Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 051 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 25 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Conformément à l’ordre de renvoi du mercredi 3 octobre 2012, nous discuterons aujourd’hui du projet de loi C-383, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et la Loi sur les ouvrages destinés à l’amélioration des cours d’eau internationaux.
    Le projet de loi a été approuvé à la Chambre et renvoyé au comité. Pendant la première heure de la séance, nous allons entendre M. Miller, puis nous accueillerons quelques témoins. Mardi, nous recevrons des représentants du ministère des Affaires étrangères, puis nous procéderons à l’étude article par article.
    Nous aimerions souhaiter la bienvenue à M. Miller. Merci d’être venu aujourd’hui. Je vois qu’il y a quelques invités des autres partis aujourd’hui. Par conséquent, j’aimerais souhaiter la bienvenue à tous les remplaçants.
    Cela étant dit, je vais vous céder la parole, monsieur Miller. Je pense que vous savez comment nous fonctionnons. Donc, nous allons commencer par entendre votre déclaration préliminaire, monsieur Miller.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis heureux d’être ici pour parler de mon projet de loi d’initiative parlementaire. J’aimerais remercier les membres du comité de s’en occuper aussi peu de temps après son adoption en deuxième lecture, le 3 octobre. Je vous en suis reconnaissant. Comme vous le savez tous, le projet de loi a été approuvé à l’unanimité ce jour-là. Même si je ne le qualifie pas de « réconfortant », je pense qu’il est perçu un peu de cette façon. Le projet de loi semble être non partisan, et c’est ce que je cherchais à accomplir en le rédigeant.
    Comme vous le savez tous, le projet de loi modifie la Loi sur le traité des eaux limitrophes internationales. Il renforce les dispositions de protection contre les prélèvements massifs d’eau qui sont actuellement en vigueur. Les modifications garantissent que toutes les eaux relevant de la compétence fédérale seront protégées contre les prélèvements massifs. Ces amendements sont destinés à compléter les dispositions que les provinces ont déjà prises pour protéger les eaux relevant de leur compétence. Le projet de loi renforce également les dispositions relatives aux peines et à l’exécution, et retire du Règlement quelques définitions et exemptions afin de les insérer dans le texte de loi. Je pense qu’il renforce énormément les dispositions de la loi et qu’il permettra au Parlement de surveiller la loi un peu plus facilement. En outre, le projet de loi prévoit quelques exceptions mineures, comme les prélèvements visant à combattre des incendies ou à apporter une aide humanitaire.
    Le projet de loi C-383 est très semblable au projet de loi C-26, la mesure législative que le gouvernement a présentée au cours de la législature précédente. À l’époque, la Munk School of Global Affairs reprochait une seule chose au projet de loi, et cet aspect a été modifié dans le projet de loi C-383. La principale différence entre les deux projets de loi est un amendement apporté à la Loi sur les ouvrages destinés à l’amélioration des cours d’eau internationaux qui interdira la délivrance de permis pour des projets qui visent à relier des eaux canadiennes non limitrophes à des cours d’eau internationaux et dont le but ou l’effet est d’augmenter le débit annuel des cours d’eau transfrontaliers. Cela vise à empêcher qu’un cours d’eau international soit utilisé pour transférer de l’eau de l’autre côté de la frontière.
    Maintenant que j’ai mentionné ces deux enjeux, monsieur le président, je crois comprendre qu’on souhaite apporter au projet de loi quelques amendements qui, pour des raisons techniques, ne sont pas prêts à être présentés au comité aujourd’hui. Cependant, je connais les amendements qui seront proposés et, à mon avis, il s’agit de questions de régie interne qui ne me posent absolument aucun problème.
    Cela étant dit, je suis certainement disposé à répondre à vos questions.

  (0850)  

    Fort bien. Votre déclaration a duré moins de 10 minutes. C’est comme si vous aviez déjà fait cela auparavant.
    Nous souhaitons à M. Julian la bienvenue à la séance du comité. Cela fait plaisir de vous voir, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis heureux de vous voir, monsieur Miller. Du côté de la Chambre où les députés du NPD s’assoient, nous vous sommes très reconnaissants de vous être joint à la campagne que le NPD a entreprise pour mettre un terme aux prélèvements massifs d’eau. Comme vous le savez, en 1999 et en 2007, nous avons présenté des motions à la Chambre des communes qui exprimaient clairement nos inquiétudes par rapport aux exportations massives d’eau. Dans les deux cas, elles ont été adoptées par une majorité de députés de la Chambre des communes. Il ne fait aucun doute que nous sommes du côté de la majorité des Canadiens à cet égard. Par conséquent, nous sommes très heureux que vous présentiez ce projet de loi.
    Toutefois, certains de ses aspects me préoccupent, et je tenais à ce que vous me fournissiez quelques précisions à leur sujet, en particulier en ce qui concerne le captage massif mentionné à l’article 3. À cet égard, votre projet de loi indique ce qui suit: « Est exclu de la présente définition le transfert, à l’extérieur d’un bassin hydrographique, d’un produit manufacturé qui contient de l’eau, notamment l’eau et toute autre boisson mises dans des bouteilles ou d’autres contenants. »
    J’aimerais que vous m’expliquiez à quoi se limitent la taille des contenants et le volume des captages. Qu’est-ce qui encadre cet article particulier du projet de loi?
    Je ne peux pas vous indiquer la taille exacte des contenants, monsieur Julian, mais, selon moi, cela comprendrait tous les contenants qui existent, des bouteilles de 20 litres — il y a de nombreux refroidisseurs d’eau dans les foyers, les bureaux, etc. — jusqu’aux plus petites bouteilles d’eau.
    Ma circonscription compte quelques usines d’embouteillage d’eau ainsi que quelques brasseries. Si nous ajoutons des restrictions à cet article, cela voudra dire, par exemple, que mes brasseries locales ne pourront plus vendre leurs produits, c’est-à-dire leur bière, hors de la région. En fait, leur bière leur a permis de remporter quelques prix internationaux. Ces restrictions s’appliqueraient également aux entreprises d’embouteillage de boissons gazeuses. Il n’y en a pas dans ma circonscription, mais on en retrouve un certain nombre au Canada, en général, et en Ontario, en particulier.
    Je me suis délibérément abstenu d’ajouter des restrictions à cet article. Sinon cela aurait nui énormément aux entreprises, dont bon nombre sont des PME.
    Mais, non, cette disposition s’applique à tout scénario de ce genre, c’est-à-dire à des produits contenant de l’eau, que ce soit de l’eau embouteillée, des boissons gazeuses ou de la bière, et je suis certain qu’il y en a d’autres. Je suis très favorable aux entreprises, et de telles restrictions les toucheraient durement et constitueraient, selon moi, une erreur monumentale.
    Ce n’est pas le but qu’on recherche ici. On cherche à prévenir les dérivations de grandes quantités d’eau ou l’exportation par navire de l’eau des Grands Lacs, par exemple. C’est essentiellement ce que je m’efforce de stopper au moyen de dispositions de ce genre.
    Cela répond-il à votre question?
    En partie. Votre circonscription compte effectivement d’excellentes brasseries locales. Je tiens à revenir sur cette question. Êtes-vous en train de dire que votre approche consistait à limiter la taille des contenants à 20 litres?
    Ne citez pas mes paroles à ce sujet. Je ne connais pas la taille exacte des contenants. Je ne sais même pas si une taille est précisée dans le projet de loi. On parle de grandes quantités d’eau, qu’elles soient exportées par bateaux, par pipelines ou par dérivations…
    En ce qui concerne les dérivations, j’utiliserai l’exemple de l’eau qui a été dérivée de Chicago. Cela s’est produit, il y a probablement plus de 100 ans. Les dispositions qui nous occupent n’autoriseraient pas ce genre de captage.
    Remarquez que la ville de Chicago et la ville d’Owen Sound, qui se trouve dans ma circonscription, tirent des Grands Lacs l’eau potable destinée à leurs collectivités. Ces genres de prélèvements ne seront pas touchés par les dispositions.
    Quant à préciser la taille d’un contenant dans le projet de loi, je pense que c’est…

  (0855)  

    Je comprends votre argument à propos des produits manufacturés. Les dispositions actuelles du projet de loi n’auraient pas de répercussions sur les brasseries qui, bien entendu, exportent leurs produits. Il en va de même pour certaines brasseries locales de la Colombie-Britannique.
    Si l’on passe en revue le projet de loi, on constate que la dérivation est interdite très clairement. Toutefois, on n’observe pas les mêmes termes en ce qui a trait au captage massif d’eau douce, indépendamment de la taille des contenants.
    Vous avez mentionné 20 litres, mais je n’ai pas vu ce chiffre mentionner où que ce soit dans le projet de loi, donc…
    Non, monsieur Julian, mais je pense que, d’après ma définition et celle de la plupart des gens, la notion de captage massif d’eau est explicite. Je dirai simplement qu’on fait allusion à des contenants de dimensions raisonnables. Ce n’est pas le problème que le projet de loi tente de régler, ni un problème qui a besoin d’être réglé, selon moi. Je n’ai aucune préoccupation à ce sujet. Les dérivations et les exportations de grandes quantités d’eau sont les problèmes auxquels je m’attaquais ici, et j’estime que le projet de loi y remédie très bien.
    Vous avez absolument raison, il règle la question des dérivations, mais pas celle du captage de grandes quantités d’eau à l’aide de contenants.
    Eh bien, nous allons simplement convenir que nous ne sommes pas d’accord à ce sujet.
    Vous avez parlé de 20 litres. Ce chiffre n’est pas mentionné dans la mesure législative, n’est-ce pas? À l’heure actuelle, aucune disposition du projet de loi n’indique que…
    Je tiens à être très clair à ce sujet. J’ai mentionné 20 litres à titre d’exemple.
    Je comprends.
    M. Larry Miller: D’accord.
    M. Peter Julian: Je comprends, mais ne seriez-vous pas d’accord pour dire que cet aspect a besoin d’être clarifié?
    Si votre idée, en abordant le projet de loi, était de limiter les exportations d’eau à 20 litres par contenant et que cela n’est pas mentionné dans le texte, ne conviendriez-vous pas qu’il y a une faille dans le projet de loi? Les contenants employés pourraient être maintes et maintes fois plus gros et, en un sens, cette faille relative au captage massif d’eau pourrait servir à exporter de grandes quantités d’eau. C’est une préoccupation que bon nombre d’organisations ont également soulevée.
    Ne seriez-vous pas d’accord pour dire que cette question pourrait être clarifiée?
    Je prendrai votre suggestion en considération mais, non, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’ajouter d’autres dispositions à cet article. Toutefois, je vais examiner la question. Je pense que vous êtes conscient de ce que je cherche à accomplir et, selon moi, le projet de loi y parvient très bien. Mais s’il est possible d’ajouter des dispositions qui amélioreront la mesure législative, je serai toujours disposé à envisager leur ajout.
    À moins que vous ayez des termes précis à suggérer ou quelque chose…
    Je pense que ce sera le cas, monsieur le président. Nous aborderons la question à mesure que le comité étudiera le projet de loi.
    Je tiens à passer à un autre aspect, à savoir la limite de 50 000 litres. Encore une fois, je pense qu’il y a une faille à cet égard qui pourrait être clarifiée. On pourrait exporter plus de 50 000…
    Monsieur Julian, nous allons devoir revenir à vous au cours de la prochaine série de questions, parce que c’est tout le temps dont vous disposiez au cours de celle-ci.
    Nous allons maintenant passer à M. Dechert, qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président. J’aimerais également vous remercier, monsieur Miller, d’être venu aujourd’hui et d’avoir présenté ce qui, à mon sens, est un projet de loi d’une importance primordiale, que tous les Canadiens appuient.
    Je pense que M. Julian s’apprêtait à signaler la présence d’une limite de 50 000 litres d’eau qui figure à l’alinéa 3(2)(b) de la définition de captage massif. Elle restreint à 50 000 litres d’eau « le transfert, à l’extérieur d’un bassin hydrographique ». Je pense également qu’il faut que le comité se souvienne et comprenne que l’utilisation de l’eau dans toute province ou tout territoire est réglementée par la province ou le territoire en question, en vertu de ses lois sur la protection environnementale. Tout fabricant, qu’il s’agisse d’un embouteilleur de boissons gazeuses, d’un brasseur de bière, etc., doit obtenir un permis auprès de l’organisme provincial ou territorial approprié pour être en mesure d’utiliser la quantité d’eau que son processus requiert. Il présente une demande de permis, et le permis délivré indique la quantité d’eau qu’il utilisera annuellement.
    Cette question relève des provinces et des territoires. À ma connaissance, elle est réglementée dans chaque province et territoire du Canada.
    Je peux vous dire que, même pour creuser un puits sur une propriété résidentielle rurale de l’Ontario, il faut obtenir un permis de prélèvement d’eau. Même une municipalité qui souhaite élargir son système d’alimentation en eau potable doit franchir les étapes de ce processus.
    C’est juste. Par conséquent, vous avez pour but de ne pas reproduire ces mesures législatives.
    C’est exact. En fait, j’évite délibérément les compétences provinciales. M. Scarpaleggia a présenté plus tôt un projet de loi semblable. J’aurais pu l’appuyer mais, malgré tout le respect que j’ai pour M. Scarpaleggia, son projet de loi empiétait sur certaines compétences provinciales. La dernière chose dont nous avons besoin, c’est de compromettre nos relations avec les provinces. Nous tenons également à éviter les chevauchements législatifs. Selon moi, il est clairement inutile d’apporter des précisions. Les provinces s’en sont déjà occupées.

