no 5, à l'exception du député qui inaugure le débat, disposeront de dix minutes chacun.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la résolution invite la Chambre des communes à autoriser la modification de la Constitution du Canada, afin de modifier le mode de gestion et de réglementation des écoles confessionnelles de Terre-Neuve.

La résolution est présentée à la Chambre conformément à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il serait peut-être bon d'examiner d'abord cet article pour mieux comprendre la nature de notre rôle à cet égard.

(1010)

[Français]

Tel qu'indiqué dans la résolution et en particulier dans le préambule, l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit la possibilité d'apporter une modification à la Constitution du Canada à l'égard de toute disposition qui s'applique à une ou plusieurs provinces, mais pas à chacune de celles-ci.

Cette modification se fait par proclamation du gouverneur général sous le Grand sceau du Canada et sur autorisation du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province à laquelle la modification s'applique. Par conséquent, il nous incombe d'étudier la modification proposée et de décider si nous allons l'approuver.

[Traduction]

La modification se rapporte uniquement au système d'éducation de Terre-Neuve, ce qui reflète une caractéristique de notre fédération. Dès son entrée en vigueur en 1867, la Constitution canadienne a établi clairement que l'éducation était un domaine de compétence provinciale. Comme les provinces ont adhéré, à tour de rôle, à la fédération et que des dispositions régissaient l'implication religieuse dans l'éducation, les termes de la Constitution ont préservé et perpétué ces dispositions.

Les quatre provinces initiales étaient assujetties à l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Quant aux provinces qui ont adhéré à la fédération après 1867, les modalités de leur union traitaient de la question. Dans le cas de Terre-Neuve, qui s'est jointe à la fédération en 1949, c'est la clause 17 des conditions de l'union qui prescrivait les droits confessionnels ou religieux dans la province.

En 1949, cette clause 17 a inscrit dans la Constitution, selon le libellé de l'époque, l'arrangement conclu entre les confessions religieuses et le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador dans le domaine de l'éducation.

Seule la province de Terre-Neuve nous demande d'apporter des modifications qui auront un effet uniquement sur le système des écoles confessionnelles de la province. On nous demande de le faire en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui prévoit la possibilité d'apporter une modification constitutionnelle à l'égard d'une disposition qui s'applique à une ou à plusieurs provinces, mais pas à toutes les provinces. Dans le cas présent, une seule province est en cause et la modification peut se faire bilatéralement entre la province et le gouvernement national d'Ottawa, grâce à des résolutions adoptées respectivement par l'Assemblée législative provinciale et par le Parlement, c'est-à-dire le Sénat et la Chambre des communes. C'est pourquoi nous sommes saisis de la question en vertu de l'article portant sur des modifications à l'égard de cette seule province.

Je voudrais parler maintenant du rôle que la Chambre des communes doit jouer quand elle est invitée à participer à un tel arrangement visant une modification bilatérale. Une modification de ce genre ne peut se faire sans l'autorisation de la Chambre des communes. Dans ce sens, nous avons un droit de veto. Il est essentiel que nous participions au processus d'amendement.

Récemment, il y a eu au moins trois autres occasions où la Chambre des communes a participé à pareille modification bilatérale. Celle qui vient peut-être le plus rapidement à l'esprit des députés concerne le raccordement permanent avec l'Île-du-Prince-Édouard, qui nécessitait une modification des conditions de l'union avec le fédération.

Quand on demande à la Chambre des communes de participer à une modification constitutionnelle bilatérale en vertu de l'article 43, le rôle de la Chambre ne consiste pas simplement à approuver automatiquement ce qui est proposé ni à y souscrire systématiquement. À mon humble avis, la Chambre et le Sénat doivent se faire une opinion indépendante sur la question de savoir s'ils devraient, par voie de résolution, consentir à pareil changement.

Il est également vrai qu'en se faisant une opinion, le Parlement fédéral devrait montrer un certain respect pour la résolution adoptée par l'assemblée législative provinciale. Nous devons bien soupeser la mesure adoptée par la province en question, mais nous ne devons pas automatiquement adopter une résolution à sa demande. Nous devons nous faire une opinion et être convaincus qu'il est dans l'intérêt public que nous agissions ainsi.

(1015)

En l'occurrence, le gouvernement a examiné la proposition, il a évalué ses mérites et il est arrivé à la conclusion que le Parlement devrait adopter une résolution donnant effet à la modification constitutionnelle proposée. Je vais parler brièvement de certains des facteurs que nous avons pris en considération pour arriver à la conclusion que nous devrions adopter une résolution en ce sens.

Nous avons examiné la clause 17 actuellement en vigueur et les modalités d'organisation et d'administration qu'elle prévoit relativement aux écoles confessionnelles de Terre-Neuve. Nous avons tenu compte du fait que les modalités sont surannées et qu'elles datent d'une époque depuis longtemps révolue.


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Nous avons pris en considération les arguments que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a fait valoir à propos du coût et de la qualité de l'éducation, en conformité des conditions prévues dans l'accord constitutionnel de 1949. Nous avons aussi examiné d'autres questions, outre les coûts et la modernité du système scolaire.

Nous nous sommes demandé si la modification proposée aurait des répercussions préjudiciables sur les droits des minorités dans la province de Terre-Neuve et du Labrador ou si elle entraînerait leur disparition. À ce propos, nous avons aussi tenu compte du fait qu'il n'y a pas de groupe confessionnel majoritaire dans la province. Contrairement à ailleurs, il n'y a pas, dans cette province, de groupe confessionnel numériquement supérieur. Au contraire, il est évident que 95 p. 100 de la population de Terre-Neuve et du Labrador est composée de gens qui font partie de l'une des sept confessions dont la participation au système scolaire est protégée par la Constitution, que ce soit avant ou après la modification proposée.

Nous devons également tenir compte du fait que chacune de ces sept confessions est touchée de la même manière par la modification. Après une lecture attentive de la modification et une évaluation équilibrée de ses effets, nous avons conclu qu'il s'agissait en réalité d'une modification de la manière selon laquelle les droits des confessions sont exercées, et les écoles confessionnelles, administrées. Après le changement, les circonstances à Terre-Neuve et au Labrador seront grosso modo comparables à celles d'autres provinces canadiennes en matière d'écoles confessionnelles.

Nous avons été très touchés par le fait qu'après la modification, il y aura encore des écoles confessionnelles à Terre-Neuve et au Labrador. Le droit des confessions à des écoles confessionnelles sera toujours protégé par la Constitution.

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a également déposé un avant-projet de loi prévoyant que des écoles uniconfessionnelles pourraient être créées là où le nombre le justifie et où les parents choisiront d'envoyer leurs enfants.

À la lumière de ces facteurs, nous avons conclu que la règle de la majorité ne porte pas préjudice aux droits de la minorité. La majorité est composée de plusieurs confessions et, en ce sens, il n'y a pas de majorité.

Nous nous sommes également penchés sur le processus en tant que tel, c'est-à-dire la présentation de la résolution par l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador. Nous avons examiné les antécédents.

Nous avons appris que la nature et la portée de la participation des confessions à la prise de décisions administratives et financières dans le système d'éducation de Terre-Neuve ont été matière à controverse pendant des générations. Nous avons appris que cela a fait l'objet d'une commission royale d'enquête, qui a fait des recommandations que l'on retrouve dans la modification proposée pas plus tard qu'en 1992.

(1020)

Nous avons appris qu'il y a eu de longues négociations et discussions entre le gouvernement de cette province et les dirigeants des confessions en cause.

Nous avons appris qu'il y a eu un référendum au mois de septembre dernier, dans lequel on a demandé à la province son point de vue sur la question de savoir si cette réforme devait être réalisée. Cette proposition a été approuvée par un vote majoritaire.

Nous avons aussi appris que, la semaine dernière, l'assemblée législative, qui avait adopté l'automne dernier une motion réclamant la modification par vote majoritaire, avait adopté à l'unanimité une deuxième motion demandant au Parlement d'adopter d'urgence la modification constitutionnelle.

Le premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador était à Ottawa cette semaine pour nous rappeler, entre autres choses, que la modernisation du système scolaire telle que proposée, permettrait à la province d'économiser au moins 27 millions de dollars. Cet argent pourrait certainement être plus utile aux enfants et aux adultes de Terre-Neuve dans un système d'éducation amélioré.

Compte tenu de tout cela, compte tenu également de la protection des droits de la minorité et de l'historique de la motion, notamment du processus suivi jusqu'à son adoption, nous sommes arrivés à la conclusion qu'elle méritait l'appui du Parlement.

Indépendamment de la situation à Terre-Neuve et au Labrador, certaines personnes craignent qu'une telle alliance entre le gouvernement fédéral et un gouvernement provincial visant à modifier le statut confessionnel du système scolaire de la province crée un précédent mettant en péril l'enseignement religieux dans d'autres provinces. J'ai deux choses à dire à ce sujet.

Tout d'abord, le cas de Terre-Neuve et du Labrador est unique à bien des égards. Pour pouvoir parler de précédent, il faudrait que les faits et les principes en cause soient les mêmes. J'oserais dire qu'il serait très difficile de trouver un jour dans une autre province des principes et un contexte identiques.

Selon les documents d'archive, des églises ont commencé dès 1723 à mettre sur pied des écoles pour les enfants à Terre-Neuve et au Labrador. Après le XVIIIe siècle, on a commencé à voir les écoles administrées exclusivement par les Églises pour les enfants de leur foi.

En 1874, cette pratique a été sanctionnée par la loi pour la première fois et elle s'est accentuée avec le temps jusqu'en 1949, où, comme je l'ai dit, les six Églises détenaient la gestion exclusive de chacune leurs écoles. Cette situation a été confirmée dans les conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada, en 1949. Il n'y a aucune autre province au Canada où les écoles sont toutes dirigées


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par des Églises et où il n'y a pas de système scolaire public. C'est pourquoi la province de Terre-Neuve et du Labrador est unique.

Mis à part les arguments juridiques établissant que la situation de cette province est unique, il y a encore des gens qui craignent que nous établissions un précédent susceptible de mettre en péril l'enseignement religieux ailleurs. Ceux qui s'inquiètent du pouvoir d'un tel précédent oublient le droit et la responsabilité du Parlement d'exercer un jugement indépendant à l'égard de chaque demande de modification, de se prononcer sur ses mérites et de décider dans chacun des cas à venir si une proposition de changement au système d'une autre province correspond à l'intérêt public et à celui des enfants.

Si une autre province présentait, dans un mois ou dans un an, une proposition de changement aux conditions de son union ou à l'article 93, relativement à l'éducation religieuse dans les écoles, il nous appartiendrait de porter notre propre jugement sur les faits en cause, de décider si les droits des minorités sont respectés et si la qualité de l'enseignement et le caractère confessionnel seront préservés.

(1025)

En ce qui concerne les faits de cette affaire, j'ai expliqué notre raisonnement en disant que nous devrions aller de l'avant. Dans une future affaire, il nous appartiendra d'effectuer la même analyse et de tirer nos conclusions. Le Parlement ne doit pas croire qu'en agissant dans ce cas nous établissons une règle rigide qui nous obligera à prendre la même décision dans tous les cas futurs. Nous fonderons notre opinion sur les faits de chaque situation, le cas échéant.

Je dis à ceux qui se préoccupent du pouvoir du précédent dans cette optique de ne pas s'inquiéter. Nous serons vigilants et nous examinerons de façon critique et sur ses mérites toute proposition future. Si l'Ontario, par exemple, proposait une modification aux dispositions de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, nous examinerions la proposition. Si nous jugions que la proposition n'était pas conforme aux normes, nous pourrions refuser de l'appuyer.

D'autres se préoccupent des droits des minorités au sens large, affirmant que s'il est possible d'apporter une modification par voie d'entente bilatérale entre une province et le Parlement national, les droits des minorités pourraient être mis en péril et risquer de faire l'objet d'une modification semblable.

Certains se préoccupent des droits à l'instruction dans la langue de la minorité en Ontario, au Manitoba et dans d'autres provinces. La question des droits des autochtones a également été soulevée. Certaines personnes ont dit que si nous étions disposés à agir bilatéralement pour modifier la façon dont les droits en matière d'éducation sont exercés ou administrés à l'égard de groupes confessionnels distincts, rien ne garantissait que les droits à l'éducation dans la langue de la minorité seraient protégés au Manitoba ou en Ontario si les gouvernements de ces provinces demandaient l'accord d'Ottawa pour apporter des changements.

Comme je l'ai dit, le Parlement canadien porterait un jugement indépendant. Mais surtout, les droits à l'éducation dans la langue de la minorité ne peuvent être modifiés par des accords bilatéraux. Ces droits sont régis par l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982. Toute modification nécessiterait l'application de la formule de modification générale, qui exige l'accord de sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population du Canada. Une modification bilatérale ne serait pas possible. Le cas présent est fondamentalement différent de ce qui se passerait dans le cas d'une proposition de modification des droits à l'éducation dans la langue de la minorité, qui sont reconnus et protégés par l'article 23 de la Charte.

De même, les droits des autochtones sont respectés en vertu des articles 25 et 35 et ne peuvent être modifiés. Le contenu de ces articles de la Loi constitutionnelle ne peut être modifié sans l'application de la formule de modification générale qui exige l'accord d'au moins sept provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population canadienne. Cette résolution ne représente donc aucune menace pour les droits à l'éducation dans la langue de la minorité.

[Français]

Enfin, elle ne touche en rien les droits des minorités de langue officielle en matière d'éducation. Ces droits sont constitutionnellement protégés par l'article 23 de la Charte, et rien dans cette modification ne portera atteinte à cette protection.

[Traduction]

Je conclus en recommandant l'adoption de cette résolution à la Chambre. Le premier ministre a jugé bon de demander que le vote soit libre. J'invite les députés à réfléchir à l'essence de la question et à examiner également selon leur mérite les points que j'ai soulevés, avant de prendre une décision.

Dans le cas qui nous occupe, un des membres de la fédération a dûment invoqué l'article 43, et sa démarche est valide. Non seulement une assemblée législative a adopté une résolution, tel qu'exigé, mais elle a plus récemment réclamé à l'unanimité une réaction rapide de notre part. Dans cette affaire, les droits des minorités ne sont ni abolis, ni éliminés ni rejetés. Le réseau scolaire continuera d'être administré par sept confessions religieuses différentes. Ces confessions sont reconnues par la Constitution et représentent 95 p. 100 de la population.

(1030)

En adoptant cette résolution, le Parlement ne s'engage nullement à accepter d'office toute éventuelle demande de changement dans le même domaine en vertu de l'article 43. La mesure que nous prenons maintenant en vertu de l'article 43 ne peut pas mettre en danger les droits des minorités linguistiques ou des autochtones, parce qu'on ne peut pas les changer par une procédure bilatérale. Enfin, cette affaire montre bien que la Constitution du Canada est un document


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actuel et souple qui répond à nos besoins et qui peut servir efficacement toutes les provinces et tous les Canadiens.

Là-dessus, je demande à la Chambre d'appuyer cette résolution visant la modernisation du réseau scolaire de Terre-Neuve et du Labrador, pour le bien des enfants de cette province.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, il me fait extrêmement plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur la motion déposée par le ministre de la Justice. Cette motion, en fin de compte, est une copie conforme des modifications souhaitées par la province de Terre-Neuve relativement à son système d'éducation, et plus précisément à l'article 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada.

Je pense que le ministre a fait un très bon exposé relativement aux préoccupations et aux conséquences des modifications, et surtout en ce qui concerne la sécurité que cette modification peut apporter à ce qui existe déjà dans cette province, entre autres, pour les minorités.

À titre de députés du Bloc québécois, d'opposition officielle en cette Chambre, et comme parti souverainiste, nous examinerons naturellement cette modification à la Constitution canadienne dans son ensemble. Justement, pour bien comprendre cette modification, il faut peut-être regarder un peu l'histoire, comment Terre-Neuve est entrée dans la Confédération et à quelles conditions elle y est entrée, et nous en arriverons à aujourd'hui, aux modifications, aux craintes et aux interrogations de la population de Terre-Neuve face à cela.

D'entrée de jeu, je n'apprendrai à personne que le Canada, la Confédération, existe depuis 1867. Au fil des ans, des provinces, des territoires se sont joints au Canada. En 1949, Terre-Neuve est entrée dans la Confédération. Comment et à quelles conditions?

Comment? C'est par référendum. Ce ne sont pas les Québécois qui ont inventé les référendums, cela existe depuis bien des années dans la Confédération canadienne. Donc, le 15 mars 1948, le gouvernement du Royaume-Uni adoptait la Loi mettant en place le processus référendaire. C'est un processus qui proposait, entre autres, trois questions et prévoyait la tenue d'un second référendum si aucune des propositions avancées par le gouvernement n'était retenue de façon majoritaire lors du premier référendum. Naturellement, étant donné qu'il y avait trois propositions, la proposition qui recevait le moins d'appui dans la population était enlevée.

Donc, il y a eu un référendum en 1948 sur une question extrêmement importante, à savoir: Est-ce que, oui ou non, Terre-Neuve va adopter un nouveau statut constitutionnel? Est-ce que, oui ou non, Terre-Neuve va entrer dans la Confédération canadienne?

Il faut remarquer que ni le fédéral, ni Ottawa, ni les autres provinces qui étaient déjà dans la Confédération canadienne ne sont intervenus pour choisir la date, rédiger la question, édicter les règles du jeu. Toutefois, le gouvernement fédéral, devant le libellé de la question, avait même des objections. Le gouvernement fédéral discutait même à cette époque-là du pourcentage qu'il fallait obtenir pour entrer dans la Confédération canadienne. Plus ça change, plus c'est pareil. On a les mêmes interrogations aujourd'hui pour une province qui veut en sortir.

Regardons l'histoire, regardons ce que l'histoire nous a apporté. Du côté du gouvernement britannique, parce que Terre-Neuve faisait partie du Royaume-Uni, immédiatement, on a reconnu qu'une majorité simple, soit 50 p. 100 plus un suffisait à Terre-Neuve pour entrer dans la Confédération canadienne. On verra qu'Ottawa a suivi, et à juste titre, la décision du Royaume-Uni.

(1035)

Donc, Terre-Neuve tient son premier référendum le 3 juin 1948. Il est important de connaître les trois propositions pour évaluer historiquement les conséquences de la modification que nous avons devant nous. Je rappellerai très brièvement ces petits éléments de l'histoire.

La formulation et l'ordre des questions énoncées dans la loi référendaire était le suivant: premièrement, on proposait à la population de Terre-Neuve un gouvernement de commission pour une période de cinq ans; deuxièmement, la Confédération avec le Canada; et troisièmement, un gouvernement responsable, tel qu'il existait en 1933.

Il y a eu des arguments de part et d'autre, naturellement. On fit le reproche que la formulation favorisait l'option de la commission. Les fédéraux n'étaient pas d'accord avec la formulation, ils étaient très réticents. Les gens d'Ottawa reprochaient l'omission de mentionner que la Grande-Bretagne était dans l'impossibilité de continuer à accorder une aide financière à Terre-Neuve. Le Haut-Commissariat du Canada qualifiait les termes de la question d'ambigus et d'équivoques. Il me semble que j'ai entendu cela récemment, pourtant, on est en 1948. Le haut-commissaire écrivait même: «La Confédération entrait dans la lutte fort désavantagée et que même si elle devait l'emporter avec la majorité des voix, il faudrait tout probablement réexaminer les bases de l'union.»

Tout cela pour dire que selon les gens d'Ottawa, la question posée à l'électorat le 3 juin 1948, n'était pas claire, était ambiguë, on ne connaissait pas les tenants et aboutissants du projet. On avait des réticences au sujet de ce processus.

D'un autre côté, il y avait de bonnes réactions. En général, les médias écrits disaient que oui, Terre-Neuve devrait se joindre au Canada à certaines conditions. L'Église aussi a joué un rôle extrêmement important, d'où l'importance aujourd'hui de regarder correctement les modifications. Et également, il y avait des critiques très dures à l'égard de la proposition d'entrer dans la Confédération canadienne.

Toujours est-il que le déroulement de la campagne, à Terre-Neuve, en juin 1948, a eu lieu de façon démocratique. Chaque partie a exposé son point de vue. Il n'est pas clair si Ottawa est intervenu directement ou pas dans le débat référendaire, en 1948, ni si Ottawa a investi de l'argent dans ce débat, en 1948. Mais chose certaine, par des ententes avec les Américains, à cette époque, cela a favorisé


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l'option du fédéral pour que les Terre-Neuviens décident finalement d'entrer dans la Confédération canadienne.

Quels sont les résultats du premier référendum? Pour le gouvernement responsable, 44,55 p. 100; pour la Confédération, pour que les gens de Terre-Neuve entrent dans la Confédération canadienne, 41,13 p. 100; pour le gouvernement de commission, 14,32 p. 100. Comme vous pouvez le constater, aucune des trois options n'a obtenu la majorité absolue, 50 p. 100 plus un, recommandée et retenue par le Royaume-Uni.

Il y a donc eu un second référendum en moins de 30 jours. Il a eu lieu le 22 juillet 1948. Le déroulement a été identique au premier, c'est-à-dire que chaque parti a exposé son programme, a a essayé de convaincre la population, a exposé les pour et les contres, les avantages et les désavantages, les raisons pour lesquelles on devrait se joindre à la Confédération, les raisons pour lesquelles on devrait choisir un gouvernement responsable, etc. Le résultat de ce nouveau référendum: Confédération, 52,34 p. 100; gouvernement responsable, 47,66 p. 100.

Ce qu'il est important de noter, aujourd'hui, et qui peut peut-être expliquer les craintes ou certaines choses par rapport aux Églises, par rapport à la religion, par rapport à la modification, à l'amendement de l'article 17, c'est que la population de la péninsule d'Avalon avait voté en faveur du gouvernement responsable à 67,18 p. 100. À l'époque, les gens d'Avalon, qui font aujourd'hui partie de Terre-Neuve, lors du référendum, avaient voté à 67,18 p. 100 pour un gouvernement responsable et non pour se joindre à la Confédération canadienne.

(1040)

Si on se replace au Québec, aujourd'hui, c'est à peu près l'île de Montréal qui vote non à un référendum et le reste du Québec qui vote oui à la souveraineté du Québec. Mais à cette époque, la péninsule d'Avalon a voté à 67,18 p. 100 pour un gouvernement responsable. On ne voulait pas entrer dans la Confédération canadienne.

Le découpage du vote, lorsqu'on l'a analysé, semble avoir été calqué sur les frontières confessionnelles. C'est pourquoi je dis qu'il est important d'analyser ce que nous avons devant nous aujourd'hui. Il faut noter que la péninsule d'Avalon était à majorité catholique romaine. L'archevêque de l'époque avait d'ailleurs pris position contre la fédération canadienne.

L'interprétation du résultat a été diverse, naturellement. La population de Terre-Neuve a décidé d'entrer dans la Confédération à 52,34 p. 100, et on a interprété cela de toutes les façons. On a même eu peur, à cause de la faible marge de majorité, qu'il y ait du désordre, que le désordre éclate à Terre-Neuve. Pourtant, ça n'a pas été le cas.

Des gens du gouvernement, des élus démocratiques avaient voté contre le projet de s'unir à la Confédération canadienne, mais ils se sont pliés aux désirs de la majorité, aux 52,34 p. 100 et, par la suite, ils ont travaillé à bâtir Terre-Neuve dans la Confédération canadienne. Ce que je veux dire, c'est que si à 52,34 p. 100 on peut entrer dans la Confédération canadienne, j'imagine qu'à 52,34 p. 100, en tout cas un minimum, on peut en sortir. Du moins, j'imagine.

De plus, la péninsule d'Avalon a rejeté la Confédération canadienne à 67,18 p. 100, et j'insiste sur ce fait. Est-ce qu'on a parlé de partition? Est-ce qu'on a parlé de résultat trop mince pour faire entrer Terre-Neuve dans la Confédération? Est-ce qu'on a parlé de démocratie à deux vitesses, de désordre public, d'instabilité ou même, est-ce qu'on a dit qu'il y avait, au Canada, deux sortes de référendums, qu'il y avait des valeurs différentes aux référendums? Eh bien non, on n'en a pas parlé.

Sans avoir vérifié, j'imagine qu'à cette époque, en 1948, le Canada, Ottawa, entre autres, avait un ministre des Affaires intergouvernementales très responsable, parce que ce sont des contestations qu'il n'a pas faites. Non, le ministre et le gouvernement étaient responsables, parce que la démocratie avait parlé. À 52,34 p. 100, la majorité avait fait connaître sa position.

Qu'est-ce que ce résultat a apporté? Des négociations entre le gouvernement de Terre-Neuve, d'une part, et le gouvernement d'Ottawa, d'autre part, pour négocier les ententes de l'union. Les négociations se sont déroulées d'octobre à décembre 1948, et ce, afin de finaliser les conditions de l'union, les conditions, entre autres, qui ont amené l'article 17 qui est à l'étude aujourd'hui par une motion du gouvernement, motion qui calque en tous points la position du gouvernement de Terre-Neuve pour modifier le système d'éducation scolaire de cette province.

Tout le monde sait que c'est le 31 mars 1949 que Terre-Neuve est entrée dans la Confédération canadienne. Mais lorsque Terre-Neuve est entrée dans la Confédération, en 1949, l'article portant sur l'enseignement, dans les Conditions de l'union, lequel article fait partie de la Constitution du Canada, précisait que la législature de Terre-Neuve n'aurait pas le pouvoir d'adopter des lois portant atteinte aux droits ou privilèges des écoles confessionnelles comme elles existaient en 1949.

De 1949 à aujourd'hui, bien des choses se sont passées, bien des choses ont changé. Par souci d'économie, par modernisation du système scolaire ou autrement, la population de Terre-Neuve a décidé, dans un référendum, de donner le mandat au gouvernement de modifier la Constitution, de modifier l'article 17 inclus dans la Constitution canadienne.

(1045)

Encore là, l'histoire se répète. Il y a eu un référendum, le 5 septembre 1995, à Terre-Neuve. En étudiant le dossier, j'ai réalisé que Terre-Neuve et le Québec avaient certaines similitudes parce qu'on procédait régulièrement, pour faire avancer le peuple, par des référendums, pour avoir le pouls de la population sur des éléments extrêmement importants. Et je pense que l'éducation est un élément extrêmement important, lorsqu'on sait que c'est sur la base de l'éducation, de la formation des jeunes dans la société, dans un peuple, qu'on fait justement avancer ce peuple et ce pays. Je pense que les modifications proposées par Terre-Neuve sont bonnes, ce ne sont pas de petites modifications comme on le dit dans les journaux, ce sont des modifications extrêmement importantes, parce qu'elles engagent toutes les générations futures de Terre-Neuve. Je pense qu'il faut souligner cela.


