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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 016 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 décembre 2011

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Bienvenue à tous. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
    Je vois que quelqu'un a levé la main.
    Madame Laverdière.
    Oui. Merci beaucoup, monsieur le président. Ayant donné avis, j'aimerais invoquer le Règlement et lire la motion suivante pour le comité.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. L'ordre du jour prévoit une période pour les travaux du comité. Ne doit-on pas alors...
    Non. J'aimerais présenter la motion maintenant, ayant donné avis. La motion est la suivante: « Que le comité consacre au moins une séance publique... »
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. A-t-elle le droit de faire cela?
    Attendez un instant. Je vais vous laisser lire votre motion, mais nous allons l'examiner lorsque nous passerons aux travaux du comité, d'accord?
    En sommes-nous aux travaux du comité?
    Je veux présenter la motion.
    Cela m'est égal que vous le vouliez ou non; le règlement ne vous le permet pas.
    Monsieur le président, l'ordre du jour prévoit une période pour les travaux du comité. Si elle veut présenter la motion, je propose que le comité poursuive sa séance à huis clos. Tous les travaux du comité sont faits à huis clos.
    Excusez-moi, monsieur le président. J'accepte que nous en discutions durant la période réservée aux travaux du comité, mais je crois comprendre, surtout après avoir donné avis, que j'ai parfaitement le droit de lire la motion maintenant, pour le compte rendu.
    Je vais vous laisser lire la motion pour le compte rendu, puis nous allons reporter son examen jusqu'aux travaux du comité. Vous pouvez lire la motion.
    D'accord. La voici:
Que le comité consacre au moins une séance publique à l'étude de la position du Canada dans les négociations du traité des Nations Unies sur le contrôle des armements, qui devraient avoir lieu en février 2012; que cette ou ces séances aient lieu avant que le Chambre s'ajourne pour le congé d'hiver, afin qu'elles précèdent ces négociations; que les témoins à inviter à témoigner à ces séances comprennent des représentants de l'organisation Contrôlez les armes et le ministre des Affaires étrangères; que la Chambre des communes soit informée des conclusions du comité avant que la Chambre s'ajourne pour le congé d'hiver.
    J'ai la version dans l'autre langue officielle ici.
    D'accord. Nous allons mettre la motion de côté et nous la traiterons un peu plus tard, lorsque nous arriverons aux travaux du comité.
    Merci beaucoup.
    Revenons à notre ordre du jour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à Cameron Brohman, président et cofondateur du projet Bandaid.
    Pardon?
    Brandaid. Ai-je dit Bandaid? Je suis désolé. Il s'agit du projet Brandaid.
    Je vous remercie d'être ici ce matin. Nous allons vous écouter dans un instant.
    Je souhaite la bienvenue encore une fois à Jean-François Tardif, qui représente Résultats Canada et qui n'est pas étranger à notre comité. Félicitations pour vos nouvelles fonctions. C'est la première fois, je crois, que vous comparaissez devant nous à titre de directeur général. Félicitations. Katy Wright est ici également. Merci beaucoup.
    Je vais commencer par ce côté-ci. J'ai fait une erreur en disant que c'était le projet Bandaid.
    Bienvenue, monsieur. Parlez-nous de votre projet. Vous avez 10 minutes. Nous écouterons ensuite le représentant de Résultats, puis nous passerons aux questions.
    Je vous remercie.
    J'aimerais vous parler un peu de mes antécédents et de la façon dont le projet Brandaid a vu le jour.
    J'ai passé les 25 dernières années à travailler dans le monde en développement, surtout en Haïti, dans le cadre de divers projets menés principalement par le secteur des ONG sans but lucratif. Durant ce temps, j'ai constaté que les modèles traditionnels de philanthropie et d'aide ne réussissaient pas à atténuer la pauvreté. En 2009, j'ai créé une entreprise, le projet Brandaid. L'autre cofondateur est le président de JWT Canada, une filiale de la plus grande agence de publicité du monde.
    Le projet Brandaid a vu le jour après que j'ai réalisé que la pauvreté avait besoin de marketing. Elle a besoin de beaucoup de choses, et le marketing en est certainement une. Le projet Brandaid est une entreprise qui mise sur les puissants instruments de marketing de Madison Avenue — la publicité et la commercialisation de grande envergure — pour régler les problèmes d'exportation que connaissent les producteurs du monde en développement.
    L'entreprise a été conçue en Haïti d'après un modèle haïtien, mais on retrouve des répliques dans de nombreux autres pays. Nous faisons partie du projet d'Alliance globale de l'UNESCO, partageant ainsi les meilleures pratiques des industries de création. Nous avons aussi l'intention de reproduire le modèle que nous avons créé en Haïti dans les 60 pays les moins développés.
    Je vais vous donner un aperçu de ce que le projet Brandaid a accompli au cours de sa courte existence. L'entreprise a été officiellement inaugurée en 2009 lors de deux grands événements qui se sont déroulés aux États-Unis, parrainés par le magazine Vanity Fair et Dior. Cela est à l'image de ce que fait le projet Brandaid. Nous amenons de grands commanditaires et des experts en marketing à s'associer à de petites et moyennes entreprises du monde en développement. Dans ce cas-ci, il s'agit d'Haïti.
    L'un de ces deux événements a eu lieu durant la semaine de la remise des Oscar à Los Angeles, et le deuxième s'est déroulé au cours de la semaine de la mode avec Diane von Furstenberg, à New York. Nous avons créé des collections de produits de décoration intérieure, que nous avons présentés à ces deux occasions à une audience de célébrités et de gens d'affaires. Le modèle vise à créer des débouchés pour les petits producteurs des pays en développement qui, autrement, resteraient dans l'anonymat. Les choses se sont très bien passées.
    Puis, il y a eu le tremblement de terre. Le projet Brandaid était sur le point de servir de véhicule à l'UNESCO pour implanter ce modèle dans les 60 pays les moins développés. Lorsque le tremblement de terre a frappé Haïti, nous avons décidé, pour des raisons personnelles et des raisons d'entreprise, de nous concentrer en 2010 en Haïti. C'est ce que nous avons fait.
    Plus précisément, nous avons cherché à obtenir des commandes pour les producteurs avec lesquels nous avions travaillé. Les commandes sont venues de la chaîne de grands magasins Macy's, aux États-Unis. Il s'agit d'une chaîne de 900 magasins. Nous avons fait venir les acheteurs et les designers de Macy's en Haïti. Ils sont entrés en contact avec des artisans haïtiens oeuvrant dans la fabrication de produits de décoration intérieure, et ils ont fabriqué 18 000 produits en l'espace de six à sept semaines, trois mois après le tremblement de terre et durant la saison des ouragans. Ces produits ont été finis, puis exportés à l'entrepôt de Macy's à New York, et des événements ont été organisés par Macy's dans 25 magasins-phares.
    Au total, la commande a dépassé les 200 000 $. Nous n'avons pas effectué d'étude de base de ce projet particulier, mais nous avons pu constater que cet argent et les parts qui revenaient directement à ces producteurs leur ont permis d'améliorer grandement leurs conditions de vie. Cette initiative a aussi permis de créer une marque, « Heart of Haiti », que Macy's continue de vendre et qui, en fait, se répand dans d'autres magasins de la chaîne.
    La commande passée par Macy's nous a appris bien des choses. L'une d'entre elles, c'est qu'il y a un certain seuil de prix où les petits producteurs des économies émergentes peuvent faire de l'argent, et il y a un certain seuil de prix au-delà duquel le rendement diminue. Grâce à cette commande, le projet Brandaid et Macy's ont fait l'objet d'une excellente couverture médiatique aux États-Unis et au Canada. En fait, cette histoire a fait la une du Globe and Mail, lorsque la ministre Bev Oda a vu ce que faisait Brandaid et a remarqué qu'il s'agissait d'une entreprise canadienne — quoique surtout active aux États-Unis. On nous a contactés. Nous avions déjà présenté un projet à l'ACDI pour lancer plusieurs marques d'origine haïtienne. Nous estimions qu'il était temps que notre modèle prenne de l'expansion et que nous pouvions faire bien davantage avec plus de ressources.

  (0855)  

    Le projet que nous avions présenté à l'ACDI a été approuvé par la suite et, depuis six mois, nous utilisons une subvention de TFO-ACDI pour lancer 10 marques haïtiennes sur le marché mondial. Quatre de ces marques sont celles d'artisans, et les six autres sont celles de petites et de moyennes entreprises, c'est-à-dire des manufactures dont la taille varie de petite à moyenne. Il s'agit de produits et de textiles de décoration intérieure.
    Je vais faire le point sur la situation actuelle, et je crois que j'aurai alors écoulé mes 10 minutes d'intervention.
    Cela nous a amenés à faire des visites de ventes directes au Canada. La Baie — la Compagnie de la Baie d'Hudson — est ensuite devenue notre client. La chaîne de magasins va lancer un programme intégré basé sur le modèle du projet Brandaid en 2012 — je crois que ce sera au printemps de 2012. Avant-hier, je suis revenu de Londres, où nous avons eu des rencontres avec des représentants de Selfridges, un des plus grands magasins de la Grande-Bretagne. Ils ont aussi accepté de lancer un programme intégré, durant la semaine du design qui aura lieu en septembre prochain à Londres. Nous avons aussi obtenu un contrat avec le Cirque du Soleil pour un produit d'Haïti et une plus importante collaboration avec des groupes d'artisans haïtiens.
    Voilà nos activités jusqu'à présent. Je crois que les choses vont bien avec ce contrat de l'ACDI. Il est en vigueur jusqu'en 2013. On s'est engagé à faire en sorte que le projet Brandaid crée une certaine valeur d'exportation pour ces dix marques de produits haïtiens. Je ne peux pas vous donner de chiffres, parce qu'aucune décision finale n'a encore été prise. Nous travaillons très fort à la réalisation de ce projet.
    Je crois que cette mise en contexte est suffisante. Je suis ravi de céder la parole à quelqu'un d'autre ou de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Je suis certain qu'on aura beaucoup de questions à vous poser. Nous allons entendre maintenant le représentant de Résultats Canada.
    Monsieur Tardif, la parole est à vous.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte ce matin de présenter le point de vue de notre organisation sur le sujet important du rôle du secteur privé dans le développement international.
    J'ai l'honneur de représenter Résultats Canada. Il s'agit d'un organisme voué à créer la volonté politique nécessaire à l'élimination de la pauvreté absolue sur la planète. Nous faisons partie d'un réseau international d'organisations similaires qui sont toutes indépendantes, mais qui ont le même objectif général.
    Notre organisation est non partisane et libre de toute attache religieuse ou idéologique. Un peu comme le secteur privé, notre organisation s'attache à identifier et à promouvoir des solutions contre la pauvreté qui ont le meilleur rapport coût/efficacité. Nous nous intéressons aux solutions qui sauvent des vies et qui donnent aux familles la chance de se créer une petite source de revenu stable.

