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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 19 mars 2002




Á 1105
V         Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.))
V          M. Jim Mahaffy (représentant des ANIJC au conseil d'administration de l'ACIC, Association canadienne pour l'intégration communautaire)
V         M. Orville Endicott (conseiller juridique, Droits de personnes ayant une déficience, Association canadienne pour l'intégration communautaire)

Á 1110

Á 1115
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne)

Á 1120
V         Le président
V         M. Orville Endicott

Á 1125
V         M. Vic Toews
V         M. Orville Endicott
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         M. Orville Endicott
V         M. Jim Mahaffy
V         Le président
V         M. Lanctôt

Á 1130
V         M. Orville Endicott

Á 1135
V         Le président
V         M. Jim Mahaffy
V         M. Lanctôt
V         Le président
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD)
V         M. Orville Endicott

Á 1140
V         M. Bill Blaikie
V         M. Jim Mahaffy
V         M. Bill Blaikie

Á 1145
V         M. Orville Endicott
V         Le président
V         M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC/RD)

Á 1150
V         M. Orville Endicott
V         M. Peter MacKay

Á 1155
V         M. Orville Endicott
V         M. MacKay
V         Le président
V         M. Orville Endicott
V         Le président
V         M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.)
V         M. Jim Mahaffy

 1200
V         M. Orville Endicott
V         M. Paul Macklin
V         M. Orville Endicott
V         Le président
V         M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)
V         M. Jim Mahaffy

 1205
V         M. Chuck Cadman
V         M. Orville Endicott
V         Le président
V         M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.)

 1210
V         M. Orville Endicott
V         M. John McKay
V         M. Orville Endicott
V         M. Jim Mahaffy
V         Le vice-président (M. Chuck Cadman)
V         M. Lanctôt

 1215
V         M. Orville Endicott
V         M. Jim Mahaffy
V         Le président
V         M. John McKay
V          M. Orville Endicott
V         M. Jim Mahaffy

 1220
V         Le président
V         M. Orville Endicott
V         Le président
V         M. Peter MacKay

 1225
V         M. Orville Endicott
V         Le président
V         M. Orville Endicott

 1230
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne)
V         Le président
V         M. Peter MacKay
V         M. Jim Mahaffy
V         M. Peter MacKay

 1235
V         M. Orville Endicott
V         Le président
V         M. Peter MacKay
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 070 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 19 mars 2002

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour et bienvenue, tout le monde.

    Je déclare ouverte cette 70e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

    Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude des dispositions du Code criminel traitant des troubles mentaux, conformément au paragraphe 36(1) du Règlement.

    Aujourd'hui, nous accueillons des représentants de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, Orville Endicott et Jim Mahaffy.

    Jim, comme je l'ai indiqué à M. Endicott avant votre arrivée, habituellement, nous accordons 10 minutes à chaque organisation pour présenter ses remarques liminaires, mais étant donné que vous êtes nos seuls témoins ce matin, vous pourriez peut-être disposer de 15 minutes. Je vous ferai signe peu de temps avant que votre temps de parole ne soit écoulé.

    Vous avez la parole.

+-

     M. Jim Mahaffy (représentant des ANIJC au conseil d'administration de l'ACIC, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci, Andy.

    Nous représentons l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, une association nationale comptant environ 40 000 membres. Nous défendons les droits des Canadiens ayant une déficience intellectuelle dans toutes les régions du pays.

    Ce matin, nous sommes venus vous parler de l'expérience que vivent les personnes ayant une déficience intellectuelle qui ont des démêlés avec la justice. D'après notre expérience, les personnes ayant une déficience intellectuelle qui entrent en contact avec le système de justice pénale, autant comme victimes que comme accusés, sont plus nombreuses que les membres du grand public.

    Cette proportion élevée de personnes ayant une déficience intellectuelle au sein du système de justice pénale s'explique en grande mesure par leur vulnérabilité et leur marginalisation. Ainsi, chaque année, plus de 3 000 enfants ayant une déficience deviennent la charge des organismes de protection de la jeunesse. Les enfants ayant une déficience telle que le SAF ou les EAF sont souvent retirés de leur classe et de leur école régulière. À la maison, les familles reçoivent très peu de soutien de l'extérieur.

    La plupart des adultes qui ont une déficience n'ont pas d'emploi et vivent dans la pauvreté. Les personnes ayant une déficience intellectuelle sont isolées et dépendent souvent de prestateurs de soins ou de travailleurs de soutien. Si ce travailleur est compétent, tout va bien. S'il ne l'est pas, ça va moins bien. Beaucoup de personnes ayant une déficience intellectuelle ont des difficultés à communiquer.

    Bon nombre d'entre elles ne sont pas traitées comme elles le devraient par le système communautaire et juridique. Tout au long de leur expérience au sein du système de justice, les personnes ayant une déficience intellectuelle font face à des obstacles systémiques leur bloquant l'accès à un traitement juste et équitable.

    Aux toutes premières étapes de leur vie, il y a très peu de ressources au chapitre de la prévention, y compris l'intervention précoce, qui permettraient de détecter les premiers signes de démêlés imminents avec la justice. Lorsque ces personnes entrent en contact avec la police et les tribunaux, le système ne dispose pas de professionnels bien formés, en nombre suffisant, pouvant oeuvrer uniquement avec les accusés ayant une déficience. Les personnes ayant une déficience intellectuelle ont des besoins bien particuliers qui nécessitent une approche spécialisée et continue de la part de tout le système de justice pénale: les services de police, les mesures de rechange, les tribunaux, les pénitenciers, la liberté conditionnelle et la probation.

    En ce qui a trait aux options qui s'offrent aux personnes ayant une déficience au sein du système de justice, on croit souvent à tort, et c'est une perception renforcée par l'absence d'options dans la collectivité, que ces personnes pourront subir un traitement dans un établissement; on leur impose des peines croyant qu'elles obtiendront les services dont elles ont besoin.

    Les personnes ayant une déficience détenues dans un établissement correctionnel se retrouvent dans un milieu de ségrégation et d'isolation extrêmes. Cela comprend les mesures de contention physiques et chimiques que les personnes ayant une déficience ne sont pas en mesure de comprendre. De plus, les personnes ayant une déficience intellectuelle restent en prison et dans les institutions psychiatriques plus longtemps que les autres personnes relevant du système de justice pénale. Comme c'est le cas pour bien d'autres personnes marginalisées, les ppersonnes ayant une déficience sont souvent étiquetées comme présentant un risque pour les autres lorsqu'il n'y a pas suffisamment de ressources au sein de la collectivité pour les y accueillir, ce qui entraîne une incarcération prolongée.

    À leur libération, les personnes ayant une déficience intellectuelle n'ont souvent pas les aptitudes sociales et personnelles que nécessite la transition difficile entre la vie rigide en institution et la vie complexe et diversifiée au sein de la collectivité. Les programmes et mesures d'appui communautaires, en revanche, doivent offrir bien davantage qu'à l'heure actuelle pour soutenir adéquatement les personnes libérées ou déjudiciarisées et assurer leur réinsertion sociale.

    Enfin, de plus en plus de personnes ayant une déficience constatent que le système de justice pénale est le seul qui puisse encore les appuyer. C'est le seul système qui ne peut leur refuser son aide, surtout à notre époque de compressions budgétaires. Le système judiciaire fait face à des défis sans précédent, et il lui faut offrir des services convenables à ceux qui n'ont nulle part ailleurs où aller.

+-

    M. Orville Endicott (conseiller juridique, Droits de personnes ayant une déficience, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci, Jim.

    Je m'appelle Orville Endicott et je suis heureux d'être ici ce matin.

    Lorsqu'on examine les modifications qui ont été apportées il y a une dizaine d'années, il faut se rappeler que cela s'est fait dans le contexte d'une société qui, peu de temps auparavant, avait énoncé ses valeurs et ses croyances dans la Charte canadienne des droits et libertés, plus particulièrement dans l'article 15 qui dispose que les personnes ayant une déficience mentale ou physique ont droit à l'égalité dans notre société.

    Il est évident, comme il l'était même avant l'adoption de la Charte, que l'égalité pour les personnes ayant une déficience ne signifie pas qu'elles devraient être traitées de la même façon que tout le monde. C'est de cela qu'il s'agit ici. Ces dispositions ont été conçues pour tenir compte des circonstances et besoins spéciaux de certaines personnes dont il est reconnu qu'elles ont une déficience mentale. Ce matin, nous nous penchons particulièrement sur les questions intéressant les personnes ayant une déficience intellectuelle.

    J'aimerais soulever une question qui ne figurait pas dans le document que vous nous aviez envoyé mais à laquelle j'aimerais que vous réfléchissiez. J'ignore si cela relève de votre mandat et si cela pourrait être inclus dans les recommandations que vous formulerez à l'intention du Parlement, mais j'estime que la terminologie et la pratique concernant les personnes ayant une déficience intellectuelle est trop médicale. Même l'expression «troubles mentaux» me pose des problèmes, car elle laisse entendre qu'il s'agit d'un esprit qui provoque des agissements imprévisibles et non contrôlés.

