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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 mars 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons entamer notre étude sur le rôle du secteur privé dans la réalisation des intérêts du Canada en matière de développement international.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à Carlo Dade, agrégé supérieur de recherche à l'École de développement international et mondialisation de l'Université d'Ottawa.
    Bienvenue, monsieur. Je suis heureux de vous revoir.
    À ses côtés se trouve Oscar Calderon, assistant de recherche diplômé de l'École de développement international et mondialisation de l'Université d'Ottawa.
    Soyez les bienvenus.
    Monsieur Dade, j'ai eu la chance de vous rencontrer dans d'autres comités où l'on discutait d'autres sujets, et je suis heureux de vous revoir. Étant donné que vous êtes le seul témoin aujourd'hui, je suis sûr que nous pouvons vous donner un peu plus de temps que les 10 minutes qui sont habituellement imparties lorsqu'il y a plusieurs témoins.
    J'aimerais donc vous laisser la parole. Nous allons entendre votre exposé, et vous savez comment cela fonctionne pour les questions; je suis certain que les députés vous en poseront quelques-unes. Vous avez 10 minutes, monsieur.

[Français]

[Traduction]

    Je suis toujours heureux de comparaître devant le comité.
    Je constate qu'on ne me laissera pas suivre ma stratégie initiale, qui consistait à parler pendant 55 minutes et à laisser 5 minutes aux questions. Comme tous les témoins, je vais donc tenter d'être bref, mais nous savons tous comment cela se passe habituellement.
    Comme je l'ai mentionné, je suis heureux de comparaître à nouveau. Il est facile de reconnaître les témoins qui n'en sont pas à leur première comparution; en effet, ils arrivent avec leur propre café. Ce n'est pas parce que je n'aime pas votre café; c'est seulement que je ne sais jamais s'il est équitable, et je tiens à boire seulement du café équitable.
    Avant de commencer, permettez-moi de faire un peu de publicité personnelle. Vous allez recevoir un feuillet concernant une conférence qui se tiendra à l'Université d'Ottawa avec Hal Weitzman, le correspondant principal du Financial Times aux Andes. Avant que M. Weitzman s'adresse au public, M. Randy Hoback, le distingué député de Prince Albert, en Saskatchewan, organisera une séance d'information pour les députés, quelque part sur la Colline.
    Étant donné que cela se passera pendant la semaine précédant le départ du premier ministre pour le sommet des chefs d'État des Amériques, à Cartagena, c'est une belle occasion d'entendre une perspective tranchante et unique sur la situation actuelle des Amériques et l'évolution des relations entre le Canada, les États-Unis et l'Amérique latine.
    Le Financial Times offre une analyse très rigoureuse, qui vous fera vraiment réfléchir. Je pense que vous serez agréablement surpris; c'est une nouvelle perspective à laquelle on ne s'attendait pas de la part de cette publication. Je vous invite fortement à communiquer avec le bureau de M. Randy Hoback si vous souhaitez assister à la séance d'information.
    De plus, j'aimerais souligner la présence de quelques étudiants de l'Université d'Ottawa. Étant donné que je travaille à l'université, j'ai pensé demander à quelques étudiants des cycles supérieurs de m'accompagner. Au départ, de 30 à 40 étudiants avaient manifesté un intérêt, mais je leur ai expliqué le déroulement des séances des comités parlementaires, c'est-à-dire à quel point elles sont savantes, sérieuses et posées, et à quel point les discussions sont éclairées; elles n'ont rien à voir avec la période des questions. Dès que je leur eus expliqué cela, le nombre d'étudiants intéressés a rapidement diminué. Toutefois, quelques inconditionnels ont accepté de m'accompagner.
    Passons maintenant au rôle du secteur privé en matière d'aide au développement. Vous avez déjà entendu beaucoup de choses à ce sujet. J'ai assisté à quelques-unes de ces audiences et j'ai pris connaissance des témoignages des autres. Des représentants d'ONG vous ont parlé de leur rôle dans le développement, vous avez eu une discussion assez approfondie sur le microfinancement, et on vous a parlé un peu du travail de certaines des entités les plus importantes du secteur privé. Toutefois, on vous a un peu moins parlé des activités des partenariats public-privé sur le terrain. Comment fonctionnent-ils? Quels sont les avantages? Quels ont été certains des problèmes rencontrés par les organismes gouvernementaux de développement bilatéraux dans la formation et la gestion des partenariats? Quels sont les problèmes associés à la mise en oeuvre d'une politique, à la création d'un organisme, à la gestion d'une section d'un organisme qui s'occupe des partenariats public-privé?
    Vous avez accueilli Dan Runde, un ancien collègue de l'USAID, qui dirigeait l'Alliance pour le développement mondial. J'ai parlé avec Dan après sa visite au comité, et il m'a dit qu'il n'avait pas vraiment parlé des luttes que livrait l'USAID ou de certaines des questions stratégiques. Il a aussi dit qu'il n'avait pas parlé du partenariat avec Glamis Gold, Placer Dome, la Banque Scotia et d'autres sociétés canadiennes. Il a affirmé être trop pris par son travail actuel pour le CSIS, le Centre for Strategic International Studies.
    J'ai travaillé avec Dan lorsqu'il était à l'USAID. J'ai dirigé, géré, créé, négocié et financé des partenariats public-privé qui utilisent l'aide bilatérale du gouvernement avec les sociétés du secteur privé et avec des ONG en Haïti, en République dominicaine et dans le Commonwealth. J'ai aussi travaillé sur les questions stratégiques avec le gouvernement américain et avec les organismes multilatéraux. J'ai fait cela pendant 10 ans à Washington, en plus d'effectuer des recherches sur l'histoire du développement du secteur privé et sur les différents aspects de l'environnement propice. J'ai passé six ans au Canada pour tenter de communiquer cette expérience à l'ACDI, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, au secteur privé canadien, à la Banque Scotia, aux sociétés minières et à d'autres groupes, en plus de travailler avec les ONG.
    À la fin de mon exposé, j'aimerais parler un peu de... Je ne les qualifierai pas de recommandations, car cela semble trop présomptueux, mais je parlerai de certaines idées stratégiques qui ont émergé au cours de ces six années, et qui ont été communiquées à l'ACDI, au ministère des Affaires étrangères et à d'autres organismes.

  (1535)  