3249

Mais le 5 septembre 1995, on présente à la population de Terre-Neuve une question référendaire, une question choisie par le gouvernement de Terre-Neuve, rédigée par le gouvernement de Terre-Neuve demandant à la population si elle appuyait la révision de l'article 17 dans le but de réformer le système d'éducation.

Seulement 52 p. 100 des électeurs de Terre-Neuve se sont prononcés lors de ce référendum, ce qui signifie qu'environ la moitié de la population s'est présentée aux urnes pour décider de cet avenir. Soit, c'est la démocratie, on ne peut rien y faire.

Sur les 52 p. 100 des électeurs inscrits, ce qui représente à peu près 201 710 électeurs, 54 p. 100 de ceux-là ont voté en faveur de la réforme, ont voté oui pour donner mandat au gouvernement de réformer le système d'éducation, contre, naturellement, aux alentours de 45 p. 100 qui ont dit non. Afin de donner le mandat au gouvernement de Terre-Neuve de présenter des amendements constitutionnels, que nous étudions aujourd'hui, une majorité de 19 941 voix s'est prononcée en faveur. C'est mince comme majorité, mais c'est la démocratie qui s'est prononcée. Arrondissons les 19 941 voix à 20 000. À 20 000 de majorité, la démocratie a donné mandat au gouvernement de Terre-Neuve de procéder aux amendements, de procéder à une refonte du système.

La question qui fut adoptée par l'assemblée législative de Terre-Neuve était légitime. C'étaient des députés légitimement élus qui avaient décidé de la question. Même ceux qui disaient que le libellé n'était pas correct, qu'il favorisait le oui, et même si des gens ont contesté la question référendaire, ils ont participé à ce référendum pour faire triompher leur propre position. Et dans le cas que nous avons devant nous, 54 p. 100 des gens de Terre-Neuve ont dit oui.

Il y a eu une campagne d'information, il y a eu un référendum tenu en bonne et due forme, selon les règles de l'art. C'était un résultat démocratique.

Je lisais dans les journaux que certains trouvaient bizarre que l'opposition, que le Bloc québécois soit d'accord avec la démarche du premier ministre de Terre-Neuve, M. Brian Tobin. À titre d'opposition officielle responsable en cette Chambre, nous prenons acte du résultat, et nous donnerons suite au voeu de la population de Terre-Neuve en appuyant sa demande. On n'appuie pas la motion du ministre de la Justice ou du gouvernement d'en face, on appuie la motion présentée par le ministre de la Justice qui se fait un peu le porte-parole de la population de Terre-Neuve sur une décision en faveur de laquelle elle s'est prononcée démocratiquement.

Oui, on appuie la motion présentée à la Chambre parce qu'elle correspond au voeu de la population de Terre-Neuve. On ne fait qu'agir en opposition, en députés responsables.

Nous aurions aimé obtenir des garanties mur à mur, entre autres, pour les minorités francophones, car nous avons toujours défendu les francophones hors Québec, nous avons toujours défendu ces droits-là. On aurait voulu que le gouvernement de Terre-Neuve nous donne des garanties mur à mur.

(1050)

On ne les a pas eues, mais on a obtenu une certaine assurance que les droits qu'ils avaient aujourd'hui, suite aux modifications proposées à l'article 17, modifications que Terre-Neuve propose, ces mêmes minorités les conserveraient par la suite.

On a fait l'analyse, on a regardé très scrupuleusement tous les tenants et aboutissants de l'amendement. On se rend compte, comme le ministre de la Justice l'a fait tout à l'heure, qu'effectivement, l'amendement proposé, l'amendement avec lequel nous sommes d'accord, n'enlève rien aux minorités. Il est sûr qu'on aurait voulu en avoir davantage, avoir des écrits. Des choses qui n'existent pas aujourd'hui, on aurait voulu qu'elles existent relativement à l'amendement. Il est sûr qu'on aurait pu en profiter.

Le ministre de l'Éducation de Terre-Neuve, que j'ai rencontré mercredi dernier, m'a donné une assurance, m'a parlé du financement et de la gestion des écoles francophones par les francophones. J'ai confiance en sa parole. Je pense que nous avons fait le maximum. Nous avons défendu les droits des francophones dans ce dossier, naturellement dans les limites de nos juridictions. Il ne faut pas perdre de vue qu'on est au fédéral, ici. Il ne faut pas perdre de vue que nous, du Bloc québécois, sommes respectueux de ces juridictions.

Malheureusement, dans les journaux, dans les coulisses du Parlement, dans l'autre Chambre également, celle des sénateurs, il s'est dit des choses et fait des commentaires avec lesquels nous ne sommes pas d'accord. Je pense qu'il faut mettre les pendules à l'heure. Certains ont dit que les droits des minorités étaient sacrés, qu'ils doivent être protégés lorsqu'ils sont menacés par la majorité. Or, ces personnes affirment que les droits des minorités religieuses sont remis en question par les mesures proposées pour amender la Constitution canadienne.

Certaines personnes que j'ai entendues, que j'ai lues dans les journaux, disent que l'amendement que nous avons devant nous aujourd'hui met en veilleuse, ou plutôt menace les droits des minorités religieuses. Selon leur logique, il faut voter contre ce processus, celui que nous avons devant nous, tuer dans l'oeuf ce dangereux précédent puisque, si on laisse faire, on va s'attaquer aux autres minorités religieuses et linguistiques par la tenue de référendums dans d'autres provinces sur des sujets différents.

Lorsqu'on analyse ce raisonnement, on se rend compte immédiatement que cela ne se tient pas. Ce sont des affirmations gratuites. Les modifications prévues dans le système de l'éducation de Terre-Neuve, aussi majeures soient-elles, aussi importantes, comme je le disais tout à l'heure, ne représentent pas une menace pour les droits fondamentaux des minorités religieuses, pas plus que pour les minorités linguistiques.

En fait, il ne s'agit aucunement d'interdire l'enseignement confessionnel, mais bien de ne plus imposer à une majorité qui n'y tient plus un système d'éducation. J'invite donc les ultraconservateurs et les spécialistes de la désinformation à faire preuve d'un minimum d'honnêteté intellectuelle.

De la même façon, j'invite-bien que je sois d'accord avec le geste qu'il pose-le premier ministre de Terre-Neuve à en faire autant, parce que ce que j'ai lu dans les journaux quant à la rencon-

3250

tre qu'il avait eu avec le chef de l'opposition officielle, et avec moi-même parce que j'étais présent à cette rencontre, je pense que cela ne reflétait pas à 100 p. 100 la discussion que nous avions eue.

Je pense que «M. Canada» devrait mettre son costume de chevalier servant de la Constitution canadienne dans le placard lorsqu'il rencontre l'opposition officielle. Je pense, pour informer la population en général, qu'il devrait mettre de côté les options politiques, nos options politiques, et parler correctement et clairement de ce qui s'est dit lors de ces rencontres, parce qu'il a mis des mots dans la bouche du chef de l'opposition que jamais le chef bloquiste n'a prononcés.

(1055)

Lors de cette rencontre, il y avait naturellement le premier ministre de Terre-Neuve, mais il y avait également le chef de l'opposition de Terre-Neuve et le chef du troisième parti de Terre-Neuve, parti reconnu et officiel. Soit dit en passant, je veux signaler à la Présidence que lorsque le peuple se prononce, tout le monde se met derrière le vainqueur pour faire avancer la démocratie, faire avancer la population.

Le chef de l'opposition et le chef du troisième parti, lorsque le tout est venu devant l'assemblée législative de Terre-Neuve, étaient contre l'amendement à l'article 17 et, le 29, les trois hommes étaient ensemble, côte à côte, pour défendre le voeu de la démocratie.

C'est précisément ce qui se produira au Québec. Certains en doutent peut-être, mais au lendemain d'un oui à la souveraineté du Québec, on verra les chefs de tous les grands partis se rallier à la décision du peuple québécois pour faire avancer le peuple.

Lors de cette rencontre, ce qu'il est important de retenir, c'est qu'il a été question de deux choses. La première est la reconnaissance du processus démocratique entrepris par Terre-Neuve et la deuxième, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est la protection de la minorité francophone.

Comme je le disais, le peuple s'est prononcé clairement. Même si on voudrait remettre en question, devant les tribunaux, la décision du peuple de Terre-Neuve relativement à cette modification constitutionnelle, ou devant un gouvernement provincial qui s'y opposerait ou même devant la Constitution, rien ne tiendrait. La population a décidé d'aller de l'avant avec cette modification.

Pour vous démontrer à quel point la démocratie est importante, c'est qu'au sein même du gouvernement libéral, un député du nom de Walter Carter, un député libéral, dénonçait la complexité du libellé de la question référendaire. Même l'opposition, comme je le disais tout à l'heure, était contre la question, contre le projet d'amendement. L'Église de Terre-Neuve avait des gros doutes sur la formulation de la question qui encourageait, selon elle, le camp du oui. Même le taux de participation a été peu élevé, et on pourrait peut-être se poser des questions.

Mais la question a été décidée par des députés démocratiquement élus. Tout le monde a pu se faire entendre. C'était un projet légitime et nous devons donc, nous, députés de la Chambre des communes, en prendre acte. Point final. La population de Terre-Neuve a parlé, que l'on soit en faveur de la confessionnalité des écoles ou non, que l'on soit en faveur des écoles pluriconfessionnelles ou non, le verdict de la population est connu. Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le Président? J'ai encore des choses à dire.

Le Président: Mon cher collègue, il faut croire que oui, vous en avez des choses à dire, et vous aurez l'occasion de poursuivre après la période des questions orales.

Comme il est 11 heures, nous allons procéder aux déclarations de députés.

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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA JOURNÉE NATIONALE DES TRANSPORTS

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir d'annoncer que c'est aujourd'hui la Journée nationale des transports et que la semaine prochaine sera la Semaine nationale des transports.

Des célébrations auront lieu à Vancouver aujourd'hui et dans toutes les principales villes la semaine prochaine, Ces trois dernières années, le gouvernement a fait beaucoup d'efforts afin de moderniser le système de transport. Il a réduit les subventions, commercialisé les services et actualisé la politique et les règlements en matière de transport. Cependant, nous ne pouvons pas tout faire à partir d'Ottawa.

Le système de transport canadien est en réalité un réseau de systèmes qui s'imbriquent. Nous avons besoin de la participation active de tous les Canadiens. Les transports occupent quotidiennement une place importante dans les centres urbains. Plus de 145 000 Canadiens empruntent le bus, le train ou l'avion pour se déplacer d'une ville à une autre. Chaque jour, près de 2,3 millions de tonnes de marchandises sont acheminées vers les marchés par train, par camion ou par bateau.

C'est pourquoi le thème de la Semaine nationale des transports pour 1996 est «Le lien urbain». Je suis heureux à cette occasion de rendre hommage à tous ceux, hommes et femmes, qui planifient, construisent, exploitent et utilisent nos systèmes de transport, qui veillent à ce que le commerce et le tourisme puissent compter sur des moyens de transport sûrs et fiables.

* * *

[Français]

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT
DES RESSOURCES HUMAINES

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, les propos tenus en cette Chambre par le ministre du Développement des ressources humaines, endossés par le premier ministre, viennent encore une fois faire preuve du mépris que ces deux personnages manifestent à l'endroit de ceux qui ne partagent pas leur opinion.

Plusieurs Néo-Québécois qui ont voté oui au dernier référendum viennent de pays où la liberté d'expression n'existait plus. Et en choisissant le Canada comme terre d'accueil, ils espéraient retrouver ce qu'ils avaient perdu, sans pour autant devoir renoncer à leur jugement politique.


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Les députés de Bourassa et de Blainville-Deux-Montagnes, en s'intégrant à la société québécoise, ont pris conscience du carcan fédéraliste et ont épousé la cause des souverainistes. Ils doivent être félicités. Ils sont la preuve que le nationalisme québécois n'est pas l'apanage exclusif des Québécoises et Québécois de souche.

* * *

[Traduction]

L'EMPLOI

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines a fait remarquer cette semaine qu'il ne comprenait pas pourquoi le taux de chômage continuait d'être aussi élevé au Canada, un problème auquel font face la plupart des pays d'Europe.

Ce que le ministre n'a pas dit , c'est que, aux États-Unis, le taux de chômage est très faible. Il n'a pas parlé non plus des études de l'OCDE, selon lesquelles les généreux programmes d'aide sociale sont la principale cause du taux de chômage élevé qui persiste en Europe et au Canada. J'aurais bien aimé que le ministre mentionne ces faits.

Nous avons besoin au Canada d'établir un dialogue sur le choix entre le chômage et la générosité des programmes sociaux. Il est possible que nous voulions maintenir le système actuel intact. Cependant, nous devrions dans ce cas bien comprendre les choix que ça comporte.

* * *

HASTINGS-FRONTENAC-LENNOX
AND ADDINGTON

M. Larry McCormick (Hastings-Frontenac-Lennox and Addington, Lib.): Monsieur le Président, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée d'inviter mes collègues à visiter les trois comtés de Hastings-Frontenac-Lennox and Addington cet été.

Ils y seront accueillis par des gens chaleureux, dans un décor accidenté mais d'une beauté sereine et dans le charme des villages ruraux et ils pourront partir à l'aventure, à la recherche des villes fantômes et des ruines de moulins qui jonchent la région.

Depuis le Loyalist Parkway, le long du lac Ontario, au sud, jusqu'au parc Algonquin, au nord, en passant par des sites historiques comme Bedford Mills, toutes les régions de HFL&A invitent les visiteurs. Venez à la pêche au doré dans le Saint-Laurent, le lac Ontario et la baie de Quinte, capitale du doré au Canada.

Les géologues amateurs trouveront plus de minéraux dans la région de Bancroft que n'importe où ailleurs et notamment la sodalite bleue Princess. Le comté de Mazinaw offre plus de pictogrammes sur une seule facette de rocher que tout autre site en Amérique du Nord. HFL&A est aussi un refuge pour de nombreux artistes, potiers et ébénistes qui accueillent les visiteurs dans leurs ateliers.

Le camping sauvage, les auberges pour gourmets, les randonnées en canoë, les excursions à pied ou la recherche d'artefacts, les députés trouveront tout cela dans HFL&A. Mes voisins et moi-même les invitons à venir passer leurs vacances d'été chez nous.

* * *

[Français]

LES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, il y a quelque temps, le gouvernement a annoncé son intention de se retirer du domaine de la formation de la main-d'oeuvre et d'effectuer le transfert de celle-ci aux provinces.

À l'heure actuelle, plusieurs communautés francophones ont accès aux programmes de formation en français. Cette formation est un droit et est essentielle à l'épanouissement de la langue et de la communauté. Je crois qu'il est primordial que le gouvernement respecte l'obligation de la Loi sur les langues officielles lorsqu'il entre en négociations avec toutes les provinces.

Nous avons une responsabilité auprès de ces communautés, non seulement de sauvegarder les services de formation dans la langue de la minorité, mais, quand nécessaire, de les améliorer. Je suis heureux de constater qu'il y a eu un tel engagement de la part du gouvernement.

* * *

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT
DES RESSOURCES HUMAINES

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, on ne doit pas hésiter à condamner les propos xénophobes du ministre du Développement des ressources humaines à l'endroit de mon collègue de Bourassa. Les propos du ministre sont empreints d'un profond sentiment inqualifiable qui prône l'intolérance et engendre l'agressivité envers la population qui n'est pas de souche canadienne pure laine.

À cet égard, le député de Bourassa est un citoyen modèle qui a à coeur de participer, à sa mesure, à la vie de sa collectivité d'accueil. Alors, n'en déplaise au ministre qui ne partage pas ses idéaux politiques, il est indécent, voire même honteux pour un honorable ministre de tenir de tels propos.

Le moins que l'on puisse faire, dans un pareil cas, c'est d'abord de s'excuser publiquement, puis, sans tarder, abdiquer et remettre sa démission.

* * *

[Traduction]

LE PARTI LIBÉRAL

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement libéral a présenté un livre rouge rempli de promesses, mais il n'a pas respecté ses engagements à propos de l'abolition de la TPS, la renégociation de l'ALENA, la réforme de la pension de


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retraite des parlementaires et l'octroi d'un financement pluriannuel stable à la SRC.

(1105)

Dans le discours du Trône, les libéraux ont promis de réduire les chevauchements et les dédoublements fédéraux-provinciaux et malgré cela, ils conservent jalousement le contrôle et interviennent dans des domaines qui seraient mieux gérés par les provinces.

Les travailleurs du port de Vancouver doivent supporter le poids de l'inertie fédérale. La province leur assure une formation en matière de sécurité car elle a adopté des normes et des règlements modernes, mais ceux-ci ne peuvent être mis en oeuvre parce que les travailleurs sont encore assujettis aux lois fédérales, déjà vieilles de dix ans, en matière de santé et de sécurité. Les négociateurs syndicaux étaient si inquiets au sujet de la sécurité des membres qu'ils ont obtenu le droit de faire traiter les employés blessés par les secouristes professionnels provinciaux.

Le gouvernement devrait saisir cette occasion de pratiquer le véritable fédéralisme flexible et d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs canadiens. Il a l'occasion d'honorer au moins un de ses engagements.

* * *

L'EMPLOI CHEZ LES JEUNES

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, depuis le début du mois, de nombreux députés et leur personnel sillonnent le pays pour parler aux jeunes Canadiens de leurs besoins et de leurs espoirs en matière d'emploi. Les renseignements recueillis seront consignés dans un rapport qui sera remis au groupe de travail ministériel sur les jeunes et serviront à élaborer une stratégie nationale sur la jeunesse qui sera rendue publique cet automne.

Dans Cumberland-Colchester, mon personnel a rencontré des élèves de nombreuses écoles de la circonscription pour se faire une idée de ce qu'on peut et de ce qu'on doit faire pour remédier au problème du chômage chez les jeunes de la région atlantique. Tant mon personnel que moi-même avons été favorablement impressionnés par l'intelligence et la profondeur des idées qu'ils ont avancées.

J'espère que le groupe de travail ministériel prendra au sérieux les suggestions de ces esprits jeunes et brillants et qu'il y donnera suite. Les jeunes doivent être notre priorité. Ils sont l'avenir du pays et leurs opinions doivent avoir du poids auprès des décisionnaires politiques.

* * *

TONYA SCHWEIGERT

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, le rythme trépidant du monde moderne nous fait facilement perdre de vue l'essentiel. Toutefois, les choses reprennent vite leur valeur réelle lorsque l'on considère les défis qu'a dû surmonter une jeune fille très spéciale, Tonya Schweigert, qui vit dans ma circonscription.

Le 2 juillet 1993, tout juste quatre jours avant son 16e anniversaire, Tonya était victime d'un accident de voiture qui a failli lui coûter la vie. Souffrant d'un grave traumatisme crânien, elle a été transportée d'urgence à l'hôpital des enfants de London. Plus tard, des complications ont mis sa vie en danger à plusieurs reprises. Toutefois, grâce à une motivation et à une détermination extraordinaires, Tonya est sortie de l'hôpital quatre mois seulement après l'accident.

Bien que n'ayant pas encore entièrement retrouvé sons sens de l'équilibre et sa coordination, Tonya monte à cheval et fait du patinage artistique avec grand succès.

À l'heure actuelle, Tonya travaille en collaboration avec 11 autres jeunes Canadiens très spéciaux qui ont surmonté l'adversité. De concert avec le Children's Miracle Network, ils participent à une campagne de levée de fonds en faveur des enfants au Canada et aux États-Unis.

Je rends hommage à ces jeunes Canadiens qui, à force de volonté, ont réussi à reprendre le dessus, envers et contre tout. Ce sont des modèles de comportement pour nous tous.

* * *

LES EMPLOIS POUR LES JEUNES

Mme Jean Payne (St. John's-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, former nos jeunes pour qu'ils réussissent dans l'économie concurrentielle du XXIe siècle est l'investissement le plus important que le Canada puisse effectuer dans son avenir. Au cours du mois écoulé, conjointement avec le groupe de travail ministériel sur les jeunes, j'ai tenu des tables rondes à Trepassey, Mobile, Mount Pearl et St. John's afin de traiter des obstacles auxquels les jeunes sont confrontés au moment où ils passent de l'école au marché du travail.

Les jeunes sont souvent handicapés par un programme d'études désuet ainsi qu'un manque d'expérience professionnelle. Ils sont désavantagés par un système qui suscite le manque de confiance en eux-mêmes et dans leurs aptitudes. Les jeunes ont l'énergie, le dynamisme et le potentiel que recherchent tous les employeurs. Tout ce dont ils ont besoin, c'est qu'on leur donne une occasion de prouver ce dont ils sont capables. Quand cette occasion leur est offerte, les jeunes ne tardent pas à appliquer leurs connaissances au monde du travail.

Le gouvernement, les éducateurs et les dirigeants d'entreprise ont tous un rôle à jouer dans l'éducation de nos jeunes. Si chaque secteur fait sa part, le Canada profitera au maximum de l'investissement qu'il consent à faire dans les jeunes. Le gouvernement doit créer les conditions qui permettront aux éducateurs et aux dirigeants d'entreprise de faire le reste.

* * *

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, une fois de plus, notre gouvernement a prouvé qu'il sait ternir ses promesses.

Hier, en cette Chambre, le ministre du Développement des ressources humaines a rendu publique la proposition que notre gouvernement a fait parvenir aux provinces dans le dossier de la formation de la main-d'oeuvre.


3253

Le plan dévoilé permet de répondre aux attentes légitimes longtemps exprimées par les provinces et par le Québec en particulier. Les provinces auront désormais la responsabilité des mesures actives d'emploi et elles recevront environ 2 milliards de dollars de notre gouvernement pour aider les sans-emploi à réintégrer le marché du travail.

(1110)

Notre premier ministre a, une fois de plus, rempli ses promesses, et bientôt, notre gouvernement se retirera du secteur de la formation de la main-d'oeuvre. Voilà une preuve éloquente de notre détermination à travailler en partenariat avec les provinces.

* * *

L'INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, cette semaine, le Québec célèbre la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées. Quelle belle occasion, pour la population québécoise, de s'informer, de se sensibiliser aux multiples obstacles auxquels doivent faire face ces personnes en matière d'intégration, qu'elle soit sociale ou en milieu de travail.

Il est heureux que le Québec et quelques autres provinces aient pris l'initiative de souligner la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées, puisque le gouvernement fédéral a carrément abandonné ces personnes depuis la fin de sa stratégie nationale, le 1er avril dernier. En effet, depuis leur accession au pouvoir, les libéraux ont réussi à abolir le secrétariat d'État aux personnes handicapées, ils ont restreint l'accès au crédit d'impôt pour ces personnes et ils ont coupé les fonds aux organismes de promotion.

Ce gouvernement démontre un mépris, une arrogance sans précédent envers les personnes handicapées qui ne demandent pourtant rien de plus que d'être considérées et traitées comme des citoyens à part entière.

* * *

[Traduction]

LA CRIMINALITÉ

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement libéral voudrait bien faire croire aux Canadiens que la criminalité est à la baisse. Ma réponse se résume en un mot: foutaises.

Les crimes et les infractions de violence commis contre les Canadiens ont augmenté à un rythme effarant au cours des 30 dernières années. En 1962, on enregistrait 221 crimes de violence par 100 000 habitants au Canada. Des statistiques récentes montrent que le taux des crimes de violence est maintenant de 1 000 incidents par 100 000 habitants. De même, le taux des crimes contre la propriété est trois fois supérieur à ce qu'il était en 1962.

De façon générale, la probabilité que le Canadien moyen soit victime d'un crime au moins une fois dans sa vie est de 99,9 p. 100. Qu'on ne vienne pas nous parler de la baisse de la criminalité.

La seule chose qui soit à la baisse, c'est la crédibilité d'un gouvernement qui se vante d'avoir rendu nos rues sûres, alors qu'il n'en est rien, bien au contraire. Les électeurs canadiens ne sont pas dupes. Le gouvernement libéral attentiste fait preuve d'une indulgence excessive envers la criminalité, et les Canadiens en sont bien conscients. Méfiez-vous, les libéraux. . .

Le Président: La députée de St. John's-Est a la parole.

* * *

PÊCHES ET OCÉANS

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, pour beaucoup de députés et leurs électeurs, les services de la garde côtière et de Pêches et Océans représentent une partie importante de la vie communautaire.

Cela n'est guère étonnant si l'on considère que 88 p. 100 de la main-d'oeuvre est établie dans les régions, notamment la mienne. Je souligne les efforts du ministre des Pêches et des Océans pour opérer un changement dans ce secteur.

Avec la fusion des services de la garde côtière et de Pêches et Océans, le ministre pilote l'intégration des flottes de ces deux entités. Axée sur les tâches multiples, cette fusion permet à chaque navire d'exercer plusieurs fonctions, dont la recherche scientifique, l'application des droits, les mesures de surveillance de la pêche et la recherche et le sauvetage, comme le récent sauvetage audacieux de l'Amphion.

Fruit d'une longue collaboration, cette fusion entraînera une rationalisation des services, l'élimination du double emploi et une réduction des frais généraux. Ainsi, des économies considérables seront réalisées et l'argent des contribuables sera utilisé à meilleur escient.

J'exhorte le ministre à s'assurer que les intéressés participent au processus décisionnel et poursuivent dans cette voie prometteuse.

* * *

L'UNITÉ NATIONALE

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, trop, c'est trop. Il est devenu évident que le premier ministre et son gouvernement n'ont absolument aucun plan pour s'attaquer à la question de l'unité nationale. Le premier ministre n'a ni plan A ni plan B. Au prochain référendum, le gouvernement sera encore une fois pris au dépourvu.

Voici un plan à l'intention du premier ministre. J'ai présenté un projet de loi d'initiative privée qui expose les cinq critères du droit international auxquels une région doit répondre pour pouvoir faire sécession. Ce sont: un, une question claire, deux, l'adoption de la question par une majorité composée des deux tiers de la population, trois, l'unité sécessionniste représente un peuple qui répond aux normes internationales, quatre, ce peuple doit montrer que ses droits et ses libertés ont été brimés et, cinq, il doit prouver qu'il peut créer un État.

Le premier ministre doit également dissiper les mythes entre les fédéralistes et les séparatistes. Il doit amener tous les députés de la Chambre à collaborer pour promouvoir la tolérance et la compré-

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hension. S'il ne le fait pas, le pays sera fractionné, ce qui compromettra la santé et le bien-être de tous les Canadiens.

Le Président: Chers collègues, bien sûr, les figures de style sont toujours appréciées à la Chambre. Néanmoins, j'invite tous les députés à bien réfléchir avant d'utiliser des expressions comme celle que vient d'utiliser le député de Esquimalt-Juan de Fuca.

* * *

(1115)

L'UNITÉ NATIONALE

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, il est souvent question ces jours-ci des efforts que chaque Canadien peut déployer pour favoriser l'unité canadienne.