    J'ignore si bien des gens le savent, mais l'article 2 du Code criminel définit les troubles mentaux comme étant «toute maladie mentale». Je me demande dans quelle mesure cela nous aide à comprendre ce qu'on entend par troubles mentaux. Lorsqu'on parle de «maladie mentale», on encourage les gens à penser à une maladie dont on peut guérir grâce à des interventions médicales, ou, si c'est impossible, dont on doit souffrir pour la vie.

    La déficience intellectuelle n'est pas une condition médicale. Pour ma part, je préférerais que, dans le Code criminel, on emploie les mêmes termes que dans la Charte et qu'on parle plutôt de «déficience mentale». Cela m'apparaît particulièrement important dans le contexte de la déficience intellectuelle. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas en faire autant pour les déficiences émotives et du comportement. Je souhaite sincèrement que l'idée de «maladie mentale» soit supprimée du Code criminel.

    La médicalisation de ces dispositions est visible dans la composition des commissions provinciales d'examen. Ces commissions doivent compter un psychiatre. Ça, ça va. S'il y a deux psychiatres, cela répond aussi aux exigences. S'il n'y a qu'un seul psychiatre, il faut qu'il y ait un autre membre qui soit un professionnel de la santé mentale. Les membres des commissions d'examen sont donc issus surtout de la communauté médicale.

    Le mémoire de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire indique que la disposition concernant la composition des commissions d'examen devrait être modifiée de sorte que, dans chaque province, la commission d'examen compte au moins un professionnel des services communautaires et du soutien aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Nous vous encourageons fortement à envisager une proposition de cette nature.

Á  +-(1110)  

    Enfin, nous en arrivons à la période maximale qu'une personne doit passer en détention après avoir été jugée non coupable pour cause d'aliénation mentale—je continue d'utiliser les termes officiels du code—ou d'inaptitude à subir son procès.

    Au début, j'ai dit que l'égalité pour les personnes ayant une déficience signifiait parfois qu'il fallait traiter différemment les personnes qui ont des besoins particuliers. Je retourne en arrière, car j'estime que, si dans notre système, celui qui est jugé inapte à subir son procès ou non coupable pour cause d'aliénation mentale, il est tout à fait injuste que ces personnes soient tenues de rester en détention pour une période indéterminée, une période parfois beaucoup plus longue que celle que passent en prison ceux qui ont été reconnus coupables du même crime. Cela, c'est l'inégalité même.

    Le document que vous avez distribué souligne que la disposition sur la durée maximale est controversée. J'aimerais bien participer à une discussion sur cette controverse, car je ne sais trop ce qui la suscite. J'ai l'impression que cela a peut-être à voir avec le fait que le droit pénal relève du Parlement du Canada et que les lois sur la santé mentale sont provinciales et territoriales. Cependant, étant donné que les commissions d'examen sont des créatures des provinces, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait, pour les personnes ayant purgé la peine normalement prévue au Code criminel, assurer une transition sans heurts du système de justice pénale à la compétence chargée la législation sur la santé mentale.

    J'appliquerais le même principe à une autre question controversée, celle des dispositions sur les «accusés dangereux atteints de troubles mentaux». Il s'agit de personnes qui n'ont jamais été reconnues coupables d'un crime mais qui ont été étiquetées «accusés dangereux atteints de troubles mentaux», ce qui m'apparaît inacceptable. On tente ainsi de régler un problème qu'on pourrait beaucoup plus facilement solutionner grâce aux lois provinciales sur la santé mentale.

    Cela met fin à mes remarques. Avant de passer aux questions, monsieur le président, je tiens à souligner que nous avons remis à l'intention des membres du comité, en anglais et en français—je crois qu'il y a suffisamment d'exemplaires pour tous ceux présents aujourd'hui—le résumé d'un document que j'ai rédigé au début des années 90 pour le Service correctionnel du Canada. J'y traite des personnes ayant une déficience intellectuelle ayant été reconnues coupables et assujetties à une peine. Je vous en recommande la lecture même si vous vous intéressez davantage à ceux qui ne peuvent être reconnus coupables. Certaines parties de ce document pourraient vous être utiles. L'adresse du site Web se trouve sur la page couverture du rapport.

    Merci, monsieur le président.

Á  +-(1115)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, messieurs Endicott et Mahaffy.

    Nous commençons par M. Toews, que je suis heureux de revoir. Vous avez sept minutes.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci beaucoup. Ce comité m'a certainement manqué, de même que la sagesse de son président et je suis ravi d'être ici et d'entendre ces témoignages.

    Je crois qu'en matière de santé mentale, dans nos lois, tant civiles que pénales, on voit une tendance marquée pour les peines sans placement sous garde, au détriment des peines carcérales. Je crois que nous l'avons observé dans nos lois provinciales sur la santé mentale et ici, dans les dispositions du Code criminel.

    Je crois qu'on a estimé avantageux de placer des gens dans des environnements moins structurés, que c'était meilleur pour eux que les environnements plus structurés. Là aussi, on l'a constaté du côté des établissements provinciaux, en dehors du contexte des procédures judiciaires.

    Ce que nous avons aussi pu voir, malheureusement, c'est l'échec du système de soins de santé mentale lorsqu'il s'agit de s'occuper de ces personnes, une fois qu'elles sont dans la société. C'est une combinaison de divers facteurs. C'est non seulement le fait qu'on manque parfois de ressources, ou qu'on n'ait pas celles qui conviennent, mais aussi la violation de la Charte des droits, qui exige que les libertés individuelles priment sur le contrôle de chacun par l'État.

    Le problème de la durée maximale est très important, et il n'y a pas de solution simple. Ceux qui sont pour la durée maximale affirment qu'il est injuste qu'une personne passe plus de temps enfermée, si l'on peut dire, qu'une autre, reconnue coupable d'un crime. Pourtant, comme société, nous avons une responsabilité envers les malades mentaux, les personnes atteintes de déficience mentale, quelle que soit la façon dont on les appelle. Je veux être prudent et ne pas me servir de ces termes d'une manière péjorative. La controverse au sujet de la durée maximale provient du fait qu'on laisse entendre que le temps que ces personnes passent sous garde est une peine purgée, comme s'il s'agissait d'une punition. Je ne crois qu'on peut considérer qu'il s'agit d'une punition. Il s'agit en fait du pouvoir exercé par l'État pour une juste cause, pour les aider.

    J'ai du mal à comprendre pourquoi l'absence de limite est une mauvaise chose. Ce n'est pas ce qui compte, à mon avis, si des ressources sont déployées pour aider ces personnes, que ce soit dans un milieu carcéral ou non. Il faut se concentrer sur l'aide qui doit leur être accordée. Je ne voudrais pas qu'on en vienne à une situation où la peine ou la décision arrive automatiquement à échéance alors que la personne a encore besoin d'aide. On ne peut pas simplement les remettre dans la société. On en voit tous les jours, à Toronto, Winnipeg et Vancouver. Je crois que la durée maximale est un risque réel, puisqu'on limite la capacité de l'État d'intervenir dans la vie de ces personnes.

    Les lois provinciales ne donnent pas le pouvoir d'intervenir, une fois terminée la procédure judiciaire. Je me demande si vous avez d'autres commentaires à formuler à ce sujet.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Monsieur Endicott.

+-

    M. Orville Endicott: Il faut reconnaître que nous vivons dans un régime fédéral, où les pouvoirs sont soigneusement répartis entre l'administration centrale et les administrations provinciales. Comme je l'ai dit dans mon exposé, je ne vois pas de bonnes raisons—et vous en avez fourni essentiellement de mauvaises—pour lesquelles les services de santé mentale provinciaux sont insatisfaisants. Ils sont peut-être sous-financés, et je suis convaincu que les provinces diront—pas à moi, mais à vous—que si vous voulez une durée maximale, il faut leur donner l'argent qui servirait autrement à l'incarcération de ces personnes, afin qu'elles puissent fournir de meilleurs services de santé mentale, dans le cadre de leurs propres lois générales en matière de santé mentale.

    Vous avez parlé de la mise sous garde comme s'il ne s'agissait pas d'une punition. Je pense que toute privation de liberté est une punition, particulièrement si c'est rattaché à la commission d'un crime, que la personne soit coupable ou non. L'un des aspects positifs des dispositions sur les troubles mentaux, c'est que le procureur doit maintenant prouver qu'un crime a été commis avant que le tribunal se demande si la personne est apte à subir son procès.