[Traduction]

    Concernant le secteur privé, la première chose que l'on doit dire, c'est que la mission du secteur privé est de faire des profits, et les conseils d'administration sont tenus légalement de réaliser cette mission. Il n'y a donc aucune place pour les missions purement altruistes. Toutefois, il peut être utile à l'image de l'entreprise d'investir dans des causes sociales. Du point de vue du secteur privé, cela contribue à attirer des clients, à obtenir peut-être de meilleures conditions de la part de certains fournisseurs, à attirer des employés qui cherchent un travail ou un lieu de travail plus signifiant, à attirer des investisseurs — en particulier les investisseurs animés d'une conscience sociale — ou peut-être à obtenir la collaboration des gouvernements locaux.
    L'intérêt public et l'intérêt privé peuvent donc se rejoindre quelque part. Mais les principes économiques nous apprennent que le secteur public est mieux équipé pour créer des biens publics, comme la santé de tous sur une planète exempte de maladies infectieuses ou de bons niveaux d'éducation qui profitent à tous. Dans ces domaines de biens publics, le secteur privé joue un rôle complémentaire.
    Les mêmes principes économiques nous montrent que le secteur privé est probablement mieux équipé pour créer de la richesse, tandis que le gouvernement joue plutôt un rôle de soutien à cet égard, en établissant le cadre de fonctionnement et de réglementation nécessaire à la création de cette richesse.
    Avec votre permission, je vais me pencher sur ces deux domaines, le développement social et la création de la richesse, et en particulier sur deux sous-ensembles. L'un d'eux est le développement de la micro-entreprise, domaine dans lequel le secteur privé joue le rôle principal et le secteur public, un rôle complémentaire; l'autre est celui des maladies infectieuses, où les rôles du secteur privé et du secteur public sont inversés.
    Commençons par la micro-entreprise. Dans le monde en développement, la plupart des gens ne sont pas employés par des entreprises en bonne et due forme ou par le gouvernement. Il n'y a tout simplement pas d'emploi. Les gens offrent donc de travailler de façon sporadique ou travaillent à leur compte. Dans ce contexte, le développement de la microfinance a eu une incidence extraordinaire sur les gens très pauvres au cours des 30 dernières années, compte tenu de la demande pour le travail autonome parmi ces populations.

  (0900)  

[Français]

    Quand on parle de microfinance, de quoi parle-t-on?
    Il s'agit essentiellement de tout petits prêts consentis à des personnes très pauvres pour se lancer en affaires. Ces prêts comportent un intérêt qui est, en général, commercial. De plus, l'expérience montre que le taux de remboursement est souvent supérieur à 90 p. 100.
    Le mouvement du microcrédit a été lancé par le professeur Yunus. Cela lui a valu le prix Nobel de la paix, il y a quelques années. Quel est le résultat de ce mouvement?
    Aujourd'hui, 138 millions d'emprunteuses très pauvres ont accès à du crédit, alors que seulement 8 millions de personnes avaient accès au microcrédit lorsque Résultats a lancé le Sommet sur le microcrédit, en 1997. Il s'agit donc d'une croissance phénoménale.
    Cela veut-il dire qu'il n'y a pas de défi? Oui, il y a des défis et ils sont importants. Il s'agit, tout d'abord de rejoindre les plus pauvres. Trop souvent, les moins pauvres se trouvent en tête du peloton pour obtenir un prêt, tandis que les plus pauvres, les marginaux, sont exclus de l'effort d'expansion du microcrédit. Pourtant, c'est en rejoignant les plus pauvres qu'on fait avancer le développement.
    Le deuxième défi est qu'il faut s'assurer que les plus pauvres sortent bel et bien de la pauvreté. Il ne suffit pas de voir si les prêts sont remboursés. Encore faut-il s'assurer que la microentreprise génère des profits de manière régulière.
    L'étude de l'impact social du microcrédit est fondamentale et c'est précisément l'un des rôles que les agences publiques, comme l'ACDI, doivent financer.

[Traduction]

    Quel est le rôle du secteur privé dans le développement de la micro-entreprise?
    Tout d'abord, la microfinance relève presque exclusivement du secteur privé. Très peu d'organismes d'État s'occupent de microfinance. C'est le secteur privé à but lucratif ou sans but lucratif. Les deux systèmes existent, mais ce qui importe, c'est que le profit ne doit pas l'emporter sur la mission sociale du fournisseur de microcrédit.
    La ligne de démarcation est difficile à tracer. Par exemple, on a beaucoup parlé de Compartamos Banco, un fournisseur de microcrédit au Mexique, qui offrait et offre toujours des prêts à un taux d'intérêt de plus de 90 p. 100 par année. C'est évidemment beaucoup, mais, par ailleurs, ce fournisseur de microcrédit est présent dans presque toutes les collectivités pauvres du Mexique et dessert surtout des femmes, à qui il accorde de très petits prêts. Son taux de pénétration est sans égal. Il faut donc éviter de juger trop vite. Il s'agit d'un sujet de controverse, qui mérite probablement un plus ample débat.
    Celui qui dirige un établissement de microcrédit fait partie évidemment du secteur privé, mais le secteur privé peut aussi aider les fournisseurs de microcrédit de différentes façons. Tout d'abord, ils peuvent fournir les capitaux nécessaires à la réaffectation des prêts. En fait, c'est là un domaine où les autorités publiques font piètre figure; elles n'ont pas les outils nécessaires. L'ACDI n'a pas les outils pour fournir des capitaux qui serviront à la réaffectation des prêts. L'organisme est efficace lorsqu'il s'agit de fournir une aide technique, mais vaut mieux se tourner vers le secteur privé pour les prêts de capitaux aux micro-entreprises.
    Les capitaux peuvent provenir des Canadiens. Très peu de gens le savent, mais les Canadiens ont la possibilité d'investir dans les micro-entreprises du monde en développement par l'intermédiaire d'organismes admissibles aux REER, comme la Fédération canadienne des coopératives de travail, par l'intermédiaire d'Oikocredit, qui est l'un des plus importants fournisseurs de microcrédit dans le monde.
    Autre exemple de la contribution du secteur privé: l'aide technique au microcrédit, dont Développement international Desjardins est un bel exemple. L'organisme assure un soutien et le développement de compétences pour le Réseau des coopératives des caisses populaires du Burkina Faso qui, à son tour, reçoit les épargnes des personnes moins pauvres de ce pays. Grâce à ces épargnes, il consent des prêts à des paysans très pauvres par l'entremise d'un réseau appelé Caisses Villageoises. Tout le monde y gagne. C'est une belle réussite.
    Outre cette aide technique générale, le secteur privé peut aussi offrir une aide de nature spécialisée, par exemple, des applications logicielles comptables pour les téléphones intelligents, pour les gens qui vont dans les villages, collectent les épargnes, offrent du crédit, etc.
    Il importe de bien comprendre le rôle complémentaire que le secteur financier peut jouer ici, en plus de tout cela. Le secteur financier peut aider ses clients à quitter graduellement le monde du microcrédit pour faire leur entrée dans le monde traditionnel des finances. Par exemple, la Banque Scotia en Amérique centrale et en Amérique du Sud a divers programmes et consent des prêts dont la moyenne varie entre 2 000 et 3 000 $, ce qui est, en fait, idéal pour des clients qui, grâce à des prêts de 200, 300 ou 800 $, ont réussi à bâtir une micro-entreprise à partir de rien et faire en sorte qu'elle atteigne presque la taille d'une entreprise de marché. Ils peuvent ensuite progresser jusqu'au secteur officiel.
    Au-delà de la microfinance, il y a le monde de la micro-assurance, dont j'aimerais vous parler un peu tout à l'heure.
    Avant de terminer, je tiens à vous parler de deux alliances importantes qui montrent le rôle complémentaire que le secteur privé peut maintenant jouer avec le secteur public dans le domaine de la santé publique. L'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, l'Alliance Gavi, est un exemple parfait de ce partenariat public-privé. L'alliance réunit tout un éventail de partenaires: ses donateurs, les pays en développement, les gouvernements, les compagnies pharmaceutiques, les organisations de la société civile et les fondations privées. Tous ces gens poursuivent un but commun, celui de fournir une immunisation bon marché au monde en développement.

  (0905)  

    Voici ce que fait l'alliance. Elle renforce les systèmes existants à tous les niveaux. Il convient ici de souligner également une initiative particulière du secteur privé et du gouvernement du Canada, le mécanisme de garantie de marchés pour le vaccin antipneumococcique, qui permet à des millions d'enfants du monde entier d'avoir accès à des vaccins. Voici ce qu'a fait le gouvernement du Canada. Il a offert une garantie aux compagnies pharmaceutiques qui étaient prêtes à fournir des vaccins bon marché partout dans le monde. Cette initiative a fait chuter le coût du vaccin antipneumococcique à 5 p. 100 du prix original du marché américain.
    Permettez-moi de terminer en vous parlant du fonds mondial qui, depuis sa création il y a une dizaine d'années, a mobilisé des entreprises privées, des grandes sociétés, des fédérations d'affaires, etc. ainsi que le secteur public et la société civile, qui désormais forment une grande alliance afin de combattre les pandémies de tuberculose, de paludisme et de sida. Le secteur privé a contribué, par exemple, pour 182 millions de dollars à ce partenariat en 2008. Les exemples les plus connus sont les initiatives de marketing comme RED qui, avec des partenaires comme American Express, Nike, Apple, Starbucks, ont permis de recueillir plus de 150 millions de dollars américains pour lutter contre le sida au Rwanda, au Ghana, au Lesotho et au Swaziland.
    Je pourrais également parler un peu plus tard des initiatives dans le secteur bancaire, où le Canada a quelques points forts, et également du secteur minier.

