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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 25 octobre 2005




¹ 1535
V         Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.))
V         M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada)

¹ 1540
V         Le président
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC)
V         M. David Dodge

¹ 1545
V         M. Monte Solberg
V         M. David Dodge

¹ 1550
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         M. David Dodge
V         M. Yvan Loubier

¹ 1555
V         M. David Dodge
V         M. Paul Jenkins (premier sous-gouverneur, Banque du Canada)
V         M. Yvan Loubier
V         M. Paul Jenkins
V         M. Yvan Loubier
V         M. David Dodge

º 1600
V         Le président
V         L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.)
V         M. David Dodge

º 1605
V         L'hon. John McKay
V         M. David Dodge
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD)

º 1610
V         M. David Dodge

º 1615
V         M. Paul Jenkins

º 1620
V         Le président
V         M. Charlie Penson (Peace River, PCC)
V         M. David Dodge
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge

º 1625
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge
V         M. Charlie Penson
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.)
V         M. David Dodge

º 1630
V         M. Paul Jenkins
V         M. Mark Holland

º 1635
V         M. David Dodge
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC)

º 1640
V         M. David Dodge
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Dodge
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Dodge
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Dodge
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Dodge

º 1645
V         Mme Rona Ambrose
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Dodge
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Dodge
V         Mme Rona Ambrose
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ)

º 1650
V         M. David Dodge
V         M. Guy Côté
V         M. David Dodge
V         M. Paul Jenkins
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)

º 1655
V         M. David Dodge

» 1700
V         M. Paul Jenkins
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Paul Jenkins
V         Mme Françoise Boivin
V         Le président
V         L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.)
V         M. David Dodge
V         M. Paul Jenkins

» 1705
V         L'hon. Maria Minna
V         M. David Dodge
V         L'hon. Maria Minna
V         M. David Dodge
V         L'hon. Maria Minna
V         M. Paul Jenkins
V         Le président
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. David Dodge

» 1710
V         M. Paul Jenkins
V         M. Pierre Paquette

» 1715
V         M. David Dodge
V         Le président
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. David Dodge

» 1720
V         Mme Judy Wasylycia-Leis
V         M. David Dodge
V         M. Paul Jenkins
V         Le président
V         L'hon. John McKay

» 1725
V         M. David Dodge
V         M. Paul Jenkins
V         L'hon. John McKay
V         Le président
V         M. David Dodge
V         Le président

» 1730
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. David Dodge
V         Le président
V         M. David Dodge
V         Le président










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 117 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 octobre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): La séance est ouverte.

    Bonjour à tous.

[Français]

    Nous nous réunissons aujourd'hui pour entendre le témoignage du gouverneur de la Banque du Canada, M. Dodge. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procéderons à l'étude du rapport du gouverneur de la Banque du Canada portant sur la politique monétaire.

    Monsieur Dodge, vous aurez sans doute besoin de quelques minutes pour faire vos premiers commentaires. Vous disposez de trois minutes.

[Traduction]

    Je vous donne la parole, après quoi nous entendrons les questions des députés.

+-

    M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada): Merci, monsieur le président. Bonjour, distingués membres du Comité.

    Paul et moi apprécions la possibilité que nous avons, deux fois l'an, de vous rencontrer à la suite de la parution du Rapport sur la politique monétaire. Ces séances nous aident à bien renseigner les députés de la Chambre, et par votre entremise tous les Canadiens, au sujet de notre point de vue sur l'économie, de l'objectif de la politique monétaire et des mesures que nous prenons pour l'atteindre.

    Lorsque nous nous sommes présentés devant vous en avril, nous vous avons indiqué que l'économie semblait tourner un peu en deçà des limites de sa capacité et qu'elle remonterait à son plein potentiel au second semestre de 2006. Dans le numéro d'octobre du Rapport sur la politique monétaire, paru jeudi dernier, nous expliquons que la croissance a légèrement dépassé les prévisions au premier semestre de l'année. En effet, l'expansion des économies mondiales et canadienne s'est poursuivie à un rythme solide, et l'économie de notre pays semble maintenant fonctionner aux limites de sa capacité.

    Les fluctuations passées et récentes des cours de l'énergie et du taux de change du dollar canadien, de même que la concurrence livrée par la Chine et les autres pays nouvellement industrialisés, donnent lieu à d'importants ajustements au sein de l'économie canadienne. Compte tenu de ces ajustements et de la faible progression de la productivité ces dernières années, la Banque a légèrement réduit son estimation de la croissance potentielle pour 2005 et 2006. Nous prévoyons que l'économie progressera au même rythme que la production potentielle en 2007, ce qui représente environ 2,8 % cette année, 2,9 % en 2006 et 3,0 % en 2007.

[Français]

    Étant donné que l'économie fonctionne aux limites de sa capacité et que les cours de l'énergie ont monté, les pressions à la hausse sur les prix à la consommation se sont un peu renforcées depuis la parution de la mise à jour de juillet. Si, comme on le suppose, les cours de l'énergie s'alignent sur les prix actuels des contrats à terme, l'inflation mesurée par l'IPC se situera autour de 3 p. 100 en moyenne jusqu'au milieu de 2006, puis elle redescendra à la cible de 2 p. 100 au deuxième semestre de l'an prochain. L'inflation mesurée par l'indice de référence devrait se maintenir au-dessous de 2 p. 100 au cours des prochains mois et remonter à 2 p. 100 d'ici le milieu de 2006.

    La Banque du Canada a haussé son taux directeur à 3 p. 100 le 18 octobre. À la lumière de notre projection, nous pensons qu'il faudra encore réduire le degré de détente monétaire pour maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande globales au cours des quatre à six prochains trimestres, et pour garder l'inflation au niveau visé. Les risques à court terme qui entourent ces prévisions semblent équilibrés. Toutefois, le danger que la correction des déséquilibres économiques mondiaux s'accompagne d'une période de faible expansion à l'échelle internationale nous apparaît plus grand à partir de 2007.

¹  +-(1540)  

[Traduction]

    Devant ces faits, la Banque continuera d'évaluer les ajustements et les tendances sous-jacentes au sein de l'économie canadienne, ainsi que la résultante des risques, afin de mener la politique monétaire de manière à maintenir l'inflation à la cible visée à moyen terme.

    Monsieur le président, Paul et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci.

    Avant de passer le flambeau aux députés, j'aimerais m'excuser auprès de M. Jenkins, à qui j'ai oublié de souhaiter la bienvenue. Je vis la même chose lorsque je sors avec ma femme–tous les regards sont sur elle.

    Sur ce, je donne la parole à M. Solberg avant de me mettre encore plus dans le pétrin.

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Je ne sais pas quoi répondre!

    Merci beaucoup, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue au gouverneur et au premier sous-gouverneur de la Banque.

    Je vous remercie pour cet exposé. J'aimerais aborder un sujet qui fait souvent la manchette ces derniers temps–je parle de la productivité. Je sais que vous en avez souvent parlé vous-même. Dans le Rapport sur la politique monétaire de la Banque, vous soulignez que la croissance de la productivité au pays a été nulle en 2003, nulle également en 2004, et de 0,7 p. 100 à peine jusqu'ici en 2005. Pouvez-vous nous expliquer en quoi il s'agit d'un phénomène indésirable? Pourquoi faut-il viser une amélioration de cette croissance? Par la même occasion, pourriez-vous nous indiquer quels moyens s'offrent au Canada pour augmenter la croissance de la productivité?

+-

    M. David Dodge: Votre question est brève, mais combien importante!

    Tout d'abord, nous avons été quelque peu surpris que la productivité n'ait pas crû plus fortement au cours de la période de référence. Comme vous le savez, la Banque a retenu comme hypothèse un taux de progression tendancielle de la productivité de 1,75 % environ, et elle chiffre donc la production potentielle à 3 % environ à moyen terme compte tenu de l'avance de la productivité du travail.

    Je dois préciser que les chiffres sont constamment mis à jour. Il ne faut donc pas s'étonner de constater des modifications au fil du temps. D'une part, cet assez piètre rendement des deux dernières années et demie est attribuable en partie aux importants ajustements au sein de l'économie à cause des variations des prix relatifs et de l'appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain. En période d'ajustement, nous savons par expérience que des phénomènes comme la faible productivité ainsi que le faible potentiel de croissance des entreprises et des activités ont tendance à se résorber et à disparaître en moins de temps qu'il n'en faut pour mettre en place de nouvelles entreprises à plus fort potentiel. Ce n'est rien d'anormal en période d'ajustement, et il n'est pas surprenant que la croissance de la productivité n'ait pas suivi la tendance au cours des deux années et demie d'ajustements qui viennent de s'écouler.

    À notre avis, l'économie n'a pas tout à fait fini de s'ajuster, et c'est pourquoi nous avons réduit légèrement les projections relatives à la productivité pour les quelques années à venir. Il est extrêmement difficile de savoir si le chiffre avancé est le bon, et ne comptez pas sur moi pour prédire les chiffres au dixième de point près.

    Il est certain toutefois que sur le long terme, si la croissance de la productivité ne s'améliore pas–pour cela, il faudrait que les travailleurs produisent en moyenne plus d'extrants, et idéalement plus de valeur pour une heure donnée de travail–, les Canadiens ne pourront pas augmenter leur niveau de vie. C'est une évidence. Voilà pourquoi il est si absolument nécessaire, en tout temps, de nous concentrer sur l'amélioration de la productivité. On ne peut augmenter le niveau de vie en se contentant de travailler plus ou de rallonger la semaine de travail. L'amélioration passe inexorablement par une productivité accrue et, par ricochet, par un potentiel supérieur de consommation. C'est pourquoi la productivité a tant d'importance à long terme.

    J'ajouterai un dernier point, monsieur le président, fondamental à mes yeux. Quand les prix relatifs fluctuent, comme c'est le cas en ce moment, il faut faire très attention quand on exprime la mesure normalisée qu'est le PIB par habitant en dollars constants, parce que la valeur de certaines activités de travail augmente sensiblement. Par exemple, si on l'exprime en valeur, la production aux termes du PIB par habitant a crû de 2 % à peine par année durant cette période–parce que le nombre de travailleurs a augmenté, et non pas à cause d'une hausse de la productivité–, alors que la valeur de cette production a augmenté de 4 % environ. Cet écart est le fruit d'une amélioration sensible des termes de l'échange au cours de cette période, de sorte que le revenu national des Canadiens a grimpé plus rapidement que la production nationale. Il s'ensuit toutes sortes de conséquences, y compris une augmentation des recettes publiques et des profits, notamment.

¹  +-(1545)  

+-

    M. Monte Solberg: La question suivante nous préoccupe actuellement: alors que l'économie tourne à pleine capacité, comment se fait-il que le taux de chômage stagne à 7 %? J'imagine que la productivité est directement en cause. Nous nous trouvons dans une situation propice aux pressions inflationnistes, mais beaucoup de nos concitoyens vivent encore dans une relative indigence. N'est-ce pas le meilleur exemple de l'effet néfaste d'une faible productivité sur l'économie?

    Dans ces circonstances, comme vous l'avez si bien dit, nous n'aurons pas le choix d'augmenter les taux d'intérêt à un moment donné, ce qui de toute évidence n'est pas de bon augure pour ce qui est d'améliorer le niveau de vie de la population. Et pourtant, le chômage continue de sévir au pays. Il est clair que les gens subiront directement les conséquences de cette conjoncture.

    Les gens ne comprennent pas toujours ce qu'on entend au juste par productivité, ce qui ne les empêche pas de constater les effets d'une économie qui n'est pas aussi productive que voulu quand les taux d'intérêt menacent de grimper. La situation n'est vraiment pas idéale.

+-

    M. David Dodge: Pour que ma réponse soit complète, il faudrait que j'aborde de très nombreux éléments. J'ai bien peur que vous deviez vous contenter d'une réponse très incomplète.

    En premier lieu, l'emploi a connu une croissance très soutenue au Canada. Le rapport emploi-population n'a jamais été aussi élevé. Nous estimons qu'il pourrait continuer de progresser, aussi bien que le taux d'activité, mais de très peu.