Dans la circonscription de Nanaïmo-Cowichan que je représente, une personne fait énormément, par ses livres et ses émissions de radio, pour faire connaître des Canadiens dont les réalisations nous rendent fiers du pays que nous habitons, notre Canada.

En fait, Dick Drew a écrit un livre intitulé The Canadian Achievers, afin de mettre en valeur les contributions exceptionnelles de Canadiens partout au pays. Son livre qui est un succès de librairie et l'émission de radio qu'il anime décrivent les réalisations de personnalités canadiennes, renommées ou non, et centrent ainsi l'attention sur la source même de l'unité canadienne, c'est-à-dire sur nos concitoyens.

Ceux qui cherchent une source de rayonnement de l'esprit et de la motivation de Canadiens considéreront certainement que l'émission radiophonique et le livre de Dick Drew sur de grands Canadiens sont une excellente contribution à l'unité canadienne.

______________________________________________


3254

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, en 1986, les gouvernements du Québec et du Canada ont signé une entente-cadre en matière de formation professionnelle d'une durée de trois ans. Depuis la fin de cette entente, les négociations n'ont pas permis de la renouveler, et les 130 millions de dollars versés au Québec en vertu de cet accord n'ont jamais été indexés. Cela dure depuis sept ans.

Ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. La présente offre du gouvernement fédéral qui couvre, elle aussi, une durée limitée à trois ans ne présente-t-elle pas un danger identique, puisque Ottawa contrôle toujours la Caisse de l'assurance-emploi?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, en vertu de l'offre qui a été faite à toutes les provinces et territoires du Canada, on veut

s'assurer qu'il y ait un élément de certitude, si jamais on pouvait aboutir, ce que j'espère d'ailleurs, à une entente quelconque, que ce soit pour une durée minimum de trois ans. On veut s'assurer d'avoir au moins trois ans. Ce n'est pas le maximum et ce n'est pas une durée de trois ans.

On espère ainsi pouvoir démontrer notre bonne foi, notre volonté à trouver une nouvelle façon de faire les choses en assurant aux provinces et aux territoires que les ententes qu'on pourrait conclure seraient d'au moins trois ans. Il ne s'agit pas seulement d'une question de révision, c'est qu'aussi longtemps qu'on s'entend par la suite, après les trois ans complétés, on devrait être capables de poursuivre ces ententes pour des périodes indéterminées.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il y aurait intérêt à mettre un certain nombre de balises, comme dans le cas de l'entente sur l'immigration, parce que celle dont je parlais a eu des résultats qui n'ont pas été des plus heureux.

Depuis maintenant dix ans également, le gouvernement fédéral verse chaque année 130 millions de dollars au Québec à même son Fonds consolidé. Or, le ministre a admis hier que son gouvernement se retirerait du domaine de la main-d'oeuvre d'ici à trois ans, et ce, sans compensation.

Est-ce que le gouvernement fédéral continuera d'investir dans ce secteur les sommes qu'il versait antérieurement aux provinces, comme les 130 millions que recevait et que reçoit le Québec en vertu de l'accord de 1989? Et dans ce cas, n'est-ce pas là la preuve qu'il continuera d'intervenir dans ce secteur, alors qu'il dit vouloir s'en retirer?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, même si-et je ne veux pas dire qu'on n'arrivera pas à conclure des ententes-mais si, par hasard, il arrivait qu'il n'y ait pas d'entente, nous nous sommes déjà engagés à nous retirer du champ de la formation de la main-d'ouvre. Dans ce contexte, on avait pris cette décision il y a déjà plusieurs mois. Au chapitre des dépenses et des crédits budgétaires identifiés pour pouvoir payer la formation, nous avions l'intention et nous continuons d'être engagés à nous retirer complètement de la formation de la main-d'oeuvre.

Cela signifie que les budgets seront réduits à zéro. Nous ne nous ingérerons pas dans ce secteur de nouveau; nous n'avons nullement l'intention de le faire.

Cependant, pour ce qui est des ententes qu'on espère négocier, il n'y a pas de doute qu'en ce qui a trait aux mesures actives, si les provinces le désirent, ce qui sera leur propre choix, elles pourront sans doute faire des choses dans le secteur de la formation professionnelle qui, pour elles, seront considérées comme étant légitimes et utiles.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il y aurait un certain nombre de précisions à apporter à ce sujet, parce qu'on nous dit que le gouvernement fédéral s'achemine vers l'élimination de ces sommes accordées aux provinces. On parle de zéro d'ici à trois ans. Donc les sommes ne disparaissent pas pour


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autant. Elles ne sont plus versées aux provinces, mais cet argent demeure.

Sur la plan du gouvernement fédéral, la question est de savoir ce qu'il a l'intention de faire avec cet argent. Cela me semble être une bonne question sur laquelle on reviendra sûrement, car j'aimerais obtenir une réponse à un moment donné.

(1120)

Dans un autre ordre d'idées, mais toujours sur le même sujet, le ministre des Finances annonçait dans son récent budget qu'il dégageait une somme de 315 millions de dollars sur trois ans pour les jeunes du Québec et du Canada, afin de faciliter leur insertion sur le marché du travail.

Est-ce que le ministre du Développement des ressources humaines peut nous indiquer pourquoi ce programme vital ne fait pas partie de la proposition faite aux provinces, puisque, de toute évidence, il s'agit d'un programme de main-d'oeuvre? Ce qui est encore plus important, on parle non seulement de la main-d'oeuvre d'aujourd'hui, mais de la main-d'oeuvre de l'avenir, de la main-d'oeuvre de demain.

Pourquoi ne pas intégrer dans l'offre faite aux provinces ce projet annoncé par le ministre des Finances, il y a quelques semaines?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, évidemment, c'est un dossier très complexe, toute cette question de la formation et des mesures actives.

L'honorable député a raison, il y a d'autres ministères, en plus du mien, qui ont des responsabilités dans ces secteurs où on a été présents pendant assez longtemps. Je veux assurer mon honorable collègue, et surtout les gouvernements avec lesquels nous allons négocier, que nous avons la volonté de nous assurer que les mesures actives seront livrées par les provinces, taillées sur mesure à leurs besoins.

En ce qui a trait à notre retrait de la main-d'oeuvre, l'honorable député fait allusion au fait que si on ne dépense pas l'argent pour la formation, il va rester quelque part. Ce n'est pas le cas, parce que comme vous le savez, même après les efforts considérables du ministre des Finances, nous avons toujours un déficit au Canada.

Ce n'est pas comme s'il y avait de l'argent qui restait. Lorsqu'on diminue les budgets ou qu'on se retire d'un secteur quelconque, les montants d'argent qui ne sont pas dépensés sont reflétés dans tout le plan fiscal du gouvernement et c'est dans ce contexte qu'on s'était déjà engagés à diminuer nos dépenses, année après année. D'ailleurs, c'est déjà fait depuis un certain temps, de telle sorte que lorsqu'on aura terminé notre participation dans la formation de la main-d'oeuvre, les budgets aussi seront totalement épuisés.

* * *

LA JUSTICE

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Hier, dans une réponse en Chambre, le ministre a refusé de dire s'il allait rendre public le rapport d'enquête demandé par son

ministère sur le cas d'ingérence du sous-procureur général auprès du juge en chef de la Cour fédérale. Le ministre s'est engagé à rendre publiques seulement les actions qu'il va entreprendre suite à l'enquête.

Pourquoi le ministre refuse-t-il de rendre public le rapport complet de l'enquête de l'honorable Dubin sur un cas aussi grave d'ingérence indue dans le système judiciaire?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je regrette que ma position n'ait pas été énoncée clairement hier. J'ai l'intention, en réponse à la question posée par l'honorable députée, de produire le rapport de M. Dubin quand il sera disponible.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, une faute aussi grave d'un haut-fonctionnaire exige une action rapide du gouvernement.

Le ministre peut-il s'engager à déposer, d'ici la fin de la présente session, et non durant l'été en l'absence de tout le monde, le rapport d'enquête demandé par son ministère?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une seule raison d'hésiter à prendre cet engagement. Je vais déposer la lettre deM. Dubin ou son rapport, selon ce qu'il produira. La Chambre doit prendre connaissance de ce texte. Lui-même a exprimé des craintes, hésitant à agir tant que n'aura pas été tranchée la question dont le juge Cullen est saisi.

M. le juge Cullen, de la Cour fédérale, est saisi d'une motion tendant à suspendre les trois causes de révocation. M. Dubin craint qu'il ne soit pas acceptable de rendre publiques ses conclusions et ses recommandations avant que le juge Cullen n'ait pris sa décision.

Il est certain que je vais communiquer l'avis de M. Dubin à la Chambre. Cependant, si j'hésite à dire que je le ferai dès que je le recevrai, c'est que le juge Cullen risque d'être saisi de l'affaire sous peu. Si cela se produit après l'ajournement de la Chambre, je vais envoyer le texte par la poste à la députée dès que je pourrai le faire.

(1125)

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, la lettre du sous-ministre adjoint Ted Thompson au juge en chef Isaac, en date du 1er mars, disait ceci: «À la suite de notre entretien de ce matin durant lequel j'ai mentionné qu'on allait demander au procureur général du Canada d'envisager de renvoyer certaines affaires à la Cour suprême du Canada pour qu'elle détermine certains points de droit, principalement parce que la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada est incapable ou refuse de traiter ces affaires rapidement.»

Qui a fait cette demande au ministre de la Justice et sur quoi s'est-on fondé pour demander au ministre d'envisager d'enlever ces cas de révocation au juge Jerome et de les renvoyer à la Cour suprême du Canada?


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L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, d'après la façon dont le ministère de la Justice est organisé, de telles recommandations viennent de ce qu'on appelle le comité du contentieux. Les avocats supérieurs du ministère se réunissent régulièrement pour examiner la progression des affaires qui sont devant les tribunaux.

Au moment où la lettre a été écrite, je crois comprendre que le comité du contentieux se demandait s'il devait me recommander de renvoyer ces affaires à la Cour suprême du Canada afin qu'elles soient réglées plus rapidement. Toutefois, le comité n'en était pas encore venu à une conclusion et, à ce moment-là, je n'avais reçu aucune recommandation.

En fait, j'ai parlé de cette question avec M. Dubin hier. Il m'a interrogé à l'heure du déjeuner. Je suis certain que le rapport ou la recommandation qu'il fera tiendra compte de la chronologie des événements. Il est en train d'interroger toutes les personnes intéressées, et j'espère que toutes ces questions seront consignées par écrit une fois qu'il aura terminé son travail.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, plus tôt cette semaine, on a demandé au ministre de la Justice s'il était prêt à porter plainte contre le juge en chef Isaac auprès du Conseil canadien de la magistrature. Il a répondu non, affirmant que ce n'était pas à lui d'ordonner au conseil de faire enquête sur les actes irresponsables du juge en chef.

Le paragraphe 69(1) de la Loi sur les juges donne au ministre fédéral de la Justice la responsabilité et le pouvoir d'ordonner au Conseil canadien de la magistrature de faire enquête sur tout comportement douteux de la part d'un juge nommé par le gouvernement fédéral.

Pourquoi le ministre ne s'est-il pas acquitté de cette responsabilité en prenant les mesures appropriées? Pourquoi n'a-t-il pas ordonné la tenue une enquête par le Conseil canadien de la magistrature?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, qu'on me corrige si je me trompe, mais je crois que c'est le paragraphe 63(1) qui prévoit. . .

Une voix: C'est le paragraphe 69(1).

M. Rock: Très bien. Le paragraphe 69(1) de la Loi sur les juges prévoit que je peux ordonner la tenue une enquête. Cependant, d'après les faits tels que je les connais, du moins dans le moment, je ne crois pas que cette affaire justifie la tenue d'une telle enquête. Il y a un cas qui a été soumis au Conseil canadien de la magistrature, soit celui du juge Bienvenue.

L'autre chose importante, c'est que le Conseil canadien de la magistrature a déjà pris des mesures relativement à cette affaire. J'ai dit à la Chambre hier que, d'après les renseignements que j'ai, le juge qui préside le Comité de déontologie judiciaire du conseil, le juge en chef McEachern, de la Colombie-Britannique, a invité le juge en chef Isaac à expliquer ce qui s'est passé afin que le comité puisse déterminer si d'autres mesures s'imposent.

Ce n'est pas comme si rien n'avait été fait à cet égard. Le conseil examine la conduite du juge en chef et réagira en conséquence. À mon avis, à ce moment-ci, d'après les faits tels que je les connais, je ne crois pas que cette affaire justifie une enquête officielle en vertu de la disposition que mon collègue a mentionnée.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je suis inquiet du fait que le ministre de la Justice ne trouve pas que c'est là une affaire importante.

Hier, on pouvait lire dans le Citizen d'Ottawa: «Les actions du juge Isaac constituent l'une des atteintes les plus graves à l'indépendance des juges dans l'histoire du Canada.»

Voici ma dernière question complémentaire. Le ministre de la Justice a admis hier qu'il avait été mis au courant de l'intervention de son sous-ministre adjoint auprès du juge une semaine après l'entretien du 1er mars. Pourquoi a-t-il attendu presque trois mois avant de faire une déclaration à la Chambre? Pourquoi le ministre n'a-t-il pas révélé immédiatement à la Chambre et aux Canadiens les actions contestables de Ted Thompson et du juge en chef Isaac?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, pour ce qui est de l'importance que j'accorde à cette affaire, lorsque j'ai parlé ici lundi, j'ai dit clairement que je considérais que c'était là une affaire très grave et que je la prenais au sérieux. C'est pour cette raison que j'ai demandé à une personne compétente et indépendante comme l'ancien juge en chef Dubin d'examiner les faits et de faire une recommandation quant aux mesures à prendre.

Deuxièmement, en ce qui concerne ce qui s'est passé après le 1er mars, lorsque M. Dubin fera la chronologie des événements, je pense qu'on verra que le ministère a pris connaissance de cet incident une semaine ou deux après le 1er mars. Ted Thompson a agi de son propre chef relativement à cet entretien et à la correspondance qui a suivi. Ce n'est qu'après que le ministère a été mis au courant.

Dès que nous avons appris ce qui s'était passé, nous nous sommes assurés de communiquer des copies de la correspondance et les détails de l'entretien aux avocats représentant les trois parties à la Cour fédérale. Ils ont ensuite présenté des motions au tribunal, en se fondant sur cette correspondance.

Il a été question de ces événements dans les médias en avril. L'affaire était entièrement du domaine public. Nous n'avons pas essayé de cacher quoi que ce soit.

Pour ce qui est de la déclaration ministérielle que j'ai faite lundi et non en mars, notre première préoccupation était de répondre aux motions visant à suspendre ces trois affaires parce que nous croyons qu'elles devraient être entendues. Une fois que cela a été fait, je me suis occupé des affaires internes au ministère. J'ai demandé conseil à mon sous-ministre. Nous avons demandé l'aide de M. Dubin et j'ai fait ma déclaration.

La chronologie des événements est claire. L'affaire est maintenant entre les mains d'une partie indépendante qui examinera les faits. J'ai déjà dit à la Chambre que je lui communiquerai la recommandation de M. Dubin.


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(1130)

[Français]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre suppléant.

Hier, lors de la rencontre des premiers ministres de l'Ontario et du Québec, MM. Harris et Bouchard ont, d'un commun accord, demandé au gouvernement fédéral d'inscrire à l'ordre du jour de la conférence des 20 et 21 juin prochains, les compensations pour l'harmonisation de la TPS. Le ministre des Finances, le 27 mai dernier, reléguait cette question à une rencontre avec ses homologues.

Le premier ministre suppléant peut-il nous confirmer, vue l'importance donnée à cet enjeu particulier par les premiers ministres des deux plus grosses provinces, qu'il inscrira le sujet de la TPS à l'ordre du jour de la rencontre des 20 et 21 juin?

[Traduction]

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a déjà déclaré que cette question serait inscrite à l'ordre du jour de la rencontre des ministres des Finances qui aura lieu le mois prochain.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je pense que le député n'a pas compris ma question et surtout qu'il n'a pas compris la question et la demande des premiers ministres des deux plus grosses provinces du Canada qui demandent à ce que ce soit inscrit à l'ordre du jour les 20 et 21 juin prochains.

Afin de respecter le consensus qui se dégage parmi les provinces flouées par cette entente, le premier ministre suppléant peut-il suspendre, dès maintenant et jusqu'à la rencontre des 20 et 21 juin, toute entente et toute négociation avec les provinces Maritimes?

[Traduction]

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, il s'agit d'une question qui sera sûrement abordée au cours de la rencontre des ministres des Finances. Ces derniers en discuteront sûrement au cours de leur rencontre qui devrait avoir lieu le mois prochain. Ce sera d'ailleurs l'endroit approprié pour tenir ce genre de discussions.

Je rappelle au député que l'ordre du jour de la conférence des premiers ministres n'a pas encore été diffusé et qu'il m'est donc impossible de lui donner des précisions.

LA TAXE SUR LES BIENS ET SERVICES

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, comme on l'a déjà signalé, les premiers ministres de deux plus grandes provinces ont laissé savoir qu'ils s'opposaient à la nouvelle TPS des libéraux.

Ils réclament une réduction de 1,5 p. 100 des taxes prélevées en Ontario et au Québec afin de contrebalancer le cadeau d'un milliard de dollars offert aux premiers ministres libéraux du Canada atlantique. Ils croient que le Québec a droit à une certaine indemnité pour avoir harmonisé sa taxe de vente provinciale à la TPS en 1992. L'Alberta a fait une demande similaire.

Le gouvernement accédera-t-il à ces demandes? Continuera-t-il de traiter ses amis, les premiers ministres libéraux du Canada atlantique, différemment des dirigeants des autres provinces?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, je rappelle au député que toutes les provinces qui ont perdu de l'argent à cause de l'harmonisation ont été invitées à signer l'accord sur la TPS négocié avec les provinces atlantiques.

Il est intéressant d'examiner la situation au Québec. Le Québec a tiré avantage de l'harmonisation. Seulement au cours de la première année du processus d'harmonisation, le Québec a vu ses recettes fiscales augmenter d'environ 20 p. 100.

(1135)

Depuis l'harmonisation, le Québec a perçu entre 2,5 milliards et 3 milliards de dollars de plus en recettes fiscales. Nous devrions peut-être tenir compte de ces recettes fiscales que le Québec a retirées de l'harmonisation. L'Ontario devrait peut-être envisager cette solution pour accroître ses propres recettes.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le ministre essaie de s'attribuer le crédit d'une certaine croissance économique et de prétendre qu'il n'y a pas une série de dispositions pour certaines provinces et une autre série pour les autres.

Ce mauvais plan d'harmonisation de la TPS a au moins réussi à assurer une certaine unité nationale. Les premiers ministres de l'Ontario et du Québec, sans parler de ceux de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de la Saskatchewan, se sont ligués contre le gouvernement fédéral.

Les premiers ministres Harris et Bouchard, qui ne sont pas des ministres des Finances, veulent que la question de l'harmonisation, de la compensation et de la réduction de la TPS soit à l'ordre du jour de la prochaine conférence des premiers ministres. La TPS sera-t-elle à l'ordre du jour de la conférence des premiers ministres, en juin?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, je rappelle au député que je voudrais bien m'attribuer le crédit de la croissance du PIB au début des années 90. Malheureusement, notre parti n'était pas au pouvoir à l'époque. Cependant, vous vous rappellerez que la croissance n'était alors pas très forte.

Quant à l'ordre du jour de la conférence des premiers ministres, il n'a pas encore été établi, comme je l'ai dit tout à l'heure. Le ministre des Finances a déjà signalé que cette question serait à


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l'ordre du jour de la conférence et cela devrait certes répondre pour le moment à la question du député.

* * *

[Français]

HOLLINGER INC.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre suppléant.

En 1980, le plus important propriétaire de presse écrite détenait 20 p. 100 des journaux canadiens. Le gouvernement libéral du temps, inquiet de la situation, a mis sur pied une commission royale d'enquête, la Commission Kent.

Aujourd'hui, M. Conrad Black, via Hollinger, détient 42 p. 100 des quotidiens canadiens. Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre afin de s'assurer qu'un équilibre soit maintenu entre les intérêts économiques des propriétaires de journaux et le droit du public à l'information?

L'hon. Martin Cauchon (secrétaire d'État (Bureau fédéral de développement régional (Québec)), Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais remercier mon collègue pour la question.

Concernant l'acquisition dont on vient de faire mention, le directeur du Bureau de la concurrence est au courant de cette transaction économique. Il a déjà effectué un certain nombre d'interventions ou un certain nombre d'analyses, et je tiens à dire que, par le passé, chaque fois qu'il y a eu des interventions au niveau de la presse écrite, le gouvernement est toujours intervenu, par des législations quelconques, au besoin.

Dans ce cas-ci, le directeur nous a informés que la transaction était régulière. J'aimerais mentionner à mon collègue que la Loi sur la concurrence existe au Canada, ce qui fait en sorte qu'on peut maintenir une concurrence équitable partout au pays et les gens, l'ensemble de la population, peuvent s'en prévaloir par le biais d'un mécanisme prévu dans la législation.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, selon les principaux éditeurs du Québec, l'avenir de l'agence Presse Canadienne au Québec est en jeu, et ce, à un moment crucial de notre histoire. Le gouvernement interviendra-t-il auprès de Southam et de Hollinger afin qu'ils y maintiennent le plancher d'emplois au sein de cet organisme? Et je parle du plancher d'emplois.

L'hon. Martin Cauchon (secrétaire d'État (Bureau fédéral de développement régional (Québec)), Lib.): Monsieur le Président, comme je viens de le mentionner, le directeur de la concurrence était informé de cette transaction. On est allés de l'avant avec un certain nombre d'analyses et on en est venus à la conclusion que cela ne diminuait pas sensiblement la concurrence au Canada, tel que le prévoit la législation. Je rappelle encore à mon collègue que la loi est là et elle est là pour être utilisée selon le mécanisme prévu.

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, hier, j'ai eu le plaisir de rencontrer un certain nombre de personnes de Hamilton-Est. J'ai toutefois été attristé d'apprendre la mauvaise nouvelle que les crimes de violence dans cette région ont augmenté de 187 p. 100 au cours des huit dernières années. Les inculpations criminelles contre des jeunes contrevenants ont augmenté de 37 p. 100 de 1994 à 1995.

Quand le ministre admettra-t-il que la Loi sur les jeunes contrevenants et le projet de loi C-37 ne fonctionnent pas. Comme beaucoup de jeunes vous le diront, c'est une blague.

(1140)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, lorsque le gouvernement a présenté le projet de loi C-37, nous avons dit que ce n'était que la première étape d'une refonte du système judiciaire applicable aux jeunes au Canada. Ce projet de loi a maintenant été adopté et est en vigueur depuis le 1er décembre 1995.

La deuxième étape est le travail du Comité de la justice de la Chambre des communes. J'ai demandé au comité de parcourir le pays pour constater les faits, de parler aux parents, à la police, aux directeurs d'écoles et aux jeunes eux-mêmes, puis de revenir à Ottawa avec des recommandations de changement.

La Loi sur les jeunes contrevenants existe maintenant depuis 12 ans. Il est temps de revoir les fondaments de cette loi. Le Comité de la justice y travaille. D'ailleurs, le parti de mon collègue est bien représenté à ce comité par des députés qui trvaillent extrêmement fort.

La semaine prochaine, le comité sera dans la région de Toronto où il entendra des témoignages, visitera des installations de détention de jeunes et examinera les faits de façon à pouvoir revenir à la Chambre avec des recommandations. J'ai déjà dit que ce sont des recommandations que nous étudierons très attentivement.

En travaillant ensemble, nous pouvons améliorer la loi.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, en janvier 1994, le ministre a demandé des présentations dans tout le pays. J'ai vu ces présentations. Je sais ce que la population du Canada demandait et le ministre aussi. Cependant il n'a rien fait.

Les plus malheureux dans tout cela, ce sont les jeunes eux-mêmes, étant donné que la majorité des victimes se trouvent parmi eux. Il est regrettable que les gens d'en face ne prennent pas cela plus au sérieux. Quand le ministre entendra-t-il la voix de la population, abolira-t-il la Loi sur les jeunes contrevenants et rendra-t-il les criminels violents responsables de leurs actes?


3259

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous prenons cette question très au sérieux. Il n'est ni juste ni honnête de la part du député de dire que nous n'avons rien fait.

Le projet de loi C-37, qui est entré en vigueur le 1er décembre, apportait des changements importants à la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous avons doublé la peine maximale pour les meurtres au premier degré. Nous avons dit que les 16 et 17 ans accusés de crimes de violence graves seraient jugés par un tribunal pour adultes, à moins que la défense ne puisse convaincre les tribunaux du contraire, car c'est maintenant à elle qu'il appartient d'en faire la preuve. Nous avons prévu la libre circulation des renseignements entre la police, les responsables des écoles et autres. Ces modifications sont importantes et elles ont déjà un effet. Pour ce qui est d'apporter d'autres changements à la loi, nous allons attendre les recommandations du comité dont le député est membre.

L'autre chose qu'il faut garder à l'esprit et que le député oublie, c'est que, aussi difficile que soit le problème de la criminalité juvénile, il ne sera pas résolu par une modification du libellé de la loi. Cela ne suffira pas. Tant que le député ne collaborera pas avec nous pour tenter de prévenir le crime et nous attaquer aux racines du problème, nous n'arriverons jamais à assurer la sécurité dans les rues de notre pays.

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE DE LA FARINE

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

La compagnie Archer-Daniels-Midland a annoncé son intention d'acquérir la compagnie Maple Leaf Mills. Cette transaction concentrerait 75 p. 100 du marché canadien de la farine aux mains de deux filiales américaines.

Qu'est-ce que le ministre de l'Industrie a l'intention de faire face à cette concentration de 75 p. 100 de l'industrie canadienne de la farine aux mains de seulement deux compagnies?

L'hon. Martin Cauchon (secrétaire d'État (Bureau fédéral de développement régional (Québec)), Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai mentionné auparavant, il existe un mécanisme au Canada, la Loi sur la concurrence.

Au Bureau de la concurrence, vous retrouvez des experts qui ont beaucoup d'expérience en matière de compétition et de marchés économiques. Il va sans dire qu'on suit religieusement l'ensemble des transactions qui se déroulent sur une base pancanadienne. Si le Bureau de la concurrence juge qu'il y a diminution de la concurrence sur le marché canadien, il interviendra.

Autrement, un mécanisme est disponible à l'ensemble de la population et il peut être utilisé par six personnes d'un bout à l'autre du Canada pour faire en sorte qu'il y ait révision, s'il y a lieu.

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, on espère que nos experts ont de l'expérience, sinon ça irait mal.

Le ministre de l'Industrie a-t-il l'intention de rester les bras croisés devant une transaction qui transférera toutes les décisions sur les prix de la farine au Canada entre les mains de deux compagnies américaines?