  (0910)  

[Français]

    En résumé, pour Résultats Canada, il est clair que le secteur privé peut jouer un rôle de premier plan dans le développement économique, en particulier dans le secteur de la microfinance.
     Par ailleurs, le secteur privé peut également jouer un important rôle d'appoint dans le domaine de la santé, en particulier en ce qui a trait à l'immunisation et à la prévention, dans le cadre de la lutte contre les grandes pandémies.
    Il me reste à vous remercier de l'occasion qui nous a été offerte de présenter notre point de vue. Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer notre première série de questions par Mme Sims, pour sept minutes.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier de votre présence aujourd'hui et de vos exposés très instructifs. Durant cette séance, j'ai beaucoup appris sur Brandaid et votre travail.
    Félicitations du travail accompli par votre organisation. Il y a quelques semaines, j'ai eu le plaisir d'assister avec mon collègue Dean à la conférence que vous avez organisée avec des bénévoles. J'étais très impressionnée de la détermination des bénévoles, qui venaient de partout au pays et qui consacraient leur fin de semaine à l'important travail de votre organisation. Je dois vous féliciter de votre excellente collaboration avec eux, parce que les séances d'information qu'ils ont tenues avec les députés après la conférence étaient très pertinentes.
    Nous parlons aujourd'hui de microfinance, de l'aide étrangère du Canada et du rôle du secteur privé. Mais je veux aussi prendre un moment pour dire que nombre de vos campagnes sont axées sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. J'ai beaucoup aimé que les groupes travaillent par région. Les gens avec qui j'ai discuté venaient de l'île et de la région de Vancouver. J'ai pu comprendre le travail effectué là-bas, et nous avons pu échanger.
    Votre travail concernant le sida, la tuberculose et le paludisme est excellent. Depuis que je travaille sur la Colline parlementaire, j'ai beaucoup appris sur la tuberculose, ses causes et ses conséquences. Nous savons que le fonds mondial permet de sauver des millions de vies, mais il connaît des temps très difficiles. J'ai lu à la une de certains journaux que le Fonds mondial pour la santé suspendait de nouveaux programmes et même qu'il réduisait la taille de certains programmes mis en oeuvre.
    Je félicite le gouvernement du Canada de son très généreux soutien envers le fonds. Dans vos dernières communications, vous avez dit:
Dites au gouvernement canadien que vous soutenez un engagement substantiel pour le fonds mondial qui appuiera des programmes économiquement avantageux pouvant sauver des vies en les protégeant de maladies infectieuses mortelles.
    C'est ce que vous avez communiqué.
    Toutefois, à force d'examiner la question, je commence à être un peu préoccupée par les programmes supprimés et ceux qui ne sont pas mis en oeuvre. Selon l'information recueillie, même si nous avons promis ce qui est selon moi un bon montant, je ne sais pas combien d'argent a été versé au fonds mondial. La dernière fois que j'ai consulté le site Internet, j'ai constaté que nous n'avions toujours pas versé les fonds. Je crains que nous mettions des vies en danger, si le fonds mondial est en si mauvaise posture.
    Donc, comment percevez-vous...

  (0915)  

    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je tiens simplement à signaler que le Canada a transféré tous les fonds promis jusqu'ici. Notre prochain paiement n'est prévu que pour l'année prochaine. Nous avons donc tenu promesse concernant le fonds mondial, et nous continuerons de le faire. Je veux simplement qu'un tel état de fait figure au compte rendu.
    Je ne suis pas sûr que c'est un rappel au Règlement, mais de toute façon, la parole revient à Mme Sims.
    Mme Lois Brown: Oui, c'en est un.
    Merci beaucoup de la précision. Le site Internet n'a peut-être pas encore été mis à jour. J'ai parlé des fonds promis, car le versement n'y est pas indiqué. Je suis contente de savoir que l'argent a été transféré et qu'un autre montant sera accordé l'an prochain.
    Avez-vous examiné la question avec l'ACDI et quelles informations avez-vous?
    Je suis heureux de constater que nous avons le même enthousiasme concernant le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et peut-être les mêmes préoccupations. Le fonds mondial pourrait recevoir davantage d'argent et réaliser d'autres miracles pour sauver des vies et protéger les gens de telles maladies infectieuses.
    Le fait qu'il n'y aura pas de nouveaux programmes avec le niveau de financement actuel constitue une préoccupation. C'est pourquoi le directeur de l'ONUSIDA a indiqué qu'il fallait organiser une séance d'urgence pour financer le fonds mondial. Mais nous devons bien sûr saluer la promesse du gouvernement du Canada de hausser sa contribution. La question des liquidités est essentielle. Une promesse n'est pas rien, mais au fond, c'est l'argent en banque qui compte.
    Le directeur général responsable nous a assuré que le paiement serait effectué avant le 31 décembre 2011. On ne m'a pas dit que l'argent avait été transféré. Le site Internet du fonds mondial n'est mis à jour qu'une fois par mois. Nous savons donc que le montant a été versé ou qu'il le sera dans les prochains jours. Nous assurons le suivi et nous n'avons toujours pas reçu de confirmation. Voilà où nous en sommes.
    Merci.
    La bonne nouvelle pour nous, c'est que mon collègue de l'autre côté de la table nous a dit que les fonds ont été versés. C'est simplement un retard dans la confirmation. Les fonds sont en banque.
    Vous avez accompli un excellent travail pour présenter les rôles des secteurs public et privé et la façon dont ils peuvent se compléter. Même si nous comprenons le rôle essentiel que le secteur privé peut jouer, pensez-vous que le secteur public a un rôle capital dans le développement international?
    Jean, il reste environ 30 secondes.
    Les paiements sont très importants. Si les prochains paiements pouvaient s'effectuer dès le départ, la différence serait énorme.
    Le secteur public est fondamental, et les Canadiens le savent. Nous aimons nos institutions de santé et d'éducation publiques. Je pense que nous devons exporter de tels modèles partout dans le monde.
    Merci.
    C'est très bien, vous avez terminé juste à temps.
    Mme Brown, puis Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux simplement clarifier la question du fonds mondial. Dernièrement, le Canada a haussé sa contribution. Nous avons tenu promesse à tous les égards. Il faut demander aux autres donateurs de participer de la même manière que le Canada.
    Concernant le paiement, j'hésite à le dire, mais le Budget supplémentaire des dépenses a fait l'objet de discussions en Chambre et, disons, d'un long débat au Comité des finances. Nous attendions avec impatience, mais le gouvernement ne peut pas dépenser avant l'adoption du budget par le Parlement. Les députés de l'opposition ont retardé l'adoption du budget et les paiements promis par le Canada.
    En ce qui a trait au versement dès le départ, il faut savoir que le gouvernement a besoin de ses propres rentrées. Les montants promis pour le Fonds mondial et d'autres organismes sont compris dans les budgets que nous devons adopter à la Chambre des communes. Les députés de l'opposition doivent comprendre que les budgets trimestriels font partie du processus qui permet de remettre l'argent promis. Je pense que la population doit comprendre cet aspect de la question.
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue. Je devais le mentionner pour le compte rendu.

  (0920)  

    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci beaucoup aux témoins de leur temps et de leurs exposés.
    Monsieur Brohman, quels problèmes Brandaid rencontre-t-il dans les pays émergents concernant la réglementation, la gouvernance, la sécurité et l'infrastructure disponible?
    Tout d'abord, je pense qu'il est pertinent de parler du livre Brand Aid: Shopping Well to Save the World. Il ne porte pas sur mon entreprise, mais sur l'aide apportée par les entreprises. Ce livre critique beaucoup Product Red et le fonds mondial. Je le recommande à tous ceux qui s'intéressent aux discussions sur la question.
    Je peux maintenant répondre à vos questions. Les problèmes d'infrastructure que nous rencontrons dans les pays émergents, surtout Haïti, sont très complexes et ils ne semblent pas diminuer. Pour ce qui est de l'infrastructure qui aide les producteurs, surtout les petits producteurs, à livrer leurs produits dans la capitale ou à l'aéroport, il faut surmonter plusieurs obstacles qui vont de l'absence de route à la réglementation, qui rend l'exportation si complexe qu'un artisan ou un petit producteur ne va même pas essayer de s'en occuper lui-même.
    Au projet Brandaid, nous y voyons une occasion de travailler en partenariat avec les petits producteurs dans les pays émergents et de leur donner les ressources, le savoir-faire et la compréhension du marché mondial qui leur font tout simplement défaut. Notre partenariat fonctionne très bien.
    Je pense que nous devons réexaminer notre hypothèse qu'après un ou deux ans, les gens sauront bien sûr comment s'y prendre. Le meilleur exemple de pensée magique, c'était que l'arrivée d'Internet et du commerce électronique allait forcément transformer l'économie mondiale des petits producteurs, qu'ils deviendraient leurs propres spécialistes du marketing et qu'ils auraient tous accès au marché mondial. Cette hypothèse ne s'est pas du tout réalisée.
    Il y a quelques années, le Centre de recherches pour le développement international a produit une étude marquante sur le commerce électronique et ses conséquences pour les petits producteurs. La conclusion était que la révolution du commerce électronique avait permis aux petits producteurs de rejoindre moins de 5 p. 100 du marché potentiel. La question est complexe. Il faut donc des professionnels pour créer une image de marque et faire du marketing.
    L'an dernier, 500 milliards de dollars ont été dépensés en publicité dans le monde, sans compter le marketing. En comparaison, l'industrie du cinéma, qui est très importante, dépense peut-être 35 milliards dans une bonne année. Nous ne comprenons même pas la publicité qui nous est présentée; elle est si omniprésente que nous ne la remarquons même pas. La grande majorité des petits producteurs dans les pays émergents sont tout à fait exclus de la publicité, s'ils veulent vendre leurs produits sur le marché mondial.
    Le projet Brandaid se fonde sur deux convictions profondes. D'abord, la pauvreté dans le monde est une occasion d'affaires. Certaines personnes voient peut-être la question comme une obligation morale de montrer leur nature charitable, mais c'est avant tout une occasion d'affaires. Avec la bonne approche, les PME, les grandes entreprises et les multinationales peuvent faire de l'argent. La conviction profonde à Brandaid, c'est qu'il faut faire des affaires pour régler tous les problèmes, notamment les problèmes d'infrastructure. Le commerce a été inventé pour créer de la prospérité où il y avait de la pauvreté et il est le seul à pouvoir le faire.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

  (0925)  

    Oui, c'était très instructif.
    Mon autre question s'adresse à vous deux. Pouvez-vous s'il vous plaît nous dire si le secteur privé doit participer davantage aux efforts de développement et pourquoi?
    Vous avez 45 secondes pour répondre.
    Nous sommes tous pour la participation du secteur privé. En fait, nous espérons qu'il va contribuer au fonds mondial dont nous avons parlé il y a un instant, parce que c'est important. Pour l'heure, les fonds permettent seulement de maintenir le statu quo. Il faudra d'autres dons, entre autres du secteur privé, pour renforcer la lutte contre ces pandémies. Bien sûr, l'aide sur place importe aussi. Oui, le secteur privé doit participer davantage.
    Merci beaucoup.
    Passons à M. Leblanc.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur présence ce matin et de leurs exposés. Je pense que nous les avons tous trouvés très intéressants et pertinents.
    Je vais poser trois questions, dont une à M. Brohman

[Français]

et deux à M. Tardif.