    Si nous nous projetons en 2020, par exemple, il faudra absolument avoir augmenté la productivité. C'est d'une importance capitale parce que le rapport emploi-population aura culminé à un moment donné d'ici là, après quoi il amorcera sa descente. Si la productivité ne progresse pas, il ne faut pas s'attendre à une amélioration des niveaux de vie.

    En second lieu, les périodes d'ajustement comportent toujours leur lot de difficultés. Nous n'avons pas le choix de frustrer certains secteurs de l'économie de leurs ressources pour les injecter ailleurs, ce qui ne va pas sans certains grincements, bien entendu. C'est un processus obligé, dont nous ne pouvons faire l'économie.

    Au cours d'une telle période de transition, certains groupes de travailleurs se retrouvent au chômage parce qu'il leur manque des compétences requises ou parce qu'ils ne sont pas au bon endroit, ou pour d'autres raisons, et ils ne trouvent pas leur place dans le système. Ils trouveront certainement une place si nous leur offrons des programmes de formation adaptés et d'autres moyens appropriés. C'est très important. Cependant, il faudra le temps qu'il faudra.

    La clé de voûte sera la souplesse de notre économie. Tous les marchés doivent acquérir cette souplesse pour que l'ajustement se fasse. À cet égard, je conclurai par une comparaison avec d'autres périodes d'ajustement que nous avons traversées. Dans les années 70 et au début des années 80, les prix relatifs des produits ont subi un brusque changement, et l'effet inverse s'est produit à la fin des années 90–malgré nos difficultés courantes, je pense que les ajustements sont moins pénibles qu'ils ne l'ont été dans le passé.

¹  +-(1550)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Solberg.

    Nous entendrons maintenant M. Loubier, M. McKay, Mme Wasylycia-Leis, puis M. Penson.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Dodge, c'est toujours un plaisir de vous accueillir ici, depuis des années maintenant. Cela vaut aussi pour M. Jenkins.

    Monsieur Dodge, on parle souvent de la concurrence féroce des pays émergents, entre autres la Chine et l'Inde. Devant cette concurrence croissante année après année et qui commence à se faire sentir dans plusieurs secteurs de l'économie, il y a des instruments à la disposition de la Banque du Canada pour atténuer un peu ces chocs.

    Lorsqu'on regarde les taux d'intérêt et la valeur du dollar canadien, qui est liée en partie à la valeur des taux d'intérêt canadien, on est en droit de se poser des questions, étant donné qu'on fait maintenant face à cette concurrence féroce dans plusieurs secteurs. En effet, on ne parle pas seulement des secteurs mous, mais on parle de plus en plus de la haute technologie.

    Est-ce que, par exemple, le fait d'avoir augmenté le taux d'intérêt canadien pour s'ajuster au taux de la réserve fédérale américaine n'a pas concouru un peu à augmenter la valeur du dollar canadien, qui autrement aurait été un petit peu plus faible? Le cas échéant, est-ce qu'on ne s'est pas tiré un peu dans le pied face à la concurrence des pays émergents, puisqu'à l'heure actuelle, la valeur élevée du dollar canadien devient, pour plusieurs secteurs, un obstacle à l'ajustement nécessaire face à ces pays?

+-

    M. David Dodge: Oui, c'est pour faciliter l'investissement qui doit être entrepris pour améliorer notre compétitivité vis-à-vis les économies asiatiques et d'autres que nous avons laissé un degré de détente monétaire beaucoup grand plus que normal lorsque l'économie fonctionne à un niveau près des limites de sa capacité. En fait, c'est pour faciliter l'ajustement et encourager l'investissement.

    En ce moment, nous avons des taux d'intérêt à court terme qui sont à peu près de 70 points inférieurs à ceux des Américains. Sur 10 ans, il y a un écart de 40 points de base, environ. Donc, depuis plus d'un an, nous avons eu des taux d'intérêt inférieurs à ceux des Américains, mais non pas inférieurs à ceux des Japonais.

+-

    M. Yvan Loubier: Jusqu'à quel niveau peut-on aller dans cet écart entre les taux canadiens et les taux américains, sans que cela n'affecte l'économie? Ne pourrait-on pas aller un peu plus loin encore, laisser se creuser l'écart, avoir un effet un peu moins grand sur la valeur du dollar canadien et aider les secteurs qui peuvent être en difficulté face aux économies émergentes? A-t-on vraiment atteint notre limite d'écart?

¹  +-(1555)  

+-

    M. David Dodge: Je vais commencer à répondre à votre question et je passerai ensuite la parole à Paul.

    Comme vous le savez bien, il y a beaucoup de facteurs qui influencent le taux de change vis-à-vis le dollar américain et d'autres devises, naturellement. En janvier, nous avons publié un petit encadré dans notre rapport qui illustre deux facteurs dont nous devons tenir compte. L'un est la demande globale pour notre produit; l'autre, ce sont les mouvements autonomes entre les devises. Or, il est toujours difficile de juger jusqu'à quel point les changements de taux de change sont du premier type ou du deuxième type.

    En général — du moins à ce moment-ci—, on juge que la plupart des mouvements viennent de l'augmentation des prix des produits de base.

    Je vais passer la parole à Paul.

+-

    M. Paul Jenkins (premier sous-gouverneur, Banque du Canada): J'aimerais ajouter deux choses, monsieur Loubier.

    D'abord, pour le cadre de la politique monétaire, un taux de change flexible joue un rôle très important. Comme le gouverneur l'a mentionné, il est crucial que nous ayons une économie flexible ainsi que des marchés flexibles. Le taux de change joue un rôle d'amortisseur afin de faciliter le mouvement des ressources d'un secteur à l'autre.

+-

    M. Yvan Loubier: On appelle cela une zone tampon.

+-

    M. Paul Jenkins: Je veux mentionner aussi qu'il est vrai que le taux d'intérêt a augmenté un peu, mais si on regarde le graphique 14 du rapport, on constate que les taux d'intérêt à moyen et à long termes sont fixes ou à la baisse depuis six mois. Donc, le facteur clé ici est l'importance de maîtriser la tendance inflationniste, ce qui aide beaucoup les marchés, par exemple le marché hypothécaire, ainsi qu'à maintenir la stabilité des taux d'intérêt à moyen terme.

+-

    M. Yvan Loubier: Est-ce qu'on peut dire qu'au cours de la prochaine année, le dollar canadien va continuer de s'apprécier? A-t-il atteint sa valeur maximum, ou risque-t-il de se replier un peu? Je sais qu'il est difficile de répondre à cette question, mais étant donné vos prévisions en matière d'inflation et de taux d'intérêt, vous avez sûrement une petite idée de là où on en est quant à la fluctuation de la bourse.

+-

    M. David Dodge: En vérité, on ne le sait jamais. Nous n'essayons pas de faire des prévisions. Notre scénario de référence suppose que la valeur du dollar se maintiendra entre 84 ¢ et 86 ¢. Il y aura peut-être des pressions à la hausse, surtout si les prix des produits de base continuent d'augmenter. Il est aussi possible qu'il y ait des pressions à la baisse, si le prix du pétrole brut et du gaz naturel diminue. Il est vraiment difficile de prévoir ces choses.

    Nous avons dit, par contre, que le taux de change entre le dollar américain et les autres devises pourrait diminuer, surtout après 2006, de façon à contribuer à l'ajustement qui doit se faire à l'échelle mondiale. En 2005, la valeur du dollar canadien, plus que celle des autres grandes devises, a augmenté par rapport à celle du dollar américain. Cela s'explique surtout par le fait que nous produisons des produits de base.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Monsieur McKay.

[Traduction]

+-

    L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Tout comme mes collègues, j'attends toujours avec impatience votre visite semestrielle, monsieur le gouverneur, aussi bien que celle du premier sous-gouverneur, M. Jenkins. Vos propos sont toujours édifiants.

    J'aimerais donner suite à l'échange que vous venez d'avoir avec M. Solberg. C'est un sujet qui m'intéresse vivement puisque nous nous sommes penchés sur l'énigme de la productivité, pour tenter de mieux comprendre. En fait, je me demande si nous y comprenons quoi que ce soit parce que les éléments de réponse semblent contradictoires. Les taux d'activités sont à la hausse. Le revenu canadien également. L'avoir net a augmenté, qu'il soit calculé par habitant ou sur une base brute. Le gouvernement peut s'appuyer sur des facteurs économiques fondamentaux relativement solides. Les niveaux de vie s'améliorent. Or, la productivité semble plafonner.

    Dernièrement, j'ai lu un article sur le concept du « Command GDP », ou PIB en base commandes, mais j'avoue que je n'ai pas compris grand-chose. Je crois que c'est ce que vous tentiez d'expliquer à M. Solberg en faisant référence au PIB par habitant et à la valeur que vous y attribuez. Pourriez-vous poursuivre dans la même veine? Devrions-nous nous intéresser à ces questions–je dois préciser d'ailleurs que je suis assez d'accord avec votre proposition d'améliorer notre productivité pour surmonter le défi démographique. Cela étant dit, mesurons-nous les bons éléments? Faisons-nous fausse route?

+-

    M. David Dodge: De fait, le revenu et la production constituent deux mesures différentes. Essentiellement, le PIB en base commandes mesure ce que nous produisons en fonction des variations des termes de l'échange, c'est-à-dire le prix de ce que nous produisons par rapport au prix des importations, de ce que nous exportons par rapport à ce que nous importons. C'est un facteur déterminant du revenu national. À l'évidence, si nous vendons un baril de pétrole 60 $ au lieu de 30 $, et que nous sommes un important exportateur net de pétrole, et si nous payons 100 $ pour un complet au lieu de 125 $ et que nous en importons beaucoup, nous avons besoin de moins de barils de pétrole qu'auparavant pour acquérir un complet, et nous sommes donc plus riches si nous mesurons le revenu. Bien entendu, l'effet de ces changements n'est pas éternel, mais nous en avons bien profité depuis le début de 2003 environ. Le Canada a été très privilégié sur le plan des termes de l'échange.

    C'est un revirement de situation par rapport à la période allant de 1997 à 1999, notamment, après la crise financière asiatique. Le prix de beaucoup des biens que nous produisons avait chuté abruptement, notre offre était excédentaire et les termes de l'échange s'étaient détériorés. Par conséquent, malgré l'amélioration de notre productivité durant cette période, notre revenu national ne suivait pas. Les fluctuations des prix relatifs ont eu un effet néfaste sur le revenu national. Quand on évalue la richesse d'un pays, il faut tenir compte à la fois de la productivité et de la situation des termes de l'échange. C'est la première chose.

    Ensuite, si on examine ce qui se passe pour une industrie donnée–prenons l'exemple de l'industrie pétrolière. Les prix ayant grimpé de 30 à 60 $, supposons, il vaut la peine de produire plus de barils de pétrole. Cependant, pour y arriver, nous devons exploiter des gisements à plus faible teneur, faire de l'extraction secondaire et tertiaire, exploiter des sables bitumineux. Or, tous ces procédés exigent plus d'heures-personne pour obtenir un baril du pétrole extrait du sol. Néanmoins, sur le plan de la valeur, l'exercice en vaut la peine, même s'il faut consacrer 1,1 heure-personne au lieu de l'heure-personne exigée auparavant pour extraire un baril de pétrole. En effet, le produit vaut désormais 60 $ au lieu de 30 $. En termes concrets, cela signifie que la productivité physique a diminué pour un champ de pétrole donné, mais que la valeur ajoutée par travailleur a beaucoup augmenté.

    C'est un exemple seulement, mais nous en trouvons beaucoup d'autres dans les industries de la fabrication, des services, etc. Le plus important à retenir est qu'il faut toujours diriger les ressources vers les secteurs produisant la plus forte valeur ajoutée par travailleur.

    Quelle que soit l'industrie, il faut toujours viser une augmentation de la production obtenue pour une heure de travail, selon la technologie utilisée. C'est la mesure usuelle de la productivité. À long terme, c'est ce qui nous permettra d'obtenir des augmentations réelles de production par travailleur et, par conséquent, de maintenir notre niveau de vie.