L'hon. Martin Cauchon (secrétaire d'État (Bureau fédéral de développement régional (Québec)), Lib.): Monsieur le Président, au risque de me répéter, en 1986, le Canada a mis en place un processus d'analyse des fusions, des acquisitions, de la concurrence déloyale. Ce processus est exceptionnel, il est super-efficace. Nous avons un bureau dans lequel on retrouve un certain nombre d'experts appelés à analyser le marché, les transactions. Ils interviennent s'ils découvrent une diminution de la concurrence, autrement les gens peuvent se prévaloir du mécanisme prévu dans la législation.

* * *

(1145)

[Traduction]

LE COMMERCE INTERNATIONAL

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international.

Une nouvelle entente sur le bois d'oeuvre est entrée en vigueur. Le ministre peut-il donner l'assurance à la Chambre que cette entente avec les États-Unis profitera aux producteurs canadiens?

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, l'entente sur le bois d'oeuvre a été signée hier par notre ambassadeur à Washington et un représentant au commerce adjoint des États-Unis. Cette entente reflète la politique que j'ai annoncée au début du mois d'avril relativement à cette question. Elle a pris effet le 1er avril.

C'est une entente sans précédent. Elle procurera à nos producteurs la sécurité d'accès au marché américain pendant cinq ans. On y trouve l'engagement écrit des États-Unis de ne pas recourir à des sanctions commerciales pour le bois d'oeuvre durant cette période. C'est une position que notre industrie appuie fermement. Elle contribuera à préserver sa part du marché d'exportation américain et, par voie de conséquence, à protéger des milliers d'emplois.

En fait, si nos exportations de bois d'oeuvre sont égales à la moyenne des trois dernières années, nos producteurs ne paieront pas un cent de droits. Les exportations se feront sans entrave. L'année dernière a été année record. Nos producteurs pouvaient dépasser 90 p. 100 du plafond sans que des droits ne soient versés aux États-Unis. Les droits prélevés au-dessus de ce montant resteront au Canada et ne seront pas versés au Trésor américain.


3260

L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, pendant deux ans, les libéraux ont dit, pour justifier l'annulation des accords concernant le réaménagement de l'aéroport Pearson, que les bénéfices des promoteurs auraient été excessifs. Le gouvernement a maintenant reconnu que les bénéfices potentiels étaient loin d'être excessifs. En fait, devant un tribunal, les libéraux prétendent que le promoteur aurait perdu de l'argent à cause des accords relatifs à l'aéroport Pearson.

Le ministre des Transports peut-il nous dire quelle déclaration des libéraux nous devrions croire: celle qui a été faite à la Chambre et selon laquelle le promoteur aurait réalisé des bénéfices excessifs, ou celle faite devant un tribunal et selon laquelle le promoteur aurait perdu sa chemise?

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, une action en justice a été intentée contre le gouvernement, à Toronto, relativement à cette question. Il serait tout à fait contre-indiqué que je parle des détails de cette affaire pour l'instant, si ce n'est pour dire que les demandeurs réclamaient 172 millions de dollars pour les profits non réalisés. Nous connaissons la suite. Ils ont haussé leurs demandes et réclament maintenant plus de 600 millions de dollars au titre des profits non réalisés.

Le gouvernement a une responsabilité envers les contribuables canadiens, qui consiste à contester le bien-fondé de cette demande. À cette fin, il a retenu les services de spécialistes pour le conseiller sur la validité des prétentions des demandeurs.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, la Pearson Development Corporation était disposée à dépenser plus de 800 millions de dollars du secteur privé pour rénover l'aéroport le plus important du Canada. Au lieu de cela, le gouvernement libéral a annulé les contrats peu après son élection. Plus de deux ans se sont écoulés et il n'y a toujours pas de solution de rechange proposée pour le réaménagement des aérogares.

Maintenant que les libéraux ont reconnu devant le tribunal que les bénéfices du promoteur n'étaient pas excessifs, reconnaîtront-ils à la Chambre que, s'ils ont annulé les contrats concernant l'aéroport Pearson, c'était simplement pour couvrir d'autres beaux discours électoraux?

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député est un peu en retard sur son temps. S'il lisait les journaux et qu'il prêtait attention aux actualités, il saurait que les négociations pour le transfert des responsabilités du gouvernement fédéral à une nouvelle administration aéroportuaire locale vont bon train. En fait, le gouvernement s'attend à ce que le transfert de l'aéroport international Pearson se fasse très prochainement.

Malgré toute la tempête qu'il fait, le député d'en face, qui se soucie davantage de ses amis lobbyistes que des contribuables canadiens. . .

Des voix: Oh, oh!

* * *

[Français]

LES MINORITÉS FRANCOPHONES

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, après avoir réduit de moitié sa contribution aux francophones de la Saskatchewan, aujourd'hui, on apprend que le gouvernement fédéral veut réduire de moitié celle qu'il verse aux Franco-Ontariens. Cette réduction est tout à fait inacceptable puisque les Franco-Ontariens doivent encore se battre pour faire respecter leurs droits les plus élémentaires.

Pourquoi, au lieu de défendre les 340 000 Franco-Ontariens qui ont encore le français comme langue d'usage, le gouvernement choisit-il de leur couper les vivres?

M. Guy H. Arseneault (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je veux aviser la Chambre que des négociations sont présentement en cours. On n'a pas l'habitude de négocier en public.

(1150)

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, si cela peut l'aider dans ses négociations, je lui rappelle que le commissaire aux langues officielles et la Fédération des communautés francophones et acadienne ont clairement indiqué que le gouvernement ne remplit pas ses obligations prévues à la Loi sur les langues officielles.

Par ces gestes, le gouvernement abdique-t-il dans les faits ses responsabilités à l'égard des minorités francophones canadiennes?

M. Guy H. Arseneault (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je suis très surpris, car c'est ce même commissaire qu'ils ont critiqué, il y a deux semaines, quand il nous félicitait pour nos améliorations relativement aux francophones hors Québec. Je veux souligner qu'on n'a pas de leçon à recevoir de ce parti.

* * *

[Traduction]

LES CONTRATS DU GOUVERNEMENT

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une question très solennelle à poser aujourd'hui au premier ministre ou à son porte-parole.

L'intégrité était le thème du livre rouge. Pourtant, nous avons vu le ministre de la Défense fractionner des contrats pour éviter le processus d'appel d'offres afin de pouvoir donner ces contrats aux travailleurs de sa campagne électorale. De haut fonctionnaires du Conseil du Trésor ont déclaré que cette pratique était inacceptable et contraire au code d'éthique, et qu'elle justifiait des mesures disciplinaires.


3261

Si jamais les contribuables canadiens ont eu besoin du conseiller en éthique pour clarifier une situation, c'est bien aujourd'hui. Le premier ministre demandera-t-il au conseiller en éthique d'enquêter sur cet abus flagrant de fonds publics?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà expliqué la situation à un certain nombre de reprises à la Chambre.

Il existe des budgets pour les employés à temps plein et des budgets pour embaucher du personnel pour mener des projets à court terme. L'affaire dont il est question ici était un projet à court terme qui, de toute évidence, s'est étiré en raison de la nature des modifications apportées à la Loi sur les allocations aux anciens combattants.

Ce qui importe ici, c'est que l'arrangement respectait les lignes directrices du Conseil du Trésor. Le président de cet organisme l'a déclaré. Je l'ai déclaré aussi à la Chambre et mes fonctionnaires l'ont déclaré eux aussi.

Le député crée la fausse impression que les contrats que j'ai accordés enfreignaient des lignes directrices du Conseil du Trésor. J'espère que le député cessera de désinformer ainsi les Canadiens parce que ses allégations sont totalement fausses.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, cette affaire tourne à l'absurde.

Le premier ministre avait promis que nous aurions un conseiller en éthique indépendant, pourtant, ce conseiller ne rend de comptes qu'au premier ministre. Nous voyons maintenant le ministre expliquer lui-même à la Chambre pourquoi il n'y a pas lieu de faire enquête. Où cela nous mènera-t-il?

Si le ministre doit répondre aux questions, je lui poserai donc directement. Qu'est-ce que cet individu a fait? Il a obtenu pour plus de 100 000 $ de contrats. Il faut à la moyenne des travailleurs deux ou trois ans pour gagner autant. Qu'est-ce que cet individu a fait pour mériter autant d'argent et comment son travail peut-il être justifié?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, on a répondu à cette question aussi.

La personne visée a aidé à trouver une solution à un problème complexe et à la mettre en oeuvre. Un arbitre avait accordé à certaines personnes des prestations auxquelles elles n'avaient pas droit aux termes de la Loi sur les allocations aux anciens combattants adoptée par la Chambre des communes dans les années 1920. La décision arbitrale avait donné lieu à des paiements en trop de près de 30 millions de dollars par année pendant 10 ans. C'était inacceptable.

Le gouvernement a examiné la cote de priorité de tous ses articles de dépense et a décidé qu'il ne pouvait pas se permettre cette dépense-là parce que le Parlement n'avait pas prévu, à l'origine, accorder de prestations aux membres de la résistance. En fait, le Canada était le seul pays qui versait des prestations aux résistants.

Le député se montre très préoccupé par l'administration de mon budget, mais peut-il me donner l'assurance que le budget du chef de son propre parti n'est pas administré comme le mien? Peut-il me garantir que le chef de son parti n'a pas conclu d'ententes semblables avec des gens associés au Parti réformiste? Nous savons qu'au moins trois candidats réformistes défaits travaillent pour des députés réformistes, y compris pour le chef du parti.

* * *

(1155)

LES SOINS DE SANTÉ

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens sont fiers de leur régime national de soins de santé et ils sont inquiets lorsque les cinq principes qui en régissent le fonctionnement sont menacés.

Je crois savoir qu'une entente est intervenue avec la province de l'Alberta au sujet de l'application de frais modérateurs dans les cliniques privées. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Santé peut-il dire à la Chambre quels seront les effets de cette entente pour les Albertains?

M. Joseph Volpe (secrétaire parlementaire du ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'annoncer qu'une entente a été conclue entre le ministre de la Santé du Canada et son homologue albertain.

L'entente comporte deux volets. À compter du 1er juillet, les cliniques privées ne seront plus autorisées à facturer les patients pour des services assurés offerts sur place et la province pour les honoraires des médecins. Les déductions fédérales sous forme de transferts à l'Alberta cesseront dès l'application de cette décision.

Cela signifie, pour les Albertains et l'ensemble des Canadiens, que la Loi canadienne sur la santé fonctionne bien et que ses principes sont respectés grâce à la coopération des gouvernements. Cette entente assure également aux citoyens de l'Alberta l'accès à des services médicaux universels garantis.

* * *

[Français]

LES CENTRES D'EMPLOI

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Dans le cadre de la restructuration des centres d'emploi, le centre de Granby, situé dans le comté que j'ai le privilège de représenter, s'est vu imposer une diminution de personnel injustifiable si nous la comparons avec les compressions qui ont été effectuées au centre de Cowansville, dans le comté libéral voisin de Brome-Missisquoi. Dorénavant, le centre de Granby aura un nombre d'employés équivalent à celui de Cowansville, alors qu'il doit desservir deux fois plus de contribuables.

3262

Alors que le ministre a affirmé à plusieurs reprises que la restructuration avait pour but d'améliorer les services, le ministre peut-il nous indiquer sur quelle logique se base la décision d'allouer le même nombre d'employés dans ces deux centres, alors que l'un d'entre eux dessert deux fois plus de population?

L'hon. Douglas Young (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'on est en train de restructurer un ministère et de changer les services qui desservent les clients, il n'est jamais facile de prendre des décisions.

Cependant, je veux expliquer à mon honorable collègue, comme on a déjà tenté de le faire à maintes reprises, que nous sommes toujours prêts et disposés à lui fournir tous les renseignements, toutes les explications. Il peut s'adresser, à cet égard, aussi bien au directeur général pour le Québec qu'aux fonctionnaires de mon ministère ou à moi-même. Nous avons dû prendre des décisions, partout au Canada, partout au Québec, qui sont toujours très difficiles. Ce ne sont jamais des décisions qui plairont aux citoyens et citoyennes des communautés où les changements frapperont le plus durement.

En ce qui concerne l'objectif de l'exercice, nous ne tenons compte que d'une seule chose: c'est d'être certain qu'à la fin de l'exercice, nous puissions donner les services nécessaires aux gens. Avec l'annonce que nous avons faite hier, j'espère que nous aurons des stratégies, à l'avenir, qui pourront peut-être améliorer la situation. Mais pour le moment, nous croyons avoir agi de façon équitable et juste, surtout envers nos clients.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, le ministre responsable de la citoyenneté au Québec prétend que, comme sa province accueille la moitié des réfugiés qui entrent au Canada, Ottawa devrait payer les services que le Québec leur fournit. Beaucoup de réfugiés sont attirés par le Québec à cause du taux élevé d'acceptation des revendications du statut de réfugié dans cette province, mais le gouvernement du Québec néglige de préciser que près de la moitié des immigrants du Québec quittent cette province dans les deux ans suivant leur arrivée.

Je demande au ministre de l'Immigration d'assurer à la Chambre que les contribuables fédéraux ne paieront pas la note pour la compassion que montrent les forces séparatistes du Québec aux nouveaux arrivants dans leur province.

Mme Maria Minna (secrétaire parlementaire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas rare que d'importants points d'entrée comme Montréal reçoivent des réfugiés en grand nombre. C'est passablement la même chose à Toronto et à Vancouver. Il y a une fluctuation entre les grands points d'entrée dans notre pays. Les immigrants se présentent à tous les grands centres de notre pays. Une fois qu'ils sont ici, ils sont libres de leurs mouvements au Canada. Nous ne donnons pas l'ordre aux gens de rester là où ils sont entrés. Ils sont autorisés à se déplacer.

(1200)

La politique du Canada sur les réfugiés est établie à la suite de discussions avec les provinces, les ONG et les collectivités. Elle n'est pas établie hors contexte. Nous avons l'un des meilleurs systèmes au monde en ce qui concerne l'acceptation des réfugiés.

Une voix: C'est le plus facile.

Mme Minna: Si vous ne voulez pas écouter la réponse, vous n'y êtes pas tenu.

* * *

L'AGRICULTURE

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, comme le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire l'a dit, ce secteur de notre économie traverse une période de changements extraordinaires. Le secrétaire parlementaire peut-il nous dire ce que le gouvernement fait pour aider l'industrie à s'adapter à ces changements?

M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, nous avons annoncé dans le budget de 1995 la création d'un fonds général de développement rural pour l'ensemble du secteur agricole canadien. C'est vraiment un excellent exemple de la coopération qui existe entre le gouvernement fédéral et l'industrie.

Le gouvernement fédéral adopte actuellement une nouvelle approche à l'égard de sa collaboration avec l'industrie. Nous encourageons l'industrie à nommer des personnes intéressées afin de décider de la façon dont ces fonds pourront être utilisés pour profiter à l'industrie.

L'Agricultural Adaptation Council, une coalition sans but lucratif de 47 groupes en Ontario, a créé un fonds et veille à ce que l'Ontario prenne des mesures positives dans le sens de l'adaptation du secteur agricole.

Deux groupes agricoles font la même chose au Québec. Ils ont déjà reçu des fonds.

______________________________________________


3262

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

TRANSPORTS

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre pour la motion suivante. Je propose:

Que le vice-président du Comité permanent des transports et un agent de recherche soient autorisés à voyager à Washington les 11, 12 et 13 juin 1996 afin de recueillir l'information pour la création d'une agence binationale pour la Voie maritime du Saint-Laurent.
Cette motion est une modification à la motion adoptée préalablement le 16 mai 1996.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-on d'accord?


3263

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

* * *

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Guy H. Arseneault (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à six pétitions.

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel (actes sexuels interdits).

-Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter mon projet de loi d'initiative parlementaire à la Chambre aujourd'hui. Ce projet de loi modifierait l'article du Code criminel portant sur les actes sexuels interdits commis avec des enfants de moins de 14 ans ou en présence d'enfants de moins de 14 ans.

S'il est adopté, ce projet de loi haussera de 14 à 16 ans l'âge établi aux fins de cet article. En fait, il permettra de porter des accusations au criminel contre tout adulte ayant des relations sexuelles avec une jeune personne de moins de 16 ans.

Je prie tous les députés à la Chambre d'examiner sérieusement l'intention et l'objectif de ce projet de loi.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

(1205)

PÉTITIONS

LES ANCIENS COMBATTANTS

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition portant 100 signatures de citoyens qui demandent au Parlement d'examiner l'opportunité d'offrir aux anciens combattants de la marine marchande du temps de guerre des prestations ou allocations équivalentes à celles qui sont versées aux anciens combattants des services armés du Canada ayant servi durant la Seconde Guerre mondiale.

LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je présente aussi une autre pétition portant 128 signatures d'électeurs de la région de Chemainus, qui prient le Parlement de ne pas modifier la Constitution comme l'a demandé le gouvernement de Terre-Neuve, mais de lui renvoyer plutôt le problème de la réforme de l'éducation.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, j'ai ici deux dernières pétitions signées par 144 électeurs, qui demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y ajoutant l'expression «orientation sexuelle».

LE PROJET DE LOI C-205

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions à présenter. L'une, venant de ma circonscription, Esquimalt-Juan de Fuca, demande au Parlement d'adopter le plus rapidement possible le projet de loi C-205 qu'a déposé le député de Scarborough-Ouest, afin que la législation canadienne interdise aux criminels de profiter de leurs crimes. Cette pétition porte 36 signatures.

L'UNITÉ NATIONALE

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, la seconde pétition, qui vient de Canada Indivisible, est signée par 101 Canadiens d'un bout à l'autre du pays qui rappellent au Parlement que le Canada est indivisible et que les frontières du Canada, de ses provinces, et de ses territoires, y compris les océans, ne peuvent être modifiées qu'à la suite d'un vote libre de tous les Canadiens conformément au mode de révision prévu par la Constitution canadienne.

LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, ces pétitionnaires veulent que le gouvernement canadien refuse d'accepter les modifications à la Constitution proposées par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador. Ils pensent que cela équivaut à modifier les droits des minorités sans leur consentement. Ils estiment que si une modification est nécessaire, elle devrait avoir l'appui de toutes les parties clé concernées.

Ils proposent que l'on envisage d'abord des changements au système d'éducation et qu'on ait recours à la modification de la Constitution seulement si cela est nécessaire pour que les changements puissent aller de l'avant. Ils font également remarquer que cela pourrait avoir un effet dans d'autres secteurs.

LES AFFAIRES DES ANCIENS COMBATTANTS

Mme Jean Payne (St. John's-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole pour présenter une pétition au nom de mes électeurs qui demandent au Parlement d'envisager de verser aux anciens combattants de la marine marchande qui ont servi en temps de guerre les prestations ou indemnités actuellement versées aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale.

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une pétition portant 128 signatures d'électeurs de ma circonscription qui s'opposent à la mesure législative du gouvernement prévoyant d'ajouter l'orientation sexuelle à la Loi sur les droits de la personne.

3264

LE CRÉDIT-BAIL AUTOMOBILE

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions à présenter sur le même sujet et les deux viennent de citoyens du Canada de ma circonscription. L'une vient des employés de A.M. Ford, à Trail, et de leurs familles, et l'autre des employés de Kalawsky GMC, à Castlegar, ainsi que de leurs familles.

Les pétitionnaires font remarquer que le droit de louer des voitures donnerait un avantage injuste aux banques canadiennes en raison de leur accès privilégié au financement du crédit et des prêts aux consommateurs, ainsi qu'aux dossiers confidentiels sur la situation financière de leurs clients.

Le crédit-bail automobile par les banques augmenterait probablement le chômage dans les collectivités locales et ferait diminuer, plutôt qu'augmenter, la concurrence des Canadiens.

Ils demandent donc au gouvernement du Canada de ne pas permettre au secteur bancaire de pénétrer le marché du crédit-bail automobile.

LE PROJET DE LOI C-205

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, j'ai une pétition portant 199 signatures d'électeurs de la circonscription de Lethbridge.

Ces pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter le plus vite possible le projet de loi C-205 présenté par le député de Scarborough Ouest de façon à prévoir dans la loi canadienne que personne ne peut profiter d'un crime qu'il a commis.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions, dont l'une contient 406 signatures et traite de l'orientation sexuelle.

Les habitants de ma circonscription demandent au Parlement de s'opposer à toute modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de toute autre mesure législative fédérale qui y insérerait l'expression «orientation sexuelle».

(1210)

LES AVORTEMENTS

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition, qui renferme 226 signatures, porte sur l'avortement. Environ 100 000 avortements thérapeutiques sont pratiqués chaque année au Canada, au coût de plus de 50 millions de dollars.

Les résidants de ma circonscription demandent que le Parlement appuie la tenue d'un référendum national à caractère exécutoire, au moment des prochaines élections, pour demander aux Canadiens s'ils sont ou non en faveur du financement, par le gouvernement fédéral, de l'avortement sur demande.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter deux pétitions.

Dans la première, les 53 pétitionnaires demandent humblement au Parlement de s'opposer à toute modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de toute autre mesure législative qui y insérerait l'expression «orientation sexuelle».

LA SANTÉ

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, dans la deuxième pétition, les 255 pétitionnaires demandent humblement au Parlement d'exiger que Santé Canada modifie sa proposition afin de permettre que la production et la vente de fromage non pasteurisé se poursuivent au Canada.

* * *

[Français]

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES
DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Guy H. Arseneault (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, si la question no 36 pouvait être transformée en ordre de dépôt de document, ce document serait déposé immédiatement.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

[Texte]

Question no 36-M. Milliken:

Quelles sont les adresses de toutes les propriétés de la circonscription fédérale de Kingston et les Îles qui ne sont pas des résidences unifamiliales appartenant à la SCHL ou dont la SCHL est le créancier hypothécaire et, pour chaque propriété: a) combien y a-t-il de logements à chaque adresse; b) selon les titres de propriété ou l'hypothèque que détient la SCHL, quelles sont les conditions, le cas échéant, qui s'appliquent à l'utilisation de ces propriétés et à la manière d'en disposer ou d'obtenir un consentement relatif à leur transfert; c) la propriété ou l'une de ses parties est-elle considérée comme un logement social aux fins de l'annonce faite dans le budget de 1996 voulant que l'administration de pareils logements soit transférée aux provinces; et d) quel est au total le montant de la subvention versée par la SCHL de Kingston et les Îles en ce qui concerne toutes les propriétés?
(Le document est déposé.)

[Français]

M. Arseneault: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.

Le président suppléant (M. Kilger): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


3264

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, un peu plus tôt, avant la période des questions orales, je disais que j'avais eu la chance de rencontrer, avec le chef du Bloc québécois, le premier ministre de Terre-Neuve ainsi que le chef de l'opposition de cette même province, accompagnés égale-


3265

ment d'une troisième personne, un troisième homme politique, le chef du troisième parti de Terre-Neuve, pour discuter de l'amendement proposé à l'article 17 de la Constitution canadienne.

Cette rencontre a eu lieu le 29 mai. Lors de cette rencontre, on a discuté de deux éléments, de deux sujets. Le premier sujet est la reconnaissance du processus démocratique et le deuxième est la protection des minorités francophones. Je pense que cela ne surprendra personne que nous, du Bloc québécois, avons toujours été très à l'écoute des droits des minorités francophones partout au Canada.

On a discuté de façon très large du processus démocratique et des droits des francophones. On connaît la façon dont on a procédé dans la province, et on sait qu'au moment de la formulation de la question référendaire, il y avait même des députés, au sein du gouvernement libéral, qui étaient contre le libellé de la question, en disant que celle-ci n'était pas assez précise, qu'elle était trop ambiguë, qu'elle favorisait beaucoup trop le camp du oui au détriment du camp du non. On sait aussi qu'à l'époque de l'adoption de la question référendaire à l'assemblée législative de Terre-Neuve, le chef de l'opposition et le chef du troisième parti étaient contre le projet. On n'ignore pas non plus que l'Église de Terre-Neuve avait de gros doutes sur la formulation de la question, qui n'était pas assez précise selon elle, et qu'elle pensait que cela lui enleverait des juridictions et des pouvoirs. De plus, on a vu le faible taux de participation à ce référendum. Cependant, nous, du Bloc québécois, reconnaissons tout simplement le processus démocratique et il en a été question lors de cette rencontre.

Pour nous, la question était légitime compte tenu que ce sont des députés légitimement élus qui l'ont choisie. Ce référendum a également été fait selon les règles de l'art, c'est-à-dire que le camp favorable et le camp défavorable à cette modification à l'article 17 de la Constitution, tout le monde était d'accord pour exposer son point de vue et tout le monde a travaillé pour faire connaître l'orientation qu'il privilégiait. Donc, cela a été un projet légitime, un processus très clair dans la province.

(1215)

Nous devons, comme députés de la Chambre des communes, en prendre acte. Que l'on soit pour la confessionnalité des écoles ou pas, qu'on soit pour ou contre le projet qui a été présenté par le gouvernement de Terre-Neuve, le verdict de la population est connu, le verdict de la population a été clair: 54 p. 100 de la population a dit oui à la modification constitutionnelle proposée par le gouvernement de Terre-Neuve. Terre-Neuve a donc fait légitimer cette décision politique par référendum, et ça, c'est sacré pour nous du Bloc québécois.

Nous n'avons pas à nous immiscer dans le processus démocratique. C'est pourquoi nous appuyons la modification proposée à l'article 17 de la Constitution canadienne. Suite à la rencontre que nous avons eue avec le premier ministre de Terre-Neuve et les autres personnes que j'ai mentionnées plus tôt, le chef du Bloc québécois a remis immédiatement une lettre au premier ministre pour lui signaler son appui.

Je vais prendre le temps de vous lire cette lettre, elle est très courte. Elle est adressée, naturellement, à l'honorable Brian Tobin, premier ministre de Terre-Neuve, et je cite:

Monsieur le premier ministre,
Le gouvernement fédéral s'apprête à présenter à la Chambre des communes la requête de votre province en vue d'amender la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, afin de réorganiser le système scolaire de Terre-Neuve.
Votre gouvernement a procédé par le biais d'un référendum et la majorité des électeurs qui se sont exprimés a voté en faveur d'un amendement.
Le Bloc québécois a choisi d'appuyer la décision de Terre-Neuve, puisqu'elle s'est prise en conformité aux règles démocratiquement reconnues.
Toutefois, nous nous inquiétons de l'insuffisance des droits scolaires de la minorité francophone de Terre-Neuve. En conséquence, nous souhaitons fortement que votre gouvernement saisisse l'occasion de la refonte de la loi scolaire pour assurer aux francophones de votre province, par voie législative et par voie administrative, la pleine gestion de leurs écoles.
Cette lettre correspond en tous points au sujet qui a été discuté lors de la rencontre avec le premier ministre de Terre-Neuve.

