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AANO Document pertinent de comité

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CHAMBRES DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6
 

38e Législature, 1re Session


Société tribale du Traité no 8 des
Territoires du Nord-Ouest
Bureau principal : Deninu Kue, Fort Resolution


Premières nations de l’Akaitcho visées par
le Traité no 8 Mémoire présenté au Comité permanent
des affaires autochtones et du développement
du Grand Nord

Le 2 décembre 2004


Objet : Projet de loi C-14, Loi mettant en vigueur l’accord sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale conclu entre le peuple tlicho, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada et modifiant la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et d’autres lois en conséquence.

Les Premières nations de l’Akaitcho visées par le Traité no 8 se présentent devant le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord pour appuyer leurs cousins de la nation tlicho qui demandent que soit parachevée leur entente historique avec la Couronne aux droits du Canada et les Territoires du Nord-Ouest.

Or, il y a à peine deux ans, les Premières nations de l’Akaitcho et les Tlicho étaient au cœur d’une bataille juridique amère. En fait, l’entente que la nation tlicho avait conclue avec la Couronne menaçait le territoire et les ressources des Dénés de l’Akaitcho.

Les dirigeants des Dénés de l’Akaitcho et des Tlicho ont pu régler leurs différends et signer une entente sur une nouvelle utilisation partagée des terres. Le conflit qui avait dégénéré en actes de violence s’est terminé dans l’allégresse et les festivités.

Nous avons pu accepter de ne pas être d’accord sur certains points. Nous avons pu nous entendre sur les limites des territoires de chacun de nos peuples et sur une zone vivement intéressante à partager. Nous avons pu montrer à quel point les Dénés tiennent à leurs territoires ainsi que leur attachement profond à une coexistence paisible et une réconciliation honorable.

Les Premières nations de l’Akaitcho visées par le Traité no 8 espèrent se présenter de nouveau devant le Comité dans un futur proche pour réclamer l’adoption d’une loi qui assurerait l’application de l’entente de l’Akaitcho, entente qui est encore en cours de négociation.

Nous sommes ici principalement pour appuyer la nation tlicho, mais nous désirons également aider le Comité à comprendre les difficultés auxquelles nous, Dénés de l’Akaitcho, sommes confrontés dans la négociation d’une entente qui assurerait l’application de notre Traité avec la Couronne.

Le 25 juillet 1900, les Dénés de l’Akaitcho se sont rassemblés à Deninu K’ue, au sud du Grand lac des Esclaves, pour y rencontrer des représentants de la Couronne. Des Weledeh sont arrivés en canots en provenance de dizaines de villages sur la côte nord du lac. Le 25 juillet 2000, on a rejoué la scène cent ans après la conclusion du Traité.

Le même jour, les chefs dénés de l’Akaitcho, le ministre fédéral des Affaires indiennes, Robert Nault, et le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Stephen Kakfwi, ont signé une entente cadre jetant les bases des négociations sur les terres et la gouvernance.

Le but de l’entente cadre est de négocier une entente qui mettrait en application le Traité conclu en 1900, traité auquel les Dénés de l’Akaitcho se sont conformés au fil des générations.

L’entente de l’Akaitcho doit respecter l’esprit et l’intention du Traité de 1900, et doit d’abord et avant tout protéger le droit des Dénés de l’Akaitcho de continuer à vivre en tant que Dénés sur le territoire déné.

L’entente de l’Akaitcho doit assurer le respect des Dénés de l’Akaitcho, de leurs terres, de leur économie et de leurs traditions sur tous les plans. Elle doit aussi assurer que les Dénés de l’Akaitcho et les nouveaux arrivants dans l’Akaitcho coexistent dans l’honneur et le respect mutuel, dans l’intérêt de tous.

L’entente de l’Akaitcho doit affirmer et protéger les droits des Dénés de l’Akaitcho et non les éteindre.