    Il serait un peu laborieux de vous expliquer en détail chacune des mesures utilisées. Je ne sais pas si je vous ai aidé ou si au contraire je vous ai mélangé encore plus.

º  +-(1605)  

+-

    L'hon. John McKay: Non, votre explication est très utile. Je comprends qu'il est possible, même si c'est plutôt surprenant, que la valeur du baril de pétrole augmente malgré la baisse de la productivité, pour reprendre votre exemple. Or, puisque notre prospérité dépend énormément de nos exportations de biens comme les barils de pétrole, on comprend un peu mieux pourquoi la productivité plafonne. Cette constatation m'amène à me demander s'il faut accorder tant d'importance à la productivité. À long terme, il est certain qu'elle est essentielle mais, à court terme, je ne sais pas vraiment ce qu'il convient de faire.

+-

    M. David Dodge: Il est absolument certain que, à long terme, nous courons au désastre si nous n'augmentons pas notre productivité. Cela ne fait aucun doute.

    Permettez-moi quelques remarques sur nos principales préoccupations. Comme nous constituons la banque centrale du Canada, nous surveillons de près le secteur des services financiers, qui occupe une part assez importante de notre économie. Ce secteur nous préoccupe beaucoup. Si je me souviens bien, 12 ou 13 p. 100 des Canadiens y travaillent, soit dans le domaine des finances, des assurances, de l'immobilier–dans l'un de ses domaines. C'est l'un des secteurs qui ont connu les pires rendements au Canada durant une certaine période. Cela surprend non seulement si on le compare à d'autres secteurs au pays mais, encore plus important, si on tient compte de l'excellent rendement du secteur dans d'autres pays. Ce ralentissement n'est attribuable ni aux bouleversements de l'échange ni à aucun autre facteur assimilable. Tout simplement, le secteur des services financiers ne s'est pas aussi bien comporté qu'il aurait dû.

    C'est un mystère que nous nous efforçons actuellement de percer. La tâche est ardue parce qu'il faut analyser chaque secteur les uns après les autres afin de mettre au jour les raisons de ce piètre rendement. Lorsque nous faisons un tel exercice, nous trouvons parfois que ce sont les composants de la productivité qui ont changé pour un tel secteur, et qu'il s'agit simplement d'un phénomène statistique imaginaire. À d'autres moments, ce sont les règles et les règlements, ou les politiques qui briment la croissance du secteur. Et très souvent, nous nous rendons compte que ce sont les entreprises du secteur qui ont trop tardé à adopter les nouvelles technologies qui augmentent la productivité.

    Bref, nous n'avons pas le choix d'analyser toutes les composantes une par une. Nous nous intéressons plus particulièrement à ce secteur, mais d'autres acteurs analysent des secteurs qu'ils connaissent mieux.

+-

    Le président: Merci, monsieur McKay.

    Madame Wasylycia-Leis.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.

    Messieurs Dodge et Jenkins, je vous remercie de nous faire de nouveau l'honneur de votre visite.

    Comme j'ai très peu de temps, j'entre tout de suite dans le vif du sujet. À vrai dire, votre décision de hausser de nouveau le taux directeur m'indispose au plus haut point. En fait, c'est l'analyse sous-jacente qui ne me satisfait pas. J'ai du mal à adhérer à l'argument voulant que l'économie roule à pleine capacité alors que 1 175 000 Canadiens veulent travailler et cherchent du travail. Comment peut-on affirmer que l'économie tourne aux limites de sa capacité quand tant de travailleurs occupant des emplois peu spécialisés n'ont qu'une idée, trouver un travail intéressant? Comment admettre que les limites de la capacité sont atteintes quand on sait que le secteur privé a créé seulement 28 p. 100 des emplois au cours de la dernière année? Je suis très perplexe.

    Je m'interroge également quand vous affirmez que nous avons un problème d'inflation. Lorsque l'inflation se situe à 1,6 % environ si on exclut les coûts de l'énergie, et qu'elle grimpe à 3,4 % environ si on les inclut, je crois qu'il s'agit d'un taux somme toute raisonnable, qui ne justifie pas de mesures excessives.

    Je m'inquiète donc au sujet de l'analyse qui a été faite et des remèdes proposés. Il me semble en réalité que vous créerez plus de problèmes que vous ne pourrez en atténuer ou en résoudre. Des fabricants nous ont fait part de leur grande inquiétude à propos de cette décision, eux qui vivent déjà les difficultés associées à la hausse des prix du pétrole et à un dollar fort. Selon eux, il faudra payer en pertes d'emplois, encore et toujours. Nous avons déjà perdu 200 000 emplois dans le secteur de la fabrication depuis que le dollar a amorcé sa montée en 2002. Nous risquons d'en perdre beaucoup plus si les taux d'intérêt s'affolent. Beaucoup ont évoqué le spectre du syndrome hollandais si nous ne faisons rien pour alléger le fardeau qui pèse sur les fabricants en période de boom pétrolier.

    Je me préoccupe en outre des problèmes auxquels font face les particuliers qui sont propriétaires d'une maison et qui ont été emportés par la fièvre immobilière, avec d'heureux résultats dans maintes parties du pays. Ces gens ont utilisé les épargnes de toute une vie pour acheter une maison parce que les taux hypothécaires étaient bas, au grand profit de nombreuses collectivités comme Winnipeg, où le marché résidentiel avait été paralysé pendant très longtemps. Je ne crois pas que ces consommateurs pourront composer avec une hausse inévitable des taux hypothécaires si le taux de la Banque du Canada augmente. Cette situation me préoccupe.

    J'ai lu dans le Winnipeg Free Press que les Canadiens ont pu jusqu'ici absorber l'augmentation de leur dette hypothécaire. Seulement 0,25 % des prêts hypothécaires sont en souffrance, alors que ce taux se situait à 0,5 % dans les années 90. Cependant, de nombreux ménages se retrouvent avec une très faible marge de manoeuvre financière; ils sont pris à la gorge. Même une modeste hausse des taux d'intérêt pourrait les ébranler, d'autant plus que 30 % des propriétaires ont souscrit une hypothèque à taux variable.

    Ces deux problèmes me préoccupent énormément.

    Ma question est la suivante: Pourquoi faut-il intervenir si vite et risquer de refroidir l'économie dans une période de transition aussi fragile, au détriment des fabricants qui luttent pour rester concurrentiels malgré la hausse des prix du pétrole, et au détriment également des particuliers qui sont propriétaires d'une maison et qui viennent tout juste de profiter de l'occasion de faire leur entrée dans le marché de la propriété ou d'améliorer leur logement, et qui risquent de tout perdre si nous nous entêtons dans cette voie?

º  +-(1610)  

+-

    M. David Dodge: Monsieur le président, je vais répliquer au premier terme de la question, et Paul pourra prendre le flambeau pour ce qui est de la question du logement.

    Vous demandez tout d'abord pourquoi nous intervenons maintenant alors que l'inflation mesurée par l'indice de référence se situe sous les 2 %, en nous reprochant d'y aller un peu vite sur la gâchette. Encore ici, tout est une question de jugement. N'oubliez pas que nous devons anticiper pour une période allant de 18 mois à 2 ans. Nous devons anticiper parce que nos politiques n'agissent pas immédiatement sur l'inflation; il faut attendre un certain temps pour en sentir l'incidence réelle.

    Ces derniers temps, il était relativement facile d'établir la politique monétaire, nos liquidités étant très élevées et les taux d'intérêt–je ne parle pas seulement des taux à court terme–étant au plus bas depuis deux ou trois ans.

    Nous avons vraiment usé de prudence pour ne pas réduire le degré de détente monétaire pendant la présente période d'ajustement, et nous maintenons cette ligne. Certains observateurs trouvent d'ailleurs que nous avons été beaucoup trop prudents.

    Mais si nous voyons plus loin, en tenant pour acquis que l'économie mondiale suivra généralement les projections du FMI, comme nous avons tenté de l'expliquer, les pressions inflationnistes à la hausse–si nous maintenons le très haut degré de détente monétaire que nous avons connu jusqu'à tout récemment–seront beaucoup plus fortes. Par conséquent, ce sont nos projections qui nous ont inspiré notre ligne de conduite.

    Maintenant, vous avez tout à fait raison de rappeler que le nombre de chômeurs dépasse le million. Malheureusement, nous ne pourrons éviter d'autres pertes d'emplois dans certains secteurs de la fabrication, à cause de la concurrence chinoise, mais à cause également du potentiel plus élevé de production de ces travailleurs dans d'autres secteurs et des fluctuations importantes des prix relatifs. Ainsi, dans certaines industries comme les pâtes et papiers, nous nous attendons à une réduction certaine de l'emploi et de la capacité. Actuellement, la capacité de cette industrie est excédentaire, mais ce n'est pas unique au Canada. C'est un phénomène planétaire.

    Nous nous attendons donc à d'autres pertes d'emplois dans le secteur de la fabrication, mais nous prévoyons que l'économie globale–je dis bien globale–générera des emplois, ce qui laisse présager le maintien, voire le dépassement, des taux d'activité les plus élevés de notre histoire.

    Je cède maintenant la parole à Paul pour la question du logement, un secteur que nous scrutons de près.

º  +-(1615)  

+-

    M. Paul Jenkins: Merci beaucoup, monsieur le gouverneur. Nous sommes extrêmement sensibles aux problèmes que vous avez soulevés relativement aux risques qui pèsent sur les particuliers et sur leur niveau d'endettement. Premièrement, je vous ramène à la réponse donnée à M. Loubier ainsi que, dans une certaine mesure, aux propos du gouverneur concernant la nécessité de voir loin en avant lorsque nous établissons les politiques monétaires, ainsi que l'importance capitale d'arrimer les attentes relatives à l'inflation sur la cible de 2 %. Plus nous nous approcherons de cet objectif, plus nous pourrons maintenir des taux d'intérêt bas et stables à moyen et à long terme, y compris les taux hypothécaires. Si vous vous reportez au graphique 14 de notre rapport, vous constaterez que les taux d'intérêt grimperont à court terme, mais qu'ils plafonneront à moyen et à long terme, ou même qu'ils diminueront un peu dans les derniers six mois.

    Il est primordial de rassurer les investisseurs et les emprunteurs en leur offrant des garanties et de la stabilité. Il faut donc observer les courbes de rendement pour arrêter notre ligne de conduite à court terme et déterminer l'incidence sur les taux d'intérêt à plus long terme. C'est la première chose.

    Encore une fois, comme nous sommes vivement intéressés par les questions que vous avez soulevées, nous procédons également à des analyses de sensibilité fondées sur l'incidence des mouvements des taux d'intérêt sur le bilan du secteur des particuliers. Nous avons fait une étude, dont nous avons publié les résultats et que nous vous ferons parvenir avec plaisir. Nous avons étudié les incidences probables d'une hausse des taux d'intérêt à court terme, disons de 100 ou 200 points de base. Nous avons découvert que, étant donné la faiblesse du ratio du service de la dette imputable à la faiblesse des taux d'intérêt, si les taux d'intérêt sont maintenus au plus faible par une politique monétaire bien arrimée, le ratio augmenterait, certes, mais de peu. Il demeurerait bien en deçà des niveaux atteints à la fin des années 80 et au début des années 90.

    Il est par conséquent très important d'arrimer les attentes relatives à l'inflation–c'est-à-dire de garder l'inflation sous contrôle– pour garantir une certaine stabilité du bilan du secteur des particuliers. Je le répète, nous accordons un grand intérêt aux questions que vous avez soulevées.

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Merci, madame Wasylycia-Leis.

    M. Penson, ensuite M. Holland.

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.

    Il est toujours aussi agréable, monsieur Dodge, monsieur Jenkins, de vous recevoir et de discuter de tels sujets avec vous.

    J'espère que j'aurai le temps de vous poser une question au sujet de la productivité. Cependant, avant que j'y vienne, j'aimerais revenir sur les questions évoquées par mes collègues, M. Solberg et Mme Wasylycia, concernant le marché du travail.

    Monsieur Dodge, lorsque vous parlez des obstacles à l'ajustement du marché du travail et de la nécessité d'assouplir ces marchés, j'abonde dans le même sens que vous. En Alberta, nos industries cherchent désespérément de la main-d'oeuvre–je ne parle pas seulement de l'industrie du pétrole, mais de toutes les industries de services. Toutes les entreprises arborent des affiches d'offre d'emplois à de bons salaires, ce qui ne nous empêche pas d'avoir un taux de chômage qui avoisine les 5 ou 6 %.

    Ma question à cet égard est la suivante: Croyez-vous que notre régime d'assurance-emploi, dans sa forme actuelle, représente l'un des obstacles auxquels vous faisiez allusion concernant l'ajustement du marché du travail?

+-

    M. David Dodge: J'ai parlé abondamment de ce sujet au cours de ma carrière, et il y a 25 ans j'ai même rédigé un rapport sur la question. L'assurance-emploi est à la fois une aide et un obstacle à la flexibilité. C'est une aide appréciable notamment pour les travailleurs ayant travaillé sans discontinuer durant une longue période qui sont mis à pied et forcés de procéder à un ajustement; ils ont besoin d'un soutien financier pendant cette période d'adaptation. Autrement, ils vont résister au changement parce qu'ils ne disposeront d'aucune forme d'aide pendant la période d'adaptation. En ce sens, l'assurance-emploi joue un rôle très important dans la facilitation de cet ajustement.

    En revanche, ce programme peut se révéler très dommageable lorsqu'il est utilisé pour maintenir les travailleurs dans des secteurs où ils sont employés durant de courtes périodes de l'année pour ensuite demeurer prestataires de l'assurance-emploi le reste de l'année.

    Donc, l'assurance-emploi en tant que telle est un élément très important qui facilite l'adaptation. La structure que nous avons eue, et que nous pourrions continuer d'avoir, n'est peut-être pas idéale pour obtenir tous les effets positifs sans... Il existe toujours des écueils moraux dans toute forme d'assurance, alors, sans me lancer dans cette veine...

+-

    M. Charlie Penson: Comme je l'ai déjà mentionné, je m'inquiète du fait que des personnes se présentent à mon bureau pour réclamer des prestations d'assurance-emploi alors qu'il y a des emplois partout autour de nous -- on ne peut pas faire deux pas sans voir des postes affichés, aussi je m'étonne tout simplement que ces gens ne puissent trouver du travail.

    J'aimerais parler de la question de la productivité. Vous l'avez mentionnée. Je pense que vous voulez en quelque sorte donner l'alarme. Du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre de votre intervention. Le problème c'est que, pour le Canadien moyen, il s'agit seulement d'un concept. Les gens se disent, « Qu'est-ce qui se passe ici? Nous travaillons plus fort que jamais. Ne nous dites pas que nous ne travaillons pas autant que les travailleurs des États-Unis ». Ils ne comprennent pas vraiment la situation. Mais, tout revient au niveau de vie, comme vous l'avez dit vous-même.

    Il me semble que nous sommes aux prises avec ce qui ressemble à une bombe à retardement. L'écart se creuse entre nous et les États-Unis. Il y a trois ans, il se situait à 6 000 dollars par habitant. Aujourd'hui, il a atteint 9 000 $. L'écart entre nous et la Suède se situe à 20 000 $ par habitant, et je me demande si vous pensez la même chose, mais je suis inquiet par la progression de cet écart. Si cela avait toujours été ainsi, ce serait une chose, mais l'écart semble en pleine croissance. À un moment donné, il y a 25 ou 30 ans, le Canada et les États-Unis affichaient sensiblement la même productivité.

    Le fait que les Canadiens pourraient gagner 3 000 $ de plus par mois à mettre sur leurs versements hypothécaires s'ils avaient les mêmes taux de productivité qu'aux États-Unis... ça m'interpelle. Je me demande seulement si cette préoccupation est sérieuse ou non. Quelle est l'urgence de la situation, je suppose, et dans quelle mesure nous devrions tenter de corriger cet écart et rattraper certains de nos principaux concurrents?

+-

    M. David Dodge: Tout d'abord, permettez-moi seulement de revenir en arrière et de vous mettre en garde contre une utilisation trop cavalière de ces chiffres. Cela nous ramène à la première question. Elle ne dépend pas de la valeur des produits que vous produisez, aussi le fait que nous ayons réussi à produire davantage de choses ayant une plus grande valeur contribue à élever notre revenu. Aussi, on ne peut pas mettre en relation directement la production par heure, ou le PIB par heure, et le revenu des Canadiens et des Canadiennes.

    Le revenu peut croître sans que le PIB par heure n'augmente, et inversement, le PIB par heure peut s'accroître énormément sans que le revenu augmente. Nous en avons eu deux exemples : les trois dernières années, du côté positif, et les trois années à partir de 1997, du côté négatif.

º  +-(1625)  

+-

    M. Charlie Penson: Qu'en est-il de la tendance, de la divergence?

+-

    M. David Dodge: La tendance est une tout autre question. Et il est inquiétant que sur une période, en réalité depuis la fin des années 1980, et le début des années 1990 -- soit plus d'une décennie -- en fait, la croissance de la tendance de la productivité n'ait pas été aussi rapide qu'aux États-Unis. Il faut se rappeler que les États-Unis n'ont pas été les rois de la croissance de la productivité durant cette période eux non plus. Des pays comme l'Irlande ont affiché de biens meilleurs résultats à ce chapitre que les Américains durant la même période.

    Donc, effectivement, c'est un problème très réel. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question simple et qu'il existe une solution toute faite. La productivité, c'est véritablement ce qui se passe sur le plancher. C'est une question liée au milieu de travail, au premier chef. Elle a un rapport avec la vitesse à laquelle on adopte une nouvelle technologie.

+-

    M. Charlie Penson: Monsieur Dodge, désolé de vous interrompre, mais n'est-ce pas aussi une question d'investissement dans les machines et le matériel?

+-

    M. David Dodge: Oui, tout à fait. Il s'agit de la vitesse à laquelle la nouvelle technologie est adoptée. L'un des principaux moteurs est l'investissement, c'est-à-dire l'implantation des machines et du matériel les plus récents, et à cet égard, l'investissement des Canadiens dans les machines et le matériel a tiré de l'arrière au cours de la période. Et l'une des raisons qui explique, à notre avis, que l'on ait pu enregistrer une croissance de la productivité quelque peu inférieure dans les secteurs de la finance, des assurances et de l'immobilier est que nous n'avons pas réalisé tout à fait le même investissement en matière de logiciels et d'implantation de nouveaux systèmes que les Américains qui, eux, ont constaté vraiment une croissance assez rapide dans la productivité du secteur des services.

    Donc, il y a cet ensemble de raisons. Mais il y a un autre ensemble de raisons qui touche celui-là le portefeuille d'industries que nous avons. L'Université de Toronto a effectué quelques bonnes analyses indiquant que probablement il ne s'agit pas de la raison à long terme pour expliquer cet écart. Mais un éventail de facteurs entrent en jeu, et comme je l'ai dit auparavant, il faut vraiment examiner la situation secteur par secteur pour tenter de comprendre ce qui se passe.

+-

    M. Charlie Penson: Il n'est question que des moyennes ici. Il se pourrait que les secteurs pris individuellement affichent de meilleurs résultats que la moyenne, bien entendu.

+-

    M. David Dodge: Certains secteurs ont effectivement de meilleurs résultats que la moyenne, mais quelques-uns parmi nos plus importants ne s'en tirent pas aussi bien.

+-

    Le président: Merci, monsieur Penson.

    Monsieur Holland.

+-

    M. Mark Holland (Ajax—Pickering, Lib.): Merci beaucoup.

    Et merci à vous, monsieur Dodge et monsieur Jenkins de vous être déplacés pour venir témoigner aujourd'hui.

    Tout d'abord, j'aimerais faire une observation avant de me lancer dans quelques questions et d'aborder moi aussi l'aspect de la productivité. La première observation — seulement pour le bénéfice du comité — c'est que si on regarde, comme vous l'avez fait vous-même, pour 2007 et au delà, le risque prépondérant de ralentissement de l'économie mondiale et son incidence sur le Canada auront évidemment aussi une incidence sur notre propre politique fiscale et sur la nécessité de nous doter d'éléments additionnels de prudence lorsque nous examinons les dépenses de programmes.

    Ma première question, toutefois, a quelque chose à voir avec la situation chez nos voisins du Sud, c'est-à-dire la croissance continue du déficit et du problème de la dette que les États-Unis doivent affronter, et l'incidence de cette situation sur la croissance au Canada à l'avenir. Je me demande si vous pourriez nous faire part de vos impressions sur ce sujet en particulier ainsi que sur l'incidence potentielle sur la productivité aux États-Unis, et en fin de compte, sur notre propre productivité à l'avenir.

+-

    M. David Dodge: Je vais répondre en premier, et je céderai ensuite la parole à Paul.

    Tout d'abord, je pense qu'il est très important de voir les choses en termes généraux. Comme je l'ai déjà mentionné dans d'autres tribunes, nous devrions tous remercier le ciel de la prodigalité dont les États-Unis ont fait preuve ces dernières années, alors que le reste du monde, en particulier l'Asie et plus récemment, les pays producteurs de pétrole, semblaient vouloir à tout prix se concentrer sur l'épargne. Sans la demande américaine l'économie mondiale n'aurait pas connu une croissance aussi rapide, et notre économie non plus.

    Ceci dit, nous savons tous que l'ajustement devra se produire à un moment ou l'autre aux États-Unis. Ça n'est peut-être pas pour demain ou pour l'an prochain, mais tôt ou tard, ça doit arriver. Ce que nous espérons, et ce qui figure dans notre scénario, c'est qu'ils procéderont à des ajustements en vue d'accroître leur épargne nationale, celle de l'État et des ménages, en même temps que le reste du monde prendra des mesures en vue d'accélérer son absorption interne. Par conséquent, la croissance mondiale et la demande pour nos exportations pourront continuer de croître.

    Nous savons que les Américains doivent apporter des corrections. Ce qui nous inquiète, et il s'agit du risque de perte en cas de baisse, c'est qu'ils pourraient apporter une correction, en particulier auprès des ménages, de manière inattendue ou imprévue et que le reste du monde n'arrivera pas à prendre la relève. Par conséquent, nous enregistrerons une faible croissance mondiale, et ce ralentissement aura une incidence négative sur notre économie.

    Établir un lien entre cette situation et la productivité est un peu plus difficile, aussi je vais céder la parole à Paul.

º  +-(1630)  

+-

    M. Paul Jenkins: Pour commencer, ne serait-ce que pour exposer notre scénario concernant les États-Unis, nous entrevoyons effectivement une croissance vigoureuse et continue, je dirais, aux États-Unis. Dans ce scénario, on prévoit que des mesures seront prises aux États-Unis pour élever le taux d'épargne. On peut envisager ces mesures soit en termes d'épargne du secteur public ou à l'échelle nationale.

    Vous avez signalé le déficit fiscal et le taux d'endettement de ce pays. Bien entendu, les États-Unis doivent aussi gérer un énorme déficit courant, et cela affecte passablement les enjeux mondiaux dont parlait le gouverneur. Je pense que les analystes s'entendent généralement — et nous sommes d'accord avec eux — pour dire que les niveaux d'épargne aux États-Unis doivent s'élever et que le niveau actuel d'épargne et d'accumulation de la dette à ces taux est insoutenable. C'est pourquoi, lorsque l'on envisage la situation du point de vue mondial, si des épargnes plus importantes risquent de se traduire par un ralentissement de la consommation aux États-Unis, on aimerait qu'une partie de cette consommation soit rattrapée ailleurs dans l'économie mondiale.

    Pour revenir à la productivité, je pense que l'essentiel est de ramener l'économie américaine à un rythme soutenable pour ce qui est du déficit et du taux d'endettement. Par ailleurs, ceci facilite l'investissement dans les secteurs permettant d'accroître la productivité. Il suffit d'utiliser les épargnes disponibles pour réaliser des investissements plutôt que pour consommer, et cette approche contribuerait à soutenir la croissance de la productivité aux États-Unis.

    Ce type de questions est toujours difficile à résoudre d'un point de vue contre-factuel comme je l'appelle. Les États-Unis pourraient décider de prendre des mesures sur le plan fiscal, mais bien entendu, toutes les autres choses ne seraient pas égales par ailleurs. Il pourrait en résulter une réaction de la part de la Réserve fédérale, et nous espérons qu'il en résulterait des initiatives d'orientation ailleurs dans le monde aussi.

    Donc, le scénario auquel nous en sommes arrivés suppose que ces adaptations de politique se produiront effectivement, et que l'on continuera de voir une croissance de la productivité aux États-Unis, de même qu'une reprise ici.

+-

    M. Mark Holland: Merci.

    Je vous en parle parce qu'il en a été beaucoup question et que c'est une chose qui me préoccupe. Étant donné l'ampleur de nos relations commerciales et la dynamique de ces relations, il est à mon sens important d'en comprendre les répercussions sur nous.

    J'aimerais revenir à la productivité pour un moment, et reconnaître que nous avons quelques décisions difficiles à prendre. Beaucoup de monde viennent nous faire part de leurs recommandations concernant l'orientation qu'il conviendrait de prendre pour stimuler la croissance relativement lente de nos niveaux de productivité.

    Je reconnais qu'il est toujours dangereux de s'aventurer sur le terrain de la politique fiscale — il suffirait de demander à Alan Greenspan ses impressions concernant sa décision d'approuver les réductions d'impôt — mais je me demande si vous ne pourriez pas nous faire quelques commentaires, monsieur Dodge et monsieur Jenkins, concernant les secteurs où, selon vous, le Canada devrait se concentrer davantage pour accroître la productivité. Quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il prendre à cet égard?

º  +-(1635)  

+-

    M. David Dodge: Comme je l'ai dit auparavant, il n'y a pas de solution magique, et aucun train de politiques ou aucune politique unique ne parviendront à résoudre le problème, et l'amélioration de la productivité commence en milieu de travail. Elle se produit pièce par pièce, entreprise par entreprise, et secteur par secteur.

    Ce que nous savons, en revanche, c'est qu'il existe des principes généraux qui devraient orienter la politique, sans pour autant devenir trop spécifiques. Pour commencer, les politiques destinées à améliorer la flexibilité et à permettre l'ajustement des activités à faible productivité pour qu'elles deviennent des activités à forte productivité sont très importantes.

    Pour ce qui est de la main-d'oeuvre, cela signifie qu'il faut continuer de se concentrer sur des initiatives visant à mettre à la disposition des travailleurs une formation leur assurant une mobilité entre les entreprises, mais, tout aussi important, il faut que les entreprises se concentrent sur l'amélioration continue des compétences de leur propre personnel. Sans ces compétences permettant d'assumer des postes liés à une plus forte productivité ou à des activités à plus forte productivité, nous n'y arriverons pas, donc la qualité des compétences est très importante.

    Deuxièmement, nous savons que les nouvelles technologies vont de pair avec des investissements plus importants. Pour obtenir une nouvelle technologie, il faut réaliser de nouveaux investissements dans les machines, le matériel, le logiciel et ainsi de suite. Les politiques qui encouragent l'investissement de manière générale sont évidemment tout à fait appropriées dans ces circonstances.

    Troisièmement, nous savons que l'infrastructure publique, qu'il s'agisse des transports, des communications, ou peu importe, est très importante. Si nous pouvons produire des produits, mais sans parvenir à les mettre en marché, nous avons des problèmes. Si nous avons des travailleurs disponibles à vingt ou trente milles de distance, mais que nous ne disposons pas des moyens de transport public pour les emmener sur les lieux de travail où ils sont prêts à travailler, ce n'est pas très utile. Si nous constatons d'énormes bouchons aux frontières que les marchandises doivent franchir pour entrer ou sortir des États-Unis, ce n'est pas très utile. Si nous imposons des restrictions sur la circulation transfrontalière des compétences, ce n'est pas très utile non plus.

    Donc, nous savons qu'il existe un certain nombre d'obstacles. Nous savons aussi que l'innovation, plutôt que l'investissement pur et simple, est vraiment très importante. L'innovation se traduit de diverses manières, mais il s'agit notamment d'une disposition poussant à être toujours en train de chercher de nouvelles manières de faire les choses, d'investir dans la mise au point de nouveaux produits, et ainsi de suite. Il faut encourager cela en offrant une composante de représentation du public.

    Pour ce qui est de l'aspect fiscal, ce n'est peut-être pas le moment d'entrer dans les détails, mais certains principes très simples sont importants. Nous devrions essayer de doter notre système fiscal d'une plus large assise, et de plus faibles taux d'imposition. Les faibles taux d'imposition, les taux statutaires, sont importants, non seulement parce qu'ils facilitent la prise de mesures appropriées de la part des particuliers et des entreprises, mais aussi parce que — si nous nous plaçons du point de vue des entreprises — un faible taux d'imposition qui est inférieur au taux statutaire du compétiteur signifie que le revenu sera déclaré au Canada, et que nous pourrons l'imposer plutôt que de le voir imposer par une autre administration.

    Donc, il y a un certain nombre de points, mais j'aimerais insister sur le fait qu'il n'y a pas de recette magique et que rien ne peut remplacer l'esprit d'entreprise et l'innovation au sein de l'entreprise individuelle.

+-

    Le président: Merci, monsieur Holland.

    Madame Ambrose.

+-

    Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue au comité, monsieur Dodge et monsieur Jenkins.

    J'aimerais reprendre là où mes collègues M. Holland et M. Penson ont laissé, et dans la foulée de ce que vous venez tout juste de dire, sur l'investissement et le lien existant entre les impôts, l'innovation et la productivité, mais plus particulièrement sur l'impôt des sociétés.

    Comme vous le savez, c'est une question dont nous avons débattu. Dans le budget de l'année dernière, il y avait des réductions d'impôt pour les sociétés, mais ces réductions furent éliminées par la suite dans le budget du NPD. J'aimerais vous poser une question directe. Croyez-vous que la perte de ces réductions d'impôt a eu une incidence sur la productivité?

º  +-(1640)  

+-

    M. David Dodge: Je ne pense pas que l'on puisse jamais réaliser d'analyses suffisamment fiables pour pouvoir répondre avec certitude à cette question. Du simple point de vue analytique, j'ignore comment nous pourrions procéder.

+-

    Mme Rona Ambrose: Je vais vous poser la question autrement : êtes-vous en faveur de ce genre de réduction d'impôt... ? Vous avez parlé de la nécessité de réduire les impôts et du lien existant avec l'innovation. Vous avez également parlé d'investissement. Nous sommes en train de considérer des dépenses additionnelles et un investissement dans les machines et dans le matériel assortis de plus faibles taux d'imposition sur les sociétés. Est-ce que vous recommandez ou plutôt, est-ce que vous croyez que ce serait une bonne chose que l'on réintroduise ce genre de réduction d'impôt?

+-

    M. David Dodge: Comme je l'ai déjà mentionné, les analyses effectuées sur une certaine période de temps et d'un pays à l'autre montreront que le système fiscal le plus efficace est celui qui comporte les taux d'imposition les plus faibles et la plus large assiette fiscale. Ne l'interprétez pas comme un commentaire d'appréciation sur le niveau approprié de recettes fiscales générées, mais plutôt comme un commentaire sur la structure pertinente. C'est ce qui vient en premier.

    Deuxièmement, en ce qui a trait à l'impôt des sociétés, ce que nous savons pertinemment, et ce n'est pas pour dénigrer notre agence du revenu, c'est que si nous souhaitons que les recettes des sociétés soient déclarées dans ce pays, et si nous voulons inciter les entreprises à déclarer ces revenus au Canada, le moyen d'y parvenir consiste à instaurer un taux d'imposition un peu plus bas — un taux qui serait une combinaison du taux d'imposition fédéral et provincial — plutôt que le taux fédéral-États de l'impôt aux États-Unis. C'est comme ça que l'on maximise les recettes.

+-

    Mme Rona Ambrose: Et maintenant, voici l'autre question que je voulais vous poser sur ce que vous avez avancé. En ce qui concerne la notion de l'investissement étranger direct, vous semblez suggérer que nos taux d'imposition des sociétés sont actuellement un obstacle à la mobilité du capital.

+-

    M. David Dodge: Non, je ne suis pas sûr du tout que ce soit le cas. L'attractivité d'un investissement dépend de beaucoup de facteurs. Le taux d'imposition sur un éventuel revenu est seulement l'un d'entre eux. Il s'agit d'un facteur, mais seulement d'un parmi d'autres. Je pense qu'il faut examiner, de façon générale, le climat d'investissement ici au Canada, à la fois en ce qui concerne nos propres entreprises et les entreprises étrangères.

+-

    Mme Rona Ambrose: J'ai une dernière question concernant l'assurance-emploi. Je suis d'accord avec vous, et je pense que beaucoup d'économistes le sont aussi, comme quoi cette assurance est à la fois un obstacle et une aide. Il y a du bon et du mauvais. D'après ce que je comprends, vous avez une connaissance très étendue de la question. Aussi, tout bien pesé, s'agit-il d'un obstacle ou d'une aide?

+-

    M. David Dodge: Dans certains cas, il s'agit davantage d'un obstacle que d'une aide, mais dans d'autres, c'est clairement une aide plutôt que le contraire. Je pense que l'on peut signaler des particularités du système ayant tendance à devenir davantage des obstacles que des aides, et que l'on peut tout aussi bien trouver des aspects qui sont des aides plutôt que l'inverse.

+-

    Mme Rona Ambrose: Je sais qu'il existe un accord sur le commerce intérieur de même que sur d'autres questions entourant la mobilité de la main-d'oeuvre, mais plus précisément sur la mobilité de la main-d'oeuvre, voyez-vous le système actuel comme un obstacle ou comme une aide, tout compte fait?

+-

    M. David Dodge: Je le répète, il est très difficile de répondre de façon définitive. Tout dépend de l'endroit où se trouve le déséquilibre. De façon générale, si nous prenons des travailleurs raisonnablement compétents, alors le régime a tendance à devenir une aide parce qu'il offre la possibilité aux travailleurs d'obtenir un soutien financier lorsqu'ils se déplacent physiquement ou encore lorsqu'ils décident d'améliorer leurs compétences en vue d'occuper un nouvel emploi.

    Mais soyons très clairs. Dans certains cas, ce régime ne favorisera pas la mobilité. Et ces cas ont tendance à être très difficiles. Et il est vrai que nous devons affronter ces questions difficiles. J'ai mentionné tout à l'heure le secteur du papier. Ce secteur comporte des usines éparpillées en divers endroits, et le coût de la mobilité des travailleurs de ces usines peut se révéler très élevé parce que les villes en viennent tout simplement à fermer. C'est une situation très difficile, malgré le programme d'assurance-emploi.

º  +-(1645)  

+-

    Mme Rona Ambrose: Est-ce qu'il me reste du temps?

+-

    Le président: Oui, encore une minute.

+-

    Mme Rona Ambrose: J'ai une autre question directe au sujet de l'impôt.

    J'aimerais bien connaître votre opinion sur le sujet, et je le répète, c'est en rapport avec le lien existant entre les impôts et la productivité et l'innovation. Pensez-vous que le taux d'imposition du revenu des particuliers a quelque chose à voir avec l'innovation et la productivité?

+-

    M. David Dodge: C'est très difficile de répondre de manière générale. On peut considérer l'ensemble de la planète et s'apercevoir que des pays très forts sur le plan de l'innovation ont également des taux d'imposition élevés, et que d'autres pays très innovateurs ont quant à eux des taux d'imposition très bas. Donc, en un sens, c'est plus difficile de donner une réponse générale que pour l'impôt des sociétés, parce que l'on ne se trouve pas à comparer des choses comparables.

+-

    Mme Rona Ambrose: Je pensais à l'exemple de la Suède. Si j'ai bien compris, ce pays enregistre une productivité très élevée. Il a aussi de faibles taux d'imposition des sociétés, et des taux d'imposition des particuliers élevés. Alors, je me demandais si vous pourriez... mais je comprends ce que vous voulez dire.

+-

    M. David Dodge: La Suède est un exemple de pays où les taux d'imposition du revenu des particuliers sont très innovateurs. Le Danemark en est un autre. En revanche, si vous regardez ce qui se passe en Irlande, on constate que les Irlandais ont réussi tout en pratiquant des taux d'imposition du revenu des particuliers très bas. Je ne pense pas que l'on puisse généraliser très facilement, parce qu'il existe tellement d'autres variables que seulement les taux d'imposition.

+-

    Mme Rona Ambrose: Je vais vous poser une autre question sur l'impôt, seulement pour ajouter une autre variable à l'équation.

    Pourriez-vous faire quelques commentaires sur les charges sociales, sur leur effet sur la productivité et sur la croissance de l'emploi?

+-

    M. David Dodge: Dans ce cas aussi, tout dépend du niveau. Évidemment, dans les pays où les charges sociales sont très élevées — et là, je pense davantage aux pays du continent européen — elles ne contribuent pas vraiment à stimuler l'emploi. En réalité, elles ont été plutôt nuisibles à la stimulation de l'emploi. Que l'on considère l'OCDE, que l'on considère l'analyse du FMI, que l'on participe à toutes les réunions où nous sommes conviés, il est tout à fait clair qu'à ce niveau, et étant donné le degré d'immobilité qu'elles imposent, elles sont extraordinairement élevées.

    Si on regarde le Canada, nous sommes en réalité un pays où les charges sociales sont relativement peu élevées. Nous n'avons pas compté excessivement sur les charges sociales pour financer les prestations. Donc, je pense que ce serait très difficile dans le cas du Canada, étant donné que nous nous situons dans la tranche inférieure des pays à revenu intermédiaire pour ce qui est des charges sociales, de dire si ces charges ont eu un effet stimulant ou décourageant pour la croissance de la productivité.

+-

    Le président: Merci, madame Ambrose.

    Monsieur Côté, et ensuite madame Boivin.

[Français]

+-

    M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci d'être ici, monsieur Dodge et monsieur Jenkins. Il y a environ un an, vous avez mentionné que l'inflation était une grande préoccupation pour la Banque du Canada. Compte tenu du fait que l'on se rapprochait de la limite supérieure de votre fourchette de 1 p. 100 à 3 p. 100, je vous ai alors demandé si la Banque du Canada avait l'intention de la réviser.

    Aujourd'hui, environ un an plus tard, on a assisté à une augmentation de un point du taux d'intérêt. On en est maintenant à la limite supérieure de cette fourchette. Aujourd'hui, je vous pose encore la même question à savoir si cette fourchette de 1 p. 100 à 3 p. 100 est toujours valable? Si oui, pourquoi? Si non, avez-vous l'intention de la réviser.

    Une autre question que je vous posais l'année dernière concernait la force du dollar canadien par rapport au dollar américain. À ce moment-là, vous mentionniez que c'était une grande préoccupation de la Banque du Canada. Vous comprendrez que si un dollar canadien fort peut avoir certains avantages par rapport aux exportations et à la compétitivité de nos entreprises sur le marché externe, cela peut avoir, par contre, certaines conséquences qui font en sorte que nos entreprises deviennent moins productives. Je fais le lien ici avec le thème qui nous préoccupe aujourd'hui.

    Donc, un an plus tard, le dollar canadien est toujours à un niveau très élevé. Qu'est-ce qui s'est fait depuis un an à l'échelle de la Banque de Montréal? Est-il temps de réviser la fourchette?

º  +-(1650)  

+-

    M. David Dodge: Je n'ai pas compris la dernière question.

+-

    M. Guy Côté: Avez-vous l'intention de réviser la fourchette de 1 à 3 p. 100? Est-ce toujours votre objectif?

+-

    M. David Dodge: Je vais commencer et ensuite, je passerai la parole à Paul.

    Comme vous le savez, l'an prochain, nous devons renouveler notre accord sur l'inflation avec le gouvernement fédéral. Donc, en ce moment, nous sommes en train de faire des recherches à la banque concernant tous les aspects de notre accord avec le gouvernement. Pour l'instant, il est trop tôt pour se prononcer. Il est important de rappeler que nous sommes deux dans cet accord. Ce n'est donc pas seulement à nous de prendre une décision.

    Nous avons fait quelques recherches et nous sommes en train d'en faire d'autres. Nous avons eu quelques conférences ici. Tout le monde avait beaucoup d'intérêt pour cette question. Je suis certain que nous serons prêts en 2006 pour nos discussions avec le gouvernement.

    Je peux peut-être demander à Paul Jenkins de dire quelques mots au sujet de nos recherches.

+-

    M. Paul Jenkins: Comme vous l'avez mentionné, monsieur Côté, nous avons une fourchette de 1 à 3 p. 100 en ce qui concerne le taux de croissance du IPC global.

    Je veux souligner que la politique monétaire continuera d'être axée sur le maintien d'un taux d'inflation de 2 p. 100. Comme je l'ai mentionné cet après-midi, il est crucial d'avoir des ententes pour un taux d'inflation axées sur notre cible de 2 p. 100.

    Dans le contexte de notre cadre d'application de la politique monétaire, c'est le taux d'inflation qui représente l'objet, et non le dollar. Nous avons un cadre avec un taux de change flexible. En même temps, il est toujours très important d'analyser les raisons qui expliquent les fluctuations du dollar. C'est pourquoi dans la mise à jour du rapport en janvier, nous avons présenté notre analyse concernant les deux types de mouvements du dollar, le type 1 et le type 2, et l'importance de l'impact des différents types de mouvements du dollar sur l'économie.

    Donc, en réponse à votre question, je dirai que oui, c'est encore 2 p. 100. Cependant, il est important d'analyser les fluctuations du dollar dans le contexte de ce cadre.

+-

    Le président: Merci, monsieur Côté.

    Madame Boivin.

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue, messieurs. C'est un honneur pour moi. J'en suis à mes premières réunions au Comité permanent des finances. J'ai enfin la chance d'entendre ce que vous avez à dire. Au cours des années précédentes, je suivais cela un peu comme tous les Canadiens qui nous écoutent et qui doivent parfois se demander quel langage on emploie, car c'est très technique.

    J'ai été heureuse d'entendre le premier ministre parler, dans le cadre de son discours aux hauts fonctionnaires, d'une question qui me préoccupe, soit l'évolution démographique. En effet, beaucoup de gens nous font part du fait que nous sommes une population vieillissante. Ce n'est pas simplement un phénomène que l'on ressent ici, au Canada, mais un phénomène qui affectera tout le monde économique, à l'interne comme à l'externe.

    Je suis curieuse de savoir quelle est votre opinion à ce sujet. Quel effet cette évolution démographique va-t-elle avoir sur notre croissance économique et sur la politique monétaire de la Banque du Canada? Vous pourriez peut-être nous entretenir à ce sujet.

    Également, s'il reste du temps, j'aimerais vous poser la question suivante. Dans le sommaire de votre rapport, vous dites, en ce qui a trait aux faits saillants, que l'économie canadienne semble fonctionner aux limites de sa capacité. 

    Comme je suis une personne très optimiste qui ne croit jamais qu'on est au bout de ses limites, j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi nous serions aux limites de nos capacités.

º  +-(1655)  

+-

    M. David Dodge: Je répondrai à la première question et je passerai la parole à Paul Jenkins pour qu'il réponde à la deuxième.

    Le vieillissement de la population aura comme conséquence la réduction de notre taux de croissance, de notre potentiel futur, à cause de la diminution de la population active. Cela commencera vers la fin de la prochaine décennie.

    Actuellement, nous estimons que la population active croît probablement dans une proportion de 1,2 ou 1,3 p. 100 par année. Au milieu de la prochaine décennie, cette proportion sera peut-être de 0,2 ou 0,3 p. 100. Au début des années 2020, le bilan sera probablement négatif, mais peut-être pas. Cela dépendra de l'âge de la retraite et de toutes sortes d'autres facteurs. Mais ce sera probablement de cet ordre.

    Ainsi, pour garder un potentiel plus fort, il est extrêmement important que notre productivité s'accroisse, dans le futur. D'où l'accent que nous avons mis sur la productivité.

    Quant à la politique monétaire, notre but est de faire en sorte que la croissance de l'économie soit toujours à son plein potentiel. Ainsi, l'inflation restera à 2 p. 100. C'est notre but. Si nous réussissons à maintenir une meilleure productivité, notre potentiel continuera de s'accroître; sinon, il y aura un problème éventuel à garder une économie ascendante. C'est donc extrêmement important.

    Comment faciliter cette augmentation de la productivité? Ça, c'est autre chose. Dernièrement, le vieillissement de la population a eu des répercussions importantes sur les marchés financiers, puisque non seulement les fonds de pension mais toute la capacité d'épargner deviennent extrêmement importants sur le plan de l'économie. Cela a aussi des effets graves pour les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, en raison des pressions à venir sur les dépenses. Or, il faut se préparer à cette situation.

    Quoi qu'il en soit, je cède la parole à Paul Jenkins afin qu'il réponde à votre deuxième question.

»  +-(1700)  

+-

    M. Paul Jenkins: Il s'agit d'une excellente question.

    D'abord, comme vous l'avez mentionné, un des faits mentionnés dans notre rapport est que l'économie canadienne semble fonctionner aux limites de sa capacité. C'est un jugement du conseil de direction de la Banque du Canada.

    La capacité de fonctionner est une mesure très importante parce que si l'économie est à un niveau plus haut que le potentiel, il y aura des pressions sur le taux d'inflation. À l'inverse, si l'économie atteint un niveau en dessous du potentiel, il y aura des pressions à la baisse sur le taux d'inflation. C'est donc une mesure très importante.

    En même temps, il y a beaucoup de jugements relatifs à l'économie mondiale, et la situation globale est le facteur le plus important en ce qui concerne la politique monétaire. De plus, on analyse plusieurs indicateurs et on présente, dans le rapport, les différents indicateurs. C'est un jugement qui, après une analyse de tous les indicateurs, représente la décision du conseil de direction. Par exemple, la banque fait une enquête sur les perspectives des entreprises. À chaque trimestre, on discute avec les entreprises dans toutes les provinces des pressions sur leurs capacité de production. C'est là un des indicateurs, il y en a d'autres, qui font l'objet de publications de Statistique Canada.

+-

    Mme Françoise Boivin: Lorsque vous dites que l'économie canadienne semble fonctionner aux limites de sa capacité, est-ce que cela veut dire, au moment où on se parle et lorsque vous faites la vérification, que nous n'y pouvons rien?

+-

    M. Paul Jenkins: En fait, c'est un jugement qui représente un élément donc nous tenons compte dans notre décision concernant la politique monétaire. Comme le gouverneur l'a mentionné, ce qui est crucial, c'est l'inflation à venir. Donc, si l'économie est près de sa capacité maximale en ce moment, il y a un risque que le taux de croissance soit plus vigoureux et, donc, qu'il y ait une augmentation du taux d'inflation.

+-

    Mme Françoise Boivin: Est-ce qu'il me reste un peu de temps? Étant donné qu'il n'y a pas de conservateurs ici, je pourrais peut-être prendre leur temps.

+-

    Le président: Non, je regrette.

    Mme Minna.

[Traduction]

+-

    L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais vous entraîner sur un terrain un peu différent. Je suis heureuse de vous entendre dire que les charges sociales au Canada sont relativement moindres que ce que beaucoup pourraient croire. On entend sans cesse les gens se plaindre qu'elles sont très élevées.

    On parle aussi énormément des impôts, et certains aspects semblent suggérer qu'ils sont la seule solution à la question de la productivité. Je ne dis pas qu'ils ne comportent aucun avantage, mais il y a d'autres aspects, bien entendu, ayant trait notamment au capital humain -- les compétences, l'instruction, l'école à un âge précoce, une main-d'oeuvre qualifiée -- et les obstacles interprovinciaux, j'imagine, ont une certaine incidence sur ces aspects.