[Traduction]

    Je trouve le concept de Brandaid très intéressant. Je suis en grande partie d'accord avec vous sur l'importance de ce qui nous semble peut-être être des principes élémentaires de publicité et de marketing dans le secteur privé. Il faut ouvrir le marché aux économies émergentes et aux artisans locaux qui ne croyaient pas pouvoir y accéder. Si les choses sont faites correctement, ces gens pourront en profiter beaucoup.
    Vous avez parlé de certains obstacles. Si je ne m'abuse, vous êtes très actifs en Haïti. Je suis curieux de connaître les autres projets auxquels vous songez. Vous avez parlé du manque d'infrastructure et d'autres obstacles. Par expérience, je sais que l'administration gouvernementale de certains pays émergents peut baigner dans la corruption. Si on veut charger un conteneur rempli de meubles pour le transporter par bateau de Port-au-Prince au Macy's, il faut plus qu'un camion. Il doit y avoir une série interminable d'obstacles administratifs, dont certains ouvrent la voie à la corruption.
    Je me demande si c'est le cas et comment vous pouvez aider les artisans victimes de l'administration, de la police et d'autres entreprises locales. Je pense que toutes les étapes à suivre pour vendre ses produits sur le marché doivent rendre les artisans très vulnérables aux profiteurs. J'aimerais en savoir plus là-dessus.

[Français]

    Monsieur Tardif, je vais poser mes questions en rafale et je vais peut-être avoir le temps d'entendre vos réponses par la suite.
     Vous avez dit deux choses qui ont vraiment suscité mon intérêt, notamment que les secteurs financier et minier étaient des domaines où le Canada avait certains atouts de même qu'un certain leadership. Vous avez manqué de temps pour nous donner plus de détails à ce sujet. Je serais curieux d'en entendre davantage.

[Traduction]

    Vos commentaires sur le microcrédit et le fait que les profits ne doivent pas porter ombrage aux objectifs sociaux m'intéressent aussi. Monsieur Brohman, vous avez d'abord dit qu'un aspect important des affaires, c'était le profit et qu'il fallait le comprendre.
    Je me demande comment vous envisagez de conjuguer microcrédit et profit. Je ne suis pas en désaccord avec vous, mais je voudrais que vous donniez des précisions, car c'est peut-être le noeud du problème. Nous avons tous réagi en entendant parler d'un taux d'intérêt de 90 p. 100; cela semble révoltant. Mom Boucher et les Hells Angels fonctionnent peut-être ainsi; on ne dirait pas qu'il y a un objectif social. Mais vous avez presque dit que ce genre de prêt usuraire avait peut-être un objectif social. J'aimerais obtenir des précisions à ce propos.
    Merci.
    Les infrastructures posent un problème partout. Quant à la corruption, comme vous dites, nous considérons que c'est système différent. Nous n'appelons pas cela corruption; c'est simplement un système différent, une manière différente de brasser des affaires. C'est ainsi qu'il faut la comprendre et la considérer.
    Dans des pays comme Haïti, l'exportation ne pose pas tant de difficultés. Ce qui est lucratif, c'est l'arrivée des conteneurs au pays, c'est les droits d'importation et de douane, qui permettent habituellement de retenir les produits pour pratiquer l'extorsion.

  (0930)  

    Donc, d'après votre expérience, l'artisan local qui connaît un certain succès économique grâce au travail de Brandaid et de vos partenaires n'a pas encore été victime d'extorqueurs sur la route qui relie sa petite usine ou son atelier au port et au bateau?
    Pas tellement. L'extorsion frappe surtout les produits importés. Comme je l'ai dit, il faut la voir comme un système différent. Il faut la comprendre simplement de manière différente et y réagir comme il se doit.
    Donc, plutôt qu'un droit de douane ou quelque chose de semblable, c'est, d'après vous, une autre manière d'acquitter ce que, autrement, nous considérerions comme des frais.
    Ou des taxes.
    Des taxes qui n'ont rien d'officiel et qui, rarement, alimentent le Trésor.
    C'est juste. Mais c'est une forme de redistribution de la richesse.
    Qui la concentre entre des mains que nous considérerions comme criminelles.
    Je vous taquine.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Tardif?
    Parlons des secteurs financier et minier. Ce sont des secteurs pour lesquels le Canada possède un avantage comparatif. En effet, les banques sont plus importantes, et le secteur minier est très largement présent au Canada et ailleurs dans le monde.
    Je souhaite donner deux exemples. Ce ne sont pas des exemples canadiens, mais le Canada pourrait les copier très facilement. Tout d'abord, au Ghana, en Afrique, la compagnie AngloGold Ashanti a soumis une proposition au Fonds mondial pour lutter contre la malaria et le paludisme et a reçu des fonds pour la mise en oeuvre d'un projet. Ce projet a connu un grand succès. La compagnie a elle-même fourni plus de 1,7 million de dollars en équipement, expertise et infrastructures pour les cinq ans du programme. C'est donc un exemple où le secteur privé a vraiment joué un rôle de leadership.
    Ensuite, dans le domaine bancaire, il faut souligner que la Standard Bank, en Afrique du Sud, a conclu une entente bénévole afin de fournir de la formation financière à ceux qui recevaient de l'argent du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, afin de savoir comment gérer les fonds, etc. La banque a donné cette formation financière et comptable. C'est une chose très simple, mais qui a une incidence très pratique et utile sur le terrain. Ce sont donc deux exemples que je voulais souligner.
     Il y a deux choses à souligner en ce qui a trait au taux de 90 p. 100. On est en faveur du profit, mais pas du profit excessif. Le pourcentage de 90 p. 100 est très élevé. Par contre, il y a deux semaines, j'ai parlé aux représentants mexicains du secteur à but non lucratif qui étaient présents au cinquième sommet mondial du microcrédit en Espagne. Après leur avoir demandé combien ils demandaient, ils m'ont répondu qu'eux aussi demandaient 90 p. 100. Le secteur privé et le secteur à but non lucratif demandaient le même montant.
    Il faut aussi mentionner qu'on accepte le profit essentiellement pour assurer la pérennité de l'entreprise, sa viabilité financière, mais pas pour enrichir les investisseurs, comme le souligne clairement Muhammad Yunus lui-même. Cela permet à l'entreprise de défrayer ses coûts. On a un exemple très clair de cela en dehors du microcrédit. Il s'agit de l'association entre la Grameen Bank et la compagnie Yogourt Danone au Bangladesh. Cela a permis de fournir des yogourts à très bas prix partout au Bangladesh. Ces yogourts contiennent des suppléments nutritifs, des micronutriments pour élever le niveau de nutrition au Bangladesh. Cela a été fait de manière à couvrir tous les coûts de l'expansion partout au Bangladesh sans repayer les investisseurs. C'est ce que l'on appelle de l'entreprise sociale. C'est un modèle important, je crois, pour qu'il y ait une contribution du secteur privé au développement international.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous entreprenons maintenant le deuxième cycle de questions, et chaque intervenant dispose de cinq minutes.
    Madame Brown.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Et merci beaucoup aux témoins.
    Monsieur Brohman, vous avez récemment dit que la pauvreté à l'échelle planétaire offre l'occasion de brasser des affaires et que, pour résoudre les problèmes, il faut de l'activité économique. Je suis d'accord. Je pense qu'il y a d'excellentes occasions à saisir.
    Mes voyages m'ont permis de visiter des économies émergentes. Je suis allée au Bangladesh, avec Résultats Canada, quand Katy Wright dirigeait cette délégation, et j'ai beaucoup appris.
    J'ai eu l'occasion de passer une heure avec Muhammad Yunus. Les membres du comité devraient lire son livre, Banker to the Poor. Cela n'a rien d'altruiste. Les banques Grameen et BRAC se font concurrence là-bas de la même façon que la banque de Montréal et la Banque royale ici. Elles avouent bien franchement pratiquer un taux d'intérêt fixe de 20 p. 100. Ce sont donc des entreprises à but lucratif, qui offrent des services bancaires, vendent des assurances, des téléphones cellulaires — elles touchent à tout.
    Voici ma question: quel rôle voyez-vous pour le microcrédit? Va-t-il permettre de créer des emplois et des profits pour les entreprises afin de les encourager à persister?
    J'aimerais également savoir, en ce qui concerne les emplois créés par l'entremise de Brandaid, quel est le taux d'emploi. Quels changements entraînent-ils sur le mode de vie? Est-ce que cela entraîne des transformations dans les familles qui peuvent désormais consacrer les profits à l'éducation, à de meilleures conditions de vie ou aux soins de santé?
    Pouvez-vous nous livrer des observations à ce sujet?

