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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 mai 2001

• 0836

[Français]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour tout le monde. Bienvenue, monsieur Ménard.

[Traduction]

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Vous sentez tout cet amour?

Le président: Sur cette note, je déclare ouverte cette onzième séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Notre ordre du jour consiste à entendre des témoins sur le projet de loi C-24, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence. Nous avons le privilège d'accueillir ce matin la ministre de la Justice et procureure générale du Canada et le solliciteur général du Canada.

Bienvenue à tous deux. Nous espérons progresser rapidement sur ce projet de loi, peut-être plus que sur le précédent.

Je crois savoir, madame la ministre, que vous allez commencer et que M. MacAulay vous suivra. Nous pourrons ensuite passer aux questions. Sur ce, madame la ministre, vous avez la parole.

[Français]

L'honorable Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Merci, monsieur le président, et bonjour mes chers collègues.

[Traduction]

Je suis heureuse d'être de retour devant votre comité aujourd'hui avec mon collègue, le solliciteur général, M. MacAulay, pour discuter du projet de loi C-24. Comme vous le savez, le projet de loi C-24 est une loi qui apporte des modifications au Code criminel en ce qui concerne le crime organisé et l'application de la loi.

Vous êtes nombreux à avoir parlé de manière éloquente des ravages du crime organisé dans notre collectivité. C'est la première priorité du gouvernement en matière d'application de la loi, et le projet de loi que vous examinez aujourd'hui reprend les engagements que nous avons pris auprès de la population canadienne dans le discours du Trône.

Ces dernières années, les gouvernements ont réagi à l'aggravation de la menace posée par le crime organisé par un arsenal croissant de mesures législatives. Dernièrement, le projet de loi C-95, adopté en 1997, a permis à la police canadienne de disposer d'instruments supplémentaires pour enquêter sur le crime organisé. Malgré cela, les autorités responsables de l'application de la loi et mes homologues provinciaux continuent de se plaindre des problèmes qu'ils rencontrent quand ils enquêtent et qu'ils intentent des poursuites, et ils ont demandé à disposer d'instruments législatifs supplémentaires qui les aideront à lutter contre les multiples manifestations du crime organisé. Ce projet de loi leur donnera certains outils nouveaux et puissants pour répondre à cette menace.

[Français]

Le projet de loi C-24 répond avec des modifications dynamiques et vastes à la loi qui renforceront la capacité des agents chargés d'appliquer la loi et celle des procureurs dans la lutte contre le crime organisé.

[Traduction]

Nous avons consulté les provinces et les diverses personnes concernées par l'application de la loi et les poursuites, ainsi que d'autres intervenants du système pénal. Bien souvent, nous avons adapté le texte du projet de loi que nous rédigions en fonction des préoccupations qu'ils avaient formulées.

Le rapport du Sous-comité sur le crime organisé a manifestement inspiré ce projet de loi, et ceux d'entre vous qui ont participé à cette entreprise reconnaîtront leur travail. Je tiens notamment à remercier, au nom de mon collègue et en mon nom personnel, le président du sous-comité, Paul DeVillers, et les membres du sous-comité, qui ne sont pas tous là ce matin. Vous avez accompli un travail exceptionnel compte tenu de contraintes très rigoureuses. Encore une fois, au nom de Lawrence et en mon nom, merci pour ce travail que vous avez réalisé. Comme je le disais, vous constaterez qu'une bonne partie des fruits de ce travail se retrouvent dans les propositions que Lawrence et moi-même vous présentons aujourd'hui.

Je me félicite de l'appui généralisé qu'ont apporté les députés de tous les partis à ce projet de loi lors du débat en deuxième lecture. Au cours de ce débat, on a soulevé divers problèmes au sujet de propositions d'amendement, et je vais parler tout de suite de certains de ces problèmes.

J'aimerais vous présenter rapidement quatre volets distincts du projet de loi C-24 et vous expliquer comment chacun de ces éléments doit nous permettre de répondre à la menace que constitue le crime organisé.

• 0840

Le projet de loi C-24 répond au problème de l'intimidation des personnes associées au système judiciaire et riposte énergiquement à ce problème de diverses façons. Il crée une nouvelle infraction pour les actes d'intimidation visant les participants du système judiciaire ou leurs familles et amis. Tomberont sous le coup de cette infraction les personnes qui commettront de tels actes dans le but d'entraver l'administration de la justice en général ou d'empêcher un de ses représentants d'accomplir ses fonctions.

[Français]

L'intimidation peut prendre toutes sortes de formes. Elle peut être subtile ou explicite, mais dans toutes ses formes, elle menace le bien-être de notre système judiciaire. L'infraction d'intimidation d'un participant au système judiciaire serait passible d'une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement.

[Traduction]

La liste des participants comprend les députés et les sénateurs ainsi que toutes les personnes qui jouent un rôle dans l'administration de la justice pénale. Figurent notamment dans ce groupe les témoins et jurés potentiels ou en exercice, les procureurs, les policiers et les autres agents publics.

Cette liste des personnes qui jouent un rôle en matière de justice pénale n'est pas exhaustive. Certains députés ont suggéré qu'on y inclue les ministres provinciaux de la justice et de la sécurité publique, les députés provinciaux, les maires et conseillers municipaux et les journalistes. J'aimerais faire deux remarques à propos de ces propositions d'élargissement de cette catégorie. Certaines des personnes que l'on propose d'inclure dans la liste, par exemple les procureurs généraux provinciaux et les ministres de la Sécurité publique, sont déjà inclus dans la description générale ou à titre de procureurs dans le cas des procureurs généraux. Toutefois, le comité voudra peut-être chercher à voir s'il est souhaitable d'ajouter certaines catégories de personnes particulières.

N'oublions pas aussi que cette nouvelle infraction serait une infraction grave, qui pourrait être sanctionnée par une peine allant jusqu'à 14 ans de prison, et qu'elle vise précisément à protéger les personnes qui jouent un rôle particulier dans l'administration de la justice pénale. J'ai hâte de connaître les réflexions du comité sur cette question, notamment en ce qui concerne l'inclusion des députés des assemblées provinciales.

Le projet de loi C-24 prévoit aussi une meilleure protection de l'identité des jurés. Il faut en effet veiller à ce que les personnes convoquées pour servir comme jurés puissent prononcer leur verdict à l'abri de toute influence néfaste, de toute crainte de représailles ou de toute intimidation. Le projet de loi répond à ce besoin.

Le projet de loi C-24 est aussi une réponse à la récente décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Campbell et Shirose. Cette décision a eu des répercussions importantes sur les enquêtes fédérales et provinciales. Je sais que vous allez entendre un peu plus tard cette semaine des représentants des services de police vous parler des très graves inquiétudes que suscite chez eux cette décision de la Cour suprême dans l'affaire Campbell et Shirose.

Le gouvernement a soigneusement examiné les points de vue et recommandations des nombreux particuliers et organisations qui ont formulé des commentaires sur le Livre blanc consacré à cette question déposé à la Chambre en juin dernier. Le projet de loi C-24 reprend un certain nombre de ces points de vue et recommandations. Par exemple, on a ajouté tous les actes provoquant des lésions corporelles à la liste des actes qui sont totalement exclus de la protection du dispositif. Certaines personnes s'étaient aussi demandé si le dispositif de reddition de comptes prévu par le Livre blanc était suffisant, et il a été très activement tenu compte de ces préoccupations.

L'élément le plus important du dispositif de reddition de comptes est le processus en vertu duquel les agents de la force publique sont désignés comme «fonctionnaires publics» et «fonctionnaires supérieurs» aux fins du dispositif. Seuls les fonctionnaires publics spécialement désignés seront couverts par le dispositif. Les autorités compétentes qui feront ces désignations seront mon collègue le solliciteur général, d'autres ministres responsables des agents de la force publique, et les ministres provinciaux responsables des services de police.

La responsabilité et la reddition de comptes politiques constituent un mécanisme plus pertinent, plus réaliste et plus efficace pour atteindre ce résultat que d'autres démarches qui ont été suggérées, par exemple l'octroi d'une autorisation judiciaire pour des actes qui sinon seraient illégaux. Or, ce n'est pas un rôle qui convient aux autorités judiciaires. La proposition visant à faire intervenir ces autorités judiciaires n'a recueilli aucun appui lorsqu'elle a été présentée dans le cadre de nos consultations. Cette réaction s'explique peut-être par le fait que, si l'on donnait ce rôle au pouvoir judiciaire, nos juges seraient encore plus mêlés aux enquêtes sur les crimes. Nous avons pour tradition de bien séparer la phase d'enquête et la phase judiciaire. Une disposition comme celle-ci bouleverserait radicalement l'équilibre existant.

• 0845

Compte tenu de la nature des opérations d'infiltration et plus généralement du travail des policiers, il serait impossible de prédire avec précision quel genre d'infractions devrait être autorisé. Comme nous le savons tous, les choses se passent très vite, et l'on ne peut pas prévoir à l'avance ce qui va arriver quand on fait de l'infiltration. C'est très différent—et je tiens à bien le souligner—de ce que font les juges quand ils émettent des mandats. Ils autorisent une action très précise dans des paramètres bien déterminés. Le judiciaire ne doit donc intervenir qu'après coup pour vérifier la légalité de ce que l'État a accompli.

Ce sont les ministres responsables qui assument et qui doivent assumer la responsabilité de la définition et de l'application des critères de désignation des agents qui ont besoin de cette protection et qui ont la formation pertinente pour en user judicieusement. Ces critères et ces exigences de formation feront l'objet de lignes directrices non législatives.

