Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 018 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 31 mars 2008

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Je vous en prie, la séance est ouverte.
    Bonjour à tous. Je souhaite la bienvenue à tous. Nous amorçons une tournée pancanadienne. Nous formons le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes, et nous avons reçu le mandat de tenir des audiences consacrées à trois questions très importantes, des questions qui, nous le savons, vous intéressent, à en juger par le nombre de personnes qui veulent rencontrer le comité, et qui intéressent beaucoup de Canadiens d'un peu partout au Canada.
    D'ici le 17 avril, nous rencontrerons environ 52 groupes de témoins. Nous commençons ici en Colombie-Britannique, évidemment, et nous terminerons à St. John's, à Terre-Neuve, aux environs du 17 avril.
    Au cas où vous ne le sauriez pas, le comité est formé de députés de tous les partis représentés aux Communes. Une fois les audiences terminées, nous présenterons un rapport. Les fonctionnaires nous aideront à rédiger un rapport et à faire des recommandations au gouvernement à partir de ce que nous entendrons au sujet des trois sujets très importants qui seront abordés: les travailleurs temporaires et sans papiers, les consultants en immigration et les réfugiés irakiens.
    Avant de donner la parole aux témoins, je dois entendre un rappel au Règlement de M. Telegdi.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Mon intervention portera sur deux points.
    D'abord, comme vous l'avez dit, nous entreprenons une tournée pancanadienne. Monsieur le président, lorsque je dirigeais des audiences à titre de président, aux quatre coins du Canada, les caméras des médias étaient admises. C'est pourquoi on dit que ce sont des séances publiques. J'espère vraiment que vos explications du début ont été enregistrées, car il me semble important que les Canadiens sachent que nous nous déplaçons au Canada pour discuter de questions importantes.
    Voilà le premier point, et je voudrais que nous l'examinions avant que je ne passe au deuxième.
    Je vais consulter le greffier.
    Le greffier me dit que, si la presse est admise aux séances sur la Colline, c'est parce que ces séances sont régies par un accord qui lui permet d'y assister. J'ignore s'il aurait été nécessaire d'avoir un accord sur ce point avant d'entamer les discussions.
    Monsieur le président, j'ai déjà fait des tournées au Canada en 2003 et 2005. Les tournées visent à sensibiliser l'opinion aux problèmes. Sauf mon respect pour le greffier, il ne sait pas de quoi il parle. Ce n'est pas lui qui dirige le comité. C'est le comité qui se dirige lui-même, et il est temps que le comité en prenne conscience. Autrement, nous serions restés à Ottawa. Si nous sommes sur la route, c'est pour une raison bien précise. Au besoin, je peux proposer une motion pour que les médias puissent filmer les délibérations. Je propose cette motion.
    Ce n'est pas que la présidence refuse la présence de la presse. Le greffier m'informe que le pouvoir d'autoriser sa présence n'a pas été délégué au comité. Le comité est maître de ses propres règles, et j'ignore comment réagiront tous les membres du comité, mais ce n'est pas un pouvoir délégué au comité.
    J'ai proposé une motion. Passons au vote.
    Je ne suis pas sûr de pouvoir accepter des motions. Avant notre départ, Maurizio Bevilacqua a proposé une motion disant qu'aucune motion de fond ne serait présentée pendant ces audiences. La motion a été adoptée à l'unanimité, bien entendu. Nous irions donc à l'encontre de ce que nous avons déjà décidé. C'est votre parti qui a proposé que nous n'ayons pas de motions de fond...
    Ce n'est pas une motion de fond.
    Oui, c'en est une.
    Nous n'avons rien dit de la présence des caméras au comité.
    C'est une motion de fond.
    Je conteste cette décision de la présidence.
    Je ne crois pas que ce soit possible.
    Monsieur le président, la présidence peut être contestée à tout moment par le comité.
    Je dirai simplement...
    Vous ne dirigez pas un spectacle itinérant que vous pouvez interrompre comme un dictateur.
    Je n'impose rien à personne. Je rappelle au comité ce qu'il a convenu. Ce qu'il a accepté, à la réunion préalable, c'est une motion de M. Maurizio Bevilacqua, de votre parti, voulant qu'aucune motion de fond ne soit présentée au cours des audiences de la tournée. Nous nous sommes entendus. J'ai mis la motion aux voix, et il a été accepté à l'unanimité qu'il n'y ait aucune motion de fond. Voilà ce que vous avez accepté et c'est dans cet esprit que nos séances ont été organisées.
    Monsieur Karygiannis.
    Monsieur le président, le public sait que n'importe qui peut s'asseoir au fond de la salle avec une caméra vidéo et que vous ne pouvez pas l'expulser. Ce sont des séances publiques. Peu m'importe ce que dit le greffier. À moins que vous ne me trouviez une citation de Beauchesne disant que la presse ne peut être présente, je dis que la presse a le droit d'être ici tout autant que n'importe quel Canadien qui peut entrer et écouter ce que nous disons.
    Si vous voulez interdire la presse, monsieur, pourquoi ne pas commencer par interdire la séance?
    Je n'interdis pas la presse.
    Oui, c'est ce que vous faites.
    Je n'interdis pas la presse. Je vous dis simplement...
    Vous bâillonnez la presse. Vous lui refusez la liberté démocratique de rendre compte de la séance. Voilà ce que vous refusez.
    Non.
    C'est ce que vous faites.
    Je vous rappelle simplement ce qui a été convenu.
    Monsieur le président, ce n'est pas une affaire de procédure. C'est une séance publique. Le public est présent. Il a le droit de filmer et le droit d'écouter.
    C'est une simple motion de procédure.
    Silence, s'il vous plaît. Je voulais amorcer la séance, mais j'ai du mal à le faire.
    Monsieur St-Cyr. Ce sera ensuite Mme Chow.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    À mon avis, il s'agit d'une motion de procédure, mais comme on a déjà beaucoup de retard, je propose simplement de demander le consentement unanime des gens réunis autour de la table afin de permettre aux médias de filmer nos travaux. Si on a le consentement unanime, rien ne devrait nous arrêter.
    Voulez-vous que je répète?

[Traduction]

    Que le comité sache que je n'ai aucune objection contre quoi que ce soit. Le greffier dit que nous devrions réserver notre décision jusqu'à ce que nous puissions obtenir des conseils. Pouvons-nous poursuivre en attendant ou voulez-vous suspendre la séance?
    Ce n'est pas une motion de fond, mais une motion de procédure.
    Silence. Je vais suspendre la séance cinq minutes jusqu'à ce que je puisse faire asseoir quelqu'un ici pour que nous puissions procéder de façon raisonnable.

    


    

    Le président: Je prie les témoins de nous excuser si nous ne pouvons pas commencer à l'heure, mais nous essaierons de leur donner plus de temps un peu plus tard.
    Très bien, reprenons la séance.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je disais qu'à mon avis aussi, c'est une question de procédure. De toute manière, puisque personne ne s'y est opposé, je pense qu'on peut tout simplement demander le consentement unanime. Je vois mal comment un député pourrait s'objecter à ce que les médias puissent voir nos délibérations.

[Traduction]

    Madame Chow.
    J'ai un autre rappel au Règlement, et j'y viendrai plus tard. Occupons-nous d'abord du premier.
    Monsieur le président, ne commençons pas d'une manière aussi...
    Acrimonieuse?
    Il faut qu'une séance soit publique ou à huis clos. Il n'y a pas de choix intermédiaire. Si la séance est publique, la loi autorise tout le monde à faire n'importe quoi: filmer les délibérations, prendre des photos... C'est une séance publique. Si elle est privée, parce qu'elle porte sur une question personnelle ou financière, il est parfaitement compréhensible que les caméras soient exclues. Pour l'instant, la séance n'a rien de privé. Je ne vois donc pas comment on peut interdire les caméras.
    J'ai une autre question distincte à soulever, et nous y viendrons plus tard. Pour ce qui est de la présence des caméras, je vous fais simplement connaître mon avis.
    Qu'il soit bien clair que, pour ma part, je n'ai aucune objection. C'est simplement que nous avons eu une réunion préalable, à Ottawa, pour établir les règles de base de ces séances. Ces questions-là n'ont pas été abordées, et j'ai l'obligation, à titre de président, de veiller à ce que tous puissent se faire entendre.
    Monsieur Komarnicki.
    Seulement une ou deux réflexions. Nous devrions obtenir des précisions du greffier, qui est en train de faire des appels. Selon moi, il faut suspendre la séance jusqu'à ce que nous ayons les indications nécessaires.
    Il ne fait pas de doute qu'une motion proposait qu'il n'y ait pas de motions de fond. Il s'agit de savoir si c'est une motion de fond ou de procédure...
    Allons donc.
    Vous avez eu l'occasion d'intervenir.
    Silence, s'il vous plaît.
    Vous avez eu l'occasion d'intervenir. Laissez-moi parler et vous pourrez le faire ensuite. Il y a assez de temps.
    Silence, s'il vous plaît.
    Selon moi, il faut d'abord décider s'il s'agit d'une motion de procédure ou d'une motion de fond.
    Quant à la position de la presse, il est évident, d'après certaines observations, qu'il y a ici un peu de théâtre pour des raisons politiques et de parti pris. Nous sommes ici pour entendre ce que les témoins ont à dire sur des questions précises, et nous en ferons ensuite rapport. Il est certain que les journalistes peuvent être là avant et après pour poser des questions, mais, pendant la séance, il nous appartient de décider si la presse...
    Permettez-moi de mettre un terme à ce débat. Le greffier me signale que le paragraphe 119.1(1) du Règlement de la Chambre des communes prévoit ceci :
Tout comité qui veut faire télédiffuser ses séances, autrement qu’au moyen des installations établies à cette fin par la Chambre des communes, doit d’abord obtenir le consentement de la Chambre.
    Avons-nous obtenu ce consentement?
    D'accord. Je rends la parole à M. Komarnicki pour qu'il termine son intervention.
    Je dis qu'il faut que règnent la raison et l'ordre. Si cela se trouve dans le Règlement, alors il faut le respecter et c'est ainsi qu'il faut procéder. Je sais que certains députés voudraient utiliser ces audiences et ces délibérations à leur avantage, mais il y a des règles et des procédures à respecter. Comme le Président de la Chambre l'a dit avant l'ajournement, il faut respecter le processus prévu et la procédure et il est encore possible d'accomplir le travail.
    J'estime donc que nous devons attendre de connaître toute l'information que le greffier possède et peut obtenir.
    À titre de président du comité, je suis tenu de respecter le Règlement de la Chambre des communes.
    Est-ce que les caméras tournent?

  (1310)  

    Monsieur le président, avant que vous n'interrompiez le débat, je tiens à revenir sur les propos du secrétaire parlementaire, car...
    Je n'interromps pas le débat; je vais poursuivre. Je voulais simplement signaler au comité le fait que, si cela est susceptible d'intéresser quelqu'un, ce passage du Règlement se trouve à la page 90. Vous avez un exemplaire. Le paragraphe 119.1(1) du Règlement dit: « Tout comité qui veut faire télédiffuser ses séances [...] doit d’abord obtenir le consentement de la Chambre. »
    Je dois respecter cette disposition.
    Monsieur Telegdi.
    Monsieur le président, je veux faire remarquer qu'il y a une différence entre des reportages des journalistes qui se présentent à une séance et préparent une séquence pour les informations, et la télédiffusion d'une séance. Lorsque nous télédiffusons des débats, le comité tient sa séance et elle est diffusée de bout en bout. Ce n'est pas le cas ici. Ici, c'est la même chose que si un journaliste d'une station de radio ou d'un autre média venait à la séance, prenait des notes et faisait ensuite un reportage. La séance n'est pas télédiffusée. Il y aura un compte rendu aux informations, mais en ce moment, nous ne sommes pas filmés, aucune émission n'est diffusée. Lorsque nous sommes à Ottawa et que des séances sont télédiffusées, elles le sont du début à la fin. C'est complètement différent.
    Pour en revenir à la motion, monsieur le président, elle porte sur la procédure. Ce n'est pas une motion de fond. Et je peux vous dire, monsieur le président, que les deux fois où j'ai présidé le comité, en 2003 et en 2005, lorsque nous étions en déplacement, nous n'avons jamais essayé de bâillonner les médias. Je sais qu'on a préparé des guides pour les présidents de comité afin de leur expliquer comment faire dérailler les travaux des comités, mais, monsieur le président, j'espère vraiment que vous ne vous engagez pas dans cette voie.
    J'ai une autre motion à proposer après.
    Je ne vais pas me mêler de définir ce qui est télévisé et ce qui ne l'est pas. Je peux seulement vous dire que nous sommes régis par les règles des Communes et que, dans le Règlement, elles sont très claires. Comme président du comité, je suis tenu de les respecter.
    Quant aux motions, je rappelle encore une fois au comité qu'une motion lui a été proposée et qu'elle a été adoptée à l'unanimité. Elle disait qu'il n'y aurait pas de motions de fond pendant ces audiences.
    Je fais remarquer au comité que nous sommes en train de gaspiller un temps précieux.
    Ma décision est donc que je dois respecter le paragraphe 119.1(1) du Règlement de la Chambre.
    Le comité est-il maître de ses propres décisions?
    La question que j'ai à vous poser est très simple, monsieur. Sommes-nous maîtres de nos décisions?
    Nous ne pouvons pas modifier les règles de la Chambre des communes qui figurent dans le Règlement. Nous ne pouvons pas les adapter ni en faire abstraction. Nous sommes régis par le Règlement, tous les députés le savent.
    Sauf votre respect, est-ce que la séance est télédiffusée en direct?
    Selon moi, le Règlement dit que, lorsque nous sommes en session, il devrait y avoir télédiffusion.
    Non, il ne précise pas s'il s'agit de diffusion en direct ou non.
    Les séances de la Chambre des communes sont diffusées, oui ou non?
    Cela n'a rien à voir. Il s'agit ici du comité.
    Oui, cela a à voir, monsieur. Si mes électeurs veulent modifier...
    Je demande au comité de tenir compte du fait que nous avons ici des témoins qui veulent nous faire connaître leurs opinions pour que nous puissions, à notre tour, transmettre ces opinions au ministre à un moment donné.
    Nous perdons un temps précieux et je demande...
    Monsieur le président, j'ai posé une question et je veux une réponse.
    Je vais annuler la séance, si je ne peux pas aller de l'avant.

  (1315)  

    Si vous le faites, je contesterai votre décision, monsieur.
    Je vais le faire si le comité n'arrive pas à entamer ses travaux.
    Les téléspectateurs peuvent se brancher et suivre les délibérations de la Chambre des communes. Cette possibilité existe-t-elle ici? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut choisir une chaîne de télévision pour suivre ce qui se passe au comité? Oui ou non?
    Je ne vais pas me mêler d'interpréter le Règlement. Il est très clair. Il dit que nous devons avoir préalablement la permission de la Chambre des communes.
    Voulez-vous que nous nous mettions au travail, ou dois-je dire à ces témoins, qui se sont donné beaucoup de peine pour être ici aujourd'hui que nous n'allons pas les entendre, et que nous n'allons pas entendre non plus les autres personnes qui se sont présentées? C'est cela que vous voulez que je fasse?
    Nous avons parcouru des milliers de milles pour entendre ces gens. Allez-vous maintenant...
    Monsieur le président, ne tombons pas dans la politique. On vous a demandé de laisser ces gens entrer. Vous avez refusé. Cette décision a été contestée. Passons au vote.
    Non. Il s'agit d'une disposition du Règlement de la Chambre, et nous devons la respecter.
    Que dit le Règlement au sujet des déplacements des comités?
    Le Règlement est très clair. Nous devons avoir la permission de la Chambre des communes avant de pouvoir autoriser...
    Pourriez-vous relire cette disposition, monsieur?
    La voici :
Tout comité qui veut faire télédiffuser ses séances, autrement qu’au moyen des installations établies à cette fin par la Chambre des communes, doit d’abord obtenir le consentement de la Chambre.
    C'est très clair.
    Cela vaut pour les séances qui ont lieu à la Chambre. Que dit-on des déplacements?
    Je ne vais pas laisser ce débat se poursuivre.
    Vous empêchez la presse de faire son travail. Voilà ce que vous faites. Vous la muselez.
    Nous avons parcouru une grande distance pour entendre ces témoins, qui ont des choses importantes à nous dire. Nous tenons compte de ce fait ou nous ne le faisons pas. Je demande aux membres du comité de coopérer.
    Nous avons établi les règles de base avant de partir, au cours d'une réunion à Ottawa... C'est votre propre porte-parole en matière d'immigration, M. Bevilacqua, qui a fait la proposition.
    Il ne s'agit pas d'une motion, mais du processus démocratique. Il s'agit de respecter la liberté de la presse. Vous ne voulez pas...
    Silence.
    Monsieur Carrier, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur le président, j'étais bien favorable dès le début à ce que les médias puissent relater le plus possible les travaux du comité. J'ai reçu des témoignages plus tôt. Les gens sont très satisfaits qu'on se déplace à Vancouver. Mon collègue et moi sommes venus de Montréal pour entendre spécifiquement les gens de la Colombie-Britannique sur un sujet bien important. Par conséquent, j'étais favorable à ce que les médias diffusent nos échanges le plus possible. Cependant, s'il y a un Règlement de la Chambre des communes qui nous indique clairement qu'on doit avoir une approbation pour que ce soit télévisé ou filmé, je pense qu'on doit être respectueux du Règlement de notre propre Chambre des communes. Je pense que les médias ici présents vont pouvoir quand même prendre des notes et témoigner dans leurs journaux ou dans leurs médias respectifs du bon travail qu'on va effectuer. Il me semble donc qu'il n'y a pas lieu de discuter de la valeur de la télédiffusion ou non, mais est-ce qu'on...

[Traduction]

    Je suis d'accord.

[Français]

    ... observe le Règlement de la Chambre ou non? Donc, si on tient un vote sur la question, on va voter en faveur du Règlement, c'est clair.

[Traduction]

    Oui. Nous ne votons pas parce que nous nous sommes déjà entendus pour dire qu'il n'y aurait pas de motions pendant les déplacements. Le comité n'est saisi d'aucune motion. Je rappelle simplement ce que nous avons déjà décidé. J'espère que le comité va respecter ce fait et me permettra de passer à nos travaux et à l'audition des témoins.
    Madame Chow.
    J'ai un autre rappel au Règlement.
    Il faut d'abord régler le premier.
    Si le député veut conclure cette question, très bien, monsieur le président.
    D'accord.
    Monsieur le président, lorsque je suis intervenu, j'ai dit que j'avais deux points à soulever.
    Je vais terminer en disant que, puisque vous réclamez le respect du comité, vous devriez, à titre de président, respecter le comité aussi. Il y a une différence entre la télédiffusion d'une séance...
    Je crois que nous avons déjà discuté de cette question, monsieur Telegdi.
    ... et une séquence pour des émissions d'information. Je vais...
    Je demande au comité de laisser cette question en veilleuse. Permettez-moi d'entendre les témoins d'aujourd'hui. Notre tournée pancanadienne nous mènera dans dix provinces. Nous pouvons communiquer avec la Chambre des communes pour voir si c'est possible.
    Pourquoi n'avons-nous pas fait cela avant de commencer, monsieur le président?
    Nous avons un programme...
    Pourquoi n'appelez-vous pas le bureau du greffier pour obtenir une décision?
    La décision est juste là, monsieur Karygiannis.
    Non. La décision, la façon dont vous voulez décrire...
    La décision se trouve là, dans le paragraphe 119.1(1) du Règlement de la Chambre des communes.
    Monsieur le président, pourquoi ne suspendez-vous pas la séance pendant dix minutes pour appeler le bureau du greffier et vous renseigner?

  (1320)  

    Je crois que nous avons là une décision claire. Je vais passer aux travaux.
    Je souhaite la bienvenue à M. Collacott...
    Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement. Le deuxième point que je voulais soulever...
    Mme Chow est la première sur la liste.
    Monsieur le président, j'ai dit dès le début de mon intervention que j'avais deux points à aborder. Nous en avons vu un. Je vais aller faire un appel téléphonique à ce sujet parce que je crois que vous donnez des règles une interprétation fautive.
    Quant au deuxième point que j'allais soulever — et il s'agit encore de procédure et non d'une question de fond —, c'est que, avant que la Chambre n'ajourne pour une pause de deux semaines, le gouvernement, à l'insu du comité, a présenté le projet de loi C-50, dans lequel il propose des modifications majeures de la Loi sur l'immigration, un changement incroyable de cette loi qui enlèverait le droit de...
    Silence, s'il vous plaît.
    Ces audiences ne portent pas sur la Loi sur l'immigration. Elles portent sur trois sujets que nous avons acceptés et sur lesquels j'ai consulté le comité de liaison. Il s'agit d'un comité qui réunit tous les partis à la Chambre des communes, et je devais obtenir l'approbation pour que le comité se déplace afin de mener des consultations sur ces trois questions.
    Il ne s'agit pas ici du projet de loi C-50.
    Puis-je terminer, avant que vous m'interrompiez?
    Je dis que nous avons apporté à la Loi sur l'immigration un changement si considérable par ce projet de loi qu'il va transformer substantiellement tout le processus d'immigration et le droit des gens d'immigrer au Canada. Au lieu d'avoir comme aujourd'hui un processus garanti par la loi, nous aurons une véritable loterie avec ses hasards. La Loi canadienne sur l'immigration est transformée fondamentalement au point que, à dire vrai, monsieur, je devrais être de retour à Ottawa pour discuter de cet enjeu. Ces consultations pancanadiennes deviennent une vraie mascarade, puisque le gouvernement conservateur...
    Silence, s'il vous plaît.
    Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter de ces trois questions. Cette intervention n'a absolument rien à voir.
    Madame Chow, s'il vous plaît.
    Si je peux en terminer avec cette motion...
    Non, vous n'irez pas jusqu'au bout, monsieur Telegdi. Sur ce point, c'est terminé.
    Madame Chow.
    Monsieur le président, il s'agira d'une motion de procédure, et c'est une proposition que nous pouvons tous accepter.
    Nous n'acceptons aucune motion. Nous avons convenu de ne pas accepter...
    Monsieur le président, c'est une motion de procédure.
    La séance est ajournée.

    


    

  (1325)  

    La séance reprend.
    Encore une fois, je demande aux journalistes d'éteindre les caméras et j'invite les membres du comité à reprendre place, s'ils le veulent bien.
    Il y a quorum, et j'ai très hâte de relancer la séance. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons parcouru une longue distance — et les témoins aussi — pour entendre des opinions sur des questions de la plus haute importance.
    Mme Chow s'est adressée à moi avant l'ajournement de la séance. Elle avait une brève observation à faire. Je lui donne donc la parole. Nous allons ensuite inviter les témoins à s'exprimer. Je vous en prie.

  (1330)  

    Je demande votre indulgence pour les trois prochaines semaines. Il y aura sans doute des témoins qui s'écarteront du sujet et parleront de ce qui se discute à la Chambre. Au lieu d'intervenir chaque fois qu'ils s'écartent de la sorte, évitons, si les témoins respectent leurs sept minutes, de discuter et de nous demander s'ils peuvent agir ainsi ou non, si c'est conforme au Règlement ou non. Pour les témoins, il est parfois très difficile de faire la distinction. Ils s'y perdent. Je veux simplement prendre cette précaution pour que nous n'ayons pas une grande bagarre chaque fois. J'ai l'impression que le problème va se poser.
    Nous allons faire preuve d'une grande souplesse. J'ai dit aux témoins que la période qui leur était accordée leur appartenait. S'ils veulent s'écarter du sujet, il n'y a pas de problème.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins. Au nom du comité, je leur présente des excuses pour ce qui s'est passé. Vous avez des mémoires que vous voulez distribuer aux membres du comité, et vous les avez donnés...
    De nouveau, je vous souhaite la bienvenue. Je vous invite à faire vos déclarations d'ouverture. Je suis persuadé que les membres du comité auront ensuite des questions à vous poser.
    Je me présente: Roslyn Kunin, de la Canada West Foundation. Je vais vous parler des travailleurs temporaires et sans papiers. Mes collègues ici présents pourront traiter à fond des autres sujets.
    Je voudrais expliquer aux membres du comité pour quelles raisons le problème des travailleurs temporaires et sans papiers se pose avec une acuité jamais vue au Canada, d'aussi loin que puissent se souvenir tous ceux qui sont ici présents. C'est que, surtout dans l'Ouest, nous affrontons des turbulences sans exemple à cause d'une demande extrêmement forte de travailleurs. Notre économie est très vigoureuse et elle a besoin d'énormément de main-d'oeuvre à tous les niveaux, depuis celui des débutants qui lavent la vaisselle jusqu'aux grands spécialistes dans le domaine de la santé, en passant par tous les métiers et domaines techniques. Il existe donc une très forte demande, surtout dans l'Ouest, c'est-à-dire du Manitoba jusqu'à la Colombie-Britannique, car les quatre provinces connaissent une vraie expansion économique.
    Deuxièmement, au moment où se manifeste cette très forte demande de main-d'oeuvre, une tendance démographique commence à se manifester, une tendance que nous voyions tous venir. La majorité des travailleurs au Canada, à l'heure actuelle, sont issus du baby-boom. Ils sont nés entre 1945 et 1965. Ils atteignent donc l'âge de la retraite et quittent la population active. Il nous faut donc du monde pour satisfaire une économie en expansion, et nous avons désespérément besoin de travailleurs pour remplacer ceux qui partent à la retraite. La demande de main-d'oeuvre est donc extrêmement forte.
    Nous en sommes au point... Comme économiste, c'est une chose que je n'ai jamais vue et que je ne m'attendais jamais à voir. Il arrive que des entreprises ne puissent pas fonctionner parce qu'elles ne peuvent pas obtenir de capitaux, parce qu'elles ne trouvent pas de clientèle, parce que les prix de leurs produits ne sont pas assez élevés pour qu'il soit possible de dégager un bénéfice. Aujourd'hui, pour la première fois, des entreprises qui satisfont à toutes ces conditions ne peuvent mener leurs activités faute d'avoir assez de main-d'oeuvre. Voilà pourquoi il y a une demande sans précédent de travailleurs temporaires et il commence à y avoir un problème de travailleurs sans papiers, et voilà pourquoi il nous faut le système le plus souple possible pour répondre aux besoins en main-d'oeuvre.
    Il y a eu un autre changement que je veux signaler avant la fin de mes sept minutes, et il a porté sur la nature du travail. La conception du travail qui a été inculquée à la plupart d'entre nous — on grandit, on entre sur le marché du travail, on trouve un emploi et on le garde pendant des années, voire pendant toute sa carrière — est disparue depuis longtemps. Maintenant, dans beaucoup de secteurs en expansion, comme la construction, le tourisme, la technologie et bien d'autres champs d'activité, les emplois sont temporaires. Il nous faut de la main-d'oeuvre, mais nous devons donner à tous les travailleurs, y compris aux travailleurs temporaires, etc. une latitude suffisante pour pouvoir leur dire: « Nous avons besoin de vous à cause du travail que vous pouvez faire, pas seulement pour combler un poste. » Si nous avons des travailleurs temporaires, nous devrions leur dire: « Vous pouvez rester tant qu'il y a du travail pour vous au Canada et pas seulement pendant la période où votre employeur de départ a besoin de vous. » Si cet employeur n'a plus besoin de telle personne, bien d'autres employeurs ont du travail pour elle.
    Voilà les principaux points que je voulais faire ressortir, monsieur le président.