Aussi, nous sommes chanceux d’avoir la décision que la Cour suprême du Canada a rendue récemment dans l’affaire Nation haïda c. Colombie-Britannique qui précise le rôle de la Couronne dans nos négociations. Comme la juge en chef McLachlin l’a affirmé pour l’ensemble de la Cour :

19.   L’honneur de la Couronne imprègne également les processus de négociation et d’interprétation des traités. Lorsqu’elle conclut et applique un traité, la Couronne doit agir avec honneur et intégrité, et éviter la moindre apparence de « manœuvres malhonnêtes » (Badger, précité, par. 41). Ainsi, dans Marshall, précité, par. 4, les juges majoritaires de la Cour ont justifié leur interprétation du traité en déclarant que « rien de moins ne saurait protéger l’honneur et l’intégrité de la Couronne dans ses rapports avec les Mi'kmaq en vue d’établir avec eux la paix et de s’assurer leur amitié… ».


20.   Tant qu’un traité n’a pas été conclu, l’honneur de la Couronne exige la tenue de négociations menant à un règlement équitable des revendications autochtones : R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, p. 1105-1106. Les traités permettent de concilier la souveraineté autochtone préexistante et la souveraineté proclamée de la Couronne, et ils servent à définir les droits ancestraux garantis par l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. L’article 35 promet la reconnaissance de droits, et « [i]l faut toujours présumer que [la Couronne] entend respecter ses promesses » (Badger, précité, par. 41). Un processus de négociation honnête permet de concrétiser cette promesse et de concilier les revendications de souveraineté respectives. L’article 35 a pour corollaire que la Couronne doit agir honorablement lorsqu’il s’agit de définir les droits garantis par celui-ci et de les concilier avec d’autres droits et intérêts. Cette obligation emporte à son tour celle de consulter et, s’il y a lieu, d’accommoder.

Dans notre cas, la Couronne et les Dénés de l’Akaitcho ont conclu en 1900 un traité de paix, d’amitié et de coexistence. Les modalités du traité n’ont pas été remplies.

Au début des années 1970, les Dénés des Territoires du Nord-Ouest, y compris les Dénés de l’Akaitcho, ont témoigné devant les tribunaux dans l’arrêt Re Paulette. Le juge Morrow en est venu aux conclusions suivantes :

[TRADUCTION] Pour résumer mes conclusions au sujet de ce qui précède :
(1) Je suis convaincu que ceux qui ont signé l’opposition sont des descendants de ces groupes indiens distincts qui, organisés en sociétés et utilisant les terres à la manière de leurs ancêtres pendant des siècles, ont fait, de toute éternité, usage des terres visées par l’opposition comme s’il s’agissait des leurs.
(2) Je suis convaincu que ces mêmes autochtones – ceux mentionnés en (1) – sont à première vue propriétaires des terres visées par l’opposition – et qu’ils ont ce qu’il est convenu d’appeler des droits ancestraux.
(3) Qu’il existe de toute évidence une obligation constitutionnelle de la part du gouvernement du Canada de protéger les droits juridiques des peuples autochtones sur la région visée par l’opposition.
(4) Que malgré le libellé des deux traités, il subsiste un doute suffisant quant aux faits concernant l’extinction du titre ancestral pour permettre aux opposant de présenter une telle demande.
(5) Que la prétention aux droits ancestraux constitue un intérêt foncier que l’opposition peut protéger en vertu de la Loi sur les titres de biens-fonds.

Les appels subséquents qui ont fini par se rendre à la Cour suprême du Canada n’ont pas remis en cause les arguments détaillés du juge Morrow décrivant les Dénés comme étant à première vue propriétaires de leurs terres et jetant l’ombre d’un doute sur la conclusion que le Traité de 1900 éteignait le titre ancestral des Dénés de l’Akaitcho.

Ces conclusions ont été renforcées par l’évolution du droit et notre compréhension des faits historiques, y compris le point de vue des Dénés à l’égard des terres selon lequel il est littéralement impensable d’envisager la rupture du lien sacré entre les Dénés et leurs terres.