    Quand j'ai commencé mon travail pour l'Association canadienne pour l'intégration sociale, il y a près d'un quart de siècle, le premier dossier qui m'est tombé sous la main était celui d'un homme du Nouveau-Brunswick qu'on avait pris à essayer de voler un sac à main. Quand on l'a accusé, il a plaidé coupable. Si son plaidoyer avait été accepté, il n'aurait probablement passé que quelques mois en prison. Mais le procureur ou quelqu'un d'autre a déclaré qu'il estimait que l'accusé ne pouvait plaider coupable, à cause de son état mental. Son plaidoyer de culpabilité a donc été rejeté et on l'a envoyé à Campbellton, et quand j'en ai entendu parler pour la première fois, il y était depuis 17 ans. Vous pourriez dire que ce n'était pas une mesure punitive. En fait, non seulement était-ce une mesure punitive, elle lui a carrément causé du tort. Quand il s'en est sorti, il pouvait à peine participer à la vie de la communauté.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Vic Toews: Là où je voulais en venir, c'est qu'avec ces examens supplémentaires et ces périodes d'examens annuels, ne diriez-vous pas que ce genre de chose ne devrait plus se produire? C'est encore possible, et ce serait bien dommage, et il faudrait peut-être d'autres garanties, mais est-ce une solution de jeter dans la rue quelqu'un qui pourrait avoir besoin d'aide?

+-

    M. Orville Endicott: Non, évidemment pas. Si c'est ainsi que vous interprétez mes recommandations, j'ai dû mal m'exprimer. Il y aura évidemment toujours des gens qui, à la fin de la période de garde dictée par le droit pénal, après la commission d'un crime... Si à la fin de cette période l'accusé ne peut être réinséré dans la société, il faut que des mesures soient prises pour éliminer le risque, qu'on ne le perde pas en chemin, d'une administration à l'autre.

+-

    Le président: Merci, monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews: Est-ce que ça comprendrait le milieu carcéral? C'est ma dernière question.

+-

    M. Orville Endicott: Je vais laisser M. Mahaffy vous parler du milieu carcéral. Il en a déjà parlé.

    Le président: Monsieur Mahaffy.

+-

    M. Jim Mahaffy: Le problème du régime dont nous parlons, c'est que le milieu carcéral n'offre pas de programmes ni de possibilités de réinsertion. À moins que notre procédure vise cet objectif, notamment, la personne reste dans les limbes, à l'extérieur, complètement marginalisée, à l'écart de la société. Je ne crois pas que ce soit tolérable.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Toews.

    Monsieur Lanctôt, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Je constate que M. Toews a profité de cinq minutes supplémentaires. Donc, je demanderai d'avoir une minute de plus.

    Je remercie les témoins encore une fois et je vais poursuivre dans la même veine que M. Toews. Ce qui nous préoccupe depuis le début de nos discussions sur les déficiences mentales ou les troubles mentaux, c'est ce plafond dont on nous a dit ou laissé croire qu'il pouvait même être dangereux de le déterminer. Ce sont les témoignages des psychiatres, de deux d'entre eux, entre autres, qui nous ont dit d'être très prudents avant d'en fixer un. C'est une question très complexe. On s'en rend compte grâce à l'exemple que vous avez donné: pour un simple vol, le problème qui s'ensuit en est un de réintégration et de manque de ressources.

    Le manque de ressources se constate facilement et cela nous est arrivé hier, lors d'une journée d'opposition. On voit très bien le déséquilibre fiscal et, dans un système fédéral, on a un manque de ressources évident. Depuis la désinstitutionnalisation, des personnes qui souffrent de troubles mentaux et de déficiences mentales se promènent dans les rues. C'est une chaîne, une roue, un cercle vicieux. On a d'ailleurs demandé ce qui pouvait être fait dans l'intérêt d'une personne qui se fait arrêter pour un crime mineur ou plus grave.

    C'est en voulant déterminer un maximum qu'il faut justement être prudent. Qu'on passe par le système judiciaire ou le système de santé des provinces, si la personne n'est pas déjà sous traitement ou n'est pas encore guérie, elle sera renvoyée à la rue et va continuer à commettre d'autres crimes. C'est très complexe parce qu'il y a toujours les droits de la personne. Si on compare avec un autre qui a été incarcéré et qui est maintenant sorti... Par ailleurs, son problème n'en est pas un de trouble mental. Il a sûrement un problème de société s'il est criminel et qu'il continue à l'être mais, de toute façon, on a un système juridique qui le met en prison pour un certain temps.

    Quel est l'avantage de le remettre à la rue si on sait qu'il manque de ressources? Il en résulte, premièrement, un danger pour le public et, deuxièmement, rien de mieux pour cette personne. En effet, elle peut être hospitalisée en vertu d'une ordonnance parce qu'elle a été déclarée inapte à subir son procès selon les règlements ou les articles actuels du Code criminel. Vous me dites qu'on la retire alors du système judiciaire pour l'intégrer au système de santé, ce qui fait qu'elle se retrouve dans le même hôpital où on sait qu'il n'y a pas de place.

    Donc, on se trouve vraiment dans un cercle vicieux à cause du manque de ressources. Je ne sais pas comment on peut en sortir. Comme je le disais la dernière fois, ce n'est pas en modifiant les articles du Code criminel qu'on va régler le problème. Ce n'est pas, non plus, en fixant un maximum qu'on va régler le problème qui est le suivant: est-ce que, pour les gouvernements tant fédéral que provinciaux, les personnes qui souffrent de troubles mentaux deviennent un sujet d'ordre politique? On n'a pas le choix. Est-ce parce qu'on a manqué le bateau en désinstitutionnalisant? Qu'est-ce qu'il faut faire? C'est évident qu'il faut des ressources et qu'il faut injecter de l'argent quelque part. Or, on sait où se trouve l'argent dans le moment: c'est au fédéral qu'il se trouve.

    Qu'avez-vous à dire là-dessus?

Á  +-(1130)  

[Traduction]

+-

    M. Orville Endicott: Je voudrais cerner un peu le problème. Nous comprenons ce que vous dites, au sujet de la grande complexité du problème: vous avez raison. C'est complexe, parce que les personnes auxquelles s'appliquent ces dispositions du Code criminel varient beaucoup, de l'une à l'autre. Il ne s'agit pas d'un groupe social homogène, qu'on peut décrire simplement en employant les termes «trouble mental» ou, comme je préfère, «déficience mentale».

    Puis-je vous parler, comme j'en ai reçu le mandat aujourd'hui, simplement au nom d'une personne atteinte d'une déficience intellectuelle? Précisons encore: il s'agit d'une personne jugée inapte à subir son procès en raison d'une déficience cognitive qui l'empêche de donner des instructions à son avocat pour sa défense et de comprendre la raison d'être de la procédure judiciaire.

    Le Code criminel semble supposer que si cette personne est enfermée suffisamment longtemps, les médecins trouveront moyen de la guérir pour qu'elle puisse subir son procès. La personne que j'ai décrite peut très être quelqu'un pour qui ce n'est pas possible, et il me semble qu'il est trop injuste qu'elle demeure dans le système judiciaire pendant encore un an, deux ans ou dix ans, simplement parce qu'elle est toujours jugée inapte à subir son procès, à cause de sa déficience.

    Comme je le disais, je n'ai parlé que d'un sous-groupe de la population très hétérogène auquel s'appliquent ces dispositions. Dans les cas que j'ai décrits, il peut être tout à fait justifié de, non pas prendre un risque, puisqu'un certain degré de risque peut être acceptable, mais de prendre le risque que d'autres, aussi atteints de troubles mentaux, soient ceux qui représentent un danger pour la communauté, soit pour le public ou pour eux-mêmes... Je ne peux pas croire que dans une société éclairée, nous ne puissions pas nous dire prêts à prendre ce risque, du moins lorsqu'il s'agit d'assurer la transition entre l'administration pénale et celle de la santé mentale. Pourquoi ne pourrions-nous faire cela?

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Monsieur Mahaffy, vous avez la parole.

+-

    M. Jim Mahaffy: C'est une analogie qui doit tenir compte de ce qu'a dit Orville au sujet des cas de nature très diverses dont nous parlons. J'aimerais faire une analogie avec le mouvement pour l'intégration communautaire à ses débuts, au moment de la désinstitutionnalisation. Le public avait l'impression que ce n'était pas un processus faisable, que les personnes ayant une déficience intellectuelle devaient vivre en institution et que c'était le seul endroit où elles pouvaient recevoir des services. Je pourrais faire une analogie entre cette situation et celle des personnes qui vivent actuellement dans le système carcéral, avec un soutien communautaire qui n'est encore qu'à ses balbutiements et qui doit être plus développé pour qu'on puisse envisager que cela fonctionne.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Mais le problème se trouve au niveau du manque de ressources. Je suis complètement d'accord sur les témoignages qu'on entend. C'est exactement ça. Tant mieux si on peut réintégrer les gens. C'est ce qu'on voulait faire avec la Loi sur les jeunes contrevenants et c'est pourquoi on ne voulait pas qu'on y touche.

    Notre approche, au Québec, tient compte de cet aspect et nous y avons consacré de l'argent. Mais il faut des ressources pour le faire et je pense que votre témoignage va dans ce sens. Je suis donc d'accord avec vous.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Lanctôt.