  (1335)  

    Merci.
    Monsieur Collacott.
    Je voudrais parler d'abord des pénuries de main-d'oeuvre, puis des travailleurs temporaires étrangers et enfin, très brièvement, des sans-papiers.
    Il faut considérer ce qui constitue une pénurie de main-d'oeuvre. Comme Roslyn vient de le signaler, il est certain qu'il y a des pénuries dans le secteur de la construction. C'est très visible en Colombie-Britannique et dans d'autres régions. Certains estiment que les programmes de travailleurs étrangers temporaires sont le meilleur moyen de combler les pénuries. Pour certains, cette solution est préférable à l'apport de résidents permanents dont on n'aura peut-être pas toujours besoin. Dans un secteur cyclique comme celui de la construction, nous n'en aurons peut-être plus besoin dans cinq ou dix ans. Il faut voir aussi dans quelle mesure nous pouvons exploiter les ressources des gens qui sont déjà au Canada.
    D'abord, un mot des programmes de travailleurs étrangers temporaires. Selon Alan Green, expert très en vue de l'immigration et des marchés du travail à Queen's, lorsque, dans les années 1960, nous avons commencé à choisir les immigrants en fonction de leurs compétences et non de leur origine, nous n'avions pas les services de formation nécessaires pour pouvoir combler toutes nos pénuries en main-d'oeuvre spécialisée. Selon M. Green, nous avons aujourd'hui ces services, bien qu'il puisse y avoir des pénuries provisoires, le temps que les forces normales du marché puissent les combler.
    D'autres ont tiré la même conclusion. Deux chercheurs de Ressources humaines et Développement Canada ont constaté qu'il n'y avait pas de raison de croire que, globalement, le Canada était aux prises avec une pénurie très étendue en main-d'oeuvre spécialisée et que la population active ne pouvait pas répondre aux besoins de l'économie. Les chercheurs ont remarqué que, même si les pénuries précises dans certains secteurs ou certaines professions étaient plus fréquentes depuis quelques années, il ne semblait pas qu'elles fussent plus courantes aujourd'hui que par le passé ou à des étapes semblables du cycle économique.
    Sur ce point, nos opinions, à Roslyn et à moi, divergent un peu.
    L'un des faits à considérer, à mon avis, est que les employeurs veulent naturellement combler leurs pénuries de main-d'oeuvre le plus vite et au meilleur compte possible, quitte à faire venir des travailleurs de l'étranger. Il faut toutefois considérer l'impact de cette solution sur les travailleurs et contribuables canadiens, et sur l'économie en général. En matière de productivité, par exemple, les pénuries de main-d'oeuvre peuvent faire augmenter les salaires, ce qui entraîne un investissement accru dans les ressources humaines: éducation, formation et relèvement de la productivité.
    On peut assez bien démontrer qu'une des causes du retard dans la croissance de la productivité au Canada, par rapport à celle des États-Unis et d'autres pays, ces dernières années, est que nous avons eu l'apport d'immigration par habitant le plus élevé au monde. Sur ce point, une étude de Statistique Canada publiée en mai dernier signale que, entre 1980 et 2000, l'immigration a joué dans la baisse de 7 p. 100 des gains réels des Canadiens qui ont plus qu'un diplôme universitaire de premier cycle.
    Il existe un précédent intéressant dans les programmes de travailleurs invités. Le programme Bracero, aux États-Unis, faisait venir des travailleurs temporaires mexicains pendant les années de guerre. Il a fini par être aboli en 1964. Les agriculteurs ont prétendu qu'ils n'avaient pas les moyens de se passer de la main-d'oeuvre bon marché. Lorsque le programme est disparu, ils ont investi davantage dans la mécanisation et la productivité a augmenté.
    Il faudrait faire tous les efforts pour attirer dans la population active les chômeurs canadiens, y compris les Autochtones, les femmes et les personnes d'un certain âge. Il est illogique de laisser une foule de gens au chômage ou en sous-emploi et de faire venir de l'étranger des gens pour se charger d'un travail que peuvent faire ceux qui sont déjà ici. Comme l'a dit un cadre supérieur de l'administration américaine, « le recours à l'immigration sape les efforts visant à améliorer l'éducation publique et les programmes de recyclage et à attirer les chômeurs sur le marché du travail. »
    Je ne dis pas qu'il ne faut pas avoir de travailleurs étrangers temporaires, mais il faut être prudent. Soit dit en passant, le gouvernement du Québec a annoncé il y a moins de deux semaines des dépenses de 1 milliard de dollars pour amener les assistés sociaux et les chômeurs dans la population active au lieu de faire automatiquement appel à des étrangers.
    Encore une ou deux réflexions avant de passer aux travailleurs étrangers temporaires. À propos du rapport entre l'immigration et la prospérité économique, il y a eu des périodes du développement du Canada où l'immigration était cruciale — par exemple pour coloniser l'Ouest avant que les Américains ne le fassent pour nous, mais, chose curieuse, l'immigration n'a pas été, dans l'ensemble, un élément critique du développement économique du Canada.
    Le Conseil économique du Canada, par exemple, a constaté que la croissance la plus rapide du revenu réel par habitant au Canada, au XXe siècle, a été observée lorsque l'immigration nette était nulle, voire négative. Nous n'avons pas besoin non plus d'une population ni d'une main-d'oeuvre en constante croissance pour garantir la prospérité des Canadiens, et l'immigration ne freinera pas beaucoup non plus le vieillissement démographique. La prospérité du Canada dépend de saines politiques économiques qui amélioreront la productivité et feront le meilleur usage de la population active existante.
    Passons maintenant à des questions plus précises sur les travailleurs étrangers temporaires ou travailleurs invités, comme on dit souvent. De 2001 à 2006, en Colombie-Britannique, leur nombre a énormément augmenté. Il est passé d'à peine moins de 16 000 à plus de 36 000, soit une hausse de 129 p. 100. Dans tout le Canada, pendant la même période, le nombre a été porté de 87 000 à 166 000, ce qui équivaut à une hausse de 76 p. 100. Nous n'avons pas encore tous les chiffres pour 2007, mais l'augmentation devrait être encore plus marquée.
    Le Canada a eu d'assez bons résultats, dans son premier programme de travailleurs étrangers temporaires. Il s'agit du programme de travailleurs agricoles saisonniers qui a débuté en 1966. Il faisait venir ces travailleurs d'abord des Antilles puis, à compter de 1974, du Mexique. En 2006, cependant, pour donner suite aux demandes des employeurs, nous avons établi des listes complètes d'« occupations soumises à des pressions ». Les employeurs peuvent demander un examen accéléré de permis de travail temporaires pour des étrangers. Au départ, les permis étaient d'une durée d'un an. C'est maintenant deux ans.
    Comme les séjours s'allongent, le Canada s'engage dans un territoire mal connu. Des études menées à l'étranger sur ces programmes ont montré qu'il peut surgir des problèmes majeurs, surtout si les travailleurs étrangers restent plus que quelques mois, viennent de pays où les salaires sont nettement plus bas et peuvent amener avec eux des membres de leur famille.
    Entre autres problèmes, il y a les risques d'exploitation. Dans des pays comme les États-Unis, on a constaté qu'il y avait beaucoup de fraudes dans les demandes. Je ne vais pas les expliquer pour l'instant, mais j'y reviendrai plus tard si vous le voulez. Les travailleurs qui viennent de pays plus pauvres veulent essayer de rester indéfiniment après la fin de leur contrat, lorsqu'on n'a plus besoin de leurs services.
    Pour que ce programme fonctionne, il faut un très important dispositif d'administration et de surveillance de l'entrée et du départ des travailleurs et des sanctions rigoureuses pour les employeurs qui engagent ceux qui n'ont plus le droit de séjourner au Canada. Dans la seule province de Colombie-Britannique, il y a une liste de 235 professions soumises à des pressions pour lesquelles on peut demander des permis de travail.
    En dehors des cas évidents comme les pénuries dans le secteur de la construction, il y a une longue liste de professions qu'on s'étonne d'y retrouver: rédacteurs, journalistes, photographes, chefs d'orchestre, compositeurs, arrangeurs, acteurs, comédiens, annonceurs, radiodiffuseurs, athlètes, entraîneurs et agents immobiliers.
    Il faut examiner de très près le fonctionnement de ce programme, faire des recherches et essayer de voir ce que d'autres ont fait.
    Il y a une place pour les travailleurs étrangers temporaires, mais nous n'avons aucune idée des problèmes qui vont venir, et nous devrions les étudier.
    Un mot rapide sur les sans-papiers. Nous ne savons pas au juste combien il y en a, mais, selon les estimations, il y en aurait peut-être 200 000, et même 500 000, si on tient compte des membres de leur famille. Outre les problèmes auxquels ils sont exposés à cause de leur vulnérabilité à l'exploitation, la difficulté de base, c'est que la régularisation de leur situation entraînera la venue de bien d'autres travailleurs sans papiers.
    En 1986, les États-Unis ont accordé l'amnistie à 3 millions de travailleurs illégaux dans l'espoir d'éliminer le problème, mais, une fois l'amnistie accordée, beaucoup d'autres travailleurs sont venus dans l'espoir d'obtenir un jour l'amnistie également. Il y en a eu de 11 à 12 millions.
    Le projet de loi McCain-Kennedy présenté au Sénat américain l'an dernier prévoyait la régularisation de la situation de plusieurs millions de travailleurs illégaux. Il a été rejeté à cause des pressions de l'opinion publique.
    Il est très peu sage de régulariser la situation des travailleurs sans papiers. S'ils veulent rester au Canada, ils devraient rentrer chez eux et demander à venir par les voies légales soit comme immigrants permanents, soit dans le cadre du programme de travailleurs étrangers temporaires.
    Voilà ce que j'avais à dire.

  (1345)  

    Merci, monsieur Collacott.
    Nous allons passer à M. DeVoretz.
    Je le dis à la première ligne. Les notes ont été distribuées. Si vous ne les avez pas, vous pourrez sûrement les prendre après la séance.
    Je voudrais aujourd'hui vous rendre compte de mes 15 ou 20 ans de recherche scientifique sur les travailleurs étrangers temporaires au Canada. Je veux, dans mes sept minutes et par la suite, vous expliquer les avantages et les inconvénients de ces programmes: où sont les réussites, selon moi, et pourquoi ce sont des réussites, et les motifs qui incitent à la prudence dans d'autres cas.
    Comme économiste, puisque je suis économiste — vous entendrez aussi des sociologues —, je me pose une seule question, à propos du programme des travailleurs étrangers temporaires: présente-t-il un avantage économique net pour le Canada, pour les Canadiens qui sont déjà ici?
    Qu'est-ce que cela veut dire? Les personnes ou agents qui sont engagés dans le processus, les migrants dont nous venons d'entendre parler; le trésor public, qui représente le gouvernement du Canada, les employeurs qui veulent engager ces étrangers, les manoeuvres qui habitent déjà au Canada. En somme, tous profitent de la présence de nouveaux travailleurs étrangers temporaires. Cela ne veut pas dire que tel ou tel ne risque pas d'être perdant, mais en moyenne, le programme présente-t-il un avantage net? C'est la règle qui est plus ou moins en place depuis au moins 25 ou 30 ans pour évaluer le programme des travailleurs étrangers temporaires au Canada.
    J'ai deux réussites dont je veux faire état. Martin y a déjà fait allusion sous l'angle de l'économie. D'abord, il y a le programme de travailleurs agricoles. Il suffit de faire une comparaison avec n'importe quel autre programme de travailleurs agricoles, que ce soit en Israël ou en Allemagne, avec les travailleurs polonais, ou aux États-Unis. Ce sont des échecs. Pourquoi le nôtre est-il une réussite?
    La première, c'est que le programme est de faible ampleur. S'il n'est pas trop important, les frais d'administration sont moindres et il est possible de faire respecter les règles du programme: salaire suffisant, accès aux soins de santé, paiement des impôts. Tout cela peut se contrôler.
    Le deuxième programme, qui a été une très grande réussite sur le plan économique et dont le Canada n'a pas l'exclusivité — il est très important dans le sud-est de l'Asie — est le programme des bonnes d'enfant. D'autres vous diront qu'il y a eu des problèmes dans ce programme, et j'en conviens. Ce sont des problèmes d'ordre social, mais, à mon point de vue d'économiste, ce programme a été une aubaine pour la classe moyenne, pour les Canadiennes instruites. Cela ne fait aucun doute.
    Le programme a également été implanté pour conférer certains avantages pour les bonnes, surtout des Philippines: des droits de conversion de leur statut de résidentes temporaires en résidentes permanentes, et des droits de réconciliation.
    D'après ma règle, celle du gain économique net pour les Canadiens, ce sont là deux programmes qui ont été des réussites. Quels sont les enseignements à tirer? Les programmes ont une ampleur réduite et sont ciblés, et ils sont en partis axés sur une transition vers la résidence permanente si le nouvel arrivant apporte une contribution.
    Mais ce sont de petits programmes. Il n'a pas été question des grands programmes de travailleurs étrangers temporaires. Ce sont les programmes axés sur le commerce, les visas TN, les visas de l'ALENA. Nous avons des accords avec le Chili, Israël et bientôt peut-être avec la Corée du Sud, mais certainement avec les États-Unis et le Mexique, grâce aux dispositions sur la mobilité prévues dans les accords commerciaux.
    Dans ce cas-là, nous nous sommes vraiment fait avoir. Pour trois Canadiens qui partent, un Américain hautement spécialisé vient chez nous. Cela a été un circuit qui a rendu possible un important exode des cerveaux, surtout avant 2001. Je ne suis pas le seul à le dire. Beaucoup de témoignages le confirment.
    De plus, des Canadiens utilisent le moyen détourné du visa temporaire pour devenir des résidents permanents des États-Unis. Les Américains n'agissent pas de cette façon. Lorsqu'ils ont fini de travailler ici, ils retournent à Cleveland ou Dieu sait où, mais là d'où ils viennent. Les Canadiens utilisent ce programme réciproque pour rester aux États-Unis, soit en se mariant, soit en obtenant un E-visa.
    Le problème de ce programme est qu'il a été structuré après coup. Il est venu se greffer au commerce. Et beaucoup de nos programmes de travailleurs étrangers temporaires ont le même travers: ils viennent au gré des besoins. On ne peut modifier le contenu de ce programme. Il y a 67 professions, et on ne peut les changer. Selon moi, ce n'est pas la bonne formule que de greffer des programmes de travailleurs étrangers temporaires aux accords commerciaux, surtout avec un voisin tellement plus puissant que le Canada. Les Américains refusent de renégocier l'accord. Ils ne vont pas modifier la liste ni quoi que ce soit d'autre.
    Nous avons donc des réussites, du point de vue du principe de l'avantage économique net, mais aussi des programmes très importants qui, toujours selon le même angle, sont loin d'être fructueux. Qu'allons-nous faire à l'avenir? Roslyn a expliqué pourquoi nous pourrions avoir besoin d'un plus grand nombre de travailleurs étrangers temporaires; Martin nous a mis en garde, disant que, malgré tout, il fallait envisager la situation.
    Qu'est-ce que je ferais si, pendant une journée, j'étais à la place de la reine ou de la ministre de l'Immigration? Il est certain que je m'inspirerais des leçons du passé et opterais pour un programme très précisément ciblé. La liste ne compterait pas 86 professions, ou peu importe le nombre, mais seulement celles pour lesquelles je saurais à l'avance qu'il y aura un avantage économique net pour le Canada. Certains secteurs sont flagrants et il est inutile d'en discuter: il y a la construction et il y a l'agriculture.
    Deuxièmement, il y aurait toujours une disposition de caducité. Elle figurerait dans tous les programmes de travailleurs étrangers temporaires. Je ne le ferais pas pour pénaliser les gens et les forcer à la clandestinité. Je ne suis pas stupide. J'ai presque 66 ans, mais je ne suis pas stupide. Ce serait une incitation négative. Tous deviendraient des travailleurs sans papiers. Ils disparaîtraient, comme cela arrive à Toronto. Je leur donnerais les moyens de devenir des résidents permanents de sorte que, si on continue à se fier à des travailleurs étrangers temporaires pour soutenir une industrie, ces travailleurs puissent devenir des résidents permanents au lieu de devenir des sans-papiers.
    Enfin, il faut que le programme demeure de taille modeste.
    Merci beaucoup. J'attends vos questions.

  (1350)  

    Merci beaucoup. C'était très instructif.
    Nous allons passer aux questions des membres du comité. Chacun a sept minutes.
    Qui interviendra le premier?
    Ce sera M. Telegdi.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Les témoins doivent savoir qu'il se passe des choses passionnantes au Parlement à cause de toute cette question du projet de loi C-50. Si vous avez eu droit à une partie d'un débat dont vous n'étiez pas particulièrement heureux, je vous présente des excuses, mais nous entendrons tous les témoins qui se sont présentés avant.
    J'ai eu beaucoup de difficultés à cause du problème des travailleurs sans papiers.
    C'est que, lorsque nous avons modifié la Loi sur l'immigration, en 2002... Je voudrais bien vouloir dire que nous l'avons fait parce que le ministre a proposé une vision d'ensemble, mais nous avons agi essentiellement parce que la bureaucratie a proposé un plan en vue de résorber une liste d'attente de 800 000 personnes. En réalité, elle a fini par bloquer l'arrivée des gens dont l'économie avait besoin, comme on l'a dit: des travailleurs de la construction et d'autres. Ils ne pouvaient pas venir comme immigrants, parce qu'ils n'arrivaient pas à se qualifier selon le système de points, prévu par règlement. Le candidat qui ne connaissait pas la langue ne pouvait pas venir, celui qui n'avait pas fait d'études non plus. Le fait que nous ayons besoin de travailleurs dans la construction, eh bien c'était dommage. Et nous avons vu augmenter le nombre de travailleurs sans papiers. Par conséquent, à cause de la Loi sur l'immigration, il n'y avait pas de correspondance entre ce dont l'économie avait besoin et les immigrants qui arrivaient chez nous. C'est un vrai sujet de préoccupation.
    J'ai un autre sujet d'inquiétude et peut-être pouvez-vous en parler. Nous avons de plus en plus recours aux travailleurs étrangers temporaires. Des travailleurs agricoles viennent au Canada depuis 30 ans, voire 40 ans. Ils viennent avec leur famille et doivent ensuite rentrer. Ils reviennent sans cesse. Je m'inquiète de voir augmenter le nombre de ces travailleurs. Je préférerais que les gens qui viennent au Canada décident que c'est ici qu'ils veulent vivre et élever leurs enfants, qu'ils veulent devenir Canadiens. Je ne crois pas qu'il soit sain d'avoir une forte population de gens seuls.
    Cela me rappelle ce qui s'est passé lorsque le Canada a construit les chemins de fer. Nous avons fait venir des Chinois et, une fois les travaux achevés, nous voulions les renvoyer. Nous avons changé tout cela en adoptant un programme d'immigration ouvert. Je vois une similitude avec la situation actuelle. Nous voulons faire venir des gens pour exploiter les sables bitumineux ou bâtir les installations olympiques, mais lorsque nous n'aurons plus besoin d'eux, nous allons les renvoyer.
    M. Collacott et M. DeVoretz voudraient-ils répondre?

  (1355)  

    Je vais le faire.
    Vous avez soulevé un certain nombre de points intéressants, monsieur Telegdi. Je vais commencer par la fin, puisque c'est plus frais dans ma mémoire.
    Les Chinois qui ont construit les chemins de fer sont venus comme travailleurs non spécialisés. Lorsque les travaux ont été terminés, l'opinion reçue était qu'on n'avait plus vraiment besoin d'eux. Les Chinois d'aujourd'hui sont surtout des immigrants qui ont des compétences et viennent avec leur famille. La situation est donc fort différente. Je suis heureux que nous ayons évolué et qu'il n'y ait pas de barrières raciales. Ma femme est une immigrante d'origine asiatique, comme je crois l'avoir dit à ma dernière comparution devant le comité. Je suis donc très favorable à un programme d'immigration ouvert. Il y a tout de même une différence.
    Quant aux travailleurs de la construction, il est un fait que la pénurie est grave. En Colombie-Britannique, notamment, nous avons des délais à respecter pour les Jeux olympiques. Il faut terminer les travaux. Toutefois, la construction est un secteur cyclique, mais nous continuerons peut-être à construire dans la province pendant un certain temps, et en Alberta, l'exploitation des sables bitumineux est une entreprise à assez long terme, dans le secteur technique autant que dans celui de la construction. Il faut prendre grand soin de ne pas faire venir des étrangers au point de décourager les Canadiens, et j'entends par là non seulement les citoyens, mais aussi les immigrants reçus, ceux qu'on appelle les résidents permanents. Ils sont ici, et nous devons faire de notre mieux pour servir leurs intérêts.
    Si on fait venir un très grand nombre de travailleurs, c'est excellent pour les employeurs, mais cela tend à faire baisser les salaires, et c'est ce qui est arrivé. Cela n'encourage pas les Canadiens à se former et on finit par laisser des gens au chômage. On fait venir des étrangers et il y a des Canadiens qui ne sont pas sur le marché du travail.
    Il faut donc être prudent. On ne peut pas laisser le programme s'appliquer de façon illimitée comme maintenant.
    Vous avez une minute et demie, monsieur Telegdi.
    J'attends la réponse de M. DeVoretz.
    D'accord.
    Je serai bref, monsieur le président.
    La disposition de caducité dont j'ai parlé à la fin de mon intervention est proposée justement à cause de ce que vous avez dit sur l'utilisation du programme comme une béquille de plus en plus importante pour les industries.
    Il y a bien des exemples anecdotiques et concrets dans le secteur agricole, où on a eu recours aux changements technologiques pour remplacer cette béquille, lorsque les travailleurs étrangers n'étaient plus là.
    S'il y a une disposition de caducité, les employeurs sauront qu'ils ne peuvent pas utiliser ce programme indéfiniment, qu'il s'agisse des cueilleurs de fruits ici ou de l'industrie vinicole sur l'escarpement. Plus important encore, la clause de caducité forcera les bureaucrates, dont il a été question tout à l'heure, à songer à des programmes différents de celui des travailleurs étrangers temporaires.

  (1400)  

    En terminant, je veux dire une chose.
    Le BlackBerry, l'une des grandes réussites canadiennes, a été inventé par M. Mike Lazaridis, de Waterloo, qui est arrivé au Canada en provenance de la Turquie au milieu des années 60. C'était un réfugié grec. Son père était un simple apprenti. S'il essayait d'entrer au pays aujourd'hui, il ne le pourrait pas. Sa compagnie emploie quelque 6 000 Canadiens et elle compte en embaucher bien d'autres encore.
    À mon avis, il faut garder ce genre de chose à l'esprit. En effet, si je regarde autour de moi, dans ma collectivité, 95 p. 100 des gens qui sont arrivés ici en tant qu'immigrants ne seraient pas autorisés à entrer au pays aujourd'hui, et cela inclut Frank Stronach et Frank Hasenfratz, et la liste est longue.
    Merci.
    Y a-t-il d'autres commentaires pour terminer?
    Allez-y, monsieur.
    Je voulais simplement répondre à son deuxième point. Il a avancé — et c'était son principal argument —, qu'il pourrait y avoir un rapport possible entre l'inadéquation du programme des immigrants permanents et l'augmentation du nombre de travailleurs sans papiers. Je pense que c'est un commentaire très perspicace. Comme je suis économiste, je pense que le marché tentera de corriger cela.
    Si l'on a un système de points qui ne reflète pas adéquatement la demande de travailleurs, les choses ne tourneront pas rond. On se retrouvera avec des Chinois hautement qualifiés qui viennent ici mais qui ne peuvent pratiquer leur profession, soit parce qu'elles ne sont pas en demande soit parce qu'on ne reconnaît pas leurs titres de compétences. Il y aura aussi des employeurs à court d'employés qui prendront le risque d'embaucher un travailleur sans papiers pour bâtir une maison, que ce soit ici ou à Toronto.
    Voilà le rapport.
    Merci, monsieur.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous d'être ici, d'avoir été assez patients pour rester. Je suis sincèrement désolé que vous ayez dû assister au spectacle un peu pathétique auquel vous avez eu droit plus tôt.
    J'aimerais commencer par poser des questions à Mme Kunin. J'ai compris que vous étiez économiste à la Canada West Foundation, mais j'aimerais connaître davantage votre organisme. Que fait-il?

[Traduction]

    Je suis une économiste du travail et j'étudie l'économie de la Colombie-Britannique et du Canada, en particulier le marché du travail, depuis des décennies. J'ai mon propre cabinet d'experts-conseils en économie, et je suis confronté à des pénuries d'employés. Il y a peut-être là un parti pris.
    Également, la Canada West Foundation est un groupe de réflexion indépendant qui existe depuis 35 ans. Son objectif est d'assurer la vigueur et la prospérité de l'Ouest, dans un Canada dynamique et uni. Nous étudions des questions économiques, politiques et sociales.

[Français]

    Vous avez parlé de l'importance pour le Canada, selon vous, d'avoir des travailleurs étrangers pour, entre autres, répondre aux besoins de main-d'oeuvre. Beaucoup de gens se sont présentés devant nous et ont soulevé des préoccupations au sujet des conditions de travail de ces personnes, pas seulement celles sans papiers mais même celles avec des papiers, qui peuvent être exploitées par des employeurs mal intentionnés.
    Quelles mesures suggérez-vous au comité de prendre pour éviter que des travailleurs étrangers qui viennent ici puissent être l'objet d'exploitation?

[Traduction]

    Il est très important que les travailleurs sans papiers, comme n'importe quel autre travailleur ou personne au Canada, ne soient pas exploités. Nous avons des codes du travail, nous avons des lois et nous devons recourir aux mécanismes existants pour faire appliquer...
    Ce serait bien si l'on pouvait mettre en place des systèmes qui nous permettraient de mieux travailler grâce à l'embauche d'immigrants, que ce soit de façon temporaire ou permanente, ou en améliorant la main-d'oeuvre canadienne par le biais de la formation, etc., et il faut faire cela aussi. Je prévois que les pénuries de travailleurs seront suffisamment critiques qu'il nous faudra recourir à tous ces mécanismes. Ce n'est pas comme si nous avions le choix de faire l'un ou l'autre. C'est seulement en faisant cela que nous pourrons éviter les pénuries. Il y aura toujours des resquilleurs sans scrupules; cela ne changera jamais. Mais présentement, le marché du travail de la Colombie-Britannique est tellement en manque de main-d'oeuvre qu'en se fondant sur les témoignages limités que nous pouvons obtenir au sujet des travailleurs sans papiers, on peut affirmer qu'ils sont déjà présents dans les secteurs à bas salaires, comme les restaurants et les hôtels.
    Ils gagnent déjà plus que le salaire minimum. La rareté des travailleurs est telle que même les sans-papiers peuvent maintenant imposer leurs propres conditions. En outre, il est plutôt difficile de les exploiter car si un employeur tente de les exploiter, il y en a d'autres pour les embaucher.

[Français]

    Nous avons entendu les commentaires des deux autres témoins sur le fait que l'on s'interroge pertinemment — je le fais également— à savoir si l'arrivée massive de travailleurs étrangers temporaires est une solution à long terme pour pallier la pénurie de main-d'oeuvre.

[Traduction]

    Il faut espérer que ce ne soit pas une solution à long terme. Pour moi, la solution passe davantage par le perfectionnement des Canadiens, par des mesures visant à les encourager à acquérir une formation dans les secteurs où la demande est forte, par l'embauche d'immigrants permanents et par la reconnaissance des titres de compétences des immigrants. En outre, il faut essayer de mieux cibler les personnes que nous invitons à venir au Canada pour répondre aux besoins de notre marché du travail. Je constate que le marché du travail est sur la corde raide. J'y vois une tendance cyclique démographique à long terme et non une tendance séculaire en raison de considérations démographiques, mais ce n'est pas uniquement un cycle temporaire. Par conséquent, si l'on veut répondre aux besoins du marché du travail, il nous faudra envisager toutes les solutions possibles.

  (1405)  

[Français]

    Êtes-vous d'accord qu'il faudra quand même procéder avec parcimonie, de façon réfléchie et attentive pour éviter que cela devienne une solution facile et pour encourager tous les intervenants, que ce soit le gouvernement ou les entrepreneurs, à faire d'abord l'effort d'avoir recours à la main-d'oeuvre déjà disponible?

[Traduction]

    À mon avis, la plupart des employeurs sont déjà fermement en faveur de l'utilisation des travailleurs existants. Ils sont poussés à employer des travailleurs étrangers temporaires ou sans papiers uniquement lorsqu'ils ne trouvent pas de personnes vivantes, pratiquement à n'importe quel niveau, avec ou sans formation, qui accepteraient le travail qu'on leur propose, au prix qu'ils peuvent se permettre de payer, quel qu'il soit. Ici et en Alberta, le marché du travail est tellement en manque de travailleurs qu'à certains endroits, des employés au niveau d'entrée, comme les serveuses de McDonald et les femmes de chambre, sont payés 20 $ l'heure. Et les employeurs ne sont toujours pas capables de combler tous les postes vacants. Certains restaurants ordinaires sont obligés de réduire leurs activités au point de n'offrir uniquement que le service à l'auto parce qu'ils ne trouvent pas suffisamment d'employés, à quelque niveau que ce soit, à 20 $ l'heure pour travailler. Voilà l'ampleur des pénuries auxquelles nous sommes confrontés. À mon avis, cette situation perdurera dans un avenir prévisible, soit pour les 20 prochaines années étant donné qu'au plan démographique, il y aura peu de jeunes et un grand nombre de retraités.

[Français]

    Monsieur Collacott, lors de votre présentation, vous avez souligné l'impact de l'arrivée massive de travailleurs étrangers sur les salaires. Cela a un certain sens en raison de l'offre et de la demande. À partir du moment où il y a plus de travailleurs prêts à travailler à un salaire inférieur, on peut penser que les salaires pourraient diminuer. Votre collègue dit que ce n'est pas un problème. De toute manière, les salaires sont présentement à la hausse parce que le marché est très serré.
    Comment vous situez-vous par rapport à cela?

[Traduction]

    Je voudrais simplement commenter les propos de Roslyn Kunin à cet égard. Le marché du travail est effectivement très restreint à l'heure actuelle, mais je ne suis pas aussi convaincu qu'il le demeurera à long terme. Nous connaissons un boom économique. L'économie américaine se porte bien. Je pense qu'on pourrait voir des changements. Cela ne se produira pas avant les Olympiques, mais je ne suis pas du tout certain qu'il n'y aura pas un ralentissement. Par conséquent, je doute que la progression des pénuries se poursuivra perpétuellement. Dans la plupart des économies, une telle situation ne perdure pas habituellement indéfiniment.
    Je ne suis pas certain d'avoir répondu à votre question spécifique.

[Français]

    Si je comprends bien, vous dites finalement qu'à court terme, cela peut être intéressant, mais que ce n'est pas une solution à long terme pour le marché de l'emploi au Canada.

[Traduction]

    Non, et qui plus est, je mets en doute l'idée que l'on sera toujours à court de travailleurs. Il y a 100 ans, un démographe britannique a affirmé qu'il y avait 14 travailleurs pour chaque non-travailleur. À l'époque, la plupart des gens mouraient avant 65 ans. Ce ratio est passé à quatre et il tombera à 2,6 dans la foulée du vieillissement de la population. Mais il a signalé que les avancées au chapitre de la productivité — si nous pouvons nous concentrer là-dessus — ont modifié l'évolution de ce rapport, de sorte que lorsque l'on arrivera à 2,6, si nous pouvons maintenir notre productivité à la hausse, il est probable que nous nous tirerons d'affaire assez bien.
    Par conséquent, il faut examiner soigneusement l'hypothèse selon laquelle nous serons perpétuellement en manque de travailleurs ou que l'économie ne piquera pas du nez à un moment donné. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas faire venir des travailleurs étrangers temporaires pour que la machine continue de tourner, mais j'estime qu'il faut faire preuve d'une plus grande prudence et envisager un retour possible du balancier.
    Merci, monsieur St-Cyr et monsieur Collacott.
    Madame Chow, s'il vous plaît.
    Ma question s'adresse au professeur. Connaissez-vous d'autres pays qui accordent des visas à des travailleurs étrangers en fonction de leur métier? Au lieu que le visa soit rattaché à un employeur individuel, par exemple, si l'on a besoin d'un charpentier, le visa stipulerait que le charpentier en question doit travailler comme tel. Cette personne pourrait travailler pour l'entreprise A, B, C ou D, pour autant qu'elle travaille comme charpentier. Avez-vous déjà vu une telle pratique? Pensez-vous que c'est une bonne idée? En faisant cela, nous laissons le marché décider. À ce moment-là, on introduit un élément de concurrence entre les différentes entreprises, ce qui optimiserait les avantages des employés. Parfois, lorsque le travailleur est prisonnier d'un seul employeur, c'est le plus bas dénominateur commun qui prime. En pareil cas, on se retrouve avec des situations comme celles qui ont été dénoncées par les intervenants précédents: une main-d'oeuvre à bon marché ou des violations des règles et des pratiques du travail, etc. Est-ce là une initiative que vous appuieriez?
    Vous voulez savoir si je connais d'autres pays où cette pratique est en vigueur et si je l'approuve. Oui, je sais que cela se fait dans d'autres pays. On peut prendre l'exemple de l'Europe. Avant l'élargissement de l'Union européenne, les travailleurs polonais étaient autorisés à venir en Allemagne en vertu d'un tel régime; autrement dit, ils avaient le droit de se servir de leur visa original pour obtenir un emploi secondaire, pourvu que ce soit dans le même secteur, selon les mêmes paramètres généraux. Les Allemands ont veillé à limiter dans le temps l'application de cette procédure. Et ils ont rattaché cela très clairement à la formation. Les travailleurs polonais étaient tenus de suivre une formation dans le secteur allemand. On a agi ainsi pour susciter la bonne volonté de la Pologne et des travailleurs polonais, mais c'était aussi une stratégie très astucieuse car en les formant, on les incite à rentrer chez eux.
    Deuxièmement, comme je l'ai déjà mentionné, ces arrangements étaient toujours assujettis à un mécanisme de temporarisation. Le séjour ne pouvait pas se prolonger indéfiniment, et c'était valable pour tout le monde. Cette solution s'est avérée efficace pour l'Allemagne, mais il en coûte très cher de surveiller un tel mécanisme.

  (1410)  

    Est-ce une pratique que vous appuieriez?
    Oui.
    Ma deuxième question concerne la catégorie de l'expérience canadienne, qui suscite un débat à l'heure actuelle. Seulement 20 000 personnes sont touchées, celles qui ont des compétences, qui ont des diplômes, qui parlent anglais ou français. Par conséquent, sur 120 000 personnes, 20 000 seulement peut-être seraient admissibles. Les 100 000 qui restent n'auraient aucune chance de devenir des résidents permanents.
    Vous dites vouloir susciter chez eux l'espoir qu'ils pourront améliorer leur sort et faire venir leur famille et ainsi les amener à établir des racines au Canada. Est-ce juste de punir ceux dont les compétences ne sont pas aussi élevées? Nous avons besoin de ces travailleurs, mais comme ils n'ont pas de diplômes universitaires, nous ne les autorisons pas à présenter une demande. Ou, même s'ils présentent une demande, ils n'obtiennent pas suffisamment de points. Par conséquent, ils ne peuvent pas devenir résidents permanents, ce qui leur interdit de faire venir leur famille au Canada. Je considère que ce n'est pas juste.
    À votre avis, comment devrions-nous restructurer cette catégorie de l'expérience canadienne pour assurer l'égalité des chances, tout comme on l'a fait pour les aides familiales? Si une personne scolarisée présente une demande, il est fort probable qu'elle sera admissible. Devrait-on appliquer à cette catégorie l'expérience que nous avons eue avec le programme des aides familiales?
    Je vais commencer par la fin. De façon générale, je suis favorable à la catégorie de l'expérience canadienne, mais à certaines conditions. Si l'on examine ce que l'on envisage dans la catégorie de l'expérience canadienne, il y a des exigences linguistiques. Il y a aussi des exigences de réussite en emploi, en ce sens qu'il faut travailler depuis un certain temps. Il y a aussi des exigences minimales pour ce qui est d'avoir une certaine forme d'appartenance au Canada. Si tous ces critères sont mis en place, je doute que la totalité des 100 000 travailleurs étrangers temporaires puissent présenter une demande. Je pense que cela tournerait davantage autour de 30 000 ou 40 000.
    Lorsque j'ai interviewé des travailleurs étrangers temporaires employés dans l'escarpement du Niagara, la plupart d'entre eux m'ont dit qu'ils voulaient rentrer chez eux à la fin de l'année pour voir leur famille. La clé est donc de décider s'ils peuvent faire venir leur famille ou non.
    Bien sûr.
    Le programme en question ne s'adresse pas uniquement aux travailleurs non qualifiés; il cible aussi les diplômés et les étudiants. Globalement, je suis très en faveur.