Du point de vue de l’Akaitcho, les négociations en cours doivent assurer la mise en application de l’essence même de l’entente conclue en 1900. La vie d’aujourd’hui nous oblige toutefois à conclure une entente formelle avec la Couronne nettement plus détaillée et précise sur les divers droits et les diverses obligations liant les parties dans une relation de coexistence honorable et paisible.

Nous sommes reconnaissants que les tribunaux aient, à ce point tournant de notre lutte, réaffirmé le contenu juridique précis de l’honneur de la Couronne et la cohérence des prescriptions légales en matière d’élaboration et d’exécution des traités. L’énoncé de la juge en chef McLachlin dans l’affaire Haida doit nous encourager : « Les traités permettent de concilier la souveraineté autochtone préexistante et la souveraineté proclamée de la Couronne (…) ».

En conciliant la souveraineté des Dénés de l’Akaitcho et la souveraineté de la Couronne, le Traité de 1900 n’a pas diminué la souveraineté des Dénés de l’Akaitcho.

Nous sommes également encouragés par la déclaration de l’ancien juge en chef Lamer dans l’affaire Delgamuukw en 1997 sur le titre autochtone : « Il faut se rendre à l’évidence, nous sommes tous ici pour y rester. ».

Nos ancêtres le savaient en 1900 quand ils ont accepté, en concluant un Traité avec les représentants de la Couronne à Deninu K’ue, de partager leur territoire et leurs ressources avec les nouveaux arrivants. En fait, ils ont accepté de coexister avec les nouveaux arrivants. Ils ont approuvé un Traité qui conciliait leur façon de vivre en tant que Dénés et la façon de vivre des nouveaux arrivants. Il ne s’agissait pas de cesser d’être Dénés ou de devenir les sujets de lois, politiques et décisions d’autrui.

En 1900, les Dénés de l’Akaitcho étaient souverains, tout comme aujourd’hui. Ils ont tout de même accepté de partager leurs terres avec un autre souverain. Cette entente a jeté un pont durable et permanent. Le Traité n’a pas asservi un souverain à un autre. Il a établi le principe de la coexistence de souverains égaux se devant l’un envers l’autre respect et conciliation honorable des différences.

Aujourd’hui, nous devons, en tant que peuples visés par le Traité qui s’en sont toujours tenus à l’esprit et à l’intention du Traité de 1900, vaincre l’amnésie de la Couronne. Nos aînés ont soigneusement enseigné la signification profonde du Traité d’une génération à l’autre. La Couronne ne l’a pas fait. La Couronne a permis que des mesures législatives et de simples politiques l’emportent sur l’obligation fondamentale de la Couronne de respecter les traités.

Les représentants de la Couronne se sont adressés à nous en croyant qu’il n’y avait qu’un souverain, et qu’il fallait respecter les politiques et les règles établies pour protéger cette souveraineté.

Les tribunaux ont dû à maintes fois rappeler aux représentants de la Couronne que les relations en vertu d’un traité concernent deux souverains, et que la Couronne a l’obligation d’assurer un traitement honorable, que les tribunaux respecteront.

Ainsi, aujourd’hui, nous nous présentons devant le Comité non seulement pour appuyer la nation tlicho, mais aussi pour vous rappeler les obligations de la Couronne de traiter respectueusement et honorablement les Premières nations visées par le Traité.

Quand nous aurons l’occasion, dans quelques années, de revenir devant le Comité pour discuter des lois visant à mettre en application l’entente de l’Akaitcho, nous demanderons que les lois du Canada soient modifiées de manière à assurer l’application des principes de coexistence auxquels nos ancêtres se sont conformés en 1900.

Nous aimerions discuter de certaines des questions que nous soulèverons au moment de la mise en application de l’entente de l’Akaitcho.

Les Dénés de l’Akaitcho ont adopté certains des éléments de l’entente conclue avec les Tlicho. Prenons les chapitres sur l’admissibilité et l’inscription dont nous nous sommes inspirés. Nous avons présenté une approche de l’admissibilité des Dénés de l’Akaitcho qui est presque identique à celle des Tlicho.

Cependant, les Tlicho ont accepté un certain nombre de choses que nous ne pouvons pas accepter, principalement l’idée que les gouvernements de la communauté tlicho tomberont sous la compétence législative du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Nous insistons pour que nos villages ne soient régis que par les lois de l’Akaitcho.

Un de nos villages, Ndilo, s’étend sur seulement 51,9 acres dans l’île Latham, entouré par la ville de Yellowknife. Un autre de nos villages, Dettah, est situé à 21 kilomètres de Yellowknife, mais seulement à 1,5 kilomètre d’une rive à l’autre. Les autres villages principaux, Deninu K’ue et Lutsel K’e, sont situés dans des zones où l’exploration des ressources et les activités d’extraction sont à la hausse.

Contrairement aux parties moins développées du Nord, le territoire de l’Akaitcho connaît un essor important en raison de l’exploitation des mines de diamants et d’autres activités de développement économique. La population autre que les Dénés sur le territoire de l’Akaitcho, en particulier à Yellowknife, monte en flèche.

Les Dénés de l’Akaitcho doivent avoir l’assurance que l’entente de l’Akaitcho leur permettra de conserver les principales caractéristiques des Dénés des villages de l’Akaitcho. Le gouvernement populaire ne satisfera pas à tous les besoins. Ce qu’on comprend du principe de coexistence prévu dans le Traité, c’est que le caractère distinct des Dénés de l’Akaitcho doit toujours être protégé. Les Dénés doivent être libres de continuer à vivre en tant que Dénés.

La nation tlicho estime que les structures de gouvernement communautaire qu’elle a acceptées protègeront sa culture et le contrôle qu’elle a sur ses communautés. Nous ne remettons pas en cause sa décision ni son jugement sur ce qui convient le mieux à ses citoyens.

Mais les non-Dénés influent autrement sur les Dénés. Nous estimons que les gouvernements du Canada et des Territoires du Nord-Ouest aimeraient que tous les villages dénés et les autres communautés autochtones tombent sous une certaine forme de gouvernement populaire au sein duquel les non Dénés auraient leur mot à dire dans les affaires de nos villages. Nous ne pouvons pas accepter une telle approche.

Nous espérons revenir devant le Comité permanent en temps voulu avec de meilleures idées, qui reflèteraient le véritable esprit et la véritable intention de nos relations en fonction du Traité.

Comme les Tlicho, nous nous opposons à de nombreux postulats de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. La nation tlicho a accepté d’être régie par cette Loi, et elle a négocié très fort pour obtenir certaines modifications, lesquelles sont maintenant devant le Comité permanent.

Les Dénés de l’Akaitcho appuient la nation tlicho dans ses démarches. Cela ne signifie pas pour autant que des modifications législatives semblables nous satisferaient. Nous demeurons fortement opposés à l’idée que le Parlement fédéral puisse établir des régimes de gestion des terres et des ressources sans notre consentement et notre pleine participation.

Nous ne croyons pas que la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie protège suffisamment les droits des Dénés de l’Akaitcho visés par le Traité. Nous ne croyons pas que la Loi prévoie des processus de consultation avec les Dénés de l’Akaitcho ni ne soutienne les droits des Dénés de l’Akaitcho prévus par le Traité. Nous croyons que nous pouvons en arriver à un meilleur régime de gestion des terres et des ressources qui respecte le principe de coexistence prévu par le Traité.

À notre table de négociation, nous nous efforcerons d’en arriver à un meilleur régime de gestion des terres et des ressources pour le territoire de l’Akaitcho. Nous sommes certains de revenir devant le Comité permanent en temps voulu avec un meilleur projet de régime.

En bref, nous sommes ici parce que nous sommes solidaires de la nation tlicho. Nous vous demandons de préparer le terrain en vue de la ratification législative de son entente historique.

Nous espérons avoir l’occasion de revenir devant vous pour vous faire part du succès de nos propres négociations.