Comme vous voyez, on est loin des sujets que M. Tobin a interprétés relativement à cette rencontre, sujets qu'on a pu lire dans les journaux, dans un quotidien, entre autres, pour ne pas le nommer, le quotidien Le Devoir du jeudi 30 mai 1996, qui m'a fait sursauter, compte tenu que j'étais présent à cette rencontre.

On y lit ceci: «Amendement constitutionnel en faveur de Terre-Neuve: Tobin se réjouit de la position du Bloc. Le parti souverainiste reconnaît, selon lui, la primauté du droit en toutes circonstances au Canada.» Je ne sais pas où le premier ministre a pris ces informations-là, mais il n'en a pas été question, lors de la rencontre. Comme je vous le disais, il a été question du processus démocratique, du référendum, de la population qui s'est exprimée clairement lors d'un référendum.

M. Tobin aurait également dit, et on peut le lire plus loin dans l'article: «Le Bloc québécois, et par extension, l'ensemble du mouvement souverainiste, fait la preuve que la primauté du droit doit s'exercer en toutes circonstances au Canada, estime Brian Tobin.» On fait même allusion au fait qu'étant donné que le Bloc québécois donne son aval à cette façon de faire, à l'orientation que le gouvernement de Terre-Neuve veut donner, on dit même que la fédération canadienne fonctionne bien, que c'est loin d'être une prison et qu'il est possible de la modifier, la Constitution.

Il n'a pas été question de ces sujets-là, comme je l'ai dit tantôt. Soit dit en passant, comment voulez-vous que nous, du Bloc québécois, représentants du peuple québécois, reconnaissions la primauté de la loi, d'une Constitution qu'on n'a jamais signée. Faut-il rappeler que le Québec n'a pas signé la Constitution de 1982? M. Tobin doit être au courant de cela, et s'il ne l'est pas, j'espère qu'il m'écoute aujourd'hui. Mais je suis sûr qu'il est au courant. Je suis sûr qu'il faisait ce qu'on appelle «de la politique», sur un sujet qui est pourtant très important.


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Nous, du Bloc québécois, n'avons pas fait de politique sur ce sujet. On s'est pliés tout simplement à la démocratie qui s'était manifestée, qui a fait connaître son orientation quant à l'article 17 de cette Constitution.

(1220)

Je terminerai ainsi, si la méthode de procéder de M. Tobin, du gouvernement de Terre-Neuve, fonctionnera ce n'est pas à cause de la Constitution, mais à cause de la voix démocratique de la population terre-neuvienne qui s'est prononcée démocratiquement et qu'il y a des députés responsables à la Chambre des communes qui en prennent acte, tout simplement.

Celui qui, par ses déclarations irresponsables et provocatrices, se comporte comme le gardien de prison de la Constitution canadienne n'est pas un bloquiste, ce n'est nul autre que le premier ministre du Canada. Si ce dernier, le geôlier suprême de la Constitution, le détenteur de la vérité canadienne, écoute la voix du peuple qui se prononce démocratiquement, on pourra conclure par ce précédent non pas à la flexibilité et à l'efficacité de la Constitution, mais du poids décisionnel et irréversible du choix démocratique d'une population qui s'est fait entendre par référendum.

L'histoire de Terre-Neuve nous est, et nous sera, utile au Québec. Comme je l'ai dit au début de mon discours, avec une faible majorité, un faible pourcentage, les Terre-Neuviens sont devenus Canadiens en 1948, avec seulement 52,34 p. 100 lors d'un deuxième référendum. Aujourd'hui en 1996, avec un faible pourcentage, 54 p. 100, le gouvernement de Terre-Neuve chambardera tout le système de l'éducation soulevant par le fait même craintes, insécurité et interrogations.

Mais ce qu'il y a de beau dans le processus démocratique c'est que lorsque les contribuables de Terre-Neuve se sont prononcés, on note leur décision. Les Terre-Neuviens ont changé cette crainte, cette insécurité et ces interrogations en une solidarité, en une coalition entre Terre-Neuviens, et surtout avec l'ambition des défis à relever.

Les élus, comme ils l'ont fait en 1948, à titre d'hommes d'État responsables ont tous travaillé, indépendamment du parti-je l'ai vu lorsque j'ai rencontré le premier ministre de Terre-Neuve avec les deux autres chefs de parti-tous ont travaillé et travailleront dans l'avenir pour faire progresser la population de Terre-Neuve, pour faire avancer l'avenir de ses habitants.

J'espère très sincèrement que le geste que le Bloc québécois pose dans ce dossier saura inspirer certaines personnes dans leur future prise de position à l'égard du choix démocratique que feront les Québécois dans un avenir très prochain, j'espère.

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, en tant que porte-parole réformiste en matière intergouvernementale, j'ai le devoir aujourd'hui de répondre à la demande, présentée par le gouvernement, d'adopter une résolution constitutionnelle concernant la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada.

Les Conditions de l'union ont été établies lorsque Terre-Neuve a adhéré à la Confédération en 1949. De façon générale, elles couvrent toute une gamme d'aspects, dont l'éducation, les programmes sociaux et même le commerce de la margarine, qui étaient d'une importance capitale pour la nouvelle province au moment d'entrer dans la Confédération.

Plus particulièrement, la clause 17 garantit aux diverses confessions religieuses des pouvoirs portant sur l'administration de l'enseignement dans la province de Terre-Neuve et du Labrador. Il existait, avant la Confédération, une longue tradition d'éducation confessionnelle.

Certaines modifications ont été apportées au système au fil des ans. En 1969, plusieurs confessions protestantes ont décidé de consolider leurs efforts en créant ce que l'on appelle le conseil scolaire intégré. En 1987, le Parlement et l'assemblée législative de Terre-Neuve ont modifié la clause 17 afin d'accorder à un autre groupe confessionnel, les Assemblées pentecôtistes, les mêmes droits et privilèges qui étaient énoncés dans la version initiale des Conditions de l'union et dont nous débattons aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, malgré ces changements, il subsiste aujourd'hui un grand nombre de systèmes scolaires et de conseils scolaires à Terre-Neuve. En effet, il n'y a pas moins de quatre systèmes scolaires et de vingt-sept conseils scolaires dans l'une de nos plus petites provinces.

(1225)

En 1992, la province de Terre-Neuve et du Labrador a établi une commission royale chargée d'examiner les grands dossiers de l'enseignement. Celle-ci a recommandé des changements à la structure du système actuel. Voilà plusieurs années que durent les délibérations à ce sujet entre les conseils scolaires confessionnels et le gouvernement provincial. Malheureusement, on n'a pas pu aboutir à un accord global.

La motion dont nous sommes saisis autorise le gouvernement de Terre-Neuve à procéder à ces changements sans plus tarder, plutôt que de poursuivre des discussions longues, difficiles et peut-être infructueuses. J'ajouterai cependant qu'en tant que parlementaires représentant d'autres provinces nous sommes désolés de ce que le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador n'ait pas pu régler ce différend à la satisfaction de toutes les parties.

On invoque l'article 43 pour justifier l'adoption de cette modification. La Chambre n'est pas sans savoir que l'article 43 est une disposition de la Loi constitutionnelle de 1982 qui exige que les modifications constitutionnelles n'intéressant qu'une province doivent être adoptées par l'assemblée législative de cette province, en l'occurence l'assemblée législative de Terre-Neuve, et par le Parlement fédéral, soit la Chambre des communes et le Sénat, même si dans le cas du Sénat il ne s'agit que d'un pouvoir suspensif.

En tant que parlementaires représentant, non pas Terre-Neuve, mais plutôt d'autres régions du pays, les réformistes prennent très au sérieux le rôle du Parlement à l'égard de la procédure de modification prévue à l'article 33. Nous ne croyons pas que notre rôle


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consiste à autoriser simplement une modification constitutionnelle, sous prétexte qu'elle est demandée par une seule province. Il consiste plutôt à examiner l'incidence d'une telle modification et de choisir la meilleure voie à suivre dans le contexte fédéral. C'est pourquoi le caucus du Parti réformiste a examiné l'éventail des questions et des intérêts impliqués dans ce dossier.

Nous n'avons ni l'intention ni le désir de voir le gouvernement ou les partis politiques fédéraux se charger du système d'éducation à Terre-Neuve et au Labrador ou dans une autre province, surtout que nous savons tous que la gestion d'un tel système suppose et supposera que des décisions très difficiles soient prises localement.

À titre de parlementaires, nous nous sommes plutôt penchés sur deux questions. Premièrement, la demande étant formulée pas le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, est-ce que des efforts suffisants ont été déployés pour obtenir un consentement démocratique à l'égard des modifications qui sont proposées aujourd'hui? Deuxièmement, en ce qui concerne la protection des droits et les droits des minorités-il s,agit en particulier ici de l'éducation confessionnelle ou religieuse-ces deux questions seraient-elles généralement conformes à celles qui existent ailleurs au Canada et seraient-elles acceptables ailleurs au Canada?

Ce sont des questions difficiles, encore plus pour ceux d'entre nous qui croyons fermement dans l'importance des écoles séparées et confessionnelles au Canada, et qui reconnaissons le rôle central et important, voire très bénéfique, de l'éducation donnée aujourd'hui dans les écoles catholiques partout au Canada.

En tant que réformistes, nous prenons très au sérieux le fait que les gouvernements, en particulier quand il est question d'une modification constitutionnelle, devraient déployer plus d'efforts pour encourager la participation démocratique et le consensus à l'égard d'importantes décisions touchant la Constitution. Nous sommes d'avis qu'il faut augmenter la légitimité et l'acceptation de nos documents constitutionnels fondamentaux, mais nous croyons aussi qu'une forte participation de la population à ces décisions en rehausse la qualité.

Il convient de noter qu'aux termes de l'article 43 de la Loi constitutionnelle, le gouvernement de Terre-Neuve n'avait pas à aller au-delà d'un simple vote de l'Assemblée législative pour résoudre cette question ou la présenter au Parlement. Une résolution de l'Assemblée législative terre-neuvienne aurait suffi. En fait, cette dernière a tenu au moins deux votes. Il y a eu un vote sur la résolution principale dont nous sommes saisis aujourd'hui, où les principaux partis ont accordé la liberté d'expression et où il y a eu des opposants dans chacun des principaux partis politiques. Néanmoins, la résolution a été adoptée à une nette majorité de l'Assemblée législative. En outre, il y a eu récemment une résolution adoptée à l'unanimité demandant que les gouvernements de Terre-Neuve et du Canada adoptent ces modifications.

(1230)

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, bien que la Constitution ne l'y oblige pas, a tenu un référendum sur les modifications constitutionnelles relatives à la clause 17. Le référendum a

eu lieu le 5 septembre de l'an dernier. Les Terre-Neuviens se sont alors prononcés en faveur de la révision de la clause 17 dans le sens proposé par le gouvernement. Le résultat a été de 54,7 p. 100, mais il est vrai que le taux de participation a été faible.

Les Terre-Neuviens ont l'habitude des référendums. C'est par référendum qu'ils ont choisi d'adhérer à la Confédération. Il y a eu deux référendums, l'un le 3 juin et l'autre le 22 juillet 1948, où les Terre-Neuviens ont été invités à se prononcer sur leur avenir. Ils ont fini par se joindre au Canada, mais la marge a été aussi très ténue.

De notre examen des procédures suivies par Terre-Neuve, la majorité de nos députés ont tiré la conviction que Terre-Neuve avait tenu le référendum de bonne foi, selon des lois électorales normales et suivant des usages référendaires qui seraient acceptables dans d'autres régions du Canada.

[Français]

En ce qui concerne l'emploi des référendums et la position du Bloc québécois, je voudrais faire un commentaire. Il y a des séparatistes qui croient que l'adoption du résultat référendaire de Terre-Neuve voudrait dire qu'une action pareille, lors d'un futur référendum sur la question de la souveraineté du Québec, devrait être exercée par le gouvernement du Canada. Mais je dois noter que le premier ministre de Terre-Neuve et son gouvernement ont reconnu le processus légal et le rôle protégé du Parlement du Canada dans cette affaire. Nous nous attendons à la même attitude de la part du gouvernement du Québec et de son premier ministre. Jusqu'à maintenant, c'est tout à fait le contraire, ils démontrent une position unilatérale et même illégale.

Le Parti réformiste ne peut pas accepter cet amendement à la Constitution et les résultats du référendum comme un précédent, à moins que le gouvernement du Québec soit prêt à accepter la règle de droit et le processus constitutionnel, le rôle du gouvernement et des autres assemblées et, par ces reconnaissances, les droits de tous les Canadiens et toutes les Canadiennes, comme le fait le gouvernement de Terre-Neuve.

[Traduction]

La situation est tout à fait différente, notamment en ce qui concerne l'attitude des deux gouvernements, celui de Terre-Neuve et celui du Québec, quant à leurs objectifs en matière constitutionnels.

Permettez-moi maintenant d'examiner la question des écoles confessionnelles. Ce que propose le gouvernement de Terre-Neuve est-il conforme aux normes nationales et aux droits ou usages du reste du pays?

L'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait une protection de base de l'instruction pour les minorités religieuses. À l'époque, il s'agissait essentiellement de l'enseignement catholique dans les trois provinces anglophones et de l'enseignement protestant au Québec. Au fur et à mesure que de nouvelles provinces se sont jointes à la Confédération, des conditions équivalentes à celle


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de l'article 93 de la Loi constitutionnelle ont été établies pour toutes les provinces. Ainsi, pour l'Alberta dans la Loi sur l'Alberta.

D'un bout à l'autre du pays, plus de cinq millions d'élèves sont inscrits à temps plein dans des écoles élémentaires et secondaires. Selon les chiffres de 1990-1991, il y a plus de 15 000 écoles. La Loi constitutionnelle de 1867 fait relever l'enseignement exclusivement de l'assemblée législative de chaque province, disposition qui a été confirmée par la Loi constitutionnelle de 1982.

Le Canada a donc dix systèmes d'éducation provinciaux, en plus de ceux des territoires. Il existe des différences considérables entre eux, mais il y a aussi des similitudes. Notons plus particulièrement la protection générale des droits aux termes de l'article 93.

Le financement que les conseils scolaires reçoivent du Trésor de la province ou du territoire varie énormément. Ainsi, en pourcentage des recettes totales des conseils scolaires, la proportion venant de la province varie entre 40 p. 100 en Ontario et 100 p. 100 à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick.

Plusieurs provinces soutiennent par des recettes fiscales les conseils scolaires, qui sont structurés sur une base confessionnelle. Les lois scolaires du Québec, de l'Ontario, de la Saskatchewan, de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest accordent un tel soutien à l'enseignement élémentaire et secondaire dans les écoles publiques et les écoles séparées ou, dans le cas du Québec, pour les commissions scolaires dissidentes.

(1235)

Un système public non sectaire d'enseignement existe au Manitoba, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard. Je signale, toutefois, que, en Colombie-Britannique, le gouvernement accorde un certain financement aux écoles religieuses et l'enseignement confessionnel existe. Au Yukon, les écoles publiques autant que catholiques bénéficient d'un appui financier.

Pour la majorité du caucus réformiste, les modifications apportées à la clause 17 ne suppriment pas le droit de recevoir un enseignement religieux à Terre-Neuve et au Labrador. Comme je viens de le dire, ces modifications ne créeront pas une situation pire que celle qui existe dans les autres provinces et territoires. C'est une loi très généreuse considérant ce qui se passe dans d'autres provinces.

L'alinéa a) de la clause 17 prévoit ceci, et je cite: «Sauf dans la mesure prévue aux alinéas b) et c), sont confessionnelles les écoles dont la création, le maintien et le fonctionnement sont soutenus par les deniers publics; toute catégorie de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause, dans sa version au 1er janvier 1995, conserve le droit d'assurer aux enfants qui y appartiennent l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion à l'école; les droits des catégories de personnes qui se sont regroupées par un accord conclu en 1969 pour constituer un système scolaire unifié sont assimilés à ceux dont jouit une catégorie de personnes en application de la présente clause».

L'alinéa b) de la clause proposée permet la création d'écoles confessionnelles ou non qui seront soutenues par les deniers publics.

L'alinéa c) prévoit le droit à l'enseignement religieux et au contrôle sur tous les aspects des écoles confessionnelles, y compris les autres aspects du programme et le personnel enseignant ces matières.

L'alinéa d) prévoit l'attribution des fonds publics entre les groupes de confessions religieuses, sans discrimination.

L'alinéa e) prévoit que les catégories de personnes jouissant des droits prévus par la présente clause ont le droit d'élire une proportion d'au moins deux tiers des membres des conseils scolaires qui seront établis par le gouvernement, même si les conseils scolaires eux-mêmes sont organisés de façon multiconfessionnelle ou uniconfessionnelle.

En quoi la clause 17 diffère-t-elle de la pratique qui avait cours auparavant? Tout indique que la province de Terre-Neuve et du Labrador continuera d'avoir des écoles confessionnelles et, en général, un système scolaire confessionnel au sein de l'ensemble. Le droit à l'enseignement religieux n'est absolument pas supprimé.

Ce qui soulève des doutes au sujet des modifications qui sont apportées à la clause 17, c'est le passage suivant: «Sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles».

Dans toutes les provinces et territoires, l'enseignement est assujetti à la loi provinciale. Cette clause ne rend pas la chose exceptionnelle, mais la rend plutôt ordinaire compte tenu de la pratique qui a cours dans d'autres provinces.

Je voudrais rappeler la position officielle de mon parti sur ces deux sujets, à savoir le consentement démocratique et le processus qu'a utilisé Terre-Neuve pour adopter cette position de même que les critères généraux qui s'appliquent au respect des droits et des libertés en matière d'enseignement confessionnel, tels que nous les connaissons au Canada. Après avoir examiné ces deux positions, la grande majorité des députés du caucus réformiste appuient l'amendement, qui fait désormais partie de la position officielle des réformistes.

Comme il s'agit d'une question délicate et controversée, où de très nombreux intérêts sont en conflit et où les députés sont appelés à interpréter des dispositions très précises et à décider selon leur conscience, le chef du Parti réformiste a fait savoir que cette question fera l'objet d'un vote libre de la part de ses députés à la Chambre. Pour ce qui est des travaux réguliers du Parlement, les députés réformistes jouissent d'une grande liberté sans précédent, qui leur permet d'exprimer leur opinion et celle de leurs électeurs et de voter en conséquence.


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Je suis content de voir que, à Terre-Neuve comme ici, le gouvernement libéral se montre enfin disposé à se diriger dans cette voie et non seulement à tenir des votes libres à la Chambre, mais aussi à accepter la consultation populaire et la tenue de référendums sur les modifications à la Constitution.

(1240)

M. Ted McWhinney (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le débat concerne le chapitre 5 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui traite du pouvoir constituant, la source ultime de pouvoir constitutionnel de l'État.

C'est un domaine où il n'existe pas de pratiques ni de précédents obligatoires ou exécutoires. Il est donc opportun que le Parlement tente d'établir les règles constitutionnelles de base afin de déterminer ce qui est visé ou non.

Évidemment, la première de ces règles, c'est que ce que le Parlement dit dans le cadre d'un débat constitutionnel, contrairement à la position qu'il adopte par rapport à des mesures législatives courantes, équivaut à des travaux préparatoires et à des sources autorisées sur ses intentions, dont les tribunaux doivent tenir compte lorsqu'ils abordent la question.

Indépendamment du fait qu'il s'agisse, comme on le prétend actuellement, d'une question relevant de l'article 43 et ne concernant que le Parlement et une autre province ou non, c'est le Parlement, et non pas la province, qui doit se prononcer sur cette question pouvant, à ce titre, faire l'objet d'un examen judiciaire par les tribunaux.

De plus, cela s'inscrit dans le mandat du Parlement, c'est-à-dire des deux Chambres, en vertu du chapitre 5 de la Constitution: cela ne relève pas du Cabinet ni du premier ministre.

Comme certains députés le savent, j'ai préconisé la réduction des pouvoirs du Sénat par rapport à ceux de la Chambre dans d'autres domaines, parce qu'il s'agit d'un organe non élu, mais il est difficile de nier, dans le cas d'une loi aussi récente que la Loi constitutionnelle de 1982, que le Sénat n'a pas, en l'occurrence, des pouvoirs complets et égaux à ceux de la Chambre.

Je tiens à réitérer que le Parlement n'a pas à approuver automatiquement une proposition que lui soumettent les assemblées législatives provinciales. Il n'a pas à simplement se plier à la volonté de l'assemblée législative provinciale. Le Parlement a tous les pouvoirs politiques discrétionnaires voulus pour accepter ou rejeter la proposition ou pour suggérer à la province des modifications qu'elle devrait apporter pour obtenir l'approbation du Parlement.

J'insiste encore sur le fait que le Parlement, en jouant son rôle, est conscient du fait qu'il doit faire preuve de modération dans l'exercice de ses pouvoirs visant les questions tant constitutionnelles que militaires.

Toute province est tenue d'épuiser tous les recours politiques internes à sa disposition avant de présenter une proposition de modification constitutionnelle, qu'elle demanderait au Parlement d'adopter.

Le Parlement, dans ce cas, se limite aux faits présentés par l'Assemblée législative de Terre-Neuve. C'est un cas intéressant Terre-Neuve et la décision du Parlement d'approuver ou non le projet de résolution devrait être inscrite dans ce contexte.

Plus particulièrement, elle devrait être inscrite dans le contexte de la partie 5 de la Loi constitutionnelle de 1982. Sont énoncées dans cette partie les modalités de la procédure de modification de la Constitution, dont le degré de difficulté varie en fonction de l'importance des propositions en cause.

Étant donné que les modifications prévues à l'article 43 se limitent à une ou à plusieurs provinces s'adressant au Parlement, celui-ci se limite à ces provinces en répondant à la proposition ou en l'adoptant. Ce que nous disons, c'est qu'aucun précédent du point de vue juridique et constitutionnel n'est créé par cette disposition, qui pourrait s'appliquer à d'autres provinces non représentées dans l'affaire en cause. Les modifications constitutionnelles prévues à l'article 43 ne s'appliquent qu'aux parties en cause.

J'ai dit plus tôt, quand la question a été soulevée pour la première fois dans l'arène politique, qu'il conviendrait peut-être de demander à la Cour suprême un avis consultatif qui porterait sur la question dont j'ai parlé. Cependant, un avis consultatif peut évidemment être demandé avant ou après que des doutes et des problèmes d'interprétation surgissent. Après l'adoption de la présente résolution, ces derniers pourraient être renvoyés, comme il convient, à la Cour suprême pour obtenir un avis consultatif.

(1245)

En abordant cette question, je suis très sensible aux principes de la courtoisie fédérale, c'est-à-dire les obligations de bonne foi, de confiance et de respect mutuels qui lient les provinces et le gouvernement fédéral dans un système fédéral comme le nôtre.

J'ai déjà parlé de l'obligation antérieure d'une province d'épuiser tous les recours politiques ordinaires avant de présenter une proposition de modification constitutionnelle. En répondant à la demande d'une province, le Parlement fédéral se souviendra de ce que disait feu le juge Frankfurter, de la Cour suprême des États-Unis, au sujet de l'obligation du gouvernement fédéral, dans l'exercice de la courtoisie fédérale de reconnaître la compétence d'une province même si, dans un cas particulier, le gouvernement fédéral aurait pu choisir d'agir différemment en vertu de la loi en cause.

Nous abordons la résolution dans cette optique. J'ai pris note du fait que des électeurs de Terre-Neuve ont fait des démarches auprès de plusieurs de mes collègues sur cette question. Le premier ministre de Terre-Neuve nous a rencontrés et nous a donné l'assurance que si la résolution est adoptée, il en négociera les modalités d'application avec la population de sa province.

La courtoisie fédérale joue dans les deux sens. C'est une obligation réciproque et nous prenons très au sérieux les garanties offertes


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par le premier ministre de Terre-Neuve, qui est un ancien député fédéral bien connu et très respecté.

À ma connaissance et compte tenu de ces garanties, la demande présentée aux termes de l'article 43 ne peut, en droit constitutionnel, outrepasser le projet soumis par la province de Terre-Neuve. Elle ne crée pas de précédent juridique constitutionnel et elle ne peut non plus avoir de valeur d'application constitutionnelle à des parties non représentées dans le projet soumis au Parlement. La demande ne peut affecter les droits fondamentaux ni autres droits. Il faudrait pour cela avoir recours à d'autres procédures de modification qui exigent des majorités extraordinaires et le recours à des processus qui ne sont pas prévus dans la demande relativement simple faite aux termes de l'article 43.

Aussi, compte tenu de ces considérations et des vues exprimées qui, à titre de travaux préparatoires, indiquent une intention du Parlement que les tribunaux devraient, en tant qu'organismes parallèles, respecter, je suis disposé à appuyer la résolution.

[Français]

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec un peu de tristesse que je prends la parole au sujet de cette motion dont nous discutons et sur laquelle nous aurons à voter dans très peu de temps. Il me semble qu'on est en train d'aborder, adresser, discuter, débattre d'une question fondamentale.

Nous sommes en train de changer les droits constitutionnels acquis par des minorités en échange de leur promesse d'adhérer au Canada-donc c'était un échange-sans leur consentement.

[Traduction]

Changer les droits des minorités sans en avoir obtenu le consentement, surtout quand ces droits ont été accordés aux Terre-Neuviens dans le cadre des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada et ont été élargis en 1987, est pour moi une question très sérieuse qui mérite une réflexion très attentive. C'est ma principale grande préoccupation dans ce débat.

[Français]

Il y a d'autres éléments que je veux questionner, qui m'intriguent, dont je dois absolument parler. Il y avait d'autres alternatives, il y avait d'autres options.

(1250)

[Traduction]

Quelles sont les autres options ou solutions? Je suppose que ça aurait été une preuve de leadership de proposer un amendement qui aurait tenu compte des droits, des espoirs, des rêves et des aspirations de tous les protagonistes. J'aurais préféré cela. L'amendement aurait alors été probablement adopté à l'unanimité par la Chambre.

Il y a autre chose. Pourquoi ne pas donner suite aux changements qui étaient soi-disant requis maintenant? Certains de ces changements sont en train de se produire aujourd'hui. Certains cadres supérieurs ont reçu un avis leur annonçant qu'ils n'auront plus d'emploi à compter du 31 août. Manifestement, les choses bougent. Par la suite, s'il avait été nécessaire de présenter cet amendement, on aurait pu le faire.

Je sais de sources très fiables, y compris du gouvernement et de l'opposition, qu'un accord a été conclu, du moins en principe-on peut ergoter là-dessus-en ce qui concerne le nombre de conseils scolaires, le financement des dépenses en capital, la viabilité des écoles, le transport des écoliers et le conseil de la construction. Ce sont d'importants problèmes qui ont été examinés et sur lesquels un accord, du moins de principe, a été conclu.

Pourquoi cet accord ne pourrait-il pas être soumis à la cour d'appel de la province ou à la Cour suprême du Canada pour voir s'il est compatible avec la clause 17? Ç'aurait été une autre solution au lieu des deux autres que j'ai mentionnées.