  (1415)  

    Ce n'était pas ma question.
    J'ai mal compris. Désolé.
    Ma question est la suivante. Ce programme se limiterait aux personnes qui ont des diplômes universitaires, des compétences très élevées. Il y a quatre catégories, A, B, C et D. Une personne qui est dans la catégorie D, un ouvrier non spécialisé par exemple, un travailleur agricole ou un employé de McDonald en Alberta, à Fort McMurray, n'aura jamais la possibilité d'être accepté ou de présenter une demande de résident permanent. Est-ce juste?
    Je souhaiterais que tous aient une chance égale, peu importe le niveau de compétence. Par conséquent, je dirais que la façon dont le programme est organisé est injuste. J'appliquerais ce mécanisme, mais avec une réserve, soit un pour un. Si l'on accepte une personne de plus dans la catégorie de l'expérience canadienne, à ce moment-là, on en retirerait une de la catégorie des immigrants permanents.
    Pourquoi?
    Pourquoi? Parce qu'il faut qu'il y ait un équilibre. On ne peut pas soudainement augmenter le niveau d'immigration à partir d'une variable x. Permettez-moi simplement de dire que le pays peut uniquement absorber un certain nombre de personnes à court terme dans l'économie.
    Quel serait le chiffre que vous avez en tête, puisque vous soulevez la question?
    Un chiffre beaucoup plus considérable que celui que nous avons maintenant.
    Peut-être 330 000, 1 p. 100 de notre population?
    Tout dépend des personnes qui viennent et de l'endroit où elles vont. Je dirais simplement un chiffre sensiblement plus élevé — je suis un politicien.
    Merci.
    Vous savez très bien choisir votre moment, madame Chow. Il ne vous restait que dix secondes.
    Merci.
    Monsieur Komarnicki.
    Merci beaucoup.
    Évidemment, on peut parler de chiffres, et c'est une chose qu'il faudra régler. Si j'ai bien compris, vous dites qu'il y a un nombre optimal qui permet l'absorption des nouveaux venus dans la société canadienne et qu'il conviendrait de partir de là. Est-ce juste?
    Si l'on en revient aux travailleurs sans papiers, je pense que l'un de vous, ou les deux, avez mentionné que ces personnes sont dans cette situation surtout parce qu'il n'existe pas pour eux un mécanisme légitime qui leur permettrait de s'établir ici pour satisfaire à certains besoins économiques du pays. Si je comprends bien vos propos, vous souhaitez une certaine réforme ou un changement dans notre façon d'aborder l'immigration pour qu'il y ait une meilleure concordance entre les immigrants et les besoins économiques du pays. Bien sûr, il faut aussi une répartition adéquate entre la catégorie des immigrants économiques, de la réunification des familles et nos obligations à l'égard des réfugiés, n'est-ce pas? Je voudrais savoir si vous attendez des législateurs qu'ils trouvent de nouveaux moyens de répondre aux besoins du pays. Je vous demanderais de répondre en premier, et ensuite, de laisser la parole aux autres.
    Pour le meilleur ou pour le pire, je pense que la catégorie de l'expérience canadienne, que je préconise depuis 30 ans, est une façon de concilier les deux objectifs. Si l'on ignore précisément le chiffre exact, comme 386 441, le marché du travail vous fournira une indication, à savoir si l'on a besoin de plus ou de moins de travailleurs selon son recours au programme des travailleurs temporaires. Si elle est bien administrée, la catégorie de l'expérience canadienne fera le travail.
    Roslyn, vous vouliez intervenir.
    Je conviens certainement qu'il y a un besoin actuel et futur de travailleurs et que l'on ne peut absorber davantage d'immigrants que nous en accueillons maintenant. Nous oublions souvent que tout cela ne relève pas uniquement de notre choix. Nous faisons concurrence au monde entier pour ce qui est d'aller chercher des immigrants, qu'ils aient déjà la formation et les compétences dont nous avons besoin ou qu'ils soient capables de les acquérir une fois ici.
    J'ai eu le privilège de travailler pour le Parlement, plus précisément pour le ministre de l'Immigration de l'époque, il y a de cela une dizaine d'années. J'étais chargée de rédiger un rapport intitulé Not just numbers/Au-delà des chiffres, qui constituait un examen très approfondi de l'ensemble du programme d'immigration, y compris les réfugiés. Nous avions envisagé l'idée d'attirer une catégorie de gens que nous appelions les nouveaux pionniers, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas nécessairement tous les diplômes qui leur donneraient des points en vertu du système actuel, mais qui possèdent un ensemble de compétences techniques et non techniques — les compétences non techniques étant plus difficiles à mesurer. Ils pourraient ainsi être les nouveaux pionniers et contribuer à l'essor du Canada, comme l'ont fait les générations précédentes.
    Je vais simplement faire suite à cette intervention, et je reviendrai à M. Collacott. Vous dites qu'il y a une certaine concurrence entre les pays pour attirer le genre de personnes qui nous intéressent. Chose certaine, comme vous le savez, il y a d'importants arriérés et de longs délais dans notre système, et nous voudrions y apporter des changements pour le rendre plus concurrentiel.

  (1420)  

    J'ai rencontré des gens très intéressants en Europe, en Australie et dans de nombreux autres pays. Lorsqu'ils apprennent que je suis du Canada, ils m'expliquent qu'ils ont présenté une demande pour venir au Canada, mais que les États-Unis ont répondu en premier, ou encore l'Australie ou la Grande-Bretagne ont répondu en premier, de sorte que c'est là qu'ils sont allés.
    Par conséquent, il faut s'atteler à la tâche et devenir plus compétitifs. C'est l'essentiel de vos propos.
    Exactement.
    Pour ce qui est de la réforme relativement aux travailleurs temporaires, je crois avoir entendu M. Collacott dire qu'il faut que le programme soit ciblé et peut-être plus spécifique. Il faut toujours s'assurer que ceux qui viennent ici jouissent d'une certaine protection, de certains droits. D'ailleurs, on est intervenu en ce sens dans le cas des aides familiales, comme vous l'avez mentionné. Dans leur cas, on a prévu certaines dispositions. Est-ce que cela reflète votre position?
    C'est certainement un élément. Je pense que les gens qui viennent ici en tant que travailleurs étrangers temporaires devraient être protégés.
    Avec votre permission, j'aimerais commenter deux ou trois arguments qui ont été avancés. Roslyn Kunin vient de dire que nous avons besoin d'un plus grand nombre d'immigrants. En réalité, les immigrants ne se tirent pas très bien d'affaire en moyenne. Certains ont très bien réussi, comme M. Karygiannis et M. Telegdi. Mais en fait, leur performance économique a été beaucoup moins bonne que celle des Canadiens ou des immigrants des premières vagues. Ils affichent des taux de pauvreté plus élevés. Par conséquent je pense que c'est l'ensemble du dossier qu'il faut examiner.
    Mme Chow a soulevé une question intéressante. Est-il juste d'accorder la préférence à des personnes fortement scolarisées? Il faut avouer que nos politiques d'immigration ne sont pas fondées sur l'équité. Les programmes humanitaires — les réfugiés — sont fondés sur des considérations humanitaires, mais nos programmes d'immigration devraient être basés sur ce qui est bon pour les Canadiens. Par exemple, à propos des gens de métier, nous en avons besoin maintenant, mais il est fort possible qu'on en ait moins besoin à l'échéance du présent cycle de la construction. Par conséquent, j'estime qu'il faut examiner cela très sérieusement. On risque de s'apercevoir...
    Excusez-moi. Je vous invite à terminer rapidement parce que mon temps de parole file et j'ai une autre question.
    Il se peut qu'on constate qu'on a besoin de certains d'entre eux de façon permanente mais à mon avis, nous devrions faire preuve d'une plus grande prudence.
    Pour faire suite à cette intervention, il semblerait que nous ayons déjà eu cette catégorie de l'expérience canadienne que vous avez évoquée, monsieur DeVoretz. Elle concerne les personnes qui travaillent au Canada pendant une certaine période de temps. Je suppose qu'ainsi, elles peuvent s'acclimater et amorcer leur cheminement vers l'intégration à la société. Ne serait-ce pas là le genre de personnes qu'il serait logique d'accueillir ici et auxquelles on pourrait aussi permettre de faire venir leur famille pour qu'ils s'établissent dans diverses collectivités, selon les besoins qui se matérialisent un peu partout au pays?
    La réponse brève est oui. Cela dit, j'estime qu'il faut que cette initiative soit élargie. Elle ne peut se limiter uniquement aux étudiants diplômés et imposer des barrières élevées au chapitre de la langue et de la scolarité, sinon on se retrouvera avec les mêmes problèmes que la catégorie des immigrants permanents.
    Autrement dit, vous voulez élargir la portée de cette catégorie et veiller à ce qu'elle englobe les divers métiers et professions.
    Pour autant que la règle de « l'avantage économique net pour le Canada » s'applique à tous les types de compétences, oui.
    Si j'ai bien compris, nous devons faire des réaménagements pour que les programmes concordent avec les tendances économiques et les besoins du pays.
    Oui, il faut le faire périodiquement.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Trente secondes.
    D'après les statistiques du recensement, notre population s'est accrue d'environ 1,6 million d'habitants depuis cinq ans. De ce nombre, 1,1 million sont arrivés par le biais de l'immigration. Convenez-vous tous avec moi que si nous voulons répondre aux besoins d'un pays en pleine croissance, en pleine expansion, il nous faut nous tourner vers l'étranger — tout en formant du mieux possible les travailleurs qui sont déjà ici — et être concurrentiels en même temps?
    L'un ou l'autre d'entre vous peut répondre...
    Si nous sommes d'accord pour dire que nous avons besoin d'une population croissante — et Martin ne l'est pas — et si nous voulons qu'elle augmente d'ici 20 ans, c'est-à-dire la période au cours de laquelle toutes les personnes qui intégreront la population active seront déjà nées ici, il nous faudra augmenter l'immigration.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais que nous puissions continuer parce que je sais que d'autres personnes, dont M. Karygiannis, voulaient poser des questions, mais nous accueillons un autre groupe sur le même sujet: les travailleurs sans papiers.
    Je suis réticent à... même si je vois des gens qui demandent une minute.
    D'accord.
    Je ne veux pas une minute, je veux apporter une précision. Mon nom a été mentionné par M. Collacott, ainsi que par M. Andrew Telegdi.
    Je veux communiquer à M. Collacott une information. S'il fouille un peu dans mes antécédents, il constatera que ce n'est pas moi qui peut être cité en tant qu'exemple de réussite; c'est mon père. Je suis arrivé ici en tant que réfugié. C'est mon père qui a réclamé le statut de réfugié à l'aéroport. C'est donc à lui, et non à moi, que revient tout le crédit de la réussite. J'ai eu droit à tout ici. Par conséquent, si vous voulez le présenter comme un sans-papiers qui a réussi, faites-le. Chose certaine,...

  (1425)  

    C'était une bonne minute.
    Je vais donner la parole à M. Carrier, et je pense que Nina veut aussi intervenir brièvement. Ensuite, nous remercierons nos témoins et nous passerons à l'autre groupe.
    Monsieur Carrier.

[Français]

    Mesdames et messieurs, bonjour. Je dois faire rapidement, malheureusement.
    Je fais une grande distinction entre des travailleurs étrangers temporaires et l'immigration. Comme le mot le dit si bien, un travailleur temporaire vient ici pour combler un besoin temporaire, alors que dans un cas d'immigration, on applique des critères plus importants que celui de l'emploi, comme la culture, la langue et l'appartenance à ce pays.
    Mme Kunin a dit plus tôt qu'un travailleur temporaire devrait pouvoir rester au pays tant qu'il y a du travail pour lui. Finalement, cela constitue une immigration déguisée. Tant qu'on a du travail à lui offrir, on va le garder. Ce n'est pas nécessairement le genre de citoyen qu'on veut accueillir. On ne veut pas seulement un travailleur, on veut un bon citoyen canadien.
    J'aimerais vous entendre là-dessus.

[Traduction]

    D'accord.
    Madame Grewal, vous vouliez intervenir brièvement.
    Encore une fois, je rappelle aux députés que le prochain groupe témoignera aussi au sujet des travailleurs sans papiers. Vous aurez donc l'opportunité, j'en suis sûr, de leur présenter vos points de vue.
    Madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, je remercie chacun de vous de votre temps et de vos exposés. Si vous avez un exemplaire de vos exposés, auriez-vous l'obligeance de les donner au greffier? Ils étaient très bien documentés, et nous pouvons tous en tirer des enseignements.
    Je sais que nous avons tous parlé des pénuries de travailleurs ici et là. Chacun d'entre vous pourrait-il nous dire, en quelques phrases, quelles améliorations vous recommanderiez au programme des travailleurs temporaires?
    Je vais donner une minute à chacun des témoins pour répondre à l'intervention de M. Carrier, je vous prie.
    N'importe qui, M. Collacott, Mme Kunin.
    Désolé, pourriez-vous répéter l'essentiel de votre propos? Je préparais un autre commentaire.

[Français]

    Je faisais une grande distinction entre un travailleur temporaire qui comble un besoin temporaire et un immigrant qui est choisi selon plusieurs critères importants pour un pays. Donc, permettre à un travailleur temporaire de rester tant qu'il y a du travail pour lui équivaut à une immigration déguisée, ce qui ne correspond pas aux objectifs du gouvernement.

[Traduction]

    Monsieur Collacott.
    Cela me poserait aussi un problème. Il peut arriver qu'un travailleur étranger temporaire soit par la suite admissible à la résidence permanente ici. Je pense qu'il existe une disposition en ce sens. Mais c'est vrai que l'on ne peut autoriser ces travailleurs à rester indéfiniment car cela provoquera des problèmes d'ordre social et autres. Il faut donc trouver une solution.
    Pour résumer l'état de ma réflexion, très brièvement, il faut approfondir le sujet. Nous devons avoir une idée plus claire de la situation. Il faudrait voir ce que d'autres pays ont fait et déterminer ce qui cloche car nous avons adhéré subitement à un programme fortement élargi et je pense que cela cause des problèmes. Nous devrions vraiment procéder à un examen plus approfondi de la question.
    Merci.
    Madame Kunin.
    Premièrement, pour revenir à l'argument de M. Carrier au sujet des travailleurs temporaires, par opposition aux résidents permanents, je pense qu'il convient d'examiner le programme des travailleurs ayant une expérience canadienne, pour s'en inspirer. Les travailleurs temporaires que nous devrions inviter, autoriser et parfois encourager à rester en tant que citoyens permanents sont ceux qui, pendant leur séjour temporaire, ont appris l'une ou l'autre des langues officielles, se sont adaptés à la culture et ont apporté une contribution utile au Canada. Ce sont eux qui devraient pouvoir continuer à contribuer, et non ceux qui ont du mal à s'intégrer parce qu'ils ne sont pas suffisamment qualifiés ou qu'ils ne parlent pas la langue, etc.
    Pour ce qui est du programme des travailleurs étrangers temporaires, j'abonde dans le même sens que Don DeVoretz sur les moyens à prendre pour en faire une utilisation optimale, notamment en y associant des clauses de temporarisation.
    Merci.
    Monsieur DeVoretz.

  (1430)  

    Pour répondre directement à la question de Mme Grewal, en tant que résident de la vallée du Fraser, la première chose que je ferais au niveau provincial, c'est veiller à ce que les conditions qui doivent régir le travail des employés étrangers temporaires dans le secteur agricole soient appliquées avant que l'on en accueille d'autres. Vous et moi avons eu connaissance de suffisamment de tragédies que nous ne voulons même plus parler de cela. C'est simple, il suffirait d'imposer ces ordonnances aux employeurs.
    Pour répondre à la question de M. Carrier, je pense que la catégorie de l'expérience canadienne, avec ses exigences linguistiques, d'emploi — il faut faire la preuve de bons antécédents d'emploi — et d'attachement au pays est exactement le genre de chose que l'on devrait faire, en y ajoutant mon idée d'une clause de temporarisation. Ce n'est pas tout le monde qui est admissible. Si l'on continue à le répéter, il faut mettre cela de l'avant.
    Merci.
    Nous vous sommes très reconnaissants de vos exposés. Je suis convaincu qu'ils nous seront très utiles dans la rédaction de notre rapport et dans le choix de nos recommandations au gouvernement.
    J'invite les prochains groupes de témoins à se présenter à la table: l'Independent Contractors and Business Association, le B.C. and Yukon Territory Building and Construction Trades Council, ainsi que le Trade Union Research Bureau. Je vais leur donner quelques instants pour s'installer.
    M. Karygiannis est le premier sur la liste des intervenants.
    Monsieur le président, j'ai une question au sujet de la procédure.
    J'ai rencontré des gens qui auraient voulu s'exprimer sur le sujet, mais qui ignoraient que nous tenions des audiences. Par conséquent, s'ils ont raté la possibilité de participer aux audiences, ils ne peuvent pas... Ils voulaient savoir de quelle façon le comité a annoncé la tenue des audiences. Avons-nous fait savoir aux gens qu'il y avait des audiences? Comment peut-on répondre à cette question? Comment s'y est-on pris pour communiquer nos avis?
    Un communiqué a été publié. Je l'ai vu moi-même. Il a été publié à quelques reprises dans le journal — une fois, je crois, dans le Globe and Mail —, et je pense que les députés du comité ont soumis des noms au greffier. Comme il y aura 52 panels d'ici à St. John's, Terre-Neuve, il sera difficile de glisser des témoins additionnels. En fait, nous avons refusé un certain nombre de groupes qui voulaient venir. Il faut mettre une limite quelque part.
    Vous êtes donc en mesure de les avertir, dans ce cas-là?
    Oui.
    Je suis contente de le savoir pour que nous puissions répondre d'une même voix au sujet de l'avis concernant la tenue d'audiences car des gens m'ont demandé pourquoi ils n'étaient pas au courant.
    D'accord. Je comprends cela. Je suis heureux que nos séances aient été si courues.
    Il nous reste maintenant trois heures de travail et nous accueillons l'Independent Contractors and Business Association, le B.C. and Yukon Territory Building and Construction Trades Council et le Trade Union Research Bureau.
    Je pense que vous connaissez bien le fonctionnement de notre comité. Vous avez sept ou huit minutes pour nous présenter une déclaration liminaire...
    Monsieur?
    Quelle organisation représentez-vous?
    Je représente le Trade Union Research Bureau.

  (1435)  

    D'accord.
    Nous allons commencer. Si vous avez des commentaires d'ouverture, veuillez les faire dans l'ordre qu'il vous plaira.
    Monsieur Peppard.
    Je remercie le comité de me donner l'occasion de comparaître devant lui. Nous essayons de nous faire inscrire sur la liste des témoins du comité depuis deux ans.
    À titre d'information, nous avons appris assez tard la tenue des audiences. Vous constaterez que nos mémoires sont uniquement en anglais car nous n'avons pas eu le temps de les faire traduire en français. Toutes nos excuses, mais nous n'avons appris que tardivement la tenue des audiences, et nous avons dû faire vite.
    Vos mémoires seront traduits de toute façon.
    Merci.
    Le BCYT n'est pas opposé à l'importation de travailleurs étrangers lorsqu'il existe une pénurie prouvée de travailleurs canadiens, pourvu que les travailleurs en question ne soient pas utilisés comme source de main-d'oeuvre à bon marché. Malheureusement, un grand nombre de travailleurs étrangers temporaires ont eu droit à un accueil qui n'était pas précisément chaleureux. Notre bureau reçoit régulièrement des appels de travailleurs étrangers qui cherchent des moyens de se soustraire à des situations d'exploitation et d'abus.
    Le présent mémoire recense certaines lacunes fondamentales de la LIPR et des règlements régissant le programme des travailleurs étrangers. Parallèlement, nous nous sommes penchés sur les forces internationales et locales qui produisent des travailleurs sans papiers ainsi que sur les honoraires exorbitants exigés par certains consultants en immigration. En conclusion, nous résumons nos recommandations en vue de résoudre les problèmes causés par la politique et les règlements actuels.
    On a beaucoup parlé précédemment des pénuries de compétences. Je suis plombier et comme je travaille dans le secteur depuis plus de 35 ans, je connais le tabac. Nous vivons une période d'essor économique et il y a effectivement des pénuries dans certains secteurs, mais cela fluctue. Ces pénuries sont attribuables à de multiples facteurs — non seulement à la rémunération et à l'ensemble des conditions salariales, mais aussi à la capacité de la main-d'oeuvre d'être mobile d'un bout à l'autre du pays, d'une province à l'autre et même de venir ici d'un pays étranger. Elles s'expliquent aussi par les problèmes liés à la reconnaissance des titres de compétences. La formation au niveau national est aussi en cause. Il faut que le secteur du bâtiment accroisse sa capacité interne à cet égard.
    Les travailleurs étrangers temporaires sont vulnérables — et j'insiste sur le terme « vulnérables » — à l'exploitation et aux abus parce que leur permis de travail les limite à un seul employeur. La barrière de la langue, le manque de compréhension de leurs droits, leurs inquiétudes au sujet de leur statut d'immigrant et le rapport de force inégal dont ils sont victimes, puisqu'ils dépendent de leur employeur pour leur revenu et pour toute information, entrent aussi en jeu.
    Les exemples les plus courants d'exploitation et d'abus englobent les promesses brisées relativement au salaire ou à la rémunération, la saisie des salaires pour payer les honoraires de placement illégaux des consultants en immigration ainsi que des déductions salariales illégales pour le logement, la nourriture et le transport.
    On lutte contre la coercition et l'intimidation des employeurs au moyen de normes d'emploi provinciales et de mécanismes de protection du code du travail d'une grande lenteur et d'une piètre efficacité. Le gouvernement fédéral ne peut se contenter de refiler cette responsabilité au gouvernement provincial si ce dernier n'a ni la capacité ni l'intention d'assurer cette protection.
    La protection en matière de droits humains est uniquement disponible pour les travailleurs étrangers temporaires représentés par un avocat. Notre conseil a déjà dépensé plus de 200 000 $ pour un seul cas au cours des deux dernières années afin de protéger un groupe d'employés étrangers sur un lieu de travail. Il est absolument ridicule de s'attendre à ce qu'un travailleur étranger qui gagne entre 15 et 20 $ l'heure puisse retenir les services d'un avocat dont les honoraires oscillent entre 250 et 700 $ l'heure. Or, c'est ce qu'il faut faire pour bénéficier du système, que ce soit à la commission du travail, à la commission des droits de la personne ou devant les tribunaux.
    À propos de main-d'oeuvre bon marché, le marché planétaire des travailleurs de la construction se targue d'avoir un surplus de travailleurs accessibles à bas salaire, soit en moyenne 1,50 $ l'heure. Au nombre des problèmes que nous rencontrons, citons les frais de placement et les liens entre les usuriers et les courtiers qui percolent jusqu'aux entrepreneurs. Il ne suffit pas de contrôler ce que nous pouvons contrôler à l'échelle de notre province ou de notre pays. Nous devons composer avec la situation dans le pays d'origine également. Nous n'avons aucun contrôle là-dessus. Par conséquent, ce sont les courtiers, les usuriers et tous les intermédiaires qui exercent ce contrôle, et non le pays d'accueil.
    Ces travailleurs n'ont droit ni aux prestations de l'AE ou du RPC en cas de problèmes. De plus, ils savent qu'ils peuvent être licenciés par leur employeur. En l'occurrence, les déductions salariales du gouvernement fédéral constituent un détournement des gains des travailleurs étrangers temporaires.
    S'agissant du trafic humain, certains sans-papiers sont des travailleurs étrangers temporaires qui se sont réfugiés dans le marché noir ou dans l'économie souterraine ou qui y ont été dirigés par des entrepreneurs. Afin d'échapper aux conditions de travail abusives que leur imposait leur employeur légal, d'autres ont excédé la période de séjour autorisée par des visas de touriste et d'étudiant. En fait, les sans-papiers sont même plus vulnérables que les travailleurs étrangers temporaires. Les employeurs qui embauchent des sans-papiers disposent d'un levier additionnel sur ces travailleurs qui s'inquiètent au sujet de leur statut d'immigrant.
    L'absence de surveillance et d'exécution — et j'insiste sur ce dernier volet — ont ouvert la porte au non-respect de la loi et à des abus de la part d'employeurs sans scrupules. Ce n'est certainement pas la majorité d'entre eux. Il n'y a que quelques pommes pourries dans le panier qui nuisent à la réputation de tous. Aucun système n'existe pour identifier et localiser les travailleurs étrangers temporaires. À l'heure actuelle, il n'y a aucune possibilité de les retracer, aucun suivi. Comment pourrait-on exercer une surveillance, même si on le voulait?
    Les travailleurs étrangers ont besoin de services d'orientation, de défense des intérêts et d'établissement fournis par le gouvernement pour pouvoir exercer leurs droits. J'ai joint en annexe des mémoires que nous avons présentés aux autorités provinciales et fédérales sur ces questions. Il faut informer de leurs droits tous les travailleurs immigrants qui viennent au Canada. Non seulement doivent-ils être informés de leurs droits, mais ils doivent pouvoir s'adresser quelque part pour obtenir qu'ils soient appliqués, un centre d'intervention, par exemple, et cela exige une surveillance sérieuse.
    La reconnaissance des titres de compétences internationaux est un aspect critique du dossier. Je ne peux aborder ce sujet dans les quelques minutes qui me sont imparties, mais je tiens à dire que nous travaillons d'arrache-pied pour obtenir que soient reconnus les diplômes étrangers. Il n'existe pas de normes à cet égard à l'échelle du Canada. Chaque province, chaque organisation qui fait venir des travailleurs étrangers, que ce soit S.U.C.C.E.S.S. ou tout autre groupe, a son propre processus de reconnaissance des titres de compétences. Rien n'est normalisé et cela nous empêche de savoir qui sont ces travailleurs et quelles sont leurs compétences et leur expérience.
    En conclusion, notre association demande au gouvernement fédéral de nommer une commission royale qui se déplacerait dans tout le pays pour entendre les témoignages de tous les intervenants sur la question des travailleurs étrangers temporaires, des sans-papiers et des consultants en immigration. Nous demandons au gouvernement d'allouer immédiatement des ressources suffisantes pour assurer l'application et la surveillance des avis sur le marché du travail. Des équipes mixtes fédérales-provinciales chargées d'assurer l'observation des règles devraient inclure Service Canada, CIC, Revenu Canada, la Direction des normes d'emploi et la CSST, appelée WorkSafeBC dans notre province. Nous avons déjà fait cela et les résultats ont été remarquables. En trois mois, l'équipe de conformité a découvert qu'en Colombie-Britannique, plus de 80 millions de dollars n'avaient pas été perçus. C'est ce qui a résulté d'un effort étalé sur trois mois, avant que le présent gouvernement torpille cette initiative après son accession au pouvoir.
    Nous demandons l'implantation de centres d'intervention fédéraux-provinciaux dans tout le Canada pour venir en aide aux travailleurs étrangers temporaires. Des milliers de travailleurs ont besoin d'aide et d'information pour contrer les abus et l'exploitation dont ils sont victimes de la part de leurs employeurs.
    Nous réclamons des programmes d'orientation pour les travailleurs étrangers temporaires au point d'entrée au Canada. Ces programmes d'orientation doivent les sensibiliser à leurs droits et à leurs obligations. Même des documents écrits dans leur propre langue risquent de ne pas suffire car un grand nombre d'entre eux sont illettrés. Il est absolument fondamental de les informer sur leurs droits selon les normes législatives en matière d'emploi, le code du travail, les droits de la personne, la CSST et la réglementation concernant la santé et la sécurité au travail, la législation sur la location à usage d'habitation et l'accès aux soins de santé.
    Nous recommandons au gouvernement de débloquer des ressources substantielles pour appuyer les services d'établissement destinés aux travailleurs étrangers temporaires, particulièrement la formation en anglais et en français langue seconde, et les services facilitant l'adaptation à la culture et à la société canadiennes.
    Nous recommandons une réévaluation du critère de l'approbation de l'avis du marché du travail. Les travailleurs canadiens qui doivent s'en tirer avec des allocations de logement à l'extérieur et assumer les frais liés à la mobilité et aux possibilités de recyclage doivent être inclus dans les avis concernant l'incidence sur le marché du travail.
    En conclusion, nous recommandons également de réévaluer à tous les six mois au moins les avis préapprouvés concernant l'incidence sur le marché du travail. Il faudrait aussi interdire aux employeurs de licencier des travailleurs canadiens avant des travailleurs étrangers temporaires si le travail vient à manquer.
    Enfin, nous exhortons le gouvernement du Canada à ratifier la Convention internationale de l'ONU sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.
    Il est temps que les pays industrialisés, particulièrement les parlementaires, prennent l'engagement exécutoire de mettre un terme à l'exploitation et à l'abus des travailleurs migrants.
    L'orientation, la défense des droits, la conformité et la surveillance sont au coeur de la solution.
    Merci beaucoup.