  (0900)  

    Votre projet de loi vise à interdire de manière générale tout projet d’infrastructure à grande échelle qui dériverait de grandes quantités d’eau canadienne vers les États-Unis.
    Exactement. C’est l’un des aspects qui, en vertu de la Loi sur le traité des eaux limitrophes internationales, comprendrait, par exemple, les Grands Lacs qui longent la frontière entre les deux pays.
    Les modifications apportées à la Loi sur les ouvrages destinés à l’amélioration des cours d’eau internationaux traitent également de cet aspect mais, cette fois, relativement aux eaux transfrontalières.
    L’enjeu comporte deux aspects que, selon moi, nous avons cernés.
    À bon nombre d’endroits au Canada, le dynamisme de l’industrie du tourisme dépend de la beauté de nos Grands Lacs, de nos cours d’eau et des autres voies navigables. Je sais que votre circonscription longe deux célèbres et gigantesques plans d’eau internationaux.
    Pouvez-vous nous donner une petite idée de l’effet que des prélèvements massifs d’eau dans ces grands lacs, qui voisinent votre circonscription, auraient sur l’industrie touristique de votre région?
    Vous faites valoir un excellent argument, monsieur Dechert. Oui, techniquement parlant, trois côtés de ma circonscription sont délimités par des plans d’eau. La baie Georgienne et le lac Huron sont séparés par la péninsule Bruce. J’habite juste au bas de la péninsule, le long d’une partie de la baie Georgienne. Le tourisme est notre deuxième industrie en importance, après l’agriculture, et elle est en pleine croissance. Elle est donc extrêmement importante. Le projet de loi protège notre volume d’eau. En même temps, comme vous le savez, de nombreux changements ont été apportés en vue de protéger la qualité de nos eaux.
    L’eau revêt une énorme importance pour ma circonscription, mais c’est aussi le cas pour la population du Canada en général. Bien que cet enjeu m’importe, je pense qu’il importe, comme M. Julian l’a mentionné, à presque tous les Canadiens.
    Diriez-vous que le projet de loi profiterait tant aux habitants des régions urbaines, comme ma ville, Mississauga, qu'à ceux des circonscriptions rurales, comme la vôtre?
    Oui, tout à fait. Que ce soit Mississauga, Toronto ou la région du Grand Toronto en général, nous sommes tous touchés par les Grands Lacs.
     Encore une fois, je crois qu'il s'agit d'une mesure législative qui profite à la plupart, voire à la totalité, des Canadiens.
    Je remarque que le projet de loi prévoit certaines exceptions temporaires à l'interdiction du captage massif d'eau. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consistent ces exceptions et nous dire pourquoi, selon vous, elles sont nécessaires?
     Je pense en avoir parlé de quelques-unes. Évidemment, il y a l'eau pour les réseaux d'aqueduc municipaux, c'est-à-dire pour l'expansion. Le projet de loi permet le captage d'eau pour l'expansion, que ce soit dans la ville de Mississauga, dans la ville de Windsor, à Sarnia ou à Owen Sound.
     Dans ma circonscription, en fait, certaines améliorations sont apportées à cette installation, mais dans l'ensemble des Grands Lacs et, bien entendu, dans d'autres régions, bon nombre des cours d'eau internationaux servent de base pour l'approvisionnement en eau pour les collectivités. C'est certainement une des exceptions. J'ai également mentionné la lutte contre l'incendie. Une autre exception serait les efforts d'ordre humanitaire. Je crois qu'il y en a probablement d'autres, mais c'est ce qui me vient à l'esprit.
    Très bien.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste une minute.
    Pouvez-vous nous dire comment les Canadiens en général ont réagi au projet de loi? Avez-vous mené des sondages? Avez-vous parlé aux citoyens des diverses régions du pays pour voir s'ils appuient ce type de projet de loi?
    L'appui a été phénoménal, et c'est le moins qu'on puisse dire, monsieur Dechert. Je crois que le résultat du vote tenu le 3 octobre ici, au Parlement, représente bien cet appui.
    Comme vous le savez, aucun projet de loi n'est parfait, et je ne vais pas prétendre que celui-ci en est une exception, mais je crois qu'il contribue grandement à ce que nous essayons tous de faire, à savoir protéger nos cours d'eau. Je suis très satisfait de l'objet visé. Il faut dire qu'au moment de commencer à m'intéresser à ce dossier, je comptais inclure tous les cours d'eau au Canada, mais après une analyse plus poussée, dès que je me suis rendu compte que j'empiéterais les compétences provinciales, je m'en suis abstenu. Je veux éviter toute ambiguïté et toute confrontation.

  (0905)  

    Merci beaucoup.
    Voici les intervenants que j'ai sur la liste: nous entendrons d'abord M. Scarpaleggia et M. Tilson, puis de nouveau M. Julian.
    Monsieur Scarpaleggia, bienvenue. Vous avez sept minutes, monsieur.
    Avant de poser mes questions, j'aimerais faire une observation.
     Dans deux discours du Trône, le gouvernement s'est essentiellement engagé à bloquer l'exportation d'eau en interdisant les échanges entre bassins. Dans ces deux discours du Trône, le gouvernement réagissait au projet de loi que j'avais présenté; c'est celui que vous n'avez pas pu appuyer, monsieur Miller, parce que vous jugiez qu'il empiétait sur un domaine de compétence provinciale. Ce projet de loi était basé sur le travail du centre Munk.
    Voici ce que je trouve curieux. Ce n'est rien qu'une observation. Je ne vous pose pas vraiment la question, parce que vous n'êtes pas le ministre, mais ce que je trouve curieux, c'est que dans les deux discours du Trône, on a parlé essentiellement de l'idée d'adopter le modèle proposé dans mon projet de loi concernant l'interdiction des échanges entre bassins. Puis, lorsqu'on a présenté le projet de loi C-26, qui est en fait votre projet de loi, il y avait une grande échappatoire. Cette mesure législative n'allait même pas aborder les échanges entre bassins dans les eaux limitrophes. Cela m'amène à remettre en question les intentions réelles du gouvernement relativement aux engagements pris dans les deux discours du Trône. Ce n'est là qu'une observation.
    Ne s'agit-il pas, en réalité, d'un projet de loi sur le commerce? Comme vous l'avez dit, le but est d'interdire les exportations d'eau à l'aide de cours d'eaux transfrontaliers. N'aurions-nous pas alors une mesure commerciale?
    Certainement pas, selon moi, et je ne sais même pas pourquoi vous en parlez.
    Vous dites qu'il s'agit de bloquer l'exportation d'eau vers les États-Unis. On parle là, à mon avis, de commerce.
    Cela ne concerne pas uniquement les États-Unis. En vertu de l'ALENA, il est très clair, monsieur Scarpaleggia, que l'eau ne peut pas être traitée comme un produit ou, mieux encore, une marchandise.
     C'est très clair, mais je tiens à souligner que le projet de loi ne porte pas uniquement sur les exportations aux États-Unis ou les dérivations. Bien entendu...
    On parle de cours d'eau transfrontaliers, et les seuls que je connaisse s'en vont aux États-Unis. En tout cas, laissons cela de côté.
    Voici où je veux en venir. Qu'est-ce que le projet de loi ajoute vraiment au traité entre le Canada et les États-Unis, à savoir le Traité des eaux limitrophes internationales? Cette convention interdit déjà à un pays de modifier les niveaux d'eau dans un autre pays. En vertu du traité, il est essentiellement « illégal » que le Canada modifie le débit ou les niveaux d'eau d'un cours d'eau transfrontalier de manière à ce que cela touche les cours d'eau aux États-Unis. Je doute que les mesures prévues ici soit un grand progrès.
    Ma deuxième question porte sur les évaluations environnementales. Quand on parle de mégaprojets comme ceux visés par votre projet de loi, il est généralement question de dérivations de quantités massives d'eau. Cela aurait des répercussions sur l'environnement. On serait porté à croire qu'un tel projet serait interrompu à l'étape de l'évaluation environnementale, à moins que le gouvernement fédéral se retire du processus d'évaluation environnementale et laisse la province s'en occuper, laquelle prend ensuite les mesures nécessaires pour que le processus autorise une dérivation.
    Si le processus d'évaluation environnementale fonctionnait comme il faut, peut-être qu'on n'aurait même pas besoin du projet de loi.
    Puis-je répondre à certains des points que vous avez soulevés?
    Bien sûr. Allez-y.
    Tout d'abord, en ce qui concerne vos observations précédentes, le centre Munk appuie entièrement le projet de loi.
    Vous avez dit que c'était semblable à un autre projet de loi. J'ai été très clair à ce sujet. Oui, il s'agit essentiellement du projet de loi C-26, mais avec l'ajout de certains articles qui viennent en fait le renforcer. D'ailleurs, je crois que l'amendement qu'on y a ajouté était un point soulevé par le centre Munk.
    Pour ce qui est de votre observation sur l'objet du projet de loi, êtes-vous en train d'insinuer que le projet de loi n'est pas bon? Je ne suis pas sûr.

  (0910)  