  (0935)  

    En ce qui concerne le microcrédit, j'ai observé le phénomène de près et, assurément, les artisans affirment sans cesse qu'ils ne contractent pas d'emprunts à moins d'avoir une commande. Ils ne s'endettent pas à moins de savoir qu'ils peuvent rembourser l'argent, parce que leurs familles et eux s'enfonceront.
    Je pense qu'il faut retenir que, tout comme dans notre société, on peut s'adresser à une banque pour obtenir un prêt et brasser des affaires, mais si on ne peut pas vendre ses produits et les mettre sur le marché, on s'endette et on aggrave sa situation. Cela nous montre que, outre le microcrédit — particulièrement quand leurs produits sont exportables — les producteurs ont aussi besoin de la micromercatique. La micromercatique a essentiellement été inventée par le projet Brandaid, et nous sommes en train de la développer.
    J'ai oublié la deuxième partie de votre question.
    C'était au sujet de la création d'emplois créés et de la modification des modes de vie qu'elle entraîne chez les Haïtiens que vous fréquentez.
    Permettez-moi d'expliquer l'importance de la marque, parce que je pense que, dans notre société, c'est quelque chose que nous tenons souvent pour acquis. C'est un mot dont nous pensons connaître la signification.
    Dans une économie émergente, la marque est cruciale, parce qu'elle touche la question de la propriété intellectuelle. Je peux vous donner l'exemple, vu sur le terrain, à Haïti, de Donna Karan, la marque DKNY, une marque importante au niveau mondial. Donna Karan est allée à Haïti, comme Macy, et elle a commencé à faire des affaires avec de très petits producteurs, des ateliers, des micro-entrepreneurs, qui avaient trois à cinq employés. Ces sociétés se sont simplement comportées comme d'habitude, profitant, dans les petites économies, du désespoir des petits joueurs qui ont besoin de remplir leurs carnets de commandes. Elles ont donc acheté des produits, elles les ont fait produire sous leurs marques...
    La marque capture la valeur du produit. C'est pourquoi elle existe. C'est pourquoi quelqu'un qui vend sans autorisation un produit sous le nom de Nestlé ou de Tim Horton est poursuivi par une nuée d'avocats et perd beaucoup d'argent. La marque protège la valeur. C'est vrai pour les micro-producteurs. J'aimerais citer une étude effectuée dans l'ouest de l'Afrique par Light Years IP, une grosse organisation de Washington, sur l'effet des grandes marques sur les petits producteurs de café et, également, je crois, de cacao. Elle a conclu que les petits producteurs retenaient moins de 3 p. 100 de la valeur à la source, parce qu'ils vendent leur café à Nestlé, le premier acheteur de café de la planète, et la marque Nestlé capture cette valeur.
    Cela a conduit à des rebondissements très intéressants. Le chocolat Divine a été créé en partenariat avec des Européens et 20 000 producteurs de cacao du Ghana, dans l'ouest de l'Afrique. Avant l'arrivée de cette marque sur le marché, ces producteurs vendaient leur chocolat à Hershey. Hershey, qui possède la marque, empochait l'argent. À l'époque, il fixait le prix du cacao, qui baissait d'une année à l'autre, au point que, comme dans le secteur du café, les producteurs perdaient de l'argent, parce qu'ils n'avaient aucune emprise sur la chaîne de valeur. Ils ne pouvaient capturer aucune valeur à la source.
    Puis le chocolat Divine est arrivé. C'était une marque créée par un partenariat moitié-moitié entre de brillants mercaticiens européens et les producteurs, une coopérative de 20 000 producteurs de cacao. Sa mise en marché a eu beaucoup de succès en Europe, et la valeur de la marque revient aux propriétaires, les producteurs de cacao.
    C'est ce que fait le projet Brandaid. Les études de référence que nous avons réalisées pour ce projet de l'ACDI concernent quatre collectivités. Elles se situent au début du projet. Nous voulons montrer que la création de marques protège la propriété intellectuelle — dans ce cas, la conception des produits par les artisans —, que les produits iront sur le marché sous un nom de marque appartenant aux artisans et que la valeur capturée à la source sera de 20 à 25 p. 100. Actuellement, comme je l'ai dit, cette valeur est de moins de 3 p. 100, parfois moins de 1 p. 100. Pour chaque dollar de produits exportés, cinq à dix cents restent à Haïti — et c'est vrai pour l'habillement, les produits de base, les mangues, le café, tout.
    La création d'une marque est donc essentielle à la capture de la valeur et à la sécurité du marché et de la part de marché.
    Est-ce que c'était assez clair?

  (0940)  

    Excellent. J'aurais aimé en entendre davantage, mais le temps manque. Tous ces échanges sont intéressants.
    C'est maintenant le tour de Mme Sims, qui dispose de cinq minutes.
    Je céderai bientôt la parole à Hélène.
    Dans le vrai monde et ici même, dans cette salle, il est notamment manifeste que le fonds mondial est mal en point et que, à cause de cela, il remplit mal son rôle. Le Canada s'est engagé à son égard, il y a un an, et je pense que les responsables du fonds s'attendaient à recevoir de l'argent chaque année. Je sais que le budget des dépenses n'a été adopté que la semaine dernière, mais l'engagement a été pris il y a longtemps. Je tiens à ce qu'il soit su que, d'après l'information que nous possédons, le fonds mondial n'a pas reçu la part promise par le Canada, de 180 millions de dollars. Le montant sera versé, mais le versement n'a pas encore eu lieu.
    Je cède la parole à Hélène.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. La date à laquelle l'argent doit être versé au fonds mondial est le 31 décembre. Le Canada s'est engagé à faire le paiement à cette date.
    Je suis si heureuse d'apprendre qu'il n'a pas encore été versé.
    Merci.
    Le montant n'est pas en souffrance.
    Je pensais que nous parlions de paiements privés.
    Madame Laverdière, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être venus et d'avoir fait des exposés très intéressants.

[Français]

    En écoutant les discussions sur le microcrédit, j'ai eu l'impression à certains moments — mais je peux me tromper — qu'on parlait de deux réalités. M. Brohman nous a beaucoup parlé d'une forme probablement plus institutionnelle de microcrédit. Il était question de bulletins de commande, d'exportation, et ainsi de suite.
    D'autre part, il y a une branche du microcrédit qui est peut-être plus traditionnelle, soit celle que j'ai connue en Afrique et au sujet de laquelle M. Tardif disait qu'il fallait rejoindre les plus pauvres parmi les plus pauvres. Il s'agit d'un microcrédit qui me semble beaucoup moins reposer sur des notions comme l'acquisition de parts de marché, l'exportation et les bulletins de commande. Dans une petite communauté, le but est de pouvoir acheter le nécessaire pour fabriquer du tissu et le vendre à ses voisins.
     Est-ce que je me trompe en disant qu'il y a une distinction à faire entre ces deux approches?

  (0945)  

[Traduction]

    Vous avez raison. Je pense que j'ai mentionné que les produits des producteurs avec qui nous faisons affaire ont une chance d'être exportés. Je suis entièrement d'accord! Les femmes des régions rurales, particulièrement, ont besoin d'un peu de crédit pour s'acheter des fournitures pour leurs petites entreprises. Je pense que ce crédit leur est indispensable.

[Français]

    J'ai également écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation de Résultats Canada à propos du fait que...

[Traduction]

    Je suis désolée pour les traducteurs; je saute d'une langue à l'autre parfois, en fonction de ma maîtrise du vocabulaire.
    Le secteur public est mieux équipé pour fournir des biens publics tels que l'éducation. Je pense que vous avez mentionné quelques études sur le sujet et j'aimerais que vous en disiez davantage.
    J'allais simplement dire que la théorie des biens publics est très simple: qui profite d'une population indemne de maladies contagieuses? Nous tous. Ce n'est donc pas un bien privé que de vivre dans un monde sans maladie. En fait, nous en profitons tous. Un investisseur privé ne sera donc pas en mesure de capturer une valeur privée dans cette situation. C'est pourquoi les autorités publiques sont sans contredit en meilleure posture, parce qu'elles représentent l'intérêt public.
    Cela dit, je pense que nous savons tous ici que nous ne voudrions pas que les services d'éducation ou de santé de notre ville minière dépendent du bilan de l'exercice d'Inco ou qu'ils ne font plus partie de la stratégie de marque de l'entreprise. C'est simplement absurde. La solidité de l'ossature des systèmes de santé est vraiment importante. Je pense que la plupart des organismes et la plupart des pays sont d'accord. Les États-Unis continuent de croire beaucoup dans le secteur privé, mais je ne pense pas que, dans ce domaine, leurs antécédents inspirent tellement confiance.
    Donc, globalement, nous dirions que ce n'est pas sujet à discussion. La vraie question est la suivante: est-ce que le secteur privé peut aider à la prestation de certains services? Peut-il aider à une partie du financement, etc.? Il existe des mécanismes innovants de financement, par exemple, où l'État peut émettre des bons payables ultérieurement ou offrir des prix grâce à des garanties de marché. Le secteur privé peut aider à la commercialisation de ces bons et à la participation à des exercices de stratégie de marque. Je pense que nous devons rechercher ces types de partenariats — qui n'exercent pas d'effet de substitution mais, en quelque sorte une synergie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wallace, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis heureux d'être ici, ce matin. Je tiens à remercier nos invités d'être venus.
    Je ne suis pas un membre régulier du comité, mais je suis heureux de me trouver ici. Mes questions se concentreront sur le projet Brandaid, pour m'éclairer. Il y a une fondation Brandaid, puis les collections Brandaid. Est-ce que ce sont deux organisations? Est-ce deux vases communicants de la même organisation?
    Eh bien, c'est un modèle hybride, dont une partie est à but lucratif et l'autre non.
    Est-ce que les collections sont à but lucratif?
    Oui.
    Quand vous êtes en rapport avec un artisan à Haïti, est-ce que les Collections vous cèdent d'éventuels revenus? Comment est-ce que cela fonctionne?
    Eh bien, le projet Brandaid forme un partenariat avec des associations d'artisans dont les produits répondent à ses commandes. Il exporte ensuite les produits sur les marchés mondiaux. Il trouve des marchés pour ces produits.
    Votre organisme s'occupe donc de la commercialisation qui n'existait pas avant, et vous prélevez une part des recettes. Est-ce exact?
    Nous ne sommes pas contre un profit normal.
    Oui, d'accord.
    Alors, à quoi sert la Fondation?
    Après le séisme, en particulier, nous avons fait du bon marketing. Nous avons passé des commandes. Nous avons découvert que les producteurs ne disposaient plus d'ateliers. Il fallait une subvention. Il arrive même au secteur privé d'avoir besoin d'être subventionné dans les économies émergentes, mais l'État ne donnait pas de subventions. Nous avons donc créé une fondation pour recueillir l'argent qui servirait à la reconstruction, pour créer une infrastructure qui n'existait pas, pour que les entreprises deviennent rentables.
    La fondation Brandaid a été créée pour recueillir de l'argent du fonds Clinton-Bush pour Haïti. Nous avons recueilli environ 100 000 $. Nous avons reconstruit 10 ateliers. Ils ont permis de remplir les commandes.

  (0950)  

    La Fondation, donc, accepte les dons en argent — je ne sais rien au sujet des fournitures — puis elle n'aide que les organismes de vos collections Brandaid. Ou aide-t-elle...
    Non, elle reconstruit des ateliers, sur la recommandation de l'association des artisans. Brandaid ne choisit pas les ateliers à reconstruire; c'est la collectivité qui fait ce choix.
    Pourquoi aviez-vous besoin de l'ACDI?
    Nous n'avons pas eu besoin de l'ACDI. Nous avons pensé que le projet Brandaid était un modèle couronné de beaucoup de réussite. Nous croyons en lui. C'est pourquoi nous avons rédigé une proposition de projet et nous l'avons soumise à l'examen de l'ACDI, parce que nous recommandions que le gouvernement canadien appuie le lancement de marques, pour toutes les raisons que j'ai énumérées. L'ACDI nous a répondu que ce n'était pas le principal objectif de la présence du Canada à Haïti. Son principal objectif est la professionnalisation de la police et la réforme judiciaire. Mais quand le séisme a frappé Haïti et que le projet Brandaid a obtenu la participation de Macy, nous avons fait la une du Globe and Mail. Le gouvernement du Canada nous a contactés pour avouer que nous avions une bonne idée, après tout, et qu'il voulait y participer.
    Est-ce que c'était par l'entremise des Collections ou de celle de la Fondation?
    C'était par l'entremise des Collections, sous l'égide de la société Brandaid Project.
    Comme mon collègue Dominic l'a mentionné, nous avons tous tiqué sur le taux d'intérêt de 90 p. 100, etc. Quel est le sentiment des collections Brandaid, à l'égard de ce taux faramineux? Pour nous, les gens semblent payer des intérêts énormes.
    Est-ce que votre groupe a une opinion là-dessus?
    Oui, nous avons une opinion. Je pense que c'est scandaleux. C'est ce qui a lancé Muhammad Yunus d'une certaine... Le microcrédit a commencé par une étude concrète dans une université du Bangladesh. Cette histoire a permis à 700 000 déposantes d'être propriétaires de la banque. Je pense que ç'a été un succès énorme. Mais, bien sûr, ç'a montré à toutes les banques privées de la planète la rentabilité de cette clientèle. On ne peut pas réglementer tous les prêteurs d'argent dans le monde.
    On lit ici que vous êtes le cofondateur de Brandaid. Qui est l'autre fondateur?
    C'est Tony Pigott, président de J. Walter Thompson, JWT.
    D'accord.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste 30 secondes.
    Merci pour le temps que vous m'avez accordé.
    De rien.
    Nous entreprenons un nouveau cycle de questions.
    La parole est à M. Dechert, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être venus. Je pense que chaque organisme effectue un travail très intéressant.
    J'aimerais poser quelques questions à M. Brohman.
    Je pense que nous sommes tous allés dans des pays en voie de développement. Nous pensions tous que, probablement, les produits de ces pays n'étaient pas de qualité ou n'avaient pas beaucoup de valeur. Mais une fois sur place, on s'aperçoit que l'artisanat, notamment, offre des produits de qualité très intéressants. Mais l'Occident n'est pas au courant.
    J'ai toujours été frappé par la perception qui existe, dans les pays développés, selon laquelle rien de ce qui provient d'Haïti ou de certains pays d'Afrique ne pourrait avoir beaucoup de qualité. C'est pourquoi on ne se donne même pas la peine de regarder ces produits. Comment votre organisation contribue-t-elle à corriger cette perception? À quel point est-ce important dans votre champ d'activité?
    Que cette question est douce à mon oreille! Elle concerne vraiment notre activité de prédilection.
    Je dois vous parler de mon parcours. Je suis allé à Londres, discuter avec Selfridges. Pour ceux qui ne savent pas — on peut visiter son site Web — Selfridges se targue d'être le grand magasin le plus branché de la planète. Et c'est certainement vrai. C'est un endroit incroyable. On n'y vend pas que des produits. Le magasin organise des manifestations sur place pour attirer la clientèle, capter l'attention des médias et participer à la vie culturelle. À cette fin, il est à l'affût de choses et d'idées nouvelles.
    Nous lui avons présenté un concept appelé « Voodoo Nouveau ». Bref, il l'a avalisé. Voodoo Nouveau répond à votre question sur le problème de l'image de marque d'un pays et sur son effet sur l'économie de ce pays.
    Je suis allé à Haïti pour la première fois en 1977. J'étais jeune, je cherchais l'aventure, et c'était l'endroit le plus effrayant de la terre. Je voulais y aller pour découvrir ce qui était si effrayant et j'ai certainement trouvé la réponse. Au cours des 25 années qui ont suivi, j'ai vu à quel point la sinistre réputation du pays avait complètement fait fuir l'investissement et le tourisme. Elle a isolé le peuple, la culture et le pays. Bien sûr, cela n'a rien rapporté à l'économie nationale, à la population. Cela a simplement contribué au déclin constant de l'économie et à la pauvreté extrême. Au cours des 25 dernières années, Haïti s'est appauvrie à cause de cette réputation.
    C'est en changeant l'image de marque d'Haïti que le projet Brandaid s'est vraiment aiguisé les dents. Je pense que le point culminant a été l'identification de la véritable nature du problème. C'est le vaudou. Grâce au programme de démonisation de Hollywood, qui se poursuit depuis des décennies, les gens pensent que le vaudou est... Eh bien, nous savons ce que les gens pensent du vaudou. En fait, c'est le coeur et l'âme d'un peuple. C'est une tradition religieuse incroyablement courageuse. Au 20e siècle, Haïti a connu deux fois l'occupation. Chaque fois, le vaudou a été mis hors la loi. Il était illégal de danser ou de battre du tambour. Les temples ont été rasés, et les objets sacrés brûlés. Enfin, le président Aristide, peu importe votre opinion sur l'homme, a érigé le vaudou en religion nationale, par décret présidentiel, et tous les Haïtiens ont poussé un soupir de soulagement, parce qu'ils ne se sentaient plus honteux de cette grande tradition spirituelle.
    Nous attaquer au problème de l'image de marque directement et essayer de le résoudre dans un contexte économique, voilà vraiment le programme très stimulant que nous allons lancer avec Selfridges durant la Semaine du design à Londres, en septembre prochain.

  (0955)  

    Conseillez-vous effectivement les petits entrepreneurs artisans sur la conception de leurs produits, leur fabrication et leur qualité?
    Oui, merci. La commercialisation comprend le design, qui est un élément très important.
    L'emballage également...?
    L'emballage, mais la conception particulièrement... Dans le projet de l'ACDI nous travaillons bien sûr avec Patty Johnson, conceptrice industrielle canadienne de réputation internationale. Elle conçoit des produits tout à fait originaux en s'inspirant des savoir-faire traditionnels. Le concepteur moderne arrive dans ce genre d'environnement et, en collaboration avec les artisans qui possèdent les traditions culturelles et les techniques anciennes, il canalise la fusion. À la confluence de la conception pour les marchés modernes, cela donne des résultats très stimulants, de nouveaux et excellents produits. Nous avons donc haussé la production, donné au produit un nouveau prix arrondi et nous l'avons habillé de nouvelles attentes.
    Avez-vous l'impression de créer une nouvelle catégorie d'entrepreneurs dans un pays comme Haïti? Pensez-vous que votre organisation pourra se retirer dans l'ombre pour les laisser voler de leurs propres ailes?
    Les artisans ne sont pas des mercaticiens, et, en dépit de nos espoirs, nous avons dû apprendre cette dure leçon. Je pense que votre question laisse entendre qu'il y a place pour un nouveau groupe de joueurs, une nouvelle vocation, de nouveaux emplois de micromercaticiens, qui répondront aux besoins des microproducteurs, des micro-entrepreneurs et des micro-entreprises. À l'ère du commerce électronique par Internet et de la mondialisation, je pense que cela peut très bien fonctionner. Nous formons ces nouveaux acteurs à la faveur d'un processus-pilote et je pense que, d'ici la fin du projet de l'ACDI, qui se termine au début de 2013, nous aurons créé une nouvelle profession, celle de micromercaticien, qui sait commercialiser les produits sur le Web et collaborer avec les petits producteurs. Les artisans sont des artistes; ce ne sont pas des mercaticiens.
    Merci.
    Simplement pour savoir, avant de céder la parole à Mme Sims, est-ce que le projet de l'ACDI aide de cette manière? Quels sont exactement les résultats de ce projet de l'ACDI ou qu'est-ce que l'ACDI espère faire?
    Il existe des résultats officiels et concrets en ce qui concerne la valeur des exportations. Il y a un objectif en vertu duquel nous devons vendre tant de produits. En outre, l'ACDI nous répète continuellement qu'elle est très attentive aux avantages incorporels, aux choses qui peuvent ne pas contribuer directement à la valeur d'exportation, comme les séminaires que nous avons conçus. Nous en avons conçu trois, qui se succéderont jusqu'en 2012, où des gens de JWT Montréal, des mercaticiens professionnels, les meilleurs du monde, iront à Haïti, où des organisations d'artisans d'Haïti, Femmes en Démocratie et ainsi de suite, réuniront des représentants du secteur de l'artisanat et où nous nous approprierons la création de marques, la micromercatique et tout ce secteur.
    Donc une partie de la tâche de l'ACDI consiste à aider les gens à devenir autonomes, par le marketing, etc., la découverte d'une...?
    Oui.

  (1000)  

    D'accord, excellent. Très bien.
    De retour à Mme Sims.
    Merci.
    Je veux vraiment vous féliciter pour avoir mis en contact Selfridges et vaudou. Je dois vous dire que c'est l'un de mes magasins favoris lorsque je retourne en Angleterre. Je devrai désormais accorder une attention spéciale à l'élément vaudou, n'est-ce pas?
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Jinny Jogindera Sims: J'aimerais obtenir un éclaircissement par rapport à quelque chose que vous avez dit tout à l'heure. C'est bien le gouvernement qui a communiqué avec vous, plutôt que vous qui avez répondu à une demande de propositions de l'ACDI?
    Non, nous avons présenté notre proposition à l'ACDI bien avant que l'on communique avec nous. On nous a dit que notre proposition était excellente, mais qu'elle ne s'inscrivait pas dans les mesures ciblées par le gouvernement canadien à Haïti. La production artisanale ne faisait pas partie de leurs secteurs d'intervention là-bas. Mais, comme je l'indiquais, après le tremblement de terre, la fondation Clinton a convoqué à New York un sommet intitulé l'Initiative mondiale Clinton que l'on nous a demandé de diriger en raison de notre travail dans le secteur artisanal haïtien au moment du séisme. Nous avons commandé immédiatement une étude d'évaluation et nous nous sommes rendus à New York pour diriger cette conférence en misant sur l'expertise acquise. À partir de là, les choses se sont enchaînées.
    Je vous remercie.
    Ma question suivante s'adresse au représentant de Résultats Canada. Je pense que vous avez bien illustré la nature symbiotique du soutien du secteur privé au travail extraordinaire déjà accompli par le secteur public. Il est bien évident que le NPD n'a pas manqué de souligner constamment l'impact du gel de notre aide et les dommages concrets qui en ont résulté sur le terrain, notamment au chapitre des programmes. Nous savons que vous intervenez de façon très efficace pour faire valoir l'importance de ces enjeux. Comme certains de mes collègues, je reçois à mon bureau des gens qui nous demandent de dégeler notre budget d'aide. Comme vous le savez, malgré les temps difficiles que traverse son économie, la Grande-Bretagne va respecter l'engagement de 0,7 p. 100 qu'elle a pris il y a un certain temps déjà. Pourriez-vous donc nous expliquer en quoi il est si important de mettre fin à ce gel?
    C'est une question extrêmement importante. À Résultats Canada, nous constatons que notre économie ne croît pas aussi rapidement qu'on le souhaiterait. Mais elle croît tout de même pendant que notre budget d'aide reste stable, ce qui signifie que notre aide représente une proportion de plus en plus ténue de notre richesse nationale. Nous ne voudrions pas que cette situation perdure pendant plusieurs années consécutives. Nous faisons déjà partie des nations les moins généreuses, et nous ne voulons pas glisser vers le bas du classement. Il nous faut renverser la tendance. Au minimum, notre aide doit pouvoir compenser l'inflation et la croissance de la population dans les pays en développement, ce qui nous permettrait d'avoir le même impact quant au nombre de vies sauvées. Nous devons poursuivre l'expansion de nos programmes d'aide pour pouvoir continuer à lutter contre les pandémies, offrir une éducation aux 67 millions d'enfants qui n'ont pas accès à une école, et permettre à ces populations de bénéficier d'eau potable et d'installations sanitaires.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de vos exposés, messieurs.
    Monsieur Tardif, vous avez souligné l'importance du secteur public en ce qui a trait au financement et au développement. Le service public est donc garant, d'une certaine manière, de l'apport des entreprises du secteur privé au développement. Cette notion est importante à mes yeux. Il faut donc, bien évidemment, maintenir le cap et continuer dans ce sens.
    Ma question concerne la pérennité de ces projets. Elle s'adresse à vous également, monsieur Brohman. Comment et à partir de quel moment la population locale pourra-t-elle être responsable directement de son développement?
    Je vais commencer, si vous voulez.
    Je pense que c'est assez fondamental. Je vais donner l'exemple de la compagnie minière Teck Cominco, au Canada. Elle appuie des programmes de micronutriments, plus précisément de zinc. Il s'agit donc de l'apport de zinc pour des populations très pauvres, par exemple au Sénégal. Cela leur permet de se prémunir contre les effets de la diarrhée. C'est excellent, mais on ne peut pas baser le développement du Sénégal sur des apports étrangers. Il faut donc pouvoir renforcer les systèmes locaux de santé, de nutrition et d'éducation.
    La communauté internationale est, dans une large mesure, favorable à cela. Je pense que le secteur privé, aussi, voit son rôle comme étant celui de fournir un apport, un appui et un appoint, en fait, plutôt que celui de constituer un substitut. Je pense que c'est tellement mieux comme ça, dans le secteur social en particulier.

  (1005)  

[Traduction]

    Madame Groguhé, c'est tout le temps que nous avions.
    Nous allons terminer avec Mme Brown. Nous prendrons ensuite une brève pause avant de discuter des travaux du comité.
    Madame Brown.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur le président, je voudrais que l'on prenne acte du fait que le Canada a doublé son aide à l'Afrique depuis que nous formons le gouvernement. Plus important encore, notre aide n'est plus liée, ce qui permet une utilisation plus efficiente des fonds. Ainsi, une aide plus soutenue peut aller aux économies émergentes et aux pays en développement où les organisations sur place profitent de ressources financières accrues pour acheter des vaccins au meilleur coût possible de telle sorte que plus de gens puissent en bénéficier. Lorsque notre aide était liée, moins de gens avaient accès aux vaccins en raison des coûts. Il est important que les Canadiens le sachent.
    Monsieur Brohman, nous avons reçu comme témoin il y a quelques semaines M. Hernando de Soto. Je ne sais pas si vous connaissez son travail.
    Je suis heureuse que ce soit le cas, car je n'aurai pas à faire de mise en contexte.
    Parmi les choses importantes dont il nous a entretenus, il y avait la question des droits de propriété. Il nous a expliqué à quel point cela pouvait poser problème au sein des économies émergentes, car les gens qui souhaitent devenir entrepreneurs y opèrent en marge des limites de la légalité. Il soulignait, entre autres le cas des entrepreneurs qui souhaitent lancer leur entreprise, mais n'ont pas accès aux capitaux nécessaires parce qu'ils ne possèdent aucun actif immobilier.
    J'aurais donc une question au sujet de ces artisans auxquels vous venez en aide. La question des droits de propriété, notamment pour les biens immobiliers, est très problématique en Haïti, un pays dont le système judiciaire est extrêmement limité à l'heure actuelle. Comment protégez-vous ces droits?
    Et si je puis me permettre d'ajouter une question, pourriez-vous nous dire combien de femmes participent à ces groupes de production artisanale?
    Par ailleurs, en aidant ces gens à accéder à la rentabilité, dans quelle mesure contribuez-vous à diminuer les besoins d'aide financière à venir pour ces pays?
    Finalement, j'avais plusieurs questions.
    Votre première question concernait la recommandation de M. de Soto voulant que l'on octroie un titre de propriété aux pauvres payant actuellement de 200 à 1 000 $ par année pour la location d'une cabane dans un bidonville. Ils peuvent ainsi s'en servir comme garantie pour emprunter de l'argent, ce qui leur assure des liquidités.
    Vous vouliez savoir le rôle que pouvait jouer Brandaid?
    Comment pouvez-vous contribuer à veiller à ce que ces gens aient accès, non pas tant à des biens immobiliers, mais essentiellement à des droits d'auteur? Ce sont des artisans qui créent des marques de commerce. Comment protégez-vous leurs droits?
    Nous signons des contrats avec nos partenaires producteurs. Ces contrats définissent précisément ce que nous entendons par propriété intellectuelle et stipulent que les droits afférents appartiennent aux producteurs. Lorsqu'un produit est conçu, même si le design est l'oeuvre de Patty Johnson qui travaille pour Brandaid et l'ACDI, la propriété intellectuelle de ce design, le droit d'auteur qui s'y rattache, revient au producteur, à l'artisan. C'est une politique de Brandaid.
    Auprès de quelle instance ces droits sont-ils enregistrés?
    Nous essayons de voir comment nous pouvons enregistrer ces droits de manière à assurer une protection véritable. Je ne peux pas vous fournir une réponse définitive à ce sujet. En Haïti comme ailleurs, les systèmes juridiques sont complexes. Nous bénéficions actuellement des conseils de Gowling Lafleur, le plus grand cabinet d'avocats spécialisé en droit d'auteur au Canada qui compte également JWT parmi ses clients. Il y a aussi un cabinet de Londres employant les plus grands experts mondiaux en marques de commerce qui travaille bénévolement pour nous. Ces gens-là s'efforcent justement de trouver une réponse à votre question: comment pouvons-nous protéger ces droits? Tout ce que nous savons pour l'instant, c'est que Brandaid s'est engagé à ne pas s'approprier toute la valeur de ce travail sous sa propre marque de commerce, comme peuvent le faire actuellement Macy's, ou Donna Karan. Nous avons un modèle en vertu duquel le producteur reçoit de 20 à 25 p. 100 des produits de la vente au détail. Il n'y a personne d'autre qui en fait autant. Nous croyons au principe du profit, mais il faut que ce soit un profit équitable et non un capitalisme où le plus fort remporte tout.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais notre mandat est assorti de certaines limites et il y a des contextes où il nous est tout simplement impossible de garantir quoi que ce soit. Une fois qu'un produit se retrouve sur le marché, nous pouvons déterminer qui obtient quoi dans le cadre d'un juste partage des profits, et à qui revient la propriété intellectuelle. C'est ce que nous pouvons faire.

  (1010)  

    Alors vous nous dites essentiellement que ce travail bénévole qui est accompli, c'est de l'aide sous une autre forme?
    Tout à fait.
    C'est une contribution sous forme d'expertise, n'est-ce pas?
    Vous avez raison. Mais c'est ce que j'appelle une subvention, car c'est en quelque sorte un mal nécessaire. Ces deux cabinets d'avocats ont décidé de le faire bénévolement, car ils trouvaient le projet intéressant et novateur, et parce que personne d'autre n'intervient de la sorte. Nous essayons toujours de trouver des moyens de nous démarquer.
    Puis-je revenir à ma deuxième question?
    Je voulais que l'on termine autour de 10 h 15. Nous pourrions faire un dernier tour avec un député du NPD puis un conservateur. Je pense qu'une demi-heure nous suffira pour les travaux du comité.
    Alors, vous êtes d'accord pour un autre tour? Très bien.
    C'est ainsi que nous allons fonctionner. Je vais donner la parole au NPD, mais vous pourrez revenir à la charge une dernière fois. Ce sera donc le dernier tour où l'on se limitera aux questions de Mme Sims et sans doute de Mme Brown, ou de n'importe lequel de ses collègues qui voudra en profiter. Chacun a droit à cinq minutes.
    Madame Sims.
    Merci, monsieur le président. Je veux vraiment vous féliciter, car vous avez pris la bonne décision.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Jinny Jogindera Sims: J'aurais une question pour M. Brohman, car il y a une chose que j'ai du mal à comprendre. Vous avez demandé une subvention à l'ACDI et on vous l'a refusée?
    On ne nous l'a pas refusée. On nous a dit qu'on jugeait la proposition très intéressante et que l'on souhaitait la garder sur la table.
    Alors le dossier est toujours ouvert?
    Oui.
    Avez-vous présenté une nouvelle demande lorsqu'il y a eu un appel de propositions?
    Non.
    Alors qui vous a appelé à ce moment-là?
    Voici ce qui est arrivé. Nous travaillons avec le Bureau de promotion du commerce qui, comme vous le savez peut-être, sert en quelque sorte d'intermédiaire entre l'ACDI et les organisations et entreprises qui n'ont jamais transigé avec l'ACDI auparavant. Le Bureau a pour mandat de créer des débouchés d'exportation au Canada pour les producteurs des économies émergentes. Il était très intéressé à travailler avec Brandaid dans le cadre de cette proposition. Le bureau a servi d'intermédiaire auprès de l'ACDI et a joué d'une certaine manière un rôle de supervision. Je ne sais pas exactement, mais lorsque les médias ont traité de l'accord conclu avec Macy's, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en a pris connaissance et a communiqué avec Brandaid pour dire que les choses avaient changé quelque peu depuis le tremblement de terre. Le Canada mettait auparavant l'accent sur...
    Savez-vous qui a communiqué avec vous?
    Je ne sais pas vraiment. Quelqu'un du ministère.
    C'est simplement que cela semble sortir de l'ordinaire quand on connaît nos processus et le mode de fonctionnement de l'ACDI. Je voulais juste m'assurer de bien comprendre.
    Je pense que cela sortait effectivement de l'ordinaire. Mais la proposition était en cours de traitement, et je crois que le séisme a changé la perception de tout le monde quant aux besoins en Haïti.
    D'accord.
    Monsieur le président, je voudrais laisser le reste de mon temps à M. Tardif pour qu'il puisse répondre à la question qui lui a été posée tout à l'heure.
    Vous souvenez-vous de la question?
    Vous rappelez-vous...

[Français]

    Ma question visait à connaître l'importance du public dans les investissements — comme garant du secteur privé, d'une certaine manière. Et en ce qui a trait au développement, je voulais aussi savoir comment, en réalité, la population se réapproprie ce développement de façon à ce que ça devienne durable et pérenne.
    La question s'adresse à vous deux.

  (1015)  

    C'est une question très difficile. Comment peut-on s'approprier un développement quand chaque habitant fonctionne avec moins d'un dollar par jour? C'est très difficile.
    Il doit y avoir, pour commencer, une fiscalité locale. Au moins, ceux qui vivent avec plus d'un dollar par jour localement doivent payer leurs impôts, ce qui finance les institutions locales avec une source locale de fonds.
    L'autre chose, c'est la participation citoyenne dans ces pays, de façon à ce que les gens puissent eux-mêmes établir leurs propres priorités de développement.
    Finalement, la participation locale est également importante dans le développement des institutions qui sont non seulement publiques, mais aussi communautaires et parfois privées — par exemple, celles de microfinance. Il s'agirait donc d'avoir, comme le mentionnait notre collègue ici, des emprunteurs qui possèdent leur propre banque, comme dans le cas de la Grameen Bank. On peut retrouver la même chose dans des coopératives, etc.
    Dans le cadre du développement de ces microentreprises, qui concernent essentiellement des artisans, quelles mesures doivent-elles être appliquées, selon vous, pour que ces projets deviennent pérennes et stables?

[Traduction]

    Il s'agit de créer une identité et des actifs associés à une marque de commerce, de telle sorte que le producteur ne se retrouve pas uniquement avec ses compétences et sa capacité de remplir une commande pour quelqu'un d'autre qui pourra en tirer un bénéfice durable à long terme pour son entreprise. C'est une question de part de marché. Pour que nos entreprises soient durables, elles doivent pouvoir miser sur leur présence sur le marché non seulement cette année, mais aussi l'année prochaine et l'année suivante. Mais cela devient impossible sans une marque de commerce bien définie et des outils pour la faire valoir.
    D'après nous, c'est la manière dont les artisans et les petits producteurs peuvent assurer leur pérennité.
    Merci beaucoup, c'est tout le temps que vous aviez.
    Vous avez un bref commentaire, madame Wright?
    Je voulais juste parler brièvement du modèle de microfinance, et plus particulièrement de la Grameen Bank au Bangladesh.
    L'effet n'est pas immédiat. Il faut un certain temps, mais les emprunteurs initiaux d'une ville ou d'un village finissent par réinvestir leurs économies localement, dans la même petite banque appartenant aux gens qui bénéficient de prêts. Ils deviennent eux-mêmes en quelque sorte des banquiers au sein de leur collectivité grâce aux économies qu'ils ont engrangées, ce qui leur permet d'élargir le cercle des emprunteurs. Ce sont eux qui déterminent qui d'autre au sein de la collectivité pourra emprunter de petites sommes.
    Un tel modèle de microfinance peut contribuer grandement à la viabilité de l'économie locale, car il offre à l'ensemble de la collectivité un accès direct à du crédit limité.
    Merci beaucoup.
    Qui profite de ce dernier tour du côté des conservateurs?
    Madame Brown.
    Je vais revenir aux dernières questions que j'ai posées à M. Brohman.
    Monsieur Brohman, je serais vraiment intéressée de connaître la proportion de femmes au sein de vos groupes de production artisanale, et de savoir dans quelle mesure les ressources ainsi acquises ont pu changer leur mode de vie et celui de leur famille.
    Bien évidemment, la proportion est de 50-50, selon nos propres normes et celles de l'ACDI.
    En quoi cela change-t-il la vie de leur famille? L'artisanat est très souvent une entreprise familiale à laquelle même les enfants participent au retour de l'école en apprenant les ficelles du métier.
    À bien des égards, toutes les entreprises artisanales exigent la participation des hommes et des femmes. Pour ce qui est des quatre collectivités avec lesquelles nous travaillons, deux sont à prépondérance masculine et deux sont dominées par des femmes. Ces dernières sont fondées sur l'industrie textile et voient les femmes se livrer à des activités de broderie, de matelassage et de couture. Je dirais que les femmes qui participent à ces activités voient leur situation changer radicalement. Il est bien évident que toutes les Haïtiennes travaillent, mais celles qui ont la possibilité d'exploiter ainsi leurs compétences voient leur revenu s'accroître parce que le fruit de leur production est désormais commercialisable grâce à une conception liée à une fabrication de meilleure qualité, à des mesures de promotion et à l'accès à un marché... Si vous pouviez voir l'impact sur la vie de ces femmes...
    Comme je le disais, nous avons mené une étude préliminaire au début de ce projet et nous allons procéder à de nouvelles mesures une fois que les commandes auront été remplies. Je pourrai vous en dire davantage à ce moment-là, mais je sais d'ores et déjà que leurs revenus vont fort probablement tripler, tout au moins.

  (1020)  

    Êtes-vous à même de constater que certains des bons résultats ainsi obtenus commencent à contribuer à accroître la capacité du pays? Je pense notamment à la réglementation qui doit être mise en place pour encadrer le tout. Il va de soi qu'il y a un énorme travail de reconstruction à faire en Haïti, entre autres pour la remise en état de certaines institutions. Il faut notamment régler la question des droits de propriété, et je parle ici des terrains pour pouvoir reconstruire. On aurait besoin d'un système d'enregistrement.
    Avez-vous pu constater des répercussions qui vous amènent à croire que les intérêts supérieurs d'Haïti seraient mieux servis, ou est-il encore trop tôt pour le dire?
    Je crois que ce sera le cas, et nous en avons déjà eu quelques indications. Immédiatement après l'élection du nouveau président Martelly, Brandaid a été invité à faire un exposé devant la nouvelle équipe chargée des dossiers économiques. Nous avons alors présenté une version élargie du programme de l'ACDI, fondée sur le secteur de la production artisanale d'ameublement.
    Nous avons fait valoir que pour se libérer de la tyrannie des grandes marques, Haïti devait se doter d'un plus grand nombre de marques nationales. Nous en avons donc proposé une pour les mangues, le café, le chocolat, le cacao et le vétiver, l'huile essentielle qui sert à fixer tous les parfums. Haïti est d'ailleurs le premier producteur de vétiver au monde, alors même que la production planétaire ne satisfait pas à la demande. Ce sont autant d'occasion de projeter une image de marque. Nos propositions ont été reçues avec beaucoup d'optimisme et nous travaillons maintenant en étroite collaboration avec le nouveau gouvernement et certains autres intervenants, y compris Digicel, qui commercialise désormais ses marques haïtiennes. Ces gens-là croient également que l'image de marque d'Haïti doit être refaite.
    Pour répondre à votre question, nous constatons une impulsion exercée à partir de la base par les petits producteurs dans toute la société haïtienne. Le secteur de l'artisanat est très important en Haïti. À une certaine époque, c'était le troisième plus gros secteur industriel au sein de l'économie du pays. Tous les Haïtiens souhaitent le retour de cette époque formidable.
    Les Haïtiens sont extrêmement créatifs et tout à fait capables de produire des biens pour l'exportation, comme le font actuellement les Chinois.
    Merci beaucoup.
    Un grand merci à nos témoins pour leur présence aujourd'hui. Nous avons appris beaucoup de choses. Il était intéressant pour nous d'entendre parler pour la première fois du projet Brandaid. Il est toujours bon également de revoir nos amis de Résultats Canada.
    Nous allons interrompre la séance quelques instants, le temps de dire au revoir à nos témoins. Nous reprendrons ensuite à huis clos pour discuter des travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos]
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