  (1445)  

    Merci, monsieur Peppard.
    Nous allons passer à M. Fairey.
    Merci.
    Premièrement, je voudrais remercier le comité d'être venu en Colombie-Britannique pour nous donner l'occasion de nous entretenir avec les députés du Parlement au sujet de cet enjeu important.
    Moi aussi je n'ai entendu parler de votre réunion qu'à bref préavis, et il va de soi que je n'ai pas eu le temps de vous soumettre un mémoire écrit à temps pour le faire traduire.
    Mon nom est David Fairey. Je suis un économiste du travail ayant une vaste expérience de la recherche en matière de politique du travail. Je comparais aujourd'hui pour vous communiquer certaines des principales conclusions et des recommandations stratégiques découlant d'une récente étude de deux ans portant sur l'incidence des changements récents apportés à la politique du gouvernement de la Colombie-Britannique à l'égard des immigrants et des travailleurs agricoles migrants. Cette étude a été effectuée par un groupe d'universitaires et d'attachés de recherche communautaires comme moi. Elle a été financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, dans le cadre d'un partenariat de recherche collectivité-université appelé le Projet de sécurité économique.
    Les chercheurs universitaires suivants faisaient partie du projet: Arlene Tigar McLaren et Gerardo Otero, de l'Université Simon Fraser, et Mark Thompson, de l'Université de la Colombie-Britannique. Le rapport faisant suite à l'étude sera publié sous peu par le Centre canadien de politiques alternatives.
    Les questions suivantes ont guidé cette étude: quelles sont les conséquences des changements apportés aux lois, politiques et pratiques pour les travailleurs agricoles immigrants et migrants en Colombie-Britannique? Quelles sont les répercussions de ce contexte juridique et politique changeant sur les expériences vécues par les travailleurs agricoles? Et quels modèles de rechange, au plan des normes d'emploi et des procédures d'application, permettraient le mieux de répondre à leurs besoins en matière de sécurité financière, de santé et de sécurité, et pour ce qui est de leurs droits dans le domaine du travail?
    Un aspect de notre étude est particulièrement pertinent pour votre enquête: notre examen du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le PTAS, applicable aux travailleurs agricoles étrangers temporaires en Colombie-Britannique, et les entrevues que nous avons menées auprès de 25 travailleurs agricoles migrants mexicains qui sont venus en Colombie-Britannique dans le cadre du PTAS.
    Le contexte de la politique du travail de Colombie-Britannique qui est pertinent à notre étude est le suivant: les normes d'emploi applicables aux travailleurs agricoles en Colombie-Britannique ont été considérablement assouplies en 2003-2004, et le gouvernement provincial a décidé de se joindre au programme PTAS fédéral-provincial en 2004.
    Les changements apportés récemment aux normes d'emploi en Colombie-Britannique qui ont eu une incidence profondément négative sur l'offre de travailleurs agricoles à même la population active locale et sur les conditions d'emploi des travailleurs agricoles canadiens et des travailleurs agricoles étrangers temporaires amenés en Colombie-Britannique dans le cadre du PTAS — et maintenant pour les travailleurs agricoles que l'on fait venir dans le cadre du projet-pilote des travailleurs peu spécialisés — sont les suivants: l'exclusion de ces travailleurs, aux termes du règlement, des dispositions sur les congés fériés payés, les vacances annuelles payées, les heures de travail et la rémunération des heures supplémentaires; la réduction du nombre minimum d'heures rémunérées quotidiennes, qui est passé de quatre heures à deux heures; l'introduction d'un salaire minimum de 6 $ l'heure pour ceux qui ont un premier emploi ou qui n'ont aucune expérience; une réduction considérable des normes d'emploi, des inspections sur place et des activités d'application de la loi dans le secteur agricole; et aucune augmentation du salaire minimum pendant sept ans.
    On nous dit qu'il y a un problème sur le marché de l'emploi, qu'il y a une pénurie de travailleurs. Eh bien, il est intéressant de constater que c'est la communauté des propriétaires agricoles, les propriétaires de fermes qui ont été les plus ardents partisans de cet amoindrissement des normes d'emploi applicables aux travailleurs agricoles. Ensuite, ils ont fait pression sur les gouvernements fédéral et provincial pour adhérer au Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Il est évident que les employeurs et le gouvernement provincial ont créé sur le marché du travail des conditions qui ont contribué à la pénurie en créant une situation de l'offre d'emploi qui est intenable pour les travailleurs locaux.
    Historiquement, la Colombie-Britannique est allée chercher sa main-d'oeuvre à bon marché dans quatre pays de population non blanche pour combler des emplois dangereux ou inférieurs en termes de conditions d'emploi et de citoyenneté au Canada. Au début du XXe siècle, les agriculteurs de Colombie-Britannique ont réussi à obtenir du gouvernement fédéral qu'il permette aux ressortissants d'Asie méridionale et du Japon de travailler dans l'agriculture.
     La politique canadienne de l'immigration a poursuivi sur cette lancée aux tendances raciales en autorisant des groupes particuliers de l'hémisphère sud à venir au Canada pour combler des emplois mal rémunérés et offrant de mauvaises conditions de travail, emplois que d'autres groupes de population ne sont pas disposés à occuper. Leur situation extrêmement vulnérable et leur appartenance à des groupes raciaux ont permis aux employeurs de justifier des conditions de travail inférieures aux normes. Comme ils entrent au Canada sous des conditions très strictes et en ayant des droits limités en terme de citoyenneté, les travailleurs immigrants et migrants sont vulnérables à une situation de travail marquée par une exploitation abusive.
    Les agriculteurs de Colombie-Britannique dans la vallée du Fraser comptent en grande partie sur les immigrants du Punjab pour combler leurs besoins de main-d'oeuvre. Aujourd'hui, environ 90 p. 100 de ces travailleurs agricoles sont des Indo-Canadiens. La majorité sont des femmes, beaucoup dans la cinquantaine et la soixantaine. La plupart ont migré au Canada dans le cadre du Programme fédéral de réunion des familles, parrainés par leurs enfants ou petits-enfants canadiens. Si la plupart des travailleurs agricoles de Colombie-Britannique dans la vallée du Fraser sont des Indo-Canadiens, cette source traditionnelle de main-d'oeuvre a été limitée par Citoyenneté et Immigration en 2003 quand le ministère a limité l'admission des parents et des grands-parents dans le cadre de son programme de réunion des familles. Cette mesure a contribué à la pénurie de main-d'oeuvre qui commençait à apparaître dans l'agriculture en Colombie-Britannique.
    Ayant l'habitude de payer le salaire minimum et parfois moins à leurs travailleurs saisonniers embauchés pour les récoltes, les agriculteurs de Colombie-Britannique ont été confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre au début des années 2000. Le gouvernement provincial n'a pas augmenté les salaires dans l'agriculture pour réagir à cette pénurie, pas plus que le gouvernement fédéral n'a cherché à augmenter le nombre d'immigrants. Et la mécanisation du travail agricole s'est faite lentement. Au lieu de cela, le secteur de l'horticulture a fait du lobbying intensif auprès du programme fédéral pour négocier avec la Colombie-Britannique et le Mexique un protocole d'entente pour que la province se joigne au PTAS.
    En 2004, la Colombie-Britannique a adhéré au PTAS, dans le cadre duquel on accorde aux travailleurs agricoles des visas d'emploi temporaires dans l'agriculture, et des salaires légèrement supérieurs au minimum provincial. Durant la première année du programme, en 2004, 50 travailleurs sont venus aux termes du PTAS. Cette année, on prévoit que 3 000 travailleurs recrutés dans le cadre du PTAS viendront en Colombie-Britannique. Comme je l'ai dit, le programme des travailleurs peu spécialisés est également étendu aux travailleurs agricoles.
    Les fonctionnaires du gouvernement canadien et les employeurs défendent le programme PTAS, considéré nécessaire à cause des pénuries de main-d'oeuvre locales et de l'instabilité de la main-d'oeuvre agricole.
    Le gouvernement exige que les employeurs qui présentent une demande aux termes du PTAS présentent un avis concernant l'impact sur le marché du travail démontrant qu'ils ont tenté d'embaucher de la main-d'oeuvre locale, sans succès. Dans le cas des travailleurs agricoles migrants, le gouvernement ne tient aucun compte du fait que les bas salaires et les mauvaises conditions de travail ne réussissent pas à attirer les travailleurs locaux.
    En outre, le gouvernement n'a pas tenu compte du fait que le PTAS expose les travailleurs à de mauvaises conditions de travail et à une protection insuffisante en matière de sécurité, ce qui les rend incapables d'exercer leurs droits à titre de travailleurs. En particulier, le PTAS ne permet pas aux travailleurs de choisir librement leur lieu de travail ou de résidence, contrairement aux citoyens qui ont officiellement le droit de circuler au sein du marché du travail. Les travailleurs du PTAS ont seulement le droit de venir au Canada s'ils travaillent pour un employeur en particulier, habitent dans les locaux désignés par leur employeur pendant une période déterminée, et retournent ensuite dans leur pays. Ayant seulement le droit de travailler pour un seul employeur et ayant un statut temporaire, ces travailleurs ne sont pas protégés contre la menace du rapatriement. Un travailleur du PTAS qui est congédié par son employeur est renvoyé chez lui au Mexique sans toucher l'argent qu'il a gagné. La menace de rapatriement est un puissant outil de dissuasion qui empêche les travailleurs d'exercer leurs droits.
    Le statut de travailleur temporaire sépare aussi les travailleurs du PTAS de leur famille, les rendant vulnérables aux exigences excessives des employeurs. Les visas PTAS sont différents non seulement de ceux des catégories ordinaires d'immigrants reçus, mais aussi des autres programmes de travailleurs migrants temporaires, en ce sens qu'ils permettent seulement au titulaire de rester au Canada pendant huit mois.
    Mon mémoire renferme encore d'autres éléments, mais je crois que je devrais passer aux recommandations.
    Pourrais-je, en terminant, formuler quelques-unes de nos recommandations?
    Oui, vous avez encore deux minutes, mais un bon nombre de députés veulent poser des questions.
    Nos recommandations au gouvernement fédéral sont les suivantes. Nous faisons également des recommandations au gouvernement provincial et aux gouvernements municipaux.
    Premièrement, il faut qu'il y ait coordination avec les autorités provinciales et municipales. Service Canada, qui relève de RHDS, au lieu de se contenter d'être un service de placement de travailleurs, doit devenir un service qui protège les travailleurs. Il doit prendre l'initiative pour s'assurer que tous les niveaux de gouvernement, y compris la Direction générale des normes d'emploi et de sécurité du travail de Colombie-Britannique, exercent leurs responsabilités. Pour amorcer le processus de coordination, RHDS doit aviser les autorités provinciales du nombre de travailleurs du PTAS, en précisant le titre de leur poste et leur lieu de travail.
    Il n'existe aucun registre de ces travailleurs agricoles migrants, et la Direction générale des normes d'emploi ne sait donc pas qui ils sont ni où ils se trouvent. Les autorités n'ont donc aucun moyen de savoir où aller pour faire des vérifications.
    Le gouvernement fédéral doit mettre au point un système transparent des taux de rémunération des travailleurs du PTAS. Le processus pour déterminer le taux de rémunération approprié doit être transparent, le taux retenu doit être nettement supérieur au salaire minimum et correspondre aux tâches précises effectuées par le travailleur. Tous les travailleurs touchent le même taux peu importe leurs tâches.
    Au terme du processus, les producteurs doivent aussi être tenus de démontrer que même en offrant des salaires sensiblement supérieurs au salaire minimum, ils n'ont pas réussi à attirer des travailleurs canadiens.
    Le gouvernement fédéral doit exiger que les employeurs démontrent qu'ils ont un bilan de conformité satisfaisant. Actuellement, une demande d'embauche de travailleurs du PTAS ne comporte aucune exigence de performance satisfaisante. Quand un employeur présente une demande d'avis concernant l'impact sur le marché du travail en vue d'embaucher des travailleurs dans le cadre du PTAS, il n'est pas tenu de démontrer qu'il a un dossier satisfaisant de conformité à la législation sur l'indemnisation des accidents du travail et sur les normes d'emploi. On pourrait interroger les travailleurs du PTAS sur le traitement reçu chez un employeur donné, la preuve ainsi consignée étant prise en compte au moment d'une nouvelle demande. La performance de l'employeur devrait donc être évaluée après examen du programme.
    Il faut supprimer le droit de l'employeur d'exiger le rapatriement. À l'heure actuelle, l'employeur a le droit de renvoyer un travailleur dans son pays. Les agriculteurs qui souhaitent congédier des travailleurs du PTAS doivent démontrer qu'ils ont des raisons valables de le faire. Une maladie ou une blessure n'est pas une raison valable de rapatrier un travailleur du PTAS. Au contraire, ces travailleurs doivent être couverts par le régime de services médicaux de Colombie-Britannique pour être traités au Canada ou au Mexique jusqu'à leur rétablissement complet.
    Les travailleurs doivent avoir le droit d'en appeler d'un congédiement à une instance indépendante. Le rapatriement est la principale dissuasion pour les travailleurs du PTAS qui voudraient exercer leurs droits dans le domaine du travail. Le congédiement ne doit pas être lié au rapatriement.
    Il faut faire une refonte du PTAS. Le fait que les travailleurs migrants soient assignés à un employeur unique et à un logement désigné par l'employeur pendant une période déterminée équivaut à une forme de servitude. Les travailleurs n'ont presqu'aucun recours pour négocier les modalités de leur contrat. Au minimum, le PTAS doit permettre aux travailleurs de se déplacer librement d'un employeur à l'autre.
    Le PTAS doit aussi envisager la possibilité que les travailleurs puissent être admissibles à l'assurance-emploi et au Régime de pensions du Canada une fois de retour au Mexique, ou de rembourser la totalité des cotisations versées par l'employeur et l'employé.
    Le PTAS doit déboucher sur l'immigration. Si les travailleurs sont acceptés dans le cadre du PTAS, ils doivent pouvoir présenter simultanément une demande de résidence permanente. Ils doivent avoir le droit d'habiter ici avec leur famille et de devenir Canadiens.
    Enfin, nous souscrivons à l'argument soulevé par le témoin précédent, à savoir que le Canada doit adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et notre législation doit viser à assurer la conformité aux normes de cette charte.

  (1455)  

    Merci, monsieur Fairey.
    Voulez-vous faire des observations, monsieur Barrett?

[Français]

     Je serai bref.

[Traduction]

    La barrière de la langue est l'un des problèmes qui engendrent la vulnérabilité. J'ai travaillé avec des travailleurs de divers corps de métier au chantier Ligne Canada. Ces travailleurs hispanophones étaient payés moins de 5 $ l'heure pour travailler à un projet fédéral-provincial. Les contribuables canadiens leur versaient moins de 5 $ l'heure.
    Ce cas a été soumis à la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique et la Commission des droits de la personne en est présentement saisie. La coalition des droits de la personne a rendu une décision. C'est un cas de coercition et d'intimidation. L'employeur a été condamné à payer la moitié des frais juridiques.
    Nous sommes intervenus dès le début de ce problème et, d'ici cinq ans, il aura pris encore plus d'ampleur... Tous les jours, je reçois un coup de téléphone: « Señor Barrett, se me puede ayudar? »
    Dans une autre vie, j'ai été professeur d'espagnol. Je défends maintenant les droits des Latino-Américains qui travaillent dans notre ville. Ils sont arrivés ici après s'être fait promettre un salaire de 25 $ l'heure. Tous leurs papiers sont en règle auprès de Service Canada. Ces promesses sont constamment violées. C'est un phénomène répandu.
    La tour Shangri-La, l'hôpital pour enfants, deux édifices à l'Université de la Colombie-Britannique, des projets publics... Étant donné que l'industrie de la construction recourt à la sous-traitance, SNC-Lavalin peut être la société principale, mais le contrat est subdivisé entre de multiples sous-traitants. Lorsqu'on arrive au bas de l'échelle, c'est 7 $ l'heure, 12 $ pour les projets publics. C'est une situation généralisée, non seulement à Vancouver, mais dans toute la province de l'Alberta.
    Je vous invite à prendre quelques minutes pour lire notre mémoire. Wayne peut parler des frais juridiques très coûteux qu'il faut absorber. Nous ne sommes pas un mouvement syndical qui a 200 000 $ à dépenser pour chaque cas.
    Merci beaucoup.

  (1500)  

    Autrement dit, les entrepreneurs généraux promettent des salaires élevés, 20 ou 25 $ l'heure, et ensuite, lorsqu'ils donnent des contrats en sous-traitance...
    Non. Pour dire les choses simplement, il est facile de dissimuler le véritable employeur. L'employeur est le sous-traitant. C'est un problème contextuel. Pour comprendre l'industrie du bâtiment... Il est très facile pour les travailleurs sans papiers... Encore une fois, cela figure dans notre mémoire.
    Lorsqu'il a parlé d'équipes de conformité mixte, Wayne faisait allusion à l'économie souterraine. Revenu Canada, Service Canada, la Direction des normes en matière d'emploi, WorkSafeBC, ces différents ministères travaillent tous ensemble. Il suffit de constituer une équipe de fonctionnaires du gouvernement qui ferait des contrôles inopinés et le mot se répandrait comme une traînée de poudre que le gouvernement a le secteur à l'oeil.
    D'accord. Merci beaucoup, monsieur Barrett. C'est très intéressant.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions.
    Monsieur Karygiannis, sept minutes.
    Avant de parler du RPC, j'ai une question pour vous, monsieur. Si l'employeur et l'employé contribuent au RPC, me dites-vous qu'une fois que les travailleurs étrangers ou sans papiers sont rentrés dans leur pays, ils ne peuvent toucher les prestations du Régime de pensions du Canada?
    Je ne suis pas sûr s'ils le peuvent ou non. J'affirme qu'ils ne les touchent pas. Ils ne savent même pas qu'ils y ont droit.
    M. Barrett fait des signes de dénégation. Ils ne peuvent toucher les prestations?
    Ils ne peuvent pas les toucher. Nous avons confirmé cela auprès du RPC.
    Vous avez confirmé cela?
    Oui.
    J'ai des nouvelles pour vous, monsieur. Ils le peuvent.
    La personne à qui j'ai parlé au RPC...
    Monsieur, vous avez tort. Quiconque cotise au RPC peut en toucher les prestations. Il existe des accords conclus avec un grand nombre de pays qui permettent aux gens de recevoir directement les prestations. Pourvu qu'on ait cotisé, on peut toucher les prestations. Une déduction de 25 p. 100 est prélevée à l'âge de 65 ans.
    Je vous invite à vérifier vos faits et vos chiffres avant d'avancer quoi que ce soit devant le comité.
    J'ai une autre question, monsieur Peppard. Vous avez parlé de la localisation des travailleurs. M. Fairey a aussi dit quelque chose à ce sujet. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là?
    Localisation?
    Oui. Vous avez tous deux mentionné la localisation des travailleurs sans papiers. Qu'entendez-vous exactement par là?
    Non, monsieur. Je n'ai pas utilisé ce terme.
    Pour ce qui est des travailleurs étrangers temporaires, une fois que l'avis relatif au marché du travail (AMT) est accepté et que les travailleurs arrivent au pays, CIC fait sa vérification, et c'est tout. Lorsqu'ils arrivent au pays, ils se rendent chez leurs employeurs.
    Nous sommes en possession d'allégations d'un certain nombre d'incidents où des employeurs ont été pris à parti par des courtiers en main-d'oeuvre qui se positionnent en tant qu'intermédiaires pour faire venir des gens au pays.
    Nous n'avons pas de mécanisme de localisation des travailleurs. Je veux dire par là que nous n'avons pas une liste de toutes les personnes qui entrent au pays en tant que travailleurs étrangers temporaires. Nous ne savons pas où ils sont, ni même s'ils travaillent pour l'employeur pour lequel ils sont censés travailler, ni dans quelles conditions ils travaillent car il n'y a ni surveillance ni mécanisme d'application.
    Qu'insinuez-vous exactement? Que laissez-vous entendre? Quelle sorte de mécanisme voulez-vous?
    Dans le cadre du programme des aides familiales résidentes, en Colombie-Britannique, ces employées doivent être inscrites auprès de la Direction des normes d'emploi. Si le PTAS, par exemple, ou tout autre programme autorisant la venue de travailleurs étrangers temporaires exigeait la même chose, la Direction des normes d'emploi, qui est le principal responsable de l'observation des normes et des droits en matière d'emploi, saurait qui sont ces travailleurs et où ils travaillent. On pourrait ainsi cibler les enquêtes et les activités d'application de la loi.
    Enquêter sur qui? Les travailleurs étrangers ou les employeurs?
    Enquêter sur les conditions de travail.
    Vous proposez donc un mécanisme de suivi en vertu duquel toute personne qui arrive au pays en tant que travailleur étranger devrait automatiquement faire rapport sur la nature de son travail, son lieu de travail et ses conditions de travail.
    L'employeur qui a conclu une entente avec le gouvernement mexicain et qui parraine ces travailleurs serait tenu d'enregistrer ces employés et leur lieu de travail auprès d'un organisme.
    Un travailleur temporaire qui vient au Canada est titulaire d'un permis de travail temporaire qui le rattache à un employeur spécifique, n'est-ce pas?

  (1505)  

    En vertu de certains programmes, oui.
    En vertu de certains programmes?
    La plupart des programmes fonctionnent de cette façon, oui.
    La plupart, la totalité ou certains d'entre eux? Qu'en est-il exactement?
    Je songeais au SOP et à ces programmes qui sont fondés sur le parrainage d'un employeur. Il existe d'autres programmes qui permettent à des travailleurs de venir au Canada, mais je ne suis pas sûr en vertu de quels arrangements.
    Dans les années 60, il existait un programme en vertu duquel des travailleurs étrangers étaient autorisés à se rendre en Allemagne, et il y avait un suivi. Tous les soirs, en tant que travailleurs temporaires — c'est-à-dire des personnes qui étaient entrées en Allemagne avec un permis de travail —, il fallait se rapporter. Si c'est ce que vous voulez dire par suivi, cela me pose un problème.
    Non. Nous parlons des organismes chargés de faire respecter les conditions de travail et les lois du Canada. Ils devraient connaître le nom des travailleurs, savoir où ils se trouvent et pour qui ils travaillent. C’est tout. À l’heure actuelle, le programme ne donne pas les résultats attendus parce que...
    Faudrait-il faire la même chose pour les travailleurs canadiens?
    Nous allons nous en tenir à cela.
    Monsieur Fairey, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Nous parlons non des travailleurs canadiens, mais des travailleurs agricoles temporaires, qui sont vulnérables et dont on ne respecte pas les droits.
    Si j’ai bien compris, monsieur, vous dites que nous devrions avoir un système de surveillance pour les travailleurs étrangers.
    Mr. David Fairey: Oui.
    L'hon. Jim Karygiannis: Et qu’ils devraient être traités différemment des travailleurs canadiens.
    Ils sont traités différemment des travailleurs canadiens. Ils ne sont pas...
    Vous proposez un système de surveillance.
    Oui, pour que les autorités d’exécution puissent inspecter leurs lieux de travail et veiller à ce qu’ils soient protégés.
    Voulez-vous répondre à la question, monsieur Doyle, ou bien...
    Non. Je veux simplement dire que, pour M. Fairey, ce serait utile pour les travailleurs. J’ai l’impression que sa proposition est sensée. Il s’agit d’aider les travailleurs, de s’assurer que les lieux de travail sont convenables, que l’employeur ne profite pas d’eux, etc.
    C’est bien cela que vous dites?
    Exactement.
    Exactement, ce qui...
    Allez-vous maintenant vous approprier mes sept minutes?
    Allez-y.
    Je vous remercie.
    J’ai de la difficulté à accepter qu’on traite les travailleurs étrangers différemment des travailleurs canadiens. J’ai de la difficulté à accepter qu’on exige des gens qu’ils s’inscrivent quelque part. Cela me rappelle des souvenirs assez pénibles.
    Je crois que vous n’avez pas bien compris ce que je dis. Leurs noms sont déjà connus de Service Canada, des autorités des douanes et de l’immigration et des services frontaliers. Leurs noms sont connus parce qu’ils ont signé un contrat...
    Monsieur Fairey, est-ce que vous comprenez bien ce que vous dites, monsieur? Savez-vous ce que vos propos évoquent?
    Oui.
    Leurs noms sont connus. C’est comme si ces gens... Je regrette, je me trompe peut-être sur le sens de vos propos, mais, à vous écouter, on n’a pas l’impression que nous les accueillons vraiment à bras ouverts. C’est le sens que j’attribue à ce que vous dites.
    Que nous ne les accueillerons pas à bras ouverts?
    Vous dites que leurs noms sont connus.
    Oui. Je dis que les services chargés de s’occuper de leurs conditions de travail n’ont pas leur nom. Les services d’exécution provinciaux, comme la Commission des accidents du travail et la Direction des normes d’emploi, ne connaissent pas leur identité. Ces services sont chargés de faire respecter leurs droits. Comment peuvent-ils le faire s’ils ne connaissent pas leur nom? Comment peuvent-ils s’assurer de leurs conditions d’emploi s’ils ne savent pas où ils travaillent?
    Faudrait-il les traiter différemment des travailleurs canadiens? Oui ou non?
    Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous invite à mettre vos écouteurs pour entendre le travail fantastique des interprètes qui nous accompagnent.
    Je vais vous poser quelques questions. Vous n'avez pas à être stressés. Si vous n'avez pas la réponse complète, je ne vais pas vous en vouloir, je ne vais pas me fâcher. On est contents que vous soyez ici pour répondre à nos questions.
    Monsieur Fairey, j'ai cru comprendre, en écoutant votre intervention, qu'il existe déjà un registre de caregivers, de gens qui restent à la maison et qui assistent les parents auprès des enfants. Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Une disposition spéciale de la Loi sur les normes d’emploi de la Colombie-Britannique protège les droits des aides familiales, qui sont un peu isolées parce qu’elles doivent travailler pour une famille particulière. La loi impose à ces aides familiales, qui sont au Canada sur la base d’un permis de travail temporaire de deux ans, ainsi qu'à leur employeur de s’inscrire auprès de la Direction des normes d’emploi.

  (1510)  

[Français]

    Je comprends.
    Je veux maintenant comprendre le modèle de la Colombie-Britannique. Le gouvernement va-t-il plus loin que simplement inscrire dans un registre le nom de ces individus et l'endroit où ils travaillent? Fait-on de temps à autre une vérification auprès de ces individus pour savoir s'ils sont toujours bien traités par leur employeur et si les conditions sont respectées? Au-delà des bonnes intentions, y a-t-il un contrôle effectif?

[Traduction]

    Je ne sais pas dans quelle mesure les lieux de travail sont inspectés. Je sais seulement que la Direction des normes d’emploi sait où se trouvent ces travailleurs et a le pouvoir de faire enquête. Elle devrait veiller à la mise en vigueur des règlements concernant ces emplois. Toutefois, je ne sais pas dans quelle mesure la direction fait des enquêtes. Il n’en demeure pas moins qu’elle assure une meilleure réglementation de ce secteur que ce n’est le cas pour les travailleurs agricoles saisonniers.

[Français]

    Contrairement au collègue qui m'a précédé, j'ai bien compris que vous et M. Peppard voulez surveiller ce qui se fait sur le terrain et voir si les règles sont respectées, parce que ces personnes sont très vulnérables à l'exploitation. Je trouve que c'est intéressant. M. Peppard a expliqué que si les éventuels employeurs à la moralité douteuse savaient qu'ils peuvent faire l'objet d'une enquête à tout moment, ils seraient probablement plus vigilants. Toutefois, ces enquêtes pourraient être difficiles à mener. Un employeur peu scrupuleux pourrait très bien intimider ses employés, même au moment de l'enquête.
    Certains groupes ont proposé qu'un travailleur étranger muni d'un permis temporaire ait le droit de changer d'employeur afin d'être moins vulnérable face à la personne qui tient sa vie entre les mains.
    Monsieur Peppard et monsieur Fairey, êtes-vous d'accord sur cette proposition?
    Il n'y a pas de surveillance. Ils ont tous les mêmes droits que les Canadiens. Cependant, ils ne peuvent pas quitter leur travail et en chercher un autre comme le ferait un Canadien. Ils sont vraiment liés à leur employeur. Ils n'ont pas le choix, ils doivent continuer à travailler pour lui. De plus, ils ne peuvent pas parler la langue et ne connaissent pas leurs droits. Ils viennent plutôt de pays où on ne respecte pas ces droits.
    Je vais vous arrêter. Vous avez fait valoir ces points plus tôt. J'aimerais que M. Fairey réponde à ma question, parce que mon temps est aussi limité.

[Traduction]

    Absolument. Sans le droit de changer d’employeur, ces gens ne sont essentiellement que des esclaves à contrat, des travailleurs de seconde zone. Le programme des travailleurs agricoles temporaires qui lie les travailleurs à un seul employeur les transforme en esclaves à contrat, dans le sens moderne du terme. Il n’y a pas d’autre façon de qualifier cette situation.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur Fairey, notre ordre du jour ne fait pas mention de votre titre exact. Au début de votre présentation, vous avez dit être un économiste du travail. Pour quelle organisation travaillez-vous?

  (1515)  

[Traduction]

    Je fais de la recherche sur le travail et les politiques à titre de consultant.

[Français]

    Donc, vous travaillez à votre compte. Quels sont vos principaux clients?

[Traduction]

    Parmi mes clients, j’ai des syndicats, des organismes gouvernementaux et des établissements qui s’occupent de politique publique.

[Français]

    Vous avez parlé aussi des travailleurs agricoles. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit généralement d'emplois peu qualifiés? Il est possible que je me trompe. Vous avez dit dans votre présentation qu'on avait créé artificiellement une pénurie de main-d'oeuvre en rendant ce genre d'emplois peu intéressants.
    Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Je crois avoir dit tout d’abord qu’en vertu de la législation provinciale sur les normes d’emploi, les travailleurs agricoles bénéficient d’une protection moindre que les autres travailleurs. Ils ont moins de droits et leurs conditions sont inférieures. Ils font un travail dangereux parce que l’agriculture est un secteur dangereux. À notre avis, les employeurs de ce secteur s’efforcent, sans nécessité, de créer des conditions artificielles de pénurie de main-d’œuvre en exerçant des pressions en faveur de l’adoption de mesures législatives prévoyant des normes moins strictes et des salaires moins élevés qui n'intéresseront pas beaucoup les travailleurs canadiens. Les employeurs agricoles n’agissent pas en concurrents dans un marché libre. Ils veulent bénéficier de protections et de subventions. À mon avis, le programme des travailleurs agricoles temporaires n’est qu’un moyen de subventionner ces employeurs.
    Merci, monsieur St-Cyr.
    Madame Chow.
    Je crois comprendre que vous formulez essentiellement trois recommandations. Je voudrais savoir si vous êtes d’accord. Vous pouvez répondre si vous le souhaitez.
    La première recommandation serait d’accorder aux travailleurs un visa limité à un métier et non à un employeur.
    La deuxième est de veiller à leur donner les renseignements dont ils ont besoin à leur arrivée au Canada et de leur dire qu’ils peuvent s’adresser à un service indépendant, s’ils ont des difficultés, pour déposer une plainte d’une manière équitable.
    La troisième recommandation consiste à charger une équipe d’inspection, organisée par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les intervenants, qu’il s’agisse de syndicats ou d’organismes sans but lucratif, de procéder à des enquêtes. Il y aurait également des inspections du gouvernement provincial, avec l’appui du gouvernement fédéral.
    Sur le plan de la défense des droits, vous préconisez en outre la formation d’un groupe de soutien de ces travailleurs, qui leur viendrait en aide s’ils n’arrivent pas à faire valoir leurs droits.
    Est-ce que cet aperçu représente bien les trois ou quatre principales recommandations que vous recherchez? Y en a-t-il d’autres? M. Peppard voudra peut-être en parler du point de vue de la construction, puis de celui de la recherche.
    Est-ce que ce sont bien les principales recommandations? Ai-je oublié quelque chose d’important?
    J’ajouterais certainement la reconnaissance des titres de compétences comme question encore plus importante, même si je n’en ai pas beaucoup parlé. C’est en soi une question d’une importance considérable.
    La question clé, ici, est la vulnérabilité des travailleurs temporaires étrangers, qu’ils travaillent dans le secteur agricole ou ailleurs. Si nous pouvons remédier à cette vulnérabilité, tout le reste s’arrangera. Nous n’aurons ni à surveiller les travailleurs ou les employeurs ni à rien faire d’autre si nous veillons à ce que le système fonctionne adéquatement.
    Premièrement, je crois qu’il est essentiel de prévoir un visa lié à un métier. À titre de travailleurs étrangers, ces gens sont invités à travailler au Canada d’abord et dans la province, ensuite. S’ils sont invités au Canada, ils devraient être régis par les normes canadiennes et avoir tous les droits et responsabilités des Canadiens.
    Si Citoyenneté et Immigration Canada établit que nous avons besoin, par exemple, de 20 000 charpentiers l’année prochaine, le ministère pourrait dire: « Allons chercher 20 000 charpentiers. » À leur arrivée, leur permis de travail et leur visa seraient liés à leur secteur, de façon qu’ils puissent se déplacer librement et travailler comme charpentiers. Cela réglerait le problème de la vulnérabilité. S’ils ne sont pas convenablement traités, ils peuvent aller ailleurs. Je crois que cela est de toute première importance.
    Deuxièmement, il y a l’orientation et la défense des intérêts. S’ils ont des droits et qu’ils les connaissent, ils ne vont pas nécessairement s’en prévaloir ou aller se plaindre quelque part. Où iraient-ils? S’ils peuvent bénéficier d’un programme d’orientation organisé par une personne impartiale à laquelle ils peuvent faire confiance, s’il y a un groupe qui défend leurs intérêts quand ils ont des difficultés au travail ou, comme Joe l’a mentionné dans le cas de l’employé qui est venu nous voir, s’ils doivent aller à l’hôpital... Ils ne connaissent pas notre système de santé. Leur employeur ne les emmènera pas à l’hôpital ou chez le médecin, ne s’occupera pas de leur renvoi à un spécialiste et ainsi de suite. Je ne mentionne qu’un cas très simple. Le fait d’être un travailleur étranger dans une terre étrangère et de ne pas connaître la langue a de nombreuses implications. Il y a aussi d’autres obstacles. Par conséquent, un centre de défense d’intérêts peut faire bien plus qu’aider un employé victime d’abus de la part de son employeur.
    Enfin, s’il n’y a pas d'équipe de vérification de la conformité ou des systèmes de surveillance... C’est ce que j’entends par surveillance. Il ne s’agit pas de suivre des personnes à la trace. Je veux plutôt parler d’un suivi qui permette de s’assurer que le système fonctionne adéquatement.