    Tout d'abord, en ce qui concerne la définition du secteur privé, on vous a beaucoup parlé des ONG — ils constituent l'un des éléments du secteur privé — et des entreprises à but lucratif, qui sont un autre élément. Toutefois, on ne vous a pas souvent mentionné l'un des principaux éléments du secteur privé, c'est-à-dire la diaspora. C'est ce dont j'aimerais vous parler en premier.
    Si vous jetez un coup d'oeil à l'annexe B, intitulée Définitions, vous constaterez que le secteur privé se divise essentiellement en trois catégories. Par « privé », nous entendons ce qui n'est pas public. Cela semble assez simple et direct, mais lorsque vous décortiquez cette définition, vous vous rendez compte que ce secteur comporte trois éléments principaux.
    Tout d'abord, les organisations non gouvernementales sont des groupes qui ne sont pas dirigés et gérés par le gouvernement. Même si elles reçoivent des sommes assez substantielles du secteur public, elles ne sont pas gérées par des entités de ce secteur.
    Le groupe suivant se compose de la diaspora. Ce sont des immigrants et des migrants qui s'identifient en fonction d'un territoire autre que celui dans lequel ils résident — et, fait important, qui agissent en fonction de cela. Par exemple, si vous êtes Irlandais et que vous vivez au Canada, vous ne faites pas nécessairement partie de la diaspora irlandaise. Vous devez faire quelque chose en ce sens, en vous engageant envers vos origines historiques ou envers la politique de votre pays d'origine. Vous pouvez, par exemple, envoyer de l'argent à vos proches restés là-bas, défendre les intérêts de l'Irlande, sa culture, sa langue, etc.
    Le groupe suivant rassemble les joueurs du secteur des entreprises à but lucratif. Vous pouvez examiner le graphique sur les sources de l'aide au développement, que vous trouverez sous les définitions. En effet, depuis 10 ans, l'USAID examine les sources américaines d'aide au développement, qu'elles appartiennent au secteur public ou privé. Vous pouvez voir comment les sources de financement du secteur privé, aux États-Unis, se comparent avec l'aide publique fournie par le gouvernement de ce pays. Vous pouvez constater que les transferts d'argent sont importants, mais que les organismes privés et bénévoles, les entreprises et les fondations — qui sont habituellement des fondations d'entreprises — jouent également un rôle important. Ce qu'il faut retenir, c'est que le secteur privé joue un rôle extrêmement important et qu'il est un élément essentiel de l'aide au développement fournie par les États-Unis.
    Le rôle du secteur privé se divise en trois volets. Tout d'abord, le secteur privé est l'élément dominant, et sans doute le plus important, de l'aide au développement. En théorie, si vous voulez procéder à une réduction durable de la pauvreté et améliorer le niveau et les conditions de vie des gens, vous devez créer des emplois et de la richesse. Si vous n'y arrivez pas, vous n'avez rien à partager; vous n'avez rien pour sortir les gens de la pauvreté. L'aide au développement parvient à empêcher les gens de mourir de faim, mais pour les sortir de façon durable de la pauvreté, il faut leur donner le pouvoir de prendre leurs propres décisions et d'exploiter leurs ressources, d'effectuer leurs propres choix en matière de santé, d'éducation, de nutrition et de logement — et c'est le secteur privé qui s'en occupe. Les gouvernements veillent à ce que la croissance s'effectue dans un environnement équitable et approprié; par contre, sans le secteur privé pour créer la richesse, le gouvernement ne pourrait rien faire. Il s'agit d'un point très important.
    Même s'il peut être subjectif de dire que le secteur privé joue le rôle principal, on peut affirmer, sans se tromper, que le secteur privé est la source de financement la plus importante des activités de développement — et cela ne date pas d'hier. Vous pourrez vous en rendre compte en examinant, à l'annexe C, le graphique qui compare les investissements étrangers directs et les envois d'argent aux pays en développement avec l'aide publique au développement. Il est important de souligner que dans ce graphique, les sommes inscrites sur l'axe vertical sont en milliards de dollars; elles ne sont pas en centaines de milliers ou en millions, mais en milliards de dollars. Il s'ensuit que chaque écart est énorme.
    L'autre chose qu'il faut remarquer, c'est que le graphique s'arrête en 2009, c'est-à-dire au creux de l'effondrement financier provoqué par la crise financière mondiale. Depuis 2009, les envois d'argent et les IED sont revenus à leur niveau précédent.

  (1540)  

    Si vous examinez l'année 2008, c'est-à-dire la différence entre les investissements privés dans l'aide au développement et les envois d'argent — il s'agit de l'argent que les immigrants et les migrants envoient dans leurs collectivités d'origine — et les investissements étrangers directs, vous constaterez qu'ils étaient, dans leur ensemble, environ six fois plus élevés que toutes les formes d'aide publique au développement. Cette situation est la même depuis le milieu des années 1990. Il s'ensuit que depuis plus de 10 ans, le secteur privé est la plus grande source de financement des activités de développement, de façon générale.
    Il ne s'agit pas seulement de la réduction durable de la pauvreté; il s'agit aussi d'autres activités dans lesquelles les acteurs de l'aide publique au développement sont engagés, par exemple les secours en cas de catastrophes. Dans la plupart des cas, le temps, les efforts et l'argent de l'ACDI servent à intervenir en cas de catastrophe naturelle. Si vous examinez les données associées à la contribution du secteur privé, y compris les diasporas, ces sommes sont, encore une fois, beaucoup plus importantes que celles procurées par l'aide publique au développement.
    À l'annexe E, où se trouve une série de diagrammes à barres, j'ai fait une partie du travail initial et j'ai examiné les pays prioritaires de l'ACDI dans les Amériques. La Jamaïque représente les Caraïbes de langue anglaise. Vous pouvez examiner les contributions relatives au développement dans chaque pays dans toutes les formes d'aide publique au développement, d'investissements étrangers directs, d'envois d'argent et l'aide publique au développement fournie par le Canada.
    Malheureusement, après plusieurs années d'efforts et de demandes, nous n'avons toujours pas obtenu les données représentant les envois d'argent du Canada, et on doit absolument régler cette situation. Toutefois, vous pouvez examiner l'importance relative en Bolivie, en Colombie, et en Haïti. Ce qui est intéressant au sujet d'Haïti, c'est que ces données concernent l'année 2009; l'aide au développement a évidemment augmenté, mais elle n'est toujours pas aussi importante que les envois d'argent en Haïti. Même après le tremblement de terre et les augmentations massives du financement dans le cadre de l'aide publique au développement, les envois d'argent sont toujours la plus grande source de revenus en Haïti. Katleen Felix en a brièvement parlé, mais elle pourrait vous raconter des histoires qui démontreraient l'importance de la situation.
    Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est qu'aucun pays ne s'est sorti de la catégorie des pays sous-développés grâce à l'aide au développement; ils s'en sont sortis par eux-mêmes. Regardez les Tigres de l'Asie; dans ces pays, on y est parvenu grâce au secteur privé et à un solide gouvernement national qui a été en mesure de mettre en oeuvre des politiques appropriées et de créer un environnement propice. Les organismes de développement ont joué un rôle mineur — parfois aucun. L'aide étrangère est certainement importante, mais l'élément essentiel, c'est le secteur privé.
    Maintenant, si vous examinez l'annexe D, c'est-à-dire la carte de l'Amérique du Sud, vous pouvez vous faire une idée de l'importance des contributions de la diaspora en Amérique latine et dans les Caraïbes. Au Mexique, elle s'élève à 22 milliards de dollars; en El Salvador, à 3,6 milliards de dollars et en République dominicaine, à 3,3 milliards de dollars. Ces sommes paient pour la nourriture, l'éducation, les soins de santé et le logement. Il ne s'agit pas de dépenses inutiles, contrairement à l'image que certains des éléments les plus paternalistes du milieu universitaire se font des envois d'argent. Il s'agit d'investissements dans la mise en valeur du capital humain. C'est ce que l'ACDI essaie de financer. L'amélioration du capital humain a des répercussions directes sur le développement; ce que font les diasporas est extrêmement important.
    De plus, nous savons, grâce aux recherches de M. Manuel Orozco dans le cadre du Dialogue interaméricain — il est l'instigateur des travaux dans le domaine des envois d'argent et la personne qui m'a engagé dans cette voie —, que 5 à 15 p. 100 des sommes totales envoyées, selon le pays, servent aussi à des projets de développement collectifs. Si vous retournez aux définitions, vous trouverez une définition de « collectif ». Je ne m'attarderai pas là-dessus. Mais le plus important, pour les diasporas et pour le secteur privé à but lucratif, c'est ce qui suit. À Washington, au début des années 2000, lorsque nous avons pris connaissance de ces données — et nous avons seulement commencé à remarquer les envois d'argent dans les communautés en développement il y a environ 16 ans —, nous avons été très impressionnés. Nous nous sommes dit: « Regardez tout cet argent »; si nous pouvions utiliser un faible pourcentage pour creuser des puits et un autre faible pourcentage pour les soins de santé maternelle, nous pourrions accroître énormément les effets des activités de développement traditionnelles. Toutefois, nous avons vite été déçus: nous avons appris très tôt que cet argent était envoyé par des personnes pauvres à d'autres gens encore plus pauvres, et que si nous intervenions, nous allions seulement provoquer des répercussions négatives.
    Nous nous sommes plutôt efforcés de faciliter les transferts en réduisant les coûts associés et offrant aux gens des choix afin qu'ils puissent décider ce qu'ils voulaient faire avec l'argent. Nous avons tenté de les dissuader de compter sur Western Union pour envoyer l'argent — et payer des frais équivalant à 22 p. 100 — et nous avons encouragé des groupes comme Fonkoze — qui a d'ailleurs comparu devant le comité —, afin d'être en mesure de travailler avec des groupes. Ces initiatives ont connu un grand succès.