[Français]

Certains prétendent qu'il n'y aura pas de répercussion dans le domaine de l'éducation ailleurs ou sur les droits des minorités dans d'autres secteurs. Si nous regardons cette question du point de vue de la perspective légale, ils ont tout à fait raison. On n'a même pas besoin d'avoir un débat sur cette question. Mais est-ce que des liens seront faits? Bien sûr.

Déjà, les francophones de Terre-Neuve posent la question suivante: «Pourquoi ne se préoccupe-t-on pas de nos droits de gérer notre propre système en ce moment, en même temps que nous discutons des droits des autres minorités?» C'est une question qui a déjà été posée. On me dit qu'il n'y aura pas d'impact. Il n'y aura pas d'impact dans le sens légal. Ça ne changera pas tout d'un coup comme ça, mais bien sûr qu'il y aura un impact.

L'Association des autochtones de Terre-Neuve a déjà dit: «Et puis nos droits qui n'ont pas encore été reconnus, pourquoi ne pas les reconnaître en ce moment?» Dans les journaux de l'Ontario, on a dit que déjà, des commissaires d'école du système public ont dit, lorsqu'ils regardaient le projet: «Nous, on a besoin de quelque chose comme ça ici dans cette province.»

Donc, lorsque vous me dites qu'il n'y aura pas d'impact du point de vue légal, vous avez tout à fait raison. Je suis totalement d'accord. Mais au point de vue de liens qui seront faits, écoutez, ce n'est pas tout à fait le cas.

[Traduction]

Il y eu d'autres discussions importantes au sujet du lobbying. Les catholiques et les pentecôtistes ont fait beaucoup de lobbying. Je les en félicite. Toutefois, c'était des pressions sur l'autre partie. En fait, j'ai eu droit à plus de pressions de la part du gouvernement que de l'autre partie qui a soi-disant fait beaucoup plus que le gouvernement. Bien sûr, les ressources n'étaient pas égales.


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Mais laissons-ça de côté. Ai-je eu la chance de faire l'objet d'une plus grande attention de la part du gouvernement que les autres députés, je dois en tous cas dire à la Chambre que j'ai eu droit à des pressions de la part des deux parties.

On a dit beaucoup de choses au sujet du rendement scolaire des Terre-Neuviens. Certains prétendent que si le rendement n'est pas ce qu'il devrait être, c'est à cause du système actuel. Écoutons plutôt ce que le ministère de l'Éducation de Terre-Neuve et du Labrador en dit: «Le niveau d'instruction a connu une augmentation marquée dans tous les groupes d'âge, à Terre-Neuve, depuis le milieu des années 70, au point qu'il n'y a presque plus d'écart avec le reste du Canada.» Peut-on parler d'écart important? Difficilement.

L'ancien ministre de l'Éducation a dit: «L'écart entre notre province et le reste du Canada au niveau des études supérieures est en passe de devenir un mythe. [. . .]Les taux d'inscription dans nos universités sont supérieurs à la moyenne nationale. Si la tendance actuelle se maintient, la province de Terre-Neuve et du Labrador aura bientôt des niveaux d'instruction égaux au reste du pays.»

(1255)

J'aurais pu trouver dix ou douze autres citations du ministère de l'Éducation, de fonctionnaires et de représentants élus, mais j'ai choisi ces deux-là, juste pour appuyer mes dires. N'exagérons pas la situation de cette province.

L'autre chose dont il faut se rappeler, c'est que les programmes d'études relèvent entièrement du gouvernement, qu'il s'agisse des manuels, du nombre d'enseignants, du financement, de la formation des enseignants ou des normes de rendement. Actuellement, c'est le gouvernement qui en a la responsabilité. Si le système scolaire n'a pas un bon rendement, qui faut-il blâmer? De toute façon, j'ai démontré que le rendement n'est pas nécessairement mauvais.

Certains ont parlé du référendum comme d'un idéal, d'un modèle. Les référendums peuvent être utiles, mais ils sont aussi extrêmement dysfonctionnels. En passant, ce référendum a été tenu le 5 septembre. Il a eu lieu tout de suite après les mois d'été, ce qui n'est pas un bon moment pour tenir un débat fondamental sur cette importante question.

Je me demande quel camp avait le plus de ressources à sa disposition pour défendre ses idées. Je vais faire part de la question à la Chambre. Voilà la question qui était posée aux habitants de Terre-Neuve sur leur bulletin de vote: «Appuyez-vous la clause 17 de la manière proposée par le gouvernement pour permettre une réforme du système d'enseignement confessionnel?»

Avec une telle question, même sans débat, on peut s'attendre à recevoir 50 p. 100 de oui. Posons la question dans n'importe quelle province ou quel territoire: «Êtes-vous en faveur d'une réforme de l'éducation?» Demandez aux parents s'ils sont en faveur d'une réforme. La réponse à une telle question a été favorable dans une proportion de 52 à 54 p. 100.

Était-ce là un outil approprié pour légitimer cette initiative du gouvernement? Franchement, j'aurais préféré qu'il n'y ait pas de référendum. Dans un sens, nous avons un point de repère. Encore une fois, cela n'a pas de fondement juridique, mais croyons-nous vraiment qu'on peut utiliser cela pour aller de l'avant avec un projet politique? Ça s'est déjà fait.

[Français]

-à la Chambre des communes, ici, à Ottawa, il n'y a pas longtemps, et ça va continuer.

[Traduction]

Permettez-moi de présenter quelques éléments rapidement. Je soutiens que les écoles sont assujetties à la législation provinciale. Permettez-moi de citer une partie de la loi. Il y est dit: «sous réserve du droit provincial d'application générale prévoyant les conditions de la création ou du fonctionnement des écoles». Notez bien que c'est sous réserve du droit provincial et non de la Constitution. On pourrait remplacer aujourd'hui le premier ministre provincial, puis un autre plus tard et c'est seulement sous réserve du droit provincial.

Il est aussi stipulé plus loin: «[ . . . ] régir les activités académiques touchant aux croyances religieuses». L'objectif était d'assurer que les groupes visés aient quand même leur mot à dire. Or, régir ne signifie pas déterminer. Cette formulation ne donne pas le pouvoir de prendre des décisions de principe. Elle limite la participation.

Pourquoi ne pourrions-nous pas proposer maintenant un amendement à la modification, qui apaiserait ces inquiétudes légitimes qui ont été formulées et qui se rapportent directement aux inquiétudes exprimées ici.

Je sais que je n'ai plus que quelques secondes et je voudrais finir sur la réflexion suivante. Il me semble que nous devons discuter davantage de cette question. Je l'ai dit auparavant, il y a d'autres possibilités: le renvoi aux tribunaux, une modification qui serait satisfaisante pour tout le monde ou la mise en oeuvre immédiate des changements et la présentation d'une modification par la suite. Ainsi, on pourrait éviter toute la question de la modification des droits constitutionnellement acquis par des minorités au moment de leur entrée dans la confédération canadienne. Si l'on peut trouver une logique dans cette situation, pourquoi ne pas en trouver une dans une autre situation, satisfaisante à nos yeux pour l'avenir?

[Français]

J'aurais pu en dire long sur toute cette question, mais je termine simplement en indiquant que si cet amendement vient à passer je crois bien que le Canada va durer. D'un autre côté, et j'en suis convaincu, il y aura des références sur la façon dont on a utilisé le référendum dans cette situation. Je suis également convaincu que d'autres efforts seront faits par certaines gens afin de changer les droits des minorités dans d'autres secteurs.

(1300)

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député de Saint-Boniface pour son excellent discours et j'abonde dans le même sens. J'ai moi aussi des inquiétudes concernant cette modification à la Constitution du Canada.


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J'aimerais poser une question au député de Saint-Boniface, qui a, comme moi, beaucoup d'expérience en éducation. D'ailleurs, d'après ses propos, je note que le député de Saint-Boniface a été sous-ministre de l'Éducation de sa province. Donc, ce qu'il a à dire a beaucoup d'importance et vient de son d'expérience. Je crois que les propos du député nous montrent que les inquiétudes qu'ont certaines personnes sont réelles et qu'on devrait y penser deux fois avant de voter en faveur de la motion.

J'ai des inquiétudes pour les minorités de langue française. Je me demande comment il se fait qu'à Terre-Neuve, les Canadiens français ne puissent gérer leurs écoles dans leur langue. Le député a dit qu'il y avait peut-être d'autres alternatives. Connaissant son expérience, j'aimerais qu'il m'en fasse part.

Au lieu de faire un grand bond et de venir immédiatement demander au Parlement canadien d'approuver cet amendement, qu'est-ce que le gouvernement de Terre-Neuve aurait pu faire avant de venir ici nous demander de changer la Constitution?

Ce qui m'a inquiété aussi dans le discours du député, et là je lui demande des éclaircissements, c'est qu'il a dit qu'en Ontario, il y avait des gens qui désiraient avoir quelque chose de semblable, afin d'apporter des changements au système d'éducation en Ontario. En tant que Canadien français catholique, de deux minorités en Ontario, je lui demande s'il pourrait élaborer sur ce sujet.

M. Duhamel: Monsieur le Président, je remercie mon collègue pour sa série de questions. J'ai indiqué, me semble-t-il clairement, qu'il y avait plusieurs alternatives. Il y a la référence aux tribunaux, par exemple, pour clarifier si l'accord déjà réglé ne pourrait pas répondre à l'article 17, ou un amendement qui répondrait aux besoins de tous les gens qui sont impliqués, ou procéder avec des changements, ce qui est d'ailleurs déjà arrivé, et utiliser l'amendement plus tard si nécessaire.

En voilà au moins trois. En ce qui concerne les francophones de Terre-Neuve, le fait qu'ils n'ont pas la gérance de leurs propres écoles, je ne sais pas. On doit avouer que le progrès est quelquefois très lent dans certaines provinces, mais j'ose croire que le nouveau premier ministre qui s'est engagé, qui a démontré une certaine ouverture pourra peut-être corriger le tir. Je le dis de façon très sincère et j'applaudis les efforts des Terre-Neuviens et Terre-Neuviennes à cet égard. Je suis prêt, avec mes collègues de langue française, d'essayer de leur donner un coup de main.

En ce qui concerne le commentaire fait au sujet de la province de l'Ontario, c'est ce qui m'a été rapporté. C'est le commentaire d'un commissaire des écoles publiques qui croyait qu'il y aurait peut-être des choses à gagner, peut-être de l'argent à épargner s'ils pouvaient jumeler, d'une façon ou d'une autre, ou limiter les pouvoirs ou l'autorité des commissions scolaires ou des écoles catholiques.

Il ne faut pas exagérer. Je ne crois pas que tout à coup, si l'amendement est adopté, les droits des minorités vont être complètement changés, que ce soit dans le domaine de l'éducation ou ailleurs. Je propose et je crois qu'il y aura beaucoup de questions qui seront posées, il y aura des débats et ils ne porteront pas nécessairement sur l'unité, soit de la communauté, de la province ou du pays.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir après le député de Saint-Boniface dont j'ai beaucoup apprécié le discours. Je connais bien la sensibilité qu'il a toujours déployée à l'égard des parlant français d'un océan à l'autre, que nous soyons ou pas, comme nous du Bloc québécois, favorables à cela. Je crois cependant que nous devons dire clairement à ceux qui nous écoutent aujourd'hui que nous ne sommes pas saisis, comme parlementaires, d'un projet de loi mais d'une résolution constitutionnelle qui devra être avalisée par cette Chambre et bien sûr l'autre Chambre, selon un processus très précis, identifié en vertu même de nos règles constitutionnelles, qui est l'article 43.

(1305)

J'aurai l'occasion de parler des droits des francophones puisque c'est évidemment une préoccupation qui nous habite beaucoup, mais je souhaiterais que nous puissions vivre ce débat en ayant bien présent à l'esprit que ce dont nous sommes saisis, le point de départ des considérations qui doivent nous animer comme parlementaires, c'est qu'il y a eu un référendum tenu démocratiquement selon des règles acceptées de tous. Je crois qu'on a la responsabilité, dans une démocratie comme la nôtre, de reconnaître que le meilleur choix est toujours celui des individus.

Je ne suis pas de ceux qui croient que lorsqu'il y a un référendum et que l'on n'est pas d'accord avec l'option qui a obtenu la majorité-il y a une tendance assez institutionnalisée que nous avons vécue au Québec-on s'en remette à la clarté de la question. Comme si, lorsque dans une province que ce soit pour la question du droit du Québec à l'autodétermination ou pour la question du système scolaire et de l'article 17 de Terre-Neuve, l'on pouvait passer à travers un processus comme un référendum avec ce que cela implique comme mobilisation, comme déploiement d'énergie, sans que nos concitoyens n'en soient informés.

Je voudrais rappeler deux choses en prémisse à mon discours. Premièrement, c'est qu'en vertu de nos règles constitutionnelles, des règles que nous avons critiquées à quelques égards nous, du Québec, puisque nous n'avons pas signé la Constitution de 1982, dans ce Parlement, selon les règles en vigueur, il est possible selon les termes de l'article 43 qu'une province puisse demander au gouvernement fédéral de signer une entente bilatérale pour modifier certaines dispositions la concernant en propre. C'est bien sûr le cas des conditions d'admission de Terre-Neuve dans la confédération en 1949.

Vous vous rappellerez qu'à trois reprises dans les années récentes nous avons été témoins, particulièrement ceux qui ont plus d'expérience que moi en cette Chambre, du processus d'amendement en vertu de l'article 43. Je veux le rappeler à ceux qui nous écoutent aujourd'hui pour qu'il n'y ait pas de confusion.

Selon l'article 43, il y a eu une modification constitutionnelle qui a fait en sorte que les écoles pentecôtistes de Terre-Neuve, une des huit dénominations religieuses maintenant reconnues, ont été mises sur le même pied d'égalité que les sept autres en 1987. Cela


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signifiait qu'on les reconnaissait comme gestionnaires à part entière du système d'éducation avec ce que cela implique dans l'allocation de ressources.

Deuxième modification constitutionnelle plus récente, en 1993. D'ailleurs des députés du Bloc québécois ont participé au débat à ce moment-là, mais pas celui qui vous parle. Cette modification de 1993 visait à garantir l'égalité linguistique entre le français et l'anglais dans la province du Nouveau-Brunswick qui, du coup, est devenu la deuxième province officiellement bilingue au Canada, après le Québec.

La troisième modification, je m'en souviens, j'ai participé au débat, est celle qui visait à faire en sorte que l'Île-du-Prince-Édouard perde un peu de son caractère insulaire et puisse être reliée au Canada continental par la construction d'un pont interprovincial. Donc à trois reprises, dans l'histoire récente, dans l'histoire contemporaine du Canada, ce Parlement a été saisi d'une possibilité de modifier la Constitution.

Je suis un peu malade depuis quelques jours, mais rien ne m'empêchera de participer au débat. Il faut quand même partir de la prémisse qu'il y a eu un référendum à Terre-Neuve. Nous ne sommes pas dans une situation où il y a eu usurpation de pouvoirs. Il y a eu un référendum et on discute de cette question depuis plusieurs années à Terre-Neuve. On en discute de façon officielle depuis 1992.

Il y a eu un référendum tenu sous les auspices de la province, et je suis un peu étonné qu'à l'exception du ministre de la Justice, tous ceux qui ont participé au débat depuis ce matin n'aient pas pris le temps, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, de lire la question.

(1310)

Je ne crois pas qu'à sa face même-et je lirai cette question-les termes de la question étaient particulièrement clairs, particulièrement lucides.

La question était la suivante:

[Traduction]

Appuyez-vous la révision de la clause 17, de la façon proposée par le gouvernement, afin de permettre une réforme du système scolaire confessionnel?

[Français]

On ne parlait pas là de tout et de rien; on parlait évidemment de l'article 17 qui concernait le caractère confessionnel du système d'éducation. C'est ce qui amène le Bloc québécois à se faire extrêmement solidaire de cette résolution, et pour deux raisons. La première, c'est parce qu'il y a eu un référendum. Le référendum est un outil de consultation, ainsi appelé par le Parti réformiste, qui doit être reconnu par le gouvernement et qui est désiré par le Bloc québécois.

Le référendum-je pense qu'il est important de se rappeler les termes-a permis à la population de Terre-Neuve de s'exprimer. On note que 52 p. 100 des électeurs inscrits ont voté. Bien sûr, c'est peu, quand on le compare à l'extraordinaire exercice démocratique qu'a connu le Québec il y a quelques mois, où près de 90 p. 100 des gens se sont prévalus de leur droit de vote.

Mais encore une fois, en démocratie, le meilleur choix est toujours celui que font les gens. Et les gens de Terre-Neuve qui étaient habilités à voter selon les règles de l'art se sont exprimés à 54 p. 100 en préférence d'une révision du système d'éducation. C'est pour cela que le Bloc québécois appuie la motion. Nous l'appuyons parce qu'il y a eu un référendum qui est moins éclatant sur le plan des résultats, mais qui a dégagé une majorité. Et encore une fois, tous les subterfuges, tous les artifices possibles ne pourront jamais nous faire oublier que, dans notre règle, en droit international comme à l'intérieur des frontières canadiennes, lorsque l'on a recours à un référendum, comme lorsque l'on recourt à des élections générale, la règle qui doit s'appliquer est celle des 50 p. 100 plus 1.

Donc, sur le plan de la légitimité, il n'y a aucune espèce de remise en cause qui peut être soutenue par ceux qui ne souhaitent pas l'adoption de cet amendement.

Deuxièmement, de dont on parle ici est une question de juridiction provinciale. Cela concerne la façon dont on veut que l'on organise le système scolaire dans une province qui est la dernière à avoir fait son entrée dans la Confédération. Bien sûr, ça renvoie aux liens avec les droits des minorités. Mais il me semble que c'est aussi une question distincte, parce que les droits des minorités, particulièrement le droit à des services publics, est quelque chose qui est inscrit dans la Charte canadienne, à l'article 23.

Ce n'est certainement pas moi qui vais vous dire aujourd'hui que je considère que le Canada est un modèle de service à l'endroit des francophones hors Québec. Nous savons bien qu'il y a des difficultés dans les provinces de l'Ouest, et j'ai d'ailleurs passé l'avant-dernière semaine en Colombie-Britannique et je sais très bien qu'en Colombie-Britannique comme à Terre-Neuve, on est très loin du compte, s'agissant des droits à l'éducation dans la langue de la minorité. C'est ce qui, à mon avis, rend le Canada, dans son architecture actuelle, comme un pays à peu près invraisemblable. Mais le fait que certaines minorités aient de la difficulté à obtenir des services, particulièrement le droit à l'éducation dans leur langue, ne peut invalider le fait qu'en 1996, le premier point de départ que nous devons avoir à l'esprit est qu'il n'existe pas, à l'instant où on se parle, à Terre-Neuve, d'école qui ne soit pas confessionnelle.

Pouvez-vous imaginer que, dans un monde moderne, dans un monde où il y a des liens à faire entre le marché du travail, entre la façon dont on veut organiser la société, il n'existe pas d'école laïque dans une province comme Terre-Neuve, qui est une des portes d'entrée au Canada? Lorsque nous parlons d'organisation scolaire à Terre-Neuve, cela se fait encore dans un cadre où ça passe par la dénomination religieuse.

(1315)

Je pense que cela n'a aucun sens que dans une société on organise la façon dont on dispense un service d'éducation selon la conviction religieuse des gens. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas habité par un sentiment religieux, ça ne veut pas dire que je crois que la religion n'a pas sa place dans les écoles, mais je ne crois pas que nous devons organiser un système scolaire, quel qu'il soit, en


3274

fonction de l'appartenance à l'une ou l'autre des dénominations religieuses.

Ce qui se passe, particulièrement dans le cas de Terre-Neuve, est aberrant. On ne peut pas imaginer qu'une telle situation ait survécu. Je veux rappeler pour ceux qui nous écoutent que tout ça n'est né de la biogenèse. Cela a fait l'objet d'une commission d'enquête. Il me semble que quand il y a une commission d'enquête, c'est dire qu'un débat public s'installe, que des experts se prononcent, que la population peut se faire entendre.

Cette commission d'enquête, qui a commencé en 1992, a convenu, et je pense que c'est un constat qui est assez facilement compréhensible, que Terre-Neuve ne peut pas entrer dans la modernité si son système scolaire n'est pas profondément révisé. La révision que l'on suggère est celle de mettre fin à un système où il existe parallèlement, en coexistence, quatre systèmes scolaires gérés par sept confessions religieuses. Comment peut-on ne pas être inquiets? Comment peut-on ne pas questionner qu'il existe à Terre-Neuve, et je vais quand même prendre le soin de les nommer pour la clarté du débat, sept confessions religieuses qui coexistent à travers quatre systèmes scolaires distincts avec ce que cela veut dire de confusion de ressources et, surtout, de dédoublements?

Pensez qu'un jeune étudiant qui se lève le matin prend un transport scolaire qui, pour se rendre à son école, peut passer devant trois écoles à proximité de sa localité sans que ça ne soit pour autant la sienne. On le conduit plus loin parce que le système scolaire est organisé selon la dénomination religieuse et non selon le caractère laïc que l'on doit donner au service.

Les sept confessions religieuses sont: anglicane, pentecôtiste, presbytérienne, catholique romaine, l'Armée du Salut, l'Église adventiste du septième jour et l'Église unie du Canada.

Je suis convaincu que l'une et l'autre de ces dénominations religieuses proposent un code de valeurs qui ne peut être que bénéfique pour les enfants. Je suis convaincu que ces gens sont particulièrement généreux sur le plan de leur présence dans le système scolaire, mais ça n'a pas de bon sens pour la duplication des ressources et ce n'est pas une façon moderne d'organiser le système scolaire.

Qui peut mieux en parler en cette Chambre que les députés du Bloc québécois, particulièrement les députés de Montréal. Vous savez que je suis un député de Montréal.

M. Pomerleau: Moi aussi.

M. Ménard: Le député d'Anjou-Rivière-des-Prairies, qui est en arrière de moi, est aussi un député de Montréal. C'est aussi ce qui se passe à Montréal. On a une Commission des écoles catholiques de Montréal qui coexiste avec un autre type d'organisation scolaire et encore une fois, il y a non seulement une duplication de structures, mais ce n'est pas la façon rigoureuse, ce n'est pas la façon moderne d'organiser un système d'éducation, particulièrement avec ce que cela veut dire comme capacité de se transformer à l'aube de l'an 2000.

Vous pourriez demander: «Oui, mais à la limite, qu'est-ce que ça implique sur le plan de la gestion?» C'est ce qui est le plus questionnable dans la façon qu'on a d'organiser un système scolaire. L'impact que cela a d'organiser un système scolaire en fonction de la confession religieuse, c'est que ça fait des liens avec les exercices de gestion qui n'ont pas objectivement leur raison d'être. Cela veut dire que ces confessions religieuses et les conseils scolaires confessionnels qui en découlent ont des pouvoirs concernant l'embauche et le congédiement des enseignants. Ils ont des pouvoirs concernant l'établissement et l'entretien des écoles. Ils ont des pouvoirs concernant la répartition des fonds pour l'enseignement et le fonctionnement des écoles, bien sûr, et ils ont évidemment des pouvoirs concernant l'organisation des districts scolaires, particulièrement la délimitation des territoires.

(1320)

Les députés, j'en suis convaincu, ont tous reçu une lettre du premier ministre de Terre-Neuve. Je pense que je peux dire son nom, maintenant qu'il n'est plus dans cette Chambre. Nous avons tous reçu une lettre du premier ministre de Terre-Neuve, Brian Tobin. Le fil conducteur, dans le plaidoyer auquel s'est livré le premier ministre de Terre-Neuve, c'est la nécessité de revoir le système d'éducation pour l'intégrer en une seule et même structure qui sera pluriconfessionnelle.

Le premier ministre de Terre-Neuve, en conformité avec les travaux qui ont été réalisés dans le cadre de la commission d'enquête, a évalué que la province de Terre-Neuve pouvait réaliser des économies budgétaires de l'ordre de 17 millions de dollars. Bien sûr, ce n'est pas la fin du monde, 17 millions de dollars, mais c'est quand même considérable pour une province qui a une population de l'envergure de celle de Terre-Neuve.

Nous sommes extrêmement solidaires de ce qui se passe à Terre-Neuve. Cela nous renvoie aussi à l'outil de consultation qu'est le référendum. Nous ne pourrons pas l'oublier, et le député de Saint-Boniface a raison de dire qu'il redoute un précédent sur le plan de l'interprétation qui pourrait en être fait. Je pense qu'il a raison de nous rappeler que dans une démocratie, qu'elle soit vécue à l'échelle pancanadienne ou dans un contexte québécois, c'est évident qu'il ne peut pas y avoir deux types d'interprétation.

Si nous prenons acte, comme parlementaires, du fait que Terre-Neuve, à 54 p. 100, a choisi de voter pour une refonte en profondeur, si les Terre-Neuviens ont choisi d'opter pour une refonte en profondeur de leur système d'éducation, eh bien, nous allons évidemment désirer que le jour où les Québécois se prononceront de façon démocratique, selon des règles dictées par son Assemblée nationale, le jour où les Québécois, à 52, 51 ou 54 p. 100, choisiront, par le processus référendaire, de mettre en branle le processus d'accession à la souveraineté, bien sûr que nous souhaiterons que ce Parlement canadien réserve le même accueil généreux, le même accueil démocratique que nous lui réservons aujourd'hui s'agissant de la question de Terre-Neuve.

Il n'y aurait pas de débat terre-neuvien, il n'y aurait pas de débat à Québec concernant son droit à l'autodétermination, que nous tiendrions comme opposition officielle exactement le même discours et que nous prendrions acte du fait que Terre-Neuve a le droit de souhaiter, suite au résultat de son référendum, que cette assemblée, ainsi que l'autre Chambre, soit saisie d'une résolution constitutionnelle pour réviser en profondeur son système d'éducation. Nous tiendrions exactement le même discours, et non seulement nous tiendrions le même discours, mais cela nous apparaît une avancée importante sur le plan de la démocratie.

3275

Permettez-moi de terminer, parce que je crois que mon temps fuit dangereusement, en rappelant que ce que nous avons eu comme information de la part du gouvernement de Terre-Neuve, c'est que, avec les propositions mises de l'avant par le premier ministre Tobin et son ministre de l'Éducation, il y aura quand même possibilité pour les parents qui en feront la demande, là où le nombre d'enfants va le justifier, et c'est très semblable à l'article 23, pour les parents qui le souhaiteront, il y aura possibilité de faire en sorte que leurs enfants puissent être inscrits dans une école uniconfessionnelle.

Évidemment, je crois que le gouvernement de Terre-Neuve a le sentiment que ce sera moins répandu et que la grande réforme qui sera proposée, c'est bien celle d'avoir des écoles qui vont être multi et pluriconfessionnelles. Nous voulons saluer une initiative comme celle-là.