  (1520)  

    Oui, nous comprenons ce que vous voulez dire par « surveillance », vous pouvez le croire.
    Puis-je ajouter quelques autres commentaires?
    Pour nous, deux autres points sont prioritaires. Les employeurs qui participent à ces programmes devraient établir qu’ils se conforment aux normes. Autrement dit, les employeurs non conformes, qui ont un mauvais dossier, ne devraient plus pouvoir participer au programme.
    En second lieu, le PTAS, en particulier, devrait permettre aux travailleurs migrants de présenter une demande de résidence permanente.
    Au sujet de ma question précédente à l’autre témoin, je dirais que les travailleurs agricoles n’auront jamais suffisamment de points et n’auront pas les diplômes ou les certificats nécessaires pour être admissibles à la catégorie de l’expérience canadienne. Il faudrait en réalité que cette catégorie comporte des niveaux A, B, C et D, nécessitant chacun tel ou tel nombre de points. Ainsi, les travailleurs auraient l’espoir, s’ils travaillent bien et sont bien établis, de devenir un jour résidents permanents et de faire venir leur famille au Canada. Cela serait essentiel.
    Il est important de comprendre que le PTAS est limité aux hommes mariés.
    Vraiment?
    Ils ont donc tous des familles au Mexique. Les femmes, elles, ont des enfants. C’est donc très...
    Elles doivent donc partir en laissant leurs enfants.
    Certains d’entre eux viennent pendant des années et restent loin de leur famille quatre mois par an. Cela crée d’énormes problèmes sociaux. Par conséquent, leur permettre de demander...
    Vous voulez dire comme dans le cas du programme des aides familiaux résidants, qui a eu beaucoup de succès depuis longtemps?
    Absolument.
    Sauf pour ce qui est des 24 mois sur 36. Ce programme occasionne lui aussi des difficultés. Je ne dirais pas qu’il est parfait. Il devrait, lui aussi, faire l’objet de modifications.
    Au sujet de la catégorie de l’expérience canadienne, nous avons eu l’occasion de participer à la réunion organisée par les responsables fédéraux, lorsqu’ils sont venus ici pour nous en parler. Nous appuyons cette initiative, mais nous avons des réserves. Nous pensons que l’orientation est bonne. Nous croyons fermement que si nous jugeons des gens assez bons pour les faire venir au Canada, nous devrions leur permettre d'emmener leur famille et de devenir des résidents permanents, s’ils le souhaitent.
    Ensuite, nous avons des réserves au sujet de la catégorie de l’expérience canadienne parce qu’elle rend ces employés encore plus vulnérables. À l’heure actuelle, l’employeur les tient en faisant peser sur eux la menace du rapatriement puisque le permis de travail et le visa sont liés à un seul employeur. La catégorie de l’expérience canadienne ne fait qu’ajouter une couche supplémentaire à cette forme d’intimidation.
    Merci, madame Chow.
    Nous allons terminer notre entretien avec ce groupe de témoins en accordant les sept dernières minutes à Mme Grewal.

  (1525)  

    Merci, monsieur le président.
    Tout d’abord, je voudrais remercier les témoins d’avoir pris le temps de comparaître devant le comité. Je les remercie également de leurs exposés que nous avons trouvé très instructifs.
    Nous poursuivons tous le même objectif, qui est de rendre le système plus efficace et plus accessible pour les gens qui viennent chez nous. Nous avons une pénurie de main-d’œuvre, à laquelle nous devons remédier.
    Cette pénurie est ressentie dans plusieurs secteurs, comme la construction, l’agriculture et l’hébergement. Certains travailleurs temporaires sont victimes d’abus et sont vulnérables, comme M. Peppard l’a dit.
    Monsieur Peppard, ma question est très simple. Pouvez-vous nous dire, s’il vous plaît, quels moyens sont en place pour réduire la vulnérabilité de ces travailleurs étrangers par rapport aux trafiquants de personnes? Ces moyens sont-ils suffisants pour eux? Pouvez-vous nous renseigner là-dessus?
    Eh bien, nous ne serions pas ici si les moyens en question avaient été suffisants. Nous avons eu connaissance de cas graves.
    Le problème est partiellement attribuable aux pourvoyeurs de main-d’œuvre, que j’appelle les marchands d’esclaves. Ils ne font plus venir les gens par bateau. Ils les font voyager par avion. Toutefois, ils emmènent des gens dans un marché mondial, que nous devons reconnaître comme tel. Nous pouvons légiférer autant que nous le voudrons au Canada, dans les provinces ou dans les municipalités, mais nous ne pouvons pas agir de la même façon à l’égard d’autres pays, comme les pays hôtes. Nous avons également demandé que le Canada signe ou ratifie plutôt la convention sur les droits de la personne, car nous l’avons déjà signée, parce que nous croyons que les traités de ce genre, qui sont conclus entre pays, permettent d’affirmer les droits pour les travailleurs et les employeurs.
    Ainsi, nous avons parlé ce matin de la nécessité de préciser dans ces traités les responsabilités du gouvernement du Canada et celles du pays hôte. Si un pourvoyeur ou un entrepreneur qui utilise des gens venant d’un autre pays viole les dispositions de ces traités, que lui arrive-t-il dans l’autre pays? Le Canada n’est pas seul en cause. Nous pouvons adopter des lois et agir ici, mais nous devons aussi faire le lien avec les autres pays.
    Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons actuellement un entrepreneur étroitement lié au pourvoyeur, lequel est étroitement lié à des usuriers du pays d’origine. Nous ne pouvons cependant pas obtenir les renseignements voulus pour les rendre publics parce que nous n’y avons pas accès dans l’autre pays. Nous ne pouvons pas agir.
    Il y a des problèmes inhérents parce qu’il faut avoir une réglementation efficace non seulement au Canada, mais dans l’autre pays aussi. Les traités sont donc très importants. Nous espérons que ces questions peuvent y être mentionnées pour que tout le monde soit traité convenablement.
    Quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il prendre à cet égard? Pouvez-vous nous le dire?
    Je pense aux trois questions que nous avons mentionnées plus tôt, comme la vulnérabilité et la modification du visa et du permis de travail pour qu’ils ne soient plus liés à un seul employeur. Cet aspect est le plus important car il lie le travailleur à un employeur et le rend différent des autres Canadiens.
    Je suis bien d’accord que tous les travailleurs devraient être traités de la même façon au Canada. Pourquoi le travailleur temporaire étranger ne pourrait-il pas passer d’un employeur à un autre comme un travailleur canadien?
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez encore trois minutes.
    Je vais les céder à M. Komarnicki.
    Très bien. À vous, monsieur Komarnicki.
    J’ai quelques questions à poser.
    Tout d’abord, si j’ai bien compris ce que vous avez dit, vous aimeriez qu’il y ait des normes nationales qui constitueraient un minimum pour les travailleurs temporaires étrangers. À l’heure actuelle, ces travailleurs relèvent de la réglementation provinciale, qui varie évidemment d’une province à l’autre. Vous voudriez donc qu’il y ait des règles de base applicables partout dans le pays. Est-ce exact?

  (1530)  

    Absolument. Dans notre secteur, nous parlons du « sceau rouge ». Nos métiers et professions sont certifiés « sceau rouge ».
    Comme je l’ai déjà dit, si un travailleur est invité au Canada, en premier, et dans une province, en second lieu, nous devons avoir des normes nationales pour faciliter la reconnaissance des titres de compétences.
    Je passe ma deuxième question. Nous avons évidemment écouté le point de vue des syndicats dans vos propos et ceux de M. Fairey. Toutefois, voyez-vous une place dans votre organisation, dans le mouvement syndical, pour une section chargée précisément de défendre les intérêts des travailleurs temporaires étrangers? Croyez-vous que les syndicats puissent jouer un rôle à cet égard?
    Je vois certainement un rôle pour nous. Ce que nous préconisons, c’est un partenariat entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et des groupes d’intervenants en vue de mettre en place ce programme d’orientation et de défense d’intérêts. Je crois que nous pouvons tous travailler ensemble à cette fin.
    Je pense au programme des aides familiaux résidants, que vous connaissez sans doute. De toute évidence, les participants obtiennent d’avance des renseignements sur leurs droits dans la province où ils doivent se rendre. Ces renseignements portent dans une certaine mesure sur les groupes de défense d’intérêts qui existent et les questions de langue, qui occasionnent aussi des difficultés.
    Croyez-vous qu’un système de ce genre, qui fonctionne déjà dans le cas du programme des aides familiaux résidants, puisse être étendu à d’autres travailleurs temporaires?
    Absolument.
    Je peux vous parler au nom de ma propre organisation. Nous collaborons avec le conseil sectoriel de la construction au sujet de la reconnaissance des titres de compétences étrangers, du mentorat et de toutes sortes d’autres programmes. Je crois qu’il est possible d’étendre tout cela à l’échelle nationale.
    Je sais qu’il y a suffisamment de fonds pour le faire.
    Vous avez parlé de la reconnaissance des titres de compétences. Je suppose que je devrais mentionner que nous avons établi un Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers. Je sais que nous avons plus de 400 organismes qui s’occupent de cette question. C’est un vrai labyrinthe, sans parler de ce que fait chacun de ces organismes.
    Croyez-vous que l’ouverture de 320 bureaux de Service Canada dans le pays constitue un bon point de départ pour aider les gens à se retrouver dans le labyrinthe de la reconnaissance des titres de compétences?
    Absolument. Je suis un fédéraliste. Je crois à l’établissement d’un programme national fort. C’est à ce niveau qu’il faut commencer. Je crois en même temps qu’il faut travailler en partenariat avec les provinces et les intervenants au stade de la mise en œuvre.
    Il nous reste environ deux minutes. M. Telegdi voudrait avoir une minute. Avez-vous d’autres questions à poser?
    Cela ira.
    Je vous remercie.
    Très bien.
    Je ne peux accorder qu’une minute à chacun. Il y aura donc une minute pour M. Telegdi et une autre pour M. Carrier.
    Je siège au comité de l’immigration depuis 10 ans. J’entends parler des mêmes problèmes depuis quelques années déjà. J’ai souvent dit qu’il faut permettre aux travailleurs temporaires qui viennent chez nous de travailler pour plus d’un employeur. Il n’est certainement pas bon de les lier à un seul employeur.
    Je crois pouvoir proposer une solution. La plupart de ces gens ne parlent pas anglais et ont besoin d’aide. De plus, il est vraiment difficile de demander au gouvernement de s’occuper de tout cela.
    Tous les travailleurs temporaires étrangers sont tenus de cotiser à l’assurance-emploi sans pouvoir en bénéficier. Si nous cessions de leur imposer cette cotisation et que nous la transformions en cotisation syndicale, je crois que les syndicats, dont le rôle naturel consiste à défendre les droits de leurs membres, pourraient aider ces travailleurs à se prévaloir de leurs droits. Voilà de quoi nous avons besoin. Les provinces n’auront jamais suffisamment d’inspecteurs pour agir à moins qu’il n’y ait des gens qui puissent s’occuper des travailleurs et présenter leur cas aux organismes de réglementation.
    Que pensez-vous tous deux de cette idée?
    Pour faire des inspections, nous n’avons pas besoin d’engager des inspecteurs. Nous avons seulement besoin d’un bon système en place. Dans le modèle de l’équipe de vérification de la conformité, nous ne ferions que des inspections au hasard. Les employeurs en faute sauraient alors qu’ils peuvent être pris.
    Ordinairement, s’ils trichent dans un domaine, ils trichent aussi dans beaucoup d’autres. S’ils fraudent le fisc, il est probable qu’ils le font aussi pour la Commission des accidents du travail, pour leurs travailleurs, etc.
    Nous avons donc besoin d’une surveillance?

  (1535)  

    Oui, nous en avons besoin. J’ai déjà parlé de la surveillance. Je devrais dire suivi plutôt que surveillance.
    Permettez-moi de dire une chose. Les employeurs sont également en cause. Quand on permet à un employeur de faire venir des travailleurs temporaires étrangers pour les exploiter, on est injuste envers les autres employeurs.
    Très bien.
    Merci, monsieur Peppard.
    Monsieur Carrier.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Peppard, vous avez parlé de la supervision, que vous appelez monitoring, du travail effectué par les travailleurs saisonniers ou temporaires. Sauf que dans un fédéralisme comme le nôtre, dans une confédération, les normes du travail relèvent des provinces. D'ailleurs, les fonctionnaires du gouvernement nous ont même mentionné que les permis temporaires de travail ne font l'objet d'aucun contrôle quant à savoir si les personnes repartent vraiment après leur période de travail. Même le gouvernement fédéral n'a pas d'inspecteurs sur place.
    Les provinces veulent qu'on accorde des permis de travail. On pourrait insister, au moment d'accorder un permis de travail temporaire, pour conclure une entente avec la province afin que les normes du travail provinciales soient respectées.
    Êtes-vous d'accord sur cela?

[Traduction]

    Absolument. Je pensais que les protocoles d’entente actuellement signés entre les provinces et le gouvernement fédéral visent justement cet objectif. Je sais que cela s’est fait en Alberta, qui a maintenant des mécanismes de défense d’intérêts et de suivi.
    Je voudrais éviter le mot « surveillance ». Nous voulons simplement nous assurer que le système fonctionne adéquatement et que les travailleurs ne sont pas exploités. C’est ce que l’Alberta s’efforce de faire. Je crois que c’est le genre de modèle que nous devrions envisager.
    Merci.

[Français]

    Pour terminer, je voulais vous remercier...

[Traduction]

    Nous devons poursuivre.

[Français]

    ... de vous intéresser aux travailleurs eux-mêmes et de vous assurer de la qualité de ceux-ci, lorsqu'on leur accorde un permis de travail temporaire, et non pas d'augmenter leur nombre indéfiniment.
    Je vous remercie pour cette intervention.

[Traduction]

    Bien dit.
    Merci, monsieur Peppard, monsieur Barrett et monsieur Fairey. Vous nous avez présenté des exposés très intéressants. Merci beaucoup.
    Pour être juste envers Mme Baumier, qui a toujours respecté les limites de temps, je voudrais lui accorder une minute.
    Elle a une question à poser à M. Peppard et à M. Barrett.
    Je m’excuse, madame Baumier.
    J’ai travaillé avec des immigrants depuis l’âge de 17 ans. Je leur ai consacré ma vie. Je trouve cette situation vraiment frustrante.
    M. Fairey a parlé de la communauté panjabie.
    Le grand problème... Vous dites que les travailleurs ne devraient pas être liés à un seul employeur, mais les employeurs ne paient-ils pas leur voyage? Nous devons également admettre qu’ils n’exploitent pas tous leurs travailleurs agricoles. Je crois que nous devrions parler à certains d’entre eux pour essayer de trouver des solutions. En ce qui concerne les travailleurs au noir, j’avais appris, la dernière fois que j’ai rencontré un groupe, qu’il y avait 30 000 travailleurs polonais clandestins dans le secteur de la construction de la région de Toronto. Ils n’ont pas d’assurance-santé. Ils ne paient pas d’impôts. Leurs enfants vont probablement à l’école car, au départ, ils avaient demandé le statut de réfugié, mais ils n’ont pas d’autres avantages sociaux.
    Par conséquent, les employeurs ne sont pas les seuls à exploiter ces gens. Le gouvernement les exploite aussi. En 2005, lors du dépôt du dernier budget libéral, Joe Volpe avait proposé un système qui aurait permis aux travailleurs clandestins de faire régulariser leur situation. S’ils pouvaient prouver qu’ils étaient en mesure de s’adapter dans les deux ans, ils pouvaient présenter leur demande d’immigration au Canada même.
    Croyez-vous que cela aurait partiellement réglé le problème des travailleurs au noir?
    C’est une bonne question... une question très politique.
    Des voix: Oh, oh!

  (1540)  

    C’était un commentaire politique.
    Est-ce que c’était une bonne idée, oui ou non?
    Je crois que vous avez parfaitement raison. Je le pense vraiment. Ce dialogue est en cours. Je suis surpris qu’il n’ait pas encore abouti.
    Nous savons que dans le secteur de la construction domiciliaire, par exemple, plus de 50 p. 100 de l’effectif travaille au noir partout au Canada.
    Et cela ne profite même pas aux consommateurs. Personne n’en tire parti.
    Je voudrais revenir à votre premier point concernant le coût pour l’employeur. Il n’y aurait pas de problème si tous les employeurs traitaient correctement les travailleurs parce qu’ils seraient alors en mesure de les garder.
    Il faut dire en outre qu’aux termes des programmes provinciaux de candidats à l’immigration, qui sont actuellement mis œuvre partout au Canada dans le cadre du processus de décentralisation, la possibilité existe. Les employeurs peuvent aller chercher des travailleurs dans d’autres pays, les payer et les faire venir aux termes de ces programmes.
    Merci encore, monsieur Peppard.
    Merci, madame Baumier. C’étaient de bonnes questions. Je suis heureux que nous ayons pris ces quelques minutes supplémentaires.
    Je vous remercie.
    Voulez-vous quelques minutes pour aller chercher un café pendant que nous invitons les témoins suivants à venir s’asseoir à la table? Nous avons des représentants de Grassroots Women, Justicia for Migrant Workers et Philippine Women Centre of BC, ainsi que M. Tung Chan, directeur général de S.U.C.C.E.S.S.
    Nous allons prendre une pause de deux minutes.

    


    

    Puis-je demander aux membres du comité de reprendre leur place? Je sais que vous avez tous des conversations très intéressantes avec les témoins suivants.
    Monsieur Karygiannis, monsieur St-Cyr et compagnie, veuillez reprendre vos places. Nous allons devoir envoyer des gens un peu partout chercher les membres du comité. La plupart des membres ont eu beaucoup de difficultés à trouver cette salle.
    La séance reprend. Comme je l’ai dit, nous accueillons des représentants de Grassroots Women, Justicia for Migrant Workers, S.U.C.C.E.S.S. et Philippine Women Centre of BC.
    À l’ordre, s’il vous plaît.
    Vous connaissez bien notre façon de procéder. Chaque témoin dispose de sept à huit minutes pour présenter un exposé préliminaire. N’hésitez donc pas à le faire.
    Mme Lualhati Alcuitas sera la première à prendre la parole.

  (1545)  

    Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le comité aujourd’hui.
    L’organisation Grassroots Women of BC a été formée en 1995 comme groupe de discussion par le Philippine Women Centre of BC. Depuis, nous avons évolué pour devenir une organisation de travailleuses et de femmes marginalisées qui tentent de défendre leurs droits et leur bien-être au Canada contre la marginalisation systémique politique et économique. Nous appuyons également la lutte d’autres femmes de différents pays contre la mondialisation. Nos membres sont des travailleuses, des immigrantes, des migrantes et des femmes autochtones.
    Nous croyons qu’il est important, en abordant la question des travailleurs sans papiers et des travailleurs temporaires étrangers au Canada, de comprendre les raisons pour lesquelles ces gens viennent ici. D’après ce que nous disent nos membres et les renseignements que nous avons recueillis en faisant des recherches, nous savons que beaucoup de femmes de la classe ouvrière ont été déplacées et soumises à la migration forcée dans des pays du tiers monde par suite des effets de la mondialisation et de la guerre. Par exemple, dans des pays comme les Philippines, le gouvernement s’intéresse davantage aux intérêts étrangers qu’à ceux de son propre peuple. Étant tributaire de l’aide étrangère, il met en œuvre des programmes d’ajustement structurel et signe des accords commerciaux injustes qui aggravent la crise économique chronique.
    Le gouvernement des Philippines a donc adopté des politiques de migration forcée parce qu’il a besoin de l’argent renvoyé dans le pays par ses travailleurs migrants pour consolider son économie chancelante. Ainsi, plus de 8 millions de travailleurs philippins expatriés renvoient dans le pays plus de 14 milliards de dollars US chaque année.
    Une fois au Canada, ces travailleurs constituent de la main-d’œuvre à bon marché pour le secteur des services et du travail domestique. Beaucoup arrivent au Canada dans le cadre de programmes de travailleurs temporaires, comme le PAFR ou Programme concernant les aides familiaux résidants de Citoyenneté et Immigration Canada ou de son prédécesseur, le Programme concernant les employés de maison étrangers. Je crois qu’il est possible, en examinant des programmes qui existent depuis longtemps comme le PAFR, de tirer quelques leçons importantes dont il faut tenir compte quand on envisage d’étendre les programmes de travailleurs temporaires étrangers.
    Beaucoup de ces travailleurs sont souvent soumis à des violations de leurs conditions de travail à cause des exigences du programme. Par exemple, dans le cadre du PAFR, les femmes sont isolées et souvent forcées à travailler au-delà des heures prévues dans leur contrat. Elles sont aussi tenues de travailler à toute heure du jour parce que le programme leur impose de vivre chez leur employeur. Beaucoup sont victimes de toutes sortes d’abus allant jusqu’au viol. Et même si elles sont couvertes par les normes d’emploi ici, en Colombie-Britannique, elles se gardent souvent de se plaindre à cause du pouvoir que leurs employeurs ont sur elles.
    Nous analysons également la nature du travail que font ces femmes et d’autres travailleurs temporaires étrangers au Canada. Que ce soit dans le cadre du PAFR ou par la suite, les femmes sont souvent cantonnées dans le domaine du travail domestique, s’occupant de la garde d’enfants, de nettoyage, de soins ou d’autres services, même après avoir rempli les exigences du PAFR.
    Beaucoup des travailleurs qui viennent dans le cadre de programmes tels que le PAFR ou le PTAS, c’est-à-dire le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, et maintenant le programme des travailleurs temporaires étrangers ou qui arrivent au Canada comme demandeurs du statut de réfugié, finissent par perdre leur statut et deviennent des sans-papiers parce qu’ils sont incapables de remplir toutes les exigences du programme ou parce que leur demande de statut de réfugié est rejetée. Quelques femmes couvertes par le PAFR, par exemple, sont expulsées parce qu’elles n’ont pas satisfait aux exigences très strictes du programme, pour diverses raisons: changement d’employeur, grossesse, décès de l’employeur, obstacles bureaucratiques ou retard dans le traitement du permis de travail.
    Celles qui ne satisfont pas aux exigences, de même que les demandeurs du statut de réfugié dont la demande est rejetée, sont exposés à l’expulsion. Des mères peuvent même être séparées en permanence de leur enfant né au Canada, ce qui constitue pour nous la forme la plus extrême d’exclusion sociale. Beaucoup de ces femmes vivent dans la peur parce qu’elles sont constamment menacées d’expulsion.
    Certaines femmes perdent en outre leur statut parce qu’elles sont victimes de violence dans leurs relations, ce qui peut mettre fin à leur parrainage.
    Je voudrais vous raconter l’histoire d’une femme, Maria, qui était enseignante au Pérou. Elle est venue au Canada dans le cadre du PAFR. Elle a été incapable de satisfaire aux exigences du programme parce qu’elle parle très peu l’anglais et qu’elle a travaillé pour plusieurs employeurs qui ne lui ont pas donné un relevé d’emploi. Elle ne peut donc pas prouver qu’elle a travaillé pendant les 24 mois exigés. Elle a eu un enfant d’un travailleur illégal qui a été expulsé du Canada. L’enfant est atteint d’une grave affection cardiaque. Maria est au Canada depuis sept ans, mais sa demande de résidence permanente a été rejetée. Elle n’a d’autre choix que de demander à rester au Canada pour des motifs humanitaires — mais sa demande a bien peu de chances d’être approuvée — ou de rentrer au Pérou.
    Les programmes de travail temporaire tels que le PAFR occasionnent des difficultés aux familles en les séparant. Le processus de réunification est également semé d’embûches. Encore une fois, comme je l’ai mentionné dans le cas de Maria, les femmes qui ont un enfant né au Canada connaissent de nombreux problèmes. Ainsi, en Colombie-Britannique, même si l’enfant est né dans la province, si la mère n’a pas un permis de travail, ni elle ni son enfant n’ont accès aux soins de santé.
    La présence au Canada de travailleurs temporaires sans papiers continue d’augmenter parce que les besoins d’immigration sont en fait intensifiés par les intérêts des employeurs. Les travailleurs temporaires et sans papiers sont exploités par les employeurs canadiens qui les rémunèrent mal et ne leur accordent pas d’avantages sociaux à cause de leur statut temporaire.
    À Grassroots Women, nous nous opposons énergiquement à l’expansion du programme des travailleurs temporaires étrangers et aux récents changements apportés à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Nous nous attendons à ce que beaucoup des problèmes des programmes actuels soient maintenus dans les nouveaux programmes. Nous savons aussi que les organisations communautaires et de la base comme la nôtre, qui manquent déjà d’argent, seront obligées de dispenser des services à ces travailleurs parce que personne d’autre ne le fera.
    À Grassroots Women, nous appuyons l’appel lancé par d’autres organisations, comme la National Alliance of Philippine Women in Canada et la SIKLAB, en faveur de la suppression du PAFR. Les femmes devraient avoir la possibilité de venir au Canada comme résidentes permanentes et d’être accompagnées de leur famille. Leurs études devraient être reconnues et elles devraient être autorisées à exercer leur profession. Nous croyons aussi...

  (1555)  

    Je vais devoir maintenir les témoins de ce groupe dans la limite prévue de sept minutes. Nous avons beaucoup de témoins à entendre. Il y en a cinq au total, ce qui prendra près de 35 minutes.
    Par conséquent, pour laisser aux membres du comité qui le souhaitent la possibilité de poser des questions, je vais vous demander de vous en tenir à sept minutes.
    Vous me permettrez peut-être de mentionner un dernier point.
    Nous demandons également la mise en œuvre d’un régime universel de garde d’enfants qui soit accessible et abordable. Pour nous, le PAFR constitue de fait le régime national de garde d’enfants, mais seules les familles des classes moyenne et supérieure y ont accès.
    Je vous remercie.
    Merci. Je m’excuse de vous avoir interrompue, mais nous avons beaucoup de témoins à entendre.
    A vous, madame Fuchs.
    J’ai chronométré mon exposé. Il ne devrait pas faire plus de sept minutes.

[Français]

    Je m'excuse de ne pas l'avoir traduit en français, mais je suis très heureuse d'être ici et j'espère que vous écouterez ce que je vais dire.

[Traduction]

    Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser aux membres du comité permanent.
    Je m’appelle Erika Del Carmen Fuchs. Je travaille comme organisatrice à Justicia for Migrant Workers BC. Depuis 2005, nous défendons les droits des travailleurs agricoles migrants saisonniers qui viennent au Canada dans le cadre du PTAS, le Programme fédéral des travailleurs agricoles saisonniers. Il y en a actuellement en Colombie-Britannique plus de 2 500, venant du Mexique et des Antilles.
    Nous faisons partie du Réseau de la justice pour les migrants, qui s’étend à différents secteurs et comprend des organisations communautaires, des syndicats tels que le Congrès du travail du Canada, des églises, des travailleurs migrants et d’autres intéressés. Vous entendrez d’autres représentants du réseau dans les jours qui viennent.
    Nous participons également à un projet de sécurité économique, de concert avec le Centre canadien de politiques alternatives, l’Université Simon Fraser et l’Université de la Colombie-Britannique. Comme on vous l’a déjà dit, ce projet traite des répercussions de l’affaiblissement des normes d’emploi provinciales sur les travailleurs agricoles migrants et immigrants. Un rapport paraîtra sous peu, dont nous reprenons beaucoup des recommandations.
    Grâce à de nombreuses visites et à des contacts directs avec les travailleurs agricoles migrants, nous avons pu constater de visu dans quelles conditions ils vivent, et en particulier leurs conditions de logement, qui sont parfois épouvantables, ainsi que les problèmes médicaux, sociaux, de travail et autres qu’ils doivent affronter.
    Je dois vous demander de ralentir le débit pour que les interprètes puissent vous suivre.
    Il faut que je finisse. Je dois aller jusqu’au bout de cet exposé.
    Non, je vous prie de ralentir. Nous ferons notre possible pour vous permettre de terminer.
    Je vous remercie. Je comprends bien la situation parce que je fais très souvent de l’interprétation. Je m’excuse.
    Nous sommes ici pour recommander au comité permanent de veiller à ce que les travailleurs temporaires migrants obtiennent le statut de résidents permanents, parce que c’est vraiment leur statut temporaire qui est à la racine de leur exploitation et des abus dont ils font souvent l’objet. Bien sûr, ce ne sont pas tous les employeurs qui les exploitent, mais nous ne pouvons pas laisser aux employeurs le soin de déterminer s’ils vont bien ou mal agir envers eux. Nous devons veiller à ce que cela relève d’un autre niveau.
    Les travailleurs du PTAS sont très attachés à leur travail et contribuent beaucoup à l’économie de notre pays. Plus de 80 p. 100 d’entre eux reviennent chaque année car, comme CIC le reconnaît, le secteur agricole et celui du travail domestique souffrent constamment d’une pénurie de main-d’œuvre qui s’intensifie. Bien sûr, cela est discutable.
    Le PTAS est l’un des plus anciens programmes de travailleurs temporaires étrangers du pays. Il emploie depuis 1966 des travailleurs en deçà du niveau de compétence D. Il est notoire que ce programme est assorti de permis de travail qui comptent parmi les plus restrictifs, empêchant les travailleurs de jouir de droits et libertés de base que tous les Canadiens jugent fondamentaux en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Je dois ajouter que les travailleurs à contrat ont les mêmes droits que les travailleurs canadiens.
    Les restrictions comprennent ce qui suit: absence d’un accès équitable à la résidence permanente malgré de longs antécédents professionnels canadiens, absence de mobilité parce que les travailleurs sont liés à un seul employeur, absence de liberté de déplacement parce qu’ils doivent vivre dans les logements que leur attribue l’employeur, lequel leur interdit souvent de recevoir des visiteurs, ou contrôle étroitement leur droit de le faire, les privant ainsi d’un droit civil de base, absence de mécanismes d’appel, ce qui oblige beaucoup de travailleurs à se taire de crainte d’être exclus du programme, exclusion et discrimination en matière de normes provinciales d’emploi et d’assurance-santé publique, et absence d’exécution et de surveillance des conditions de travail, de santé et de sécurité et de logement.
    Nous sommes déçus et découragés devant l’inaction du gouvernement fédéral face aux problèmes critiques du programme, comme le manque de conformité, de surveillance, d’exécution, de jouissance des droits et d’accès à la résidence permanente. Pis encore, avec les nouvelles initiatives fédérales, telles que la nouvelle catégorie envisagée de l’expérience canadienne, les travailleurs seront exposés encore plus aux abus des employeurs si le processus d’évaluation dépend de commentaires positifs de leur part. Nous sommes opposés à cette tendance troublante à l’accélération de l’accès des employeurs à des travailleurs temporaires étrangers en l’absence d’efforts sérieux pour remédier aux défauts structurels de programmes actuels tels que le PTAS et le PAFR.
    Nous exhortons le comité permanent à intervenir en faveur de l’extension du droit à la régularisation aux travailleurs du PTAS et, rétroactivement, à ceux qui y ont participé dans le passé. Beaucoup de ces travailleurs viennent au Canada depuis 15 ou 20 ans, sans pour autant que le système de points leur donne la moindre chance d’accéder à un statut permanent dans le pays. Les nouvelles propositions avancées continuent à les exclure et à les priver de droits fondamentaux ainsi que de la citoyenneté.
    Nous demandons en outre des dispositions de réunification pour permettre aux familles des travailleurs migrants de demander la résidence permanente et pour mettre fin aux rapatriements, surtout en l’absence de mécanismes d’appel. Comme les contrats du PTAS doivent être parrainés par un employeur, les travailleurs sont souvent rapatriés simplement parce qu’ils essaient de faire valoir leurs droits.
    Le statut temporaire des travailleurs est à la base de l’essentiel de l’exploitation et des abus qui affligent les programmes de travailleurs étrangers. Les difficultés vont du retrait de papiers importants, comme les passeports et les relevés d’emploi, aux accidents et aux maladies qui ont entraîné des invalidités permanentes et de nombreux décès. Même quand les travailleurs ont accès aux ressources financières et juridiques nécessaires pour défendre leurs droits, leur statut temporaire les rend vulnérables, comme en témoigne éloquemment le cas des travailleurs de la ligne de transport rapide Richmond-Aéroport-Vancouver. Or la plupart des travailleurs migrants n’ont pas accès à de telles ressources.
    Comme d’autres organisateurs et organisatrices de Justicia en Colombie-Britannique et en Ontario, j’ai été témoin de nombreux cas tragiques. J’espère que ces cas mettront en évidence quelques-unes des lacunes de ces programmes et inciteront le comité permanent à intervenir en faveur du droit à la régularisation et au statut de résident permanent pour les travailleurs étrangers qui, contraints d’accepter un statut temporaire, sont exposés à l’exploitation et aux abus de leurs employeurs.
    En décembre 2005, j’étais avec Javier, travailleur du PTAS, avant, pendant et après son second accident cardiovasculaire grave dû à un accident du travail et qui aurait pu être prévenu ou minimisé s’il avait pu passer un tomodensitogramme après son premier ACV, survenu quelques jours plus tôt. Toutefois, à cause de son statut de travailleur temporaire, la Colombie-Britannique ne lui avait pas encore accordé l’accès à l’assurance-santé provinciale. Il n’a donc pas reçu les soins dont il avait besoin. Son employeur, Purewal Blueberry Farms de Pitt Meadows, était sur le point de le rapatrier dans l’état où il se trouvait, à demi paralysé, après son premier ACV. Il n'a pu obtenir des soins que parce que nous sommes restés avec lui. Il est cependant rentré au Mexique maintenant, où il restera paralysé pendant le reste de sa vie sans soins et sans soutien financier.
    Je suis récemment rentrée du Mexique, où je me suis entretenue avec de nombreux travailleurs du PTAS et des membres de leur famille, dont deux veuves d’anciens travailleurs morts, l’un il y a quelques années et l’autre au début de cette année. J’avais eu l’occasion de rencontrer le second en décembre, avant son décès.
    Alicia est une veuve dont le mari avait été éclaboussé par des produits chimiques pendant qu’il travaillait dans une serre ontarienne. Son employeur ne lui avait même pas permis de prendre une douche après le déversement des produits chimiques et, à plus forte raison, d’obtenir les soins médicaux nécessaires. Par suite de cet incident, il avait souffert de complications qui ont entraîné son décès par la suite. Alicia n’a pourtant reçu aucune indemnisation ni du gouvernement mexicain ni du gouvernement canadien. Quel choix lui reste-t-il? Venir travailler au Canada dans le cadre du programme qui a tué son mari? Elle doit maintenant s’occuper de son fils toute seule et sans aide.
    Maribel est la veuve d’Alberto, qui est mort au début de cette année, laissant sa femme avec trois très jeunes enfants. Pendant qu’il travaillait pour le PTAS en Ontario, un examen médical avait révélé qu’il était atteint d’un cancer du pancréas. Même s’il a bénéficié d’un important soutien communautaire, Alberto et sa famille n’ont pu compter sur aucun soutien gouvernemental. Je me souviens d’avoir parlé avec ses frères, dont plusieurs étaient également venus au Canada dans le cadre du programme, de la possibilité que la même chose leur arrive. Il n’a certainement pas été facile d’aborder cette question avec les membres d’une famille qui avait récemment perdu un des siens. Il y a beaucoup d’autres cas analogues.
    Je voudrais enfin répéter encore une fois à quel point il est important que le comité permanent s’occupe de la question de la résidence permanente pour les travailleurs migrants. Est-ce que notre pays, en créant ces programmes temporaires qui font venir des travailleurs pendant des dizaines d’années sans même leur permettre de devenir des résidents permanents, veut vraiment contribuer à la désintégration de familles et à de graves problèmes conjugaux, familiaux et communautaires? Pouvez-vous imaginer être séparé de votre famille et de votre collectivité huit mois sur douze pendant 15 ou 20 ans? C’est la vie que nous imposons aux travailleurs agricoles migrants dans le cadre du PTAS.
    Nous recommandons que le Canada signe et ratifie enfin la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants et vous demandons de prendre beaucoup des recommandations du rapport Arthurs sur les normes fédérales de travail comme point de départ pour apporter des changements susceptibles d’améliorer les conditions et la vie des travailleurs migrants. D’après le rapport Arthurs, les travailleurs agricoles et domestiques comptent parmi les plus vulnérables et leur statut d’étrangers ne fait qu’aggraver leur vulnérabilité. Nous croyons, comme le préconise le rapport Arthurs, qu’il faut trouver des moyens d’assurer à tous les travailleurs des conditions de vie que nous pouvons juger décentes. C’est là que réside la question centrale de tous les débats de politique publique. Nous demandons simplement de la décence, de la justice et de la dignité. Les familles et les collectivités doivent pouvoir jouir de leurs pleins droits. Dans le cas des travailleurs étrangers au Canada, cela comprend l’accès à la résidence permanente et, par la suite, à la citoyenneté, s’ils le souhaitent.
    Je ne veux pas voir d’autres Javier, Alberto, Alicia et Mirabel. Je ne veux pas voir d’enfants privés de leur père. Si le gouvernement ne modifie pas les conditions qui sont à la base de la vulnérabilité de ces travailleurs à l’exploitation, c’est exactement cela qu’il favorise.
    Je vous remercie.