    Non, non. Je n'ai pas dit cela. J'ai publiquement proclamé mon appui au projet de loi.
    D'accord, mais vous remettez en question la raison pour laquelle...
    Ce n'est pas assez. Ce n'est pas assez.
    ... le gouvernement ou moi-même avons présenté cette mesure législative.
    Voici ma réponse: si tout fonctionnait bien, alors pourquoi aviez-vous tenté de le changer?
    Mon projet de loi ne visait pas expressément à bloquer les exportations, mais plutôt à fournir un filet de sécurité.
    Par exemple, si le gouvernement fédéral devait se retirer du processus d'évaluation environnementale — ce qui semble bien être le cas —, je voulais m'assurer qu'il y aurait un filet de sécurité au cas où une province voudrait affaiblir son régime d'évaluation environnementale ou lever ses interdictions sur les échanges entre bassins à l'extérieur de ses frontières. Le gouvernement fédéral interviendrait et dirait que, dans l'intérêt du Canada et des Canadiens, nous ne voulons pas détourner des quantités massives d'eau au-delà des frontières provinciales ou vers les États-Unis.
    Je crois que le projet de loi stipule cela.
    En ce qui concerne les évaluations environnementales, monsieur Scarpaleggia, selon moi, on les a en fait renforcées parce qu'on impose maintenant des délais. Au lieu d'accumuler des retards, il faut maintenant respecter des échéances concrètes.
    Sauf que, maintenant, nous avons le droit de détruire l'habitat du poisson. Voilà la différence. C'est maintenant permis, grâce à votre projet de loi omnibus.
    Je ne suis pas d'accord.
    À cause des modifications apportées à la Loi sur les pêches, il est désormais permis de détourner les eaux, même si cela finit par détruire l'habitat du poisson.
    Je ne suis pas de cet avis.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste 45 secondes.
    Je ne crois pas que votre projet de loi couvre les pipelines. Je vais faire une observation à ce sujet et j'en parlerai aussi avec le témoin du centre Munk.
    Rien dans le projet de loi n'empêche une province de construire un pipeline allant d'un cours d'eau non limitrophe jusqu'aux États-Unis. Je ne pense pas que le projet de loi en fasse mention. D'ailleurs, l'Alliance canadienne estimait que l'ALENA ne protège pas l'eau dans son état naturel et, comme vous le savez, j'ai déjà soulevé cette question.
    Le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères avait fait valoir ce point dans un discours lorsqu'il était membre de l'Alliance canadienne. Il avait dit que nous devons rouvrir l'ALENA parce que cet accord ne protège pas l'eau dans son état naturel.
    J'ajouterais que le département américain du Commerce est, lui aussi, de cet avis.
    Bref, je crois qu'il y a de nombreux problèmes. Je vous félicite pour cet effort.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    C'est tout le temps dont nous disposons.
    J'ai l'impression que ce ne sera pas un rappel au Règlement, mais allez-y.
    Je crois que c'en est un. Il suffit de lire la définition de « captage massif » dans le projet de loi, qui indique une interdiction du captage massif d'eau par la dérivation, notamment...
    Monsieur Dechert, j'avais raison: ce n'est pas un rappel au Règlement. Monsieur Tilson.
    ... grâce à un pipeline, canal, aqueduc ou par tout autre moyen.
    Merci. Nous allons commencer la prochaine série de questions avec M. Tilson, suivi de M. Julian, puis nous reviendrons aux conservateurs.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Miller, comme vous le savez, on a présenté une demande en vue de l'exploitation d'une mégacarrière dans ma circonscription, qui se trouve au sud de la vôtre. Vous avez peut-être entendu les quelques pétitions que j'ai lues à ce sujet.
    J'en ai moi-même déposé quelques-unes.
    La proposition — qui relève, bien entendu, de la compétence provinciale — consiste à construire une mégacarrière de 2 300 acres, jusqu'en dessous de la nappe phréatique. Cela aura des effets sur un certain nombre de rivières, non seulement dans ma circonscription, mais aussi dans la vôtre, parce qu'elle se trouve immédiatement au nord de la mienne.
    Je crois que le projet influera sur l'eau potable ainsi que les aquifères. Les promoteurs représentent une société américaine, plus précisément un fonds de couverture de Boston. La région en question regorge d'eau, et les promoteurs n'ont pas indiqué clairement ce qu'ils vont faire avec l'eau ou comment ils vont extraire l'agrégat — je crois qu'il s'agit de calcaire.
    J'ai entendu différentes théories. Selon l'une d'entre elles, ils vont pomper l'eau et l'entreposer quelque part, ce qui aura une incidence sur les ruisseaux et les rivières. D'après une autre théorie, ils vont transporter l'eau par train à travers votre circonscription, puis la mettre à bord de navires et l'envoyer quelque part, probablement aux États-Unis.
    Vous parlez de l'agrégat.
    Non, je parle de l'eau. Il faut puiser l'eau pour pouvoir extraire le calcaire en dessous de la nappe phréatique. On va creuser jusque-là; c'est ce qui est proposé dans la demande.
    J'ai deux questions. Votre projet de loi aurait-il une incidence sur l'extraction massive d'eau souterraine et son entreposage? Viserait-il des projets qui consistent à prélever de l'eau souterraine en grandes quantités pour ensuite la transporter ailleurs par train et l'envoyer aux États-Unis à bord de navires?

  (0915)  

    En ce qui concerne votre première question, je dirais que la réponse est un non catégorique: mon projet ne s'occuperait pas de telles activités. Relativement à la deuxième question, monsieur Tilson, je commencerais par dire que je connais très bien la grande région où l'on propose de construire la carrière. Je m'y suis déjà rendu en voiture. Par contre, je ne connais pas bien les plans des promoteurs. D'habitude, dans un projet d'exploitation de carrière, lorsque l'eau provient de la nappe phréatique, à mesure qu'on creuse, on pompe l'eau vers un marais, un ruisseau, etc.
    Le ministère provincial de l'Environnement applique des mesures de contrôle très strictes dans ce domaine. Quant à l'idée de transporter l'eau par train, je crois que cela coûterait extrêmement cher. Je ne peux pas imaginer une telle situation, mais si vous dites qu'on en parle dans la proposition...
    Ce sont là des théories. Il y a des rumeurs qui circulent. Les gens sont très inquiets.
    Pour enchaîner là-dessus, l'idée qu'on prélève cette eau pour ensuite la charger dans des wagons me paraît tirée par les cheveux. Je pense qu'il faudrait y réfléchir longuement. Quant à savoir si cela s'inscrirait dans le projet de loi, je n'en suis pas totalement sûr. Il faudrait que je voie la demande de proposition.
    Il s'agit certainement de prélever de l'eau en très grandes quantités; il n'y a aucun doute là-dessus.
    Je n'ai pas d'autres questions.
    Monsieur Dechert, vouliez-vous apporter une précision?
    Merci, monsieur le président. Tout d'abord, j'attire l'attention des membres du comité sur l'article 4 du projet de loi, qui modifie l'article 13 de la loi et qui stipule que « [m]algré l'article 11, le captage massif d'eaux limitrophes est interdit. »
    La définition de captage massif, qui figure au paragraphe 3(2) du projet de loi, se lit comme suit:
Le captage d'eaux limitrophes ou d’eaux transfrontalières et leur transfert — qu’elles aient été traitées ou non — à l’extérieur de la partie canadienne de leur bassin hydrographique, mentionné à l’annexe 2, par l’un ou l’autre des moyens suivants: a) la dérivation, notamment grâce à un pipeline, canal, tunnel, aqueduc ou chenal; b) tout autre moyen permettant le transfert, à l’extérieur d’un bassin hydrographique, de plus de 50 000 litres d’eau par jour.
    Cela me semble assez complet: toute méthode de transfert et tout autre moyen qui n'est pas précisé, y compris un pipeline, comme M. Scarpaleggia l'a soulevé. On dit aussi « tout autre moyen ».
    Monsieur Dechert, c'est tout le temps dont nous disposons.
    Je reviendrai à vous quand ce sera le tour de M. Schellenberger.
    La parole est de nouveau à M. Julian, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais remercier M. Dewar de m'avoir donné l'occasion d'en parler une deuxième fois.
    Les commentaires de M. Tilson étaient particulièrement intéressants. Ce dont il est question serait le transport en vrac d'environ 80 000 à 90 000 litres par wagon-citerne.
    Monsieur Miller, je suis heureux d’entendre dire que vous êtes ouvert à des amendements, parce qu'il s'agit d'une faille énorme, au point de pouvoir y faire passer un wagon.
    Si l'on regarde chacun des wagons qui servent à l'exportation d'un produit manufacturé — l'eau, selon la définition du projet de loi —, on pourrait très facilement dépasser la limite de 50 000 litres avec un seul wagon.
    Par rapport à la réponse que j'ai donnée à M. Tilson, si vous saviez où se trouve la carrière dont il a parlé…
    Je le sais.
    Premièrement, si une demande était présentée en vue d'aller de l'avant avec cette procédure, cela ne relèverait pas du fédéral, mais de la province. On ne parle pas du captage de l'eau des Grands Lacs ou quelque chose du genre. Je crois donc que cela relèverait de la province.
    Je pense qu'il faut clairement établir que ce n'est pas la même chose que de pomper l'eau directement du lac Ontario ou du lac Huron.

  (0920)  

    Pour ce qui est de l'exemption sur l'exportation d'eau, du fait qu'on ne fixe aucune limite quant à la taille du conteneur, on pourrait se retrouver avec un wagon-citerne d'une capacité pouvant aller jusqu'à 80 000 à 90 000 litres.
    Non; encore une fois, monsieur Julian, je pense que vous oubliez l'essentiel. On ne parle pas des eaux territoriales fédérales ou des eaux sous réglementation fédérale.
    Vous convenez qu'il n'y a aucune limite quant à la taille du conteneur, n'est-ce pas? C'est une faille, vous avez accepté de l'examiner et nous vous en sommes reconnaissants. Cependant, il y a dans le projet de loi une faille énorme, une faille de la taille d'un wagon.
    Je dirai, respectueusement, que je ne suis pas de cet avis.
    Monsieur le président, j'entends des commentaires venant de l'autre côté, mais je ne fais que lire le projet de loi. Dans la définition de « captage massif » qui est de toute évidence interdite en vertu du projet de loi, on indique ceci: « Est exclu de la présente définition le transfert, à l’extérieur d’un bassin hydrographique, d’un produit manufacturé qui contient de l’eau, notamment l’eau et toute autre boisson mises dans des bouteilles ou d’autres contenants. »
    Monsieur le président, il est assez évident qu'il y a là une lacune. D'autres témoins pourront le confirmer.
    Puis-je simplement répondre à M. Julian?
    Allez-y, monsieur Miller.
    Il y a des gens qui pensent que l'embouteillage dans de petites bouteilles constitue un captage massif. Votre version — et c'est ce que vous tentez de faire valoir —, c'est qu'il y a une faille.
    Je ne pense pas que c'est le cas. Je pense que c'est assez bien couvert...
    ... mais vous admettez qu'il n'y a pas — votre intention était d'avoir des contenants de 20 litres. Ce n'est pas indiqué dans le projet de loi.
    Non.
    Quelle était votre intention?
    Ce n'était qu'un exemple.
    Soit. Cependant, je pense que le point soulevé par M. Tilson est très pertinent. L'exemption fait en sorte que l'on pourrait voir sortir du pays des conteneurs de 80 000 à 90 000 litres. C'est préoccupant.
    Cela a pour effet de réduire la portée de l'alinéa b) du paragraphe 3(2) du projet de loi, qui dit:

b) tout autre moyen permettant le transfert, à l’extérieur d’un bassin hydrographique, de plus de 50 000 litres d’eau par jour.
    On peut le faire avec un seul wagon.
    Si c'était sous réglementation fédérale, je crois...
    En fait, c'était ma prochaine question.
    Le problème, c'est qu’en raison des lacunes dans la mesure législative fédérale, si une province décide de délivrer un permis d'exportation d’eau, rien dans le projet de loi ne les en empêche.
    Comme vous le savez, monsieur Miller, dans des endroits comme la Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador, nous avons vu des activistes s'opposer à l'exportation massive d'eau parce que le gouvernement provincial n'en comprenait pas les répercussions ou avait l'impression que l'exportation massive d'eau comportait un quelconque avantage sur le commercial.
    En conséquence, si nous comptons sur les mesures législatives provinciales, nous nous retrouvons avec le même problème qu'au début: c'est-à-dire que dans certaines provinces il y aura soit un conflit, soit une volonté d'exporter de l'eau en vrac.
    Très bien; premièrement, comme j'allais...
    Monsieur Miller, le temps est écoulé.
    Je vais vous permettre de terminer votre réponse.
    À cet égard, je dirais que si la demande vise le transport massif par wagon-citerne — disons en partance de la baie Georgienne, comme M. Tilson l’a indiqué —, je crois que le projet de loi s'appliquerait à cette situation. J’en suis fortement convaincu. Je crois simplement que c’est le cas en ce qui concerne l'aspect provincial.
    Vous avez parlé de votre province d'origine, la Colombie-Britannique. En 2005, lorsque je suis arrivé à Ottawa, une demande en ce sens a été présentée là-bas. J'ai écrit à tous les députés de la Colombie-Britannique.
    Merci. Le temps est écoulé.
    D'accord; je vais en rester là.
    Je crois qu'il y a là deux ou trois points à préciser.
    Sur la liste, il y a M. Dechert, M. Tilson et M. Schellenberger. Pendant ce tour, les interventions seront de cinq minutes, puis vous commencerez la deuxième série de cinq minutes. Je vous laisserai savoir où nous en sommes.
    Monsieur Dechert.
    Encore une fois, monsieur le président, pour que ce soit clair, mes amis de l'opposition ne semblent pas comprendre le concept de la Constitution canadienne et du partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces. C'est ce que nous avons pu constater lors des travaux antérieurs du comité. Ils semblent vouloir reproduire toutes les lois canadiennes en double ou en triple.
    Ce qui est indiqué dans la définition de « captage massif », c'est que la seule exception est le transfert d'un produit manufacturé. Cela relève de la compétence exclusive des provinces, selon la Constitution canadienne. M. Julian devrait peut-être étudier les questions. Comme il le sait, les provinces et les territoires sont chargés, conformément à leurs lois environnementales respectives, de la réglementation de l'utilisation de l'eau pour tout procédé de fabrication et son utilisation à beaucoup d'autres fins.
    En conséquence, il n'y a aucune échappatoire. Le chiffre de 50 000 litres est une quantité maximale pour des choses autres que les produits manufacturés, comme l'embouteillage de l'eau, des boissons gazeuses, de la bière, etc. Tout ce qui est considéré comme un usage commercial relève de la province, selon la Constitution du Canada. Il s'agit simplement du partage des pouvoirs prévu dans la Constitution.
    Je cède la parole à mon collègue, M. Tilson.