Je pense que nous n'aurions pas beaucoup de crédibilité comme parlementaires si nous commencions, au gré de débats comme celui-là, à ne pas tenir compte de la validité des processus démocratiques qui sont mis en oeuvre dans l'une ou l'autre de ces provinces.

Je terminerai en invitant tous les parlementaires de cette Chambre, sans exception, à réserver un accueil chaleureux, un accueil enthousiaste, un accueil positif à la résolution du gouvernement de Terre-Neuve.

(1325)

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté le discours du député de Hochelaga-Maisonneuve. Je le remercie de sa participation et de celle de son parti à ce débat.

J'ai remarqué deux positions dans le discours des députés bloquistes. La première, c'est l'appui aux résultats des référendums, surtout dans ce cas, et aussi l'appui presque inconditionnel pour les droits des francophones hors Québec. Je dois examiner ces deux positions.

S'il y a un référendum à l'extérieur du Québec sur le statut du français ou les droits des francophones et que le résultat soit en faveur d'un changement, le Bloc québécois acceptera-t-il les résultats de ce référendum ou dira-t-il que les référendums ne peuvent toucher que les droits des autres et pas ceux des francophones?

M. Ménard: Monsieur le Président, j'oublie malheureusement la circonscription du député, mais je le félicite pour l'excellence de son français. Si j'ai bien compris la question qu'il me posait c'est que dans l'éventualité où il y aurait un référendum hors Québec sur les droits des francophones, un référendum qui ne soit pas organisé par l'Assemblée nationale et qui concerne les droits des francophones, donc nécessairement les droits des francophones hors Québec, est-ce que j'en accepterais les résultats?

À priori, je lui dis que oui, mais je lui demande de ne jamais oublier deux choses. La première c'est qu'il ne se trouve aucun député du Bloc qui affirmera dans ce débat que les francophones hors Québec ont des droits satisfaisants. Nous sommes très conscients, au vu des rapports que nous lisons sur les langues officielles, que la situation des francophones hors Québec pour l'ensemble des provinces, de la Colombie-Britannique jusque dans les Maritimes, est très préoccupante.

Nous le savons très bien et à plusieurs occasions nous avons pressé ce gouvernement de déployer des ressources additionnelles et de faire en sorte que les provinces puissent accorder aux francophones des droits comparables à ceux que la minorité anglophone du Québec reçoit. J'espère que le député est conscient qu'il n'y a aucune province dans ce pays qui trait sa minorité avec autant d'égards, autant de générosité et une allocation de ressources aussi intéressante que le Québec ne le fait pour sa minorité anglophone.

Deuxièmement, je commence à bien connaître le député qui est un des plus brillants de sa formation-le député d'Outremont l'est bien sûr-mais ici je parle du député réformiste. N'oublions jamais que ce qui est sacré concernant l'avenir du Québec, c'est le droit du Québec à l'autodétermination. Le député a ses idées à ce sujet. Nous avons eu des débats et nous en aurons d'autres. Un référendum est l'exercice tout indiqué pour décider pour le peuple du Québec. Lorsque je parle du peuple du Québec, je fais allusion à l'ensemble de ses composantes tant les Premières Nations que la communauté anglophone, que les cent et quelques autres communautés ethniques établies au Québec.

Je lui dis cependant que la seule façon légitime acceptable pour le Québec de reconnaître les résultats d'un éventuel exercice sur le droit à l'autodétermination, c'est que c'est le Québec lui-même qui décidera, selon sa loi à l'Assemblée nationale et selon des conditions d'exercice validées dans la Loi sur les consultations populaires.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, je sais comme vous que les députés n'aiment pas beaucoup commencer un discours pour être interrompu par le Président pour une raison ou pour une autre. Par conséquent, je me demandais si vous accepteriez que je dise qu'il est 13 h 30. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 13 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


3275

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

(1330)

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.) propose: Que le projet de loi C-224, Loi modifiant le Code criminel (arrestation sans mandat), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je voudrais dire au départ que j'ai des sentiments partagés au sujet de la présentation du projet de loi C-224, aujourd'hui.


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D'une part, je suis honoré d'avoir la possibilité de présenter une initiative qui m'a été demandée par des agents de police de ce pays. Au cours de mes voyages au Canada, j'ai rencontré de nombreux agents de police. Tous m'ont dit que pour rendre la société plus sûre, ils avaient besoin de plus de pouvoirs, afin de faire appliquer la loi. Le projet de loi C-224 répond à ce besoin.

Par contre, je sais qu'après cela, nous ne pourrons plus parler de la question. Après aujourd'hui, il n'y aura plus de discussions, plus de débats et, le pire de tout, plus de mise aux voix. Il n'y aura certainement pas de nouvelles mesures législatives pour aider nos forces policières. Je pense que j'ai échoué en ne répondant pas à leur demande. Je peux seulement blâmer le processus législatif.

Je suis donc ici aujourd'hui avec un autre exemple qui montre la nécessité de réformer en profondeur le système des initiatives parlementaires. Jusqu'à présent, dans cette 35e législature, aucun projet de loi d'initiative parlementaire visant à réformer le système de justice criminelle n'a été adopté. De nombreux projets de loi ont été proposés par tous les partis pour accroître la sécurité de nos rues. Pourtant, à huis clos, le comité qui a l'autorité de décider ce qui est bon pour nous, a rejeté ces propositions en ne les estimant pas suffisamment importantes pour faire l'objet d'un vote.

Il y a actuellement 59 projets de loi d'initiative parlementaire au Feuilleton, dont 16 qui parlent de la réforme de notre système de justice criminelle. Il me semble que c'est une preuve pour le gouvernement qu'il doit faire des réformes qu'il ne fait pas actuellement.

Un des projets de loi les plus importants a été proposé par le député de York-Sud-Weston, un projet de loi visant à empêcher les meurtriers de faire un demande de libération conditionnelle après avoir purgé 15 ans de leur peine. Le comité de la justice s'est penché sur ce projet de loi au cours des deux dernières années sans faire aucun progrès en vue de son adoption. Le projet de loi abrogerait l'article 745 du Code criminel.

Sur les 59 projets de loi d'initiative parlementaire neuf ont franchi l'étape de la deuxième lecture, mais le sort de bon nombre d'entre eux a été décidé la semaine dernière. Le système tout entier est un désastre et une supercherie. Tout cela, c'est de la faute du Comité permanent de la gestion de la Chambre à qui revient la décision finale lorsqu'il s'agit de déterminer quelles questions inscrites à l'ordre de priorité vont être mises aux voix à la Chambre.

Le bilan du comité quant à la sélection des projets de loi devant être mis aux voix laisse à désirer. Les seuls projets de loi d'initiative parlementaire qui sont retenus et finissent par devenir lois sont le plus souvent des mesures législatives qui ne portent pas à controverse et qui ne soulèvent pas beaucoup de vagues. Il peut s'agir de se demander par exemple s'il faut faire de la crosse ou du hockey le sport national officiel.

J'ai été élu pour représenter la population de Wild Rose. J'ai promis à mes électeurs d'essayer de rendre notre pays un peu plus sûr. J'ai constaté que c'est quasi impossible dans le système qui est le nôtre, où le gouvernement a toute la latitude voulue pour prendre des décisions à huis clos.

Mon projet de loi d'initiative parlementaire, le C-224, aurait pour objet d'abord et avant tout d'aider nos policiers. Il répond à leurs besoins en stipulant qu'un policier peut avoir le pouvoir d'arrêter sans mandat une personne qui, volontairement, omet ou refuse de se conformer à une condition d'une libération conditionnelle ou d'une permission de sortir sans surveillance ou qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a enfreint ou est sur le point d'enfreindre une telle condition.

Un exemple fréquent est le cas d'une personne à qui on dit qu'elle viole ses conditions de libération quand elle entre dans un bar ou un établissement où l'on vend de l'alcool. Dans bien des cas, un policier connaît ceux qui sont en liberté conditionnelle sur son territoire. En patrouillant ces établissements, il peut repérer une personne qui est en train de violer ces conditions. Dans ce cas l'agent de police n'a pas le pouvoir d'arrêter le suspect. Il doit communiquer avec l'agent de libération conditionnelle qui supervise ce suspect et attendre d'obtenir un mandat avant de pouvoir procéder à l'arrestation. Cela pourrait prendre des heures et donnerait à l'individu l'occasion de s'enfuir.

(1335)

Si mon projet de loi avait fait l'objet d'un vote et était adopté, il serait possible de redonner à la police le pouvoir d'arrêter l'individu sur le fait. Dans bien des cas, cela l'empêcherait de récidiver ou de menacer la société d'une autre façon, comme c'est arrivé souvent.

Un autre incident qui se produit fréquemment et où le projet de loi se révélerait efficace, c'est celui d'un individu jouissant d'une liberté conditionnelle et qui fait du harcèlement avec menaces. Les paragraphes 264(2) et (3) du Code criminel définissent le harcèlement criminel et le châtiment qu'il entraîne. La Chambre est justement saisie du projet de loi C-27 qui traite du meurtre lié au harcèlement criminel. Les deux projets de loi font ressortir l'absence de prévention. Le gouvernement a plusieurs fois parlé de prévention.

Chaque jour, nous entendons parler d'un ex-époux qui menace de se venger à tout prix. Il s'agit souvent d'un individu jouissant d'une liberté conditionnelle. Même si ce dernier viole l'ordonnance, la police doit encore une fois attendre d'obtenir un mandat d'arrestation. Si les policiers avaient l'autorisation nécessaire que prévoit ce projet de loi et s'ils trouvaient à proximité de l'ex-femme l'individu ayant violé les modalités de sa liberté conditionnelle ou de sa permission de sortie sous surveillance, ils pourraient l'arrêter immédiatement. On protégerait ainsi bien des femmes qui luttent pour leur vie, autre question dont les députés du gouvernement ont discuté.

Ce projet de loi qui sauverait des vies aurait dû faire l'objet d'un vote. Pour que les Canadiens et les agents de police qui m'ont demandé de faire cela comprennent la question, j'aborderai mon projet de loi d'initiative parlementaire d'une autre façon. Je vais présenter la discussion dans la perspective des critères que le comité permanent chargé d'étudier les initiatives parlementaires a établi pour le choix des questions faisant l'objet d'un vote. Je voudrais que les Canadiens soient autant en mesure que moi de juger si le projet de loi satisfait aux lignes directrices. Il faut se rappeler que, si


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l'étude de la mesure a été interrompue, c'est qu'un comité a décidé, à huis clos, de l'interrompre sans fournir la moindre explication.

Le premier critère exige que le projet de loi d'initiative parlementaire présente un intérêt national, régional ou local. Il ne saurait être frivole, insignifiant, controversé ou fort discutable.

Ce projet de loi présente un intérêt national, puisqu'il modifie le Code criminel. Ce projet de loi n'est ni frivole, insignifiant, controversé ou fort discutable. Le projet de loi vise à assurer une plus grande sécurité à tous les Canadiens en augmentant le nombre de surveillants des personnes en liberté conditionnelle. Il permettra aux agents de police et aux surveillants de liberté conditionnelle de patrouiller dans les rues. Cela se traduira en bout de ligne par une augmentation du nombre d'intervenants de première ligne. La criminalité diminuera et des vies seront sauvées dans de nombreux incidents.

Les membres de l'Association canadienne des policiers ont reconnu l'importance de ce projet de loi. Après l'avoir étudié de près, ils ont dit qu'il leur convenait et qu'ils l'appuieraient. Ils ont affirmé que le projet de loi faciliterait beaucoup leur travail ardu d'agents de la paix et souhaité l'adoption de cette mesure.

Le deuxième critère est que le projet de loi ne doit pas sembler favoriser ou défavoriser injustement une région du pays. Ce n'est pas le cas du projet de loi. Il s'appliquerait partout. Les policiers ont réclamé ce pouvoir d'un bout à l'autre du pays pour assurer la sécurité de tous les Canadiens.

Le troisième critère est que le projet de loi ne doit pas porter sur les limites ou le nom des circonscriptions électorales. Ce n'est évidemment pas le cas.

Le quatrième critère est que le projet de loi ne doit pas prévoir une modification évidente parce que, essentiellement, elle fait double emploi avec la loi existante. Il est inacceptable s'il est fondamentalement inefficace pour atteindre l'objectif visé, si son sens manque de clarté ou si le libellé est déficient. On m'a donné l'assurance que le projet de loi C-224 ne fait pas double emploi avec les lois existantes, qu'il n'est pas inefficace comme moyen d'atteindre l'objectif, que son libellé ne pêche pas par manque de clarté ni par quelque autre déficience.

(1340)

Selon le cinquième critère, l'objet du projet de loi doit être différent des questions spécifiques que le gouvernement a déjà annoncées comme faisant partie de son programme législatif. Le projet de loi que je propose ne touche en rien le programme législatif du gouvernement. S'il a un rapport quelconque avec lui, c'est qu'il vise à clarifier davantage l'article 733.1, qui se trouvait dans le projet de loi C-41 du gouvernement, mesure qui a été adoptée en juin dernier. Le projet de loi du gouvernement ne traitait pas de l'expansion des pouvoirs des agents de police. Mon projet de loi d'initiative parlementaire rectifierait cette situation.

Le sixième critère, selon le contexte des questions et événements politiques, porte sur le nombre de fois que le sujet a été soulevé à la Chambre, ce qui peut avoir de l'importance. Dans nos débats aux Communes, il est question toutes les semaines de nombreux cas où la police aurait pu jouer un rôle déterminant si elle avait eu plus de pouvoirs. C'est une question qui est régulièrement soulevée à la Chambre et qui revêt une grande importance pour les Canadiens.

Selon le critère no 7, toutes choses étant égales, la priorité ne devrait pas être donnée à des motions qui traitent de sujets que la Chambre pourrait débattre autrement ou aborder d'une autre manière. Tout compte fait, ce projet de loi aurait dû être prioritaire étant donné que son objet ne peut pas être traité autrement. Le gouvernement vient d'apporter d'importantes modifications au Code criminel avec le projet de loi C-41 et veut en apporter d'autres avec le projet de loi C-27. Il est peu probable que cette question ne soit soulevée à nouveau avant l'automne. C'est maintenant qu'il faut régler le cas de ce projet de loi.

Le critère no 8 est que les motions formulées en termes partisans ne devraient pas être choisies. Ce projet de loi n'est pas partisan. Ce projet de loi concerne la sécurité des Canadiens.

Le critère no 9 est que les projets de loi ne passeront pas l'épreuve de sélection s'ils sont manifestement inconstitutionnels en empiétant sur la compétence législative des provinces, la Charte canadienne des droits et libertés ou d'autres règles constitutionnelles ou s'ils nuisent à des relations fédérales-provinciales ou internationales normales. Ce projet de loi n'empiète nullement sur les lois ni sur les relations provinciales.

Les conditions de la libération conditionnelle sont établies par ordonnance du tribunal alors que les permissions de sortir sans surveillance relèvent de la Commission des libérations conditionnelles. Ce projet de loi permettra de donner suite à ces deux types d'ordonnances en donnant aux agents de police le pouvoir de surveiller les jugements du tribunal et de la commission. En outre, il rehaussera les relations fédérales-provinciales en donnant aux forces policières provinciales et municipales le pouvoir de les exécuter dans notre société.

Le critère no 10 est que les projets de loi concernant une question essentiellement similaire à une question qui a déjà été mise aux voix à la Chambre au cours de la session ne devrait pas être choisis comme pouvant faire l'objet d'un vote. Cette question n'a absolument rien à voir avec toute autre question qui a déjà fait l'objet d'un vote à la Chambre au cours de la présente session.

Le critère no 11 est que des points concernant une question qui revient essentiellement au même qu'une question contenue dans un ordre qui a déjà été choisi comme pouvant faire l'objet d'un vote au cours de la session ne devraient pas être choisis. Encore là, aucune projet de loi visant une réforme de la justice criminelle n'a été choisi comme pouvant faire l'objet d'un vote. Cette question n'empiète donc sur aucun autre ordre.

Ce projet de loi répond certainement aux critères, et de loin. Il aurait influé sur tout le monde dans le processus judiciaire. En fin de compte, il aurait accordé à nos travailleurs de première ligne le pouvoir dont ils ont besoin pour rendre nos rues plus sûres et sauver ainsi des vies. Mais cela n'arrivera pas parce qu'une poignée de privilégiés ont décidé, en privé, qu'il n'était pas assez important de donner aux policiers le pouvoir de lutter contre le crime.

Le problème avec notre système de justice a été très bien exposé dans une étude spéciale du Mackenzie Institute intitulée Streets of Fear: The Failure of the Canadian Criminal Justice System. On lit ceci dans cette étude: «L'une des principales fonctions de toute


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société organisée est de protéger tous ses membres de tous dommages physiques. Pendant de longs siècles, les sociétés occidentales ont lutté pour établir la primauté du droit. L'État était chargé de faire respecter la loi au nom des citoyens respectueux des lois, protégeant la personne et lui donnant la liberté de vivre et de travailler en paix. La plus sûre mesure de la valeur d'un gouvernement est la capacité de son système de justice pénale de servir les citoyens. Selon ce critère, le gouvernement canadien a échoué. Ce gouvernement ne sert sûrement pas les citoyens en n'accordant aucune crédibilité à des mesures comme ce projet de loi dans notre discussion sur le crime.»

(1345)

Ayant examiné tous les critères et s'étant rendu compte que tous les critères avaient été respectés, ils disent ensuite assez clairement à chacun des députés de respecter ces critères pour que les projets de loi d'initiative parlementaire qu'ils rédigent puissent faire l'objet d'un vote. Tous les experts m'ont assuré que mon projet de loi satisfaisait à tous les critères. Il n'empêche qu'il n'a pas été considéré comme un projet de loi pouvant faire l'objet d'un vote.

Je demande que l'on ne refuse pas à la population canadienne d'avoir son mot à dire dans cette décision, comme dans bien d'autres, d'ailleurs. Il ne faut pas l'empêcher d'avoir son mot à dire en lui donnant une voix par l'entremise des députés. C'est ça la démocratie. C'est ce que la population canadienne demande depuis fort longtemps, soit que son opinion compte davantage. Nous sommes sa voix. Laissez-nous exprimer son opinion au moyen du vote.

Le projet de loi répond à tous les critères établis par le gouvernement. Il a passé le test. Je demande le consentement unanime à ce qu'il soit considéré comme un projet de loi pouvant faire l'objet d'un vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre de donner son consentement unanime à ce que ce projet de loi puisse faire l'objet d'un vote?

Des voix: Non.

M. Thompson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je disposais de 20 minutes et j'ai demandé le vote avant que mes 20 minutes ne soient écoulées. Je voudrais pouvoir terminer mon discours.

Le président suppléant (M. Kilger): Malheureusement, lorsqu'un député demande le vote et que, ce faisant, il se rassoit, son intervention est en fait terminée. Nous demandons à la Chambre de se prononcer sur la demande originale du député.

S'il reste un peu de temps à la fin, il arrive que, en vertu de leur droit de réplique, les députés puissent faire des observations finales sur leur projet de loi, notamment lorsqu'il ne s'agit pas d'une question pouvant faire l'objet d'un vote. À supposer que cela se produise plus tard au cours de cette heure et que le député veuille se prévaloir de ce privilège, la présidence agira en conséquence.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat sur le projet de loi C-224, initiative parlementaire qui vise à modifier le Code criminel relativement aux arrestations sans mandat.

Comme c'est son habitude de le faire, le député a parlé du projet de loi de manière très passionnée. En réalité, son projet de loi propose deux choses, dont une qui a déjà été prévue il y a longtemps dans le Code criminel.

Il tente de modifier l'article 495 du Code criminel de manière à autoriser un agent de la paix à arrêter sans mandat une personne qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a enfreint ou est sur le point d'enfreindre une condition de probation. Deuxièmement, il veut modifier la même disposition afin de conférer un nouveau pouvoir à un agent de la paix, celui d'arrêter sans mandat une personne qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a enfreint ou est sur le point d'enfreindre une condition d'une libération conditionnelle ou d'une permission de sortir sans surveillance.

Ce qui est intéressant ici, c'est que le gouvernement se soucie très sérieusement de protéger la population contre les détenus en liberté conditionnelle et qu'il a pris plusieurs mesures législatives et autres à cet égard, mais qu'il subsiste toujours des fausses impressions à dissiper.

Au sujet du manquement aux conditions des libérations, je voudrais attirer l'attention du député sur l'article 740 du Code criminel-qui lui a peut-être échappé-et qui autorise un agent de la paix à arrêter sans mandat toute personne qui ne se conforme pas à une ordonnance de probation. Le projet de loi ne ferait qu'inclure la même disposition dans un autre article du Code criminel, ce qui est superflu. À l'article 740, le manquement aux conditions d'une libération est déjà qualifiée d'infraction criminelle. C'est là un élément très important.

(1350)

Conformément à l'article 495 du Code criminel, le principal objet du projet de loi d'initiative parlementaire à l'étude, un policier détient le pouvoir nécessaire pour arrêter sans mandat toute personne en train de commettre une infraction criminelle. Un manquement aux conditions d'une libération constitue une infraction criminelle.

Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'une importante question de sécurité publique et le gouvernement a pris de nombreuses mesures à cet égard. Je tiens à ce que cela soit bien clair.

Le gouvernement a resserré les dispositions du Code criminel concernant les libérations conditionnelles pour assurer un respect plus strict des ordonnances de probation. Le projet de loi C-41, auquel le député s'est opposé en raison des deux petits mots «orientation sexuelle», entrera en vigueur dans quelques mois. Il permet les poursuites par voie de mise en accusation, et pas uniquement par procédure sommaire, pour manquement aux conditions des libérations ce qui permet d'imposer des peines plus sévères.

Ainsi, la police pourra arrêter sans mandat toute personne qui, selon toute vraisemblance, a enfreint ou est sur le point d'enfreindre une ordonnance de probation.

Cette disposition rend parfaitement inutile la première modification proposée par le député et rend superflu le paragraphe 1(1) du projet de loi. Le projet de loi C-41 alourdit également les peines pour non respect d'une ordonnance de probation jusqu'à un maxi-


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mum de 18 mois, sur déclaration sommaire de culpabilité. Cependant, le député s'est opposé à ce projet de loi. Dans le cas des condamnations par mise en accusation, la peine maximale passe à deux ans. Le projet de loi C-41 va donc beaucoup plus loin que le projet de loi C-224.

En cas d'inobservation des conditions de la libération conditionnelle et de la permission de sortir sans surveillance, la Commission nationale des libérations conditionnelles et le Service correctionnel du Canada peuvent, aux termes de la loi, émettre un mandat pour suspendre la libération conditionnelle ou autoriser l'arrestation du délinquant. Le pouvoir d'émettre un mandat de suspension est régi par l'article 116 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition dans le cas d'inobservation des conditions de la permission de sortir sans surveillance et par l'article 135 de la même loi dans les cas d'inobservation des conditions de la libération conditionnelle.

Les deux organismes, le Service correctionnel et la Commission des libérations conditionnelles, peuvent émettre des mandats de suspension à l'encontre d'un délinquant bénéficiant d'une absence temporaire sans surveillance lorsque les motifs pour lesquels l'absence a été accordée ont changé ou n'existent plus ou lorsque de nouveaux renseignements ayant pour effet de modifier la décision initiale deviennent disponibles.

Dans le cas d'un délinquant bénéficiant d'une libération conditionnelle, le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles peuvent émettre des mandats de suspension dès qu'ils estiment nécessaire et raisonnable de le faire pour protéger la société.

Je comprends que certaines personnes puissent se demander pourquoi la police n'aurait pas aussi le pouvoir d'arrêter les libérés conditionnels comme elle le fait dans le cas des probationnaires. Il y a une raison. Cela tient au fait que les conditions de probation sont énoncées dans une ordonnance de cour. La violation réelle ou anticipée de l'ordonnance confère à la police le droit d'arrêter le délinquant.

Une violation des conditions de probation est une infraction criminelle car elle constitue une violation ou un défi à l'ordonnance de la cour. En cas de violation des conditions de probation, la police a le pouvoir d'arrêter le délinquant sans mandat comme elle le ferait pour toute autre personne ayant commis une infraction criminelle.

Par ailleurs, les libérations conditionnelles et les absences temporaires ne relèvent pas d'ordonnances du tribunal. Ce sont des libérations conditionnelles temporaires accordées par la Commission des libérations conditionnelles ou par le Service correctionnel du Canada, qui ont pour objet de faciliter la réintégration des délinquants dans la communauté. Ces conditions restreignent les libertés des libérés conditionnels pendant leur absence de l'établissement correctionnel. Elles pourraient aussi s'appliquer dans divers autres cas, comme l'obligation de retourner à la maison de transition à un moment précis, le respect du couvre-feu ou l'assujettissement à d'autres restrictions qui aident l'agent de liberté conditionnelle à mieux le surveiller. Les libérés conditionnels peuvent voir leur liberté de circulation limitée à certaines régions du pays. Leur liberté d'association et diverses autres formes de liberté peuvent également être limitées.

Les violations de ces conditions ne constituent pas un acte criminel. Les membres de la Commission des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada sont en mesure de déterminer quand il y a lieu d'ordonner une suspension.

La véritable question que soulève le projet de loi du député est de savoir si les pouvoirs de la police et les pratiques correctionnelles actuelles permettent à la police de réagir rapidement dans des situations impliquant des violations des conditions de libération conditionnelle.

Plusieurs mesures ont été prises pour améliorer la communication des renseignements du Service correctionnel et de la Commission des libérations conditionnelles à la police, pour lui permettre de mieux surveiller les libérés conditionnels de pénitenciers fédéraux et pour tenir la Commission des libérations conditionnelles et le Service correctionnel mieux informés en cas d'inobservation des conditions. Ces étapes comprennent une nouvelle politique correctionnelle qui permet d'aviser d'avance la police de la mise en liberté d'un détenu. Cela comprend l'obligation prévue dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de s'assurer que tous les renseignements concernant un délinquant à haut risque sont communiqués à la police lors de sa libération à la fin de sa peine.

(1355)

De plus, la police peut, par ordinateur, avoir directement accès aux renseignements sur les détenus libérés sous condition, y compris les conditions de leur libération, et un réseau national d'agents de correction avec lesquels la police peut entrer en contact 24 heures sur 24 quand ils soupçonnent un détenu sous responsabilité fédérale d'avoir enfreint les conditions de sa libération.

Quand la police l'avise d'une infraction réelle ou possible des conditions de libération, l'agent de correction peut délivrer un mandat de suspension sur le champ pour faire en sorte que la police puisse agir aussi vite que possible.

La loi autorise en outre la transmission par télécopieur de mandats donnant à la police le droit d'arrêter des délinquants sachant qu'un mandat d'arrestation a été délivré. C'est seulement une question de rattraper la technologie dans le but de protéger la société.

De nombreux changements ont été apportés au code pour permettre à la police et aux tribunaux d'intervenir quand un individu se conduit d'une façon qui pourrait être menaçante. Le paragraphe 161.1 autorise un tribunal à rendre une ordonnance interdisant au délinquant, qui a été reconnu coupable d'une agression sexuelle sur un enfant, de se trouver à proximité d'une école ou d'un terrain de jeu. L'article 264 traite du nouveau crime qu'est le harcèlement avec menaces.

Le projet de loi C-42 que le gouvernement a adopté a pour but de faire en sorte qu'il soit plus facile pour les victimes de violence familiale d'obtenir que des mesures soient prises afin de tenir le délinquant à l'écart.

Avec ces changements, soit l'adoption d'améliorations à la politique et de mécanismes d'information, les policiers ont le pouvoir et les moyens d'intervenir rapidement s'ils voient des délinquants sous responsabilité fédérale transgresser les conditions de leur libération.

Le député laisse entendre que la police est limitée dans ses moyens pour arrêter les contrevenants ou doit respecter un délai déraisonnable avant de pouvoir faire quelque chose, mais je signale qu'il n'a pas donné d'exemples concrets. En l'absence d'un tel


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contexte, le fait de donner à la police des pouvoirs plus étendus pour arrêter des personnes sans mandat pour des raisons qui ne sont pas d'ordre criminel risquerait d'être contesté en vertu de la Charte.

Le projet de loi du député attire l'attention sur l'importance d'assurer une meilleure protection face aux contrevenants en liberté conditionnelle. Le gouvernement appuie pleinement cet objectif et a pris beaucoup de mesures pour s'assurer que les agents de police soient bien informés au sujet des contrevenants libérés et qu'ils puissent intervenir efficacement et en temps opportun, chaque fois que c'est nécessaire.

En examinant de nouvelles mesures législatives, nous devons garder à l'esprit qu'elles visent à combler de réelles lacunes et à rectifier de réels problèmes qui ne peuvent se régler autrement. Il n'y a tout simplement ni fondement ni raison d'être aux modifications proposées dans le projet de loi d'initiative parlementaire du député.

Je veux dire quelques mots sur ce que le Comité de la justice a fait concernant les projets de loi d'initiative parlementaire. Je veux aussi corriger certaines affirmations du député.

Actuellement, ce comité est saisi de quatre modifications proposées au Code criminel. Elles ne viennent pas toutes du parti du député. L'une d'elles a été présentée par un député indépendant, deux viennent du Bloc québécois et une autre du Parti réformiste. Grâce à la liberté qu'il a maintenant, les ministériels pouvant voter librement sur les projets de loi d'initiative parlementaire, le comité a adopté, avec l'accord et l'approbation du Parti réformiste et du Bloc, une procédure qui assure que ces projets de loi ne puissent pas rester en panne au comité. Ces projets de loi seront traités avec le respect qu'ils méritent. Ce projet de loi, par ailleurs, rate la cible.

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, pour discuter un peu du projet de loi C-224 présenté par mon collègue de Wild Rose, je propose une analyse un peu sommaire, assez simple aussi, mais sommaire, dans laquelle nous analyserons, premièrement, comment cela doit se passer dans les livres et comment cela se passe dans la réalité. Ensuite, on essaiera de cerner le problème pour avoir une position, malgré le fait que le projet de loi ne fasse tout de même pas l'objet d'un vote pour le moment. Mais rien ne nous empêche d'avoir tout de même des opinions.

Tout d'abord, il s'agit, somme toute, d'une demande d'arrestation sans mandat. C'est balayer un peu rapidement le projet de loi, mais on le résume à peu près en ces termes. Dans le cas qui nous intéresse, cette situation nous préoccupe énormément.

Situons-nous un peu. Lorsqu'un policier arrive sur les lieux d'un crime, on imagine que la problématique vient du fait qu'il intercepte un individu qu'il croit être, par exemple, en libération conditionnelle et possiblement en infraction face à ces conditions. Il doit y avoir un doute. Il peut amener l'individu au poste, l'interroger et ensuite, essayer de vérifier.

(1400)

S'il n'a rien a lui reproché, il le libère, si c'est le contraire, eh bien, il porte des accusations. Mais les livres et la vie c'est souvent autre chose. Imaginons la situation la plus courante et la plus critique qui, peut-être, amène la rédaction de ce projet de loi.

Si on prend la même situation, un vendredi soir, un policier arrive sur les lieux d'un crime, intercepte un individu. On sait que les agents de libération conditionnelle qui seraient susceptibles de donner des informations aux policiers travaillent de 9 à 5 et pas les fins de semaines. Donc les problèmes surviennent souvent le soir, la nuit et les policiers doivent attendre au lendemain. Mais pendant la fin de semaine, ça cause un problème, il faut attendre lundi matin. Il intercepte l'individu et s'il a un doute sur son innocence l'amène au poste.

Les policiers possèdent déjà la prérogative de détenir un individu pendant 24 heures sans mandat. Les corps policiers possèdent déjà cet outil de travail. Naturellement s'il y a commission d'un crime autre que d'enfreindre une condition de libération conditionnelle, il est bien entendu que le crime principal prévaut. Une accusation sera donc portée à ce moment-là.

Imaginons qu'il n'y ait pas autre chose qu'une infraction à la libération conditionnelle, comme on le voit souvent. Je dis qu'on le voit souvent parce que j'ai travaillé dans ce domaine pendant un certain temps. Par exemple, disons qu'il est interdit pour cet individu de se trouver à tel ou tel endroit et que les policiers l'y voient. C'est donc le problème principal. Ce n'est pas de faire autre chose, c'est d'être à cet endroit-là qui est le gros du problème.

Comme c'est le soir ou la nuit, le vendredi soir ou le samedi, il est à toutes fins pratiques impossible de joindre l'agent de probation. Même avec le délai de 24 heures, les policiers se voient dans l'obligation de libérer l'individu, car ce délai sera écoulé avant que l'agent de probation ne revienne au bureau le lundi matin.

Face à cette problématique, à ce que je sache, les services correctionnels ont développé un système de réponse d'urgence qui permet à un policier d'obtenir très rapidement, par l'entremise d'un agent de probation, un mandat par fax lui permettant d'arrêter un détenu en libération conditionnelle qui enfreindrait une ordonnance de probation ou une condition de libération conditionnelle.

On a fait le tour de la problématique d'une situation très précise et très épineuse. On réalise qu'on restreint un peu les difficultés. Autrement dit la difficulté serait que le fameux ordinateur-tout fonctionne par ordinateur et heureusement-tombe en panne, que le système de communication qui nous permet de vérifier si l'individu est ou non en infraction tombe en panne. À ce moment, le policier aurait besoin d'un projet de loi semblable à celui-ci. On est d'accord jusqu'à ce point.

Admettons que le projet de loi fasse l'objet d'un vote et soit adopté, en d'autres termes, il permettrait des arrestations sans mandat. Le Bloc québécois n'est pas en faveur des arrestations sans mandat pour des raisons très évidentes, car demain, on pourrait demander aussi des perquisitions sans mandat. Je pense que les gens qui sont chargés de faire respecter la loi s'en tiennent à préserver la population, sécuriser la population. Je pense qu'ils ont dans leur coffre à outils suffisamment d'outils pour ne pas avoir besoin de celui-là.


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À mon avis, ce serait un peu ouvrir la porte à une trop grande largesse qui permettrait peut-être des abus pires que ceux que l'absence de ce petit détail cause.

(1405)

On se rappellera le fameux projet de loi sur les armes à feu qui a été déposé. Je ne me souviens pas de l'article précisément, mais le projet initial stipulait, entre autres, en termes presque clairs, que les policiers pouvaient, s'ils estimaient qu'il y avait des armes chez quelqu'un, aller chercher les armes sans mandat. Tout compte fait, même le ministre et le gouvernement, par conséquent, ont modifié cet aspect, parce qu'ils jugeaient qu'il y avait exagération. C'est un fait aussi parce que la qualité de vie fait partie des droits des individus. Il y a des façons de faire les choses et, pour commencer, les policiers doivent apprendre à les faire convenablement, avec les outils qu'on leur donne, naturellement.

À mon avis, lorsque le problème se présente durant la fin de semaine, si je reviens à mon exemple du début, ce qui est le cas le plus typique susceptible de se produire et amenant le plus grave problème, dû au fait que c'est un problème de convention collective des agents de libération conditionnelle versus le gouvernement, plutôt que de fabriquer une loi qui répond à ce problème, on met la charrue devant les boeufs. Je ne sais trop comment appeler ça. On n'a pas à ajuster les lois en fonction des lacunes des conventions collectives. C'est plutôt au gouvernement de dire: «Voilà, il y aura un agent de garde la fin de semaine dans telle région parce qu'il s'y produit plus souvent d'incidents, etc.». Enfin, je les laisse légiférer là-dessus, mais on ne doit pas rédiger une loi en fonction des lacunes dans les conventions collectives, c'est plutôt les conventions collectives qui doivent s'ajuster aux lois. C'est un peu la logique qui prévaut sur ce plan.

J'ai entendu également une personne parler tout à l'heure de la surpopulation. Comme vous me faites signe qu'il ne me reste que deux minutes, monsieur le Président, je n'aborderai pas le thème suivant, malgré que j'aurais bien aimé pouvoir le faire.

Je conclurai donc tout simplement là-dessus, en répétant simplement qu'on n'aurait pas pu donner notre aval, même si ce projet de loi avait fait l'objet d'un vote, parce qu'il permettrait une arrestation sans mandat, ouvrant la porte à la permission, demain, de perquisitionner sans mandat, ce qui est totalement inacceptable.

Finalement, à notre avis, cela se résume à un problème beaucoup plus de disponibilité des agents de libération conditionnelle, donc un problème de convention collective. Alors, il n'appartient pas à une loi de s'ajuster à une convention collective mais c'est plutôt l'inverse, c'est-à-dire qu'une convention collective doit s'ajuster aux lois.

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour appuyer le projet d'initiative parlementaire proposé par mon collègue. C'est un bon projet de loi. Il est toutefois regrettable qu'il ne puisse faire l'objet d'un vote. Lorsque mon collègue, le député de Wild Rose, a demandé l'appui et le consentement de la Chambre, deux personnes ont refusé: le député de Prince-Albert-Churchill River et la députée de Windsor-Sainte-Claire.

Nous siégeons à la Chambre en toute sécurité. La sécurité est omniprésente. Nous ne pouvons aller nulle part dans cet édifice sans voir les mesures de sécurité qui nous entourent. Si nous étions menacés de quelque façon que ce soit à la Chambre, je puis vous assurer que nous aurions tôt fait d'accroître les pouvoirs de ceux qui sont chargés d'assurer notre sécurité. Pourtant, nous ne sommes pas prêts à faire cela pour les Canadiens que nous représentons, et c'est tout à fait regrettable et inacceptable.

Lorsque j'entends la députée de Windsor-Sainte-Claire, qui préside le Comité de la justice, s'opposer comme elle l'a fait au projet de loi et au principe d'autoriser les agents de la paix à arrêter quelqu'un qui a enfreint les conditions de sa libération conditionnelle, je n'en crois pas mes oreilles et je ne comprends pas.

Durant le débat sur le projet de loi C-68, le ministre de la Justice a dit ceci: «Si vous voulez apprendre quelque chose ou avoir de l'information sur les soins de santé, demandez à des médecins. Si vous avez besoin d'informations en matière de droit, demandez à des avocats. Si vous avez besoin d'informations sur le maintien de l'ordre, demandez à des policiers.» Ce sont des agents de police qui ont motivé la présentation de ce projet de loi. De toute évidence, le ministre de la Justice et ses collègues ne tiennent compte de l'opinion des policiers que lorsqu'elle leur convient, mais pas lorsque ces derniers font une recommandation qui a pour but de les aider à protéger la société.

(1410)

Dans ma circonscription, quelqu'un m'a dit ceci: «Ce que nous attendons de vous, c'est que vous cessiez de vous chamailler et que vous fassiez votre travail. Il faut modifier la loi dans un certain nombre de domaines, dont celui de la justice.»

Qu'y a-t-il de mal à donner à un agent de la paix le pouvoir d'arrêter, à quatre heures du matin, quelqu'un qui enfreint les conditions de sa libération conditionnelle? Qu'y a-t-il de mal à cela? Pourquoi ces députés sont-ils prêts à refuser d'accorder à la police le pouvoir de protéger les femmes victimes de violence, les enfants et la société contre des individus qui ont prouvé dans le passé qu'ils peuvent constituer une menace pour la société dans certaines circonstances?

Les libérés conditionnels devraient respecter certaines conditions, notamment éviter de se trouver dans un bar ou à proximité d'un terrain de jeu ou d'enfants. Pourquoi ces députés ne sont-ils pas disposés à accorder à la police le pouvoir d'arrêter les individus qui n'observent pas les conditions de leur mise en liberté? Pourquoi? Je ne puis le comprendre.

L'attitude réfractaire que j'ai constatée aujourd'hui chez certains députés au sujet du projet de loi m'étonne et me dégoûte. Ils prétendent avoir à coeur les meilleurs intérêts de la société et vouloir créer des conditions propres à protéger la société contre ceux qui, pour une raison ou l'autre, la menacent.

J'ai entendu à de nombreuses reprises le ministre de la Justice déclarer en Chambre que c'est ce qu'il fait, qu'il s'efforce de rendre


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la société plus sûre. Or, le gouvernement refuse une simple modification du Code criminel qui autoriserait les agents de la paix à intervenir, en pleine nuit, pour protéger les ex-conjointes, les enfants et la société. Pourquoi? C'est regrettable.

Les libéraux ont fait campagne en promettant de laisser les simples députés jouer un rôle accru par le truchement de projets de loi d'initiative parlementaire. C'était une promesse. Je suppose que, comme leur promesse concernant la TPS, ils ne tiendront pas celle-ci.

La députée de Mississauga-Est a elle-même reconnu que cette promesse n'a pas été tenue. La députée d'arrière-ban de la majorité ministérielle a accusé le comité de quatre députés libéraux chargé de désigner les projets de loi d'initiative parlementaire qui feront l'objet d'un vote, de court-circuiter les projets de loi qui prêtent à controverse. Ma collègue a déclaré: Nous sommes censés avoir un gouvernement transparent, mais il possède des comités secrets et je suis prête à parier qu'aucun membre de ces comités ne s'opposerait ouvertement au projet de loi. On les a encouragés en secret. Ce n'est pas un tribunal bidon, mais il évoque néanmoins l'image de coquerelles qui travaillent dans l'ombre et qui fuient.

Ma collègue, qui est la présidente du Comité de la justice, a parlé des quatre projets de loi d'initiative parlementaire qui ont été adoptés par la Chambre et qui attendent toujours à l'étape de l'étude en comité. Pourquoi? Le projet de loi qui propose d'éliminer l'article 745 du Code criminel attend en comité depuis un an et demi.

Je lui ai dit au comité que je respecte chacun de ses membres. Toutefois, si ce projet de loi d'initiative parlementaire n'a toujours pas été adopté au moment où Clifford Olson aura la possibilité de dépenser entre 200 000 $ et 1 million de dollars de l'argent des contribuables pour faire réduire le délai préalable à sa libération conditionnelle, j'aurai honte de ce comité et de son travail. Ces projets de loi existent, mais ils attendent toujours. Et pourtant, lorsque le projet de loi C-33 a été présenté, il n'a passé que huit jours au comité. Je me trompe. Ce n'est pas au comité qu'il n'a passé que huit jours, c'est par toutes les étapes qu'il est passé en huit jours, y compris la première, deuxième et troisième lecture.

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Si nous voulions aller de l'avant avec ces quatre projets de loi d'initiative parlementaire qui languissent au Comité de la justice, nous le ferions. Ce sont de bons projets de loi et ils pourraient être renvoyés à la Chambre et étudiés par les députés. Pourquoi restent-ils lettre morte?

Monsieur le Président, vous devriez assister aux réunions du comité de direction qui prend ces décisions et revenir lorsque le comité reçoit les recommandations du comité de direction. On reçoit des ordres. J'ai dit au comité que, lorsque la population canadienne élit un gouvernement majoritaire, celui-ci a un mandat. Je ne discute pas le mandat, je ne le conteste pas, mais je conteste certainement l'utilisation qu'on en fait.

Je ne mettrai pas notre comité au défi de hâter l'étude de ces projets de loi d'initiative parlementaire. Cela ne servirait à rien. Il nous appartient d'étudier ces projets de loi et nous ne le faisons pas. Ils devraient déjà être de retour à la Chambre, devant les représentants élus de la population.

En ce qui concerne le projet de loi se rapportant à l'article 745 du Code criminel, il y a déjà près d'un an et demi que plus de 70 députés du Parti libéral se sont levés et ont voté en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture. Pourquoi le projet de loi n'est-il pas de retour à la Chambre?

J'accepte le mandat du gouvernement, mais je refuse de céder aux ordres de certains comités. Nous avons établi une procédure. Je comprends ce que la députée de Windsor-Sainte-Claire a dit. Nous avons examiné la question et établi une procédure pour éviter que les projets de loi ne languissent en comité. Dans ce cas, pourquoi languissent-ils toujours? Pourquoi sont-ils toujours là? Tous les Canadiens devraient savoir qu'on pose cette question à la Chambre. La réponse se fait toujours attendre.

Pourquoi le projet de loi n'avance-t-il pas depuis un an et demi? Cette mesure a donné lieu à des assemblées publiques partout au Canada et les gens y ont assisté par milliers, parce qu'ils sont inquiets. Ils s'opposent à ce que des criminels qui ont commis des meurtres au premier degré, comme Clifford Olson et Bernardo, puissent gaspiller l'argent des contribuables pour tenter de devenir admissibles à la libération conditionnelle après avoir purgé seulement 15 ans d'une prétendue peine d'emprisonnement à perpétuité.

Que faisons-nous aujourd'hui? Nous discutons d'un projet de loi sans croire qu'il pourrait progresser. Premièrement, ils ne considéreraient pas ce projet de loi comme pouvant faire l'objet d'un vote; deuxièmement, les députés qui sont ici présents n'ont pas accordé le consentement unanime demandé. Ils l'ont refusé non seulement aux motionnaires, mais encore aux Canadiens que ce projet de loi représentent: les agents de police qui savent qu'ils doivent nous protéger, qui savent ce dont ils ont besoin a milieu de la nuit ou la fin de semaine, lorsqu'il est impossible de joindre un surveillant de liberté conditionnelle, comme l'a fait remarquer le député du Bloc.

Que font les agents de police lorsqu'ils voient un délinquant dangereux qui a commis des crimes violents dans un bar à deux heures du matin, contrairement aux conditions de sa libération conditionnelle? Que font-ils pour protéger la société, les enfants ou l'ex-épouse de cette personne qui sont peut-être en danger parce que le délinquant en question est ivre? Que font-ils? Le projet de loi permettrait aux agents de police d'arrêter cette personne parce qu'elle a violé les conditions mêmes qu'elle avait acceptées pour sortir de prison et vivre une vie paisible. Elle a violé ces conditions.

Je suis dégoûté par ce qui s'est passé aujourd'hui à la Chambre. Nous allons le rapporter aux électeurs de Windsor-Sainte-Claire et

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de Prince-Albert-Churchill River et leur dire: «Voici ce que nous avons essayé de faire, mais votre député nous en a empêchés».

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M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je dois dire quelques mots en réponse à un certain nombre des suggestions qui ont été présentées par le député de Crowfoot.

Le député semble désapprouver grandement le fait que ce projet de loi d'initiative parlementaire n'ait pas été choisi pour faire l'objet d'un vote. Le projet de loi est soumis à un comité, comme tous les autres projets de loi d'initiative parlementaire de tous les partis et de tous les députés indépendants.

Le comité décide à l'unanimité quels projets de loi feront l'objet d'un vote et lesquels ne le feront pas. Ce n'est pas une procédure inhabituelle, et le député connaît bien cette procédure. C'est une procédure qui a été suivie avec beaucoup de succès, histoire de s'assurer que les projets de loi d'initiative parlementaire les meilleurs sont soumis à un débat en bonne et due forme et adoptés par les représentants de la population à la Chambre. Le gouvernement a fait beaucoup pour faire en sorte que les projets de loi d'initiative parlementaire proposés soient débattus. Chacun des parlementaires a de plus en plus son mot à dire dans cette enceinte.

Pour la première fois le gouvernement a permis que des projets de loi d'initiative parlementaire fassent l'objet d'un vote libre afin que chacun puisse se prononcer pour ou contre la mesure législative. La Chambre a tenu un grand nombre de ces votes libres. Et il y en aura encore davantage. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, sommes très favorables à cette initiative de donner aux parlementaires davantage accès aux votes libres.

Un bon nombre des projets de loi présentés par des députés réformistes ont ainsi été proposés. Plusieurs d'entre eux n'avaient évidemment pas fait l'objet d'une mûre réflexion. Au premier abord ils apparaissent soit illégaux, soit en contradiction avec d'autres dispositions du Code criminel, à moins qu'ils ne soient totalement inacceptables à d'autres égards, tournant en dérision le processus législatif de ce pays.

À mon avis, lorsque l'on présente une mesure législative, en particulier une mesure qui touche le Code criminel, il faut faire très attention de préserver son intégrité, c'est-à-dire la cohérence du système criminel et de s'assurer que les changements recommandés améliorent le droit criminel dans son ensemble, et non proposer une simple modification superficielle, motivée par des raisons politiques ou destinée à soulever l'émotion plutôt qu'à aller aux sources du problème.

De plus, que les dispositions soient légales ou non, ce qui importe c'est d'accorder un peu plus de respect aux dispositions du Code criminel et non essayer de marquer des points sur le plan politique.

Le système judiciaire de ce pays est tenu en haute estime. Notre but devrait être de dépister les vrais problèmes et de répondre aux besoins de la population. Je dois dire que, face aux critiques constantes du Parti réformiste, le ministre de la Justice a présenté plus de réformes et plus de réformes importantes dans le domaine du droit criminel dans ce pays que n'importe quel autre ministre de la Justice dans l'histoire des derniers Parlements. C'est une réalisation énorme.

Le droit criminel et les modifications au droit criminel ne sont pas simples. Nous devons consulter de façon permanente toutes les parties touchées, que ce soient les groupes de victimes, les avocats de la Couronne, les avocats de la défense, les provinces ou les autorités provinciales qui, en vertu de la Constitution, ont la responsabilité d'administrer la justice. Chaque changement doit faire l'objet de consultations poussées. Non seulement le ministre a-t-il déposé de nombreux projets de loi importants, il a aussi veillé, dans chaque cas, à ce que des consultations adéquates se tiennent.

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Depuis l'arrivée de l'actuel ministre de la Justice, plus d'énergie que jamais est déployée au sein du ministère. Par exemple, le ministre a déjà pris des mesures afin d'améliorer la Loi sur les jeunes contrevenants en prévoyant des peines plus sévères dans le cas de crimes graves et en inversant le fardeau de la preuve dans le cas des jeunes de 16 et 17 ans, augmentant ainsi les possibilités que ceux-ci subissent leur procès devant un tribunal pour adultes.

Le ministre a confié l'examen plus poussé de la Loi sur les jeunes contrevenants au comité de la justice, qui se déplacera afin d'entendre les intervenants d'un bout à l'autre du pays qui jouent un rôle au sein du système de justice pénale. En outre, le comité travaillera de concert avec le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la criminalité juvénile afin de recommander de nouvelles modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants.

De plus, de nombreuses modifications ont été apportées au Code criminel ou sont proposées. Le ministre de la Justice a proposé que l'article 745 soit renforcé. Des dispositions visant à faire en sorte que le système traite de façon plus appropriée les détenus purgeant une peine de longue durée sont en voie d'être prises. Ces mesures feront en sorte qu'il y ait d'importants contrôles dans le milieu, pendant un maximum de dix ans après la fin de la peine du détenu.

Il est également possible qu'on élargisse les possibilités de faire déclarer un délinquant dangereux, ce qui rendra ces dispositions plus utiles. Un système de repérage national a été mis sur pied pour permettre aux procureurs de la Couronne de déterminer lesquels des candidats pourraient vraisemblablement faire l'objet d'une demande de déclaration de délinquant dangereux.

Grâce aux améliorations apportées à la loi sur le contrôle des armes à feu, il existe maintenant des mécanismes visant à rendre la société plus sûre. En effet, les policiers pourront dorénavant, avec toutes les garanties légales, confisquer des armes à feu en la possession d'individus ayant commis un acte violent ou ayant menacé de le faire. Toutes ces mesures ont eu pour effet d'améliorer sensiblement le système de justice pénale.

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Nombre de modifications ont été apportées à la loi pour renforcer le rôle des victimes dans le système de justice pénale. Nombre de ces mesures sont conçues pour rendre nos foyers, nos collectivités et nos rues plus sûrs; d'autres ont pour objet de renforcer le rôle des victimes dans le système de justice pénale.

Le Parti réformiste parle beaucoup, et en termes très forts, de la sécurité dans nos rues, mais chaque fois qu'une mesure visant à rendre nos villes plus sûres est présentée, les réformistes votent contre. Tout ce à quoi ils pensent, c'est l'incarcération et les châtiments corporels. Il faut faire preuve d'un peu plus d'originalité que cela dans nos lois pénales. Il nous faut des lois fortes. En plus de cela, il faut s'en prendre aux causes des actes criminels pour rendre notre société plus sûre.

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, j'ai maintenant trois possibilités. Je ne crois pas que vous retiendrez la première, qui consisterait à dire qu'il est 14 h 30. La deuxième serait de donner la parole à un député de l'autre parti en se rappelant que le parrain du projet de loi pourrait avoir la dernière minute pour conclure. Ou je pourrais accorder la parole au député de Calgary-Nord-Est, qui le demande.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir parler de ce projet de loi d'initiative parlementaire présenté par mon collègue de Wild Rose. Cette mesure législative a pour objet de donner à un agent de la paix le pouvoir d'arrêter sans mandat une personne qui enfreint une ordonnance de probation ou une condition de libération conditionnelle.

J'ai été policier à Calgary pendant 22 ans. J'ai écouté le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice parler des merveilleuses lois que nous avons dans notre Code criminel et dans nos statuts. Ce qui est malheureux, c'est que ces lois ont toutes été faites par des avocats et des groupes d'intérêt. On n'a pas écouté les Canadiens.

Ces derniers veulent pouvoir se sentir en sécurité dans les rues et dans leurs foyers, mais le gouvernement libéral, le ministre de la Justice, le solliciteur général et le premier ministre ne veulent pas. Ils préfèrent protéger des intérêts spéciaux, et c'est tout.

Je pourrais citer toutes sortes d'exemples. . .

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. L'article est rayé du Feuilleton.

Comme il est 14 h 30, la Chambre s'ajourne au lundi 3 juin, à 11 heures.

(La séance est levée à 14 h 30.)