  (1605)  

    Merci, Erika. Merci beaucoup. Vous avez pu en dire vraiment beaucoup en sept minutes. Excellent travail! Je regrette d’avoir dû vous interrompre, mais, comme je l’ai dit, nous n’avons réservé que 35 minutes à tous les exposés pour laisser aux membres du comité le temps de poser des questions.
    À vous, monsieur Chan.
    Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Malheureusement, c’est à cela que se limite mon français. C’est tout le vocabulaire que je possède.
    Je voudrais vous remercier de m’avoir permis de comparaître devant vous aujourd’hui. Je vais essayer de m’en tenir aux sept minutes prévues. En fait, je pourrais bien finir en moins de temps.
    Je voudrais d’abord dire quelques mots de mon organisation, S.U.C.C.E.S.S. Elle existe depuis 35 ans. Nous avons actuellement 390 employés et offrons des services dans 18 collectivités de la vallée du Bas-Fraser. Ces services touchent l’établissement, l’emploi, la formation linguistique et les soins de santé aux jeunes, aux adultes, aux familles et aux aînés.
    Au sujet des travailleurs sans papiers et des travailleurs temporaires étrangers, la seule chose que je puisse dire, c’est que nous n’en voyons pas beaucoup. Au cours des trois derniers mois de 2007, nous avons eu des contacts avec un total de 20 633 personnes, dont moins de 4 p. 100 s’inscrivent dans la catégorie « autres », qui comprend une infime minorité de travailleurs sans papiers et de travailleurs temporaires étrangers. Comme nous offrons des services dans tant de langues différentes — coréen, panjabi, farsi, philippin, tagalog, etc. —, nous croyons qu’ils sont si peu nombreux dans notre clientèle soit parce que nous n’avons pas réussi à les toucher soit parce qu’ils ne se sont pas présentés à nos bureaux pour obtenir des services.
    Le gouvernement de la Colombie-Britannique a récemment placé les travailleurs d’établissement dans les écoles. Par conséquent, si les travailleurs sans papiers et les travailleurs temporaires étrangers ont des enfants qui vont à l’école, ils ont peut-être accès à des services par l’entremise des autorités scolaires. Je ne peux cependant pas l’affirmer.
    Comme d’autres témoins vous l’ont dit aujourd’hui, beaucoup de ces travailleurs ne parlent pas l’anglais comme première langue. Nous recommandons par conséquent que des fonds soient mis à la disposition d’organisations comme celles dont les représentants sont assis à ma droite pour leur permettre d’étendre leurs services à ces immigrants. Il serait également utile de prévoir des fonds pour permettre à ces travailleurs de perfectionner leur anglais et peut-être pour leur assurer une certaine aide financière.
    Vous avez entendu parler du fait que le gouvernement n’offre pas de services médicaux et n’accorde qu’un accès limité à l’aide juridique. Nous croyons qu’il est important d’assurer de l’aide dans ces domaines. Nous recommandons d’étendre aux travailleurs étrangers les mêmes services intégrés dispensés aux immigrants admis.
    Les fonds que nous obtenons actuellement du gouvernement provincial servent essentiellement à donner des services aux immigrants admis. Les organisations comme la nôtre n’ont aucun intérêt à étendre leurs services aux travailleurs temporaires étrangers, même si elles sont désireuses de le faire. Maintenant que nous envisageons de créer la catégorie de l’expérience canadienne, il faut se rendre compte que ces gens ont travaillé longtemps chez nous à titre temporaire... Nous les encourageons à présenter des demandes parce qu’ils n’auraient pas à rentrer chez eux pour le faire.
    Il est essentiel, pendant qu’ils travaillent à titre temporaire chez nous, qu’ils aient une bonne expérience et ne soient pas soumis aux conditions mentionnées plus tôt.
    Pour nous, la création de la catégorie de l’expérience canadienne est une bonne initiative. Toutefois, elle n’est pas suffisante si, pendant qu’ils sont chez nous à titre de travailleurs temporaires étrangers, nous ne leur accordons pas les mêmes services qu’aux autres.
    Mesdames et messieurs, j’ai terminé.
    Merci, monsieur Chan.
    Madame Valdecantos.
    Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion. Je m’appelle Denise Valdecantos. Je suis membre du conseil d’administration du Philippine Women Centre of BC.
    Depuis 1989, ce centre s’occupe de sensibilisation, d’organisation et de défense des droits des femmes migrantes et immigrantes d’origine philippine et de leur famille. Nous avons de tout temps exprimé notre opposition au Programme concernant les aides familiaux résidants et préconisé sa suppression.
    Comme vous le savez, les statistiques de Citoyenneté et Immigration Canada montrent que les femmes qui viennent au Canada dans le cadre du PAFR sont, en très forte majorité, des Philippines. Nos recherches, notre travail d’organisation dans la collectivité et de nombreuses études universitaires ont établi que le PAFR a des répercussions physiques, sociales, économiques et politiques négatives sur la communauté philippine du Canada, au niveau aussi bien individuel que collectif.
    Pourtant, malgré les pressions exercées depuis longtemps, le PAFR demeure intact avec ses quatre piliers: l’obligation de vivre chez l’employeur, le statut temporaire par rapport à l’immigration, le permis de travail valable pour un seul employeur et l’obligation de travailler pendant 24 mois dans une période de trois ans. Tant que ces piliers seront là, la situation des aides familiales ne s’améliorera pas à cause du contexte systémique des abus qui leur sont imposés. Leur vulnérabilité persistera tant que leurs conditions de travail ne seront pas réglementées et que les cas d’abus et d’exploitation resteront très courants.
    Ces femmes et leur famille ont un autre problème dû à la longueur du processus qu’elles doivent suivre pour parrainer leurs enfants ainsi qu’aux frais qui leur sont imposés. Les années de séparation causent des traumatismes chez les jeunes Philippins. Une récente étude de l’Université de la Colombie-Britannique révèle que la séparation des familles occasionne, après la réunification, des problèmes d’intégration et de l’isolement chez les jeunes qui vivent au Canada.
    Nous appréhendons beaucoup l’expansion du programme des travailleurs temporaires en l’absence d’un examen critique complet des effets négatifs de programmes existants tels que le PAFR. Nous craignons également les répercussions négatives à court et à long termes sur la communauté philippine.
    Les Philippines constituent pour le Canada une source privilégiée de travailleurs temporaires, mais il n’y a pas de garanties suffisantes pour protéger leurs droits et leur bien-être et ceux de leur famille. Beaucoup des femmes qui viennent au Canada sont des infirmières diplômées et sont souvent appelées à donner des soins à des personnes âgées et handicapées. Compte tenu de la pénurie actuelle d’infirmières au Canada, nous demandons une reconnaissance complète des titres de compétences de ces infirmières.
    Nous croyons fermement que les travailleurs des Philippines doivent avoir droit à la résidence permanente et pouvoir venir au Canada avec leur famille. Nous appuyons également l’appel lancé par la SIKLAB, organisation des travailleurs migrants philippins, pour que le Canada ratifie la Convention des Nations Unies sur la protection des travailleurs migrants et de leur famille.
    Je vous remercie.

  (1610)  

    Merci, madame Valdecantos.
    À vous, madame German.
    Je m’appelle Mildred German. Je représente la Ugnayan ng Kabataang Pilipino sa Canada, ou Alliance des jeunes philippino-canadiens, groupe de jeunes et d’étudiants qui s’occupe des problèmes des jeunes dans la communauté philippine du Canada. Nous sommes affiliés au Philippine Women Centre.
    Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous parler de la situation des jeunes philippins. La communauté philippine du Canada se classe troisième en importance parmi les groupes d’immigrants du pays. D’après les estimations les plus récentes, près d’un demi-million de travailleurs migrants et immigrants philippins vivent au Canada. Les jeunes et les étudiants forment une grande partie de la communauté philippine. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons voulu comparaître devant vous aujourd’hui.
    Je voudrais vous parler des effets sur les jeunes philippins du Programme concernant les aides familiaux résidants de Citoyenneté et Immigration Canada. Depuis le début des années 1980, près de 100 000 Philippines ont été obligées de venir au Canada pour travailler comme aides familiales. En fait, 95 p. 100 des personnes engagées dans le cadre du PAFR sont des femmes philippines qui ne peuvent pas être accompagnées de leur famille lorsqu’elles viennent travailler au Canada.
    Les jeunes philippins sont les plus affectés car ils sont privés de leur père et leur mère pendant que ceux-ci travaillent à l’étranger. Lorsqu’ils ont finalement la possibilité de retrouver leurs parents, ce ne sont plus que des étrangers pour eux à cause de toutes les années de séparation. En même temps, les jeunes qui immigrent au Canada doivent vivre dans un milieu inconnu où ils se sentent isolés et écartés jusqu’à ce qu’ils puissent s'adapter à leur nouvelle vie.
    La plupart des jeunes philippins nouvellement arrivés doivent également faire face au traumatisme de l’immigration ainsi que de la séparation puis de la réunification de la famille. D’après une étude récente de l’Université de la Colombie-Britannique, ces jeunes sont séparés pendant une période moyenne de cinq ans de leurs parents venus au Canada dans le cadre du PAFR. Dans bien des cas la séparation est plus longue.
    Au traumatisme de l’immigration, de la séparation et de la réunification de la famille s’ajoute l’absence d’un vrai soutien et de services adaptés à la culture des jeunes et de la communauté philippine. Il n'est donc pas surprenant que la même étude révèle que les jeunes philippins se classent deuxièmes parmi les groupes ayant le taux le plus élevé de décrochage dans les écoles secondaires de Vancouver. Les recherches menées attribuent ce problème à la marginalisation économique de la communauté philippine. En fait, les jeunes doivent souvent travailler pour arrondir le revenu de la famille. La plupart des Philippins qui vivent au Canada appartiennent à la classe ouvrière, sont marginalisés dans la population active et constituent la nouvelle génération de main-d’œuvre à bon marché.
    Nous, Philippins, avons constaté à quel point notre communauté est sous-représentée quand il faut régler les problèmes que nous connaissons. Cette sous-représentation témoigne de la présence d’obstacles systémiques. Quand des groupes communautaires critiquent et contestent des politiques du gouvernement du Canada, comme celle de l’immigration, ils sont en général déçus des réponses qu’ils reçoivent. Cela a été particulièrement le cas le 21 janvier 2008, lorsque l’Alliance des jeunes philippino-canadiens, de concert avec d’autres organisations d’immigrants et groupes communautaires, a demandé des explications à Citoyenneté et Immigration Canada sur les répercussions sociales de ces politiques, et notamment du programme des travailleurs temporaires, de la catégorie de l’expérience canadienne et du PAFR. La directrice adjointe des Politiques et programmes à l’intention des résidents permanents de CIC, Katherine Pestieau, a admis qu’il n’y avait pas d’argent à consacrer à l’intégration et à l’établissement de nos communautés d’immigrants au Canada. Cette réponse décevante ne peut qu’aggraver les politiques racistes imposées à notre communauté et à d’autres communautés d’immigrants.
    Comme je l’ai dit, les effets du PAFR sur les communautés philippines sont vraiment considérables, compte tenu du traumatisme de l’immigration, de la séparation et de la réunification des familles. Il est donc urgent d’examiner les répercussions sociales de la politique d’immigration du Canada dans les domaines du programme des travailleurs temporaires, du PAFR et de la catégorie de l’expérience canadienne.
    Nous demandons que le PAFR soit supprimé. Il faut permettre aux travailleurs migrants philippins de venir au Canada comme résidents permanents et leur permettre, s’ils le souhaitent, d’emmener leur famille avec eux pour éviter de longues années de séparation. Nous demandons en outre plus de ressources pour l’intégration et l’établissement de nos communautés d’immigrants au Canada.

  (1615)  

    Merci, madame German.
    Il nous reste à peu près 30 minutes pour les questions. Nous commencerons par Mme Beaumier.
    Je vous remercie. Je partagerai mon temps de parole avec mes collègues ici présents.
    Erika, je vous ai écoutée, comme j’ai écouté tous les autres témoins, avec une grande émotion. Vous accomplissez toutes et tous l’œuvre de Dieu ou, si vous ne croyez pas en Dieu, vous êtes peut-être les elfes du père Noël parce que nous savons que ce n’est pas pour l’argent que vous travaillez. Mais, mon Dieu, je crois que votre vocation est admirable. Je le sais.
    Je suis bien d’accord avec vous. C’est la raison pour laquelle je ne vous poserai pas beaucoup de questions. Si nous faisons venir des gens à répétition parce que nous sommes à court de travailleurs, nous devrions peut-être, après une certaine période, leur permettre de demander à rester au Canada.
    Quand nous parlons de travailleurs âgés... Je suis sûre que, pour chaque cas constaté d’abus, de racisme et d’exploitation, il doit y en avoir cinq ou six autres qui souffrent sans qu’on le sache. J’aimerais savoir de quelle façon vous prenez contact avec les gens pour essayer de changer leur situation et de quelle façon vous arrivez à les aider. Est-ce que l’octroi d’une pension de vieillesse aux immigrants admis qui ont vécu deux ou trois ans au Canada peut remédier à certaines des difficultés financières et d’emploi des travailleurs âgés?
    Nous savons que le système des points ne fonctionne pas très bien. Nous avons des chauffeurs de taxi et des balayeurs qui ont des doctorats ou des diplômes de dentiste. Le système des points étant ce qu’il est, serait-il avantageux de l’éliminer et de le remplacer par un système fondé sur nos besoins — de toute façon nous avons et aurons probablement toujours besoin de main-d’œuvre non qualifiée — ou bien vaudrait-il mieux ajouter une autre catégorie au système des points pour pouvoir accueillir des gens comme résidents permanents?
    J’aimerais que les deux femmes répondent à cette question.

  (1620)  

    Je ne peux pas parler de l’exploitation des travailleurs âgés. Les plus âgés que je connaisse ont entre 50 et 60 ans. Après un certain âge, les employeurs ne demandent plus à les ravoir.
    Je ne peux pas vous en dire beaucoup non plus sur la population indo-canadienne. Nous nous occupons principalement de travailleurs migrants. Je ne crois pas être la mieux placée pour répondre à votre question.
    Nous croyons certainement que le système des points ne fonctionne pas parce que ces travailleurs devraient être autorisés à demander la résidence permanente pour eux-mêmes et leur famille. Ils n’y parviendraient jamais avec le système des points.
    J’ai une autre question à vous poser. Si une aide familiale migrante vient vous voir pour vous dire qu'elle est victime d’abus sexuels, émotionnels ou physiques, que pouvez-vous faire sans lui faire courir le risque d’être expulsée? Beaucoup de femmes viennent me voir en me demandant toujours de ne rien dire à personne. Je ne peux pas les aider sans en parler à quelqu’un. Heureusement, aucune de ces femmes n’a encore été rapatriée. Que faites-vous dans des situations de ce genre?
    Nous échangeons sûrement de l’information. Je collabore également avec le Philippine Women Centre et la SIKLAB. Comme je l’ai déjà dit, les femmes qui viennent dans le cadre du PAFR sont couvertes par les normes d’emploi. C’est un droit qu’elles ont elles-mêmes réussi à obtenir. Souvent, elles ne se plaignent pas et ne parlent pas de leurs difficultés.
    La Colombie-Britannique a récemment apporté des changements à sa loi sur les normes d’emploi. Les autorités ont conçu une trousse d’autoprotection, qui invite essentiellement les employés eux-mêmes ou les femmes elles-mêmes à aller voir leur employeur en premier pour lui présenter leur plainte. Nous estimons que c’est une modification très négative de la loi.
    Nous conseillons aux femmes de s’adresser directement à la Direction des normes d’emploi pour y déposer une plainte. Certaines ont réussi ainsi à recouvrer du salaire qui ne leur avait pas été versé, etc.
    Sont-elles expulsées si elles perdent leur emploi?
    Cela dépend. Elles ont des exigences d’emploi très strictes. Encore une fois, c’est la principale raison pour laquelle beaucoup de femmes ne se plaignent pas. Elles savent que si elles quittent un employeur, elles doivent en trouver un autre et faire modifier leur permis de travail, ce qui peut prendre trois mois et les empêcher de finir le programme.
    Il vous reste deux minutes.
    M. Chan a une observation à formuler.
    Je pourrais peut-être répondre à la seconde partie de votre question concernant la possibilité de permettre aux gens de présenter leur demande de résidence permanente pendant qu’ils sont au Canada.
    À mon avis, si nous avons besoin d’immigrants — et toutes les études que j’ai vues montrent que le pays et la province en ont besoin pour répondre à la demande du marché du travail —, il serait vraiment avantageux pour nous de permettre à des gens qui sont venus chez nous, ont travaillé et ont montré qu’ils respectent nos lois d’avoir une chance de devenir des citoyens du Canada.
    Monsieur le président, à propos de la même question, il y a ici — leur nombre diffère selon les chiffres cités — des travailleurs sans papiers, des personnes de métier qui travaillent dans différents domaines. Ce sont des clandestins. Ces personnes travaillent. Elles sont exploitées. Je pense que ce sont les personnes que veut surtout cibler l'étude sur les travailleurs sans papiers.
    Suggérez-vous, monsieur Chan, qu'il faudrait permettre à ces personnes, par le biais d'un mécanisme spécial, de faire une demande au Canada tout en s'assurant que leur famille soit avec elles? Le ministère de l'Immigration devrait-il se mettre à autoriser ces personnes à régulariser leur situation et à présenter leur demande pour rester au Canada?
    La réponse est affirmative. Je serais en faveur de cela pour les personnes qui ont travaillé ici, qui se sont comportées en citoyens respectueux des lois et qui ont des compétences dont peut profiter notre pays. Il faudrait leur permettre de faire la demande ici. Il faudrait leur permettre de présenter leur demande sur place, au Canada, sans devoir quitter le pays.
    Si ces travailleurs sont seuls au Canada, si le père est seul ici alors que sa femme et ses enfants sont restés dans leur pays, faudrait-il également accélérer la procédure de réunion de la famille pour les faire venir ici?

  (1625)  

    Jetons un regard sur l'essence de ce pays. Les principes sur lesquels est fondé ce pays sont la compassion et l'égalité; si nous procédons ainsi, cette approche raisonnée n'est pas beaucoup matière à contestation ou discussion. Si ce pays est vraiment tel que nous prétendons qu'il est, et s'il fait réellement preuve de compassion lorsqu'il s'agit des droits de la personne, nous devrions le faire; ça ne fait aucun doute.
    Le temps dont je disposais est écoulé. Votre réponse est-elle affirmative ou négative?
    Oui, si c'est la question que vous posez, mais je pense que nous devons vous donner plus qu'une simple réponse affirmative ou négative.
    Merci, monsieur Chan.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous d'être présents aujourd'hui. Il était très intéressant d'entendre vos présentations. Je les ai bien aimées, entre autres celle de Mlle Fuchs. Vous avez donné beaucoup d'exemples concrets de situations difficiles. Nous devons tous nous rappeler que nous avons affaire à des êtres humains.
    Dans mon comté à Montréal, il y a beaucoup de nouveaux arrivants. J'ai donc eu à traiter de nombreux problèmes d'immigration. J'ai toujours été un peu surpris de voir à quel point la machine était incapable de compassion et à quel point les gens sont traités comme des numéros. Depuis que j'ai été nommé porte-parole du Bloc québécois, je suis simplement renversé par l'absurdité de plusieurs décisions, entre autres certaines qui ont été prises récemment. Par exemple, on a dû se battre pour qu'une veuve puisse obtenir un visa pour venir chercher la dépouille de son mari au Québec.
    À cet égard, le travail fait par des organismes comme les vôtres est assez exceptionnel. Dans mon comté, plusieurs organismes de ce genre font du bon travail. Je suis convaincu que c'est votre cas également. Nous avons abordé plus tôt la question du financement. Dans mon comté, ces organismes vivotent, survivent je ne sais trop comment.
    Compte tenu de la richesse de notre société, considérez-vous que des organismes comme les vôtres, qui sont en première ligne lorsqu'il s'agit d'aider les gens qui en ont besoin, reçoivent en général un financement adéquat de l'État et de la société?

[Traduction]

    Non. La plupart de nos organismes ne reçoivent pas de subventions.
    Je suis d'accord dans une large mesure avec ce que vous dites. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'êtres humains.
    Je ne préconiserais pas seulement qu'on finance nos organismes. J'ajouterais que le gouvernement a une responsabilité. En Alberta, par exemple, il existe un organisme de défense financé directement par le gouvernement. C'est également la responsabilité du gouvernement fédéral de s'assurer qu'il y a une norme et que les gens sont traités comme des êtres humains. Le système de points n'est pas efficace. Les gens ne sont pas traités comme des êtres humains. Non, nos organismes ne reçoivent pas de fonds.

[Français]

    Je vais considérer que votre réponse s'applique à tout le groupe. En effet, je pense que tout le monde est d'accord.
    Madame Alcuitas?

[Traduction]

    Merci.
    J'aimerais signaler en outre que les organisations féminines sont durement touchées également par les réductions budgétaires apportées au Programme de promotion de la femme à Condition féminine Canada.
    Par exemple, les récents changements qui ont été apportés au programme, qui suppriment essentiellement le financement de la recherche et de la défense et se bornent à fournir des services, ont également un dur impact sur les organisations féminines qui défendent les femmes confrontées à ce type d'abus.

[Français]

    Je suis d'accord avec vous. Il est à proprement parler répugnant de voir qu'on sabre dans ce genre de programme alors qu'on offre des baisses d'impôt généralisées aux compagnies pétrolières, notamment.
    J'aimerais revenir sur une question plus...

[Traduction]

    Puis-je faire un autre commentaire?
    J'ai déjà été travailleuse en établissement; les compressions budgétaires ne concernaient pas uniquement le travail dans ce domaine.
    En Colombie-Britannique, par exemple, il n'y a pas assez de programmes de cours de langue anglaise. Il n'y en a au maximum que quatre ou cinq alors qu'au Manitoba, le gouvernement en finance jusqu'à huit. Ce sont des situations semblables.

[Français]

    Merci. Je voulais poser des questions plus techniques.
    Madame Valdecantos, quand vous parliez du Programme des aides familiaux résidants, vous avez mentionné quatre critères. J'ai eu le temps d'en noter deux seulement, c'est-à-dire que la durée doit être de 24 mois et que ça doit se faire dans la résidence d'un employeur. Quels étaient les deux autres critères?

[Traduction]

    C'est le statut d'immigrant temporaire et un permis pour un employeur précis.

  (1630)  

[Français]

    Vous dites que ces caractéristiques, ces piliers, nuisent aux travailleurs et aux aides domestiques et je le comprends très bien. Avez-vous une idée de la raison qui a pu mener à l'établissement de ces critères? Pourquoi, par exemple, exige-t-on une résidence sur place? Quel était l'intérêt du gouvernement lorsqu'il a mis en place cette obligation?

[Traduction]

    Il y a pénurie de travailleurs dans ce domaine. On a besoin d'aides familiaux. On a besoin de personnes pour travailler dans les foyers car, étant donné l'état actuel du système de santé et la pénurie actuelle, les enfants ont tendance à s'occuper des parents âgés dans leur foyer; par conséquent, ces personnes ont besoin qu'on s'occupe d'elles.
    En ce qui concerne les enfants, étant donné qu'il n'existe pas de système universel de garderie au Canada, des services de garde d'enfants sont également nécessaires à domicile. Par conséquent, on a besoin de ce type de travailleurs.
    Quant aux raisons pour lesquelles le gouvernement a imposé l'obligation pour ces travailleurs de résider chez leur employeur, je ne les connais pas très bien. Ce sont précisément ces piliers qui sont responsables d'un isolement et d'une exploitation accrus de ces femmes.

[Français]

    Mademoiselle Valdecantos ou madame Alcuitas, quel est le portrait type de l'employeur qui embauche une aide familiale résidante? Comme citoyen, je ne vois pas comment je pourrais embaucher une personne qui travaille et réside chez moi. Cela me semble être seulement à la portée de personnes extrêmement bien nanties. Il me semble que je ne vois cela que dans des séries américaines. Qui sont les gens qui embauchent ces personnes?

[Traduction]

    Merci.
    Pour Grassroots Women, le Programme concernant les aides familiaux résidants est en réalité le programme national de garde d'enfants du gouvernement fédéral. La raison pour laquelle nous nous y opposons est que la garde d'enfants n'est accessible qu'à la classe moyenne et à la classe supérieure, et que les femmes de la classe ouvrière doivent lutter pour leur survie au jour le jour, sans avoir accès à des services de garde d'enfants abordables.
    Si ces employeurs sont capables d'engager des aides familiaux résidants, c'est parce qu'ils font également une bonne affaire. L'employeur qui paie par exemple 1 500 $ par mois pour une aide familiale qui prend soin de deux, trois ou quatre enfants et qui accomplit également des tâches ménagères fait une très bonne affaire, car ça coûte au moins 1 000 $ pour inscrire un enfant à une garderie accréditée.
    Bien.

[Français]

    Ce chiffre...

[Traduction]

    Soyez très bref, car il ne nous reste que 14 minutes, sept pour Mme Chow et sept pour M. Komarnicki. Faites très vite.
    Voudriez-vous répéter le chiffre?

[Français]

    Quel est le coût mensuel moyen d'une aide domestique?

[Traduction]

    C'est environ 1 500 $ par mois, car les aides familiaux résidants reçoivent le salaire minimum. Par conséquent, en Colombie-Britannique, ils touchent environ 8 $ de l'heure.
    Bien. Merci.
    Nous donnons la parole à Mme Chow, pour sept minutes, puis à M. Komarnicki.
    Monsieur Chan, êtes-vous en faveur d'une amnistie générale pour les travailleurs sans papiers s'ils n'ont pas de casier judiciaire, s'ils sont au Canada depuis trois à cinq ans, ont travaillé et payé leurs impôts? Faudrait-il leur permettre de rester au Canada?
    Oui.
    Je suppose que vous êtes tous d'accord, n'est-ce pas?
    Oui. Je précise que je suis Mexicaine et que je travaille avec la population latino-américaine. Il y a beaucoup de Latino-Américains sans papiers.
    Je le sais.
    Actuellement, le Programme concernant les aides familiaux résidants précise qu'il faut travailler 24 mois sur une période de 36 mois. J'estime que les aides familiaux résidants devraient immigrer comme résidents permanents, un point c'est tout.
    C'est la priorité. Sinon, il faudrait modifier le programme pour que les visas soient associés aux emplois, et pas aux employeurs. C'est la question que j'ai posée pour tous... C'est la deuxième meilleure option. La troisième est de se débarrasser de ce critère de 24 mois de travail sur 36.
    Ai-je raison d'interpréter ça comme la solution par étapes? Je m'adresse à ceux d'entre vous qui voudraient faire des commentaires.