  (0925)  

    Merci, monsieur Dechert.
    Monsieur Tilson.
    Monsieur Miller, vous venez de clarifier la question que je vous ai posée.
    Je crois que le gouvernement fédéral s'intéresse aux questions liées à l'eau, aux poissons, aux oiseaux migratoires. Voilà ce qu'on étudie dans le cadre d'une évaluation environnementale fédérale, monsieur le président.
    Je crois aussi que l'extraction d'énormes quantités d'eau souterraine — je parle de mon sujet préféré, cette carrière, où c’est ce que l’on fera — constitue un captage massif. Or, je n'ai aucune idée de la façon dont on va s'en débarrasser. Ce sont des hypothèses. Ne pensez pas que je laisse entendre qu'on va la transporter par train. C'est interdit. De toute évidence, cependant, elle va être extraite. Habituellement, toute cette eau coule dans les rivières qui traversent votre circonscription, puis la mienne, jusqu'à la baie Georgienne et enfin, dans les Grands Lacs. En conséquence, je crois que cela se rapporte à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales.
    Je crois que votre projet de loi s'applique en effet à l'extraction massive de l'eau souterraine, peu importe si on l'entrepose ou si on la transporte par train. Je ne sais pas; je suis peut-être d'accord avec M. Julian sur ce point, ou peut-être pas. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a une rumeur selon laquelle cette eau sera transportée par train. Je n'ai aucune idée de la façon dont on va s'y prendre. Ce ne sera peut-être pas le cas. Toutefois, je pense qu'il y a deux possibilités: la première est de l'entreposer; l'autre est de l'exporter par train ou par bateau. Et cela, c'est de l'eau en vrac.
    Pour toutes ces raisons, je crois donc que le projet de loi touche cette carrière et, par conséquent, que cela est lié à la Loi du traité des eaux limitrophes internationales.
    En tout respect, monsieur Tilson, je ne suis pas tout à fait d'accord au sujet de la partie qui est liée au projet de loi, et je vais essayer de vous expliquer pourquoi.
    Si jamais la demande concernant la carrière est approuvée, si jamais on en vient à extraire de l'eau souterraine — ce qui sera le cas, me dit-on —, les responsables devront présenter une demande d'exploitation de l'eau ou quelque chose du genre au ministère de l'Environnement. Si l'un des scénarios consiste à charger l'eau dans des wagons-citernes et à l'exporter — pour être honnête, je pense que c'est tiré par les cheveux, mais tout est possible —, si cela devait passer par là, il faudrait tout de même que cela soit soumis au processus provincial. Or, je peux vous assurer que si l'on en fait la proposition, je crierais au meurtre même si je suis dans la circonscription adjacente à la vôtre, et je suis assez certain que le député David Tilson en ferait autant, comme beaucoup d'autres députés.
    Au cours des 10 ou 12 dernières années, il y a eu une proposition selon laquelle des navires en provenance d'Arabie Saoudite viendraient au Canada, dans les Grands Lacs — le lac Ontario, probablement — pour y puiser de l'eau en vrac et la rapporter en Arabie saoudite. Cela a provoqué un tollé dans la population et chez les élus, tant provinciaux que fédéraux, ce qui a sonné le glas du projet. Honnêtement, je ne vois pas comment un tel scénario pourrait se réaliser. On ne peut jamais empêcher quelqu'un d'essayer de le faire ou de le proposer, mais je pense vous connaître assez bien pour savoir que vous seriez l'un des premiers à vous y opposer, et je serais à vos côtés. Je crois simplement que cela n'aura jamais lieu.
    Merci beaucoup.
    Par souci de précision, nous sommes dans la deuxième intervention de cinq minutes du second tour. Nous venons de commencer. Nous débuterons par les conservateurs, puis ce sera au tour du NPD et nous terminerons avec un député conservateur.
    Monsieur Schellenberger, la parole est à vous, pour cinq minutes.
    Monsieur Miller, merci d'être ici aujourd'hui.
    Encore une fois, je suis assez préoccupé par les Grands Lacs. Je pense qu'il s'agit d'un excellent projet de loi pour l'avenir. Je connais votre position à ce sujet. J'ai une propriété sur la rive du lac Huron et, ces dernières années, j'ai remarqué que le niveau d'eau a baissé d'environ trois pieds et demi. Je sais que c'est nettement plus marqué dans la baie Georgienne, parce que l'on peut presque le mesurer en regardant la limite du plan d'eau reculer.
    Je sais qu'il a maintes fois été proposé de détourner l'eau du lac Michigan vers le Mississippi dans le but d’y maintenir un débit d'eau élevé et ainsi permettre le maintien de la navigation commerciale. Je pense que le projet de loi permettrait bien d'empêcher quelque chose de ce genre. C'est probablement un aperçu de ce que l'on a dans ce cas-ci. L'idée de puiser de l'eau des Grands Lacs et des eaux frontalières me préoccupe. Je pense aux rivières St. Clair et Detroit, à la frontière des deux pays. Je pense que ce sont les rivières transfrontalières qui préoccupaient M. Scarpaleggia.
    J'ai toujours eu cette inquiétude, et ce n'est qu'une de mes propres hypothèses. Lorsque vous parlez des bassins hydrographiques, je pense à l'eau qui provient du lac Huron, qui traverse de London et se jette dans la rivière Thames, pour ensuite se déverser dans le lac Saint Clair, ce qui signifie que cette eau n’est pas détournée vers le bassin d’où elle provient.
    Le niveau d'eau des lacs Ontario et Érié est demeuré relativement stable. Celui du lac Huron, de la baie Georgienne et du lac Michigan a baissé. La ville de Chicago y puise beaucoup d'eau. Si la ville de Chicago ne détourne pas l’eau en amont et qu'elle la détourne vers le Mississippi, l'eau se retrouve dans le golfe du Mexique.
    Encore une fois, je pense que l'idée fondamentale est d'enrayer l'exode de ces ressources hydriques. J'ose espérer que dans le projet de loi, lorsqu'il est question de « tout autre moyen permettant le transfert, à l’extérieur d’un bassin hydrographique, de plus de 50 000 litres d’eau par jour », cela pourrait s'appliquer parfois à une situation où l'on détourne de l'eau d'un bassin hydrographique vers un autre bassin.
    Mon hypothèse, d'après ce que je comprends, c'est qu'il y a sur cette planète une quantité limitée d'eau qui est là depuis toujours. Elle s'évapore et forme des nuages. Lorsqu'il pleut, elle redescend, peut-être sous forme de neige ou peu importe. J'ai l'impression que votre projet de loi traite de ces choses. L'intention est-elle d'empêcher le détournement de grandes quantités d'eau vers le Mississippi, ou quelque chose de ce genre?

  (0930)  

    Monsieur Miller, il nous reste une minute, donc...
    Je serai bref.
    En effet, la dérivation en place à Chicago dont vous avez parlé est là pour rester. Appelons cela un droit acquis. Elle existe, mais on empêchera la création de toute nouvelle dérivation de ce genre.
    Vous avez mentionné le pipeline qui se rend jusqu'à London, et je suis assez informé sur cette question. Bien qu'il se déverse dans le lac Érié plutôt que de retourner dans la rivière St. Clair ou le lac Huron, on pourrait faire valoir que l'eau finira par y retourner. Je ne me lancerai pas dans ce débat. Nous n'en avons pas le temps.
    Très bien, merci beaucoup.
    Nous allons revenir à M. Julian, puis terminer avec M. Dechert, et ce sera tout le temps dont nous disposerons aujourd'hui.
    Monsieur Julian, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Miller, au dernier tour, vous avez dit douter que le scénario présenté par M. Tilson soit possible, mais vous n'avez désigné aucune disposition du projet de loi qui prévoirait une restriction ou une limitation à l'exportation massive d'eau essentiellement comme produit manufacturé étant envoyé à l'extérieur du pays. Je vais vous donner une autre occasion de répondre, car c'était à la toute fin. Quelle est la disposition du projet de loi qui, à votre avis, empêche cela?
    En tout respect, sachez que j'ai répondu à cette question. Je vais le faire de nouveau, monsieur Julian.
    Si cette proposition, comme l'a dit M. Tilson, était présentée par les promoteurs de cette carrière, elle relèverait des provinces. L'eau retirée ne proviendrait pas des eaux transfrontalières ni des eaux qui coulent entre les frontières internationales.

  (0935)  

    Nous comprenons cela.
    Vous avez également soulevé l'argument très valable selon lequel il y a des provinces comme la Colombie-Britannique qui sont en faveur de l'exportation d'eau en vrac. Je ne crois pas que nous fassions notre travail de législateurs fédéraux si nous comptons sur la législation provinciale. Nous ne répondons certainement pas aux préoccupations de la population canadienne. C'est vrai, vous avez dit que vous crieriez au meurtre si le scénario présenté par M. Tilson se concrétisait. Je pense que beaucoup d'entre nous le feraient. Vous n'êtes pas le seul. Vu ce qui s'est produit le printemps dernier en ce qui a trait aux évaluations environnementales, je crois que beaucoup de Canadiens sont mécontents. Toutefois, le fait est qu'il y a une lacune actuellement dans cette mesure législative. Cela ressort très clairement de votre témoignage. Il y a des parties de votre projet de loi qui sont très efficaces, mais d'autres non. La lacune qui concerne les wagons est un véritable problème.
    Si nous comptons sur la législation provinciale et si certaines provinces préconisent les exportations d'eau en vrac, alors l'autre problème — et M. Scarpaleggia a abordé cette question —, c'est la question concernant l'ALENA et le fait que l'eau en tant que marchandise fait partie de l'Accord de libre-échange nord-américain, et les conséquences qui en découlent. C'est une question dont le Comité du commerce international a déjà discuté. Nous en avons parlé au Parlement également. Le NPD a présenté une motion disant qu'il devait y avoir un accord concret pour exclure l'eau en vrac de la portée de l'ALENA. À ce jour, cela n'a pas été fait.
    Je dirais bien respectueusement que je suis en désaccord avec vous à ce sujet.
    Nous avons toujours ce problème de devoir compter sur la compétence provinciale, et cela a entraîné l'inclusion des exportations d'eau en vrac en tant que marchandise dans le cadre de l'ALENA.
    J'aimerais revenir sur la disposition dans laquelle il y a une lacune et qui ne fixe au fond aucune limite relativement à la taille du conteneur ni au captage massif d'eau. Seriez-vous favorable à la suppression de cette lacune du projet de loi?
    Monsieur Julian, je suis heureux que vous n'ayez rien perdu de votre persévérance depuis l'époque où nous siégions au Comité du commerce international. Vous n'en démordez pas.
    Je pense que M. Dechert l'a dit très clairement. En fait, à mon sens, la lacune dont vous parlez n'existe pas. Si c'est inscrit là-dedans, c'est protégé. Je ne crois pas qu'il y ait une lacune et, par conséquent, je n'accepterai pas quelque chose que j'estime être inutile.
    Merci beaucoup. Nous allons nous arrêter là.
    Il nous reste à peine quatre minutes. Nous allons terminer avec M. Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    Donc, d'après ce que je comprends, monsieur Miller, il semble que la position du NPD veuille que pour tous les champs de compétence, que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral, surtout en ce qui concerne les municipalités et les provinces, on mettra en place une mesure législative fédérale au cas où la province ne fasse pas son travail, maintenant ou ultérieurement, peu importe ce que dit la Constitution canadienne au sujet du partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces. Voilà une politique intéressante. Il me semble qu'elle va entraîner beaucoup de coûts, de bureaucratie et de règlements supplémentaires pour la population et les entreprises canadiennes. Je ne peux qu'imaginer les effets néfastes importants qu'elle aura sur l'économie canadienne.
    Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?
    Oui. Je pense que si le gouvernement fédéral présente un projet de loi, comme vous l'avez dit, pour remplacer ou couvrir la compétence provinciale, cela envoie le message aux provinces que nous n'avons pas confiance en leur capacité décisionnelle.
    En ce qui a trait aux commentaires de M. Julian voulant que la Colombie-Britannique ait déclaré être ouverte aux exportations d'eau en vrac, je n'en ai pas entendu parler, mais je pense que cela me ferait beaucoup hésiter à élire un gouvernement néo-démocrate là-bas.
    Eh bien, je suis d'accord avec vous à cet égard.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Bob Dechert: Les néo-démocrates ne sont pas tout à fait cohérents, car à la dernière législature, vous vous rappellerez que le gouvernement a proposé la création d'un organisme national de réglementation des valeurs mobilières afin de protéger, en partie, les économies de retraite des Canadiens, mais qu'ils se sont prononcés contre ce projet de loi parce qu'ils croyaient qu'il ne respectait pas le partage des pouvoirs et la compétence des provinces. J'ai trouvé cela intéressant.
    Je veux seulement clarifier un autre point, monsieur le président. M. Scarpaleggia a demandé pourquoi ce projet de loi a été renvoyé à ce comité en particulier. Il n'est pas sans savoir que c'est parce que la Loi du traité des eaux limitrophes internationales...