  (1545)  

    La plus grande leçon que nous avons retenue, c'est que l'argent était probablement ce qu'il y avait de moins important. Et, je vous dis cela tout en regardant les chiffres: 22 et 5 milliards de dollars. L'argent, c'est ce qu'il y a de moins important. Nous avons remarqué que, outre l'argent, les idées, les connaissances, les compétences et les marchés aussi étaient transférés.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a plusieurs années, j'ai eu une discussion avec un agent de projet de gouvernance de la USAID originaire d'El Salvador. Il m'a confié que tout l'argent que nous dépensons pour organiser des colloques, aider les ONG à promouvoir la démocratie, trouver des universitaires pour animer des colloques et financer les déplacements d'intervenants entre les États-Unis et l'El Salvador n'a pas le même impact que les Salvadoriens qui rentrent au pays. Ces derniers reviennent dans leurs communautés, après avoir travaillé pendant des années aux États-Unis, pour confronter les autorités locales sur le fait qu'il faut offrir des pots-de-vin pour obtenir un permis de conduire, ou qu'il est impossible de voir le plan de développement municipal ou de s'exprimer sur le plan de l'aménagement forestier ou agricole. Ce genre de confrontation a eu un impact énorme sur la promotion de la démocratie. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les agents de projets de gouvernance.
    On le remarque aussi sur le plan des connaissances et des compétences. Par exemple, en Californie, dans la vallée de Napa, on trouve des travailleurs migrants originaires de l'État d'Oaxaca. Ceux-ci sont exposés à de nouvelles méthodes d'irrigation de pointe, dont l'irrigation goutte-à-goutte. Ils découvrent cette technologie et apprennent à la connaître. Petit à petit, ils la peaufinent et la rapportent ensuite à Oaxaca. Ils n'utilisent pas l'argent de l'ACDI, de la USAID ou de la Banque inter-américaine de développement pour se procurer cette technologie; ils utilisent l'argent qu'ils ont gagné en travaillant dans la vallée de Napa. Grâce à cette technologie, ils revitalisent la culture de la pêche à Oaxaca. Ils ne vont plus travailler aux États-Unis. Ils jouissent d'une industrie florissante et embauchent des travailleurs locaux. C'est ce que l'on appelle le transfert de connaissances.
    Mon dernier exemple concerne les marchés. Les représentants de la Banque Scotia sont venus nous faire un excellent exposé sur l'utilisation du portefeuille mobile et des téléphones cellulaires pour effectuer des virements en Haïti. Ces technologies ont un impact important sur le développement, car elles permettent de réduire les coûts et d'éliminer les barrières à l'entrée pour les services financiers. Bien entendu, ces technologies sont possibles grâce au secteur privé, et non aux organismes de développement.
    Mais, comment se fait-il que l'on retrouve des téléphones cellulaires dans un pays où la majorité des citoyens gagnent 2 $ par jour? Il y a une dizaine d'années, lorsque j'ai commencé à travailler en Haïti, personne n'avait de téléphone cellulaire. Aujourd'hui, malgré un salaire moyen de 2 $ par jour, on en retrouve partout. C'est grâce à la diaspora.
    Deux facteurs interviennent ici. Chez Unitransfer, Bobby transfer et CAM, à Montréal, par exemple, il y a une vitrine renfermant des téléphones cellulaires. Lorsque vous faites un virement de 150 $ ou de 200 $, pour 20 $ de plus, vous pouvez également envoyer un téléphone cellulaire déjà activé. Si j'appelle mon cousin en Haïti — si j'avais un cousin là-bas — ou un ami, le mois suivant, Rogers m'enverrait une facture pour un montant totalement obscène. C'est moi qui recevrais cette facture et qui devrais la payer, et non mon cousin en Haïti. Toutefois, Rogers prendrait un pourcentage de ce montant et l'investirait en Haïti.
    Ces frais partagés représentent des centaines de millions de dollars. C'est avec cet argent que l'on réussit à créer des infrastructures de téléphonie cellulaire dans la plupart des pays en développement. C'est grâce à la diaspora que cela est possible, et non à la USAID, à la Banque mondiale ou à la BID.
    Il est très difficile et très dispendieux pour les spécialistes du développement de travailler avec les diasporas. Maintenant que je suis marié, je n'aurais plus le temps de le faire; j'ai déjà passé de nombreux soirs et week-ends à travailler avec ces groupes dans des sous-sols d'églises, notamment à Brooklyn, dans le nord de Miami et à Chicago.
    Cela demande aussi beaucoup d'efforts. Les membres de la diaspora ne sont pas des spécialistes du développement. Ils ont besoin de beaucoup d'encadrement et de formation, et les résultats ne sont pas très concluants. Il faut faire preuve de beaucoup de souplesse et de créativité, et il faut trouver les bonnes personnes pour travailler avec eux, ce que le monde du développement a eu beaucoup de difficulté à faire.

  (1550)  

    Les données relatives aux coûts-avantages sont également faussées. Beaucoup de temps et d'argent sont investis dans des projets qui, plutôt que de se traduire par la construction de centaines d'écoles ou de centres de santé, favorisent l'émergence de nouveaux intervenants dans le secteur du développement. On aide les diasporas à se professionnaliser et à jouer un rôle. Elles connaissent leurs communautés mieux que la plupart des ONG et y entretiennent des liens que la plupart des ONG n'ont pas. De plus, elles seront encore là plusieurs décennies après que les ONG s'attaqueront à d'autres projets financés par l'ACDI.
    Donc, les fonds provenant des diasporas sont essentiels à la création de nouveaux partenariats, tout comme ceux du secteur privé en général et du secteur privé à but lucratif.
    J'aimerais soulever, très brièvement, un autre point extrêmement important. J'ai obtenu une subvention lorsque j'étais à Santiago, en République dominicaine. Un groupe d'étudiants en architecture m'ont dit vouloir aider les habitants à faible revenu à rénover et à agrandir leur maison afin qu'ils puissent toucher un revenu supplémentaire en louant des chambres aux étrangers venus travailler dans la maquiladora et les usines. C'était une idée formidable.
    Les étudiants m'ont confirmé qu'ils n'avaient pas sollicité l'appui du secteur privé. La chambre de commerce de Santiago m'avait offert une subvention pour travailler avec les petites entreprises. Je me suis donc servi de cette subvention pour permettre aux étudiants de venir présenter leur projet à la chambre de commerce.
    Ont-ils obtenu des fonds? Non, mais quelque chose de plus important. Après la présentation, un représentant d'une des quatre principales banques de Santiago nous a demandé pourquoi le fonds d'emprunt pour petites entreprises de ce projet était administré par ce groupe d'architectes. Il nous a dit: « Ils n'ont pas les compétences nécessaires. Ils vont devoir trouver quelqu'un pour administrer ce fonds. Nous travaillons avec des petites entreprises. Nous avons des succursales dans les communautés où vous faites affaire. Nous allons former notre personnel afin qu'il puisse administrer pour vous ce fonds d'emprunt. Nous allons créer des formulaires et utiliser nos connaissances dans le secteur des petites entreprises pour aider vos clients. Nous allons les former et les conseiller sur la façon de gérer leurs revenus. »
    L'argent qu'il aurait fallu dépenser pour embaucher un spécialiste des petites entreprises a plutôt été réinvesti dans le fonds d'emprunt. En fait, la banque a subventionné une partie du projet que l'organisme de développement du gouvernement américain prévoyait subventionner.
    Nous avons également été contactés par une quincaillerie locale qui a offert un rabais de 10 à 15 p. 100 en magasin à quiconque contractait un emprunt. Elle n'a pas investi directement dans le projet, mais ce rabais a fait augmenter de 15 p. 100 la valeur du projet.
    Les gens de la quincaillerie se sont également informés sur le genre de fournitures dont les gens avaient besoin, s'ils utilisaient les bons produits et s'ils avaient de l'aide. Ils ont dit qu'ils pourraient nous aider à cet égard.
    Le secteur privé n'apporte pas seulement de l'argent; il peut également être créatif et dynamique, aider en matière d'entrepreneuriat et fournir de nouvelles idées. Dans des pays comme Haïti qui manque d'architectes, de comptables, de gestionnaires ou d'ingénieurs, le secteur privé peut fournir ces ressources. Il est important d'en profiter.
    La richesse du secteur privé repose sur les idées et les talents de ses membres. Ce n'est pas uniquement une question d'argent. Le comité se concentre beaucoup sur cet aspect, mais selon notre expérience, il fait fausse route.
    Je vais maintenant formuler des propositions en matière de politiques.
    Quand on y pense... Vous avez accueilli des représentants de la Banque Scotia. Cette dernière a été primée par la communauté du développement et la Fondation Gates pour son programme de portefeuille mobile en Haïti, mais aussi par des intervenants du secteur de la technologie. Il y a plusieurs dizaines d'années, Placer Dome s'est vue décerner le prix du Development Marketplace de la Banque mondiale dans le cadre d'un concours auquel participaient également des ONG, des intervenants du secteur du développement et des particuliers voués au développement. Elle a reçu ce prix non seulement pour les écoles qu'elle a fait construire ou les belles initiatives qu'elle a mises de l'avant, mais pour ses innovations en matière de développement.
    C'est ce que nous apporte le secteur privé. Si vous consultez la stratégie de développement du secteur privé mise de l'avant l'an dernier par le DFID, vous verrez qu'elle se concentre sur cet aspect et qu'il y est question, entre autres, des diasporas. Il s'agit d'un aspect important de cette stratégie.
    J'aimerais, brièvement, vous faire part de quelques idées.
    Premièrement, il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Nous avons déjà le DFID, la USAID, le GTZ, le BMZ en Allemagne, et la Dutchaid. Le dernier tableau dresse une liste des organismes de développement et de leurs activités. C'est une courte liste à laquelle Oscar travaille continuellement.
    Je le répète, il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. On peut apprendre des autres organismes. On pourrait conclure des partenariats avec des organismes de développement. La DFID et l'ACDI ont cerné des faiblesses et des forces similaires. Il serait très facile de travailler avec eux à l'analyse d'un environnement favorable au secteur privé. Il faudrait travailler avec la USAID sur la façon d'établir des partenariats public-privé afin de tirer parti de l'expérience qu'elle a acquise à ce chapitre.