Cela ne signifie pas que les ministres se mêleront personnellement des opérations policières en risquant de compromettre l'indépendance du travail des policiers qui appliquent la loi. Dans l'article 2 du projet de loi, au paragraphe 25.1(4), on précise que le ministre désigne les fonctionnaires publics sur l'avis d'un fonctionnaire supérieur en tenant compte de la nature générale de leurs attributions en matière de contrôle d'application des lois et non de leurs activités particulières à l'occasion d'une enquête ou d'un contrôle de l'application des lois. Les ministres doivent simplement être convaincus que les agents, en raison de la nature de leurs fonctions, ont besoin de la protection du dispositif pour pouvoir faire respecter la loi dans l'intérêt public et que ces agents ont reçu une formation qui leur permet de comprendre la nature et la portée du dispositif d'immunité, ses limites et leurs responsabilités dans ce cadre.

Le dispositif de reddition de comptes comporte aussi divers autres éléments. Premièrement, un agent ne peut commettre un acte illégal sur les directives d'un fonctionnaire public, ou un fonctionnaire public ne peut commettre des actes qui risqueraient d'entraîner la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci, que sur autorisation écrite d'un fonctionnaire supérieur.

Deuxièmement, il faut adresser à l'autorité compétente des rapports sur toute conduite illégale d'agents agissant sur les directives d'un fonctionnaire public ou sur tous les actes commis par des fonctionnaires publics et susceptibles d'entraîner la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci. Le ministre pertinent doit publier un rapport annal sur ces questions.

Troisièmement, quand des biens ont été détruits ou ont subi des dommages importants, on doit en aviser le propriétaire de ces biens.

Quatrièmement, il y a une possibilité de suspension de l'instance ou de rejet du témoignage à titre de sanctions judiciaires en cas d'inconduite des policiers.

Cinquièmement, un agent de la force publique peut faire l'objet de poursuites pénales en cas d'inconduite non couverte par le dispositif d'immunité.

Enfin, les organes de supervision existants peuvent prendre des mesures disciplinaires.

Le projet de loi stipule qu'un fonctionnaire qui s'occupe de faire appliquer une loi du Parlement canadien peut être justifié de commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction seulement s'il est désigné par une autorité compétente et si cet acte respecte le critère de justesse et de proportionnalité. Cette norme signifie que le fonctionnaire doit croire, pour des motifs raisonnables, que la perpétration de l'acte ou de l'omission est, par rapport à la nature de l'infraction ou des activités criminelles faisant l'objet de l'enquête, juste et proportionnelle dans les circonstances, compte tenu notamment de la nature de l'acte ou de l'omission, de la nature de l'enquête ainsi que des solutions de rechange acceptables pour l'exercice des fonctions de contrôle d'application.

Il convient de noter que l'obligation de vérifier s'il existe des solutions de rechange acceptables n'implique pas qu'on ne doit recourir aux actions protégées par le dispositif qu'en dernier ressort. Dans certains cas, elles constitueront simplement la bonne technique en fonction des circonstances.

Une des grandes initiatives du projet de loi C-24 consiste à considérer la participation aux activités d'organisations criminelles de manière nouvelle et très ferme. Premièrement, nous avons proposé une nouvelle définition de l'expression «organisation criminelle», avec de nouvelles infractions et de nouveaux régimes de sanctions qui permettront aux autorités de cibler et de sanctionner les activités d'organisations criminelles.

• 0850

[Français]

La nouvelle définition proposée d'organisation criminelle répond aux préoccupations qu'ont exprimé les policiers et les procureurs de la Couronne, pour lesquels la définition actuelle est trop complexe et trop étroite dans sa portée.

La disposition modifiée donnera aussi aux corps policiers et aux procureurs la souplesse nécessaire pour poursuivre un plus grand nombre d'organisations criminelles et ceux et celles qui choisissent de participer à leurs activités.

[Traduction]

La nouvelle définition est ciblée de manière à ce que seuls les individus présentant une menace grave pour la société tombent sous le coup des nouvelles mesures et elle est suffisamment souple pour empêcher ces individus d'esquiver les rigueurs de la loi au moyen d'une simple restructuration de leur organisation.

[Français]

Les modifications proposées visent à réduire le nombre de personnes nécessaire pour constituer une organisation criminelle, ou une gang, de cinq personnes à trois personnes.

[Traduction]

Certains de mes homologues provinciaux et certains députés ont demandé que la simple appartenance à une organisation criminelle devienne une infraction. Indépendamment des problèmes constitutionnels qu'entraînerait une proposition visant à interdire la simple appartenance à une organisation, je crois que le fait de criminaliser la participation et la contribution est plus efficace et a une plus grande portée que la simple criminalisation de l'appartenance.

L'appartenance à une organisation, si on peut la définir, peut être extrêmement difficile à prouver car ces organisations fonctionnent souvent dans la clandestinité ou dans le secret. Ces organisations pourraient facilement changer leur façon de procéder pour éviter que cette preuve préalable puisse être établie.

Enfin, les individus qui ne sont pas des membres officiels d'une organisation peuvent tout de même causer énormément de tort à la société en aidant des organisations criminelles à commettre ou à faciliter des crimes, et ce sont souvent des personnes qui sont directement mêlées aux crimes commis dans la rue pour des organisations criminelles.

[Français]

Les modifications proposées par le projet de loi C-24 représentent une approche plus efficace et plus solide juridiquement en faisant de la participation à une organisation criminelle un acte criminel.

Les dispositions viseront toutes les personnes, et pas uniquement les membres, qui participent en toute connaissance de cause à des activités qui favorisent la réalisation des objectifs criminels de l'organisation.

[Traduction]

Le projet de loi C-24 ajoute aussi de nouvelles dispositions législatives particulièrement précieuses et utiles pour cibler le crime organisé. Cette première série de propositions vise à modifier les dispositions du Code criminel sur les produits de la criminalité. Le Parlement a adopté en 1988 une loi sur le recyclage des produits de la criminalité qui parlait de «criminalité érigée en entreprise» et prévoyait une vingtaine d'infractions couvertes par cette expression. Avec le projet de loi C-24, toutes les infractions punissables, à l'exception de celles qui seront exclues en vertu de la réglementation, tomberont sous le coup des dispositions sur les produits de la criminalité.

Comme nous le savons tous, le crime organisé est actif à l'échelle internationale. Divers instruments et conventions internationaux récents comportent des dispositions permettant à des pays d'appliquer des ordres de confiscation provenant de pays étrangers. En fait, le Canada s'est servi des dispositifs d'exécution de la loi d'autres pays, mais il ne peut pas lui-même leur rendre la pareille. Le projet de loi C-24 permettra au Canada de collaborer avec ses partenaires en facilitant l'exécution d'ordonnances de confiscation émises par des autorités étrangères.

Le Code criminel comporte actuellement un régime limité en vertu duquel la propriété liée à une infraction, c'est-à-dire la propriété qui a été utilisée pour commettre un acte criminel, peut être saisie, gelée ou confisquée. Toutefois, cette disposition ne concerne que les biens utilisés à l'occasion de la perpétration d'infractions par des organisations criminelles. En raison de l'application limitée du dispositif de confiscation, nous avons, dans le cas des produits de la criminalité, deux catégories de criminels: ceux dont la propriété liée à une infraction fait l'objet d'une confiscation, et ceux dont la propriété a été utilisée lors de la perpétration d'une infraction mais ne peut pas être confisquée. On ciblera de façon plus complète les instruments utilisés pour commettre un crime si le projet de loi C-24 est adopté.

• 0855

En même temps, et pour garantir l'équité du processus, on a inclus dans le projet de loi un test de proportionnalité pour avoir la garantie qu'il n'y aura confiscation d'une propriété que si cette confiscation est proportionnelle à la nature et à la gravité de l'infraction et des circonstances qui l'entourent. Il y a une protection supplémentaire en ce qui concerne la confiscation de logements, à savoir que le tribunal devra tenir compte des répercussions de l'ordonnance de confiscation sur les membres de la famille immédiate de l'accusé si le logement en question est leur résidence principale.

J'ai présenté le contexte et la justification des divers éléments du projet de loi C-24, et j'espère avoir au moins répondu à certaines des questions et des préoccupations que vous avez à l'esprit. Les Canadiens et les autres intervenants sont impatients de nous voir adopter ce projet de loi et passer à l'étape importante de sa mise en application.

J'ai hâte que ce projet de loi soit adopté grâce à notre collaboration à tous.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, madame la ministre.

Monsieur le ministre.

L'honorable Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada): Merci Andy, et chers collègues.

La lutte contre le crime organisé est ma première priorité en matière d'application de la loi, et les mesures prévues dans le projet de loi C-24 ne font que le confirmer. Ce projet de loi donnera aux policiers les instruments qu'ils ont réclamés pour pouvoir être mieux en mesure d'infiltrer et de démanteler des organisations criminelles. Il donnera aux policiers et aux procureurs les instruments dont ils ont besoin pour lutter contre le crime organisé au sein de nos collectivités et de nos tribunaux.

Grâce au financement supplémentaire de 200 millions de dollars pour lutter contre le crime organisé et la contrebande que j'ai annoncé le 5 avril, la GRC, les procureurs canadiens et les autres organismes vont disposer de ressources qui leur permettront de mieux exploiter les partenariats qui donnent déjà de bons résultats aux plans national et international.

Le projet de loi C-24 constitue une étape importante dans la lutte contre le crime organisé. Il montre que nous avons écouté et compris les préoccupations des provinces, des policiers et de toutes les communautés du Canada et que nous y avons répondu.

Le 19 octobre dernier, le comité a déposé le rapport de son Sous-comité sur le crime organisé. Ses recommandations ont été très utiles pour la préparation de ce projet de loi, et nous avons répondu aux recommandations du sous-comité en débloquant de nouveaux fonds pour assurer une application coordonnée de la loi.

Soyons clairs: le Canada dispose de lois solides pour lutter contre le crime organisé. Nous avons pu constater l'effet de ces lois et de l'excellente collaboration des forces policières lors de l'Opération printemps 2001, le grand coup de filet contre les bandes de motards du Québec en mars dernier. Plus de 2 000 policiers y ont participé et ont arrêté plus de 100 individus. Ces opérations permettent de lutter très efficacement contre le crime organisé, mais nous savons que nos lois ne sont pas parfaites et nous sommes déterminés à continuer à les améliorer. C'est pourquoi nous avons présenté le projet de loi C-24 qui apporte aux forces policières des outils encore meilleurs pour consolider cette coopération.

J'ai rencontré des enquêteurs de la GRC à Vancouver l'an dernier. On m'a expliqué la complexité et le caractère ardu du problème de la criminalité organisée et les outils dont la police a besoin pour enquêter sur les crimes graves et les organisations criminelles. J'ai aussi rencontré les représentants de l'Association canadienne des chefs de police et de l'Association canadienne des policiers à plusieurs reprises. Leurs points de vue étaient analogues. Leur message était clair: les policiers ont besoin d'instruments plus efficaces, mais ils comprennent aussi qu'ils doivent respecter la vie privée, les droits et les libertés garantis par la Charte.

D'après ce que j'ai entendu dire, je pense pouvoir dire que le projet de loi répond aux préoccupations des policiers de première ligne et des cadres supérieurs de la police. Par exemple, le ministre de la Sécurité publique du Québec, M. Serge Ménard, a déclaré qu'il était très satisfait de ce projet de loi. Il a dit que le gouvernement fédéral avait compris les problèmes du Québec et qu'il fournissait les instruments nécessaires aux autorités, et qu'une fois que la nouvelle loi serait en vigueur, il deviendrait plus difficile de créer des organisations criminelles et de les maintenir en existence. Je suis bien d'accord.

Le ministre de la Justice de l'Alberta, Dave Hancock, a dit que grâce à ce projet de loi, les policiers et les procureurs pourront plus facilement traquer les délinquants sans empiéter sur les droits civils. Il a dit que ce que nous proposions correspondait exactement à ce qu'il souhaitait.

Le directeur de la police de Montréal, Michel Sarrazin, a dit que grâce à cette loi, il serait plus facile de mener des enquêtes de grande envergure comme celles qui ont permis les récentes arrestations de motards le mois dernier. C'est exactement ce que nous voulons faire.

Et le chef de la police de Toronto, Julian Fantino, a dit que cette proposition constituait un gigantesque progrès.

Outre les mesures concernant la participation et l'intimidation, le projet de loi C-24 comporte des dispositions grâce auxquelles il sera plus facile de confisquer les profits du crime. C'est essentiel car le crime organisé est une activité commerciale, et quand on les prive de leurs profits, les entreprises commerciales illégales ne peuvent plus fonctionner.

• 0900

Le projet de loi permettrait aussi de saisir et de confisquer un plus vaste éventail de produits de la criminalité. À l'heure actuelle, les tribunaux peuvent confisquer les produits de crimes tels que le trafic de drogue, le meurtre et la fraude. Bientôt, on pourra aussi confisquer les produits illégaux de la plupart des infractions criminelles.

Grâce à ces modifications, nos 13 unités mixtes de contrôle des produits de la criminalité mises sur pied en 1997 deviendront encore plus efficaces. Ces unités, qui combinent les ressources de la GRC et d'autres organismes policiers et agences gouvernementales, ont été créées dans le but de cibler les groupes criminalisés et de saisir les produits de la criminalité.

À ce jour, les saisies de produits de la criminalité et les amendes imposées ont rapporté plus de 100 millions de dollars. Des actifs représentant plus de 180 millions de dollars ont été saisis et font l'objet de procédures auprès des tribunaux qui pourraient déboucher sur leur confiscation. Les propositions du projet de loi C-24 vont aussi compléter nos efforts et notre législation pour lutter contre le blanchiment d'argent.

J'aimerais me concentrer sur les propositions du projet de loi concernant la protection des policiers contre des accusations de responsabilité criminelle. Nous savons que les policiers qui enquêtent sur des choses comme le crime économique, le trafic d'êtres humains, le crime haineux, le meurtre, le terrorisme international et la criminalité environnementale doivent recourir à une foule de techniques différentes. Cela peut les amener à l'occasion à commettre des infractions pour infiltrer des bandes de criminels et enquêter efficacement sur des crimes graves. Par exemple, un agent peut acheter de la fausse monnaie pour recueillir des preuves, ou un agent infiltré dans une organisation qui fait de la contrebande peut participer temporairement à des activités illégales avant le coup de filet et le démantèlement de l'organisation.

La Cour suprême nous a dit que le recours à ce genre de techniques devait être autorisé par le Parlement. C'est pourquoi le projet de loi énonce les règles et les conditions strictes en vertu desquelles les agents de la force publique pourront être mis à l'abri de poursuites criminelles s'ils commettent de telles actions à des fins légitimes d'application de la loi.

Je tiens à préciser au comité qu'il n'est pas question d'accorder une immunité générale à ces agents. L'exemption ne s'appliquera qu'à des agents désignés. Le projet de loi prévoit une importance composante de responsabilité ministérielle. En tant que solliciteur général, c'est moi qui procéderai aux désignations pour la GRC.

Je précise qu'avec ce nouveau système, je ne procéderai pas à des désignations pour des enquêtes ou des opérations précises. Les désignations concerneront les fonctions générales de l'agent particulier ou des groupes d'agents. Ce projet de loi maintient l'équilibre entre la responsabilité ministérielle en matière d'application de la loi et la nécessaire indépendance de la police.

J'aimerais en outre souligner quelques autres points. Premièrement, les conditions dans lesquelles un fonctionnaire public serait autorisé à commettre certains actes seront énoncées dans la loi, et incluraient notamment l'exigence d'un comportement juste et proportionnel. Deuxièmement, certains types de comportements seront totalement exclus, notamment le fait de causer des lésions corporelles, les infractions sexuelles et l'obstruction à la justice. Troisièmement, il y aura un rapport public pour rendre des comptes et on avisera les personnes dont les biens auront été détruits ou auront subi des dommages importants. Les propositions du projet de loi concernant la responsabilité criminelle dans le contexte de la police sont indispensables. Elles sont aussi équilibrées et responsables.

J'aimerais maintenant passer aux nouvelles ressources que j'ai annoncées le 5 avril. Un montant nouveau de 200 millions de dollars sera attribué sur cinq ans à la GRC, au ministère de la Justice, au Service correctionnel du Canada, à l'Agence canadienne des douanes et du revenu, et au ministère du Solliciteur général. Nous renforcerons notre politique de coordination nationale et notre réponse opérationnelle au crime organisé et à la contrebande.

Les nouveaux crédits de la GRC inclus dans les 584 millions de dollars alloués à la police dans le budget de 2000 pour la lutte contre le crime organisé ont permis de renforcer les services nationaux de police et les nouveaux dispositifs de communications.

Ces fonds serviront aussi à investir dans plusieurs secteurs centraux. La capacité de collecte de renseignements de la GRC sera accrue au Canada et à l'étranger de façon à mieux cibler les principaux groupes criminels opérant au Canada. Les grandes opérations faisant intervenir plusieurs corps, comme les escouades anti-gangs régionales du Québec, seront intensifiées. Il y aura aussi des investissements pour lutter contre le crime à la frontière canado-américaine, en exploitant les deux équipes nationales intégrées d'application de la loi à la frontière, ou IBET, en Colombie-Britannique. On investira aussi dans de nouvelles technologies utilisées à l'appui d'enquêtes complexes.

La nouvelle stratégie fédérale de poursuite sera très importante pour la police. C'est une idée qui a été très bien accueillie dans d'autres secteurs, par exemple l'unité de l'Initiative intégrée de contrôle des produits de la criminalité dont j'ai parlé précédemment.

• 0905

Le Service correctionnel utilisera des fonds pour améliorer sa capacité de recueil de renseignements et se concentrer sur la gestion de membres d'organisations criminelles emprisonnés ou en liberté conditionnelle. Mon ministère et le ministère de la Justice collaborent étroitement avec les provinces et investiront dans la recherche et l'élaboration de politiques.

N'oublions pas non plus que ce projet de loi et ce nouveau financement nous permettront de renforcer nos activités internationales. Le Canada fait de gros efforts pour lutter contre le crime organisé aux côtés des États-Unis, dans toutes les Amériques, au sein du G-8, avec la Communauté européenne et au sein de l'ONU. La GRC et les autres ministères collaborent avec leurs homologues du G-8 à des projets mixtes d'application de la loi. Ils coordonnent leurs activités de lutte contre la contrebande, la criminalité dans le secteur de la haute technologie et d'autres domaines internationaux préoccupants.

En conclusion, le projet de loi C-24 est un important pas en avant dans la lutte constante contre le crime organisé. Grâce aux investissements que nous avons réalisés dans le cadre de partenariats établis depuis sept ans et demi, le Canada dispose d'instruments efficaces pour s'attaquer au crime organisé. Avec ce projet de loi, les efforts nationaux deviendront encore plus efficaces qu'auparavant.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Je passe maintenant à M. Sorenson, pour sept minutes.

M. Kevin Sorenson (Crowfoot, AC): Ce que j'ai à dire ne va pas prendre sept minutes, mais nous nous réjouissons de ce projet de loi C-24. Nous considérons qu'il comporte des aspects très positifs.

Comme vous le savez, d'après certains sondages d'opinions, la population attache à peu près autant d'importance à la lutte contre la criminalité, et particulièrement le crime organisé, qu'aux soins de santé. Apparemment, les Canadiens souhaitent que le gouvernement adopte une loi qui donnera aux personnes responsables la possibilité de lutter contre cette criminalité, et nous nous en félicitons par conséquent.

Ma première question concerne les 200 millions de dollars qui seront utilisés au cours des cinq prochaines années pour mettre en oeuvre la loi. Ces 200 millions de dollars serviront aux poursuites et à l'application de la loi, c'est ce que dit le projet de loi. Je voudrais demander au solliciteur général quel montant va effectivement aller à la GRC, c'est-à-dire en dehors de la mise à exécution de la loi, quel est le montant qui va aller directement à la GRC? Autrement dit, pouvez-vous nous donner la ventilation de ces 200 millions de dollars ?

M. Lawrence MacAulay: Oui, Kevin. Un montant de 50 millions de dollars sera affecté directement à la lutte contre la contrebande, et 40 millions de dollars seront consacrés à une nouvelle stratégie fédérale intensive de poursuites pour le ministère de la Justice. Le reste servira principalement à renforcer la capacité de recueil de renseignements de la GRC axée sur les organisations criminelles les plus menaçantes. Comme vous le savez, il y a de nombreuses organisations criminelles au Canada. Cet argent servira à l'exécution d'opérations menées par plusieurs organismes, à renforcer les équipes d'application de la loi à la frontière dont j'ai parlé, et naturellement à améliorer la technologie. C'est en gros comme cela que ce montant sera ventilé.

M. Kevin Sorenson: Pour ce qui est de la contrebande, j'ai étudié un peu la question pour le débat. Je me suis surtout intéressé aux drogues et aux différentes façons dont on fait passer la drogue à la frontière. Vous avez parlé de criminalité internationale, et le trafic de drogue est certainement un des plus gros problèmes de criminalité internationale. Nous n'avons plus ce qu'on appelait la police des ports. Est-ce exact? D'après les études que nous avons réalisées, j'ai cru comprendre...

M. Lawrence MacAulay: C'est exact.

M. Kevin Sorenson: ...qu'il n'y avait plus de police des ports. Ma question est donc la suivante: Étant donné que le trafic de drogue représente une partie énorme de la criminalité organisée, va-t-on augmenter...va-t-on assurer des services de police dans les ports?

M. Lawrence MacAulay: Il y a une surveillance policière, et cette surveillance va se poursuivre et je l'espère se renforcer encore plus. Je n'aborderai pas les opérations spécifiques de la GRC, mais vous dites qu'il n'y a pas de police dans les ports. En fait, s'il y a des drogues qui arrivent dans un certain port, la GRC a manifestement pour responsabilité d'intervenir. Elle intervient partout où transitent des cargaisons de drogue, dans les aéroports ou ailleurs. C'est simplement que ce pouvoir particulier a été dans l'ensemble repris par les forces policières municipales dans tout le pays. Mais prenons le cas d'une cargaison de drogue. S'ils savent, grâce à leurs renseignements au Canada et à l'étranger, qu'une cargaison de drogue va arriver dans une zone particulière, peu importe l'endroit, ils vont être là.

• 0910

M. Kevin Sorenson: En 2000, le budget de la GRC a-t-il augmenté ou diminué?

M. Lawrence MacAulay: Il a augmenté de 72 millions de dollars l'an dernier.

M. Kevin Sorenson: Et en 2000?

M. Lawrence MacAulay: L'augmentation est de 184 millions sur trois ans, dont 72 millions de dollars en 2000.

M. Kevin Sorenson: Merci.

Le président: Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, AC): J'ai une brève question à poser, merci, monsieur le président.

Nous avons tous entendu parler de communications entre les divers services qui laissent un peu à désirer à l'occasion. Je me demande dans quelle mesure on essaie d'améliorer les communications entre les divers secteurs de compétence. À Montréal, par exemple, à Vancouver, dans les provinces, que fait-on au juste?

M. Lawrence MacAulay: Disons franchement, Chuck, que c'est un effort constant, non seulement au niveau fédéral, mais aussi aux niveaux provincial et municipal. Nous avons eu des réunions à Iqaluit. Il y a en permanence des activités conjointes partout, mais il y a toujours des problèmes de communications entre divers groupes, pas nécessairement exprès. Il faut mettre en place la technologie voulue pour que l'information circule de façon efficace et correcte.

M. Chuck Cadman: Mais en a-t-on la volonté?

M. Lawrence MacAulay: Je ne pense pas que qui que ce soit refuse de coopérer. Nous travaillons toujours sur ce problème, et les choses s'améliorent beaucoup. Je pense que quand tout le monde travaille ensemble, comme nous l'avons fait à Iqaluit, tous les groupes de police et toutes les autorités fédérales, provinciales et municipales se regroupent non seulement pour bien organiser l'information, mais aussi pour s'assurer que le montant d'argent dont nous disposons, et qui n'est pas infini, ne sert pas à financer des opérations qui font double emploi et qu'il est utilisé de façon aussi judicieuse que possible.

Le président: Une question.

M. Kevin Sorenson: Oui, une très brève question.

Est-ce que 200 millions, c'est suffisant? C'est la question qu'on pose à tous les ministres. On pourrait en avoir plus, mais est-ce que 200 millions de dollars suffisent? Il y a un sujet, je ne dirais pas que c'est notre chouchou, mais c'est un sujet qui nous préoccupe depuis des années, c'est l'enregistrement des armes à feu. Quand on voit le montant colossal qui a été nécessité par l'enregistrement des armes à feu, et qu'on voit ces 200 millions de dollars qui vont servir à alimenter la lutte contre le crime organisé, on s'interroge sur les priorités. Le ministre de l'Agriculture dit qu'il voulait avoir plus d'argent pour l'agriculture. Êtes-vous prêt à vous contenter de 200 millions de dollars?

M. Lawrence MacAulay: Merci beaucoup pour cette question. J'ai voyagé dans le monde entier. J'ai rencontré les représentants de nombreuses organisations policières et de gouvernements, et c'est intéressant. Quand vous rencontrez les gens du gouvernement américain, leur budget est assez éloigné du nôtre. Ils disent parfois que c'est une goutte dans l'océan. Il est certain qu'on pourrait donner plus d'argent à tous les ministères, et qu'on pourrait le faire je pense dans tous les pays du monde. Et nous devons nous contenter de faire du mieux possible avec les montants dont nous disposons. C'est pour cela que nous essayons de coordonner nos efforts, et nous le faisons d'ailleurs je crois avec beaucoup de succès aux niveaux fédéral, provincial et municipal.

Je ne pense pas qu'il existe une seule force policière ou un seul organisme gouvernemental de ce pays ou dans le monde qui soit prêt à dire qu'il n'a pas besoin de plus d'argent. Mais dans la réalité, il faut se contenter d'utiliser le mieux possible ce dont on dispose. Merci.

Le président: Merci beaucoup. On peut en dire autant du temps.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci beaucoup.

Nous, du Bloc québécois, c'est évident que nous accueillons favorablement le projet de loi C-24. Il y avait tellement peu de choses dans le Code criminel et les policiers avaient tellement peu d'outils pour lutter efficacement contre le crime organisé que le moindre changement, le moindre pas en avant est salutaire, et on l'applaudit.

Aujourd'hui, les deux ministres, vous pouvez avoir le sourire et être fiers de votre coup, mais lorsque vous dites que le message des policiers était clair, que vous avez consulté les policiers, l'Association canadienne des policiers et policières, les procureurs généraux, et que vous avez rencontré les provinces et tout, ça fait combien de temps qu'on vous dit que 467.1 ne répond pas? Deux ans, trois ans, quatre ans? Et aujourd'hui, vous présentez ça comme une grande réussite. Tant mieux, les règles vont changer. Good.

• 0915

Cependant, il vous manque une petite chose. Il vous manque un petit courage politique que vous n'avez pas, et je ne sais pas pourquoi. L'un n'empêche pas l'autre. Oui, vous avez modifié les règles au niveau des organisations criminelles. Parfait. Tout le monde le demandait. Les mêmes procureurs de la Couronne et les mêmes policiers qui, aujourd'hui, applaudissent le projet de loi C-24 vous disent encore que ça ne va pas assez loin à ce niveau-là. Ce qu'il faudrait faire, c'est criminaliser la simple appartenance afin d'aller chercher des membres passifs, entre autres, des organisations criminelles, les penseurs, parce qu'il y en a. Ils ne sont pas nécessairement chefs de bandes, mais ce sont des penseurs.

On cite Serge Ménard pour démontrer que le projet de loi répond aux attentes du Québec. Il faudrait peut-être citer Serge Ménard jusqu'au bout et dire—et il est le premier à le réclamer au Québec—que ça ne va pas assez loin et qu'il faudrait faire de la simple appartenance un crime, pour les raisons que j'ai données plus tôt.

Ne me parlez pas de la Charte canadienne des droits et libertés et ne me dites pas que les criminels ont des droits constitutionnels, etc. Ce n'est pas fait pour ça, la Charte canadienne des droits et libertés. L'article 1 peut facilement être respecté lorsqu'on rédige correctement une mesure législative. Il y a assez d'avocats au ministère de la Justice qui travaillent sur ces dossiers-là... Juste pour la Loi sur les jeunes contrevenants, il y en a eu quatre ou cinq qui ont suivi le débat pendant des semaines. Ils prenaient des notes. Ils ne faisaient pas autre chose. Vous auriez pu les mettre ailleurs; c'aurait été plus productifs que de venir m'écouter quand j'ai débattu du projet de loi pendant des heures ici.

[Traduction]

M. John McKay: Amen.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ne venez pas me dire qu'on ne peut pas faire les deux en même temps. Oui, on peut changer l'organisation criminelle, comme vous l'avez fait. Tant mieux. C'est un bon compromis. Parfait. Mais on pourrait également faire un crime de la simple appartenance.

Je veux vous entendre là-dessus, et, naturellement, je n'aurai sûrement pas assez de mes sept minutes, parce qu'il y a toutes sortes de questions. Entre autres, il y a les autorisations que le ministre et le solliciteur général auront à remettre aux policiers pour les actes illégaux. Ça n'a carrément pas de bon sens que cela relève de la politique.

Je vais commencer par ma première question au sujet de l'organisation criminelle. C'est parfait, mais ça n'empêche pas que le ministère aurait pu faire de l'appartenance une infraction, criminaliser la simple appartenance, afin d'aller chercher les membres passifs et ramasser tout le monde. Cela aurait aidé également les municipalités qui sont aux prises avec les bunkers.

À l'heure actuelle, au Québec, il y en a une gang qui sont en dedans, mais c'est drôle, les bunkers sont encore pleins. Il y a des policiers qui y vont pour faire respecter les règlements de zonage et il y a des gens dans les bunkers qui leur font visiter les lieux, et eux ne sont pas touchés. Et ils ne seront pas touchés parce que ce sont des membres passifs.

Alors, ce que vous faites présentement, c'est une belle passe avec de beaux gros trous. Vous allez laisser tomber des gens par ces trous, qui, à leur tour, vont remplacer ceux qui sont en dedans ou ceux qu'on aura «grabés», comme on dit en bon québécois, et mis en dedans.

Donc, je pense que votre projet de loi est bon. Mais ayez donc un petit peu plus de guts politique et allez donc un petit peu plus loin.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Permettez-moi de commencer par remercier M. Bellehumeur de l'appui général qu'il apporte je crois à ce que nous faisons.

Je connais naturellement bien le point de vue des députés sur l'idée de criminaliser la simple appartenance à une organisation. Je peux affirmer à tous les membres de ce comité que nous avons examiné toutes les avenues possibles et que nous avons parlé à toutes sortes de personnes de cette idée de criminaliser la simple appartenance. Après avoir longuement étudié la question, nous sommes arrivés à la conclusion que ce n'était pas la meilleure formule, et ce pour toutes sortes de raisons. En fait, nous avons conclu que notre démarche était beaucoup plus complète. Quand on parle de criminaliser la participation ou la contribution à une organisation criminelle, c'est à notre avis beaucoup plus complet que le simple fait de parler de l'appartenance.

• 0920

Il ne faut pas oublier que nous avons examiné d'autres exemples dans le monde. En fait, nous pensons qu'il n'y a qu'un seul pays au monde qui ait criminalisé la simple affiliation à une soi-disant organisation criminelle. La plupart des démocraties ont préféré ne pas suivre cette voie, qu'elles aient ou non des chartes des droits, pour une raison évidente dont vous entendrez sans doute parler lors de vos tables rondes, à savoir que la criminalisation de la simple appartenance risquerait d'entraîner éventuellement des abus et d'être appliquée de manière excessive par ceux qui enquêteraient sur des infractions liées à une présomption d'appartenance.

C'est un compromis, je suis la première à le reconnaître, mais nous estimons que la démarche que nous avons choisie est une démarche responsable dans le contexte d'une société libre et démocratique. C'est le bon équilibre. C'est le moyen de bien s'attaquer aux problèmes. C'est une démarche globale et qui sera efficace. Et bien que certains persistent à dire qu'il serait bien de pouvoir criminaliser l'affiliation à une organisation, je pense que dans l'ensemble notre démarche est très largement appuyée. Vous avez déjà entendu cela lorsqu'on a présenté le projet de loi, et je pense que les chefs de police et les fonctionnaires de première ligne qui s'occupent quotidiennement d'appliquer les lois continueront à vous le dire.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Blaikie, une question.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Si la question a déjà été posée, je m'en excuse, mais on a déjà demandé à la Chambre durant le débat initial en deuxième lecture si les dispositions de protection des députés, etc., pourraient être élargies aux députés provinciaux, aux procureurs généraux provinciaux, à des gens comme cela. La ministre pourrait-elle nous dire si un tel amendement pourrait être accueilli favorablement?

Mme Anne McLellan: Dans mes remarques, j'ai dit que je savais que certains députés, dont vous-même manifestement, monsieur Blaikie, avaient soulevé cette question. Je suis tout à fait prête à écouter le point de vue du comité à cet égard. Comme vous le savez, nous avons dans le projet de loi une liste des personnes associées au système judiciaire, et l'on pourrait peut-être envisager d'élargir un peu cette liste. Mais n'oubliez pas que nous nous concentrons ici sur les personnes associées au système judiciaire et les personnes qui jouent un rôle dans l'administration de la justice pénale.

Si vous partez de ces deux paramètres, peut-être se peut-il qu'on puisse inclure d'autres personnes qui ne sont pas actuellement mentionnées dans cette liste. Je suivrai avec intérêt les avis et recommandations du comité à cet égard. Mais je pense qu'il faut bien vous concentrer sur ce dont il est question ici, c'est-à-dire les personnes associées au système judiciaire qui jouent un rôle dans l'administration de la justice pénale.

Le président: Merci, monsieur Blaikie.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président et merci, madame et monsieur le ministre, monsieur Roy, et monsieur Kennedy, d'être ici. C'est certainement un projet de loi très important. Je félicite vos deux ministères de l'avoir présenté.

J'ai quelques questions, dont une vient prolonger celle de mon collègue, au sujet de l'affectation des fonds. Je dois reconnaître que je suis un peu déçu de ne pas encore avoir entendu mentionner les victimes. De toute évidence, dans le cas du crime organisé, il y a des victimes, des membres de la famille, des gens qui sont pris au milieu de la fusillade, comme on l'a vu dans certaines guerres de la pègre à Montréal. Je comprends la façon dont on va ventiler l'essentiel de l'argent, et je présume que quand on va capturer un plus grand nombre de membres du crime organisé, qu'on va réussir à poursuivre et à condamner, il va falloir appliquer un plus vaste programme de protection des témoins, de relocalisation des témoins. On aura besoin, et c'est déjà le cas, de fonds pour assurer la présence des victimes lors d'audiences de libération conditionnelle—et c'est quelque chose qui manque dans le système actuel, et que je ne vois pas non plus dans ce projet de loi—et on va avoir besoin de financer la protection des victimes qui vont aussi être des témoins.

Pourriez-vous l'un ou l'autre me dire si l'on a envisagé cela ou s'il y a quelque chose dans ce projet de loi au sujet des victimes?

• 0925

M. Lawrence MacAulay: Peter, sur cette question des victimes, comme vous le savez, le comité a recommandé que les victimes puissent participer aux audiences de libération conditionnelle, et il y aura une déclaration positive à ce sujet dans très peu de temps. C'est de ce comité qu'est venue cette recommandation.

Je suis bien d'accord, il y a des victimes, et c'est un gros problème. Mon ministère contribue à financer diverses organisations qui aident les victimes et, avec le ministère de la Justice, on distribue certains fonds, mais c'est un gros problème constant.

La réponse que je vous donnerai, pour commencer, c'est que nous voulons réduire le nombre de victimes. S'il y a moins de victimes, c'est qu'il y a moins de crimes. Et nous y réussissons dans une certaine mesure. Néanmoins, le fait est que nous nous penchons sur ce problème, mais qu'il faut insister encore plus sur la solution au problème des victimes.

Anne, si vous voulez ajouter quelque chose, il y a des fonds au ministère de la Justice pour ce domaine.

Mme Anne McLellan: Je pense que vous soulevez une question intéressante. Peut-être que quand nous allons nous en prendre plus agressivement aux criminels organisés de notre société, il faudra faire des recherches sur leurs victimes pour savoir par exemple si elles présentent des besoins particuliers ou si elles suscitent des problèmes différents de ceux des victimes de crime en général. Je ne connais pas la réponse à cette question.

Au ministère, nous avons effectivement reçu des crédits additionnels l'an dernier. Nous avons 25 millions de dollars sur cinq ans, et une partie de cet argent va servir à faire du travail de politique et de recherche dans le contexte des groupes de victimes et, dans certains cas, à aider les provinces à donner aux victimes les moyens et les possibilités d'exercer tous les droits qui leur sont conférés soit par nous, soit par les provinces.

Je pense que si l'on définit des problèmes bien particuliers liés aux victimes du crime organisé dans le cadre de notre programme général consacré aux victimes au ministère de la Justice, notre centre de la politique des victimes sera certainement très intéressé par la question. Je dois cependant souligner que la prestation directe de services aux victimes relève des provinces. Les provinces le disent de façon très claire. Elles affirment sans ambiguïté que c'est quelque chose qui relève de leur compétence. Ce que nous avons fait pour faciliter cela, naturellement, c'est de modifier l'amende supplémentaire. Maintenant, elle est automatique, et elle est imposée sauf si un individu, un accusé auquel cette amende est imposée, peut démontrer qu'elle n'est pas justifiée. Cela va permettre d'augmenter considérablement les recettes que les provinces consacreront aux services directs aux victimes de crime organisé ou autres.

Mais les victimes sont évidemment une préoccupation majeure pour nous tous, comme elles doivent l'être dans un régime de justice équilibré et charitable.

M. Peter MacKay: Merci, madame la ministre. Cela va donc dépendre de la façon dont cette nouvelle loi sera appliquée.

Il y a une autre question qui relève de la compétence provinciale, c'est le temps de préparation qui sera nécessaire pour ce genre d'affaires. Très souvent, ce sera des affaires extrêmement complexes. Il y aura un besoin accru de divulgation. Comme je l'ai dit, il y aura plus de travail de préparation des témoins. J'imagine que l'aspect intimidation sera aussi coûteux, la nécessité de mettre les témoins à l'abri de l'intimidation. Existe-t-il un dispositif particulier compte tenu du temps de préparation supplémentaire qu'il faudra en particulier aux procureurs provinciaux et aussi à certains procureurs fédéraux dans les affaires de drogue?

Dans cette foulée, je m'inquiète quand j'entends le solliciteur général du Canada dire qu'il ne s'occupe pas des actions particulières de la GRC, quand on commence à dire que les policiers vont avoir des pouvoirs élargis et recevoir en gros la bénédiction du ministre. Bien sûr, il y a cette désignation particulière, mais le ministre vient de dire qu'il ne se mêlait pas de leurs opérations précises. J'en conclus donc que cette notion de responsabilité ministérielle est plutôt vague.

Dois-je comprendre de ce que vous nous dites, monsieur le ministre, que si quelqu'un est désigné et qu'on s'aperçoit que c'était une erreur et que cela a entraîné des abus, le solliciteur général va dire qu'il assume la responsabilité de cette erreur et qu'il nous affirme qu'il s'expliquera auprès de toutes les personnes intéressées sur ces désignations s'il s'avère qu'elles étaient erronées?

• 0930

M. Lawrence MacAulay: Peter, j'ai eu par exemple l'occasion de discuter avec des agents secrets de la GRC qui m'ont expliqué leurs problèmes. En revanche, ce qui ne se fait pas au Canada, c'est qu'un politicien ou un ministre intervienne dans des enquêtes particulières. Voilà comment les choses se passeront: on me contactera et on m'exposera le devoir général, c'est-à-dire le travail de recueil de renseignement ou autre. À ce moment-là, je désignerai certains fonctionnaires qui seront autorisés à avoir ce type d'activité. Ils devront néanmoins le faire de façon correcte, et ils devront présenter un rapport annuel que vous verrez. S'ils n'agissent pas de façon correcte, ils tomberont sous le coup de la loi comme n'importe qui d'autre.

M. Peter MacKay: C'est leur responsabilité.

M. Lawrence MacAulay: Ce qui est important, c'est que le ministre ne se mêle pas des activités opérationnelles de la GRC. Le gouvernement et la police tenaient absolument à l'éviter.

Et aussi, naturellement, je dois m'assurer que les fonctionnaires désignés ont la bonne formation, une bonne supervision, et tout ce genre de choses. Nous avons une force policière très crédible au Canada, avec la GRC. En fait, ceci leur donne la possibilité—et j'ai personnellement pu constater à quel point ils en ont besoin... Par exemple, ils doivent pouvoir se servir d'une carte de crédit volée pour acheter quelque chose de façon à montrer qu'ils ne sont pas des policiers. S'ils ne peuvent pas le faire, ils ne peuvent pas fonctionner dans la clandestinité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Monsieur Myers.

M. Lawrence MacAulay: Puis-je ajouter une autre chose? Si j'ai dit que nous finançons des groupes de victimes, Peter, c'est une erreur. C'est le ministère de la Justice qui s'en occupe.

Mme Anne McLellan: Pourrais-je répondre à une question à mon avis importante posée par notre collègue M. MacKay à propos des poursuites?

J'aimerais signaler ici que les deux paliers de gouvernement, le palier provincial et le palier fédéral, ont un rôle à jouer. Nous avons des procureurs fédéraux dans les tribunaux d'un peu partout au pays, qui poursuivent des trafiquants de drogue ou autres dans le contexte du crime organisé. C'est pour cela que la grande majorité des 40 millions affectés à mon ministère sont essentiellement consacrés à améliorer les poursuites. Nous souhaitons créer une unité spécialisée de procureurs fédéraux qui seront des experts dans ce domaine.

Vous avez raison, ce sont des procès complexes. Les témoignages suscitent des problèmes complexes. Il y a de multiples parties en présence. Si vous prenez un cas comme l'affaire Tran, dans ma ville d'Edmonton, il y a au moins 34 coaccusés au départ.

Ce que nous souhaitons faire—et je pense que le Québec a joué un rôle de pionnier à cet égard—c'est mettre sur pied une équipe de procureurs fédéraux expérimentés qui collaboreront étroitement avec les policiers et avec leurs homologues provinciaux. Nous pensons que cela nous permettra de nous attaquer beaucoup plus efficacement à toutes sortes de problèmes, notamment les dizaines, sinon les centaines de motions que les avocats de la défense opposent aux procureurs fédéraux lors de ces grands procès où il y a des douzaines de coaccusés.

Nous sommes parfaitement conscients du fait que si l'on veut lutter efficacement contre le crime organisé, il faut non seulement débloquer des ressources suffisantes pour les policiers, mais aussi donner des ressources suffisantes aux procureurs fédéraux dans notre cas. Et mes collègues provinciaux et territoriaux comprennent bien aussi qu'ils doivent donner des ressources adéquates à leurs procureurs provinciaux dans le cadre de leur champ de compétence en matière d'administration de la justice.

Le président: Merci.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai trois petites questions à poser.

Premièrement, je voudrais remercier les ministres d'être là aujourd'hui. Plus précisément, en parlant à de nombreux Canadiens un peu partout dans le pays, j'ai constaté qu'ils étaient favorables à ce projet de loi C-24. Ils pensent que c'est une bonne initiative compte tenu de la situation et, plus précisément, des problèmes liés au crime organisé.

• 0935

Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur ce que l'on a dit tout à l'heure à propos de l'article 2 et des paragraphes 25.1, 25.2, 25.3 et 25.4 proposés, où l'on dit que vous serez l'autorité compétente qui procédera aux désignations sur l'avis de policiers ou de fonctionnaires supérieurs.

Quand j'ai lu le Livre blanc de juin 2000 pour la première fois, ce passage m'a un peu inquiété. Le Livre blanc semblait laisser entendre que les ministres pourraient intervenir plus. Quand je lis le texte actuel du projet de loi, cela me rassure, car je pense que la distance est plus grande. Je crois que c'est précisément ce que souhaitaient les policiers et les personnes qui travaillent dans ce domaine, compte tenu de leur expérience. Je me demande comment s'est effectuée cette transition du texte que l'on trouvait dans le Livre blanc à celui que l'on retrouve maintenant dans le projet de loi, et qui me semble plus raisonnable.

M. Lawrence MacAulay: Que voulez-vous que je fasse, Lynn? Vous voulez que je vous explique où nous en sommes maintenant, ou les consultations...

M. Lynn Myers: Non, je pense que nous savons très bien où nous en sommes maintenant. Je me demandais simplement ce qui s'était passé entre le Livre blanc et ce projet de loi. Dans le Livre blanc, il y avait apparemment plus d'interventions. Autrement dit, vous seriez plus intervenu dans les activités au jour le jour de la police, en tout cas c'est comme cela que je lisais ce texte. Je pense que c'est une bonne transition.

M. Lawrence MacAulay: Il est très important dans tous les pays, y compris ici, de veiller à ce que les procureurs généraux ou les ministres ne se mêlent pas des opérations concrètes de la police.

Il va de soi que la ministre de la Justice et moi-même avons discuté avec toutes sortes de groupes de Canadiens, notamment des représentants de diverses forces et organisations policières, comme je l'ai dit. Il y a aussi eu bien sûr... Nous sommes arrivés à ce résultat grâce à l'aide de ce comité et des organisations policières de tout le pays. C'est comme cela que nous en sommes arrivés là.

Comme je le disais, quand je les ai rencontrés—et c'est vraiment une expérience très intéressante de discuter avec des agents secrets qui risquent incontestablement leur vie pour nous permettre de vivre dans une société plus sûre dans ce pays—ils m'ont expliqué exactement de quoi ils avaient besoin, et pourquoi ils en avaient besoin très vite dans certains cas. Évidemment, il doit y avoir une reddition de comptes, mais quelquefois un policier infiltré dans une organisation est obligé d'agir très vite, et il doit pouvoir le faire sans être obligé d'aller obtenir tout un tas de signatures. Ce qui est essentiel, c'est de leur permettre d'agir de façon efficace lorsqu'ils infiltrent ces organisations.

Il ne s'agit pas seulement du crime organisé. Par exemple, Lynn, si vous enquêtez sur un meurtre et vous devez faire du travail d'infiltration pour obtenir des informations qui permettront à la police d'inculper quelqu'un, je n'en saurai rien. Tout ce que je saurai, c'est que ces personnes sont désignées, et je n'ai pas à connaître le détail de l'affaire. Il faut simplement qu'ils puissent avoir l'autorisation d'envoyer ces agents recueillir les preuves nécessaires pour faire condamner le criminel. Il ne s'agit donc pas simplement du crime organisé. Il peut s'agir de recueillir des preuves pour un meurtre ou pour autre chose.

M. Lynn Myers: Je vous félicite d'avoir saisi ce message, car j'avais l'impression que le message du Livre blanc était qu'on ne fait pas confiance à la police pour faire ce travail; alors que ce que vous nous dites maintenant, c'est au contraire que vous lui faites confiance pour cela, et je m'en réjouis.

M. Lawrence MacAulay: Non seulement nous faisons confiance à la police, Lynn, mais nos concitoyens lui font confiance, et c'est très important.

M. Lynn Myers: Quand j'étais chef de la police régionale de Waterloo—700 policiers pour une population d'environ 450 000 habitants—l'une des choses que je constatais, pas quotidiennement mais de temps à autre, c'était le manque de coordination des divers services de police—autrement dit, la police provinciale, la GRC et la police locale régionale. Je suis heureux de constater qu'on se penche sur ce problème, mais peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les efforts que vous accomplissez en ce sens, car j'ai l'impression que tant que tous les services de police de ce pays ne collaboreront pas pleinement, il faudra tout faire pour réaliser cette collaboration qui est importante et nécessaire. J'aimerais savoir ce que vous avez l'intention de faire pour que cela devienne un état de fait permanent.

• 0940

M. Lawrence MacAulay: Eh bien, Lynn, en septembre dernier, la ministre de la Justice et moi-même avons rencontré à Iqaluit nos homologues provinciaux et municipaux. Nous avons annoncé un programme national de lutte contre le crime organisé.

Nous essayons de réaliser une coordination beaucoup plus étroite de la recherche et de l'application de la loi, et aussi, comme l'a dit Anne, des mesures législatives elles-mêmes. En fait, c'est comme cela qu'on s'entend globalement sur la meilleure démarche à utiliser dans un projet de loi comme celui-ci. Si l'on fait intervenir tous les intéressés, on a une meilleure coopération.

C'est ce qui se passe avec ce projet de loi: nous prenons soin de faire intervenir le plus grand nombre possible de personnes. C'est pour cela que cette réunion en septembre dernier et les précédentes, ainsi que les réunions futures que nous aurons je l'espère, sont extrêmement importantes pour assurer une bonne coordination des efforts de lutte contre le crime organisé.

Le problème, c'est que l'on peut avoir des services qui font double emploi, des actions qui se chevauchent, et qu'on gaspille ainsi des fonds dont on a bien besoin pour lutter contre l'ennemi, le crime organisé. Je suis convaincu que nous sommes sur la bonne voie, mais il y a toujours des changements à apporter.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Cadman, trois minutes.

M. Chuck Cadman: Monsieur le président, je pense que nous sommes tous conscients de la portée internationale du crime organisé. Nous ne pouvons pas tout faire nous-mêmes.

Pourriez-vous nous dire un peu dans quelle mesure vous avez fait participer vos collègues de l'Immigration et des Affaires étrangères à cet exercice?

Mme Anne McLellan: Effectivement, pour lutter efficacement contre le crime organisé, on a besoin non seulement d'une stratégie interne efficace, mais aussi d'une collaboration avec des partenaires internationaux car le crime organisé, grâce essentiellement à la technologie actuelle, ne connaît plus de frontière—surtout quand on parle de blanchiment d'argent, puisqu'il est très facile avec la technologie actuelle de faire passer de l'argent d'un pays à l'autre très vite et assez discrètement.

Nous—mon collègue le solliciteur général et moi-même—comprenons évidemment que, pour avoir une démarche intégrée de lutte contre le crime organisé, nous devons non seulement travailler avec les provinces et les territoires, les forces policières locales, provinciales et fédérales, mais aussi avec des collègues comme le ministre du Revenu national, qui est responsable des douanes et qui est en première ligne dans nos initiatives de lutte contre la contrebande. Nous devons aussi travailler avec le ministre de l'Immigration car malheureusement, le trafic d'êtres humains est devenu l'une des nouvelles grosses activités lucratives des associations de criminels organisés.

À l'échelle internationale, et nous en avons discuté à Milan il y a quelques mois, on voit se développer toute une activité qu'on peut qualifier de commerce d'esclaves, et qui consiste à vendre des femmes et des enfants, surtout des petites filles, qui sont soumises à un esclavage sexuel ou à une autre forme d'esclavage et qu'on fait traverser les frontières illégalement et à l'insu des autorités.

Nous sommes bien conscients des nouveaux problèmes qui émergent et de ces tragiques nouvelles activités lucratives du crime organisé, et nous devons tous collaborer. En fait, nos hauts fonctionnaires et nous-mêmes... Tout ce que vous voyez aujourd'hui, c'est le résultat de rencontres et de discussions interministérielles avec nos collègues de ministères essentiels comme le Revenu national et l'Immigration, car ils jouent un rôle important dans tout cet ensemble, et nous devons absolument travailler tous ensemble.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cadman et madame la ministre.

Nous passons à Mme Sgro.

Je vous signale qu'il nous reste encore neuf personnes et 15 minutes, et que vous avec trois minutes chacun.

M. Lawrence MacAulay: Puis-je faire une petite remarque?

À propos du financement sur lequel m'a interrogé M. Sorenson, j'ai dit que 50 millions de dollars étaient directement affectés à la GRC. D'autres organismes comme Revenu Canada et la Justice sont concernés, mais tout cela concerne la question de la contrebande. Je tenais à m'assurer que je ne vous avais pas induit en erreur. Ces 50 millions de dollars sont effectivement affectés à ces activités, mais ils ne vont pas directement à la GRC. Je n'ai pas la ventilation exacte des montants pour chaque secteur, mais tout cet argent sert à lutter contre la contrebande.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Sgro.

Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Madame la ministre, je suis heureuse que tout cela arrive enfin, mais je ne vais pas perdre mon temps à vous adresser des félicitations, car ce temps va fondre et j'ai une foule de questions.

• 0945

En ce qui concerne l'intimidation, a-t-on examiné le rôle des commissaires de police et que dit le projet de loi au sujet de l'intimidation au sein du ministère?

Mme Anne McLellan: Quand vous parlez de commissaires de police, vous voulez parler des membres de l'autorité de supervision civile?

Mme Judy Sgro: Oui.

Mme Anne McLellan: Ils ne figurent pas, comme vous le savez, dans la liste des personnes associées au système judiciaire. Tout ce que je peux dire, c'est ce que j'ai déjà répondu à M. Blaikie, c'est-à-dire que nous prendrons connaissance avec beaucoup d'intérêt de ce que le comité pourra nous proposer d'ajouter à cette liste. Mais n'oubliez pas, encore une fois, que nous nous concentrons ici sur les personnes associées au système judiciaire qui s'occupent d'administration de la justice pénale. Je pense qu'il faut prendre bien soin de ne pas ratisser trop large.

Nous avons essayé de désigner les personnes qui à notre avis sont manifestement associées au système judiciaire et à l'administration de la justice. Toutefois, si votre comité, après avoir entendu d'autres personnes, estime qu'il serait bon de modifier notre définition des personnes associées au système judiciaire, nous nous ferons un plaisir d'examiner ces suggestions.

Mme Judy Sgro: Pour ce qui est de la protection des jurés, quel est le plan? Comment assurera-t-on cette protection?

Mme Anne McLellan: Il y a diverses façons de procéder. Par exemple, il y a quelque chose de très simple, c'est le fait de ne pas divulguer les adresses des jurés. S'il est possible de se procurer d'une façon ou d'une autre l'adresse d'un juré, on peut très bien avoir quelqu'un qui va stationner une voiture à côté de sa maison ou passer et repasser devant sa maison, pour intimider cette personne.

Sans aller jusqu'à l'anonymat total, on peut tout de même protéger certains aspects de la vie privée des jurés.

Monsieur Roy, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Yvan Roy (conseiller juridique principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): La ministre a déjà mentionné quelques-unes des mesures que l'on peut prendre. Si vous regardez le projet de loi, vous constaterez qu'on propose un certain nombre de modifications destinées à permettre à un juge de...comment dire...d'éviter que l'identité des jurés ne soit révélée sans nécessité. Naturellement, pour qu'un procès se déroule correctement, il faut que la défense puisse avoir accès à certaines informations afin de pouvoir s'assurer que les personnes qui composent le jury sont correctement choisies. Mais on n'a pas besoin de divulguer à tout le monde l'adresse ou l'identité de ces jurés. C'est ce qu'on cherche à faire dans toute la mesure du possible dans le projet de loi.

À cet égard, je vous invite à le lire à partir de l'article 38. Ce sont toutes les mesures qui sont envisagées dans le projet de loi.

Le président: Merci beaucoup. C'est tout.

[Français]

Monsieur Bellehumeur, la parole est à vous.

M. Michel Bellehumeur: J'ai deux constatations à partager et une question à poser.

Voici ma première constatation. J'ai pris bonne note du fait que le ministère est réceptif à l'idée de revoir la définition de «personne associée au système judiciaire» afin d'y inclure les grands oubliés comme les députés de l'Assemblée nationale et des assemblées législatives des provinces, les journalistes, qui font un très bon travail dans le domaine des systèmes judiciaires—on l'a constaté dans le cas de Michel Auger—, et, troisièmement, les membres des conseils municipaux qui semblent avoir oublié qu'ils appliquent quotidiennement des règlements de zonage, entre autres, pour les bunkers.

Je passe à ma deuxième constatation. Quant à la somme de 200 millions de dollars prévue pour la mise en application du projet de loi, ce que j'en comprends, c'est qu'il n'y a aucune somme d'argent qui va aller directement aux provinces pour les aider à la mise en application. On a vu, dans le grand ménage du printemps, que ça coûte des millions de dollars aux provinces pour appliquer le Code criminel, qui est de juridiction fédérale.

Je pose maintenant ma question. Afin d'avoir de l'écoute électronique, pourquoi dépose-t-on, par écrit, devant un juge d'une cour supérieure, les motifs expliquant pourquoi on veut faire de l'écoute électronique, les noms des personnes que l'on veut écouter, ce que l'on pense aller chercher comme information? Tout ça, on le fait pour l'écoute électronique. On va demander au politique l'autorisation de permettre aux policiers de commettre des actes illégaux. Ça ne marche pas. Il y a un problème dans votre appréciation. Tout comme les juges de la Cour supérieure sont saisis, dès le départ, du fait qu'il n'y a pas de problème dans le cas d'un dossier d'écoute électronique, il n'y aurait pas de problème, non plus, que ça soit... D'ailleurs, je vois qu'il y aura un problème par rapport aux abus quand le politique s'occupera de ça. On devrait carrément demander ça de la même façon à un juge d'une cour supérieure, c'est-à-dire présenter ça par écrit, ex parte, avec une série de justifications afin de s'assurer qu'il n'y ait pas d'abus. À ce moment-là, je vous féliciterais pour cette nouvelle donne dans le Code criminel. Mais pour l'instant, ça ne me rassure pas du tout que ce soit le solliciteur général qui mette le nez dans ces dossiers, et je pense qu'il y a bien des gens qui sont d'accord avec moi là-dessus aussi.

• 0950

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Je vais demander à M. Roy de répondre en détail, mais vous avez dû m'entendre, M. Bellehumeur, dire dans mes remarques d'ouverture qu'en raison de la nature des activités d'infiltration, on ne souhaite pas qu'il soit nécessaire d'obtenir une autorisation judiciaire.

Yvan, vous voulez peut-être développer un peu cela.

[Français]

M. Yvan Roy: Avec plaisir, madame la ministre.

Le premier point à noter, monsieur Bellehumeur, c'est qu'on ne demande pas au solliciteur général de s'impliquer d'une manière ou d'une autre dans les enquêtes. En fait, la mesure législative prévoit expressément une clause de 10 ans. Ce que le projet de loi tente de faire, c'est d'établir l'équilibre entre, d'une part, la responsabilité de l'État par rapport aux actions prises par ses mandataires et, d'autre part, l'indépendance qui doit exister au sein des corps policiers. Cette indépendance est d'ailleurs reconnue spécifiquement dans la décision à laquelle nous répondons par ce projet de loi, la décision sur Shirose-Campbell. La cour va insister pour dire que c'est important, dans une démocratie, que la police soit indépendante du reste de l'État. C'est le premier point.

Deuxième point: pourquoi ne pas avoir un modèle judiciaire? Ça fait partie des discussions qui ont eu lieu avant de faire nos propositions à la ministre de la Justice et au solliciteur général, et chaque fois que ça a été présenté, ça a été, je dirais, ramené sur terre. On a lancé un trial balloon et il ne levait pas. Je pense qu'il y a plusieurs raisons à cela. L'une des raisons, c'est que ça changerait essentiellement la relation entre le judiciaire et les enquêtes. Cette question-là ne se pose pas dans les pays de tradition de droit civil comme la France ou l'Italie, où ce sont des juges d'instruction qui supervisent les enquêtes. Ce n'est pas notre cas ici. Vous allez me répondre qu'il y a déjà l'existence de ces mandats.

M. Michel Bellehumeur: Cent-quatre-vingt-cinq.

M. Yvan Roy: Vous avez fait allusion à l'écoute électronique. On pourrait penser au mandat de perquisition. La grande différence, la différence qui, à notre avis, est essentielle, c'est que pour ce type de mandat, il s'agit d'une action donnée, restreinte, avec des paramètres bien déterminés. Le juge s'assoit, reçoit la preuve et dit qu'il permet l'écoute des conversations d'une personne pour une période de 60 jours. Ce dont il est ici question, c'est de permettre une souplesse aux forces de l'ordre à l'intérieur de paramètres qui, eux, sont déterminés. Et les paramètres, nous vous le disons à vous, députés du Parlement, ce sont des paramètres qui permettent l'action, alors qu'il est impossible de prévoir quelle est l'infraction qui devrait être commise. À la lumière de ce que nous avons entendu de gens qui font ce genre de travail, les décisions se prennent immédiatement et il n'y a pas d'occasion de renvoyer le tout au judiciaire.

La troisième raison ou la troisième partie de mon explication, monsieur Bellehumeur, c'est qu'on a regardé ce qui se fait dans les autres pays de common law. Nous sommes allés voir en Australie. En 1995, il y a eu une décision de leur High Court dans l'affaire Ridgeway qui disait un peu ce que notre Cour suprême a dit dans Shirose-Campbell, et la réponse, dans ce pays-là, a été de donner le pouvoir directement à la police.

Aux États-Unis, il existe une variété de modèles, mais mon propos, c'est que dans aucun de ces modèles on a pensé qu'un juge serait la personne appropriée. Le juge, en bout de ligne, va devoir décider de la légalité de ce qui s'est passé. Autrement dit, il y a une crainte que le juge devienne une partie de l'enquête et ne puisse pas, éventuellement, prendre le recul nécessaire pour décider de la légalité de ce qui s'est passé. Ce sont les raisons qui ont été présentées et acceptées.

Le président: Merci, monsieur Roy.

[Traduction]

Monsieur Owen.

M. Stephen Owen (Vancouver Quadra, Lib.): Merci, monsieur le président et madame et monsieur le ministre.

J'ai deux remarques auxquelles chacun des ministres voudra peut-être répondre. La première concerne la police portuaire. Depuis quelques années, on parle beaucoup de la suppression de cette police portuaire. J'aimerais vous parler de notre expérience à Vancouver et demander, peut-être au solliciteur général, si c'est une situation fréquente dans tout le pays. Sans vouloir exagérer la situation, la police portuaire de Vancouver brillait par son incapacité à repérer la contrebande et à enquêter sur les cas de contrebande dans le port de Vancouver. À la demande de la police municipale de Vancouver, en collaboration avec le GRC, on a décidé de supprimer la police portuaire. On a transféré les fonds aux activités beaucoup plus coordonnées, concentrées et efficaces de la GRC et de la police municipale, qui ont ainsi disposé de ressources supplémentaires pour reprendre ce rôle.

• 0955

Est-ce que ce remaniement s'est produit partout ailleurs aussi? Car on continue d'entendre des gens qui s'inquiètent de l'élimination de la police portuaire, comme si l'on réduisait l'efficacité des enquêtes et les ressources consacrées aux enquêtes sur cette criminalité.

Ma seconde remarque concerne la complexité croissante des enquêtes et des poursuites lancées par la police. En particulier dans le contexte du crime organisé et de choses comme les règles de divulgation, les règles concernant les produits de la criminalité, les nouvelles règles de définition, les perquisitions et saisies, les preuves obtenues par écoute électronique, il est de plus en plus important de faire participer des juristes pour conseiller les policiers de plus en plus tôt si l'on veut que les poursuites aboutissent. Or, au Canada, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, nous avons pour tradition de bien distinguer le rôle des enquêteurs de police et celui de l'avocat de la Couronne qui poursuit des criminels.

Peut-être la ministre de la Justice pourrait-elle m'expliquer comment nous allons maintenir cette séparation à une époque où les rôles des policiers et des procureurs sont de plus en plus étroitement liés de plus en plus tôt.

M. Lawrence MacAulay: Merci, monsieur Owen. En fait, la GRC et Douanes Canada sont extrêmement actifs, comme vous l'avez dit, dans ce domaine et surveillent le trafic de drogue en s'assurant que la GRC joue son rôle dans ce domaine.

Il y avait des préoccupations auparavant, et c'est évidemment pour cela qu'on a changé les choses. On change les choses pour les améliorer, pour s'assurer que les crédits alloués, quel que soit leur destinataire—c'est notre argent à tous sur le plan national—sont dépensés de la façon la plus efficace possible. Et grâce à la coopération de la GRC et de Douanes Canada ainsi que de la police municipale, nous avons effectivement une utilisation plus efficace de cet argent.

Mme Anne McLellan: Au sujet de votre deuxième remarque, Stephen, je vais laisser Yvan vous parler de quelques-unes des initiatives que nous prenons, et peut-être de certains changements que nous avons apportés pour mieux intégrer les juristes qui s'occupent de questions de produits de la criminalité et leur permettre de mieux conseiller les policiers.

Je vais laisser la parole à Yvan.

Le président: Essayez d'être bref. Nous avons encore deux intervenants et il ne nous reste que deux minutes.

M. Yvan Roy: Je vais essayer, merci, monsieur le président.

Il y a ces unités intégrées sur les produits de la criminalité, 13 en tout dans le pays, auxquelles participent des avocats travaillant pour le ministère de la Justice. Toutefois, pour préserver l'indépendance nécessaire des procureurs de la Couronne, ils ne déterminent pas les accusations à porter. Ils donnent des conseils dans le cadre de l'enquête, mais ce n'est pas eux qui déterminent en définitive s'il va y avoir un procès, pour les raisons que vous venez de donner, c'est-à-dire pour essayer de garder un équilibre entre le fait de donner des conseils d'un côté, et de l'autre le fait de décider finalement si une affaire doit être portée devant les tribunaux.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Blaikie?

Monsieur DeVillers, l'ancien président du Sous-comité sur le crime organisé.

Au fait, je signale à tous que M. MacKay, M. McKay, M. Maloney, M. Myers, M. Bellehumeur, M. DeVillers et votre président étaient tous membres du Sous-comité sur le crime organisé qui a contribué, je crois, à façonner ce projet de loi.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, car c'est justement ce que je voulais signaler. Je voulais remercier tous les membres du comité, nos interprètes, nos greffiers et particulièrement nos rédacteurs, M. Rosen et Mme Casavant, pour tout leur travail.

Je dois cependant vous demander pourquoi toutes les recommandations n'ont pas été acceptées. Je pense notamment aux recommandations concernant la détermination de la peine; l'admissibilité à la libération conditionnelle; le numéro 9, où le sous-comité suggérait de laisser au juge qui prononce la peine la discrétion de stipuler les conditions d'une admissibilité à une libération conditionnelle; et la recommandation 6, qui concernait les délinquants dangereux, et qui visait à avoir des dispositions de détermination de la peine analogues à celles qu'on a pour les délinquants dangereux et les détenus purgeant une peine de longue durée.

Je me demande si l'on a examiné certaines recommandations et pourquoi elles n'ont pas été retenues.

Mme Anne McLellan: En fait, Paul, je tiens à vous garantir que nous avons examiné toutes les recommandations du rapport. Nous en avons suivi une bonne partie, mais pas toutes, vous avez raison.

• 1000

Je vais laisser le solliciteur général vous répondre sur les questions de libération conditionnelle et d'admissibilité à cette libération.

Pour ce qui est de la recommandation 6, je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, monsieur Roy. En vertu de cette recommandation, les délinquants appartenant à une organisation criminelle deviendraient des délinquants dangereux ou des détenus purgeant une peine de longue durée comme le prévoit l'article 752 du Code criminel.

En fait, si vous regardez ce que nous faisons en matière d'imposition des peines, vous constaterez que dans certains cas nous allongeons les peines. Dans certains cas, nous avons des peines consécutives. Je pense que nous avons examiné très sérieusement cette question de la détermination des peines, mais que nous avons décidé que plutôt que d'opter d'une manière générale pour une peine indéterminée, selon la nature de l'accusé, un procureur pourrait demander que l'individu soit classé comme délinquant dangereux. Nous estimons cependant qu'en matière de détermination des peines, nous avons envoyé un signal très puissant concernant certains aspects clés des activités du crime organisé.

Par exemple, si vous êtes le chef d'une organisation de ce genre, vous pouvez être passible d'un emprisonnement à vie. Entraîner la mort d'une personne associée au système judiciaire en l'intimidant, c'est un meurtre au premier degré.

De plus, nous sommes passés aux peines consécutives pour certaines de ces infractions. Nous pensons donc avoir envoyé un message très clair et très puissant et montré aux membres du crime organisé au Canada que nous prenons cela très au sérieux. S'ils se font prendre et poursuivre, les peines seront très lourdes.

M. Paul DeVillers: Merci.

Le président: Merci beaucoup, et merci à nos deux ministres d'être venus ici aujourd'hui.

Mme Anne McLellan: Merci.

Le président: Je lève la séance en attendant que les témoins de la table ronde suivante s'approchent de la table.

Merci beaucoup.

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