  (0940)  

    J'invoque le Règlement. Je n'ai pas...
    Le président: Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    M. Bob Dechert: Je clarifie...
    Non, en fait, il y a eu un rappel au Règlement, mais ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Très bien. Merci.
    Ce projet de loi est devant notre comité parce que de toute évidence, il relève du ministère des Affaires étrangères.
    Monsieur Miller, en terminant, je tiens à vous féliciter. Toute l'eau domestique qu'utilisent les citoyens et les résidants de la région de Peel, là où je vis et où est située la circonscription que je représente, provient du Lac Ontario. Toute cette eau passe par le système.
    C'est une région en pleine expansion, comme vous le savez, et nous avons dû améliorer notre système d'approvisionnement en eau ces dernières années, mais nous utilisons l'eau de manière prudente et écologique. Elle finit par retourner dans le Lac Ontario et elle est réutilisée. Pour les gens de ma région, il est très important de protéger cette eau; je veux donc vous remercier sincèrement de présenter ce projet de loi au Parlement.
    Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    Avez-vous un dernier commentaire à faire?
    Non. Mon intention était d'améliorer les choses, et je pense l'avoir fait.
    Certains diront peut-être que le projet de loi n'est pas parfait, mais je pense que rien ni personne n'est parfait. Selon moi, il n'est pas loin de la perfection; au bout du compte, j'espère obtenir l'appui du comité et, par la suite, celui du Parlement.
    Merci.
    Vouliez-vous parler un peu de la taxe sur le carbone?
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Non, je voulais seulement vous taquiner.
    Je vous remercie, monsieur Miller, d'être venu. Sur ce, je vais suspendre la séance pour laisser le temps à nos prochains témoins de s'installer. La séance est suspendue pour quelques minutes.

  (0940)  


  (0945)  

    Si les membres du comité veulent bien s'installer, nous allons commencer.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
    Je vous remercie d'avoir accepté de venir témoigner malgré le court préavis. Mardi dernier, nos témoins n'avaient pas tous confirmé leur présence quand nous nous sommes rencontrés; cela veut dire que vous avez remanié votre horaire afin d'être parmi nous aujourd'hui. Nous vous en remercions sincèrement.
    Nous accueillons Adèle Hurley, directrice, Programme sur les questions de l'eau, Munk School of Global Affairs, Université de Toronto. Soyez la bienvenue.
    Nous accueillons également J. Owen Saunders, agrégé supérieur et professeur auxiliaire, Institut canadien du droit des ressources, Université de Calgary. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Saunders.
    Nous avons aussi avec nous, par vidéoconférence de mon coin de pays, M. Steven Renzetti, professeur à l'Université Brock. Monsieur Renzetti, je vous remercie d'être avec nous.
    Nous allons procéder dans l'ordre où je vous ai présentés.
    Vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre déclaration préliminaire. Nous allons commencer par Mme Hurley et finir par M. Renzetti.
    Madame Hurley, soyez la bienvenue. La parole est à vous.
    Bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
    Je suis directrice du Programme sur les questions de l'eau de la Munk School of Global Affairs de l'Université de Toronto. Je suis accompagnée aujourd'hui de mes collègues Owen Saunders et Frank Quinn. Nous sommes ici au nom du Conseil sur les questions de l'eau au Canada, ou CQEC, comme nous l'appelons.
    Le CQEC est un projet du Programme sur les questions de l’eau de la Munk School of Global Affairs de l’Université de Toronto. Il regroupe des spécialistes de l’eau canadiens et d’anciens responsables des politiques sur l’eau du Canada. Il a été mis sur pied en 2007 pour mener, dans un milieu universitaire, des recherches stratégiques objectives sur les questions transfrontalières liées à l’eau au Canada et aux États-Unis. Nos biographies respectives, ainsi que celles des autres membres du CQEC, font partie de ce dossier.
    Nous avons pour objectif d’agir à titre de ressource pour toutes les parties qui font preuve de bonne volonté et de coopération en vue de protéger l’eau du Canada. Par exemple, au fil des ans, nous avons eu l’occasion de travailler avec Francis Scarpalacia et Lawrence Cannon sur leurs projets de loi, et nous avons eu la chance de discuter avec Larry Miller au sujet du présent projet de loi. Nous sommes heureux de constater l’esprit de collaboration dans lequel les travaux se sont déroulés à ce jour.
     Je cède maintenant la parole à mon collègue Owen Saunders, notre expert en droit depuis des années, qui vous fera part de ses observations.

  (0950)  

    Bonjour. Comme ma collègue, j’aimerais commencer par remercier les membres du comité de me donner cette occasion de prendre la parole ce matin.
     Mes observations sont le fruit de l’intérêt de longue date que le CQEC porte à la question des dérivations entre bassins versants et, plus particulièrement, aux exportations d’eau. Il y a quatre ans, le CQEC a publié une loi type sur la protection de l’eau au Canada en vue de stimuler les discussions à ce sujet. Bien que la loi type proposait d’exclure la possibilité d’exporter de l’eau, nous reconnaissons qu’il existe d’autres moyens législatifs de s’attaquer à cette question. Cependant, peu importe les modalités de l’approche, la position des Canadiens sur l’enjeu final ne fait aucun doute: ils se sont toujours opposés à la mise en péril de leurs ressources hydriques par des dérivations entre bassins versants motivées par la recherche de gains économiques qui sont, au mieux, douteux.
     À cet égard, bien que le projet de loi C-383, la Loi sur la protection des eaux transfrontalières, repose sur une approche quelque peu différente de celle proposée dans la loi type du CQEC, il vise les mêmes objectifs que le CQEC s'emploie à atteindre depuis plusieurs années.
     Comme les membres du Comité le savent sans doute déjà, la question de l’exportation de l’eau a été soulevée à maintes occasions durant les cinq dernières décennies, d’abord sous la forme d’une série de mégaprojets dans les années 1960, puis dans le cadre de négociations commerciales durant les années 1980 et 1990, et plus récemment, à la suite d’une proposition rejetée du secteur privé d’exporter l’eau des Grands Lacs par navire-citerne. Cette proposition a mené à la modification de la Loi du traité des eaux limitrophes internationales en 2002 et à la publication d’un renvoi conjoint par le Canada et les États-Unis à la Commission mixte internationale.
     Dans la modification de 2002, le gouvernement s'est seulement penché sur une menace potentielle pour les ressources hydriques du Canada en interdisant, hormis certaines exceptions limitées, le prélèvement d’eaux limitrophes — c’est-à-dire d’eaux traversées par la frontière internationale, par exemple les Grands Lacs. Il ne s’était pas penché sur le risque potentiel d’exportation d’eaux transfrontalières — essentiellement, les eaux des fleuves et rivières traversant la frontière. Bien que, du point de vue constitutionnel, cette approche présentait l’avantage de respecter l’article de la Constitution portant sur les traités de l’Empire, elle avait l’inconvénient évident de ne pas encadrer d’autres voies d’exportation de l’eau potentiellement importantes. D’ailleurs, cette lacune législative est ce qui a incité le CQEC à lancer le débat pour en arriver à une approche plus ambitieuse concernant la limitation des exportations d’eau.
     Faisant suite à ses engagements dans les discours du trône de 2008 et de 2009, le gouvernement fédéral a rédigé sa propre mesure législative sur les exportations d’eau au printemps de 2010. Le ministre des Affaires étrangères a déposé le projet de loi C-26, qui est toutefois mort au Feuilleton en raison du déclenchement des élections fédérales. Le CQEC a eu l’occasion de faire part de ses observations sur le projet de loi dans une lettre envoyée au ministre. Bien que, de façon générale, nous appuyions l’esprit du projet de loi, nous jugions qu’il n’allait pas assez loin pour empêcher les prélèvements massifs d’eau, et plus particulièrement les projets de prélèvement massif d’eau les plus susceptibles d’être proposés.
     Nous accueillons donc favorablement le projet de loi C-383. Bien qu’il soit fondé sur l’ancien projet de loi C-26, selon nous, il va plus loin sur un point crucial: la modification de la Loi sur les ouvrages destinés à l’amélioration des cours d’eau internationaux, notamment par l’ajout du nouvel article 4.1, qui interdit la délivrance de permis, en vertu de la loi, pour des ouvrages destinés à l’amélioration d’un cours d’eau international servant à relier des eaux limitrophes ou non limitrophes à ce cours d’eau si cela a pour objet d’augmenter son débit annuel. Compte tenu des définitions étendues de « cours d’eau international » et d’« ouvrage destiné à l’amélioration d’un cours d’eau international » dans la loi, cette mesure nous semble véritablement empêcher l’utilisation des cours d’eau transfrontaliers pour l’exportation de l’eau.

  (0955)  