    Nous passons maintenant à M. Blaikie, qui a sept minutes.

+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD): Monsieur le président , je n'ai pas vraiment de questions, mais j'aimerais approfondir le sujet.

    Certains arguments qu'on nous présente soulèvent une distinction et j'ai besoin de l'aide des témoins pour bien comprendre. Il y a une distinction entre la déficience mentale et une maladie psychiatrique, c'est-à-dire une maladie qui peut être traitée ou faire l'objet d'une thérapie, contrairement à la déficience, qui elle est permanente. Vous semblez dire qu'actuellement le système ne fait pas la distinction entre ces deux situations. Il y a l'état contingent, que la thérapie peut modifier, et l'état non contingent. Par conséquent, si vous êtes, j'allais dire «condamné», mais ce n'est pas le bon terme. C'est pourtant ce que vous dites, c'est une sorte de peine.

    Si vous êtes jugé inapte ou non criminellement responsable en raison d'une maladie mentale, comme si elle pouvait être éliminée, guérie ou traitée, alors qu'en fait vous avez une maladie non contingente, vous n'en sortirez jamais.

    Vous pourriez peut-être nous décrire davantage cette situation, puisqu'il me semble que c'est une grosse part du problème. Ai-je mal compris?

+-

    M. Orville Endicott: Non, vous avez sans doute raison de dire qu'il y a deux grandes distinctions à faire en ce qui concerne la déficience mentale et le fait est que les causes relatives à la Charte et tout ce qui se rapporte à l'article 15 de la Charte qui garantit le droit à l'égalité des personnes ayant une déficience mentale tiennent compte de cette réalité.

    Je ne réponds pas vraiment à votre question, mais j'espère qu'il vous restera suffisamment de temps sur vos sept minutes pour revenir sur ce sujet. Toutefois, quand vous parlez des personnes qui ont une déficience intellectuelle—et je sais que Jim a quelque chose à dire à ce sujet car nous en avons parlé lui et moi pas plus tard qu'hier—la déficience intellectuelle n'a généralement pas d'incidence sur votre responsabilité sociale. Autrement dit, c'est une déficience qui ne vous prédispose pas à observer les normes de notre société mieux ou moins bien que les autres.

    Comme Jim l'a souligné, les personnes qui ont une déficience intellectuelle sont généralement traitées d'une façon qui compromet souvent cette neutralité, non seulement en ce qui concerne leur propre comportement, mais surtout la façon dont la société les considère. La marginalisation et l'exclusion du système scolaire représente un très sérieux problème auquel il faut sans doute attribuer une bonne partie des difficultés sur lesquelles vous pencher, car on a dit à ces personnes qu'elles ne faisaient pas vraiment partie de la société en raison de leur déficience.

    Qu'arrive-t-il aux gens qui reçoivent ce genre de message? Ils doivent s'adapter à l'idée que l'on se fait d'eux et ils ne le font pas toujours de façon à servir leurs propres intérêts et ceux de la société.

    C'est que votre question m'amène à vous dire, mais je n'y ai sans doute pas vraiment répondu.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Bill Blaikie: Je ne sais pas. M. Mahaffy a peut-être quelque chose à ajouter.

+-

    M. Jim Mahaffy: Je ne sais pas, moi non plus, si je vais pouvoir répondre entièrement à votre question.

    Cela me ramène à la conversation que j'ai eue hier avec Orville au sujet des personnes qui ont affaire avec la justice directement en raison de leur déficience. Il y a des cas où il s'agit d'une pure coïncidence et non pas d'un facteur causal. Toutefois, même lorsqu'il s'agit d'une simple coïncidence, il y a des gens dont tout le système de soutien se trouve bouleversé parce qu'ils ont maille à partir avec la justice pour une raison ou une autre.

    C'est une chose dont le système ne tient pas vraiment compte lorsqu'il a affaire à une personne ayant une déficience. On n'évalue pas suffisamment les répercussions supplémentaires que l'appareil judiciaire peut avoir sur ces personnes lorsqu'elles ne bénéficient pas des appuis qui les aident habituellement à fonctionner et qui ont parfois été mis en place avec beaucoup de soin sur une longue période. Ce genre de bouleversement augmente la rigueur de la peine imposée à ces personnes et réduit leur capacité de se réinsérer dans la société.

+-

    M. Bill Blaikie: Je ne prétends pas comprendre parfaitement le système actuel, mais j'avais cru comprendre qu'il y avait en fait deux choses bien différentes. Il y a d'une part les déficiences et d'autre part les maladies. Une maladie est une chose que l'on peut en principe soigner tandis qu'une déficience est permanente. Vous avez suggéré de remplacer le mot «trouble» par le mot «déficience».

    Je me demande s'il ne faudrait pas, en fait, avoir deux catégories différentes au lieu de mélanger les deux. Est-ce que le problème serait le même si les «troubles» étaient inclus dans les «déficiences» ou faut-il deux définitions différentes?

    Dans votre réponse, vous avez dit que la déficience mentale ne changeait rien aux responsabilités sociales. Vous avez dit plus tôt que les effets et le SAF et les EAF étaient des déficiences mentales. Si je me souviens bien, sans être un expert sur le sujet, j'ai entendu dire que les enfants qui présentent le syndrome de l'alcoolisme foetal sont très peu conscients des conséquences de leurs actes, ce qui ne correspond pas tout à fait à des gens qui ont les mêmes responsabilités sociales. Pour avoir une responsabilité sociale, il faut que vous sachiez quelles sont les conséquences de vos actes. Si en raison de leur état ils n'en sont pas conscients, on ne peut tout à fait parler de neutralité sur le plan de la responsabilité sociale, n'est -ce pas?

Á  +-(1145)  

+-

    M. Orville Endicott: Oui, je suis d'accord. Je ne voulais certainement pas laisser entendre qu'une déficience intellectuelle n'a jamais d'effet sur les responsabilités sociales. Il y a certaines conditions tant environnementales, comme le syndrome de l'alcoolisme foetal, que génétiques... sans entrer dans les détails, ces déficiences entraînent certaines dispositions mentales qui ne sont pas tout à fait neutres sur le plan des responsabilités sociales, je le reconnais.

    Je crois toutefois, monsieur Blaikie, que l'expression «déficience mentale» s'applique à la fois aux gens qui souffrent de troubles psychiatriques et à ceux qui ont une déficience intellectuelle. C'est le terme générique qui englobe les deux grandes catégories dont nous parlons ce matin.

    Je ne pourrais certainement pas être d'accord, du moins avant d'y avoir sérieusement réfléchi. Vous ne l'avez pas proposé sérieusement, mais je ne pense pas que nous ayons besoin de deux systèmes entièrement distincts. Ce serait trop lourd. Cela susciterait une énorme controverse quand on voit que certaines lois adoptées depuis déjà 10 ans sont très controversées alors qu'elles n'ont même pas encore été proclamées. N'allons pas dans cette direction.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.

+-

    M. Peter MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough, PC/RD): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Mahaffy et monsieur Endicott, nous vous remercions de votre témoignage. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il s'agit d'une question très complexe. Vos opinions contribuent certainement à nous éclairer grandement.

    Cela nous ramène toujours, selon moi, à la question de savoir si c'est à la justice pénale ou à notre système de santé mentale ou de santé en général qu'il revient de s'attaquer à ce problème.

    Je me souviens d'un procès où une maladie particulière était en cause. Une personne souffrant du syndrome de Tourette avait été accusée d'avoir troublé l'ordre public à plusieurs reprises en criant, par exemple. Il y avait eu des incidents répétés à l'école et parfois aussi avec la police. La question de savoir si cette personne ne sera pas tenue criminellement responsable ou si l'on jugera qu'elle n'est pas apte à subir un procès est assez complexe, car dans certains cas—assez rares, je le reconnais—l'intéressé pourrait être finalement traduit en justice et avoir à rendre compte de ses actes.

    L'ennui c'est, bien entendu, que ces personnes se retrouvent dans les limbes une fois qu'on a jugé qu'elles n'étaient pas aptes à subir un procès. L'attente peut durer indéfiniment, ce qui peut être beaucoup plus long que toute peine imposée par la justice pénale, sauf en cas de meurtre. Voilà pourquoi l'enjeu devient très important lorsque certaines personnes souffrent de troubles quelconques qui sont diagnostiqués ou qui ne le sont pas. Dans les cas de meurtres ou d'agressions sexuelles, les conséquences sont extrêmement lourdes. Voilà la difficulté véritable qui se pose, selon moi, en ce qui concerne les conséquences sociales. Le fait de relâcher quelqu'un en le dégageant de ses responsabilités peut avoir de graves conséquences.

    Comme tout le monde ne cesse de le répéter, non seulement le système n'est pas parfait, mais tous ceux qui touchent à la condition humaine et qui cherchent à prédire le comportement humain présentent des difficultés, surtout pour les troubles qui sont extrêmement difficiles non seulement à diagnostiquer, mais à soigner.

    J'ai des hésitations en ce qui concerne l'idée d'un plafonnement. Si j'ai bien compris, à l'heure actuelle si l'on estime qu'une personne n'est pas apte à subir un procès, le Code criminel ne prévoit pas qu'à un moment donné la Commission de santé mentale doit vous absoudre totalement et vous accorder une libération sans condition ou conditionnelle. Il n'y a aucune possibilité de ce genre pour le moment.

    Rien ne garantit non plus que le procureur de la Couronne pourra donner suite aux accusations quelques années plus tard dans un cas de meurtre, de vol à main armée ou d'agression sexuelle. Le cas de la personne qui a été détenue pendant 17 ans pour vol à main armée est épouvantable, mais cela m'incite à croire que quelqu'un au sein du système, un psychiatre ou un travailleur de la santé mentale a jugé que cette personne ne devait pas se retrouver dans la rue.

    Je suis d'accord avec mon collègue du Bloc pour dire que nous confions des pouvoirs décisionnels importants aux commissions et aux professionnels de la santé mentale qui doivent décider si une personne représente un danger pour la société ou pour elle-même. Si nous envisageons diverses options, n'est-ce pas justement pour mieux répartir nos ressources, pour mieux définir les règles à suivre? En fait, je voudrais savoir si à votre avis il faudrait donner aux commissions la possibilité d'accorder une absolution?

    Deuxièmement, lorsqu'on détermine qu'une personne n'est pas apte à subir un procès, je reviens à l'idée du plafonnement. J'aurais du mal à accepter que le plafond soit fixé par exemple à sept ans ou à cinq ans en cas de meurtre s'il s'agit d'un meurtre au premier degré punissable de 25 ans d'emprisonnement.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Orville Endicott: C'est une question à laquelle il est facile de répondre. Les dispositions à cet égard, qui n'ont pas encore été proclamées, prévoient un plafonnement graduel et, en cas de meurtre, au premier ou au deuxième degré, c'est l'emprisonnement à perpétuité, comme pour quelqu'un qui ne souffre pas de troubles mentaux. Nous pourrions revenir vous voir dans cinq ans pour vous demander d'envisager d'accorder une libération conditionnelle anticipée comme pour les meurtriers ordinaires étant donné que ce n'est pas prévu actuellement dans les dispositions du Code criminel.

    Quant à savoir si les commissions d'examen devraient pouvoir accorder une absolution sans condition, l'Association canadienne pour l'intégration communautaire disait dans le mémoire qu'elle a adressé au comité en janvier—auquel je n'ai pas participé et je ne sais pas si vous l'avez fait ou non, Jim—sans trop entrer dans les détails, qu'effectivement la Commission d'examen devrait avoir ce pouvoir. Peut-être faudrait-il préciser que les commissions d'examen ont effectivement le pouvoir de faire ce genre de recommandation à un juge et qu'il faudrait peut-être laisser cela aux tribunaux, surtout quand les accusations sont très graves, si l'on décide d'accorder une absolution inconditionnelle.

+-

    M. Peter MacKay: Serait-il dangereux de leur confier ce pouvoir? Je ne tiens pas absolument à laisser cela au système de justice pénale, aux juges ou aux tribunaux, mais si une personne récidive alors qu'elle a été jugée non criminellement responsable ou inapte à subir un procès et a obtenu une absolution, ne serait-il pas souhaitable que la Commission d'examen sache qu'une personne a déjà été traitée, qu'elle a déjà obtenu ce jugement par le passé pour qu'on puisse de nouveau assurer son traitement et sa réinsertion?

Á  +-(1155)  

+-

    M. Orville Endicott: Absolument.

+-

    M. Peter MacKay: Et vous dites que les commissions sont mieux en mesure de le faire qu'un juge.

+-

    Le président: Merci, monsieur MacKay.

    Monsieur Endicott.

+-

    M. Orville Endicott: Elles ont les connaissances spécialisées qui leur permettent de porter un tel jugement. Votre dernière question semblait porter de nouveau sur le problème que pose la transition d'un système à l'autre. Qu'il y ait absolution inconditionnelle ou que la peine soit limitée en fonction de la gravité du crime, il serait irresponsable et contraire à l'intérêt public de ne pas communiquer aux autorités provinciales ce qu'il est advenu de la personne en question depuis sa première comparution devant un tribunal.

    Nous ne vivons pas dans deux univers différents. C'est la communication et la coopération qui permettent d'assurer le bon fonctionnement de notre système fédéral.

+-

    Le président: Monsieur Macklin, vous avez sept minutes.

+-

    M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci.

    Je voudrais continuer dans la même veine que M. Blaikie et M. MacKay.

    Si nous avons ces difficultés, c'est sans doute parce que nos lois semblent fondées sur certaines présomptions, notamment l'idée d'une maladie de l'esprit. Néanmoins, vous êtes venu nous parler aujourd'hui de ce que j'appellerais le développement intellectuel limité de certaines personnes qui se retrouvent devant la justice. Même si vous dites qu'ils ne faudrait pas avoir deux système ou deux définitions pour les gens qui se retrouvent devant les tribunaux...

    Un autre témoin nous a dit qu'il faudrait peut-être envisager d'évaluer les besoins des personnes qui se retrouvent devant la justice pour déterminer comment le système pénal pourrait redresser les torts commis par ces personnes. Pourriez-vous nous aider à voir s'il serait utile de faire une évaluation des besoins lorsqu'une personne comparaît pour la première fois devant le tribunal pour déterminer si elle entre dans la catégorie que nous ne voulons pas utiliser? Autrement dit, souffre-t-elle d'une maladie mentale ou son développement intellectuel est-il limité de façon permanente?

+-

    M. Jim Mahaffy: Je ne suis pas certain d'avoir compris toutes les ramifications de votre question, mais nous ne préconisons pas un système distinct pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle. Nous ne voulons pas, en effet, créer une nouvelle forme de ségrégation au sein de la société.

    Cela nous pose un problème étant donné que nous demandons, en même temps, une aide pour les personnes qui en ont besoin, une aide différente de celle dont les autres ont besoin ou dont les autres n'ont peut-être pas besoin du tout. Pour ce qui est d'un système distinct pour les personnes qui ont une déficience intellectuelle, différent du système pour celles qui ont des troubles psychiatriques...nous ne pensons pas que cela donnerait des résultats positifs, à bien des égards.

    D'autre part, comme l'a fait valoir Orville, la distinction entre un trouble psychiatrique et une déficience intellectuelle est souvent subtile. Dans bien des cas, des personnes qui ont une déficience intellectuelle présentent des caractéristiques très proches des troubles psychiatriques et vice versa. Il pourrait donc être très difficile de déterminer quel est le système qui s'applique à elles.

  +-(1200)  

+-

    M. Orville Endicott: Il nous faudrait un troisième système qui soit différent des deux autres catégories.

    Je voudrais toutefois revenir sur un élément auquel le député a fait allusion, un élément très important à mon avis. Il a utilisé l'expression «évaluation des besoins». Je ne suis pas convaincu qu'il faille vraiment énoncer cela expressément dans le Code criminel, mais il n'empêche qu'il a parfaitement raison: il faut que cela soit axé sur les besoins de la personne et non pas uniquement sur le risque que ces personnes représentent pour la société.

    Votre question me rappelle également le fait que le document de discussion posait la question de savoir si les commissions d'examen devraient avoir le pouvoir d'exiger une telle évaluation avant de procéder à l'examen du dossier, et pour moi il est presque manifeste que la réponse est oui. Certes, les membres des commissions d'examen, ou à tout le moins certains d'entre eux, ont des compétences professionnelles correspondantes.

    Quant au fait de passer par un évaluateur indépendant, quelqu'un qui est mieux placé pour traiter avec la personne en question et qui veut se faire une idée des progrès réalisés par intervalles entre deux révisions, je pense que c'est manifestement quelque chose qui devrait exister et que vous recommanderez j'espère si ce n'est pas le cas.

+-

    M. Paul Macklin: S'agissant des sanctions ou des options possibles en matière de sanctions dans le cas des personnes qui appartiennent à cette catégorie de gens dont le développement intellectuel est limité—et je vous livre ici cette catégorie—à votre avis que faudrait-il faire qui convienne à ce genre de personnes? Faudrait-il procéder à une évaluation des besoins ou auriez-vous quelque chose à suggérer qui nous permettrait d'arriver à une sanction qui, aux yeux de la société, pourrait convenir dans le cas des personnes en question?

+-

    M. Orville Endicott: Vos questions appellent à réflexion dans le bon sens du terme. Même quelqu'un dont le fonctionnement intellectuel est très limité peut arriver à mieux comprendre ses responsabilités en tant que membre d'une communauté.

    Pour ce qui est des sanctions, il faut les aider à comprendre que ce qu'ils ont fait était mal et que lorsqu'on cause un préjudice, il y a un prix à payer. Cela pourrait être plus facilement compris par certains, pour ce qui est du service communautaire—ou quelqu'un qui sait de quoi il s'agit. Je pense que vous avez mis le doigt sur quelque chose de très important. Il y a à mon avis énormément de gens qui sont bien en peine de comprendre de quelle façon on pourrait faire mieux comprendre cette notion de responsabilité sociale.

+-

    Le président: Messieurs Macklin et Endicott, je vous remercie.

    C'est maintenant au tour de M. Cadman pour trois minutes.

+-

    M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.

    Rien que pour approfondir un peu toute cette notion de la nécessité éventuelle d'avoir deux, voire trois autres définitions—selon ce qu'il adviendra—on a avancé qu'il faudrait considérer la toxicomanie comme une forme de trouble mental. Qu'en pensez-vous et quand intégreriez-vous cela à votre conception des choses?

+-

    M. Jim Mahaffy: La notion de déficience intellectuelle a évolué en sens divers au fil des ans. À l'origine, on pensait qu'une déficience intellectuelle était essentiellement une maladie congénitale, quelque chose qu'on avait de naissance. Or, à l'heure actuelle, on en est arrivé à ajouter à cela les lésions cérébrales et l'absence du développement essentiel pendant l'enfance et l'adolescence, de même que l'absence de développement dû à un problème psychiatrique ou émotif.

    La toxicomanie est un élément qu'on peut très souvent associer à ce genre de chose. Par exemple, un enfant ou un adolescent atteint du SAF et souffrant des effets de ce syndrome est souvent attiré par la drogue et a souvent aussi un très grave problème de dépendance.

    Mais si vous parlez de quelqu'un qui est un simple consommateur et dont tout le problème découle de cela, la question serait entièrement différente. C'est très difficile à définir, parce que s'il y a une déficience grave causée par la toxicomanie, il y a également une déficience intellectuelle.

  +-(1205)  

+-

    M. Chuck Cadman: Pour ce qui est du plafond, nous avons actuellement le maximum possible en cas de condamnation pour le même délit. Même sans parler de meurtre, en cas d'homicide, même de vol avec effraction, il y a possibilité de condamnation à perpétuité. Comment faire la distinction?

+-

    M. Orville Endicott: C'était Gilbert et Sullivan je crois qui étaient les auteurs de l'expression «Il faut que la punition soit à la mesure du crime». Si nous parlons ici de privation de liberté—et j'ai déjà plusieurs fois soutenu que c'est là quelque chose de punitif—il est à mon avis raisonnable d'affirmer que ce qui se produirait en cas de privation de liberté pour quelqu'un d'autre serait légitime dans le cas de quelqu'un qui est soit innocent, soit incompétent.

    Au pire, s'il s'agit de quelqu'un qui n'a pas conscience du caractère criminel de ses actes, il pourrait même être injuste ne serait-ce que de demander une privation de liberté aussi longue. Les dispositions relatives à la détermination des périodes de détention d'une durée maximale ne vont pas jusque là. Par conséquent, nous resterions à la limite de la justice dans certains cas, mais je pense qu'il est néanmoins grand temps que ces dispositions soient proclamées.

+-

    Le président: Vous avez trois minutes.

+-

    M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président et je vous remercie également, messieurs Endicott et Mahaffy.

    J'aurais deux questions. La première concerne ce que vous recommandez au sujet de l'article 672.39 qui porte sur la composition de la commission d'examen. Vous préconisez d'ajouter à la commission des gens qui représentent le milieu des personnes ayant une déficience, des gens qui connaissent bien le domaine de la santé mentale. Voulez-vous dire par là qu'il faudrait ajouter un membre supplémentaire à la commission ou que parmi les cinq premiers membres de la commission, il y ait au moins un expert comme celui-là? Et en corollaire, comment arriver à déterminer que cette personne serait ainsi compétente?

    Ma seconde question revient à l'argument que vous nous avez livré selon lequel, dans le cas des troubles mentaux, il faudrait se débarrasser de la notion de maladie mentale. Je suis profane en la matière, mais la schizophrénie est-elle une maladie mentale, la paranoïa est-elle une maladie mentale, le syndrome de Tourette est-il une maladie mentale et l'automatisme est-il une maladie mentale? Voilà toute une série de notions communément admises, et si vous voulez faire fi de tout cela pour le remplacer par l'expression «déficience intellectuelle», qu'est-ce que cela nous donnerait de plus si ce n'est qu'un changement de terminologie qui ajouterait un élément vague risquant de se retourner contre l'accusé en raison précisément de l'imprécision de cette expression?

  +-(1210)  

+-

    M. Orville Endicott: Pour ce qui est de la terminologie, ce que je propose, c'est de ne pas utiliser des termes intrinsèquement stigmatisants et susceptibles de produire chez les membres du grand public un sentiment de répugnance. La loi ne devrait pas se prêter à ce genre de chose.

    Il n'y a pas si longtemps de cela, le Parlement du Canada a modifié le Code criminel pour en éliminer des termes comme «idiot», «imbécile», et «d'esprit faible». C'était il y a moins de 20 ans. Cela dit, le mot «maladie» n'est peut-être pas aussi stigmatisant que les termes que je viens de citer en exemple, mais je préfère personnellement une terminologie qui ne présuppose pas un modèle médical.

    Je pense que ce que Jim a essayé de dire dans son exposé principal, c'est que beaucoup de gens ont bien davantage besoin de pouvoir évoluer dans la communauté qu' ils n'ont besoin de médicaments et de thérapies. En d'autres termes, le problème peut être plus facilement identifié sous l'angle du vécu de ces gens-là en tant que membres de la société, de leur rejet et de leur marginalisation, que du point de vue de quelque chose qui est biologique ou environnemental, quelque chose qu'ils ont dans la peau. Je pense que lorsque nous parlons d'une maladie...

+-

    M. John McKay: Si votre principal objectif est d'éviter de stigmatiser, à ce moment-là la question que nous sommes en droit de nous poser serait préférons-nous passer pour malade mental ou pour déficient intellectuel?

+-

    M. Orville Endicott: Je ne devrais peut-être pas me substituer à Jim, mais je pense qu'il préférerait être traité de personne ayant une déficience que de malade. Est-ce que je me trompe?

+-

    M. Jim Mahaffy: En effet, ce n'est pas tellement la stigmatisation qui est le problème, c'est le résultat de cette stigmatisation.

    Pour faire un petit retour en arrière historique, il faut se souvenir que jadis, dans la communauté, les personnes qui souffraient d'une déficience intellectuelle étaient traitées dans le cadre d'un modèle médical. C'est ainsi que nous avons créé des institutions pour les gens souffrant de maladies intellectuelles. On envoyait les gens stagner là parce qu'on considérait qu'ils n'avaient aucun potentiel.

    Avec l'évolution du mouvement de la vie en communauté et l'évolution parallèle des services communautaires, le paradigme a complètement changé. À partir de ce moment-là, ces gens qui sortaient de ces institutions ont pu considérablement s'épanouir. À l'heure actuelle, ils font dans les communautés des choses qui étaient absolument impensables il y a 10 ou 20 ans de cela. Les gens qui ont eu maille à partir avec la justice sont précisément ceux qui n'avaient pas pu être intégrés au mouvement parce qu'il nous était impossible de les rejoindre.

    Si nous pouvions leur enlever ce stigmate et travailler en fonction de leurs besoins, des besoins qui sont essentiellement sociaux, des besoins d'appui communautaire, nous avons le sentiment de pouvoir aider énormément de gens beaucoup plus que nous ne le pourrions dans le cadre du libellé actuel et de la notion actuelle d'intervention du système judiciaire.

+-

    Le vice-président (M. Chuck Cadman): Je vous remercie, monsieur McKay.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Je vous écoute et cela m'amène à m'interroger. On dirait que vous parlez d'utiliser une sanction. On parle de travaux communautaires pour faire de la réinsertion au lieu d'en faire un élément du traitement. Je pense que c'est vouloir traiter la déficience mentale d'une façon incompatible que d'utiliser une sanction comme élément du traitement. C'est la réinsertion qui fait partie du traitement.

    C'est pourquoi j'ai un peu de difficulté à vous suivre quand vous essayez d'utiliser la sanction pour arriver à vos fins. C'est l'inverse qu'il faut faire; appliquons le traitement en réintégrant ces gens-là et, en même temps, assurons la sécurité du public.

    Je ne comprends pas trop ce que vous demandez. C'est comme si vous me disiez qu'après un certain temps, on peut mettre cette personne dehors. Même si elle n'est ni guérie ni traitée, on lui donne l'absolution. Elle se retrouve dans la rue et advienne que pourra. On la reverra bientôt. J'ai un peu de difficulté vis-à-vis de cela. La réinsertion, que j'appuie à 110 p. 100, devrait faire partie du traitement. Je pense que ce que vous proposez est l'inverse et j'ai un peu de difficulté à comprendre pourquoi vous avancez ce principe.

  +-(1215)  

[Traduction]

+-

    M. Orville Endicott: Je ne pense absolument pas qu'il faille conclure que nous essayons de vous convaincre que la vie en communauté, en tant que tel, permet une réhabilitation complète et permet d'éliminer tout risque futur.

    Je pense que Jim a tenté de vous faire valoir que, de toute évidence, il faut des services de soutien au sein de la communauté, mais la communauté, c'est précisément là où ces services de soutien vont prendre racine, et quiconque est derrière des barreaux perd toute chance d'apprendre à vivre dans la communauté.

+-

    M. Jim Mahaffy: Permettez-moi de revenir à l'exemple des victimes du SAF et des gens qui souffrent des effets de ce syndrome: à mon avis, la meilleure chose que nous puissions faire pour ces jeunes gens, c'est de les rejoindre avant qu'ils ne se retrouvent dans les rouages de la justice pénale. L'expérience l'a prouvé à répétition, lorsque ces jeunes gens se retrouvent en prison, ils acquièrent des comportements qu'ils observent autour d'eux. Ils absorbent ces comportements qu'ils observent autour d'eux dans les établissements carcéraux. Dès lors que quelqu'un qui souffre du SAF ou des effets de ce syndrome se retrouvent dans le système pénal, il est rare qu'il en sorte.

    Si nous voulons donc tenter de trouver une solution à ces problèmes en faisant preuve d'initiative, il nous faut des mesures de prévention qui permettront justement d'empêcher les gens qui sont victimes de ce genre de problème de tomber dans l'engrenage. Si nous devons nous occuper de ceux qui s'y trouvent déjà, il faut des mesures différentes, il y a des besoins différents. Mais nous aimerions que le système soit dans toute la mesure du possible axé sur la prévention, mais aussi sur l'identification des gens souffrant d'une déficience intellectuelle qui se trouve déjà dans le système, de manière à pouvoir consacrer les ressources disponibles à des interventions qui pourraient effectivement les aider.

+-

    Le président: Merci, monsieur Mahaffy.

    Monsieur McKay, vous avez encore trois minutes.

+-

    M. John McKay: Comme nous le disions un peu plus tôt au sujet des gens qui sont dans la communauté et de votre répugnance à les aligner sur un modèle médical, n'est-il pas vrai qu'ils sont nombreux à avoir réintégré la communauté précisément en raison de cette modélisation médicale et des médicaments qu'on peut désormais leur donner pour traiter le genre de problème dont ils souffrent et qui présente un risque pour autrui?

    Ma seconde question portera sur ce que vous n'avez pas dit en réponse à ma première question au sujet de l'article 672.9.

+-

     M. Orville Endicott: Vous d'abord.

+-

    M. Jim Mahaffy: Il y a assurément une coordination des systèmes auxiliaires médicaux, pas uniquement dans le cas des victimes des EAF, mais dans le cas de tous ceux qui souffrent d'une déficience intellectuelle. Très souvent, ces gens ont bien d'autres problèmes médicaux, bien d'autres besoins thérapeutiques. Mais dans la majorité des cas, un traitement médical administré dans l'isolement est absolument inutile parce que, faute d'un système de soutien social, ces gens restent isolés, séparés de la société, en marge, et ils ne vivent pas une vie productive.

    Le principal objectif de la vie en communauté est la réinsertion de ces gens afin qu'ils deviennent des membres utiles et productifs de la société. Et pour cela, il faut toute une série d'auxiliaires, des auxiliaires qui sont souvent d'une incroyable efficacité dès qu'ils sont mis en place, mais qui sont également extrêmement difficiles à envisager au départ, avant que la situation ne se présente. Il est très difficile de convaincre ces gens que ces auxiliaires sont nécessaires, mais dès lors qu'ils existent, ils deviennent souvent tout à fait évidents, une composante toute naturelle du réseau de soutien qu'on offre à quelqu'un pour qu'il puisse vivre en communauté.

  +-(1220)  

+-

    Le président: Monsieur Endicott, je pense qu'il y avait également une question à votre intention.

+-

    M. Orville Endicott: Je présente mes excuses au député auquel je n'ai pas répondu la première fois. Si je me souviens bien, la question portait sur la composition de la commission. Nous avions proposé qu'elle compte un membre supplémentaire qui ait une compétence professionnelle en matière de soutien communautaire.

    Cet article exige déjà que si la commission ne compte qu'un seul psychiatre, il faut qu'elle ait un autre membre qui ait l'expérience des services de santé mentale. Notre recommandation pourrait être soit d'éliminer ce second membre doté de compétences en matière de santé mentale pour le remplacer par quelqu'un qui ait une certaine expérience en matière de soutien communautaire, ou alors d'ajouter un troisième membre prédéterminé.

    Si je me souviens bien, le Code n'impose aucun plafond quant au nombre de membres de ces commissions. Les provinces ont probablement tendance à en avoir un assez grand nombre, mais il n'y en a que quelques-uns qui sont appelés à entendre un dossier en particulier. Il s'agirait des cas qui nous occupent surtout ce matin, des cas pour lesquels le président de la commission dirait bon, prenons un tel ou une telle qui est membre de la commission en raison de ses qualifications professionnelles en matière de soutien communautaire aux gens souffrant d'une déficience intellectuelle. Il n'est pas difficile de déterminer les qualifications qui conviendraient.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Peter MacKay, trois minutes.

+-

    M. Peter MacKay: Un certain nombre de témoins sont venus nous parler des programmes de traitement, mais également du nombre de lits disponibles dans les établissements. En fait, cela revient à ce que disait M. Lanctôt au sujet des ressources étant donné que, à bien des égards, le système judiciaire, même s'il détient la personne, ne la loge pas. Il y a donc une anomalie, en ce sens que le système pénal, tout comme dans le cas des jeunes contrevenants, condamne l'individu à ce sort, puis il s'en lave quasiment les mains. C'est un peu comme s'il disait très bien, faites donc votre évaluation mais votre sort sera déterminé ailleurs.

    Je n'ai pas mon Code pénal sous les yeux, mais il me semble que ni la commission, ni même l'avocat qui représente l'individu, n'ait les moyens de mettre un terme à cela. Dès lors qu'il tombe dans l'engrenage, c'est ce que M. Endicott disait un peu plus tôt, il est impossible à l'accusé d'affirmer sa préférence pour le système normal de justice pénale. Dans le cadre de ce système-là, il sortirait au maximum six mois plus tard en bénéficiant d'une libération conditionnelle ou anticipée. Il est certain que ce n'est pas la solution, parce que cela ne règle pas le problème de la personne en question.

    Le système n'est donc pas parfait, mais son but en fin de compte, c'est de protéger le public et d'offrir un semblant de responsabilisation. En fait, le système est actuellement beaucoup plus axé sur la protection du public que sur l'aspect thérapeutique.

    Comment donc rétablir le juste milieu? Faut-il donner à ces commissions des pouvoirs décisionnels quasi judiciaires? Faut-il créer une nouvelle charge, un nouvel organisme, qui pourrait superviser ces commissions provinciales d'examen et voir si les décisions qu'elles rendent sont justifiées?

    Dès lors que l'aptitude ou la santé mentale de l'intéressé a été jugée, le processus devient incroyablement complexe et tourmenté et je pense que nous nous adressons à vous pour que vous nous proposiez des solutions nouvelles en ce qui concerne la création éventuelle d'un autre système.

  +-(1225)  

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    M. Orville Endicott: Ce matin, nous avons eu tendance à insister sur les lacunes d'un système, mais par leur nature même, les systèmes ont tendance à traiter les gens comme s'ils étaient plus ou moins semblables. Il faut reconnaître qu'il se passe actuellement certaines choses qui tiennent compte des préoccupations exprimées autour de cette table. Par exemple, il y a des programmes de déjudiciarisation grâce auxquels certaines personnes ne vont jamais devant un juge. La commission d'examen a, je crois, le pouvoir de rendre une décision sans placement sous garde pendant la période où l'intéressé est inapte à subir un procès. C'est extrêmement important et nous ne voudrions pas que ce pouvoir soit menacé. Il s'agit d'un important pouvoir quasi judiciaire.

    Nous ne sommes pas ici pour éreinter le système actuel, mais plutôt pour vous inciter à lui apporter des améliorations de façon à tenir compte des besoins particuliers des gens.

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    Le président: Merci beaucoup. Si personne n'y voit d'objection, j'aurais une ou deux questions à poser.

    Je ferai observer que nos discussions concernant les diverses dispositions que nous examinons découlent en partie du fait que nous ne partageons probablement pas tous les mêmes opinions au sujet du système de justice pénale.

    Par exemple, pour ce qui est du plafonnement de la période de détention et des craintes concernant la sécurité publique, sans vouloir lancer le comité dans un débat quant à savoir si le système ordinaire est satisfaisant ou non, nos discussions témoignent en partie du fait que nous ne sommes pas tous d'accord pour dire que le système de justice pénale fonctionne bien, cette question mise à part.