  (1555)  

    J'aurais deux autres points à souligner.
    Le personnel est très important. Je n'insisterai jamais assez là-dessus. C'est une leçon que la USAID et mon organisme ont apprise, et sur laquelle les Allemands ont beaucoup écrit. On m'a embauché en raison de ma facilité à travailler avec le secteur privé. Nous sommes nombreux à avoir été embauchés en même temps. Il était essentiel de procéder ainsi afin de changer la culture de l'organisme et lui permettre de travailler avec le secteur privé. Les organismes de développement n'ont pas les compétences particulières nécessaires pour faire ce boulot. Ils doivent se tourner vers des ressources externes qualifiées.
    Si vous ne faites pas appel à des ressources externes, vous allez échouer. Aussi bien prendre l'argent que vous aviez prévu investir dans ce projet et le jeter par la fenêtre derrière vous. Sans ces ressources, vous échouerez. C'est une leçon que moi et d'autres avons apprise.
    Il faut aussi protéger les entités publiques privées. Les Allemands ont beaucoup écrit à ce sujet. Si vous aviez posé la question à Dan Runde lors de son témoignage, il vous aurait dit qu'il faut protéger l'organisme. Cette technologie est perturbatrice. Si vous avez consulté la littérature sur les technologies perturbatrices — celle publiée, entre autres, par la Harvard Business School et à Silicon Valey — et leur impact sur les entreprises, vous me comprenez. L'organisme doit être protégé.
    En terminant, j'ai beaucoup parlé du rôle du secteur privé où les intervenants concluent des partenariats et s'investissent beaucoup. Ils remportent même des prix et ils continueront d'en gagner, notamment les grandes sociétés canadiennes qui ont les ressources nécessaires pour aller à Washington.
    Les autres ont des doutes. Plusieurs me disent qu'elles veulent travailler avec l'ACDI et me demandent mon opinion sur quels projets présenter et comment le faire. Je leur demande: « Pourquoi l'ACDI? Pour certaines choses, c'est un bon organisme avec lequel travailler, mais les partenariats publics-privés, ce n'est pas sa force. Vous devrez dépenser beaucoup de temps, d'argent et d'énergie pour la convaincre de travailler avec vous, et encore plus d'énergie pour encadrer son personnel et lui montrer comment établir des partenariats publics-privés. Venez avec moi à Washington discuter non seulement avec le gouvernement américain, mais aussi avec la Banque mondiale, le MIF et la SFI. Il y a une multitude de possibilités. Vous y rencontrerez des gens très expérimentés, des spécialistes, que vous n'aurez pas à convaincre. Vous pourrez conclure un partenariat. » Cette stratégie a connu un certain succès.
    Je ne comprenais pas pourquoi les sociétés voulaient se donner toute cette peine, jusqu'à ce que je me rappelle avoir vu Dan Runde discuter du projet avec les représentants de Glamis Gold à la Conférence des Amériques sur la RSE. Je me souviens que ces derniers regardaient ailleurs lorsque Dan leur parlait de ce que faisait le gouvernement américain. J'ai discuté avec la Banque Scotia et d'autres sociétés fières d'être canadiennes. Elles ne veulent pas travailler avec la USAID, sauf si c'est nécessaire. Ce sont des sociétés canadiennes et fières de l'être. Elles veulent chanter les louanges de l'image de marque du Canada et la renforcer. Elles veulent assumer les coûts. Vous ne leur faites aucune faveur, puisqu'elles travaillent déjà à ces projets. Ce sont elles qui font une faveur à l'ACDI en l'invitant à participer.
    En terminant, ce sont les petites sociétés canadiennes qui seront touchées. Nous avons beaucoup travaillé avec des PME américaines qui investissaient en Amérique latine. Notre capacité à travailler avec elles et à les aider a grandement contribué à faire augmenter le niveau de responsabilité sociale d'entreprise et a incité le gouvernement et les sociétés américaines à en faire davantage. N'oublions pas qu'elles remportent déjà des prix, et elles continueront d'en gagner.
    Comme je l'ai dit, ce sont les petites sociétés canadiennes qui seront touchées, et ce sera très dommage. Ce n'est pas nécessaire. Le tout se poursuivra sans vous. Les sociétés canadiennes continueront de participer à ce projet avec ou sans la participation de l'ACDI. Selon moi, ce sont les petites entreprises qui seront touchées, et ce sera préjudiciable.
    Merci.

  (1600)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant amorcer la première série de questions. Madame Sims, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci de votre exposé très passionné.
    Vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre que, pour nous, l'objectif principal de l'aide étrangère est de réduire la pauvreté. Nous sommes convaincus que les intérêts privés ou les priorités de commerce à court terme passent en deuxième à cet égard. Nous croyons que l'aide ne doit pas favoriser les entreprises rentables ou financer les activités qu'elles doivent réaliser de toute façon, comme le nettoyage des sites contaminés ou la formation des travailleurs.
    Dans votre article publié dans la revue Embassy le mois dernier, vous affirmez que le financement conjoint du développement international par le gouvernement et le secteur privé ne revient pas à octroyer des subventions. Mais je pense que les faits parlent d'eux-mêmes. L'automne dernier, l'ACDI a annoncé des partenariats de 26 millions de dollars avec Barrick Gold, IAMGOLD et Rio Tinto Alcan. Nous avons aussi appris que le financement d'ONG bien établies, comme Développement et Paix, était réduit de manière importante.
    Je veux aussi parler de votre commentaire sur la contribution de la diaspora, qui ne dépend pas de nous ou du privé. Les fonds versés découlent des liens avec le pays d'origine, que l'on soit de la première ou de la troisième génération d'immigrants. J'ai constaté dans une large mesure les changements résultant directement du rôle joué par la diaspora indienne.
    Je suis d'accord avec vous pour dire qu'une grande partie du travail de terrain est coordonné par une personne du village ou de la région. Cependant, nous avons de grandes préoccupations au sujet des partenariats publics-privés et de certaines mesures que nous avons adoptées.
    N'est-il pas juste de dire que les partenariats controversés avec les sociétés minières ont remplacé le financement d'ONG bien établies qui font un travail de défense essentiel? N'est-ce pas clair si on examine les faits?
    J'adore les questions formulées ainsi... Je ne peux pas... Faut-il répondre oui ou non?
    Vous avez le temps de répondre.
    M. Carlo Dade: D'accord, très bien.
    Mme Jinny Jogindera Sims: Je poserai d'autres questions ensuite.
    Très brièvement, le travail de terrain réalisé par les organismes de développement montre concrètement que l'appui du secteur privé améliore l'efficience. Le secteur privé investit beaucoup d'argent et participe au développement. Ses activités ne diffèrent pas de celles des ONG.
    On doit se concentrer sur les résultats, pas sur les acteurs. Quels sont les objectifs atteints grâce aux fonds investis dans l'aide au développement? Dans quelle mesure la pauvreté est-elle réduite?
    La question, ce n'est pas ce qui nous plaît ou ce qui me valorise, mais comment l'argent déboursé peut aider la communauté le plus possible. Pourquoi éviter de travailler avec un partenaire qui dispose des ressources nécessaires? Le travail effectué avec une ONG permet de construire un hôpital pour 100 $, tandis qu'avec le privé, on peut construire deux hôpitaux pour 50 $.
    Dans quel cas l'aide au développement est-elle le mieux utilisée? Quelle méthode donne les meilleurs résultats pour les gens sur place? Il faut travailler avec ceux qui ont les ressources nécessaires.

  (1605)  

    Vous avez dit que, d'une certaine manière, ces projets sont préférables pour les contribuables dans presque toutes les circonstances. Mais si les sociétés minières sont parmi les plus riches du monde, n'est-il pas juste d'avancer qu'elles peuvent financer ces projets sans l'aide des contribuables?
    J'ai entendu bon nombre de vos commentaires, entre autres sur les compétences à acquérir pour les partenariats. Nous ne disons pas qu'il faut empêcher ces sociétés d'effectuer du développement international. Mais elles doivent le faire par charité ou parce qu'elles exploitent les ressources naturelles. J'allais employer un terme plus coloré, mais je vais m'abstenir aujourd'hui.
    Les sociétés d'extraction engrangent d'énormes profits à l'étranger, mais elles demandent aux contribuables de les subventionner ou d'investir dans un partenariat. Ces sociétés doivent accomplir le travail par bonté et se garder de solliciter les contribuables.
    La question n'a jamais été de demander de l'argent aux contribuables. Je répète que, lorsque je travaillais sur le terrain en partenariat, c'est le privé qui subventionnait nos efforts. Si le secteur privé contribue au développement, pourquoi ne pas travailler en partenariat?
    Par exemple, le Comité international de la Croix-Rouge a recueilli plus de fonds à la suite du tremblement de terre en Haïti que ce dont l'ACDI dispose pour les trois prochaines années.
    Concernant les organisations qui ont beaucoup d'argent pour Haïti, pourquoi ne pas retirer les fonds accordés au Comité international de la Croix-Rouge, s'il est riche comme Crésus ou plus fortuné que l'ACDI? Nous ne le faisons pas, parce que c'est un partenaire.
    Je dis constamment qu'il ne s'agit pas seulement d'argent. C'est préférable de travailler avec le secteur privé. Les transactions bancaires mobiles rendues possibles pour Haïti par la Banque Scotia ne sont pas une question d'argent, mais d'innovation et de créativité.
    Merci beaucoup.
    Sauf votre respect, je répète que les sociétés qui réalisent d'énormes profits dans les pays étrangers doivent y accorder de l'aide de manière systémique et à long terme pour construire des écoles et des hôpitaux. Je trouve très difficile d'accepter qu'elles demandent aux contribuables de les appuyer. Il y a différentes manières...
    Une voix: Ces sociétés ne demandent pas aux contribuables de les soutenir.
    C'est terminé, madame Sims. Attendez un instant.
    Mon temps est-il écoulé?
    Oui, vos sept minutes sont terminées.
    Passons à Mme Brown, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Dade, vous ne serez pas étonné de savoir que, de ce côté de la salle, nous croyons dans l'aide qui encourage l'indépendance et l'autonomie, tandis que mes collègues de l'opposition semblent avoir l'intention de garder les gens dans la pauvreté. Notre objectif à long terme, c'est de sortir les gens de la pauvreté. L'ACDI doit régler les problèmes. C'est ce que nous devons viser.
    Comme vous l'avez dit avec éloquence, ce n'est pas forcément une question d'argent, mais de créativité et d'innovation du privé.
    J'ai travaillé dans le secteur privé et le milieu des affaires. Il faut se réinventer tous les jours, se tenir au courant et s'adapter à la culture.
    Concernant les stratégies à long terme et le développement durable, vous avez beaucoup d'expérience dans les partenariats publics-privés. Pouvez-vous nous parler de vos discussions avec l'ACDI et de la façon dont le Canada pourrait accorder de l'aide?
    Bien sûr.
    Permettez-moi tout d'abord d'indiquer que de mener l'ACDI à la faillite est un bel objectif. Bien des organismes de développement courent à leur propre perte.
    Je pense que les députés de l'opposition ont à coeur de réduire la pauvreté et je les félicite. Si l'honorable députée de Laurier—Sainte-Marie était ici, elle pourrait parler de ce qu'elle a vu au Chili et ailleurs, où on se préoccupe beaucoup de la pauvreté. Il faut simplement trouver la méthode la plus efficiente et la plus efficace de la réduire. Je crois que les partenariats publics-privés sont plus efficients et plus efficaces, qu'ils donnent de meilleurs résultats et qu'ils permettent d'accentuer le développement.
    Il importe de distinguer les méthodes des objectifs. Nous sommes tous d'accord sur l'importance de réduire la pauvreté; c'est notre priorité à tous.
    Il faudrait ajouter deux ou trois pages à l'annexe A pour indiquer les dossiers et les exposés sur la question que nous avons présentés à l'ACDI et au ministère des Affaires étrangères. Concernant l'annexe B, c'est nous qui avons payé pour accueillir à la dernière conférence les grands experts venant de Washington, de la BID, de la USAID et du forum des dirigeants du milieu des affaires du prince de Galles pour qu'ils informent l'ACDI et les Affaires étrangères. L'ACDI a versé des fonds pour produire la plupart des documents en annexe. Nous avons souvent discuté avec les gens de l'ACDI, notamment des rapports. Nous avons présenté des exposés à ses dirigeants et au personnel.
    Depuis six ans, j'ai reçu trois appels de l'ACDI. Chaque fois, le nouveau responsable de la collaboration avec le secteur privé me disait qu'on lui avait seulement conseillé de discuter avec moi et qu'il n'était pas au courant de tout notre travail, de nos publications et de nos rapports. J'ai dû renvoyer trois fois de 5 à 10 courriels, parce que les documents sont très volumineux.
    Un nouveau responsable m'a appelé trois ans plus tard et m'a dit lui aussi qu'il n'avait été informé de rien, sauf que j'étais la personne à contacter.
    Heureusement, la dernière personne à qui j'ai parlé travaille toujours au dossier pour l'ACDI. J'espère donc que cette fois sera la bonne.

  (1610)  

    Vous devez sûrement être heureux que nous ayons entrepris cette étude.
    Je ne l'espérais plus.
    Merci de votre témoignage.
    Hernando de Soto nous a dit que les entreprises devaient être en mesure de renforcer leurs capacités et disposer de structures juridiques et de droits de propriété. Avez-vous des recommandations ou des commentaires à nous faire sur la façon dont nous pouvons ou l'ACDI peut faciliter les choses?
    Bien sûr.
    Le groupe de réflexion de Hernando de Soto en Haïti, le Centre pour la Libre Entreprise et la Démocratie, a émis une proposition il y a plusieurs années, à l'aide du financement de la USAID. Pour diverses raisons, la USAID n'a pas pu la mettre de l'avant, mais la proposition a été communiquée à l'ACDI et porte sur la façon de débloquer les sommes colossales destinées à réduire la pauvreté en Haïti. C'est ce que veulent les organismes de développement. Le PNUD et l'ONU en discutent. Le secteur privé et les banques en Haïti sont d'accord. Cette proposition fait partie de la révolution visant la croissance pour tous au pays.
    C'est très facile de mettre en oeuvre cette proposition, dont l'ACDI a reçu copie. J'en ai envoyé un exemplaire à votre parti. Je ne sais pas si la porte-parole pour l'Amérique latine l'a distribué aux autres membres du NDP. J'ai envoyé le document à Paulina pour qu'elle vous en remette un exemplaire. Je pense donc que vous connaissez bien cette proposition toutes les deux.
    Étant donné que Mario Silva n'est plus député, je n'avais malheureusement aucun libéral à contacter.
    Puisqu'il me reste du temps, je vais parler de la diaspora.
    Vous avez dit que la diaspora avait une excellente occasion de participer aux efforts. Les entreprises des émigrants prennent-elles de l'expansion dans les pays où ils résident? Leur expérience profite-t-elle dans les pays d'origine? Les bénéfices sont-ils mutuels?
    C'est selon le groupe de ressortissants, le pays d'origine et la région dans le pays d'accueil. Les différences de participation dans le secteur privé et en politique sont énormes entre les Haïtiens à Brooklyn, à Miami et à Montréal.
    Le meilleur exemple, c'est l'investissement massif dans les TI réalisé en Inde en grande partie grâce à la diaspora de Silicon Valley. Les ressortissants connaissaient les gens et le système en Inde, où ils avaient de la famille, mais ils travaillaient pour une société américaine. Ils ont fait valoir leur projet aux dirigeants de Microsoft, de Google ou d'une autre entreprise aux États-Unis. On leur a fait confiance pour établir des activités dans un pays dont on ne connaissait pas le milieu des affaires et où une société américaine n'aurait pas pris le risque d'investir en temps normal. L'apport de ces émigrants a été déterminant.
    Le problème au Canada, c'est qu'aucune étude ne porte sur la question. Aux États-Unis, les fonds envoyés par les résidents de chaque comté sont connus. On peut savoir, par exemple, combien d'argent a été envoyé à partir de chaque comté de la Géorgie et dans quel pays. Nous ne savons presque rien à cet égard pour le Canada. Il y a un manque criant concernant les études sur la question. Au mieux, la USAID fournit des estimations. Nous n'avons simplement pas examiné le phénomène, mais le potentiel est énorme. Les données établies par la USAID, la France et l'Espagne leur permettent d'accroître le développement, de mettre sur pied des organismes...

  (1615)  

    Je suis désolé, mais je suis obligé de vous interrompre.
    Nous passons à la dernière intervention de sept minutes de la première série de questions.
    Monsieur LeBlanc, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
     Merci, monsieur Dade. Je trouve que vos propos sont très instructifs. Votre passion, vos connaissances et votre expérience me conduisent à imaginer un scénario où le recours aux fonds publics pour les projets de développement et la collaboration avec le secteur privé au sens large ne sont pas mutuellement exclusifs.
    Je me suis dit, en écoutant votre déclaration préliminaire, que nous tendons à considérer la construction d'une école par telle firme près de tel chantier comme du développement par le secteur privé, mais, un point de vue beaucoup plus général révèle une foule de possibilités qui ne s'opposent ni se substituent nécessairement aux autres objectifs du développement.
    Je reviens à une question de Mme Brown. L'engagement des diasporas est une façon intéressante de considérer la participation du secteur privé au développement. Vous avez cité l'exemple de la communauté indienne en Californie, mais vous avez manqué de temps. Je vous donne la chance d'expliciter votre pensée.
    Au Canada, nous n'avons pas de résultats de recherche ni de renseignement précis, qualitatifs et quantitatifs, sur les envois de fonds à l'étranger. D'après vous, que pourrait faire le gouvernement ou une autre autorité? Qui, d'habitude, finance ce genre de recherche? Comment pourrions-nous obtenir de meilleurs renseignements? Ils semblent manifestement très précieux.
    J'ai trouvé votre exemple sur la communauté haïtienne de Miami, de Brooklyn ou même de Montréal très intéressant. Y a-t-il d'autres exemples au Canada, si on veut se limiter au contexte canadien, où les communautés étrangères implantées ici pourraient, d'après vous, être de bons partenaires dans le développement, pour lequel le Canada, le gouvernement du Canada, a des priorités?Autrement dit, des liens ont-ils été noués avec une communauté efficace? La communauté haïtienne au Québec est certainement un exemple évident, mais d'autres viennent à l'esprit, particulièrement, avec qui le gouvernement ou l'ACDI ou d'autres promoteurs du secteur privé pourraient collaborer, pour essayer de donner plus d'efficacité à une partie de cette participation?
    Bien sûr.
    Le meilleur exemple est celui de la communauté haïtienne. L'ACDI a conclu avec elle un accord de contribution qui est maintenant le plus ancien qui existe entre un organisme de développement et une communauté de la diaspora, le Regroupement des organismes canado-haïtiens pour le développement — le ROCAHD. Quand mon travail m'a appelé à Haïti, puis que la mission américaine là-bas a commencé à s'intéresser aux diasporas, l'ambassadeur Dean Curran s'est présenté à la mission avec une liste de priorités, tout comme le directeur de mission de l'USAID. Je travaillais depuis quelques années à cette question. La synergie a été énorme.
    Nous avons entendu parler du projet que réalisait l'ACDI et nous avons essayé de nous informer à son sujet. L'ambassadeur Curran a donc écrit à son homologue canadien à Haïti pour lui demander des renseignements. Le chef de l'USAID pour l'Amérique latine a fait de même, à son homologue de l'ACDI, pour demander à l'ACDI d'envoyer des groupes à Washington et à New York, pour des réunions. L'ACDI ne nous a jamais renseignés. Finalement, un doctorant stagiaire a interviewé le groupe pour moi. Pour que l'ACDI me renseigne, j'ai dû profiter d'un déplacement — je cherchais une maison, c'est une longue histoire — pour me libérer, un après-midi, aller à Gatineau, me rendre aux bureaux de l'ACDI, où j'ai trouvé le responsable du projet et obtenu de lui qu'il me montre les dossiers du projet.
    Le travail du Canada est donc réel, mais il est en grande partie caché. Finances Canada a commandé des études sur les couloirs qui servent aux envois de fonds. Voilà des renseignements qui devraient provenir du ministère des Finances. Aux États-Unis, ce travail est financé par les fondations comme Ford, Rockfeller. L'équivalent n'existe pas au Canada. La fondation Gordon s'est intéressée à la question, mais elle ne peut y consacrer que 5 000 $ ou 15 000 $, montant qui, pour la fondation Rockfeller, représente ses dépenses annuelles en café dans ses réunions sur les diasporas. Nos ressources ne sont pas de taille. L'argent devra provenir du gouvernement.
    Pour le livre blanc que j'ai rédigé pour l'USAID, sur les envois de fonds par les diasporas, j'ai examiné l'Afrique, l'Europe et les autres continents. Chaque communauté est différente. Il faut donc faire l'inventaire de ses propres priorités en matière de développement à l'égard de ces groupes. C'est ce que l'USAID a fait, il y a longtemps. Chaque pays d'Amérique latine et des Caraïbes a un ministre de la diaspora, dont l'importance est reconnue par lui, pas seulement par la Banque mondiale. Haïti possède un ministre de la diaspora depuis une éternité. Le Mexique fait tellement de choses pour démultiplier l'apport de sa diaspora et pour collaborer avec elle. C'est incroyable. En Uruguay et en Argentine, qui l'aurait cru, on se concentre sur la diaspora scientifique et sur les moyens de la ramener au bercail. Donc, si vous voulez parvenir à un résultat, il ne faut pas seulement s'adresser aux organismes de développement ni aux groupes de la diaspora, mais, aussi, aux ministères et aux pays d'origine.
    Nous avons eu des rencontres avec des ministres de la diaspora. Le ministre de la diaspora indienne est allé au Mexique et nous avons aidé à organiser des rencontres entre ces ministres, auxquelles les Philippines se sont jointes. Des réseaux très intéressants se sont donc formés. Ils sont peu coûteux, il est facile de s'y brancher, mais au prix d'un changement de culture; il faut changer de mentalité à l'égard du développement. Il faut vraiment que les responsables du développement officiel s'assouplissent, deviennent plus créatifs, qu'ils adoptent une mentalité d'entrepreneur. Il leur faut un acte supplémentaire de foi, dans une certaine mesure, pour travailler avec ces groupes, ce qui constituait tout un obstacle. La Banque interaméricaine de développement l'a surmonté, comme l'USAID et les Européens. Le Canada, comme l'a fait observer le ministre de la Coopération internationale, est en retard. Je pense que même l'ACDI reconnaît être une sorte d'intrus parmi les organismes qui s'occupent de développement international.
    Il y a une raison pour laquelle tous les autres organismes de développement franchissent ce pas et travaillent à leur deuxième génération de partenariats public-privé. Ils ne lancent pas la serviette; ils ne disent pas que ça n'a pas fonctionné. Ils y travaillent parce que cela fonctionne, que c'est efficace. Ce n'est pas seulement des organismes bilatéraux. Il y en a aussi de multilatéraux. Le Canada se distingue en ne faisant pas comme eux.

  (1620)  

    C'est tout le temps dont nous disposons.
    Nous entreprenons la troisième série de questions.
    Monsieur Dechert, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Dade, pour les renseignements très importants que vous nous avez communiqués.
    Vous avez beaucoup parlé des envois de fonds par les diasporas. Nous savons tous que les Canadiens contribuent beaucoup à ces envois partout dans le monde. Nous devrions pouvoir les chiffrer.
    Vous avez notamment parlé de la méthode de paiement par téléphone cellulaire. Je me demande si vous avez effectué une étude générale des coûts des virements de fonds pour les communautés au Canada, aux États-Unis et ailleurs. Je sais que, dans ma circonscription de Mississauga, il existe probablement une centaine au moins de communautés. On voit des agences Western Union partout. Je ne veux pas m'arrêter à cette seule compagnie; de nombreuses autres occupent le créneau. J'ai l'impression que, pour les virements, elles prélèvent un pourcentage important. Avez-vous étudié la question? Comment abaisser ces frais pour que plus d'argent parvienne aux personnes qui en ont besoin dans les pays d'origine?
    Dans ses études sur les couloirs d'envoi de fonds qu'il a effectuées seul ou en partenariat avec la Banque mondiale, Finances Canada a abordé ces questions. Alan Simmons, de l'Université York, a fait une analyse rapide et un sondage auprès des destinataires en Jamaïque, qui nous donne un aperçu des coûts. Mais, encore une fois, pour ne pas avoir à réinventer la roue, sachez que les États-Unis ont vraiment creusé la question. Les marchés ne sont pas si différents pour que leur travail ne s'applique pas ici.
    Une grande partie du travail de compression des coûts a déjà été effectuée. Les systèmes mis sur pied par la Banque interaméricaine de développement et par des groupes comme Fonkoze sont déjà en place et sont utilisés au Canada. Il s'agit simplement de s'assurer que les groupes y ont accès.

  (1625)  

    Connaissez-vous les pourcentages prélevés par les agences pour envoyer les fonds vers des pays particuliers?
    J'ai déjà eu...
    Dans ce cas, je pense que le comité serait heureux de les connaître.
    ... et je peux les communiquer.
    Quelle est votre opinion sur les programmes qui permettent l'embauche de main-d'oeuvre étrangère temporaire? Le Canada, comme vous le savez, en possède d'importants, que divers groupes, pour diverses raisons, ont critiqués.
    Ces programmes sont-ils importants pour l'aide au développement? Devrait-on les intensifier? Quelle est votre opinion générale sur eux?
    Ils sont extrêmement importants. On entend parler de pays où le marché du travail n'est pas efficace. Le travail ne rapporte pas assez. En permettant aux travailleurs de se déplacer, on soulage beaucoup la pauvreté.
    Le programme canadien n'est pas parfait, mais il est meilleur que beaucoup d'autres. Les critiques sont importantes... Loin de moi l'idée de les dénigrer, parce qu'elles sont un facteur d'amélioration, mais le mieux est l'ennemi du bien. Ayant vécu aux États-Unis et ayant, à une certaine époque, été Américain, je peux vous dire que le système américain peut faire perdre assez de temps à quelqu'un qui fait appel à la main-d'oeuvre temporaire de l'étranger et que, en comparaison, le système canadien laisse voir ses qualités.
    Il est malheureux que les Canadiens, en général, n'en soient pas conscients. Même comparé à l'Europe, notre système... Encore une fois, il n'est pas parfait, mais Dieu soit loué pour le Canada et ses pratiques exemplaires!
    L'augmentation du nombre de travailleurs est, bien sûr, une bonne idée, de même que celle du contrôle et des autres mesures nécessaires dans cette situation. Les travailleurs temporaires sont extrêmement importants. C'est une bonne façon d'aider les communautés.
    Un concept intéressant, parmi d'autres, dont on verra la manifestation dans quelques semaines, concerne la création de villes à charte, une idée de l'économiste Paul Romer, l'un des chef de file de la théorie de la croissance — aux universités de New York, de Chicago et Stanford. Ces villes sont gérées d'après des normes et des institutions de l'extérieur du pays où elles se trouvent. Il en envisage une, au Honduras, qui accueillerait les millions de Honduriens qui ont décidé de partir pour les États-Unis, dans une société qui leur permettrait de rester chez eux et de continuer à mettre leurs talents au service de leur pays.
    Beaucoup de pays des Caraïbes préconisent une idée semblable, fondamentalement pour accueillir des établissements et maisons de retraite. C'est moins cher. Le système de santé de l'Ontario serait solvable si les retraités pouvaient se retirer là-bas et s'y faire traiter plutôt qu'ici, dans un environnement où la vie est chère. En outre, plutôt que d'attirer ici des infirmières et des médecins dont cette région a désespérément besoin et les plonger dans un milieu de vie où les coûts sont élevés, on pourrait les maintenir dans leurs communautés, auxquelles ils pourraient continuer de contribuer.
    Franchement, où rêve-t-on d'aller, au beau milieu de l'hiver? À Winnipeg ou en Jamaïque ou Cuba? L'idée fait son chemin aux États-Unis.
    Est-ce que je peux vous interroger au sujet de la collaboration avec les chambres de commerce des diasporas? Quand j'étais dans l'entreprise privée, j'appartenais à un certain nombre d'entre elles. Comment le gouvernement peut-il les appuyer ici et les aider à employer leur expérience des affaires dans les pays d'origine pour faire le bien?
    Soyez bref, s'il vous plaît. Notre temps est écoulé.
    Il y a un excellent exemple. Le Bureau de promotion du commerce du Canada a collaboré avec la Jeune Chambre de Commerce Haïtienne de Montréal. Au Canada, des groupes ont les compétences et l'expérience. Les coûts ne sont pas énormes, mais l'investissement rapporte énormément.
    Merci beaucoup.
    Nous revenons, pendant cinq minutes, à Mme Sims.
    Merci beaucoup.
    Clarifions une chose. Nous ne prétendons pas qu'il n'y a aucun rôle pour le secteur privé, mais je ne vois vraiment aucun rôle pour le secteur privé en quête de profits.
    Dans un article publié récemment dans Embassy, vous dites que les acteurs traditionnels du développement comme l'ACDI et les ONG jouent des rôles indispensables dans le soulagement immédiat de la pauvreté et dans l'instauration d'environnements propices au développement...
    Vous avez également félicité le Royaume-Uni pour sa position sur le développement international. Comme vous le savez, le premier ministre Cameron a récemment affirmé que, malgré la situation économique du pays, il continuerait d'honorer ses engagements. Il considère que le développement est la chose à faire, du point de vue moral et, fondamentalement, pour l'intérêt national.
    Malheureusement pour nous, ici, notre financement, pour l'essentiel, stagne. L'enveloppe de l'Aide publique au développement reste la même. Cela signifie que, en 2014, nos dépenses budgétaires en matière d'aide ne représenteront plus que 0,28 p. 100 du PIB, le taux le plus faible des 22 pays membres de l'OCDE. Nous devrions avoir honte!
    D'après nous, malgré le fait que le Canada a été protégé de la plupart des malheurs économiques et qu'il est l'un des pays les plus prospères du globe, de plus en plus, il abandonne les gens et les pays les plus pauvres de la terre.
    Comme vous le savez, le budget fédéral sera connu cette semaine. Je pense que quelques personnes le savent. Une coalition est venue, la semaine dernière, sur la Colline du Parlement, recommander vivement au gouvernement de ne pas combattre le déficit au détriment des pauvres. Cette intervention a soulevé beaucoup d'émotion. Compte tenu des observations que vous avez formulées dans Embassy au sujet du rôle décisif de l'ACDI dans le soulagement de la pauvreté, êtes-vous d'accord avec cette coalition pour dire que le budget ne doit pas sabrer dans le financement de l'aide à l'étranger?
    J'aimerais une courte réponse, s'il vous plaît, parce que je tiens à vous poser une autre question.

  (1630)  

    Loin de moi l'idée de dire au gouvernement ou à l'opposition ce qu'ils doivent faire. Je peux offrir des idées sur le ratio coûts-avantages et les répercussions de telles décisions.
    Si on diminue les crédits de l'aide, les types de partenariats que j'ai décrits gagneront d'autant en importance. Il devient plus important de tirer le maximum d'efficacité de chaque dollar consacré à l'aide.
    D'accord.
    Madame Groguhé, vous disposez de deux minutes.

[Français]

    J'aurais plusieurs questions à vous poser, monsieur Dade, mais je me contenterai d'une seule.
    Parlons d'abord de la diaspora, dont la présence est importante dans différents pays. Originellement, la diaspora a toujours envoyé de l'argent. Dans les pays en voie de développement, la famille élargie est une réalité culturelle et est très importante. La diaspora a toujours soutenu les familles restées au pays, que ce soit sur les plans de l'éducation, de la scolarisation, de la santé, ou ne serait-ce que pour manger.
    Dans la logique de développement, elle s'est beaucoup intéressée à la survie des personnes, et parfois à l'acquisition de biens. En ce qui concerne les infrastructures, l'éducation, la formation et la santé, la diaspora, à mon avis, ne pourra pas prendre le relais à elle seule. En revanche, le rôle du secteur public me semble essentiel. La participation de l'ACDI et des ONG me semble essentielle. Qui va être le chef d'orchestre de ce développement?
    Si le secteur privé prend une place de plus en plus importante, comment tout cela sera-t-il orchestré, comment aura-t-on un contrôle et une évaluation? Comment savoir concrètement, comment ces différents protagonistes vont améliorer les questions de développement dans ces pays?
    J'attends votre réponse.
    C'est bien.
     Je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Sur la question de la contribution des diasporas, il y a d'abord, effectivement, l'éducation, la santé, le logement; mais, comme je l'ai mentionné, selon le pays, de 5 à 15 p. 100 des envois sont destinés à des projets collectifs. Prenez le ROCAHD, à Montréal, et les projets qu'il permet de financer: construction d'écoles, de cliniques, de routes, création de bibliothèques, retour de personnels médicaux. Voilà le genre de projets collectifs auxquels participe la diaspora.
    Les Mexicains ont un projet qu'ils appellent « Tres por uno », maintenant « Cuatro por uno » — quatre pour un — qui consiste à recueillir les contributions de la diaspora pour les routes, les hôpitaux, et à les apparier dans un rapport de quatre à un avec l'argent de l'État mexicain. Ils mobilisent les acteurs locaux tels que l'État ou la municipalité dans la réalisation collective des projets. L'intervention des diasporas dans le processus de développement, par la formation de partenariats avec les organismes de développement, la collaboration avec l'État, conduit à la même coordination qu'avec les ONG.
    En ce qui concerne la coordination plus grande de diasporas dans le secteur privé, encore une fois, à mesure que l'on développe des partenariats entre le secteur privé et les organismes d'aide, on obtient cette coordination. Il y a brassage des compétences, des connaissances. Le secteur privé participe déjà. En collaborant avec lui, on ne le subventionne pas. C'est une collaboration qui, comme avec la diaspora, aide à faire d'eux de meilleurs acteurs du développement, et c'est la même chose avec l'ACDI.
    Il y a donc fécondation mutuelle. Ce n'est pas une subvention. On méconnaît complètement la situation si on pense que c'est une subvention. Je l'affirme, tous ceux qui touchent à cette question seraient d'accord avec moi.

  (1635)  

    Merci beaucoup. C'est tout le temps dont nous disposons.
    Monsieur Dade, j'ai une petite question pour vous, avant que vous ne nous quittiez. Daniel Runde a parlé des outils financiers utilisés par la Société financière internationale. Il a dit que si le Canada pouvait se doter de certains d'entre eux, ils seraient efficaces. Êtes-vous au courant de son témoignage? Avez-vous une opinion, très rapidement, sur ce à quoi ressembleraient ces outils?
    Bien sûr.
    Pour encourager l'investissement privé, mettre en place des outils pour faire circuler davantage d'argent, collaborer avec les diasporas, la SFI a développé un certain nombre de solutions. Si j'étais vous, j'inviterais de nouveau Dan, parce qu'il a contribué à créer beaucoup de ces outils. Je ne voudrais pas, sur cette question, parler à sa place.
    Dernier point: en ce qui concerne les évaluations, on s'est questionné, devant le comité, à un certain nombre de reprises, sur leur efficacité et sur la façon de savoir si les partenariats public-privé fonctionnent. Chaque année, depuis 15 ans, l'USAID doit présenter une justification au Congressional Budget Office, l'équivalent d'une demande au Conseil du Trésor, au Canada. Il existe ainsi un dossier, dans la terminologie des législatures, sur l'efficacité des programmes d'aide. Vous pouvez le consulter. Les Allemands ont la même chose.
    L'organisme pour lequel je travaillais avant, l'Inter-American Foundation, a publié des livres — je dis bien « des livres » — sur son expérience des partenariats public-privé et de la collaboration avec les sociétés privées. Il ne s'agit pas d'un credo des organismes de développement, mais d'évaluations et d'analyses, qui reposent sur des décennies de faits. Les modifications survenues dans les programmes visent à s'adapter à la situation.
    Encore une fois, le Canada est en retard, et beaucoup de changements survenus lui ont échappé. Mais les résultats sont accessibles. Je pourrais remplir la pièce d'évaluations de partenariats public-privé qui montrent comment les organismes de développement ont maximisé leurs résultats et qui précisent également où les erreurs ont été commises, où nous avons cafouillé. Il y a eu aussi beaucoup de ratés. Mais l'absence d'erreur, d'échec, signifie simplement un manque d'effort, et je dirais que c'est le problème, chez l'ACDI.
    Merci beaucoup, monsieur Dade.
    Je remercie également tout le monde.
    Sur ce, la séance est levée.
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