La Chambre reprend l'étude, interrompue le 2 mai, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la troisième fois et adopté, et de l'amendement.
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Monsieur le Président, je suis très heureux de discuter du projet de loi et de l'amendement proposé, et j'offre mon appui au projet de loi, mais pas à l'amendement.
Cette distinction au sujet de l'amendement est importante dans le cadre de ce débat parce que tout se rapporte au projet de loi, et je ferai donc des remarques de portée plutôt générale.
Il est intéressant de voir les réactions de certains chefs de parti à la Chambre depuis que ce projet de loi a été débattu à l'étape de la première lecture et à celle de l'étude au comité.
À un moment donné, tous les partis semblaient être en faveur d'augmenter la production de biocarburants pour plusieurs raisons: premièrement, accroître les possibilités économiques dans les régions rurales du Canada, deuxièmement, offrir des cultures de remplacement et des bénéfices accrus aux agriculteurs et, troisièmement, apporter une solution de rechange aux combustibles fossiles, ce qui signifierait une réduction des conséquences des gaz à effet de serre pour la société canadienne. Cela à un moment où l'environnement est devenu un enjeu énorme.
En dépit de cela, en raison des circonstances changeantes dans l'approvisionnement alimentaire mondial et de quelques autres questions, certaines personnes réagissent de manière tout à fait impulsive et prétendent que l'éthanol est pratiquement le seul responsable de la pénurie mondiale de denrées alimentaires. Par conséquent, certains partis changent de position.
Je veux dire ce qui suit aux députés. Le fait d'adopter ou de rejeter le projet de loi n'aura pas d'effets importants sur l'approvisionnement alimentaire mondial. Nous devons faire preuve de réalisme. Pour ce qui est de la production d'éthanol au Canada, dont il est question dans le projet de loi, entrerons-nous dans l'ère moderne ou accuserons-nous un retard sur le reste du monde? Il est temps d'embarquer.
Je peux dire aux députés que si nous rejetons ce projet de loi, nous enverrons un message très négatif aux investisseurs qui ont cru les promesses de tous les partis. Ils ont investi dans des usines qui sont en d'être construites et dans les agriculteurs qui produiront les récoltes nécessaires sur la foi des discussions initiales au comité où presque tous les partis avaient déclaré leur appui au projet de loi .
Si ce projet de loi est rejeté, quelqu'un devra assumer la responsabilité de cette perte de possibilités d'investissements et d'investissements pour les personnes qui ont cru les divers représentants des partis quand ils ont affirmé que le projet de loi serait adopté par le Parlement. Ces personnes nous ont cru lorsque nous avons dit que nous mettrions en place des règlements afin d'augmenter la teneur des combustibles en éthanol et en biodiesel.
Autrement dit, des investissements ont été faits dans les exploitations agricoles en ce qui a trait à la production de cultures de remplacement et dans les usines afin d'en augmenter la capacité pour transformer les matières premières actuelles, ainsi que les matières premières futures, plus cellulosiques, en éthanol.
Si nous rejetons ce projet de loi, nous détruirons une possibilité économique pour de nombreux Canadiens et investisseurs étrangers et nous détruirons certainement une possibilité économique pour un grand nombre d'agriculteurs canadiens.
Certaines personnes affirment que nous utiliserons du blé de bonne qualité et d'autres cultures pour produire des combustibles. Ce n'est pas nécessairement le cas. Cela sera parfois vrai, mais pas toujours.
Il y a parfois du gel. Il y en a toujours quelque part. Parfois, il y a trop de pluie et la qualité du grain baisse. Parfois c'est une sécheresse qui se répercute sur la qualité. Parfois, il y a des excédents.
Ce sont ces céréales, soit le blé moins panifiable ou le maïs de moins bonne qualité, qui servent à produire des biocarburants. Certaines autres cultures de moindre qualité servent également à cela.
J'invite tout particulièrement le chef du NPD, qui semble s'opposer systématiquement à l'éthanol à l'heure actuelle, même s'il en était question dans son programme durant la dernière campagne électorale, à ne surtout pas détruire les espoirs des agriculteurs. Je lui demande de donner des perspectives économiques aux régions rurales du Canada. Je lui demande de ne pas faire obstacle à cet investissement qui crée des possibilités économiques pour la collectivité agricole.
L'objectif de 5 p. 100 n'exigera pas une production agricole très forte, mais il aura une très forte incidence sur les prix consentis aux producteurs primaires. En matière de production agricole, lorsqu'il y a un excédent de 2 p. 100 ou de 3 p. 100, surtout dans l'industrie de la pomme de terre, ce n'est pas seulement cet excédent qui doit être écoulé à vil prix : le prix de la récolte toute entière subit une dégringolade. Cette mesure favorisera le développement économique et les perspectives économiques de la collectivité agricole en général.
L'Association canadienne des carburants renouvelables a fourni de l'information sur la question, et je la citerai un peu plus tard. Je me bornerai à dire pour l'instant que le fait d'établir la production dès maintenant à partir des matières premières disponibles aujourd'hui aura pour effet de favoriser la recherche et le développement visant de nouvelles matières premières moins importantes pour l'alimentation. C'est vers cela que nous devons nous diriger.
Nous ne pouvons brûler les étapes. Les efforts de recherche et développement ne permettent pas encore de passer à l'étape de l'éthanol cellulosique. Nous devons faire la transition en passant par les matières premières dont nous disposons actuellement.
L'objectif a été quantifié et le débat auquel nous participons est fort intéressant. Cependant, certains voudraient attribuer les pénuries alimentaires à l'échelle du monde à la production d'éthanol. Pourtant, rien n'est moins vrai. Il est certain que cette production a des répercussions, mais elles sont minimes. La vraie cause des pénuries, à mon avis, c'est la spéculation sur les marchés des produits de base, qui n'a rien à voir avec les coûts ou avec les crises réelles qui existent.
De plus, les échanges commerciaux ont certainement une incidence sur la pénurie alimentaire. L'aliment dont on manque le plus en ce moment est le riz. Or, le riz n'entre pas dans la production d'éthanol. Cependant, certains pays qui dépendent des importations de riz en voient d'autres geler leurs exportations. Il y a de la spéculation, certains se constituent des réserves et d'autres choses du genre se produisent.
Voilà la véritable raison pour laquelle il existe un problème dans l'approvisionnement alimentaire mondial. Le problème tient davantage à l'exploitation, à la manipulation et la spéculation sur les marchés qu'à la production d'éthanol en soi.
J'ai entre les mains un excellent document, à mon avis, qui lance un débat intéressant. Il s'agit d'un mémoire que l'Oakland Institute a publié en avril, je crois, même s'il n'est pas daté. On peut y lire ce qui suit:
En fait, ce sont les négociants et les intermédiaires qui en profiteront le plus. La spéculation visant les denrées de base fait monter les prix, tant les transactions à terme à l'échelle mondiale que les interventions des négociants et de ceux qui se constituent des réserves en Afrique de l'Ouest, en Thaïlande et aux Philippines.
L'institut ajoute:
Les paiements versés par la Commission canadienne du blé montrent ...
Et nous savons que la Commission canadienne du blé maximise les revenus des producteurs primaires.
...que les agriculteurs ont touché de 260 $ à 284 $ la tonne pour différentes qualités de blé non dur, alors que le cours mondial du blé a atteint un sommet de plus de 520 $ la tonne. En Inde, les agriculteurs ont touché 850 roupies [leur devise] le quintal alors qu'on importait du blé pour 1 650 roupies le quintal.
On peut donc voir que les prix sur le terrain sont un facteur, mais que ce sont vraiment la spéculation et les intermédiaires qui sont à la base de l'actuelle flambée des prix. Les revenus des agriculteurs sont loin de refléter les prix que l'on voit sur les marchés.
Le document de l'Oakland Institute continue dans le même sens. Je n'approuve pas nécessairement tout ce qu'on y dit, mais je pense que le document contient des points intéressants. Il y est dit notamment que:
Diverses causes de la crise actuelle du prix des aliments sont évoquées par les décideurs et les médias, notamment la demande accrue en Chine, en Inde et dans d'autres économies émergentes, dont la croissance par habitant a aiguisé les appétits, de même que l'augmentation souvent notée du coût du carburant et des engrais, les changements climatiques et l'impact de la production de biocarburants. Ce qui fait défaut dans ce discours, c'est l'analyse de l'échec du marché libre, qui a rendu les pays vulnérables. Le plus étrange, c'est que le marché libre est proposé comme panacée à la crise actuelle.
L'Oakland Institute affirme que la crise alimentaire a de nombreuses causes qui ne se limitent certainement pas à la production d'éthanol et de biodiesel, comme certains le prétendent.
Je vais maintenant citer une observation qui est tout à fait pertinente. Larry Hill, l'actuel président de la Commission canadienne du blé, a écrit ce qui suit dans un article:
Le prix des denrées de base a considérablement augmenté au cours des deux dernières années. De nombreux facteurs ont contribué à ces augmentations. Les problèmes liés à l'offre ont été les plus importants [...] Les problèmes de production ont touché les cinq principales régions productrices de blé au cours des deux dernières années.
Les problèmes mentionnés vont de la sécheresse en Australie aux fortes pluies au moment des récoltes en Europe, aux mauvaises conditions pour la culture du blé d'hiver au Kansas, au gel en Argentine et aux dommages causés par la chaleur dans l'Ouest canadien.
Il continue:
En ce qui concerne la demande, la population mondiale continue de croître. Dans certains des pays les plus peuplés, l'amélioration des conditions de vie a engendré une demande accrue pour les régimes à base de blé et pour le bétail nourri de grain.
Il dit également que:
Jusqu'à cette année, le prix des céréales en dollars réels était tellement bas qu'il correspondait à ce que les agriculteurs recevaient pendant les années trente. Il n'est donc pas surprenant qu'un grand nombre d'agriculteurs aient remis en question leur avenir dans le domaine de l'agriculture. Certains ont abandonné, d'autres ont tenté de se diversifier et de se recycler dans d'autres types d'entreprises, alors que d'autres ont été obligés de subventionner leurs fermes grâce à un ou même deux emplois à l'extérieur.
En fait, le prix du blé contenu dans un pain de 16 onces est d’environ 16 ¢ en termes réels. Cela ne fait pas beaucoup, compte tenu du fait que ce pain se vend aujourd’hui aux alentours de 2 $.
Bref, la part de l’agriculteur n’est vraiment pas supérieure à ce qu’elle devrait être. En écoutant les propos de M. Hill, nous devons reconnaître — comme la Chambre le fait, j’en suis sûr — toutes les difficultés que les producteurs ont affrontées ces huit dernières années au Canada tandis que le revenu agricole était à son niveau le plus bas.
L’industrie de l’éthanol et du biodiésel est très attrayante pour beaucoup de gens car elle crée des perspectives économiques.
Oui, nous savons que les fluctuations des prix exercent des pressions sur les secteurs de l’élevage et du porc, mais nous devons trouver un moyen de rendre ces produits agricoles complémentaires. Nous ne pouvons pas permettre qu’une industrie, comme celle du porc ou du bœuf, se fonde sur des céréales fourragères à bon marché, car les producteurs de ces céréales doivent aussi survivre. Nous devons avoir des politiques complémentaires pour que les agriculteurs puissent tirer leur subsistance de la terre indépendamment de ce qu’ils produisent.
Pour revenir au projet de loi, j’estime que la protection demandée dans l’amendement existe déjà dans la mesure elle-même. Le projet de loi permet au gouvernement de réglementer le contenu renouvelable des combustibles. Il permet au gouvernement fédéral d’imposer par règlement un contenu renouvelable moyen de 5 p. 100 dans l’essence d’ici 2010.
Le gouvernement aura également la possibilité d’imposer un contenu renouvelable moyen de 2 p. 100 dans le combustible diesel et le mazout de chauffage d’ici 2012, pourvu qu’il soit démontré de façon concluante qu’on peut utiliser du combustible diesel à contenu renouvelable tiré de denrées agricoles ou d’autres matières organiques dans toute la gamme des conditions environnementales du Canada.
Le projet de loi autorise le gouvernement à prendre des règlements. J’espère que le gouvernement se montrera raisonnable à cet égard. Il le sera peut-être dans ce domaine particulier, mais nous ne pouvons pas en dire autant pour tous les domaines.
Le nouveau paragraphe 2(8) ajoute une disposition prévoyant des examens périodiques complets, par un comité parlementaire, des aspects environnementaux et économiques de la production de biocarburants au Canada. Cela est important. C’est le comité qui a ajouté cette disposition. Le Parlement ne sera pas immobilisé. Cette disposition est raisonnable.
L’amendement dont nous parlons ne l’est cependant pas. Il tend essentiellement à entraver la proposition relative à l’éthanol et au biodiésel.
L’examen périodique nous permet de suivre la situation, de déterminer les effets environnementaux et économiques de la production de biocarburants et de le faire d’une façon raisonnable. Cela est extrêmement important.
Je pense que l’amendement demandé par les députés est déjà couvert par le travail du comité.
J’engage le Parlement à adopter ce projet de loi. Des investissements sont déjà en train de se faire. Les producteurs primaires envisagent l’avenir dans le cadre du régime agricole actuel, mais ils espèrent que le gouvernement s’occupera des travaux nécessaires de recherche et de développement.
Je sais que de tels travaux se font chez nos voisins du Sud et qu’ils portent sur des produits tels que le blé, l’orge, la paille, les tiges et les épis de maïs qu’on peut trouver en Ontario et au Québec ainsi que les résidus de fruits et de légumes venant de partout au Canada. Nous avons déjà dans l’Île-du-Prince-Édouard une toute petite exploitation produisant du biodiésel à partir de canola pressé à froid.
Il est également possible d’envisager l’utilisation de déchets forestiers, de déchets de bois et de déchets urbains solides. D’autres possibilités existeront à l’avenir, mais il faut prendre le départ. C’est à cette fin que je demande au Parlement d’appuyer ce projet de loi pour qu’il soit possible de saisir cette occasion économique.
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Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de prendre la parole aujourd'hui à propos du projet de loi .
Précisons immédiatement que le projet de loi gouvernemental, qui ne comporte en lui-même aucune norme, vise plutôt à autoriser le gouvernement à prendre un certain nombre de règlements pour encadrer la production de biocarburants du Canada. En d'autres mots, le projet de loi permettra au gouvernement fédéral de réglementer le contenu en combustibles renouvelables des carburants, de manière, par exemple, à exiger qu'un pourcentage de biocarburants soient intégrés à l'essence.
Pour mieux comprendre l'évolution des choses dans le dossier législatif des biocarburants, commençons par rappeler que les mesures proposées, à quelques détails près, étaient contenues dans le projet de loi de la session précédente. On se souviendra que ce projet de loi, dit projet de loi sur la qualité de l'air, a été modifié par les partis de l'opposition en comité et que les mesures sur les biocarburants apparaissaient toujours dans la version amendée du projet de loi.
Ici, il est bon de rappeler que le gouvernement a déjà annoncé que, dès que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999 aura été modifiée conformément au projet de loi, il pourra mettre en oeuvre un règlement qui exigera que l'essence contienne en moyenne 5 p. 100 de combustibles renouvelables d'ici à 2010. Des règlements subséquents exigeront un contenu de combustibles renouvelables d'en moyenne 2 p. 100 dans le diesel et le mazout d'ici à 2012, soit après que l'initiative de démonstration de l'utilisation du carburant diesel renouvelable dans l'ensemble des conditions canadiennes aura été couronnée de succès.
Je rappelle que, dès le départ, le Bloc québécois s'est soucié des conséquences environnementales et sociales du recours à l'éthanol de maïs. Il a donc présenté au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire des amendements qui visaient spécifiquement à mieux encadrer la réglementation entourant les biocarburants. Par exemple, ces amendements auraient permis au comité, d'une part, d'être tenu informé des avancées technologiques qui surviennent dans le domaine des carburants renouvelables, mais aussi d'évaluer la pertinence et la prudence des mesures proposées par le gouvernement.
Il est bien évident que les carburants renouvelables représentent un des éléments de la lutte contre les gaz à effet de serre, et non le seul. De plus, ils peuvent participer à la diminution de la dépendance au pétrole. Il faut dire que les carburants renouvelables dans l'ensemble ne sont pas tous égaux. Il s'agit d'un point très important. Une étude des règlements du gouvernement fédéral par le comité aurait pu pousser plus loin la réflexion sur les biocarburants, leurs sources et leurs conséquences potentielles. Malheureusement, les amendements proposés par le Bloc québécois ont été rejetés en bloc par les libéraux et les conservateurs.
Devant ses interrogations, le Bloc québécois a ensuite déposé, au Comité permanent de l'environnement et du développement durable, une motion qui demandait:
Que le comité recommande au gouvernement de s'assurer que la mise en œuvre de la réglementation découlant de l'éventuelle adoption du projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), ne doit pas avoir pour effet d'augmenter la proportion de la production canadienne de maïs qui est actuellement consacrée à la production d'éthanol.
L'adoption de cette motion aurait permis de maintenir la proportion actuelle des terres ensemencées de maïs pouvant servir à la production d'éthanol. Par exemple, si à l'heure actuelle 15 p. 100 de la production canadienne de maïs est destinée à la production d'éthanol, la motion aurait eu pour effet d'assurer que 15 p. 100 de cette production continue d'être utilisée pour produire de l'éthanol.
Malheureusement, en rejetant cette motion, les conservateurs ont envoyé un message clair: ils n'ont nullement l'intention de développer l'industrie des biocarburants de façon équilibrée. Ainsi, la réglementation qui découlera du projet de loi risque, et je tiens à le spécifier, de donner lieu à des excès.
Pourtant, nous sommes favorables aux carburants renouvelables, mais ce projet de loi, qui vise à permettre au gouvernement fédéral de réglementer la teneur de biocombustible pour l'essence, le diesel et le mazout, doit être absolument appliqué, à notre avis, dans une perspective de développement durable.
Le gouvernement fédéral ne peut, d'une part, chercher à avoir un impact qui réduit à la fois les émissions de gaz à effet de serre et notre dépendance au pétrole et, d'autre part, provoquer des conséquences sociales et environnementales en augmentant la proportion de la production de maïs actuellement consacrée à la production d'éthanol. S'il se prête à cette pratique contradictoire, il risque d'éliminer complètement les bénéfices qu'il cherche à obtenir avec son projet de loi. Le Bloc québécois ne peut cautionner une telle pratique.
C'est pourquoi, entre autres raisons, nous sommes favorables à l'amendement que nous débattons aujourd'hui, qui demande que soit retourné en comité le projet de loi , pour qu'il soit étudié davantage et mis dans le contexte des plus récents dénouements de l'actualité scientifique, environnementale, agricole et internationale.
Pour nous, en matière de biocarburant pouvant se substituer au pétrole, l'avenue la plus intéressante, à l'heure actuelle, est celle de la production d'éthanol à partir de la cellulose. Cette technique, encore expérimentale, permettrait d'utiliser une matière première peu coûteuse, mais, surtout, réhabiliterait les résidus végétaux actuellement perdus. Elle offrirait par là-même de nouveaux débouchés pour les industries forestière et agricole.
Face aux problèmes environnementaux et économiques posés par la production de l'éthanol issu de certaines cultures, l'idée de trouver une matière première dont la production soit moins exigeante gagne du terrain.
De plus en plus, les recherches sont axées sur la production d'éthanol à partir de cultures non alimentaires ou de matières riches en cellulose, c'est-à-dire des fibres. La mise au point d'un processus efficient de transformation de la cellulose en éthanol pourrait vraiment favoriser l'utilisation de matières premières telles que les résidus agricoles et la paille, ainsi que les résidus forestiers, notamment les copeaux de bois, de même que d'arbres et de graminées à croissance rapide.
La compagnie Iogen a d'ailleurs construit une usine pilote et produit de l'éthanol à partir de matériaux cellulosiques depuis quelques années.
Une usine pilote en Suède produit quant à elle de l'éthanol à base de copeaux de bois. Le procédé génère trois coproduits qui peuvent être soit brûlés directement, soit séchés et vendus pour servir de carburant, de gaz carbonique et d'éthanol.
La Fédération des producteurs de bovins du Québec demandait au gouvernement un appui pour une étude de marché lui permettant de savoir s'il est possible de construire une usine de biodiesel. Il y aurait un marché très intéressant à développer à ce niveau où les huiles animales et les résidus des produits animaux pourraient éventuellement servir de biocarburant.
Bref, l'éthanol fabriqué à partir de matières cellulosiques, tels que les déchets agricoles et forestiers, et d'autres types de carburants encore à une étape expérimentale, représentent, à notre avis, des avenues très intéressantes.
À cela s'ajoute le fait que le gouvernement du Québec a annoncé clairement son intention de ne pas favoriser davantage l'éthanol-maïs en raison « des impacts environnementaux liés à la culture intensive du maïs ». Ainsi, l'usine de transformation de Varennes sera vraisemblablement la seule de ce type sur le territoire québécois. D'ailleurs, lors de ma visite des installations de l'usine de Varennes il y a plus de six mois de cela, le directeur général, un dirigeant particulièrement visionnaire, m'expliquait que le développement futur de son usine passait par l'éthanol de deuxième génération avec l'emploi de déchets domestiques.
Ainsi, le Bloc québécois souhaite que la mise en place de la réglementation soit précédée d'une réflexion approfondie quant au bilan environnemental des carburants de rechange qui seront proposés par le gouvernement fédéral. En effet, ne l'oublions pas, le programme initial auquel tente de répondre ce projet de loi est celui de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et de réduire notre dépendance au pétrole.
Si le gouvernement conservateur voulait vraiment avoir un impact positif à ce niveau, il emprunterait la voie proposée par le Bloc québécois, entre autres avec son plan de réduction de la dépendance au pétrole, et ne ramerait pas à contre-courant en torpillant les efforts du Québec par l'immobilisme dont il a fait montre dans la lutte contre les gaz à effet de serre.
Il pourrait aussi, comme le demande le Bloc québécois, imposer aux constructeurs automobiles une réduction substantielle de la consommation de carburant de la flotte de véhicules routiers vendus au Québec et au Canada, à l'image de la réduction proposée par la Californie et à laquelle souscrivent déjà 19 autres États américains, en plus du Québec.
L'on connaît toutefois la position du gouvernement conservateur à ce sujet: il a préféré citer non pas la norme soutenue par ceux qui font preuve de leadership en matière de lutte contre les gaz à effet de serre, mais celle de l'administration Bush, beaucoup moins exigeante et qui semble conçue expressément pour épargner les constructeurs automobiles américains.
Pourtant, si le bilan environnemental d'un type de carburant de rechange ne fait pas l'unanimité, il est certainement responsable d'avoir des réserves à son égard. Ainsi, la Fédération des producteurs de bovins du Québec écrivait en mai dernier, dans une lettre, à propos du projet de loi :
La fédération est en accord avec l'objectif du projet de loi. Toutefois, un tel objectif ne peut être atteint que si certaines conditions sont respectées. D'une part, la filière ne pourra pas se développer solidement sans un accompagnement adéquat du gouvernement, tant sur le plan des ressources humaines que financières. D'autre part, il faut s'assurer que le cycle de vie des carburants renouvelables utilisés démontre un véritable gain environnemental et énergétique par rapport aux produits pétroliers.
Si, en plus, il ajoute possiblement de la pression sur des problèmes sociaux et environnementaux troublants, les élus doivent prendre la décision responsable qui convient et refuser de s'engager davantage dans cette direction, et tenter de proposer des solutions alternatives.
C'est exactement ce que fait le Bloc québécois. Si nous avons appuyé le principe du projet de loi initialement, nous avons soumis d'importants amendements qui visaient justement, entre autres, à éclairer le bilan environnemental et à assurer l'encadrement des possibles effets négatifs d'un type de carburant de remplacement plutôt que d'un autre. Je rappelle que ces amendements et motions ont été défaits dans deux comités distincts par le gouvernement conservateur, avec la collaboration du Parti libéral. Ce point est au cœur de notre position.
Lorsque le gouvernement engage plus de 2 milliards de dollars des contribuables du Québec et du Canada dans un projet de cette ampleur, il est important de s'assurer que les objectifs visés par ce projet atteignent assurément toutes leurs cibles et que les effets négatifs à moyen et long termes sont mesurés et raisonnables.
En terminant, je souligne que ce projet de loi est complexe. Comme députée, j'ai eu plusieurs appels et lettres de producteurs qui nous incitaient — mes collègues députés et moi — à voter pour le projet, tandis que d'autres citoyens nous suppliaient de voter contre ce dernier. Ce projet m'a beaucoup sollicitée sur les plans éthique, personnel et même émotionnel, puisque je suis députée d'une circonscription agricole. Je connais bien la situation que vivent de nombreux agriculteurs qui tentent de joindre les deux bouts, luttent pour développer de nouveaux marchés, cherchent à améliorer leur sort et veulent continuer de faire leur part, eux aussi, pour protéger l'environnement.
Je peux donc affirmer qu'après discussion, la très grande majorité des personnes à qui j'ai parlé comprennent notre position et admettent qu'elle est équilibrée, raisonnable et responsable, qu'il est important de faire les bons choix tout en atteignant le mieux possible, dans le contexte actuel, les objectifs que l'on s'était fixés. Cela m'amène à conclure en disant dire qu'il est important de poursuivre le développement de la filière de l'éthanol à partir de sources diversifiées. En ce sens, la motion du Bloc québécois, qui a été rejetée par les conservateurs et au sujet de laquelle les libéraux se sont abstenus, était un pas dans la bonne direction. Dans ce contexte, il est important de prendre des décisions éclairées qui tiennent compte de différents paramètres et qui répondent aux objectifs environnementaux, sociaux et économiques.
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Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole au sujet du projet de loi .
Certains pensent qu'on retarde sans raison le projet de loi et qu'il faudrait l'adopter rapidement. Ce n'est pas le cas.
Nous débattons une motion présentée par mon collègue de , qui tend à renvoyer la mesure au Comité de l'agriculture pour veiller à ce que la mise en oeuvre de ces règlements n'ait d'incidence négative ni sur l'environnement, ni sur le marché des produits de base. Autrement dit, notre position est que nous devrions bien faire les choses si nous nous lançons dans cette direction.
Nous savons qu'il y a une réaction en chaîne à l'échelle planétaire. Par exemple, si on cesse d'exploiter des terres à des fins alimentaires aux États-Unis, la culture de soya diminuera pour faire place au maïs, ce qui augmentera la production de soya au Brésil, par exemple, ce qui obligera les grands éleveurs à quitter leurs terres et à déboiser des espaces de forêt tropicale afin de créer de nouveaux pâturages. L'incidence nette sur l'environnement est donc très négative.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l’augmentation de la demande d’éthanol produit à partir du maïs est la principale cause de la diminution des stocks mondiaux de grains au cours de la première moitié de 2006. Au Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada estime que, pour atteindre l’objectif d’une teneur de 5 p. 100 d’ici 2010, il faudra 4,6 millions de tonnes de maïs, 2,3 millions de tonnes de blé et 0,56 million de tonnes de canola.
Tout ce grain sera produit au Canada, et ces volumes correspondent en gros à quelque 48 à 52 p. 100 des superficies consacrées au maïs, à 11 ou 12 p. 100 des emblavures de blé et à environ 8 p. 100 des champs consacrés à la culture du canola. En soi, ce n’est pas alarmant. Il existe cependant un danger: si les besoins en productions énergétiques progressent à cause de la demande de biocarburants, il est possible que davantage de terres agricoles soient consacrées à l’énergie plutôt qu’à la production vivrière.
Nous avons déjà constaté que les réserves alimentaires dans le monde diminuent et observé une hausse du prix des aliments. J’estime donc que ce genre de production n’est pas dans notre intérêt supérieur.
Il ne s’agit pas de compliquer la vie aux agriculteurs. Nous demandons que la stratégie des biocarburants soit bien pensée et tienne compte des effets possibles sur l’environnement.
Lorsque le projet de loi sera renvoyé au Comité de l’agriculture, ce que je souhaite sincèrement, qu’est-ce qui nous empêchera de revoir les amendements que j’ai proposés au départ et qui ont été rejetés? Permettez-moi de les passer en revue rapidement.
Le premier amendement visait à interdire d’utiliser pour produire des biocarburants des grains, oléagineux ou arbres génétiquement modifiés, à l’exception de ceux qui étaient utilisés avant 2008.
Le deuxième amendement qui a été rejeté visait à interdire d’utiliser pour produire des biocarburants des terres protégées par une loi fédérale et d’autres terres vulnérables du point de vue de la biodiversité.
Le troisième amendement visait à protéger la biodiversité des sols consacrés à la production de biocarburants.
Le quatrième amendement portait sur l’établissement de critères de pérennité environnementale à l’égard de la production de biocarburants pour garantir la conformité aux pratiques exemplaires internationalement reconnues qui favorisent la biodiversité et la pérennité des sols, de l’air et de l’eau et pour établir des restrictions afin que l'exploitation des terres arables aux fins de la production de biocarburants n’ait pas d’effet préjudiciable sur l’approvisionnement en denrées alimentaires au Canada et dans des pays étrangers.
Je ne vois pas pourquoi le Parlement ne pourrait pas adopter une politique qui tient compte de ces éléments. Ce sont des idées tout à fait élémentaires dont on discute dans le monde et que nous devrions prendre en considération si nous proposons une nouvelle politique qui s’est avérée désastreuse dans d’autres pays.
[Français]
Il ne faut pas donner carte blanche à ce gouvernement lorsqu'il s'agit des biocarburants. Notre but devrait être la modification de ce projet de loi pour qu'il soit durable et efficace dans la lutte contre les changements climatiques, et que tout cela se fasse de façon sécuritaire, sans céder le contrôle aux grandes entreprises qui profitent de la vente accrue des cultures génétiquement modifiées et des pesticides.
Une bonne stratégie en matière de biocarburants doit être responsable.
Finalement, les biocarburants peuvent être une partie de la solution, mais ils peuvent aussi être nuisibles s'ils sont mal exploités. Le projet de loi ouvre la porte à plusieurs conséquences néfastes pour l'environnement, notamment une dépendance accrue envers les grandes entreprises agricoles pour produire les cultures génétiquement modifiées à l'aide d'énormes quantités d'eau et de pesticides.
Selon M. Darrin Qualman, directeur de la recherche du Syndicat national des cultivateurs, il faut mettre un terme à la ruée vers les agrocarburants à l'échelle industrielle, puisque nous faisons face, à l'échelle mondiale, à de sérieux problèmes relativement au développement durable des systèmes alimentaires: l'érosion des couches arables, la perte des terres agricoles, la surexploitation des eaux d'irrigation, la dépendance excessive envers les carburants fossiles, la déforestation et le manque de préparation en vue des changements climatiques. Selon lui, il faut résoudre ces problèmes avant d'essayer d'utiliser notre nourriture pour alimenter nos véhicules.
[Traduction]
Dans l’étude du projet de loi , nous négligeons souvent de parler des effets des biocarburants sur les émissions de gaz à effet de serre. Selon un rapport de Resource Efficient Agricultural Production Canada, ou REAP, intitulé Analysing Ontario Biofuel Options: Greenhouse Gas Mitigation Efficiency and Costs, on estime que l’éthanol produit à partir de maïs aux États-Unis fera doubler les émissions de gaz à effet de serre au cours des 30 prochaines années en alourdissant la dette en carbone attribuable à la conversion des sols.
Dans un autre rapport, REAP a analysé les options de l’Ontario en matière de biocarburants. Le rapport concluait que les biocarburants solides étaient la stratégie la moins coûteuse pour ce qui est des mesures incitatives de l’État visant à faire diminuer les émissions de gaz à effet de serre en Ontario. La grande découverte de ce rapport, c’est que les encouragements gouvernementaux appliqués aux biocarburants solides sur une grande échelle surpasseraient même les plus efficaces des subventions existantes, celles qui visent l’énergie éolienne, comme moyen de réduire les émissions. Les conclusions donnent à penser qu’une politique sur les biocarburants solides serait un moyen efficace de développer les économies de l’Ontario et du Canada. Pareil programme soutiendrait des débouchés sur le marché pour l’industrie forestière et les agriculteurs qui exploitent des terres pauvres.
Dans le volume 319 de Science, en date du 29 février, on trouve une étude intitulée « Use of U.S. Croplands for Biofuels Increases Greenhouse Gases Through Emissions from Land-Use Change ». Il dit ceci:
En utilisant un modèle agricole mondial pour évaluer les émissions provenant du changement d'utilisation des terres, nous avons constaté que l'éthanol produit à partir de maïs, loin de réduire de 20 p. 100 les émissions de GES, les doublaient presque sur 30 ans et faisaient augmenter les émissions de GES pendant 167 ans. Les biocarburants produits à partir de panic raide, si cette plante était cultivée, aux États-Unis, sur des champs produisant actuellement du maïs, feraient augmenter les émissions de 50 p. 100. Ces résultats suscitent des inquiétudes au sujet de la demande de production intensive de biocarburants et fait ressortir la valeur de l'utilisation des déchets.
Une autre étude publiée dans le même magazine révélait que la conversion des forêts humides, des tourbières, des savanes ou des prairies pour produire des biocarburants au Brésil, en Asie du Sud-Est et aux États-Unis produisait une quantité de CO2 de 17 à 420 fois plus élevée que la quantité annuelle de GES évitée par le remplacement de carburants fossiles par des biocarburants. Toujours selon cette étude, les biocarburants produits à partir de déchets de la biomasse ou de plantes vivaces qui poussent sur des terres agricoles détériorées et abandonnées n'entraînent pas de dette en carbone et peuvent offrir des avantages immédiats et durables dans le bilan de la production des GES.
Ce que je veux dire aujourd'hui, c'est qu'il faut réexaminer le projet de loi en comité à la lumière des plus récents travaux de recherche effectués partout dans le monde. Ne cédons pas aux pressions des grandes entreprises agricoles en adoptant rapidement ce projet de loi.
[Français]
J'aimerais également glisser quelques mots sur les arbres génétiquement modifiés. Contrairement à la reproduction et à l'hybridation conventionnelles, le processus du génie génétique permet le transfert direct de gènes entre organismes dans des espèces ou des règnes complètement différents qui ne se mélangent pas dans la nature.
Pour ce qui est des biocarburants et du génie génétique, il est question de la réduction de la lignine pour que les arbres puissent être transformés en éthanol et en papier de façon plus économique: plus de cellulose pour que les arbres puissent produire plus d'éthanol et de papier.
Vu l'explosion du marché des biocarburants et la volonté d'établir une deuxième génération de biocarburants, les sociétés préconisent l'utilisation des arbres de génie génétique comme source potentielle de cellulose pour fabriquer de l'éthanol.
Alors, quels sont les risques?
Premièrement, il y a la contamination irréversible. La contamination des forêts par le pollen ou les graines des arbres de génie génétique pourrait dévaster les écosystèmes et la biodiversité. Les arbres du génie génétique contamineront les forêts, qui, elles-mêmes deviendront des contaminants dans un cycle sans fin de pollution vivante.
Il y a d'autres risques: les déchets toxiques, les essences envahissantes, l'utilisation accrue d'herbicides, l'affaiblissement des arbres, la contribution au changement climatique.
[Traduction]
La conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique aura lieu à Bonn, en Allemagne. Le 20 mai de cette année, des représentants de 47 groupes de la société civile canadienne ont publié une lettre ouverte adressée au pour demander que le Canada appuie le moratoire mondial sur la production d'arbres génétiquement modifiés qui sera abordé lors des négociations qui auront lieu entre le 19 et le 30 mai.
Je le répète, la contamination par les arbres génétiquement modifiés serait irréversible. Les modèles des chercheurs de l'Université Duke ont révélé que le pollen d'arbres du Sud-Est des États-Unis pouvait parcourir plus de 1 200 kilomètres et atteindre l'Est du Canada. Jeudi dernier, à la conférence, le Canada est intervenu pour éliminer directement une demande africaine en faveur d'un moratoire imposé par les Nations Unies sur la production d'arbres génétiquement modifiés.
Il semble que le Canada n'appuie pas l'interdiction des arbres génétiquement modifiés et il s'inscrit même en faux contre la grave préoccupation qu'ils suscitent. J'ouvre une parenthèse pour souligner que j'ai constaté la même chose en faisant des recherches sur la technologie liée aux semences terminatrices où le Canada déclare vouloir procéder au cas par cas, sans se rendre compte des conséquences de cette technologie sur l'agriculture et la biodiversité.
À ce moment-ci du débat essentiel que nous tenons, je tiens à dire ceci: bien que la production de biocarburants explique en partie la hausse des prix des aliments, ce ne sont pas les agriculteurs qui sont à blâmer. Les agriculteurs font ce qu'ils peuvent pour survivre et ils obtiennent enfin de bons prix pour leurs produits.
Permettez-moi, en terminant, de soulever quelques points concernant l'environnement. La zone morte dans le golfe du Mexique, la destruction de forêts telles que la forêt tropicale humide, entre autres, l'utilisation accrue de pesticides et d'herbicides pour les monocultures destinées à la fabrication de biocarburants, l'épuisement des nappes phréatiques, les monocultures de plantes génétiquement modifiées et leur cortège de répercussions négatives, la perte de la diversité biologique attribuable aux monocultures, l'invasion de plantes génétiquement modifiées résistantes au Roundup, voilà autant de dangers qui nous guettent. En privilégiant une approche planifiée et pondérée, nous pouvons assurément faire en sorte d'éviter ces pièges au Canada. Nous pouvons le faire en examinant de nouveau ce projet de loi au comité.
Permettez-moi d'aborder quelques derniers points. Robert Zoellick, président de la Banque mondiale a dit, et je cite:
Pendant que bon nombre de personnes se soucient de faire le plein de leur réservoir, beaucoup d’autres de par le monde ont du mal à se remplir le ventre, et la situation devient de plus en plus difficile chaque jour. En l’espace de deux mois seulement, les prix du riz sont montés en flèche pour s’établir à des niveaux quasi historiques, en augmentant d’environ 75 % à l’échelle mondiale [...]
C'est la même chose pour d'autres cultures. C'est pour cela que les Nations Unies ont demandé qu'on impose un moratoire de cinq ans sur la production de biocarburants. Je le répète, la production de biocarburants n'est pas seule en cause dans l'augmentation des prix des aliments et ce ne sont pas nos agriculteurs qui luttent pour gagner leur vie qui sont responsables de la situation.
L'occasion nous est offerte aujourd'hui, dans l'histoire de notre pays, de nous pencher sur une politique qui orientera nos décisions en matière de mise en valeur d'autres sources d'énergie. L'occasion nous est fournie de bien faire les choses, de ne pas céder aux pressions des grandes sociétés agro-industrielles et de ceux qui voudraient que nous mettions en oeuvre cette politique dès demain, mais plutôt de nous assurer que nous adopterons une politique durable, que l'environnement sera protégé, qu'il n'y aura plus d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et que les produits cultivés au Canada seront vraiment des produits canadiens.
Il est inacceptable que l'industrie des biocarburants soit soutenue par la société Husky à Lloydminster ou à Minnedosa, par exemple, et qu'elle ne compte que sur le maïs américain. Il y a quelque chose qui ne va pas. De cette façon, notre aide gouvernementale soutient l'industrie aux dépens des agriculteurs et d'autres programmes que nous pourrions offrir.
[Français]
Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet. J'attends les questions avec impatience.
:
Monsieur le Président, c'est un plaisir pour moi de participer au débat aujourd'hui. Je ne siège pas au Comité de l'agriculture, mais un jour, j'en aurai peut-être la possibilité. Comme je viens d'une région urbaine, je suis certaine que ce serait une expérience très instructive.
Lorsque je suis arrivée ici il y a huit ans, il était beaucoup question de l'éthanol et de nos agriculteurs. Les agriculteurs manifestaient parce qu'ils ne pouvaient pas obtenir une rémunération convenable pour leur travail. Ce fut mon premier contact avec les luttes de nos agriculteurs et les difficultés auxquelles ils étaient confrontés. Ils devaient pouvoir cultiver d'autres produits pour toucher un revenu raisonnable et l'éthanol répondait exactement à ce besoin.
Nous avons maintenant découvert qu'il y a bien d'autres problèmes à régler si nous voulons aider véritablement nos agriculteurs et veiller à ce qu'ils obtiennent une juste rémunération pour chaque journée de dur labeur. Tant que ceux d'entre nous qui viennent de régions urbaines ne passeront pas une journée entière dans une exploitation agricole, nous n'aurons aucune idée à quel point le travail des agriculteurs est difficile et exigeant. Nous devons nous rendre compte qu'il y a encore des gens qui aspirent à pratiquer l'agriculture au Canada. Nous devons donc trouver des moyens de leur assurer une rémunération convenable pour leur travail. Ce sont ces personnes qui fournissent la nourriture sur nos tables, mais nous n'y prêtons pas suffisamment attention.
Je suis heureuse de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de parler du projet de loi , qui vise à modifier les dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement concernant la réglementation des combustibles. Cette mesure législative fixerait des teneurs minimales en biocombustible pour l'essence, le carburant diesel et le mazout et entrerait en vigueur d'ici trois à cinq ans.
J'appuie en principe le projet de loi, tout comme mon parti. J'ai hâte de discuter des paramètres des nouveaux règlements qui résulteront des travaux du comité. Nous espérons que les règlements refléteront ce que souhaitent la plupart des Canadiens.
Bien que j'appuie le projet de loi, il suscite toutefois d'importants doutes quant à la politique du gouvernement en ce qui concerne les carburants renouvelables et les changements climatiques, doutes que nos vis-à-vis ont exprimés. Ces questions requièrent un consensus beaucoup plus solide si nous voulons être prêts à relever les défis considérables que nous réserve l'avenir.
Le gouvernement prétend que le projet de loi s'inscrit dans le cadre d'une vaste stratégie visant à accroître l'utilisation de l'éthanol, mais il refuse de fixer une norme supérieure à 5 p. 100 d'éthanol dans l'essence. Il y a une différence claire. Le comité se penchera sur toutes ces questions et fera en sorte que le projet de loi respecte et atteigne les objectifs visés. Pendant ce temps, toutes les voitures vendues au Canada peuvent consommer un mélange composé à 10 p. 100 d'éthanol. C'est la norme minimale fixée par le gouvernement de l'Ontario à l'échelle de la province.
Même si l'éthanol cellulosique pourrait réduire de 64 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement ne prend pas toutes les mesures à sa disposition pour exiger qu'on produise surtout ce type d'éthanol, ce qui permettrait pourtant d'assainir l'environnement et d'accroître la qualité de l'air que nous respirons.
L'égarement du gouvernement dans ce dossier se manifeste aussi sur le plan fiscal, où il a annulé l'exemption de la taxe d'accise visant le biodiésel et les carburants à l'éthanol, exposant ainsi les formes d'éthanol les plus propres à une taxe élevée. Il y a vraiment lieu de s'interroger si c'est la direction choisie par le gouvernement. Cela n'a simplement aucun sens. J'espère que l'examen de la réglementation nous permettra de mieux comprendre pourquoi la norme devrait être portée à 10 p. 100, si c'est ce qu'on fait, particulièrement en Ontario.
Le projet de loi propose seulement une modification de forme à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il conférerait au gouvernement de nouveaux pouvoirs utiles pour lui permettre d'examiner la réglementation et de commencer à y apporter des changements avec plus de célérité et de précision.
L'opposition libérale est favorable à l'utilisation de l'éthanol en tant que source d'énergie, maintenant et dans l'avenir. Un grand nombre de personnes sont d'avis que l'éthanol est l'un des outils dont nous avons besoin pour nous aider dans le contexte des changements climatiques, particulièrement l'éthanol de deuxième génération, qui est fabriqué à partir de déchets agricoles et de cultures non alimentaires. Il va sans dire que nous avons fait beaucoup de chemin, puisque nous sommes passés de la simple culture du blé à l'étude des possibilités qu'offre l'utilisation des déchets agricoles et des cultures non alimentaires, de façon à ne pas gêner la production d'aliments, et ce pour le monde entier. Le recours à cette source nous ferait gagner sur les deux plans.
L'opposition libérale a appuyé un amendement présenté au comité qui obligerait le gouvernement à faire une analyse détaillée des répercussions économiques, sociales, environnementales et autres de l'industrie de l'éthanol au Canada, exactement un an après l'entrée en vigueur de la mesure. Nous parlons ici d'une motion très importante adoptée par le comité afin de faire en sorte qu'une analyse de toutes les répercussions du projet de loi soit effectuée.
Le gouvernement a prévu un montant de 2 milliards de dollars pour l'éthanol, mais il s'est montré délibérément vague en ce qui a trait aux détails. Ce n'est ni la première fois, ni le premier dossier où il en est ainsi. Être vague et fournir peu de précisions semblent être une caractéristique du gouvernement lorsque vient le temps d'annoncer diverses initiatives. Toutefois, notre travail consiste à faire en sorte que les détails soient clairs et que la réglementation corresponde à ce que les Canadiens souhaitent.
Le gouvernement doit dire aux Canadiens quelle forme d'éthanol va avoir la priorité, et il doit expliquer comment l'éthanol s'inscrit dans ses politiques liées à l'environnement, à l'agriculture, au développement international et à la fiscalité. Nous ne pouvons pas avoir une politique sur l'éthanol qui ne tienne pas compte de toutes les répercussions que ces petites choses, que ces divers outils auront sur les changements climatiques et sur l'environnement.
Selon ce que j'ai compris, l'ancien plan très critiqué du gouvernement en matière d'éthanol était censé appuyer les investissements faits par les agriculteurs dans des usines de production d'éthanol. Il y a quelques années, j'étais dans l'Ouest canadien et j'ai visité ce qui devait être la prochaine grande usine de production d'éthanol. Tout le monde était excité parce que cette installation allait offrir une possibilité aux agriculteurs, tout en aidant à lutter contre les changements climatiques. Ce devait être une solution de l'avenir. Or, maintenant les gens s'interrogent et remettent en question certaines décisions prises.
Toutefois, le financement serait directement lié aux investissements des agriculteurs, ce qui signifie qu'avant qu'un financement gouvernemental ne soit accordé pour la production d'éthanol au Canada, les agriculteurs canadiens devraient d'abord débourser de l'argent. Or, les agriculteurs canadiens avec lesquels je me suis entretenue ne sont pas des gens riches. Ils demandent tous de l'aide pour subvenir aux besoins de leur famille et pour faire la production dans laquelle ils sont engagés. J'estime qu'un investissement financer constituerait un énorme défi pour une entreprise agricole qui est presque constamment menacée. Si le gouvernement n'offre pas un financement initial, la situation sera très difficile pour bon nombre d'agriculteurs qui comptent sur le leadership de l'État.
Je rappelle aux députés les nombreuses manifestations que les agriculteurs ont tenues devant la Chambre des communes. Les manifestants avaient fait des milliers de kilomètres en tracteur pour venir protester et nous demander de faire preuve d'équité. Peu importait que le gouvernement soit libéral ou conservateur, la vraie question c'était l'agriculture, une industrie importante pour le Canada, et le fait que nos agriculteurs ont besoin d'un coup de main.
À titre de comparaison, je signale que les gouvernements libéraux ont fait des investissements directs de plus de 117 millions de dollars pour la construction d'installations de production partout au Canada. Grâce à ces investissements, la production d'éthanol a augmenté à rythme plus rapide qu'on ne s'y attendait.
Si on ne fait pas d'investissements directs, je crains fort que l'augmentation de la production d'éthanol ne soit pas tout à fait assez rapide. Par conséquent, il faut ajouter un nouvel outil à notre panoplie pour faire face aux changements climatiques, mais on se tire dans le pied au lieu d'avancer et d'aider vraiment les agriculteurs et l'ensemble des Canadiens.
Les libéraux continueront de faire valoir la nécessité de promouvoir les biocarburants qui ont d'importants avantages environnementaux nets, comme l'éthanol cellulosique.
Je préciserai, pour ceux qui nous écoutent à la maison et qui ne savent peut-être pas de quoi l'on parle, qu'il s'agit d'un type de biocarburant produit à partir d'un matériau structural qui comprend la majeure partie des plantes. Nous en avons tous beaucoup à apprendre en ce qui concerne la recherche de solutions aux problèmes et aux défis auxquels nos agriculteurs sont confrontés en ce qui concerne les carburants. Les cannes de maïs, le panic raide et les copeaux de bois font partie des matériaux les plus populaires pour la production d'éthanol.
L'éthanol cellulosique est chimiquement identique à l'éthanol obtenu à partir d'autres sources comme la fécule de maïs ou le sucre, mais les matières premières qui entrent dans sa composition sont très abondantes et très variées. Nous entendons la même chose de différents endroits dans le monde. Il existe de nombreuses possibilités. Ce type d'éthanol a des émissions de gaz à effet de serre plus faibles que toutes les autres formes et il pourrait nous aider à faire une meilleure utilisation des terres cultivées.
Cependant, le NPD induit délibérément les Canadiens en erreur pour ce qui est de la complexité de la pénurie alimentaire mondiale. Tous les députés se préoccupent de ce dossier et nous devrons tous y mettre du nôtre pour surmonter les problèmes et faire en sorte qu'il y ait de la nourriture partout dans le monde. Or, le NPD ne tient pas compte d'une bonne dizaine de facteurs qui sont en cause.
Par exemple, la désertification a considérablement réduit la production agricole du continent africain. Que feront ces gens pour avoir de la nourriture? Nous sommes au courant des difficultés. Nous connaissons tous les autres problèmes auxquels des milliers d'Africains font face. Tout cela ne fera qu'empirer la situation.
La hausse des coûts de l'énergie préoccupe tous les députés, comme tous les Canadiens d'ailleurs. Les factures ne cessent d'augmenter. La hausse des coûts de l'énergie se répercute directement sur les coûts des agriculteurs.
Les règles commerciales et les subventions des pays développés ont créé des distorsions dans les marchés. Dans le monde, de nombreuses régions souffrent de l'effondrement des réseaux de distribution des aliments, de la corruption généralisée et du refus de certains gouvernements d'imposer la primauté du droit.
Pour revenir aux détails du projet de loi dont nous sommes saisis, les nouvelles mesures sont de nature administrative et semblent donner au gouvernement un contrôle accru sur la réglementation. Le gouvernement rehausserait notamment sa capacité de réglementer le carburant produit au Canada pour l'exportation. Le mélange des carburants pourrait également faire l'objet de nouveaux règlements. Le projet de loi élargirait les bases permettant d'établir une différence entre les divers types de carburant.
Nous allons appuyer le projet de loi car nous sommes favorables à l'utilisation accrue des biocarburants comme l'éthanol, le biodiesel et autres sources de carburants renouvelables. Nous irons de l'avant avec divers autres projets de loi qui contribueront à régler le problème des changements climatiques et qui nous donneront l'occasion de faire notre travail et de faire avancer les choses.
Il s'agit essentiellement, en l'occurrence, d'un projet de loi d'ordre administratif. Rien dans ce projet de loi n'aura une incidence sur les intérêts commerciaux ou n'obligera les producteurs ou les vendeurs de carburant à faire quoi que ce soit. C'est une mesure préliminaire qui permettra au gouvernement de réglementer toutes sortes de carburants dans le cadre d'un régime réglementaire unique. De ce point de vue, le projet de loi est une version améliorée du libellé actuel de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Le projet de loi est une excellente occasion de parler de cette question. Je représente une circonscription de la ville de Toronto. Je n'ai donc pas souvent l'occasion de rencontrer les intervenants du secteur agricole, mais il est clair pour moi que nous devons collaborer pour protéger l'environnement. Nous devons également aller de l'avant et prendre les mesures nécessaires pour ne pas aggraver la pénurie mondiale à laquelle nous faisons face à l'échelle planétaire.
:
Monsieur le Président, félicitons la députée libérale de Toronto de son appui envers le projet de loi.
J'aimerais formuler quelques observations.
Tout d'abord, j'aimerais corriger une idée erronée qui circule dans la population selon laquelle les agriculteurs canadiens font des bénéfices records. Aujourd'hui, Statistique Canada a indiqué que le secteur canadien de l'agriculture avait enregistré un revenu net de 1,7 milliard de dollars l'an dernier.
Avant que tous se disent que c'est un gros montant, je soulignerais que c'est à peu près autant que les bénéfices d'une des cinq grandes banques pour un trimestre. En d'autres mots, l'an dernier, les banques à charte canadiennes ont fait environ autant d'argent à chaque trimestre.
Je ne reproche pas aux banques de réussir. L'industrie des services financiers est incroyablement importante à Toronto, à Montréal et dans beaucoup de grands centres du pays. J'ai déjà travaillé au sein de cette industrie. Il est extrêmement crucial que nous ayons une industrie des services financiers qui soit dynamique. Je cite ces chiffres pour les remettre dans leur contexte.
Il y a environ 220 000 exploitations agricoles au Canada. Si nous divisons le profit net de 1,7 milliard de dollars entre ces 220 000 agriculteurs, nous arrivons à un montant net de 7 700 $ par ferme, par année. Je ne connais pas beaucoup de Canadiens qui investiraient eux-mêmes des centaines de milliers de dollars, des centaines d'heures de travail et de stress pour un revenu de 7 700 $ par an.
Il ne faut pas que les gens pensent que les agriculteurs canadiens font des bénéfices exceptionnels en raison de la nouvelle structure d'établissement des prix dans le secteur de l'agriculture.
Le deuxième argument que je voudrais faire valoir est le suivant: si nous voulons trouver la raison pour laquelle le tiers monde a de la difficulté à se nourrir, il faut notamment examiner la Politique agricole commune de l'Union européenne, qui injecte de 40 à 50 milliards d'euros par an dans des subventions pour les agriculteurs européens.
Le problème ne réside pas dans ces subventions offertes aux agriculteurs européens. Il réside dans le fait que, lorsqu'il y a surproduction de certaines denrées, on pratique le dumping dans les marchés du tiers monde. Les produits sont alors vendus moins cher que ceux des producteurs locaux, ce qui accule ceux-ci à la faillite. À mon avis, c'est là le noeud des difficultés qu'éprouvent les pays en développement à se nourrir.
:
Monsieur le Président, l'amendement qui est soumis à la Chambre aujourd'hui est le suivant:
[Que] le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit renvoyé au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire afin de reconsidérer l’article 2 de manière à s'assurer que les effets environnementaux et économiques de l’ajout de ces règlements n’entraînent pas un impact négatif sur l’environnement ni n’influencent indûment les marchés des produits de base.
Ce projet de loi a été relativement peu débattu au sein du comité. Le débat a probablement été plus long à la Chambre, au sujet des divers amendements proposés, y compris l'amendement actuel, qui vise à renvoyer le projet de loi au comité.
Si la Chambre débat de cet amendement, c'est qu'il y a parmi nous, les députés néo-démocrates, parmi les députés du Bloc dans une large mesure, je crois, et même parmi certains députés du Parti libéral une crainte véritable que ce projet de loi soit adopté trop rapidement, sans qu'on puisse tenir compte de certaines réalités nouvelles dans le monde concernant l'utilisation des biocarburants. S'il est adopté, le projet de loi pourrait avoir des effets environnementaux et économiques qui n'ont pas été suffisamment étudiés.
Je voudrais dire très clairement, au nom de mon parti, que nous allons continuer d'appuyer le principe des biocarburants comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant. Le débat ne devrait pas porter sur cette question. Avec une bonne gestion, un programme canadien de production de biocarburants peut influer comme on le souhaite sur les changements climatiques tout en étant avantageux pour les agriculteurs.
Les députés ont passé la semaine dernière dans leur circonscription. J'ai pu alors m'entretenir à quelques reprises avec des producteurs agricoles dans la partie rurale de ma circonscription. Un débat orageux s'y déroule.
Le Syndicat national des cultivateurs s'est prononcé très fermement contre ce projet de loi. La Fédération canadienne de l’agriculture y est pour sa part généralement favorable, mais, compte tenu de la présence dans ma circonscription de membres de ces deux associations, je peux dire qu'il s'y tient un débat bien réel dans les deux cas.
Les producteurs agricoles voient dans cette mesure un moyen d'accroître leur production et d'augmenter leurs revenus. Il arrive souvent que ces mêmes producteurs me soulignent que leur principal problème, c'est que tout cela fait grimper d'autres coûts, comme celui des aliments pour animaux pour bon nombre d'exploitations avicoles de la circonscription. Les intervenants du secteur de la production laitière et porcine soulignent également l'augmentation du prix des aliments pour animaux dans leur secteur.
Ils se préoccupent évidemment tous au plus haut point des répercussions que tout cela risque d'entraîner sur le coût du carburant, qu'il s'agisse de l'essence produite à partir de biocarburants ou d'autres parties du marché, tout particulièrement les combustibles à base de carbone.
Ce débat est en cours. Ce qui s'est produit à mon avis, c'est qu'on n'a pas suffisamment tenu compte de la réalité qui existe non seulement au Canada, mais partout dans le monde, durant le débat qui s'est tenu au comité. Notre parti est très inquiet de voir que le gouvernement fait peu de cas des députés et qu'il a recours à des tactiques d'intimidation pour tenter de faire adopter cette mesure législative, tant au comité qu'à la Chambre. Le débat approfondi qui s'imposait n'a pas eu lieu.
Les députés conservateurs nous disent que nous, néo-démocrates, ne nous soucions pas vraiment des producteurs ou de la collectivité agricole, ce qui est tout à fait faux. Là encore, lorsque je m'entretiens avec les agriculteurs de ma circonscription, ils me font part de réticences de ce genre. Jusqu'où pouvons-nous aller avec les biocarburants? Quel genre de production devons-nous prévoir? Ce projet de loi propose-t-il des quotas absolus qui devraient être mis en oeuvre progressivement dans un délai relativement court? Nous a-t-on donné les bons chiffres? A-t-on prévu des quantités pour les autres types d'essence et de carburants diesels? Avons-nous les bons chiffres pour ce qui est des pourcentages?
Ils ne sont pas convaincus que nous avons les bonnes réponses. Ils ne disent pas nécessairement que les chiffres contenus dans ce projet de loi ou que ceux présentés par le gouvernement sont mauvais, mais ils ne sont pas convaincus que nous pouvons être certains que ces chiffres sont bons. C'est pourquoi cette motion propose qu'on renvoie le projet de loi au comité afin de pouvoir entendre d'autres témoignages de producteurs et de représentants de l'industrie en général et aussi afin de pouvoir examiner les expériences qui se font ailleurs dans le monde.
À cet égard, nous avons entendu des opinions de gens venant de divers coins de la planète. Ils craignent sincèrement que les biocarburants ne fassent partie du mécanisme à l'origine de la montée en flèche du prix des aliments. Nous voyons cela actuellement. Le prix du riz dans certaines régions d'Asie a augmenté de 73 p. 100 en moins de quelques mois, doublant même dans certains cas en très peu de temps. Nous avons été témoins de la fermeture de marchés en Asie, plus précisément dans le cas du riz encore une fois.
Les pays qui étaient des exportateurs nets ne sont plus capables de l'être et ferment leurs frontières, resserrant ainsi les marchés pour les pays qui ne produisent pas suffisamment de riz pour nourrir leurs propres populations et qui n'arrivent plus à se procurer du riz à prix abordable. Nous voyons cela.
Nous avons vu les Nations Unies adopter une résolution nous appelant à la prudence concernant les biocarburants et la mesure dans laquelle nous les utilisons.
Si je peux digresser un peu, l'autre partie du projet de loi qui est vraiment troublante, c'est que les autres solutions pour la production d'énergie qui pourrait être utilisée sur le marché en général et aussi dans les fermes d'un bout à l'autre du pays, voire à l'échelle internationale, ont été mises de côté. Nous pouvons mentionner l'énergie solaire ou l'énergie éolienne, par exemple, secteurs dans lesquels le gouvernement n'a rien fait ou n'a fait que très peu pour permettre à ces marchés de se développer et de pouvoir peut-être servir de solution de rechange à l'utilisation accrue des biocarburants.
Je sais qu'il y a eu des discussions à cet égard au comité, mais je crois qu'elles étaient loin d'être suffisantes. Nous pouvons parler des éléments de base. Quelle quantité d'aliments, le cas échéant, devons-nous convertir en combustibles? Cette question reste sans réponse.
Cela préoccupe considérablement les agriculteurs auxquels j'ai parlé dans ma collectivité. Ils sont devenus agriculteurs pour produire des aliments. Leurs parents et leurs grands-parents étaient devenus agriculteurs pour produire des aliments, et non des combustibles. C'est une toute nouvelle réalité pour eux. Ils l'envisagent avec un esprit ouvert, mais également avec réalisme. Je ne peux pas dire que le gouvernement a fait de même.
Les agriculteurs sont très préoccupés par la question de la quantité d'aliments, le cas échéant, que nous allons convertir en combustibles. Ils ne croient pas que le projet de loi a fait l'objet d'une discussion, d'une analyse et d'une recherche suffisantes pour que l'on puisse répondre à ces questions actuellement. Ils ne sont pas prêts à dire que nous devrions aller de l'avant.
Le gouvernement nous dit qu'il est temps d'aller de l'avant. C'est une attitude simpliste. C'est une façon simpliste d'aborder un problème extrêmement complexe.
Je veux m'assurer très clairement que nous comprenons les autres enjeux, les autres facteurs qui font augmenter le prix des carburants. Je vais les mentionner rapidement. Nous savons qu'il y a une forte spéculation dans ce secteur. Ce qui se passe est immoral. C'est en partie ce que je veux dire.
Nous savons que le réchauffement climatique et les changements climatiques contribuent à la pénurie alimentaire dans certaines régions du monde. Cela fait monter les prix.
Nous savons que, dans des secteurs où nous pouvions auparavant continuer de voir une augmentation de la productivité, nous ne constatons aucun gain parce que nous avons maximisé les effets de l'utilisation des fertilisants et des pesticides, qui sont encore utilisés. Nous ne voyons plus aucune croissance. Ce sont les problèmes.
Cependant, nous savons également que, dans certains pays, l'utilisation de biocarburants a eu des effets négatifs. Il y a notamment eu détournement des cultures. Nous le constatons aux États-Unis. J'utiliserai ce pays comme exemple parce que je sais, étant donné que je viens d'une région située près du Michigan, de l'Indiana et de l'Ohio, que la portion des cultures détournées de la production d'aliments vers la production de carburants est tout à fait phénoménale.
Dans certains coins de ces États, jusqu'à 35 p. 100 du maïs cultivé sert à produire des biocarburants. En fait, je peux en parler parce qu'une bonne partie de ce maïs aboutit dans ma région. Il y a une usine d'éthanol à juste deux comtés du mien. Une bonne partie du maïs qui y est transformée provient des États-Unis. Nous en produisons dans les comtés d'Essex et de Kent, dans ma région, mais une bonne partie provient des États-Unis. Cela s'inscrit dans cette très forte augmentation de la production d'éthanol.
Jusqu'à maintenant, aux États-Unis, on a réussi à justifier ce détournement de cultures, mais des questions se posent. Quelle portion des cultures peut encore être détournée vers la production de carburant? Devraient-ils plutôt faire marche arrière et produire davantage d'aliments et moins de carburant?
Nous sommes sur le point de prendre la décision, mais nous n'y sommes pas encore. Il faut un débat plus approfondi. Nous devons réfléchir sérieusement à ce que nous sommes en train de faire.
Je tiens également à attirer l'attention de la Chambre sur les noms d'autres personnes et organisations qui ont exprimé des préoccupations au sujet du projet de loi et, plus généralement, au sujet du recours aux biocarburants.
Il y a un peu moins d'un an, David Suzuki déclarait:
Les biocarburants présentent bien des avantages, mais nous devons examiner toutes nos options et nous assurer que nous faisons les meilleurs choix pour un avenir plus durable.
[...] essayer de sauver la planète en amorçant un virage complet vers les biocarburants comme l'éthanol et le biodiésel pourrait, sans qu'on le veuille, produire l'effet contraire.
C'est le genre de risque auquel nous sommes exposés. À cet égard, j'attire l'attention de la Chambre sur ce qui s'est passé ces deux dernières années au Brésil.
Après la Seconde Guerre mondiale, le Brésil a très consciemment décidé de convertir une proportion importante de sa culture de canne à sucre aux biocarburants. Le Brésil a amorcé ce virage à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Dans certains cas, jusqu'à 50 p. 100 du carburant des véhicules dans ce pays — surtout des automobiles et des camions — provient de biocarburants.
Cette décision a donné des résultats plutôt bons pour les Brésiliens, en raison de la grande quantité de canne à sucre qu'ils étaient capables de produire. Toutefois, depuis deux ans, ils ont dû réduire la quantité qu'ils voulaient produire ou consacrer à la production de sucre, si je peux m'exprimer ainsi, en raison de la demande. L'économie brésilienne est devenue si importante, tellement de gens conduisent un véhicule et la demande de carburant a augmenté de façon si spectaculaire que le pays a décidé de consacrer une plus grande proportion de sa culture de canne à sucre aux biocarburants.
Cette décision a eu un impact très négatif sur le coût des aliments qui dépendent de la production de sucre. Ces aliments constituent une part importante de leur marché et de leur nourriture. Au cours des deux dernières années, cette décision a eu une incidence importante sur le coût du sucre au Brésil et, par voie de conséquence, sur le coût d'un certain nombre d'aliments à base de sucre.
Encore une fois, c'est une expérience qui a bien fonctionné. Je me suis penché sur le cas du Brésil dans le passé et j'ai dit que les Brésiliens avaient bien réfléchi à leur projet et qu'ils l'avaient bien planifié. L'initiative des Brésiliens a très bien fonctionné durant à peu près quatre ou cinq décennies, mais ce n'est plus le cas maintenant.
Ils se demandent vraiment ce qu'ils vont faire. Ils cherchent des solutions de rechange à la situation actuelle — en vertu de laquelle une grande partie de leur production de canne à sucre est consacrée aux biocarburants — parce qu'ils veulent recommencer à produire davantage de denrées alimentaires, plutôt que du carburant. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Il y a d'autres endroits dans le monde où des tentatives ont été faites, et ceci nous amène à un autre problème que nous avons avec la mesure législative. En effet, lorsque nous regardons ce que nous tentons de faire, pouvons-nous dire que nous avons précipité les choses d'un point de vue technologique? Nous savons qu'il existe des solutions autres que celle qui consiste à utiliser le produit alimentaire comme tel. Je vais encore une fois me servir de l'exemple du blé. Nous savons que nous sommes sur le point d'être capables d'utiliser — sans toutefois y être tout à fait parvenus — la canne de maïs et peut-être aussi la rafle de maïs, plutôt que le grain de maïs dans la production de biocarburants. Nous savons aussi qu'il existe d'autres produits dont nous pourrions utiliser la paillette, la paille et des parties semblables, mais nous n'en sommes pas tout à fait là.
J'ai regardé une émission sur l'une des chaînes de télévision nationales la semaine dernière, pendant que j'étais dans ma circonscription. Une société, que je crois être basée au Québec, est en train de mettre en service deux ou trois usines qui n'utilisent en fait aucun produit alimentaire, mais plutôt des paillettes, des restes de produits du bois et d'autres produits. Nous pourrions utiliser ces produits sans avoir à nous inquiéter d'avoir à utiliser des produits alimentaires mais, je le répète, nous n'en sommes pas là.
Ce projet de loi laisse au gouvernement toute la latitude nécessaire pour faire comme aux États-Unis et mettre de côté une part importante de la production. Aucune limite n'est prévue ici. D'un simple décret, le gouvernement peut autoriser et, à certains égards, lorsqu'on examine le projet de loi de près, rendre obligatoire l'utilisation des biocarburants. Il est à tout le moins évident que, grâce à des incitatifs financiers, il peut encourager les producteurs à utiliser des produits alimentaires, alors qu'en réalité il est possible de n'utiliser aucun produit de ce genre, ce qui est bien mieux. Nous utiliserions les rafles et les tiges de maïs jusqu'à la racine.
Nous devons faire preuve de prudence. Je sais, pour avoir grandi dans une ferme, qu'après avoir récolté le maïs, les agriculteurs laissent les restes, les rafles et les racines, au sol pour réjuvéniliser le sol. Peut-on en toute sécurité prélever la moitié de la tige, broyer le reste et le laisser retourner dans le sol pour qu'il nourrisse la terre par sa biodégradation, ou peut-on en prélever seulement 25 p. 100 et retourner les 75 p. 100 restants dans le sol? Nous n'avons pas les réponses à ces questions.
C'est pourquoi nous avons présenté cette motion à la Chambre, afin de renvoyer ce projet de loi au comité et nous permettre d'explorer davantage ces questions. De nombreuses expériences sont actuellement en cours aux quatre coins du globe. La Chambre et le pays ont besoin de plus de temps pour étudier adéquatement ce projet de loi afin que nous ne commettions pas une grave erreur.