  (1635)  

    Oui, le statut de résident permanent et pas dans le contexte du système de points. C'est à ce niveau que se pose le problème, n'est-ce pas?
    Nous pensons également que ces types de réformes ou de changements à ce programme amélioreraient la situation des aides familiaux. Cependant, ce que nous demandons en réalité, c'est qu'on leur accorde le statut de résidents permanents pour qu'ils ne soient plus vulnérables aux abus liés à leur statut de résidents temporaires. La mise en oeuvre des changements prévus ne mettrait pas fin à cette situation. Ces personnes auraient toujours le statut de résidents temporaires au Canada.
    À moins qu'elles ne viennent ici comme immigrants reçus.
    C'est exact.
    Il ne faudrait pas que ça dépende de l'évaluation de l'employeur.
    C'est exact. Elles viendraient comme aides familiaux résidants, mais seraient autorisées à changer d'employeur. Si leur employeur abusait d'elles, elles n'auraient pas à s'inquiéter au sujet de l'annulation de leur visa, de la possibilité de trouver un autre emploi, de l'obligation de faire une nouvelle demande, d'attendre et de recommencer toutes les formalités. Elles pourraient travailler pendant les 24 mois au complet, sur la période de 36 mois.
    Ça réduirait le délai de traitement du permis de travail; ça pourrait donc également améliorer les chances de demande de résidence permanente. En outre, la majorité des femmes venant des Philippines pour travailler dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants sont des professionnelles dans leur pays. Il y a également des infirmières qui viennent dans le pays de cette façon parce que, dans le système de points actuel, on ne leur accorde pas de points pour leur profession d'infirmière. Ainsi, on se retrouve avec des infirmières qui travaillent dans le cadre de ce programme alors qu'il y a pénurie d'infirmières au Canada. C'est en fait une politique raciste de la part des organismes de réglementation et des associations du secteur infirmier, qui font en sorte que ces infirmières aient beaucoup de difficulté à passer du programme à la profession d'infirmière.
    Par conséquent, si on permettait à ces femmes de venir au Canada pour exercer leur profession et que le gouvernement du Canada envisageait sérieusement d'appuyer sans réserve les programmes de garde d'enfants et de soins de santé, ce problème ne se poserait pas.
    Ce que j'essaie surtout d'expliquer, c'est que ces travailleurs n'ont pas accès aux services existants. Si on pouvait trouver une possibilité de leur communiquer le message pour qu'ils aient accès à des organismes comme ceux qui sont représentés par ce groupe de témoins, ce serait très efficace. Pour le moment, peu de personnes ont accès à ces services. Comme je l'ai signalé, il existe en Alberta un bureau de défense qui peut les aider, mais ce n'est pas le cas en Colombie-Britannique.
    Ceci m'amène à faire un autre commentaire au sujet des caractéristiques nationales des services que nous offrons aux travailleurs étrangers temporaires. Les ensembles de règles et les niveaux de service diffèrent d'une province à l'autre. Si nous voulons sérieusement améliorer la situation, il faudrait établir une norme nationale très semblable à celle que représente notre loi sur les soins de santé. On devrait dispenser aux néo-Canadiens une formation linguistique jusqu'à un niveau donné. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire.
    La ministre a signalé dernièrement que les demandeurs attendent trop longtemps et qu'ils vont dans d'autres pays, que nous avons besoin d'infirmières et infirmiers et de médecins supplémentaires et qu'il faudrait par conséquent accélérer la procédure.
    Vous avez mentionné qu'il y a déjà, au Canada, des infirmières et infirmiers et des médecins qui pourraient faire le travail si on leur donnait de l'appui et si cet appui s'étendait à toutes les provinces. Ils pourraient accomplir les tâches dans les secteurs touchés par une pénurie de main-d'oeuvre. C'est ce que vous avez signalé.
    C'est exactement ce que j'ai expliqué. En fait, je faisais partie d'un groupe d'experts où j'étais assis juste à côté de la directrice des ressources humaines de Vancouver Coastal Health, qui était extrêmement fière de pouvoir aller recruter des infirmières et des infirmiers en Angleterre. Elle en avait recruté une centaine il y a quelques années et, l'année dernière, elle a pu en recruter 150. Cependant, si l'on examine la composition démographique de la population de la région des basses terres, dont elle s'occupe, on constate que beaucoup de personnes âgées qui vivent dans cette région parlent le punjabi ou le chinois. Elles ne parlent pas anglais.
    Tout cela alors que, ici même, nous avons des infirmières ou des infirmiers et des professionnels de la santé, formés en Chine et aux Philippines, dont nous n'utilisons pas les compétences. Il est essentiel d'établir une norme nationale, un cadre permettant de tenir compte des titres de compétences.
    Si nous voulons vraiment régler le problème, alors pourquoi ne pas permettre à l'Ordre des infirmières et infirmiers d'aller aux Philippines s'enquérir du type de formation que l'Ordre des infirmières et infirmiers des Philippines dispense, afin de cerner les écarts entre les deux systèmes pour pouvoir les combler par une formation ciblée.
    Dans les basses terres, rien que pour la partie sud du Fraser, il y a 2 100 infirmières et infirmiers...

  (1640)  

    Je sais, monsieur Chan, mais permettez-moi d'intervenir, car le temps dont je dispose s'écoule rapidement.
    Nous avions un programme dans les années 70 et 80 pour les infirmières et infirmiers des Philippines. Il y avait une entente qui leur permettait de venir ici et de travailler pour des périodes d'un an sans devoir se soumettre à toutes ces formalités. Est-ce exact?
    Oui.
    Il faudrait remonter jusque-là pour ne pas devoir recommencer le travail une fois qu'ils sont arrivés. Passons une entente pour qu'ils puissent venir après...
    Merci.
    Il nous reste cinq ou six minutes. Allez-y, madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Madame German, vous avez indiqué dans votre exposé que la plupart des travailleurs étrangers temporaires actuellement au Canada sont séparés de leur famille pour la durée de leur séjour. Quels sont, d'après vous, les avantages et les inconvénients de cette politique? Pourriez-vous donner des informations précises?
    Eh bien, en ce qui concerne par exemple les politiques d'immigration dans le contexte du Programme concernant les aides familiaux résidants, l'expérience de la communauté philippine est que les jeunes sont séparés de leurs parents pour une période moyenne de cinq ans. C'est ce qu'indique une étude qui a été faite à l'Université de la Colombie-Britannique.
    Dans de nombreux cas, la séparation est plus longue et, par conséquent, la plupart des jeunes Philippins fraîchement arrivés sont confrontés au traumatisme de la séparation puis de la réunification familiale et à celui de la migration. Cette situation a eu un impact considérable sur la communauté philippine. Pouvez-vous imaginer ce que c'est d'être séparé de ses parents pour une période de cinq ans ou plus? C'est très dur d'être un jeune Philippin et de grandir sans ses parents. Cette situation a une incidence non seulement sur les travailleurs migrants, mais aussi sur les enfants qu'ils laissent derrière eux. Ce n'est pas seulement une violation du droit des travailleurs migrants d'être avec leur famille; cela va également à l'encontre du droit des enfants restés dans leur pays d'être avec leurs parents.
    Monsieur le président, je laisserai le temps dont je dispose encore à M. Komarnicki.
    Vous avez la parole, monsieur Komarnicki.
    J'aimerais poser à Mme Alcuitas une question sur le Programme concernant les aides familiaux résidants. Faut-il déduire de vos commentaires que si l'on n'apportait aucun changement au programme, vous préféreriez qu'on ne s'en serve pas du tout?
    C'est exact. Nous appuyons les recommandations de SIKLAB concernant l'abandon du Programme concernant les aides familiaux résidants, car nous estimons qu'il présente des lacunes fondamentales et qu'il crée des conditions favorables à toutes sortes d'abus et d'atteintes aux droits de la personne.
    Monsieur Chan, j'apprécie votre suggestion concernant une amnistie pour les travailleurs sans papiers. De nombreux cas méritent de la compassion — ça ne fait aucun doute —, mais de nombreux travailleurs légitimes ont également fait une demande. Suggérez-vous qu'il faille leur accorder la priorité?
    Ensuite, d'après certains commentaires qui ont déjà été faits, la raison pour laquelle il y aurait des travailleurs sans papiers, si on peut les appeler ainsi, est qu'il n'existe pas de procédures légitimes pour leur permettre de venir au Canada. Je me demande ce que vous penseriez de modifier le système d'immigration pour faire en sorte que les besoins comblés par ces travailleurs le soient par des moyens légitimes, notamment par le biais du Programme des candidats d'une province. Un nombre considérable d'autres programmes sont également efficaces, mais c'est celui qui me vient à l'esprit pour permettre à ces personnes-là de venir au Canada par des moyens légitimes.
    Cela dit, si nous élaborions les programmes nécessaires pour leur offrir un recours légitime, ne faudrait-il pas en quelque sorte légitimer le statut des travailleurs sans papiers plutôt que de déclarer une amnistie, car il est essentiel d'établir une procédure d'un type ou d'un autre qui soit légitime? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    J'apprécie la question. Pour expliquer brièvement la situation, notre système actuel est défectueux et nous devons le réparer.
    Si notre système était efficace et si notre processus des travailleurs migrants — il y a 600 cas — était performant et qu'il ne fallait pas six ans pour venir au Canada, on pourrait demander tout simplement aux entreprises de construction ou autres entreprises qui ont un grand besoin de ces travailleurs de présenter une demande. Dernièrement, j'ai eu connaissance d'une entreprise de construction qui a présenté légitimement une demande pour faire venir des travailleurs temporaires de Chine. On a interviewé 45 personnes et tous les candidats ont été refusés. Par conséquent, notre système n'est pas efficace, et c'est la cause fondamentale de la situation actuelle des travailleurs sans papiers.
    J'estime qu'il est essentiel d'adopter une approche en deux étapes. Il n'y a aucune raison qu'on donne la priorité à une par rapport à l'autre; on peut actuellement décider de mener les deux en parallèle. Des travailleurs sans papiers travaillent déjà illégalement dans le secteur de la construction; certains d'entre eux sont peut-être exploités; pourquoi donc ne leur accorderait-on pas le statut de résidents permanents pour qu'ils puissent payer des impôts et avoir accès aux soins de santé et pour que leurs enfants et leur femme puissent venir les rejoindre?
    Pour les autres personnes en attente, il faudrait trouver un moyen d'accélérer la procédure de demande et d'adopter une nouvelle procédure, comme celle suggérée dans le projet de loi visant à modifier la Loi sur l'immigration dont la Chambre est actuellement saisie, qui laisserait au moins au ministre une certaine latitude pour faire venir des travailleurs dont on a grand besoin.
    Si on pouvait répondre à ces besoins, la nécessité d'avoir recours à des travailleurs sans papiers diminuerait et ce problème disparaîtrait peut-être. Par conséquent, en ce qui me concerne, il n'y a pas plusieurs options.

  (1645)  

    Je pense que nous arrêterons là. Je vous remercie pour ces exposés très intéressants.
    Nous avons fait attendre pendant plus d'une heure l'Association du Barreau canadien et la Law Society of British Columbia ainsi que la Canadian Society of Immigration Practitioners. Nous nous en excusons. Nous essaierons de démarrer dans deux ou trois minutes. Nous vous invitons à venir vous installer à la table, puis nous commencerons.
    Je profite de ces quelques instants pour annoncer aux membres du comité que Mme Grewal nous a tous invités à souper chez elle — tout le comité — environ une demi-heure après la séance.
    Nous accueillons maintenant M. Alex Stojicevic de l'Association du Barreau canadien, Mme Carmel Wiseman, avocate de la Direction des politiques et des services légaux de la Law Society of British Columbia, ainsi que Mme Nancy Salloum, présidente et Elie Hani, vice-président, de la Canadian Society of Immigration Practitioners.
    Merci d'être venus. Excusez-nous de vous avoir fait attendre, mais le démarrage a été difficile. Si vous étiez déjà là, vous avez pu le constater
    Vous connaissez la procédure. Vous avez la parole, monsieur Stojicevic.

  (1650)  

    Merci pour cette occasion de faire un exposé sur les questions importantes sur lesquelles vous tenez des audiences à travers le pays. J'ai entendu certaines des discussions précédentes, et vous examinez de nombreuses questions qui suscitent des discussions animées.
    Je n'envie pas votre tâche, qui consiste à concilier de nombreux changements réglementaires ou législatifs différents et leur impact avec des priorités contradictoires qu'on vous demande d'examiner.
    Je vous parle en ma qualité de président de la section du droit de l'immigration et de la citoyenneté de l'Association du Barreau canadien. Cette association est une association libre qui regroupe environ 37 000 avocats, notaires, professeurs de droit et étudiants en droit des différentes régions du Canada. Ma section compte environ 900 membres qui pratiquent le droit de l'immigration à travers le pays. Notre mandat consiste notamment à essayer d'apporter des améliorations à la loi et à l'administration de la justice et c'est de ce point de vue que je ferai mon exposé aujourd'hui.
    J'aimerais aborder en particulier deux des questions que vous avez soulevées quoique, étant donné les discussions animées que suscitent certaines autres questions, j'aie également des opinions sur le Programme concernant les aides familiaux résidants et d'autres programmes. Mais je vais laisser ça aux membres.
    Quoi qu'il en soit, les deux questions précises — vous avez d'ailleurs des exemplaires de mes notes — sont l'impact du projet de loi C-17 sur les travailleurs étrangers temporaires, puis la question des consultants en immigration sans papiers et aussi de ceux qui sont agréés.
    Nous avons fait part de nos préoccupations au gouvernement dans ces deux domaines. Nous avons présenté des mémoires sur ces deux questions au cabinet de la ministre.
    Ce qui nous préoccupe en fait, en ce qui concerne le projet de loi C-17, ce sont les vastes pouvoirs, échappant relativement à tout contrôle, qu'il accorde au ministre et qui pourraient purement et simplement miner le principe de la primauté du droit. Nous estimons que les mesures actuelles de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et que les règlements et procédures de traitement actuels peuvent être utilisés de façon plus efficace pour atteindre les objectifs du gouvernement. Dans de nombreux cas, y compris en ce qui concerne le projet de loi C-17, son objectif, qui était de protéger de l'exploitation certaines catégories de travailleurs, comme les strip-teaseuses, pourrait être atteint par d'autres moyens ne nécessitant pas ce projet de loi. Les instructions ministérielles sont une approche trop sévère et inutile alors que des directives fermes venant du cabinet du ministre permettraient probablement d'atteindre le même but.
    En outre, nous nous demandons s'il est nécessaire d'établir un système d'instructions ministérielles centralisant le pouvoir au cabinet du ministre alors que quelques visas seulement de strip-teaseuses ont été émis. J'ai entendu des chiffres différents: 4, 18 et 20. Ce n'est pas assez pour qu'il faille vraiment modifier une loi. Si c'est la principale motivation, nous en contestons quelque peu le bien-fondé.
    La loi et les procédures actuelles apportent une transparence et une objectivité que le projet de loi C-17 réduira, à notre sens. Nous avons certaines préoccupations analogues au sujet du projet de loi qui a été présenté à la Chambre aujourd'hui, à savoir le projet de loi C-50. Si on réduisait l'objectivité d'un système déjà complexe pour l'utilisateur, mais qui lui accorde au moins quelques droits par l'emploi d'un terme comme « shall », en le remplaçant par « may », ou en prévoyant un système d'instructions ministérielles concernant l'octroi d'un permis de travail, ou d'un visa de résident temporaire ou permanent, on en augmenterait beaucoup la complexité.
    C'est le risque associé à l'affaiblissement du libellé de la loi, quoique nous reconnaissions que certaines dispositions de ces deux projets de loi sont inspirées par des objectifs légitimes de politique publique. Nous félicitons le gouvernement de prendre des initiatives pour atteindre ces objectifs, mais je me demande si des modifications législatives, surtout celles qui sont envisagées, sont nécessaires pour y arriver.
    Nous vous demandons de recommander au gouvernement d'utiliser les mesures qui se trouvent dans la loi plutôt que d'émettre des directives ministérielles pour réaliser ces orientations légitimes de la politique gouvernementale.
    La pierre angulaire d'une bonne administration de la justice est, à notre avis, la transparence; les préoccupations que nous avons au sujet de l'orientation que le gouvernement s'est donnée avec le projet de loi C-17 et avec plusieurs autres initiatives législatives, y compris celle que j'ai mentionnée, à savoir le projet de loi C-50, est qu'on sacrifie la clarté et la transparence pour donner au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration un contrôle plus direct sur les questions de traitement des demandes. Cette tendance aura pour conséquence de centraliser le pouvoir en matière de traitement des demandes entre les mains du ministre et du ministère plutôt que de le laisser là où il est actuellement, c'est-à-dire dans les règlements comme tels.
    C'est une approche très intéressante. La ministre a déclaré officiellement aujourd'hui que tous les changements qu'elle propose dans ces instructions ministérielles, aux termes des deux projets de loi, feront l'objet de consultations avec les parties concernées et seront également publiés au préalable dans la Gazette du Canada. Nous en félicitons la ministre, mais comment agira le prochain ministre ou celui qui viendra après lui? Quand ces pouvoirs — le pouvoir lié aux instructions ministérielles aux termes du projet de loi C-17 et peut-être aussi la capacité, aux termes du projet de loi C-50, de choisir les catégories de visas d'immigrants qui pourront être retenues alors qu'elles sont déjà indiquées dans les règlements... Nous estimons que cette centralisation du pouvoir n'est pas indispensable pour que le gouvernement atteigne ses objectifs en matière d'immigration. En outre, ça pose un risque d'abus de la part du ministère ou d'un autre ministre de l'Immigration, si ce n'est pas la ministre actuelle, qui s'en serviraient peut-être de diverses façons fondamentalement antidémocratiques et ne permettraient pas de discuter comme il se doit, ici ou dans toute autre tribune, des changements qui seraient apportés en matière d'immigration mais permettraient à de hauts fonctionnaires d'établir une politique en ne discutant qu'entre eux.
    Nous sommes conscients du fait qu'une certaine flexibilité est essentielle, et nous reconnaissons que la ministre et le gouvernement ont des problèmes très complexes et difficiles à régler, qu'ils doivent réaliser un équilibre entre de nombreux objectifs stratégiques différents et contradictoires. C'est la réalité de notre système depuis que je pratique le droit de l'immigration. Ce n'est pas un équilibre facile à maintenir.
    L'édification d'un système qui réponde aux besoins actuels du Canada tout en étant sensible aux besoins économiques à long terme, comme aux objectifs humanitaires, pose un défi. Bien que cet objectif nécessite un certain degré de flexibilité pour s'adapter aux changements économiques, ça ne doit pas être aux dépens d'un système fondé sur des critères objectifs. Le risque, que j'ai déjà évoqué, est qu'on ait recours à l'arbitraire et qu'on permette au ministre de ne pas tenir compte des critères objectifs qui se trouvent déjà dans les règlements. C'est ce que nous n'acceptons pas. Les Canadiens veulent de la transparence.
    Une autre question sur laquelle je voudrais faire des commentaires aujourd'hui est celle des consultants en immigration. Je connais personnellement très bien la chronologie de ce dossier. C'est la Law Society of British Columbia qui a attiré l'attention sur l'affaire Mangat, vers la fin des années 90, à l'issue de laquelle la Cour suprême du Canada a décidé que les consultants en immigration avaient un rôle à jouer, pour autant que cette profession soit réglementée. C'est ainsi qu'a vu le jour la Société canadienne de consultants en immigration.
    Je voudrais aborder deux sujets. Premièrement, l'Association du Barreau canadien estime qu'actuellement, cet organisme ne dispose pas de suffisamment de fonds pour se charger de mesures disciplinaires. Il serait au moins intéressant de vérifier s'il fait du bon travail et s'il prend des mesures disciplinaires efficaces envers ses membres. A-t-il un budget suffisant pour le faire?

  (1655)  

    Vous avez la parole depuis huit minutes. Pourriez-vous attendre la période des questions pour faire des commentaires sur certains de ces problèmes?
    Avec plaisir.
    Je suis certain que vous en aurez l'occasion.
    Madame Wiseman.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir invité la Law Society à prendre part aux audiences d'aujourd'hui.
    Le mandat de la Law Society of British Columbia a été établi par la Legal Profession Act; le principal aspect de son mandat est l'obligation de protéger le public dans l'administration de la justice. C'est dans le contexte de ce mandat que je suis venue témoigner aujourd'hui.
    Vous serez contents d'apprendre que mes commentaires porteront sur une seule question, à savoir celle des consultants en immigration non agréés. La Law Society est préoccupée depuis de nombreuses années, et l'est toujours, par le fait que le public continue d'être lésé par des consultants en immigration non agréés qui fournissent des services juridiques en matière d'immigration, alors qu'ils ne sont pas consultants en immigration agréés ni avocats.
    Aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et du règlement corrélatif, seuls les représentants élus ont le droit de fournir des services juridiques, moyennant des honoraires, à des clients qui ont entamé des procédures d'immigration ou présenté une demande. Tel que prévu dans le règlement, les représentants autorisés sont les avocats, les notaires au Québec et les membres de la Société canadienne de consultants en immigration. Cette règle a pour objet de s'assurer que seules les personnes compétentes, dont les activités sont réglementées par un organisme responsable, soient autorisées à exiger une rémunération pour représenter des personnes très vulnérables.
    Bien que le règlement précise que seuls les représentants autorisés peuvent fournir des services juridiques en matière d'immigration en échange d'honoraires, des consultants en immigration non agréés continuent d'offrir des services juridiques souvent très mauvais, ou d'offrir des services juridiques en dépit du règlement. Des consultants en immigration non agréés peuvent masquer leur participation à la préparation des documents d'immigration en faisant signer les documents par le demandeur en son nom. Les clients n'apprennent parfois que le consultant n'est pas agréé et qu'il ne pourra pas les représenter à une audience que peu de temps avant la date de l'audience. On peut imaginer combien ça peut être vexant pour ces clients vulnérables. Dans d'autres cas, les consultants en immigration non agréés prétendent pouvoir fournir des services d'immigration; ils facturent et font payer un droit mais ne fournissent en fait jamais les services.
    Même après que la Cour suprême du Canada ait déclaré, dans son jugement dans l'affaire Law Society of British Columbia c. Mangat, que les consultants en immigration relevaient du gouvernement fédéral, la Law Society of British Columbia continue à recevoir des plaintes de la population au sujet de la piètre qualité ou de l'absence de services fournis par des consultants en immigration non agréés. Certaines personnes se plaignent d'avoir versé des milliers de dollars à ces consultants et de n'avoir reçu en échange aucun service ou des services minimes, ou se plaignent de la mauvaise qualité des services fournis. Parfois, les conseils qu'elles reçoivent sont préjudiciables à leur demande d'immigration; on leur donne de mauvais conseils sur la façon de remplir les formulaires.
    Les immigrants sont des personnes vulnérables et ils ont besoin de protection contre les consultants en immigration non agréés qui n'ont aucune formation, ne sont soumis à aucune réglementation, ne sont pas assurés et sont parfois dénués de tout scrupules. Un des problèmes qui se posent dans le contexte du régime réglementaire actuel est que la loi ne renferme pas de dispositions d'exécution efficaces pour prendre des sanctions contre les consultants en immigration non agréés qui fournissent des services en dépit de la loi et du règlement. Pour être efficace, la loi devrait préciser que la fourniture de services en dépit des dispositions de la loi et du règlement est une infraction. Elle devrait en outre préciser quelles seraient les sanctions, généralement en peines d'emprisonnement ou en amendes d'un montant déterminé, auxquelles s'exposent les personnes qui fournissent des services juridiques en dépit des dispositions de la loi et du règlement. Enfin, la loi devrait prévoir un cadre d'exécution par l'intermédiaire des services de police ou d'une division du ministère de l'Immigration.
    En l'absence d'une exécution efficace, les consultants non agréés continueront de profiter des immigrants et des candidats immigrants et de causer un préjudice considérable à la réputation du Canada au sein de la communauté internationale. La Law Society of British Columbia recommande que le gouvernement du Canada adopte un système d'exécution efficace pour protéger ce groupe vulnérable. En quoi les avocats sont-ils différents? C'est la question que me pose le comité. La réponse est que les avocats sont assurés, qu'ils ont une formation et qu'ils sont réglementés.
    Tous les avocats sont-ils de bons avocats? Non, et nous le savons, naturellement. La Law Society fait des remontrances aux avocats qui ne font pas bien leur travail et veille à ce que des sanctions soient prises... tout ça est public; c'est sur notre site Web. Toutes les procédures disciplinaires y sont affichées. Nous faisons des examens des critères en matière de pratique et nous pouvons rayer du Barreau des avocats qui sont malhonnêtes ou manquent d'intégrité, ou pour d'autres motifs. En outre, le public est protégé lorsqu'il fait affaire avec des avocats, car ceux-ci sont assurés.
    Ils sont non seulement réglementés, mais sont aussi assurés. On ne peut pas en dire autant des consultants en immigration non agréés. C'est une différence. Le fait d'être un avocat ne garantit pas qu'on est très compétent, quoique nous fassions de notre mieux pour donner un bon service. La différence est que si vous êtes client d'un avocat, vous avez des recours. Si vous êtes client d'un consultant en immigration non agréé, vous n'en avez pas beaucoup.
    J'ai vu aujourd'hui, sur le site du ministère de l'Immigration, la politique concernant le recours à des représentants, rémunérés ou non. C'est une section qui indique ce qu'il faut faire quand on travaille à Citoyenneté et Immigration Canada et qu'on reçoit une plainte concernant un consultant en immigration non agréé. Savez-vous ce qu'on dit aux clients? Lorsqu'ils font affaire avec un consultant en immigration non agréé, on leur dit d'en informer la SCCI, qui n'a aucune capacité d'exécution efficace contre les représentants non autorisés, et de présenter une plainte au Bureau d'éthique commerciale du Canada, ou encore d'entreprendre, s'ils le peuvent, une action en Cour des petites créances pour leur compte.
    Ces personnes sont aux prises avec un système. Ce sont des immigrants; ils sont vulnérables. Ça ne les aide pas. Ils n'ont aucun recours, en fait.
    J'ai fini. Je suis heureuse que mon exposé ait duré moins de sept minutes.

  (1705)  

    Merci, madame Wiseman.
    Madame Salloum.
    J'apprécie votre invitation, bien qu'elle soit arrivée à la dernière minute, vendredi soir, et que nous ayons eu très peu de temps pour préparer un mémoire. Nous avons toutefois préparé 32 pages mais, étant donné que nous ne disposons que de sept minutes pour faire notre exposé, je n'en présenterai que quelques passages choisis.
    Je suis présidente et lobbyiste fédérale inscrite pour la Canadian Society of Immigration Practitioners. Je suis accompagnée de notre vice-président, M. Elie Hani.
    Je suis heureuse que le président de l'Association du Barreau canadien et Mme Wiseman aient présenté un bon argument; cependant, j'ai un point de vue et une position différents sur cette question.
    Je voudrais exposer brièvement le contexte. La CSIP est une organisation non gouvernementale, à but non lucratif, et ses membres fournissent des services bénévoles depuis novembre 2005. Nous avons plus de 9 000 membres. Ils ne paient pas de droits d'adhésion; ils paient de leur poche pour aider les futurs clients d'Immigration Canada. Notre société ne reçoit aucune forme de subventions gouvernementales. Nous travaillons de la maison, nous payons nos frais de bureau et nous nous occupons en outre des demandeurs du statut de réfugié qui n'ont pas accès à l'aide juridique, parce que des services ont été supprimés il y a quelques années.
    La CSIP joue le rôle d'un organisme de réglementation unifié pour ses membres et représente les intérêts des intervenants en immigration, au Canada et à l'étranger. La CSIP vise l'autoréglementation avec la reconnaissance de représentants rémunérés, par le gouvernement fédéral; elle voudrait en outre instaurer un système de protection des futurs clients des services d'immigration.
    Soyons clairs, les intervenants en immigration tiennent à se soumettre à la réglementation professionnelle; nous estimons d'ailleurs avoir accompli ce travail le 13 avril 2004, lorsque la Société canadienne des consultants en immigration, que nous avons appuyée initialement, a été créée. Notre opposition repose sur le fait que nous sommes très déçus de l'administration et du comportement de cette société, de son mandat et de ses statuts, qui sont tendancieux. Nous ne voulons pas éviter la réglementation, mais nous souhaitons éviter le mauvais type de réglementation qui permet à un groupe spécifique de ne servir que ses propres intérêts.
    Le cheminement vers une réglementation pour les intervenants en immigration est anticonstitutionnel, car il n'a pas été approuvé par le Sénat. Les consultants en immigration sont-ils effectivement réglementés, malgré la présence de la Société canadienne des consultants en immigration (SCCI)? Je ne le pense pas. Les consommateurs ne sont pas protégés. Cette société ne protège pas les consommateurs depuis 2004.
    Un écart se forme entre les membres de la SCCI, les avocats spécialisés en droit de l'immigration et les intervenants en immigration de la CSIP, qui dispensent des services bénévoles. Depuis août 2005, cinq directeurs de la SCCI ont donné leur démission pour malversations et mauvaise gestion. En outre, près de 1 000 consultants en immigration ont démissionné de la SCCI en raison du type de mandat que s'est donné la société.
    Les droits d'adhésion à la SCCI sont trop élevés; par conséquent, un grand nombre de consultants cessent d'en faire partie. Cinq poursuites ont été entamées contre la SCCI depuis sa création.
    Notre association a été encouragée à révéler publiquement les préoccupations concernant l'absence de contrôle sur les membres de la SCCI. Des plaintes ont été faites par des citoyens, par des consommateurs et par d'anciens membres de la SCCI. Des professionnels reconnus ayant une longue expérience en matière de droit de l'immigration se sont fait dire qu'ils n'avaient pas réussi l'examen — et ce, à plusieurs reprises — et ça nous a étonnés, car il y avait parmi eux des agents d'immigration supérieurs professionnels à la retraite ou ayant démissionné et d'anciens avocats en exercice.
    Ces membres n'ont pas eu le privilège d'avoir des contacts avec l'administration de la SCCI et on ne leur a pas donné l'occasion de négocier une autre notation de leur examen. Les notes avaient été attribuées par le personnel de la SCCI et pas par un établissement d'enseignement reconnu. Bien que les membres aient droit à cette approche légitime, puisqu'ils paient des droits élevés pour les examens, ils en ont été privés. Leurs droits ont été bafoués par une façon de procéder manquant de transparence.
    Nous avons également de sérieuses préoccupations au sujet de la façon dont l'examen d'adhésion a été préparé. Quels sont ces experts en droit de l'immigration qui ont été recrutés par le conseil d'administration de la SCCI au coût de 760 000 $? Ce sont en fait les contribuables qui ont dû payer la facture, car cette somme faisait partie du montant initial de 1,2 million de dollars qui avait été accordé à la société.
    La CSIP reconnaît que le ministère de l'Immigration ne pourra pas résoudre par lui-même tous les problèmes associés à la pratique des consultants, mais il pourrait être — et devrait être — un instrument clé de règlement de certains de ces problèmes, avec l'approbation de l'honorable ministre, naturellement.
    Les efforts actuels de la CSIP ont pour objet de détecter tout type d'abus au sein du gouvernement fédéral, abus qui ne font actuellement plus aucun doute. Au cours des derniers mois, nous avons eu vent de tels abus à l'Agence des services frontaliers du Canada et à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans une lettre qu'elle a adressée dernièrement à la CSIP, la ministre de l'Immigration, l'honorable Diane Finley, a approuvé notre position concernant la tenue d'une enquête sur la nomination en secret de deux consultants de la SCCI en situation de conflit d'intérêts. Cette enquête est actuellement menée par les deux commissions d'éthique.
    En 2004, la CSIP a publié et présenté un document de travail attirant l'attention sur l'importance des recommandations qui avaient été faites au ministre précédent. Ce document a toutefois été déchiqueté et ignoré. On a plutôt adopté des recommandations qui avaient été faites en secret et qui servaient les intérêts d'anciens agents d'Immigration Canada, leurs amis et les personnes qui les soutenaient.
    Au nom des membres de la CSIP, de ses partenaires et des parties concernées, nous proposons le plan d'action suivant.
    En premier lieu, il faut permettre à la ministre de reconnaître d'autres organismes de réglementation pour une meilleure reddition de comptes, une plus grande transparence et une protection plus efficace des consommateurs, à l'échelle nationale.
    Assurer la prévisibilité et la stabilité par un mécanisme progressif.
    Trouver des principes communs par le biais d'une collaboration suivie avec Immigration Canada, à l'échelle nationale, y compris avec les avocats.
    Évaluer et vérifier les résultats, communiquer les innovations et les pratiques exemplaires en matière d'immigration, en l'absence de toute discrimination. Accorder la liberté d'association et la liberté d'expression à tous les consultants, qu'ils soient membres ou non de la SCCI.
    Nous recommandons à l'honorable ministre de faire des enquêtes plus approfondies jusqu'à ce que cette situation soit réglée de façon à faire gagner du temps au ministère et à faire économiser de l'argent aux contribuables.
    Enfin, nous recommandons d'accorder la reconnaissance fédérale à notre société, à titre d'intervenante agréée en matière d'immigration. Après un examen approfondi de notre administration, nous espérons que l'honorable ministre nous donnera l'occasion de démontrer nos connaissances professionnelles et notre honnêteté dans ce domaine.
    Le nombre d'adhérents à notre société a augmenté en très peu de temps — au cours des trois dernières années — à 9 000 membres. C'est pourquoi plusieurs mesures ont été prises pour que la SCCI, qui est un organisme agréé par le gouvernement fédéral et devrait être une société à but non lucratif... Son administration n'est pas capable de remplir le mandat qui lui a été confié avec les 1,2 million de dollars de financement initial payés par le contribuable. Quatre années plus tard, la SCCI n'est malheureusement pas encore arrivée à assurer la protection des consommateurs.
    Y a-t-il des abus de pouvoir au niveau fédéral? Oui. Le 13 avril 2004, des membres du conseil d'administration de la SCCI ont révélé avoir des liens avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Étant donné que le directeur de ce ministère...
    Le temps dont je disposais est-il écoulé?
    Je pense que je devrais vous interrompre ici. J'ai interrompu Alex et, par conséquent...
    Vous aurez probablement l'occasion d'aborder les autres problèmes au cours de la période des questions.
    Merci.