    J'aurais voulu vous entraîner sur un autre terrain, qui vous paraîtra peut-être inhabituel, mais il nous a été suggéré auparavant par d'autres témoins alors que nous abordions des questions concernant davantage les femmes. Je me demande si la banque a effectué quelque analyse que ce soit de l'impact sur la productivité du fait de n'avoir pas réalisé d'analyse comparative entre les sexes sur les femmes ou du fait de n'avoir pas la maximisation adéquate de la participation des femmes à la population active, pour ce qui est de diverses situations fiscales, le travail à temps partiel, l'incapacité d'accomplir certaines choses, et l'incidence de la politique sur elles.

+-

    M. David Dodge: Je ne pense pas que nous ayons effectué quoi que ce soit en ce sens récemment.

+-

    M. Paul Jenkins: Bien entendu, nous examinons les taux de participation selon le sexe et l'âge afin de mieux comprendre ce que regroupe le taux de participation global. Donc, par exemple, nous examinon le taux de participation des femmes adultes, nous examinons les tendances à cet égard, et c'est un facteur que nous incluons dans nos analyses de ce que représente le taux de participation global. Mais c'est à ce niveau; ce n'est pas à un niveau microéconomique, si vous voulez. Mais c'est un domaine où nous analysons les facteurs à l'origine des tendances, selon le sexe et selon l'âge.

»  +-(1705)  

+-

    L'hon. Maria Minna: Ce serait utile si la banque effectuait des études, peut-être de concert avec le ministère des Finances, des études qui porteraient sur le fait que nous ne disposons pas d'une bonne analyse comparative selon le sexe de nos politiques dans ce pays. Je soupçonne que cela pourrait avoir une incidence sur la mesure dans laquelle les politiques influent sur les femmes de la population active, et je pense que cela influe également sur le taux de productivité. Je ne dispose d'aucunes données; je n'ai pas d'étude non plus sur laquelle m'appuyer. Mais j'aimerais beaucoup qu'une étude semblable voie le jour. Je pense qu'il serait utile à ce pays de voir où, parce que nous savons que des facteurs ont une incidence sur la productivité... Nous examinons des aspects comme la qualité de l'infrastructure, la production de bons réseaux routiers et tout ce qui s'y rapporte, et la main-d'oeuvre, les compétences professionnelles, et ainsi de suite. La liste est longue. Je pense que nous avons déjà abordé ces questions auparavant.

    On dirait qu'il y a une sorte de zone grise que l'on a tendance à éviter, et je me demande si vous seriez intéressé à vous attaquer à une tâche semblable, monsieur Dodge.

+-

    M. David Dodge: Essentiellement, comme vous l'a mentionné Paul, nous effectuons nos analyses au niveau macroéconomique. Nous apportons une attention particulière à ce que font les autres pays, et nous effectuons des comparaisons. Je pense que récemment nous avons travaillé sur la participation des travailleurs âgés, nous avons tenté de déterminer quelles étaient les tendances à cet égard, tant pour les hommes que pour les femmes.

+-

    L'hon. Maria Minna: Je comprends ce que vous faites. Je voulais parler, par exemple, du fait que les femmes prestataires de l'AE sont incapables de tirer parti de l'ensemble du système. C'est-à-dire que vous pourriez examiner la situation des femmes, pour ce qui est de l'utilisation, de la maximisation du potentiel des femmes dans la population active, étant donné les impacts négatifs que certaines politiques ont sur elles pour ce qui est des taux de pauvreté, du logement, des compétences, du niveau d'instruction, et ainsi de suite, et des répercussions de ces facteurs.

    Je sais que nous essayons d'obtenir du gouvernement qu'il effectue une analyse comparative selon les sexes de nos politiques et certainement de notre budget, mais comme nous parlons de productivité, je pense que c'est là un aspect important que nous laissons de côté. Il faut le prendre en compte, de même que tous les autres éléments que nous sommes en train d'évaluer.

+-

    M. David Dodge: Cela vaut la peine d'y réfléchir.

+-

    L'hon. Maria Minna: C'est un défi, j'en suis bien consciente.

+-

    M. Paul Jenkins: Mais c'est une question importante.

+-

    Le président: Monsieur Paquette, madame Wasylycia-Leis, monsieur McKay, et puis nous ferons la récapitulation.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais vous poser une question concernant la productivité. Je suis assez méfiant lorsqu'on en parle, parce qu'on en fait habituellement porter la responsabilité aux travailleurs et travailleuses. La productivité du travail, c'est ce qu'il y a de plus facile à mesurer.

    On sait que l'investissement demeure une source importante dans la croissance de la productivité. Or, on constate que la part des profits dans le revenu national est nettement au-dessus de la moyenne historique, qui est de 10 p. 100. Pourtant, il ne semble pas y avoir, sur le plan des investissements, une croissance phénoménale.

    Comment expliquez-vous, même si vous dites que l'investissement est vigoureux, que...? Ils ont de l'argent, et ce, sur plusieurs trimestres. J'ai rarement vu cela. Je m'attends à de bonnes négociations dans le secteur privé au cours des prochains mois. On sait toutefois qu'il y a eu de meilleures années en ce qui a trait aux négociations. Les profits sont donc au rendez-vous. Alors, comment se fait-il que la croissance de l'investissement soit de moins de 1 p. 100? Vous dites que c'est vigoureux, mais cela demeure quand même, à mon avis, insuffisant pour relever le défi auquel vous faisiez allusion tout à l'heure concernant la productivité.

+-

    M. David Dodge: Je donnerai une réponse très courte. Nous sommes surpris du niveau des profits au Canada, mais c'est exactement la même chose aux États-Unis, au Japon, en Grande-Bretagne et en Europe. Il y a des variations dans la zone euro, mais c'est plutôt exactement la même chose.

    Pourquoi le niveau d'investissement est-il si bas, si on considère les taux d'intérêt, le niveau de profit, la liquidité dans toutes les économies et le fait qu'il y a beaucoup d'économies et de secteurs, dans les économies mondiales, qui fonctionnent presque aux limites de leurs capacités? On se demande pourquoi. Y a-t-il des facteurs spéciaux? Il y a des spéculations.

    Je crois qu'en Amérique du Nord, il y a au moins un facteur, et je n'en connais pas exactement l'importance. Les conseils d'administration des corporations sont préoccupées par des choses légales, de nouvelles conventions de gouvernance, des nouvelles demandes de reddition de comptes. Toutes ces choses prennent beaucoup de temps aux directeurs. Il est impossible de voyager au Canada — et encore moins aux États-Unis — sans entendre dire que les directeurs et les PDG passent trop de temps à se protéger des recours en justice, etc., et pas assez à se concentrer sur les affaires. Cela nous surprend, et nos équations ne prévoyaient pas un niveau d'investissement aussi bas que celui d'aujourd'hui.

»  +-(1710)  

+-

    M. Paul Jenkins: C'est un phénomène très intéressant. Il est difficile d'analyser tous les facteurs.

    Nous avons discuté aujourd'hui du fait que la productivité a été, grosso modo, stable pendant trois ans. Au cours de la même période, le taux d'emploi a crû très rapidement. Maintenant que l'économie a presque atteint sa limite, les taux de croissance salariale commenceront peut-être à augmenter un peu plus rapidement, en même temps que l'investissement.

    On prévoit qu'en 2006-2007, le taux d'investissement sera plus vigoureux qu'en 2004-2005. On pense qu'en raison de la dynamique actuelle de l'économie, l'investissement deviendra plus vigoureux, et ce, plus rapidement.

+-

    M. Pierre Paquette: Vous avez terminé votre présentation en disant:

Toutefois, le danger que la correction des déséquilibres économiques mondiaux puisse s'accompagner d'une période de faible expansion à l'échelle internationale s'accentue à partir de 2007.

    J'imagine que vous pensez au déficit budgétaire américain, sur le plan de la balance commerciale, et à la Chine aussi.

    En même temps, vous dites dans le sommaire:

À la lumière de sa projection, la Banque estime qu'il faudra encore réduire le degré de détente monétaire.

    C'est peut-être valable pour 2006, mais d'après ce que vous dites, il est loin d'être garanti que la croissance se poursuivra en 2007.

    Comment conciliez-vous ces deux affirmations?

»  +-(1715)  

+-

    M. David Dodge: C'est une bonne question. Il est difficile pour nous de porter des jugements. Il est important de tenir compte des risques, même s'ils ne sont pas très grands. Selon notre scénario de référence, nous estimons actuellement que le taux de croissance moyen sera d'environ 4 p. 100 en 2007, ce qui est assez fort. Cependant, les risques demeurent.

    Pour cette raison, nous devons procéder avec soin, en analysant toujours les risques d'un ralentissement global en 2007. Nous avons mentionné ces risques pour indiquer que nous devrons être rigoureux, au printemps et à l'été 2006, dans l'application de notre politique monétaire. Il y a bel et bien des risques, et nous en sommes très conscients.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Paquette.

    Madame Wasylycia-Leis et ensuite, monsieur McKay.

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais revenir à la question de l'inflation et de la nécessité de modifier les taux d'intérêt des banques. Il me semble, d'après tout ce que vous avez dit, que nous nous trouvions toujours dans les limites acceptables de l'inflation de base. Si on regarde l'indice d'ensemble, sans les huit composantes volatiles telles qu'elles sont définies par la Banque du Canada, l'indice est demeuré stable. L'augmentation sur 12 mois a été de 1,7 p. 100, soit moins que la cible prévue de 2 p. 100.

    Alors, je vous pose la question encore une fois sur ce point particulier. Considérant que certains prévisionnistes nous ont suggéré hier, lors de notre réunion sur les prévisions financières, que la valeur élevée du dollar aurait pour effet d'exercer une pression à la baisse sur la demande intérieure en encourageant les importations, ce qui aurait pour effet d'accentuer les tendances inflationnistes, y a-t-il une possibilité d'aller dans l'autre direction, par opposition à la possibilité d'assister à une hausse de l'inflation? C'est une de mes questions.

    Ensuite, pour revenir à la question du secteur de la fabrication, j'aimerais que vous élaboriez un peu plus sur ce point, parce que vous avez reçu, tout comme nous, le document du CTC à cet égard dans lequel le Conseil suggère ce qui suit:

... il semblerait approprié que la Banque demeure accommodante afin de ne pas ajouter des tensions relatives au taux de change et d’aider à maintenir un marché du travail facilitant l’adaptation à un nouvel emploi des personnes qui ont eu le malheur de perdre leur emploi.

    Il poursuit en affirmant: « Nous remettons en question le taux élevé d’utilisation de la capacité physique qui a été invoqué pour justifier une majoration du taux ».

    Dans le contexte de l'économie mondialisée, est-ce que la réaction politique appropriée ne devrait pas être de stimuler l'investissement plutôt que de le décourager en élevant les taux d'intérêt? En fin de compte, je me demande toujours si nous ne faisons pas plus de tort que de bien, et si nous ne sommes pas en train de créer une prophétie qui s'exauce autour de la faible productivité.

+-

    M. David Dodge: Prenons l'exemple du secteur de la fabrication, et je vais demander ensuite à Paul de répondre aux aspects plus généraux de la question.

    Lorsque l'on envisage l'avenir d'ici deux ou trois ans, et à moins qu'il n'y ait des changements majeurs dans le développement dans le monde, changements qui ne semblent pas se profiler à l'horizon, je pense qu'il est indubitable que l'on ne devrait pas s'attendre à ce que beaucoup de parties du secteur de la fabrication -- pas sa totalité, mais seulement des parties -- ne connaissent pas une adaptation très difficile. Cela ne va pas manquer de se produire, notamment parce que nous allons finalement devoir affronter la concurrence de l'Asie, et aussi parce que la demande est faible à l'échelle mondiale dans certains secteurs où nous sommes de gros producteurs -- je pense au papier, par exemple.

    Enfin, c'est parce que si on prend une industrie comme l'automobile et les pièces, qui est un secteur extraordinairement important pour nous, on constate un surplus à l'échelle mondiale, et même si certaines de nos usines et si certains de nos fabricants de pièces produisent soit des modèles ou des pièces à la fine pointe de la technologie et connaissent une très forte demande, il reste que ce n'est pas le cas pour tous. Donc, dans certaines industries où les perspectives à moyen terme ne sont pas très reluisantes, nous allons devoir apporter des ajustements, et l'investissement qui sera consenti dans ces industries devra viser largement à accroître la productivité plutôt qu'à accroître la production.

»  +-(1720)  

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis: Donc, vous ne pensez pas que la montée du taux d'intérêt aurait pour effet d'entraîner une pression à la hausse sur le dollar canadien, et que cette hausse entraînerait à son tour une pression à la baisse plus marquée sur le secteur de la fabrication?

+-

    M. David Dodge: Comme nous l'avons mentionné auparavant -- et cette fois, je vais céder la parole à Paul, parce que votre question nous entraîne sur ce terrain -- en fait, nous traversons une période, plutôt inhabituelle, pendant laquelle nos taux d'intérêt, à court et à long terme, sont bien en deça de ceux qui sont pratiqués aux États-Unis. Évidemment, par rapport aux États-Unis, notre politique monétaire accommodante joue en ce moment dans l'autre sens. Mais je pense que nous devons vraiment nous montrer très conscients du fait que, pour ancrer ces taux sur cinq ans et dix ans, qui sont d'une importance réelle pour l'investissement, beaucoup plus importants que le taux du financement à un jour en matière d'investissement, nous devons avoir une confiance raisonnable que nous ferons le nécessaire à court terme pour nous assurer de freiner l'inflation à l'avenir.

    Maintenant, je vais laisser Paul prendre la relève, parce que nous en venons à votre première question.

+-

    M. Paul Jenkins: Mon premier point, c'est que notre cible en matière d'inflation vise l'IPC global. Nous considérons effectivement que l'indice de référence est un indicateur important parce qu'il permet de ventiler les composantes volatiles, qui se retrouvent historiquement dans l'énergie et l'alimentation. Bien entendu, nous assistons aujourd'hui à une augmentation échelonnée des prix de l'énergie, augmentation qui devrait se maintenir durant un certain temps, parce qu'elle reflète le fait que nous sommes en présence d'une très forte demande pour les produits énergétiques. À vrai dire, nous commençons à ressentir une certaine répercussion de ces prix élevés de l'énergie dans des éléments de l'indice de référence.

    C'est le premier point, c'est-à-dire que l'IPC global qui nous préoccupe et ces augmentations des prix de l'énergie ne semblent pas vouloir être temporaires; ils semblent au contraire vouloir s'installer de façon plus permanente. Il est vrai, comme vous l'avez mentionné, que nous commençons à voir des compensations dans certains domaines. Nous commençons à entrevoir quelques signes, même s'ils ne sont pas très évidents, des effets du taux de change sur les prix. Mais de fait, il s'agit comme je l'ai déjà dit, d'un phénomène mondial et la soi-disant répercussion des mouvements de taux de change sur les prix est vraiment très minime.

    Là où nous enregistrons une incidence plus marquée, d'un point de vue mondial, c'est sur les prix des marchandises échangées, et cela nous ramène à la question de la compétition avec la Chine. Si on considère l'IPC global, et si on commence à le ventiler, on peut voir certains domaines où la pression concurrentielle, particulièrement sur les prix de ces marchandises échangées, entraîne un mouvement à la baisse sur les prix; nous avons abordé cette question en détail dans notre rapport. Mais par ailleurs, nous constatons des pressions à la hausse dans des domaines comme l'énergie, et nous avons établi un lien entre ce phénomène et le fait que l'économie fonctionne à pleine capacité, ce qui commence à montrer des signes dans d'autres pressions sur les prix dans toutes les sphères de l'économie.

+-

    Le président: Merci, madame Wasylycia-Leis.

    Monsieur McKay.

+-

    L'hon. John McKay: Merci, monsieur le président.

    Comme il n'y a pas d'autres questions de la part des membres du Bloc et des Conservateurs, j'aimerais faire un commentaire et poser une question.

    Je pense qu'il est juste d'affirmer qu'un allègement fiscal est de façon disproportionnée favorable aux femmes se situant dans les tranches de revenu inférieur que pour celles se situant dans les autres tranches. Autrement dit, comme il y a davantage de contribuables qui sont des femmes, tout allègement fiscal pour ces tranches de revenu est par conséquent favorable aux femmes de façon asymétrique. Je pense que c'est exact. Je voulais seulement ajouter ceci à la conversation que vous avez eue tout à l'heure.

    Les économistes que nous avons entendus hier se sont montrés, à mon avis, beaucoup plus optimistes en ce qui concerne les perspectives pour l'économie canadienne que vous ne l'êtes. Ils voyaient le PIB en particulier, soit le PIB aux prix de base et le PIB corrigé en fonction de l'inflation, un peu plus élevé que vous ne le faites vous-mêmes. Je me demande si vous avez eu l'occasion d'examiner ces analyses. Pourriez-vous nous expliquer quelle est la principale divergence entre leur analyse et ce que vous nous présentez aujourd'hui?

»  +-(1725)  

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    M. David Dodge: J'ignore de quoi exactement ils vous ont parlé hier. Évidemment, nous surveillons de près les analyses publiées par les économistes du secteur privé. Il se pourrait que nous ayons brossé un tableau un peu plus sombre de l'année prochaine, mais je ne crois pas que les différences soient très importantes.

    Paul, pouvez-vous répondre à cette question?

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    M. Paul Jenkins: Pour ce qui est des taux de croissance, ils ne sont pas si différents que cela. Notre scénario de référence a été établi en fonction des Consensus Forecasts, c'est-à-dire des prévisionnistes du secteur privé, et je pense... Je le répète, je ne sais pas exactement ce qui vous a été présenté, monsieur McKay, et je soupçonne que notre révision légèrement à la baisse des résultats anticipés pourrait être une des différences. Par ailleurs, de façon plus générale en ce qui concerne notre projection pour 2007 sur ces questions internationales, je ne suis pas sûr, concernant les analyses de risques que les économistes du secteur privé ont examinées, s'ils ont tous extrapolé à partir de leurs prévisions pour tenir compte de ces questions. Comme le gouverneur l'a mentionné, ce sont les risques que l'on encourt en donnant un aperçu, et particulièrement lorsque l'on projette jusqu'en 2007 et au delà. Je ne suis pas certain que les économistes du secteur privé qui sont venus témoigner devant vous ont projeté leurs prévisions jusqu'en 2007 et au delà, ou encore s'ils se sont contentés de voir jusqu'en 2005 et 2006, mais pour ces deux années, les chiffres ne sont pas tellement différents.

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    L'hon. John McKay: Merci.

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    Le président: J'aurais deux ou trois petites questions à poser.

    J'aimerais revenir aux principes fondamentaux. D'après ce que je comprends, si nous élevons les taux d'intérêt, est-ce que nous ne risquons pas de favoriser l'investissement étranger au pays? Ces investissements seront réalisés dans des produits à rendement élevé, même des produits générant de faibles taux d'intérêt comme les dépôts à terme, et cette situation entraînera à son tour une demande pour notre dollar, n'ai-je pas raison? Vous n'avez pas besoin de répondre. C'est ainsi que je le comprends. Et alors, si les projections des banques sont même légèrement à côté -- et si les prévisions de certains autres économistes nous disent qu'ils s'attendent à un dollar à 90 cents d'ici la fin de l'année prochaine -- est-ce que nous ne nous préparons pas des moments difficiles en élevant les taux d'intérêt?

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    M. David Dodge: Tout d'abord, l'incidence des taux d'intérêt sur les taux de change dépend de taux d'intérêt et d'anticipations relatifs à la hausse, plutôt que d'absolus.

    Par exemple, le fait que notre taux soit actuellement de 75 points de base inférieur à celui des Américains à court terme, par comparaison avec un certain nombre d'années, comme 2003 et 2004, alors que notre taux était de plus de 100 points supérieur à celui des Américains à court terme, toutes choses étant égales par ailleurs -- et c'est là que le bât blesse -- devrait signifier qu'en fait notre dollar subira une pression moins forte en raison de la politique monétaire que ce que nous avons connu il y a deux ou trois ans. Et cela est vrai même si le dollar est plus fort, et que cela s'explique par des raisons totalement étrangères à la politique monétaire. Je ne pense pas que l'on puisse faire une analyse aussi simple que celle que votre question semble suggérer.

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    Le président: Donc, vous dites qu'une faible hausse du taux d'intérêt n'encouragerait pas d'investissements étrangers additionnels parce qu'il serait trop bas. C'est presque sans importance.

»  -(1730)  

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    M. David Dodge: Non, l'investissement étranger, comme nous l'avons mentionné tout à l'heure, dépend d'un éventail de facteurs. Le principal, pour l'investissement étranger direct, consiste à établir si les perspectives sont bonnes de réaliser des bénéfices au Canada. Dans le cas d'un portefeuille d'investissement, tout dépend de la manière dont les possibilités cadrent avec la réalité.

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    Le président: Je suppose que la question se pose de la même manière que lorsque nous avons parlé de la productivité, mais à quel moment est-ce que les taux d'intérêt incitent les investissements étrangers au pays, entraînant un renforcement de notre dollar et un affaiblissement du dollar américain? Je pense que je suis en train de vous demander si...

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    M. David Dodge: Il n'y a pas de point unique. Tout ce que l'on peut dire, c'est que lorsque les taux d'intérêt sont plus bas au Canada qu'ils ne le sont aux États-Unis, cette situation a tendance à entraîner une pression à la baisse sur le dollar. Lorsque les taux d'intérêt sont plus élevés, toutes choses étant égales par ailleurs, cela aurait tendance à entraîner une pression à la hausse sur le dollar. C'est tout ce que l'on peut en dire.

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    Le président: Très bien. Une autre petite question que je me pose concerne l'élimination des déficits. Comme nous sommes en train de réduire la dette nationale, quel est l'effet sur les marchés financiers canadiens? Est-ce une bonne chose? On enregistre une diminution de la demande pour les investissements étrangers, si j'ai bien compris, de la part du gouvernement canadien.

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    M. David Dodge: Écoutez, je sais d'après notre analyse que l'effet d'avoir des finances publiques saines est très positif pour le Canada, à la fois au chapitre des taux d'intérêt que nous devons avoir dans l'économie, ce qui améliore la situation pour les propriétaires et pour tous ceux qui sont des emprunteurs, et aussi pour ce qui est de rassurer les Canadiens et les investisseurs étrangers sur la qualité de notre gestion des affaires. Très peu de pays ont réalisé autant de progrès que le Canada depuis le début des années 1990. Et aujourd'hui, très peu de pays ont une aussi bonne situation financière et sont aussi bien préparés que le Canada pour affronter le vieillissement de la population.

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    Le président: Alors, pour reformuler ce que vous venez de dire, c'est une bonne chose; mais à quel moment une bonne chose commence-t-elle à devenir trop bonne? Est-ce possible que ça se produise?

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    M. David Dodge: Est-ce qu'on peut vraiment avoir trop d'une bonne chose? Les Australiens, par exemple, n'ont pas de dette publique, et ils continuent d'afficher une forte croissance.

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    Le président: Très bien, je crois que ça répond à ma question.

    Monsieur Dodge, monsieur Jenkins, je vous remercie encore une fois d'avoir pris du temps pour venir témoigner. Nous apprécions vraiment que vous vous soyez libérés.

    Ce qui m'amène à une autre question. Concernant le rapport sur la politique monétaire, comment déterminez-vous la date à laquelle vous le publiez? Je me demandais si vous ne pourriez pas instaurer une tradition de venir le lancer devant ce comité, de sorte que nous puissions en avoir une idée de première main. Est-ce envisageable?

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    M. David Dodge: Nous le publions toujours un jeudi. C'est une contrainte matérielle. Nous ne pouvons pas le publier avant le jeudi, étant donné que nous prenons la décision concernant le taux d'intérêt le lundi. Mais si le comité tient sa réunion le jeudi après-midi, nous serions très heureux de venir vous le présenter.

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    Le président: Parfait! Je vous prends au mot.

    Merci monsieur Dodge et monsieur Jenkins. Merci encore.

    La séance est levée.