     Le CQEC reconnaît que le projet de loi C-383 n’aborde pas toutes les questions ayant été soulevées par la population canadienne quant à l’exportation de l’eau. Par exemple, le projet de loi ne s’appliquerait pas aux exportations potentielles par navire-citerne de l’eau des lacs et cours d’eau côtiers. De même, des exceptions législatives permettront encore l’exportation de produits manufacturés contenant de l’eau, tels que l’eau embouteillée et d’autres boissons. Cependant, bien que nous n’excluions pas la prise d’autres mesures législatives, hormis les lois provinciales déjà en vigueur, pour faire face à ces possibilités, nous sommes conscients que ni la Loi du traité des eaux limitrophes internationales ni la Loi sur les ouvrages destinés à l’amélioration des cours d’eau internationaux n’est l’outil approprié pour ces mesures.
    En résumé, à la lumière de nos travaux, nous, membres du Conseil sur les questions de l’eau au Canada, sommes d’avis que le projet de loi réalise essentiellement l’objectif de protéger les ressources hydriques du Canada contre les exportations massives. Nous nous réjouissons spécialement de l’importance et de la variété du soutien qu’il semble avoir reçu à ce jour.
    Merci beaucoup, monsieur Saunders.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Renzetti, du Department of Economics. Il est le directeur scientifique du Water Economics, Policy and Governance Network.
    Monsieur Renzetti, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
    Je tiens d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de vous parler, à distance, de cet enjeu important.
    Comme vous l'avez indiqué, je suis professeur d'économie à l'Université Brock, ainsi que directeur d'un réseau de recherche formé récemment qui vise expressément à améliorer la gouvernance de l'eau.
    Au cours des 20 dernières années, j'ai consacré l'essentiel de mes recherches à la dimension économique des ressources hydriques; je vous suis donc reconnaissant de me permettre de discuter avec vous de ce projet de loi.
    Le premier point que j'aimerais soulever, c'est qu'à certains égards, une interdiction d'exporter une ressource naturelle constitue, jusqu'à un certain point, une mesure exceptionnelle pour le gouvernement. Les gouvernements fédéraux et provinciaux qui se sont succédé ont favorisé activement l'exportation de nos ressources renouvelables et non renouvelables; une interdiction des exportations d'eau, même si elle suscite un attrait émotif, est à l'opposé de nombreuses politiques gouvernementales. Alors pourquoi imposer une interdiction? On peut penser à au moins trois arguments en faveur d'une interdiction.
    Premièrement, nous voulons éviter de faire une erreur irréparable; autrement dit, si nous permettions les exportations massives d'eau aujourd'hui, cela nous empêcherait en quelque sorte de les restreindre dans l'avenir. C'est principalement une question de droit commercial et international, et je m'en remettrai à M. Saunders à cet égard.
    Deuxièmement, il y a peut-être beaucoup d'incertitude au sujet des conditions environnementales et économiques futures et, par conséquent, nous croyons collectivement que nous devrions être très prudents face à cet avenir incertain. C'est un argument parfaitement raisonnable, mais si c'était le cas, je présume que cela s'appliquerait à toutes nos exportations de ressources naturelles, pour lesquelles nous voudrions utiliser le même raisonnement.
    Troisièmement, on pourrait soutenir que les Canadiens attribuent une telle valeur à leur eau qu'ils refusent d'approuver son exportation massive. Ce qui cloche, avec ce raisonnement, c'est que les Canadiens utilisent l'eau de façon extravagante, ce qui donne à penser, du moins aux étrangers, que nous accordons peu de valeur à sa préservation. En fait, comme cela fait des années que les prix sont trop bas au niveau municipal et que l'on attribue des permis de prélèvement d'eau sans qu'il y ait un examen approfondi du bien-fondé de cette utilisation, le Canada occupe maintenant une position peu enviable: il se situe peut-être au premier rang mondial, sinon au deuxième, pour sa consommation d'eau par habitant.
    En outre, les Canadiens et leurs gouvernements ne savent presque rien de la valeur de l'eau utilisée par les industries, les exploitations agricoles et les ménages. Nous n'avons qu'une connaissance fragmentaire de l'utilisation de l'eau et de la façon dont elle apporte de la valeur à notre société et à notre économie. Cela vaut particulièrement en ce qui concerne le rôle de l'eau pour fournir ce qu'on appelle souvent des biens et services écologiques, dont les valeurs ne sont pas fixées sur le marché.
    Par conséquent, on ne peut pas dire clairement qu'il y a un motif économique à une telle interdiction. Au sujet de tous les problèmes potentiels que pourrait entraîner l'exportation massive d'eau, les principes économiques de base portent à croire qu'il est très improbable qu'ils surviennent, même en l'absence d'une interdiction. L'eau a peu de valeur par rapport à sa masse; cela veut dire qu'il est difficile et coûteux de la transporter sur de grandes distances.
    Si une entreprise s'assurait un approvisionnement durable en eau au Canada et cherchait à vendre cette eau aux États-Unis, elle serait surprise de constater à quel point les entreprises américaines de distribution d'eau se livrent une concurrence féroce. Il faut se rappeler que le problème n'est pas tant que l'Amérique manque d'eau, mais plutôt qu'elle est aux prises avec des pénuries localisées, principalement attribuables à des décennies de mauvaise gestion de l'eau. Dans bien des régions où l'eau risque de manquer, comme dans le Sud-Ouest des États-Unis, de grandes quantités d'eau irriguent toujours des cultures de faible valeur.
    Si une entreprise tentait de vendre de l'eau du Canada pour un montant qui suffirait à couvrir le coût du transport et à s'assurer un taux de rendement raisonnable, elle constaterait que les agriculteurs locaux qui détiennent des permis pour l'eau seraient plus qu'heureux de vendre ou de louer leurs droits à une fraction du prix. Il est donc difficile d'affirmer que cela pourrait constituer une activité commerciale rentable.
    Je dois également souligner que l'argument que je viens de présenter au sujet du manque de viabilité commerciale des exportations d'eau en vrac a été invoqué il y a 20 ans dans un rapport que j'ai corédigé pour la commission Macdonald.
    Si le Canada veut interdire les exportations massives d'eau, il devrait le faire complètement. C'est notre eau, et nous pouvons en faire ce que bon nous semble. Mais ne croyons pas que cela remplace une stratégie nationale globale et solide en matière d'eau, ni la nécessité de maintenir la capacité institutionnelle d'évaluer et de documenter l'état de nos ressources hydriques, de les gérer de façon intégrée et de les utiliser dans l'intérêt de tous les Canadiens.

  (1000)  

    L’absence d’une stratégie nationale adéquate sur l’eau est, selon moi, un obstacle beaucoup plus important à l’accroissement de la contribution potentielle de l’eau au bien-être du Canada que les potentielles exportations massives d’eau. Il y a de nombreux enjeux pressants concernant l’utilisation de l’eau qui doivent être abordés. Nous n’avons qu’à penser aux menaces qui pèsent sur les eaux souterraines en raison de l’extraction d’hydrocarbures, à l’état de l’infrastructure municipale d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées ou encore aux menaces très sérieuses qui planent sur les collectivités des Premières nations en raison d’un approvisionnement en eau inadéquat.
    Je terminerai en vous disant que je remercie les députés de leur intérêt au sujet des ressources hydriques du Canada. De plus, si les Canadiens ont vraiment fait savoir qu’ils s’opposent aux exportations massives d’eau, la Chambre fait bien d’agir. Cependant, lorsque les discussions à l’égard du projet de loi prendront fin, j’espère que les députés tourneront leur attention aux défis continus et très réels qui touchent nos ressources hydriques au Canada.
    Merci beaucoup.
    C’est l’opposition qui aura la parole en premier. Monsieur Dewar, vous avez sept minutes, s’il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins. J’ai particulièrement aimé votre approche à la question, monsieur Renzetti. Les députés de l’opposition demandent une stratégie sur l’eau pour en fait saisir l’occasion de faire le tour de la question.
    Nous sommes favorables au projet de loi. En fait, mon ancien collègue, M. Blaikie, a parlé en 1999 de l’importance du présent enjeu et de la nécessité de nous assurer de protéger notre ressource pour les raisons que vous avez mentionnées.
    Je vais revenir à vous dans un instant, mais j’aimerais m’adresser aux témoins qui sont avec nous à Ottawa.
    Monsieur Saunders, vous avez présenté un aperçu complet et détaillé, et je vous en remercie. Vous avez sous-entendu que d’autres choses pourraient être faites pour protéger nos eaux et qu’il faudrait peut-être envisager de modifier une autre mesure législative. Pourriez-vous nous en dire davantage?
    Si vous avez des suggestions d’amendements concernant le présent projet de loi, nous vous en serions reconnaissants.
    Je n’ai pas vraiment d’amendements à proposer, mais plutôt une approche différente. Nous avons proposé une autre approche dans le cadre de la loi type dont j’ai parlé. Cette loi type est axée de manière générale sur les dérivations entre bassins versants et met l’accent sur les bassins versants plutôt que les eaux limitrophes internationales.
    Nous l’avons notamment fait, parce que certains Canadiens avaient fait valoir que l’imposition d’une simple interdiction visant le captage massif d’eau engendrerait des problèmes relativement à l’ALENA. Nous nous sommes appliqués à élaborer un modèle qui n’entrerait pas en conflit avec cet accord.
    Il y a toutefois un autre point de vue, et je crois que c’est celui que partage le présent gouvernement, de même que le précédent, à savoir que le captage massif d’eau n’est pas visé par les dispositions sur les échanges de l’ALENA. Par contre, cette pratique tomberait sous le coup des dispositions sur les investissements. Voilà pourquoi le projet de loi est plus direct et concerne les eaux limitrophes au lieu de mettre l’accent sur les bassins versants.
    Voilà ce dont je parlais dans mon exposé.

  (1005)  

    Merci.
    Mon collègue, M. Tilson, a abordé ce matin la façon dont l’eau peut être captée, puis transportée. C’est quelque chose qui préoccupe bon nombre de gens, en raison de la demande à l’égard de l’eau et de l’utilisation que nous en faisons.
    Comment pouvons-nous aborder la question? Comme M. Tilson l’a mentionné, il y a des régions où se trouvent d’importantes quantités d’eau douce qui ne sont pas couvertes par la portée du projet de loi. On pourrait théoriquement capter ces eaux, les charger sur des trains, pour reprendre l’exemple qui a été donné plus tôt, les transporter en dehors du territoire, et peut-être les charger sur des bateaux.
    Comment aborderiez-vous cet épineux problème?
    Je serais d’avis pour dire que la réalité économique du transport ferroviaire ferait en sorte que ce ne serait probablement pas le moyen de prédilection. Ce seraient probablement les navires-citernes, et ce moyen a déjà fait l’objet de certaines propositions, dont une concernant le lac Friel en Colombie-Britannique. Il suffit de s’approcher d’un lac côtier, de charger le navire-citerne et d’expédier le tout au sud. L’Alaska essaye de vendre ainsi son eau depuis deux ou trois décennies. Je ne crois pas qu’il ait trouvé preneur.
    Je ne suis évidemment pas économiste, mais ce ne serait actuellement pas une option viable, selon ce que j’en sais. Ce le sera peut-être dans l’avenir, particulièrement si nous avons recours à de gros sacs pour son transport, par exemple, comme cela s’est vu dans la région méditerranéenne.
    Nous pensons qu’il pourrait certainement y avoir une mesure législative à ce sujet. Rien ne vous empêche de le faire. J’en parlais justement à la fin de mon exposé. Toutefois, le présent projet de loi modifie deux lois. Aucune de ces deux lois ne semble être le moyen approprié à cet égard; il faudrait un nouveau projet de loi. Nous n’avons pas pris position à l’égard de l’utilisation d’une telle méthode, mais ce serait certainement assez simple, si vous acceptez l’idée que vous pouvez le faire.
    Par contre, je me dois de mentionner un problème. S’il est question d’exportations par navires-citernes, par exemple, vous risquez fort probablement d’avoir des problèmes avec l’ALENA. C’est donc différent dans un sens, parce que la façon de transporter l’eau a une certaine importance. Dans le cas d’exportations par des navires-citernes, l’eau est en fait puisée. Il serait donc plus évident de faire valoir que c’est maintenant un bien. Selon moi, il serait difficile de nier que cet aspect serait sous le coup de l’ALENA, et les disciplines s’appliqueraient d’une manière qu’une telle mesure législative ne pourrait sans doute pas faire. On pourrait faire valoir que c’est un bien.
    Je suis heureux que vous ayez abordé ce point, parce que les gens ont émis des inquiétudes lorsque l’ALENA a été rédigé. Le gouvernement a assuré qu’il protégera notre eau. La situation a beaucoup évolué depuis cette époque, surtout lorsqu’on constate la demande pour l’eau embouteillée.
    Nous sommes notamment inquiets que le projet de loi n’impose pas une limite claire relativement aux contenants. Partagez-vous la même opinion? Cela vous préoccupe-t-il?
    Selon moi, il est juste de dire qu’il y a des échanges commerciaux dans les deux sens. Cependant, en ce qui a trait au volume, c’est l’équivalent de piscines; ce n’est rien de vraiment majeur. Voilà probablement pourquoi nous ne nous y sommes pas attardés.
    L’eau embouteillée serait bien entendu visée par les disciplines en vertu de l’ALENA. Il faudrait vraiment trouver un équilibre commercial. Lors de l’adoption de l’ALENA et avant même l’accord de libre-échange, l’eau était un enjeu, et j’ai participé à certains des débats. Personne ne mettait en question que l’eau embouteillée tombait sous le coup de l’ALENA. Je ne crois pas que des gens aient sérieusement mis en doute que les navires-citernes tombaient aussi sous le coup de l’ALENA. L’argument présenté était que cet autre type de captage massif ne tombait pas sous le coup de l’ALENA, et c’était vraiment le noeud du débat.