  (1710)  

    Merci beaucoup.
    Vous avez la parole, monsieur Hani.
    Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour, monsieur Carrier, monsieur St-Cyr et madame Beaumier.
    Je suis arrivé en avion de Montréal à court préavis pour avoir l'occasion d'exprimer certaines préoccupations importantes concernant la législation de l'immigration. Je ferai également des commentaires sur le code de conduite des membres de la Société canadienne des consultants en immigration.
    Je ferai des commentaires concernant le Québec, car je suis également administrateur d'une église. Nous essayons d'aider les personnes qui sont dans le besoin, en particulier les nouveaux arrivants, les immigrants, les réfugiés, etc. Je vous assure que chaque semaine, un grand nombre de personnes viennent se plaindre à nous au sujet de membres de la société, c'est-à-dire de la Société canadienne des consultants en immigration. Elles se plaignent d'être exploitées financièrement et — nous avons fait enquête, car nous avons trois avocats au bureau — d'une mauvaise représentation.
    On a annoncé dernièrement aux nouvelles que la GRC avait fait une descente dans les bureaux d'un de ses membres, à Montréal, une personne très connue, et qu'elle avait saisi 700 dossiers. C'est le gouvernement du Québec qui avait communiqué la plainte à la GRC.
    Si vous vous sentez plus à l'aise en français, nous avons un service d'interprétation.
    Je ferai mon exposé en français ou en anglais, dans les deux langues.
    La plainte enregistrée par le gouvernement du Québec concerne le ministère de la Santé et les cartes d'assurance-maladie — il y avait un employé au ministère qui trafiquait dans les cartes d'assurance-maladie —, le ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté, dans les deux services, et les permis de conduire et les assurances auto. La plupart de ses clients vivent à l'étranger et n'ont jamais séjourné au Canada. Il y a parmi eux le fils du président du Liban et de nombreux agents diplomatiques. C'était dans les actualités, monsieur. Je n'invente pas cette histoire.
    Un très grand nombre d'autres membres de cette société agissent de la même façon, sans aucun contrôle de la part de la société. Nous avons conseillé à de nombreuses personnes d'écrire à la société pour se plaindre. Leurs plaintes sont jetées à la poubelle; elles n'obtiennent aucune réaction.
    Outre l'absence de réaction, il y a un problème majeur que j'aimerais signaler, problème lié aux pratiques de sélection des immigrants, ici au Canada, qui ont cours depuis quelques années. Ce système est très injuste. Certaines personnes ayant un haut niveau d'instruction viennent ici pour créer des emplois et investir des fonds. Leurs demandes ont été rejetées. Elles sont venues en qualité de réfugiés. Par contre, le dossier de nombreuses autres personnes, qui sont des assistés sociaux ou des membres de gangs de rue, a franchi les trois étapes et leur demande a été acceptée. C'est ahurissant. Ça m'a touché et ça a touché ma famille, ainsi que les Canadiens. C'est un problème qu'il faut examiner très attentivement et très sérieusement. Nous demandons à la ministre de soumettre les agents et les décideurs, au Canada et à l'étranger, à un contrôle plus strict.
    De nombreuses tractations louches ont lieu, en particulier à l'ambassade du Canada en Syrie, à Damas. Nous sommes au courant de la situation et avons les éléments nécessaires pour le prouver en tout temps.

  (1715)  

    J'écouterai le rappel au Règlement de M. Karygiannis.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. M. Hani fait de nombreuses allégations. Je me demande si nous pourrions avoir des preuves concrètes de leur bien-fondé.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Ce sont de graves allégations, monsieur le président.
    M. Hani est libre d'employer les sept minutes dont il dispose comme il l'entend. Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Je prie M. Hani de continuer.
    Merci, monsieur.
    En outre, en ce qui concerne les catégories choisies par les ministres et en ce qui concerne les critères de sélection des travailleurs et des professionnels, il y a au Québec, comme vous le savez, une forte pénurie de médecins et d'infirmières, et aussi de travailleurs. Le gouvernement du Québec envisage sérieusement de reporter l'âge de la retraite de 65 à 70 ans. Pourquoi? C'est parce qu'il a des difficultés à trouver des personnes pour faire le travail et pour occuper les emplois sur le marché du travail. Je pense que la plupart des provinces canadiennes sont dans des situations semblables.
    Nous aimerions inciter la ministre à modifier les critères d'immigration en augmentant le nombre d'immigrants admis de façon sélective afin d'aider à sauver la situation et d'exercer davantage de contrôle sur les bureaux de la citoyenneté et de l'immigration, au Canada ou à l'étranger.

  (1720)  

    Merci, monsieur Hani.
    Au nom du comité, je vous remercie pour vos exposés.
    Nous entamons maintenant une période de questions de 23 minutes. Le premier sur la liste est M. Telegdi. Vous disposez de sept minutes, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les membres de ce groupe de témoins.
    Le groupe précédent a fait des commentaires concernant la décence, la justice et la dignité qu'il faudrait assurer aux travailleurs étrangers temporaires. Étant donné que j'ai trop souvent entendu la même histoire au cours des dix dernières années, je ne peux m'empêcher de me demander parfois quel type de système nous avons. Je pense que le porte-parole de S.U.C.C.E.S.S. a très pertinemment signalé que le système était défectueux. Malheureusement, comme on l'a signalé au sujet du projet de loi C-50, il n'a pas bien été réparé et la situation s'aggravera.
    Nous avons consacré un temps excessif au « strippergate », pas parce que ça pose un problème, mais parce que le gouvernement perçoit cela comme une aubaine sur le plan politique. Avec le projet de loi C-50, on modifie un système qui présente certaines garanties légales pour le transformer en une loterie arbitraire.
    Pour une personne qui décide d'immigrer dans notre pays...
    M. Komarnicki invoque le Règlement.
    Une voix: Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Laissez-moi faire mon rappel au Règlement, puis le président décidera s'il est approprié; c'est son travail.
    En premier lieu, je sais que le projet de loi C-50 préoccupe beaucoup M. Telegdi. Il sera renvoyé à notre comité et il sera examiné; les différentes parties exposeront leurs points de vue.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Du calme, s'il vous plaît. J'écouterai d'abord le rappel au Règlement, si ça ne dérange pas les membres du comité.
    Laissez-moi terminer mon rappel au Règlement, puis vous pourrez manifester votre désaccord.
    Vous avez mentionné que nous avions trois questions à examiner, et le projet de loi C-50 n'en fait pas partie. Un comité étudiera le projet de loi C-50; il sera examiné et il fera l'objet de commentaires. Je sais que M. Telegdi voudrait qu'on en discute, mais il devrait s'en tenir aux questions que nous sommes chargés d'examiner. Il y aura un temps pour examiner cette autre question.
    Je sais que le représentant de l'Association du Barreau canadien a décidé de faire les commentaires qu'il avait à faire sur le projet de loi C-50, et c'est normal, mais ce n'est pas le sujet que nous voulons examiner; je tenais à le signaler, parce qu'il y aura un moment pour le faire et que des instances appropriées seront faites. Je pense que le député devrait s'en tenir aux questions précises que nous sommes chargés d'examiner.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement. C'est toutefois un commentaire pertinent étant donné que nous avons convenu d'étudier trois questions différentes au cours de nos déplacements à travers le pays: les travailleurs étrangers temporaires, les consultants en immigration et les réfugiés irakiens.
    J'aimerais que les membres s'en tiennent autant que possible à ces trois sujets. Il y aura moins d'interventions et moins de rappels au Règlement à mesure que nous avancerons. Je vous demande de coopérer. Nous nous sommes réunis et avons choisi les sujets dont nous allions discuter; à ce propos, je signale que j'ai dû me présenter devant le comité multipartite de la Chambre des communes pour obtenir l'autorisation de voyager pour ces trois études. J'ai eu de la difficulté à obtenir cette permission. J'ai dû me justifier pendant 40 minutes et il était entendu que c'était pour faire ces trois études. Par conséquent, bien qu'il ne s'agisse pas d'un rappel au Règlement, il est pertinent de signaler que nous devrions nous en tenir à ces trois sujets.
    Monsieur Telegdi, je déduirai le temps que j'ai pris du temps dont vous disposiez.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, je ferai remarquer que, quand un sujet est abordé par les témoins qui font un exposé, j'ai parfaitement le droit de poser des questions là-dessus. Quant à savoir à quel comité il serait approprié de renvoyer cette question, je signale que, comme nous le savons tous, elle sera renvoyée au comité des finances, qui n'est pas le bon comité pour ça.
    Ce que je voudrais expliquer, c'est qu'une personne qui veut immigrer doit avant tout faire un investissement affectif. C'est valable pour toutes ces questions. Ensuite, elle doit faire un investissement physique. Et, enfin, elle doit faire un investissement financier. Nous courons le danger de communiquer à travers le monde le message suivant: si vous voulez venir au Canada, vous n'avez aucun droit; c'est une loterie, et vous auriez intérêt à acheter un billet de la 6/49. Ce qui arrivera, c'est que les personnes intéressées choisiront d'autres pays où règne la primauté du droit et où la question n'est pas laissée à la discrétion du ministre.
    Comme je l'ai déjà fait remarquer, la question des travailleurs temporaires et les tentatives d'en faire un « strippergate » ne sont pas vraiment un problème, mais c'est un bon filon politique qu'on exploite sans vergogne.
    Je ne suis pas certain de pouvoir encore poser des questions à ce sujet aux avocats spécialistes de l'immigration, car je ne suis pas membre du comité des finances. Nous nous battrons pour que la question soit renvoyée à notre comité. Monsieur Stojicevic, j'aimerais à ce propos savoir comment, d'un point de vue d'avocat spécialiste de l'immigration, vous envisagez que cela se passera quand on organisera un concours international pour tenter de faire venir des immigrants au Canada?

  (1725)  

    Je m'efforcerai de ne pas faire de commentaires sur le projet de loi C-50 dans le présent contexte, mais le projet de loi C-17 a effectivement le même type de libellé. M. Chan a signalé le cas d'environ 45 travailleurs qui n'ont pas pu obtenir de visa du consulat canadien à Shanghai. Il a abordé la question dans son témoignage. Ce qu'il a omis de préciser, c'est que le cabinet de la ministre est intervenu dans cette affaire et qu'il a délivré 20 permis. Je le sais, car c'est une affaire dont s'occupe le cabinet d'avocats où je travaille. Je n'insinue pas un instant que le gouvernement et la ministre actuels ne sont pas sensibles à certains problèmes quand il y a des instructions ministérielles ou quand les instructions ministérielles ou un changement laissant au ministre davantage de marge de manoeuvre au sujet des catégories choisies sont des objectifs louables. C'est toutefois un cas où le ministre — aux termes de la législation actuelle et dans le contexte du cadre actuel — facilite l'obtention d'un visa ou d'une série de visas alors qu'il y a une certaine controverse.
    Par conséquent, il est inexact d'insinuer que le système ne réagit pas à ce type de problèmes, ce qui m'amène à me demander pourquoi vous avez alors besoin de cette mesure législative. La ministre a expliqué très clairement qu'elle tiendra des consultations publiques en bonne et due forme sur tous les changements, mais qu'en sera-t-il du ministre suivant?
    Pour moi et pour le député, ça pose un problème. Pour l'usager qui ne lit pas la presse canadienne tous les jours, ce système devient beaucoup moins transparent et beaucoup moins objectif. En comptant sur le personnel du ministre et sur les fonctionnaires du ministère pour mettre continuellement l'information à jour, on rendra encore beaucoup plus complexe un système qui l'est déjà.

  (1730)  

    Vous avez également signalé qu'on avait besoin de transparence. Comment la transparence est-elle possible en l'absence de dispositions législatives auxquelles on peut se référer? Il ne faut pas se leurrer. Quand vous dites que c'est le ministre qui décide, nous savons tous que ce sont les bureaucrates, et pas le ministre. Le ministre n'est pas assez au courant de ces dossiers et il se fie aux conseils que lui donnent les fonctionnaires. Nous remettons en fait le ministère entre les mains des bureaucrates, sans avoir mis en place un système de contrôle politique et de responsabilisation adéquat et transparent.
    Je comprends votre point de vue. Ce qui importe, encore une fois, ce sont les objectifs stratégiques. Il existe actuellement des règlements qui décrivent les différents types de catégories dans lesquelles les demandes devraient être traitées. Avec les instructions ministérielles et le nouveau projet de loi dont vous avez convenu de ne pas discuter, on compte malheureusement implanter un système qui modifiera la situation. Ce sera la première fois dans les annales du Canada que le choix sera fait au niveau ministériel malgré ces règlements précis.
    Je ne suis pas sûr que ce soit inapproprié et que certaines des initiatives du ministre ne soient pas de bonnes stratégies. Je rappelle qu'il y a un retard considérable à rattraper. La question est de savoir si nous avons besoin d'enchâsser dans la loi sa capacité de donner des instructions sur le terrain plutôt que de maintenir le système existant.
    Merci.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Je vais faire vite pour essayer de laisser du temps à M. Carrier.
    Monsieur Stojicevic, en ce qui concerne le projet de loi C-50, même si ce n'est pas notre sujet d'étude à proprement parler, si les gens à l'étranger font moins confiance à notre système parce qu'ils le jugent plus arbitraire, cela ne risque-t-il pas d'encourager des travailleurs illégaux à le contourner sous prétexte qu'il n'est pas fiable? N'est-ce pas un danger?

[Traduction]

    Je ne sais pas si c'est une conclusion que l'on peut en tirer nécessairement. On en revient au commentaire de M. Telegdi: arrivera-t-on à bien faire passer le message sur les cas qui seront traités et ceux qui ne le seront pas?
    Cela augmente-t-il les risques que vous évoquez? C'est possible. On en revient à la question suivante: si l'on est un utilisateur final du système de l'immigration, on a actuellement une certaine possibilité, même si elle est malheureusement restreinte, d'aller vérifier soi-même sur le site Web du ministère et d'évaluer ses chances d'être choisi. Chaque décision en matière d'immigration — peu importe la catégorie concernée — comprend deux étapes: la sélection et l'admission. A-t-on été choisi dans sa catégorie ou est-on admissible?
    Le système actuel permet au moins de faire les premières démarches sans mon aide ou sans celle d'un consultant en immigration et, surtout, sans l'aide d'un intervenant en immigration non agréé. Le problème, c'est que les dispositions de ce projet de loi changeront le système. Ce sera très difficile. Ça nous ramène à mon thème, à savoir comment ces changements rendront le système plus accessible à l'utilisateur final, c'est-à-dire à l'immigrant. Je pense que ça ne facilitera pas les choses à cet égard.

[Français]

    Je vous arrête parce que je vais vous poser une dernière question sur ce sujet qui pourra vous sembler un peu bizarre. Je comprends que vous êtes contre ces dispositions du projet de loi C-50. Pensez-vous que tous les députés qui sont contre ces dispositions devraient voter contre? Est-ce assez important pour que le comité rejette ces dispositions?

  (1735)  

[Traduction]

    Monsieur le président, puisque vous avez donné un avertissement à M. Telegdi, pourriez-vous également en donner un à M. St-Cyr?
    Eh bien, essayons de lui faciliter la tâche. Je ne pense pas qu'il soit approprié que je réponde à cette question. Le Barreau n'a pas de position quant à savoir si le gouvernement devrait subsister ou tomber à cause du projet de loi C-50. En ce qui concerne le projet de loi C-50, nous estimons qu'il soulève quelques questions au sujet de la Loi sur l'immigration qui devrait être débattue. C'est aussi simple que ça.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    La remarque de M. Karygiannis est pertinente. J'aimerais que le membre s'en tienne aux questions à l'étude. Le règlement est très clair à ce sujet également.
    Je tiens à être aussi souple que possible, mais si ça dégénère, il faudra que je m'en réfère aux règles et au Règlement de la Chambre et que je rappelle les membres à l'ordre. Il suffirait de coopérer de notre mieux et je suis certain que nous nous entendrons bien.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je pense que ma première question avait suffisamment bien fait la démonstration qu'il y avait un lien entre le projet de loi C-50 et les travailleurs sans papiers. C'est pour cela que j'ai posé cette question, et la réponse de M. Stojicevic a été assez éloquente.
    Je vais quand même revenir au sujet de sa présentation sur les consultants en immigration. Je me trompe peut-être, et c'est ce que je voudrais savoir. Y a-t-il d'autres domaines où quelqu'un qui n'est pas avocat, ou même notaire au Québec, peut donner des conseils juridiques? Est-ce que moi, si je m'y connais dans un dossier quelconque qui n'est pas lié à l'immigration, je peux donner des conseils juridiques à des gens et être rémunéré, sans être avocat?

[Traduction]

    Je me demande si ce n'est pas une question qu'il serait plus approprié de poser à la Law Society qu'à moi. En ce qui concerne la Colombie-Britannique — je peux de toute façon faire des commentaires pour cette province —, et en ce qui concerne d'autres provinces, pour autant que je sache, le pouvoir de réglementer les services juridiques relève de la province. La législation provinciale précise qui peut pratiquer le droit et qui ne peut pas le faire, et ça inclut certainement les conseils juridiques.

[Français]

    En Colombie-Britannique, y a-t-il d'autres domaines que l'immigration où des personnes qui ne sont ni des avocats ni des notaires peuvent donner des avis juridiques?
    Il n'y en a pas.
    Il n'y en a pas. Savez-vous si c'est également vrai au Québec?

[Traduction]

    Je pense que ce n'est pas du tout le cas au Québec. En fait, en ce qui concerne les demandes présentées en vertu des lignes directrices établies par le gouvernement provincial, on considère avant tout qu'il faut être un avocat québécois.
    Allez-y. Vous disposez d'une minute et demie.

[Français]

    Je vous remercie d'être présents aujourd'hui.
    Ma question s'adresse à M. Stojicevic, qui représente le Barreau canadien. Le problème qui a été soulevé concernant les consultants en immigration est-il le même partout au pays ou est-il concentré à certains endroits en particulier?

[Traduction]

    C'est une excellente question. Étant donné que l'immigration au Canada a évolué, ce dossier a évolué aussi. C'est dans les centres urbains que le nombre de problèmes de ce type est le plus élevé. Il y a deux ans, l'Alberta a accueilli 20 000 immigrants. La dernière fois que cette province en avait accueilli autant, c'était vers 1907. Dans des marchés semblables, les consultants en immigration non agréés ont beau jeu. Le problème se répète à travers le pays. Alors qu'il s'agissait d'un problème confiné à Vancouver, Toronto ou Montréal, il se pose maintenant à l'échelle nationale.

[Français]

     Est-ce le rôle du barreau de chaque province de voir à l'application ou au contrôle de cette loi et de la réglementation des services juridiques par des avocats, que ce soit en immigration ou dans d'autres domaines?

  (1740)  

[Traduction]

    La difficulté que pose votre question est que l'Association du Barreau fait des recommandations au nom de ses membres — c'est un organisme bénévole — et pour la bonne administration de la justice. Notre mandat n'inclut pas la surveillance des avocats. C'est le mandat du barreau de chaque province.
    Cependant, le problème en ce qui concerne les consultants en immigration non agréés est... De notre côté, ce qui nous préoccupe en ce qui concerne la Société canadienne des consultants en immigration, ce n'est pas qu'elle n'ait pas le mandat nécessaire, mais plutôt qu'il semblerait que le financement fédéral ne soit pas suffisant pour lui permettre d'exercer son rôle disciplinaire envers ses propres membres.
    Il y a des consultants en immigration non agréés à l'étranger et au Canada. Pour ceux qui sont établis au Canada, il est essentiel que les intervenants en immigration, y compris le ministère, l'Agence des services frontaliers du Canada et d'autres organismes mettent davantage l'accent sur l'application des règlements et que la GRC fasse davantage d'enquêtes pour les traduire devant la justice lorsqu'ils exercent sans y être dûment autorisés.
    Il reste environ cinq minutes...
    Non, sept.
    Je pense que nous devrions vous accorder sept minutes également. Vous avez la parole, monsieur.
    J'ai deux petites questions à poser.
    Celle-ci s'adresse à Mme Wiseman et fait suite à la question de mon collègue du Bloc. En ce qui concerne les intervenants qui n'ont pas le statut d'avocat et qui pratiquent le droit moyennant une rémunération, comment procède-t-on en Colombie-Britannique? Quelles pénalités leur impose-t-on?
    La réponse est en fait très longue.
    Certaines personnes qui dispensent légalement des services juridiques en Colombie-Britannique ne sont pas des avocats. Le groupe le plus frappant est celui des notaires publics, à ne pas confondre avec les notaires au Québec.
    Il y a toutefois des intervenants qui fournissent des services illégalement. Comment les traitez-vous? Quelles sont les pénalités? Tenez-vous-en à cette catégorie-là.
    La Legal Profession Act précise que la Law Society peut intenter des poursuites en Cour suprême, ce qu'elle fait régulièrement, et obtenir des injonctions contre les intervenants non autorisés.
    La procédure est-elle entamée par la Law Society comme telle? Par exemple, la SCCI serait-elle dans une position analogue vis-à-vis de la Law Society?
    Oui, c'est généralement ainsi qu'on procède en Colombie-Britannique. On a parfois recours à une procédure criminelle.
    Il y a une deuxième question que je voudrais aborder. À la Law Society, les avocats font de l'autoréglementation. Ils s'assurent d'un certain niveau de compétence. Ils ont des normes professionnelles; des mesures disciplinaires sont prévues pour ceux qui en ont besoin et il y a une certaine éthique. Pensez-vous comme moi que la SCCI assume des fonctions semblables, ou qu'elle devrait le faire, pour que le public soit protégé par rapport à ces trois mécanismes?
    Je pense que c'était un objectif semblable qu'on avait en créant la SCCI.
    Ce que je voudrais signaler, c'est que si ce sont les avocats qui s'autoréglementent dans la Law Society, celle-ci a également ce qu'on appelle des profanes dans son conseil d'administration. Ce sont des directeurs qui ne sont pas avocats et qui assurent également un certain contrôle public sur le programme.
    En guise de clarification, réclamez-vous des mécanismes de répression plus stricts à l'égard des intervenants non pratiquants ou non inscrits à la SCCI que dans le contexte de la Law Society?
    Non. Je pense que nous réclamons des procédures semblables, quoique j'estime que certains des cas dont j'ai connaissance en ce qui concerne des consultants en immigration non agréés relèvent en fait de la fraude et plus d'une procédure au civil.

  (1745)  

    Je voudrais réserver quelques questions à M. Stojicevic.
    Vous avez examiné les dispositions du projet de loi C-50 relatives à l'immigration et avez fait allusion au fait que le ministre fait appel à son pouvoir discrétionnaire...
    Il n'a jamais été du genre à respecter ses propres rappels au Règlement.
    Je trouve intéressant que toutes les autres personnes ici présentes puissent faire des commentaires à ce sujet, sauf moi.
    C'est vous qui avez fait le rappel au Règlement.
    Personne n'y a toutefois fait attention, y compris le témoin, et je pense avoir le droit de poser des questions aux témoins...
    J'ai été plutôt indulgent avec M. St-Cyr; par conséquent, je vous accorderai le même traitement, monsieur Komarnicki.
    N'y a-t-il pas une différence entre l'exercice du pouvoir discrétionnaire... Le projet de loi C-17 est le projet de loi à l'étude et vous avez fait des commentaires à ce sujet.
    Oui, parfaitement.
    C'est une chose que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire au cas par cas, mais c'est différent de donner des instructions. Êtes-vous d'accord?
    Absolument, à 100 p. 100.
    Les instructions sont fondées sur des considérations politiques générales que le gouvernement au pouvoir communique au ministre. Êtes-vous d'accord?
    Absolument, à 100 p. 100.
    Et le gouvernement reste au pouvoir ou tombe en fonction de ces considérations politiques générales. Êtes-vous d'accord?
    Toujours à 100 p. 100.
    Le projet de loi C-17 et tout autre projet de loi contenant des dispositions concernant des instructions doivent être conformes à la Charte, n'est-ce pas?
    C'est absolument indéniable.
    Par conséquent, le gouvernement peut procéder de cette façon s'il le décide.
    C'est bien cela. Cependant...
    Laissez-moi terminer.
    Vous avez également signalé un autre problème, à savoir que nous avons actuellement un système inefficace car, comme vous l'avez fait remarquer, il y a 800 000 dossiers en retard. Êtes-vous d'accord?
    Il y en a 900 000, d'après la ministre.
    Monsieur Stojicevic, je suis obligé d'écouter un rappel au Règlement.
    M. Karygiannis veut faire un rappel au Règlement.
    Monsieur le président, je pense que M. Komarnicki devrait suivre l'exemple qu'il préconise dans sa façon de faire des commentaires sur le projet de loi C-50. Bien qu'il ne mentionne pas spécifiquement ce projet de loi, ses questions tournent beaucoup autour de lui.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement. Le rappel au Règlement de M. Komarnicki concernant la même question n'avait pas été accepté.
    J'ai toutefois signalé aux membres que nous voulions qu'ils limitent leurs observations aux trois sujets à l'étude. Cela dit, j'ai laissé une certaine latitude à M. St-Cyr et à M. Telegdi, et je laisserai la même latitude à M. Komarnicki. Nous appliquerons les règles de façon rigoureuse à partir de demain.
    J'accepte la décision du président.
    Vous avez la parole pour faire un rappel au Règlement, monsieur Telegdi.
    Le secrétaire parlementaire se rendra peut-être compte que c'est frustrant d'entendre crier « rappel au Règlement » quand on est visé.
    Le commentaire que je voudrais faire, monsieur le président, est que nous sommes en voyage. Le projet de loi C-50 entre beaucoup en jeu, et ça ne me pose absolument aucun problème que le secrétaire parlementaire obtienne des réponses sur ce projet de loi, car nous n'aurons pas nécessairement ces témoins à notre disposition quand nous l'examinerons. Par conséquent, monsieur le président, il n'y a absolument aucun mal à ce qu'on touche à la question du projet de loi C-50. Je pense que le secrétaire parlementaire a abordé le sujet; laissons-le continuer.
    Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.
    Non, et je respecte cette décision.
    Il vous reste une minute et quelques secondes.
    J'accepte votre décision. Il y aura un jour et un endroit appropriés pour en discuter.
    Pour en revenir au projet de loi C-17 — celui qui est à l'étude et auquel devraient se limiter les discussions —, il est tout à fait approprié.
    Oui, tout à fait.
    Il est inapproprié de procéder autrement, et ce comité a été autorisé à le faire. Je ne suis pas d'accord mais je pense qu'en toute équité, il faut en tenir compte.
    Vous avez indiqué qu'il était essentiel d'établir des directives fermes plutôt que d'utiliser le projet de loi C-17 et les instructions qui y sont prévues. Que voulez-vous dire en affirmant que des directives fermes permettraient d'obtenir les mêmes résultats? Nous nous intéressons au problème de la vulnérabilité des travailleurs; vous prétendez que nous pourrions régler la question de leur protection parce que ça ne se limite pas à une catégorie précise de personnes. Qu'entendez-vous par des directives fermes et à quoi pourraient-elles ressembler?
    Ma position — et je suis d'accord avec tous vos commentaires —, c'est que le Barreau se demande pourquoi le ministre a besoin de ces pouvoirs. Nous ne contestons aucun de vos commentaires. En fin de compte, si les instructions ministérielles sont adoptées, elles devront être conformes à la Charte et à tous les autres critères.
    Le temps dont je dispose encore est limité, et la question que je vous ai posée concerne ce que vous voulez dire lorsque vous affirmez que des directives fermes permettraient d'atteindre le même objectif que le projet de loi C-17. C'est à cela que vous avez fait référence.
    Si vous me permettez de répondre à sa remarque...
    Vous pouvez le faire, car nous avons empiété beaucoup sur le temps dont disposait M. Komarnicki.
    La ministre a le pouvoir de donner à son personnel toutes les instructions qu'elle veut concernant le mandat opérationnel du gouvernement. Ont-elles autant de vigueur que n'en auront ces éventuelles instructions ministérielles qui ne sont soumises à aucun contrôle judiciaire, si ce n'est qu'elles devront être conformes à la Charte? Non, mais c'est ainsi que le système fonctionne depuis un quart de siècle; c'est ainsi que nous pourrions atteindre presque tous ses objectifs.
    Veuillez répondre à la question que je vous ai posée en ce qui concerne le projet de loi C-17. Quelles sont ces directives vigoureuses qui, d'après vous, permettraient d'atteindre les mêmes objectifs? De quoi s'agit-il? Voilà ma question.
    Si l'objectif de la ministre était par exemple, comme elle l'a indiqué en ce qui concerne le projet de loi C-17, d'établir des paramètres pour éviter qu'on ne délivre des permis de travail à certaines personnes vulnérables, elle peut actuellement faire circuler une note de service sur les opérations. Elle peut demander à son personnel de signaler aux personnes qui sont sur le terrain de faire très attention à ces questions, et cela aura une incidence sur le nombre de visas délivrés.
    Ma question est la suivante: à quoi pourraient ressembler les directives?
    Je m'excuse, mais je dois mettre fin à la discussion.
    Je vous remercie d'être venus. J'espère que les membres du comité comprennent maintenant pourquoi nous devons veiller à ce que les discussions portent essentiellement sur les trois sujets à l'étude.
    Merci beaucoup pour votre coopération.
    Notre prochaine réunion aura lieu demain. La séance est levée.