    Il ne faudrait pas se laisser influencer par notre piètre opinion du système de justice pénale en cherchant à compenser à l'excès les lacunes que nous y voyons sur le plan de la sécurité publique. Je ne dis pas que ce soit mon point de vue personnel. Il faut bien comprendre que nous ne pouvons pas faire en sorte que ce système soit plus infaillible que le système ordinaire.

    La question que je pose et dont nous n'avons pas encore beaucoup discuté est la suivante. Si nous mettons sur pied un système—je sais que certaines personnes n'aiment pas la terminologie utilisée—et si nous pouvons assurer une intervention qui permettra d'éviter les tribunaux ou qui remplacera adéquatement la détention—nous reconnaissons tous que le problème est dû en partie—même le problème à l'origine de l'infraction—à l'insuffisance des services disponibles—si ces services étaient offerts, ne serait-il pas possible que certaines des personnes qui sont actuellement incarcérées évitent de se retrouver en prison? Autrement dit, il faudrait disposer de toutes sortes de services en dehors du système de justice pénale.

    Si nous pouvions offrir les services qui rassureraient tout le monde en n'enfermant pas seulement les gens derrière quatre murs, mais en les soignant s'ils ont besoin d'être soignés... Nous n'avons pas envisagé la possibilité qu'il y ait actuellement dans nos prisons des gens qui sont là uniquement parce que ces services n'existent pas. Si nous pouvions les concevoir de façon à relever les défis que soulève cet examen, les gens qui n'obtiennent pas actuellement le genre de services dont ils ont besoin parce qu'ils sont en prison pourraient avoir accès à ces services avant même de se retrouver devant la justice.

    Êtes-vous d'accord? Je crois qu'un grand nombre de membres de votre association seraient prêts à défendre les intérêts de ceux qui sont actuellement dans le système de justice pénale, mais qui n'y seraient peut-être pas si certains services voyaient le jour suite à notre examen. Je reconnais que c'est peut-être une question de ressources plutôt qu'une question de loi.

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    M. Orville Endicott: Je suis content que vous ayez soulevé la question, car cela me fournit une nouvelle occasion de revenir sur des données que j'ai présentées et qui, je le reconnais, datent maintenant de plus de dix ans.

    Le Service correctionnel du Canada m'a demandé de faire une étude documentaire sur les personnes détenues dans le système carcéral ordinaire. J'ai été scandalisé par ce que j'ai appris. Les publications sur le sujet venaient surtout des États-Unis. Au Canada, je pense qu'on n'est absolument pas conscients du nombre de gens qui se trouvent dans la situation que vous décrivez, c'est-à-dire dans les prisons ordinaires, ce qui n'est certainement pas bon pour la société et encore moins pour les intéressés.

  +-(1230)  

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    Le président: Je vais donner la parole à M. Fitzpatrick.

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    M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Je voudrais seulement communiquer certains renseignements. Le pénitencier de Prince Albert se trouve dans ma circonscription et je l'ai visité plusieurs fois. Environ 70 p. 100 des détenus sont autochtones. Les spécialistes du système correctionnel à qui j'ai parlé sont presque certains que la plupart de ces personnes sont là à cause de problèmes reliés au syndrome de l'alcoolisme foetal.

    J'ai parlé à des non-Autochtones qui font partie des comités de détenus et qui se trouvent dans les diverses institutions pénales du pays. C'est ce qu'ils croient également. Ces gens estiment que ce problème ne leur permet même pas d'acquérir les capacités voulues pour fonctionner normalement. C'est simplement ce que j'ai pu observer dans le pénitencier de ma région.

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    Le président: Monsieur MacKay.

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    M. Peter MacKay: J'ai une brève question à poser sur les données empiriques ou les recherches sur le sujet qui pourraient nous aider. C'est très bien d'avoir des statistiques sur le pourcentage de personnes en détention et il y a toutes sortes d'histoires d'horreur et même des films d'Hollywood comme Vol au-dessus d'un nid de coucou qui montrent comment ces gens étaient traités par le passé dans les établissements psychiatriques. Connaissez-vous des études canadiennes, nord-américaines, européennes ou autres indiquant des méthodes de traitement pour les diverses maladies à cause desquelles des gens se retrouvent en prison? Cela pourrait peut-être nous être utile pour examiner la situation dans son ensemble.

    Je suppose qu'une personne détenue dans un service médico-légal a plus de chances d'obtenir un traitement que celle qui, pour une raison quelconque, choisit d'aller en prison où non seulement elle a moins de chances d'obtenir le genre de formation dont elle aura besoin à sa sortie, mais où il est pratiquement impossible d'obtenir un traitement psychiatrique quelconque, des soins médicaux, des médicaments ou autre chose.

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    M. Jim Mahaffy: Je ne suis pas au courant de recherches que le Service correctionnel du Canada aurait faites à ce sujet. J'ai communiqué avec son bureau de recherche il y a quelques mois et je sais qu'il n'a pas fait d'étude récente sur la composition de la population carcérale ayant une déficience intellectuelle ou sur la question que vous avez posée au sujet du traitement. Chaque cas est traité individuellement et il n'y a aucune approche systématique ou globale.

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    M. Peter MacKay: Comme brève question supplémentaire, cela nous amène à un autre problème que nous n'avons pas abordé ici dernièrement, à savoir la possibilité pour le juge et pour nos tribunaux d'obliger une personne à suivre un traitement.

    J'ai connu des cas de gens qui souffraient d'un trouble bipolaire, une forme de schizophrénie, qui pouvaient être soignés par des médicaments, mais qui refusaient de les prendre. Cela crée un problème énorme. Vous ne pouvez pas obliger une personne à avaler une pilule. Je suppose que ce serait contraire au droit constitutionnel de disposer de son propre corps.

  -(1235)  

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    M. Orville Endicott: C'est très vrai. Évidemment, nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour traiter de cette question de l'obligation de suivre des traitements. À la suite d'un incident survenu à Ottawa, comme vous le savez, la province de l'Ontario a récemment adopté un texte de loi appelé «Brian's Law», en l'honneur d'un journaliste qui a été tué ici à Ottawa.

    Cela met le feu aux poudres dans la communauté de la santé mentale, plus particulièrement pour ces gens qui s'appellent des survivants du système de santé mentale. Je préférerais ne pas faire d'observations sur cette question parce que je ne me sens pas suffisamment compétent et parce que le temps nous fait défaut.

    Les gens dont nous parlons ce matin, ce sont des gens qui ont une déficience intellectuelle ne nécessitant généralement pas de médication pour contrôler leur comportement. La médication peut être employée pour l'épilepsie ou des désordres de ce genre.

    L'autre chose que je voulais ajouter, si vous me le permettez, a trait à la question de M. MacKay sur les ressources. Le document que je vous ai distribué comprend une bibliographie exhaustive dont certains des ouvrages sont fort encourageants. Ces ouvrages ont tous une dizaine d'années. La raison pour laquelle je me suis adressé au président lors de mes commentaires, c'est que je crois qu'il est au courant que l'Association canadienne pour l'intégration communautaire possède une filiale appelée L'Institut Roeher dont le mandat est de faire des recherches sur le genre de choses qui vous préoccupent. Si le comité peut se tourner vers une ressource comme celle-là, je recommanderais fortement que L'Institut Roeher fasse ces recherches pour vous.

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    Le président: Je vous remercie beaucoup. Je connais bien le travail de l'institut et le travail de l'association aussi. Je suppose que vous comparaissez aujourd'hui en leur nom. Nous sommes heureux que vous nous ayez aidés. Plus nous progressons, plus nous écoutons les préoccupations et les idées des gens, plus j'ai l'impression que nous sommes de plus en plus informés et de plus en plus près d'une solution. Cette question est fort complexe, une question qui nous pose tous problème. Je crois que vous nous avez beaucoup aidés à tirer tout cela au clair. Merci. J'étais heureux de vous revoir.

    Avant de lever la séance—vous pouvez quitter messieurs Mahaffy et Endicott—je voudrais tout simplement informer les membres que M. Paradis m'a remis sa démission à titre de vice-président du comité. Je voudrais donc souligner que nous parlerons du problème de ce poste à pourvoir lors de nos délibérations de demain.

    Nous entendrons des témoins de 15 h 30 à 17 h 30, je suppose, et au cours de cette période, si nous avons le quorum dès le début, nous pourrions procéder à l'élection du vice-président. Sinon, on attendra peut-être la toute fin. De toutes façons, je voudrais que mon intention de procéder à l'élection paraisse comme un point de l'ordre du jour de demain.

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    M. Peter MacKay: Acceptez-vous les mises en candidature maintenant?

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    Le président: Je ne crois pas que nous ayons le quorum, Peter, mais je vous remercie pour vos efforts.

    Le comité s'ajourne pour se réunir de nouveau sur convocation du président.