  (1010)  

    Merci beaucoup.
    Allons du côté du gouvernement. Monsieur Dechert, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. J’aimerais partager mon temps de parole avec M. Van Kesteren.
    Je n’ai qu’une question pour vous, monsieur Saunders.
    Dans votre exposé, vous avez dit ne pas être certain que le projet de loi s’appliquerait aux exportations potentielles par navires-citernes de l’eau des lacs et des cours d’eau côtiers.
    J’ai beaucoup de difficulté à vous suivre, parce que la définition de captage massif interdit le captage massif par « tout autre moyen » de plus de 50 000 litres d’eau par jour. L’exclusion porte sur les produits manufacturés.
    Monsieur, je pense que vous faites ici allusion aux modifications concernant la loi sur les eaux limitrophes.
    C’est exact.
    Il n’y aurait aucun plan d’eau limitrophe sur la côte qui serait approprié.
    M. Bob Dechert: Vous parlez des eaux non limitrophes.
    M. J. Owen Saunders: Le seul cours d’eau possible serait la Sainte-Croix. J’ai grandi à l’embouchure de cette rivière, et il serait impossible qu’un navire-citerne atteigne l’endroit où l’eau n’est plus salée. Voilà pourquoi ce n’est pas couvert.
    Les eaux dont vous parlez ne sont pas limitrophes et ne tombent donc pas sous le coup du projet de loi.
    S’il ne s’agit pas d’eaux limitrophes, ce n’est pas une compétence fédérale. Ce n’est certainement pas une question que notre comité serait chargé d’examiner. Ce n’est pas un enjeu international. Ne serait-ce pas les lois provinciales qui s’appliqueraient dans un tel cas?
    C’est bien possible que ce soit le cas. À savoir s’il s’agit d’une compétence fédérale, tout dépend de la décision du gouvernement fédéral. Cela concerne certainement le commerce international, qui est bien entendu une compétence fédérale. Le gouvernement du Canada peut décider de faire confiance aux provinces et leur laisser administrer la question. Il l’a déjà fait dans d’autres domaines.
    Comme vous l’avez souligné, l’objectif du projet de loi à l’étude se limite exclusivement aux eaux transfrontalières. Il y aura peut-être un autre projet de loi qui se penchera en temps et lieu sur les eaux non transfrontalières, mais ce n’est actuellement pas le cas.
    Vous traitez des eaux transfrontalières et non transfrontalières.
    Nous sommes ici pour examiner le présent projet de loi qui ne traite que des eaux transfrontalières. Le projet de loi ne contient aucune lacune qui permettrait le transfert massif par navire-citerne ou tout autre moyen. Est-ce exact?
    Le présent projet de loi permettrait en fait les exportations par navire-citerne. Il n’en est pas fait mention.
    Autoriserait-il l’exportation d’eaux transfrontalières?
    Oh! Je m’excuse. Pour ce qui est des eaux transfrontalières, ce ne serait pas possible.
    Ce que j’essaye de faire valoir, c’est que le projet de loi à l’étude ne concerne que les eaux transfrontalières, et il interdit clairement le transfert massif d’eaux transfrontalières par navire-citerne ou tout autre moyen. Est-ce exact?
    Je ne connais pas de plans d’eau transfrontaliers où des navires-citernes pourraient se rendre. C’est donc superflu.
    D’après vous, le projet de loi l’interdit.
    C’est probablement le cas, parce que le libellé contient la mention par « tout autre moyen », mais il y a...
    Notre discussion porte aujourd’hui sur les eaux transfrontalières.
    D’accord. Merci.
    Monsieur Van Kesteren, je vous cède la parole.
    J’ai trois questions, mais je ne sais pas si elles seront brèves. Elles ne se limitent pas au projet de loi; j’aimerais me concentrer sur l’avenir.
    Monsieur Saunders, vous avez parlé de lois qui pourraient, si elles sont adoptées, nous causer des ennuis en raison des règles internationales. Ne pouvons-nous pas inclure des lois dans nos accords internationaux qui annuleraient ces décisions? Voilà ma première question.
    Deuxièmement, l’eau est l’une de nos ressources naturelles. Y a-t-il des discussions portant sur l’obligation de la partager? Vous avez mentionné le cycle hydrologique. Il s’agit d’une ressource naturelle, et nous avons la chance que l’eau tombe sur notre territoire. Cet aspect a-t-il déjà fait l’objet d’une contestation devant les tribunaux internationaux?
    Troisièmement, nous sommes aux prises avec un véritable enjeu, soit de faibles niveaux d’eau. Selon ce que j’en sais, trois raisons peuvent expliquer ce phénomène: l’évaporation, les terres qui s’élèvent à la suite du retrait des glaces et la drague des grands cours d’eau. Nous ne pouvons rien faire au sujet des deux premiers points. Par contre, envisageons-nous d’aborder la cause que nous pouvons contrôler?
    J’habite dans le Sud ontarien. La Détroit était bien entendu parsemée de rapides. Elle faisait penser à un drain bouché, mais elle ressemble maintenant à une conduite où l’eau coule sans problème. Le même constat pourrait être fait au sujet de la Sainte-Claire et du Saint-Laurent.
    Je n’ai pas vraiment compris votre première question. Pourriez-vous la clarifier?

  (1015)  

    Vous avez dit que si nous adoptons des lois nous risquons d’avoir des ennuis en raison des accords internationaux. Lorsque nous concluons de tels accords, ne pouvons-nous pas inclure une disposition pour que les lois puissent...
    Oui. Certainement. Comme vous vous en souvenez peut-être, l’un des enjeux au sujet de l’ALENA portait sur la nécessité d’inclure une disposition explicite qui excluait le prélèvement massif d’eau. Ce qui a été fait est intéressant. Il y a eu un compromis, pour ainsi dire. Les trois gouvernements n’ont pas modifié l’ALENA, mais ils ont produit une déclaration commune selon laquelle ils ne croyaient pas que l’eau en grande quantité, ou l’eau dans son état naturel, tombait sous le coup de l’ALENA, ou du moins des obligations commerciales à cet égard. Cet élément serait tout de même visé par les obligations en matière d’investissements de l’ALENA, et c’est un aspect que vous devriez garder en tête.
    C’est évidemment possible de le faire. En pratique, je crois qu’il serait actuellement difficile de revoir l’ALENA, mais ce n’est pas impossible. Vous pourriez modifier l’ALENA.
    En ce qui a trait au partage de l’eau, il y a des normes internationales au sujet des obligations des riverains supérieurs et inférieurs. Fait intéressant, le Canada et les États-Unis se trouvent dans une position unique à cet égard en raison du traité des eaux limitrophes internationales. Dans ce traité, nous retrouvons certaines règles visant les eaux limitrophes et transfrontalières. Les règles sont différentes selon qu’il s’agit d’eaux limitrophes ou transfrontalières. Elles divergent probablement du droit international coutumier. Il ne fait aucun doute que notre traitement des eaux limitrophes et transfrontalières diffère du droit international.
    Rien n’empêche le Canada et les États-Unis de le faire. Deux États peuvent tout à fait partir du droit international coutumier et adopter leurs propres règles, et c’est ce qui est survenu dans le cas du traité des eaux limitrophes internationales. Bref, le droit international coutumier existe, mais ces règles sont en grande partie sans importance dans la relation entre le Canada et les États-Unis, en raison du traité des eaux limitrophes internationales.
    Pour ce qui est du niveau des lacs, je ne suis pas hydrologue, mais je connais le forum important qui a abordé cette question. Nous discutons de cet aspect depuis des décennies, parce qu’il arrive que les niveaux soient parfois élevés ou parfois bas. La Commission mixte internationale a un certain nombre de renvois portant sur les niveaux des eaux. Il semble que les deux États soient à l’aise d’ainsi aborder en collaboration cet enjeu.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole au dernier intervenant de la première série de questions, M. Scarpaleggia, du Parti libéral. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Saunders, madame Hurley, je vous souhaite la bienvenue. Je suis heureux que vous soyez des nôtres.
    Tout d'abord, on a dit — je ne vais pas nommer personne parce que je ne veux pas en faire une affaire personnelle — que votre loi type, sur laquelle était basé le projet de loi C-267, dont j'étais le parrain, empiète nettement sur la compétence des provinces. On l'a dit ici ce matin. Ce n'est pas particulièrement pertinent, mais on a affirmé que la mesure montre que le gouvernement fédéral se méfie des provinces. Ce que j'avais compris, c'est qu'il s'agissait d'une mesure législative de protection. Elle ne visait pas à s'ingérer dans les affaires des provinces; elle déclarait que la question est d'intérêt national et que nous devons mettre en place certains mécanismes de protection, sinon la loi fédérale sera mise en vigueur.
    J'aimerais vous entendre là-dessus. La question est tendancieuse, je sais, mais je veux simplement que cela figure dans le compte rendu. D'après vous, la loi type sur laquelle était fondé le projet de loi C-267 empiétait-elle sur la compétence des provinces?
    Je viens de l'Alberta.
    D'accord, je retire ma question.
    La question n'est peut-être pas aussi tendancieuse que vous le pensez. Si vous prenez la loi type et le projet de loi à l'étude aujourd'hui, vous verrez que la modification à la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux repose sur l'intérêt national. Elle repose sur le même fondement constitutionnel que la loi type; il n'y a donc aucune différence sur ce plan. Les deux affirment que les exportations massives d'eau faites à partir de cours d'eau transfrontaliers sont une question d'intérêt national et sont liées aux principes de paix, d'ordre et de bon gouvernement. C'était le fondement de la première Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, et je pense qu'on reconnaît que c'est le fondement de cette mesure. Ce n'est pas la même chose pour les eaux limitrophes, bien sûr, qui sont visées par un traité de l'Empire.
    Les fondements constitutionnels des deux mesures législatives sont les mêmes. Je peux vous dire qu'en ce qui touche la loi type, nous étions très conscients de la compétence des provinces. Je ne veux pas trop entrer dans le détail, mais notre approche était d'accepter la compétence des provinces et d'intervenir au fédéral seulement quand les provinces n'agissaient pas. Je le répète, les deux lois reposent exactement sur les mêmes fondements constitutionnels.

  (1020)  

    Ils sont solides. Oui, d'accord.
    Sur la question des pipelines, ce que je ne comprends pas dans le projet de loi — que mon parti et moi appuyons, bien sûr —, c'est l'idée qu'une pipeline est un cours d'eau international. À mon sens, une pipeline est de l'eau qui a été captée. Ce n'est pas un produit comme la bière ou l'eau en bouteille, mais ce n'est certainement pas de l'eau qui coule dans son état naturel. Nous utilisons les pipelines pour exporter le pétrole. Je comprends que lorsqu'il est question de cours d'eau internationaux, ce ne serait pas un accord commercial, mais dès que vous dites que la mesure s'applique à la construction de pipelines, il me semble que dans une certaine mesure, il s'agit d'un accord commercial, et que cet accord vise à interdire l'exportation d'une ressource.
    Je me demande simplement pourquoi la mesure ne risque pas, en théorie, de provoquer une contestation commerciale dans l'avenir.
    C'est un bon point. On pourrait dire la même chose au sujet des canaux. Un canal est aussi un cours d'eau international. Bien sûr, selon la définition de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, toute eau qui coule d'un côté à l'autre d'une frontière est un cours d'eau international. La Loi du traité des eaux limitrophes internationales prend une autre approche. Elle parle du cours naturel des eaux. Les deux lois diffèrent dans leur traitement de l'eau sur ce plan.
    Je dirais que la question des pipelines et des canaux tombe dans une zone grise du droit international. Je présume que le gouvernement le sait et qu'il est prêt à se défendre dans le contexte de l'ALENA. Or, on peut certainement dire que l'eau contenue dans une pipeline a été captée. J'accepte cette affirmation.
    Je crois que vous êtes également expert en évaluation environnementale.
    Je ne dirais pas que je suis expert.
    Mais vous vous y connaissez.
    Je m'y connais.
    Je pense simplement que le projet de loi — qui est le bienvenu, je le répète — ne constitue pas un progrès dans le sens qu'il innove. Il ne fait que codifier la Loi du traité des eaux limitrophes internationales en ce qui touche les cours d'eau transfrontaliers, en empêchant de modifier le débit d'un cours d'eau transfrontalier parce qu'on modifierait du même coup le débit du cours d'eau aux États-Unis. Même sans le projet de loi, franchement, une évaluation environnementale n'interdirait-elle pas de facto qu'un cours d'eau soit détourné à une telle échelle à des fins d'exportation ou autres? Une commission d'évaluation environnementale examinerait les répercussions qu'une telle dérivation aurait sur l'environnement et l'interdirait immédiatement. À votre avis, l'évaluation environnementale interdirait-elle de facto ce type d'exportation?
    Par rapport à votre première affirmation selon laquelle la mesure codifie ce qui se trouve dans la Loi du traité des eaux limitrophes internationales et n'innove donc pas, c'est vrai en ce qui touche les modifications à cette loi. Elles sont surtout d'ordre administratif. Elles sont utiles, mais elles sont tout de même d'ordre administratif. Or, c'est faux en ce qui touche la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux. La mesure ajoute vraiment à la loi et apporte des changements.
    En ce qui a trait à l'évaluation environnementale, la réponse est toujours qu'on l'ignore jusqu'à ce que la commission se prononce.
    On continuera à procéder selon quelles règles?
    Il y a certainement des risques.
    C'est exact.
    Monsieur Renzetti, j'ai lu votre article sur l'expédition par navire-citerne il y a deux ou trois ans. Selon l'Institut Fraser, actuellement, l'exportation de l'eau n'est pas rentable, mais la suppression des interdictions encouragerait la réalisation de progrès technologiques qui diminueraient les coûts.
    Je présume que vous connaissez ce rapport. Qu'en pensez-vous, en tant qu'économiste?

  (1025)  

    Il y a eu plusieurs développements récemment à ce chapitre. D’un côté, nous avons un surplus mondial de pétroliers à coque simple, ce qui fait baisser le prix du transport d’eau brute. Dans la plupart des régions, ces pétroliers seraient suffisants, ce qui explique peut-être cette baisse des coûts. D’un autre côté, les coûts de dessalement sont en chute libre. Donc, dans certaines régions, comme le Moyen-Orient et les pays plus au Sud, on préférerait peut-être payer pour le transport d’eau douce que pour le dessalement. Les avancées technologiques pourraient aller dans un sens comme dans l’autre et ainsi dicter la suite des choses.
    Cependant, nos données — elles proviennent du Projet de recherche sur les politiques du gouvernement fédéral — nous indiquent que les coûts sont prohibitifs. Selon les stratégies envisagées, on parle de 8 $ à 15 $ le mètre cube. À ce prix, les fournisseurs d'eau ne manqueraient pas dans les régions visées, étant donné ce qu'elles paient actuellement pour cette ressource. Mais, pour le moment, ce n’est tout simplement pas viable sur le plan commercial et, étant donné les ordres de grandeur, ce ne le sera pas pour encore un bon moment.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant amorcer la deuxième série de questions. Les intervenants disposeront de cinq minutes.
    Madame Grewal, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s’adresse à Mme Hurley.
    De nombreux États du Midwest et du Sud-Ouest américain manquent cruellement d’eau. Y a-t-il, entre ces États et ceux situés plus au Nord, dont l’approvisionnement en eau est meilleur, des ententes visant à éliminer ce problème? Existe-t-il dans d’autres régions hautement intégrées, comme l’Union européenne ou dans les États de l’Inde ou de l’Australie, des règles comparables à ce que propose ce projet de loi?
    Je vais d’abord répondre à votre deuxième question. Il y a énormément de projets transfrontaliers en cours, notamment des projets menés par les Nations Unies et diverses organisations interuniversitaires, mais j’ignore s’ils seraient applicables dans cette situation.
    Pour répondre à votre première question au sujet de la sécheresse et de l’aridité, notamment dans le Sud-Ouest américain, je viens juste de visiter la région. Les États concernés s’occupent activement de toutes les questions relatives à l’eau: préserver et protéger l’eau; créer des réserves souterraines avec les surplus, s’il y a lieu; cartographier et surveiller les réserves souterraines existantes. En se penchant sur cette question à ce moment-ci, le comité réussira à détourner l’attention qu’elle reçoit au pays et à éliminer le stress qu’elle cause à beaucoup de Canadiens. Comme nous l’avons souligné plus tôt, il y a plusieurs autres questions très importantes relatives à l’eau au pays sur lesquelles nous pouvons nous concentrer pour le moment, notamment la cartographie et la surveillance des réserves d'eau souterraine, particulièrement dans le sud de l’Alberta. Dans certaines régions, l’eau fait l’objet d’une affectation excessive. Nous devons d’abord analyser la question de l’exportation de l’eau en vrac avant de passer aux autres dossiers. Je ne saurais être plus claire.
    Merci.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à M. Dechert.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Renzetti, en tant qu’économiste, pourriez-vous nous aider à mieux comprendre le commerce international de l’eau potable en bouteille? Il est intrigant de constater que, dans les restaurants du Canada, où l’on retrouve la plus grande quantité d’eau douce au monde, lorsque l’on demande une bouteille d’eau, gazeuse ou non, l’eau qu’elle contient vient d’Italie ou de France.
    Outre le Canada, y a-t-il un marché pour l’eau canadienne? Pourriez-vous nous donner plus d’informations sur le commerce international de l’eau potable en bouteille et ce qui influence le marché?

  (1030)  

    Auparavant, les économistes croyaient que les gens étaient raisonnables, mais cette perception ne s’applique peut-être pas dans ce cas-ci.
    Comme l’a souligné il y a quelques instants M. Saunders, on parle ici d’une quantité d’eau relativement petite, comparativement à l’exportation d’eau en vrac, question qu’étudie le comité. À cet égard, outre les pays qui ne disposent pas de mesures de protection semblables à celles du Canada, et il y a des endroits où l’on s’inquiète de l’épuisement de l’aquifère et des réserves d’eau douce, je ne crois pas que ce soit vraiment un problème sur le plan environnemental. Sur le plan économique, c’est davantage une question d’entrepreneurs doués qui mettent en marché un produit qui semble unique et peu commun, comme du fromage ou de l’eau. Il y a toujours des consommateurs pour ce genre de produit.
    À votre avis, y a-t-il un marché pour l’eau potable canadienne en bouteille à l’extérieur du pays?
    Oui, mais il est passablement petit. Aux États-Unis, par exemple, on trouve parfois des bouteilles d’eau potable canadienne, de l’eau artisanale et même de l’eau d’iceberg. Ça donne un certain cachet. Sinon, c’est un très petit marché.
    Je vous signale que, dans ma ville, un litre d’eau coûte plus cher qu’un litre d’essence.
    J’ajouterais que la plupart des bouteilles d’eau vendues aux États-Unis contiennent de l’eau tirée des systèmes municipaux d’approvisionnement en eau potable. Elle a simplement fait l’objet de traitements, dont la déchloration. Ce n’est donc pas une préoccupation sur le plan environnemental.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à Mme Davis. Bienvenue au comité. Nous terminerons par une brève intervention des conservateurs avant de lever la séance.
    Madame Davies, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci aux témoins d’être ici. Je suis désolée d’avoir manqué les exposés — je remplace un autre membre —, mais ce que j’ai entendu fut très intéressant.
    Monsieur Renzetti, vos propos sur la perception des Canadiens face à l’eau et à la valeur que l’on y attache ou leur compréhension de cette question ont suscité mon intérêt. Je crois qu’il est très important de parler de la possibilité de commettre des erreurs irréparables.
    Je viens de Vancouver où l’on tend à croire que nos réserves hydriques sont inépuisables. Il y a beaucoup d’eau en Colombie-Britannique — dont beaucoup de pluie. Pourtant, la côte sud a connu une sécheresse assez grave cet été. La situation change, notamment avec les changements climatiques.
    J’aimerais revenir sur une question fondamentale: notre politique publique traite-t-elle l’eau comme une matière première ou un bien collectif?
    Je crois que c’est vous qui avez soulevé la question. Nous avons besoin d’une stratégie nationale sur l’eau pour la gestion de cette ressource. Auriez-vous des exemples de pays où l’on a adopté une politique globale qui aborde non seulement l’idée d’interdire l’exportation de l’eau, mais aussi sa gestion interne? Je crois que cela nous aiderait pour que nous sachions quelles mesures prendre outre ce projet de loi.
    Avant de vous répondre, j’aimerais soulever un point. Vous voulez savoir si l’eau est une matière première ou un bien collectif. Je vous dirais simplement, les deux. L’eau rend beaucoup de services aux écosystèmes, à l’homme et aux industries. Nous devons en être conscients. C’est une des raisons pour laquelle il est difficile de la réglementer.
    Certains pays sont beaucoup plus avancés que nous à cet égard. Il n’est pas surprenant que ce soit souvent des pays où il y a un manque d’eau. L’Australie est un bon exemple de réussite. Il lui a fallu beaucoup d’années d’efforts, mais aujourd’hui, elle a réglé la question de la gestion intégrée de l’eau et celle de l’utilisation possible des marchés de l’eau.
    J’aimerais également souligner le cas de l’Afrique du Sud qui souffre d’une très sérieuse pénurie d’eau et qui est aux prises avec de très sérieux problèmes d’inégalité et de justice sociale. La loi sur l’eau adoptée récemment dans ce pays règle simultanément ces deux dossiers. Je crois que c’est un modèle très intéressant.
    Au cours des 10 dernières années, plusieurs provinces canadiennes ont été plutôt prévoyantes dans leurs approches et ont tout considéré. L’Alberta a adopté un plan intitulé Water for Life. L’initiative mise de l’avant par l’Ontario suit une orientation différente, mais touche tout de même la protection des sources d’eau. Je sais que la Colombie-Britannique a entrepris une étude qui mènera à une réglementation des réserves d'eau souterraine, une première.
    Il est bon de voir que d’autres pays offrent de bons exemples à suivre, mais nous pouvons aussi reconnaître le bon travail des provinces dans ce dossier.

  (1035)  

    Quelles modifications proposeriez-vous à ce projet de loi pour le renforcer?
    Je ne suis pas avocat, alors je vais laisser à M. Saunders et à son équipe le soin de vous répondre. Ils ont bien étudié le projet de loi. Leur point de vue est donc probablement meilleur que le mien.
    Mon but n’est pas de dicter au comité quoi faire, mais plutôt de lui demander de respecter la volonté des Canadiens: s’ils désirent que les activités proposées soient interdites, alors, interdisons-les. Toutefois, il ne faudrait pas confondre interdiction et politique, car une interdiction, c’est en quelque sorte le contraire d’une politique. Concentrons-nous sur les vrais problèmes qui nous empêchent de maximiser les contributions de l’eau, tant sur le plan environnemental que sur le plan social et économique.
    Merci.
    Merci beaucoup. Nous allons maintenant terminer par une brève intervention de Mme Brown.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis désolée, je n’étais pas prête lorsque Mme Grewal a cédé le reste de son temps de parole.
    Monsieur Renzetti, pendant que vous répondiez à une question, j’analysais les variations dans vos chiffres concernant l’offre et la demande.
    Je trouve votre référence à l’Afrique du Sud intéressante. J’ai visité le Ghana l’an dernier et j’ai eu la chance d’y rencontrer une hydrologue. J’ai appris que le gouvernement du Ghana a entrepris de cartographier toutes leurs réserves d’eau souterraine. Le fleuve Volta est énorme. J’ignorais qu’il y avait un tel bassin d’eau là-bas. Situé juste au nord du fleuve, le Sahel a de sérieux problèmes de sécheresse.
    Ma question s’adresse à tous les témoins. Ce projet de loi pourrait-il servir de modèle à d’autres pays?
    Étant donné les vastes ressources que possède le Canada, sera-t-il considéré comme un chef de file en matière d’ententes semblables?
    N’importe qui peut répondre.
    Malheureusement, je dirais simplement, non, et ce pour deux raisons. Premièrement, la majeure partie de nos rapports transfrontaliers en matière d’eau sont régis par le Traité des eaux limitrophes internationales, un traité unique au Canada et aux États-Unis. Il témoigne d’une longue collaboration et de principes juridiques uniques qui fonctionnent pour les deux parties, mais qui ne fonctionneraient pas nécessairement dans un autre contexte géopolitique.
    Deuxièmement, beaucoup d’autres pays sont allés plus loin en matière de gestion interétatique, s’appuyant davantage sur le droit international coutumier pour la façon de partager les bassins d’eau. Par exemple, je crois qu’ils sont plus susceptibles de suivre le modèle de l’entente Murray-Darling, en Australie, qui se veut davantage une entente interétatique régie par le Commonwealth qu’une convention internationale.
    À mon avis, ces pays sont allés beaucoup plus loin que nous. Oui, nous avons des ententes interprovinciales, mais rien de comparable à l’entente Murray-Darling. Toutefois, cela pourrait changer avec le fleuve Mackenzie. Des négociations bilatérales sont en cours entre les territoires baignés par le fleuve. Peut-être ce dossier ouvrira-t-il la voie à de meilleures ententes, mais étant donné les circonstances particulières au Canada, c’est peu probable.

  (1040)  

    C’est intéressant.
    Auriez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Renzetti?
    Je reviens sur un point qu’a soulevé M. Saunders dans son exposé. Au début, on s’inquiétait de la portée plus large du projet de loi qui propose d’inclure les dérivations entre bassins, qu’il s’agisse de dérivations intérieures ou transfrontalières.
    Ailleurs, que ce soit en Espagne, en Chine ou en Inde, on se concentre sur les dérivations intérieures, et je crois que nous devrions faire de même. Il serait peut-être plus avantageux de se concentrer sur le point soulevé par M. Saunders et le renforcement des lois visées par cette mesure législative que sur les dérivations transfrontalières.
    Merci beaucoup à tous nos témoins, Mme Hurley et MM Saunders et Renzetti, d’avoir accepté notre invitation, malgré le court préavis.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, avant de lever la séance, je crois comprendre que M. Miller proposera quelques modifications au projet de loi. J’ignore si l’opposition prévoit faire de même, mais je suggère que toutes les propositions de modifications soient envoyées à la greffière avant vendredi, fin de journée, afin qu’elle puisse les organiser et les faire parvenir à tous les membres.
    Étant donné que nous voulons étudier les modifications proposées mardi prochain, est-ce que vendredi, fin de journée, vous convient comme délai?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Très bien. Merci beaucoup à vous tous.
    Sur ce, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU