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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Nous avons trois témoins à entendre. Ils feront chacun un exposé de 10 minutes, après quoi nous entamerons une série de questions de sept minutes pour chaque intervenant.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue aux témoins et leur dire que nous sommes très heureux de leur présence aujourd'hui. Je sais très bien qu'il s'agit de l'oeuvre de toute votre vie, que vous aurez donc beaucoup d'informations à nous fournir et que vous attachez beaucoup d'importance à cette question, tout comme nous.
    Nous allons commencer par Charmaine Spencer.
    Je vous invite à commencer votre exposé.
    Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de participer à cette consultation. Je m'appelle Charmaine Spencer et je suis coprésidente du Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aîné(e)s. Le RCPMTA, ou CNPEA en anglais, est une organisation nationale à but non lucratif qui a commencé à s'occuper des questions de mauvais traitements et de négligence avant 1991, environ deux ans après la publication de la première étude canadienne sur les mauvais traitements et la négligence envers les personnes âgées. Le réseau lui-même est le fruit des travaux de Mme Elizabeth Podnieks, chercheure principale de cette étude devenue un classique.
    La meilleure façon de décrire notre organisation, c'est de dire qu'il s'agit d'un réseau de personnes, d'organisations et de réseaux régionaux et communautaires. Sa composition et son approche sont uniques. Les 19 membres de notre conseil d'administration sont des représentants de chacun des réseaux provinciaux et territoriaux qui travaillent avec les collectivités sur ces questions. Nous sommes fiers d'avoir des représentants de chaque province et territoire. Actuellement, environ la moitié des membres de notre conseil sont des aînés, et bon nombre d'entre eux se consacrent à la lutte contre la violence familiale et aux problèmes qui s'y rattachent depuis environ un quart de siècle. Le conseil compte du personnel des provinces, ainsi que des professionnels et des universitaires qui travaillent dans les domaines de la gérontologie, de la médecine, du travail social et du droit.
    Le RCPMTA ou CNPEA concentre ses efforts sur deux objectifs. Le premier est de communiquer des informations nationales à jour sur les divers aspects juridiques, sociaux, culturels et de santé des mauvais traitements et de la négligence envers les personnes âgées, ainsi que de produire de l'information sur les nouveaux sujets émergents. Nous situons beaucoup cette question dans un contexte canadien et dans une perspective canadienne, en raison des nombreuses caractéristiques importantes et uniques des approches adoptées dans notre pays comparativement à celles d'autres pays.
    Nous concentrons également nos efforts à lier les réseaux locaux, régionaux, provinciaux et territoriaux en échangeant des idées et de l'information et en les aidant à se tenir au fait des développements dans les pratiques quotidiennes, la sensibilisation, ainsi que les pratiques et politiques. Ainsi, les collectivités peuvent savoir ce qui se passe ailleurs relativement à des aspects précis de la question et déterminer si cela pourrait être pertinent pour eux au niveau local ou régional. Cet échange multidirectionnel est essentiel.
    Bien que ce problème social existe depuis des décennies, chaque province canadienne en est à une étape différente en ce qui concerne la sensibilisation, les connaissances, les ressources et l'amélioration des services à la collectivité dans ce domaine. Comme pays, nous en sommes encore aux premières étapes de développement, mais nous réalisons des progrès importants en Ontario, au Québec, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Alberta, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, par exemple.
    Dans la plupart des provinces, la sensibilisation et le soutien local passent par un financement de durée très limitée, et non pas un soutien continu. Au cours des dernières années, l'initiative fédérale de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés a permis d'accroître la sensibilisation, mais parfois aux frais des collectivités qui ont peu ou pas de ressources pour soutenir cette sensibilisation et aider les gens. La sensibilisation et les ressources nécessaires doivent aller de pair. Quoi qu'il en soit, dans les collectivités, nous constatons qu'on commence à coordonner les ressources et les initiatives.
    Partout au pays, nos membres encouragent les gens à considérer les personnes âgées comme un groupe diversifié sur le plan social, économique et culturel, un groupe qui représente également au moins deux générations.
    Le problème des mauvais traitements et de la négligence envers les femmes âgées est complexe et peut apparaître au sein des collectivités, ainsi que dans les résidences pour aînés et les centres de soins de longue durée, comme les maisons de soins infirmiers et les foyers de soins personnels. Les femmes âgées peuvent subir des préjudices physiques, affectifs, financiers et sexuels, de même que des atteintes aux droits fondamentaux que les autres adultes tiennent pour acquis. Elles subissent souvent plusieurs préjudices à la fois. Parfois, ils sont dus non pas à des comportements intentionnels, mais à la négligence causée par un manque de sensibilisation, de connaissances ou de ressources personnelles ou communautaires. D'autres fois, la négligence peut être intentionnelle.
    Notre organisation met également l'accent sur les approches et les initiatives non âgéistes. À une extrémité du spectre, il y a beaucoup de comportements paternalistes: on veut pratiquement intervenir et sauver ou punir quelqu'un. Inversement, à l'autre extrémité du spectre, on s'attend encore à pouvoir régler le problème simplement en fournissant de l'information aux femmes âgées, mais en ne tenant pas compte de la dynamique des relations qui est à l'origine des mauvais traitements ou de la négligence, ni des politiques et pratiques qui y contribuent dans la collectivité.
    C'est un domaine rempli de mythes et d'idées fausses. Nous constatons que les femmes âgées sont souvent considérées comme étant faibles et vulnérables et ayant moins de capacités. On décrit souvent les femmes âgées victimes de mauvais traitements comme des personnes naïves, mal informées, trop confiantes, trop bonnes et trop dépendantes. Il existe une forte propension à ne pas tenir compte de leurs opinions et de faire ce qu'on pense être le mieux pour elles.
    Les gens veulent simplifier les problèmes souvent complexes dans ce domaine et essaient de trouver des réponses faciles. On accorde beaucoup moins d'attention aux situations sociales et économiques, comme les rôles associés à chaque sexe et l'expérience de vie, l'allocation de ressources et les politiques sociales, qui peuvent faciliter et perpétuer les mauvais traitements ou la négligence. Même les personnes les mieux intentionnées peuvent ne pas tenir compte des valeurs, des croyances et souvent de la force remarquable face à l'adversité qu'ont les femmes âgées.

  (1535)  

    Afin que vous puissiez mieux comprendre comment ce problème touche les femmes âgées, j'aimerais vous parler de la vie et des expériences de quatre femmes âgées que je connais en Colombie-Britannique. Elles m'ont donné la permission de raconter leurs histoires afin d'illustrer quelques-uns des problèmes actuels et la façon dont on les règle au pays. Ces situations se présentent dans bien d'autres régions du pays.
    Si vous avez des questions par la suite, je me ferai un plaisir de vous parler plus en détail des problèmes, des défis des collectivités et des progrès réalisés pour aider ces femmes, ainsi que pour prévenir et résoudre les situations semblables à celles qu'elles ont vécu. Au cas où vous vous poseriez la question, oui, les noms et les situations ont été un peu modifiés afin de protéger ces femmes.
    Je vais vous parler d'abord de Magda. Elle est maintenant dans la soixantaine. Elle vivait dans une petite localité de la Colombie-Britannique et a subi de la violence physique, sexuelle et psychologique durant la majeure partie de son mariage. Au début de son mariage, dans les années 1960, lorsque son mari l'agressait, la police locale traitait le plus souvent la situation comme une affaire privée et ne voulait pas intervenir. Il n'y avait pas de maisons de transition ni de refuges pour femmes battues — même aujourd'hui, il n'y en a pas dans sa collectivité —, et le médecin de famille qui la soignait pour ses fractures était peu enclin à poser des questions. Le silence était le maître-mot. Dans son Église, sa culture et sa collectivité, on considérait qu'elle devait assumer la responsabilité, en tant qu'épouse, d'arranger les choses.
    Len ne l'agresse plus maintenant. Il a tout simplement eu raison d'elle par ses insultes et son intimidation. En plus, il avait la mainmise sur toutes les questions financières. Il y a environ cinq ans, un de leurs enfants a presque réussi à la convaincre de quitter Len et il l'aidait à vivre seule. Mais la santé de Len a commencé à se détériorer.
    Aujourd'hui, il est au début du stade modéré de la maladie d'Alzheimer et il a encore des comportements agressifs. Elle ne le quittera pas maintenant. Les services de santé communautaire qui tentent de soutenir ces deux personnes ne sont pas nécessairement au courant de leur longue histoire. S'il se présentait une situation d'urgence et que Magda devait partir soudainement, le refuge local pour femmes ne serait probablement pas en mesure de l'accueillir, et le seul endroit où Len pourrait aller, c'est à l'hôpital.
    La foi de Magda a été une clef de voûte pour elle durant cette période et elle fait partie intégrante de sa résilience. Toutefois, ce n'est qu'au cours des dernières années qu'on a commencé à explorer le rôle des groupes confessionnels au Canada et à voir comment ils pourraient mieux soutenir et aider les femmes âgées qui se trouvent dans des situations comme celle de Magda.
    Ensuite, il y a Helen, une octogénaire. Elle aussi, elle connaît bien la violence psychologique constante et l'exploitation financière. Peu après le suicide de l'un de ses fils, il y a environ 10 ans, Matt, son fils le plus jeune, a emménagé avec elle. Il avait perdu son emploi, et sa petite amie avait mis fin à leur relation orageuse. Les gens qui ne connaissent pas Matt disent de lui qu'il est très bon pour sa mère. C'est un stéréotype très courant en ce qui a trait aux enfants adultes qui s'occupent de leurs parents.
    Ce que les gens ne savent pas, c'est que jusqu'à il y a deux ans, Helen gardait des enfants de huit à neuf heures par jour, six jours sur sept, afin d'avoir suffisamment d'argent pour les faire vivre tous les deux et payer les dettes croissantes de Matt. Elle empruntait de l'argent de tous ses amis pour garder la tête hors de l'eau.
    Au fil du temps, ses amis en ont eu assez de voir qu'elle refusait de le mettre à la porte. Ils craignaient aussi pour leur propre sécurité. Matt a été impliqué dans des délits mineurs; il a notamment vendu de la drogue à des adolescents de la région et il a été pris en possession de marchandises volées. Il a aussi été accusé de voies de fait contre sa petite amie. Helen pourrait obtenir un engagement de ne pas troubler l'ordre public ou une ordonnance de non-communication, mais souvent, ce n'est pas une solution logique pour les personnes qui se trouvent dans sa situation. Il est trop facile pour lui de revenir. Elle veut que Matt obtienne de l'aide, elle le veut très sincèrement. Mais elle ne veut absolument pas qu'il aille en prison, même pour ce qu'il a fait aux autres.
    En ce sens, au cours des dernières années, on a mis sur pied dans certaines collectivités canadiennes des unités de police spécialisées qui ont l'habitude de gérer ces situations complexes. Leurs membres savent aussi travailler au rythme de la personne âgée. Il s'agit souvent d'une équipe de travail formée d'un agent de police et d'un travailleur social.
    Bien d'autres femmes vivent une situation semblable à celle d'Helen. Parfois, leurs enfants adultes les persuadent d'encaisser le contenu de leurs REER ou de vendre leurs actifs de base. Ces transactions se font parfois à leur insu; elles perdent leur principal actif et ne peuvent pas le récupérer. En fait, à cause du coût élevé des services d'un avocat, de la portée étroite de l'aide juridique dans la plupart des provinces et de la réduction du soutien juridique relevant du droit des pauvres, ces femmes sont abandonnées à leur sort.

  (1540)  

    Excusez-moi de vous interrompre, mais il vous reste à peine 30 secondes. Peut-être pourriez-vous nous parler de vos recommandations.
    D'abord, je tiens à remercier Condition féminine Canada d'avoir entrepris ce processus important et complexe d'examen des problèmes structurels. Il est important d'examiner les effets et le croisement des politiques provinciales, territoriales et fédérales dans ce domaine. Dans bien des cas, une politique apparemment neutre en matière de santé, de logement, d'immigration et d'accès à la justice peut favoriser un environnement plus propice à la maltraitance et à la négligence.
    Quelques-uns de mes collègues et moi nous intéressons aux immigrants âgés, en particulier à ceux qui font l'objet d'un parrainage, et à la mesure dans laquelle ces politiques rendent ces aînés et leur famille vulnérables.
    Nous reconnaissons aussi que le financement direct est la responsabilité des provinces ou des territoires pour la plupart des services; cependant, nous encourageons le comité à souligner non seulement l'importance de la question, mais également la nécessité d'un financement de base pour les organismes qui tentent d'apporter de l'aide, surtout ceux qui offrent des services spécialisés pour répondre aux besoins des femmes âgées et aider à offrir de la formation et des services aux fournisseurs de services. Nous ne voulons pas que les organisations provinciales continuent de devoir tenir de petites réceptions afin d'amasser des fonds pour nos lignes provinciales spéciales à l'intention des victimes de mauvais traitements, comme on le fait actuellement en Ontario.
    Il faut passer à la prochaine étape en ce qui concerne la formation. Il y a beaucoup d'informations de base pour les fournisseurs de services; toutefois, nous constatons qu'il existe un besoin de plus en plus grand de gens spécialisés et d'informations plus approfondies afin d'aider les gens, qu'il s'agisse de fournisseurs de services, de praticiens ou de décideurs, à comprendre les complexités du problème. De plus, il y a également un manque d'analyse critique dans ce domaine, et nous devons aider les gens à mieux comprendre les liens.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Gloria Gutman.
    Le problème des mauvais traitements envers les aînés touche beaucoup de femmes. C'est un fait établi, même en tenant compte d'un plus grand nombre de gens, que proportionnellement, les femmes âgées sont davantage victimes de mauvais traitements que les hommes âgés. Il est également établi que les femmes âgées victimes de mauvais traitements qui cherchent à obtenir de l'aide se trouvent souvent aux prises avec trois problèmes, soit l'âgisme, le sexisme et la condamnation de la victime.
    La maltraitance envers les aînés n'est pas sans discrimination de genre. Les plus vieux d'entre nous se rappelleront que lorsqu'on a commencé à parler de la maltraitance envers les aînés, dans les années 1970, on appelait cela du « granny bashing ». Au cours des années qui ont suivi, la nature sexuée du problème de la maltraitance envers les aînés semble avoir disparu.
    Pourquoi? Quelles en ont été les conséquences? Était-ce en réaction à la montée du mouvement féministe? S'agissait-il d'un reflet des valeurs sociales et des perspectives des chercheurs, pour la plupart des hommes? Ou bien était-ce parce qu'on présumait essentiellement, dans une société âgiste, que vieillisse rime avec dépendance et capacité amoindrie?
    L'une des conséquences de considérer la vieillesse comme une période de capacité amoindrie et de dépendance, c'est qu'on a tendance à penser que toutes les personnes âgées sont malades, faibles, impotentes et incapables de prendre elles-mêmes des décisions valables. Cela a aussi pour conséquence de donner des lois et des services élaborés à partir d'un modèle qui convient aux enfants, mais pas nécessairement aux aînés.
    Je ne suis pas ici aujourd'hui pour débattre des pour et des contre des exigences de déclaration obligatoire, qui sont la tendance aux États-Unis, en Israël, dans l'ex-république yougoslave de Macédoine et dans plusieurs de nos provinces. Je suis ici pour attirer votre attention sur le fait qu'on ne tient pas compte du non-sexisme et que cela a comme conséquence de dissimuler les différences dans le pouvoir entre les hommes et les femmes et certains problèmes de comportements abusifs.
    Je tiens également à souligner que malgré que l'on sache maintenant depuis quelques années que les taux de violence physique sont comparables pour les jeunes femmes et les femmes de 50 ans et plus, le mythe selon lequel lorsqu'on parle de violence envers les femmes, il s'agit de violence envers des jeunes femmes persiste.
    Je veux aussi parler du fait que la maltraitance et la négligence envers les personnes âgées est un problème international. Il existe des preuves flagrantes qu'il ne s'agit pas seulement d'un problème social rencontré dans les pays du Nord ou dans le monde développé. Tout comme il y a un vieillissement de la population à l'échelle mondiale, il y a aussi des mauvais traitements à l'égard des personnes âgées partout dans le monde, y compris dans les sociétés qui ont toujours semblé vénérer leurs aînés.
    Il y a trois définitions de la violence à l'égard des aînés qui sont couramment utilisées partout dans le monde. La plus courante a été élaborée par une organisation caritative du Royaume-Uni en 1995, et elle a par la suite été adoptée par l'Organisation mondiale de la santé et mon organisation, le Réseau international pour la prévention des mauvais traitements envers les aînés. Il s'agit d'« une souffrance ou un préjudice causé à un aîné dans le cadre d'une relation fondée sur la confiance, à la suite d'un geste unique ou répété ou de l'omission de prendre une mesure appropriée ».
    Dans plusieurs définitions, on reprend l'idée de l'abus de pouvoir; par conséquent, on met l'accent sur la relation entre la victime et l'auteur. Dans une certaine mesure, les mêmes comportements sont typiquement utilisés dans la violence envers les aînés que dans l'intimidation chez les jeunes: menaces, intimidation et comportements agressifs. Leurs auteurs s'en servent pour maintenir leur domination sur les personnes âgées.
    Mais il y a plus. Comme Charmaine l'a mentionné, les types de violence que l'on voit généralement sur la scène internationale sont la violence physique, psychologique, financière et sexuelle. Il y a aussi les problèmes de la négligence et de la violence systémique, où il est question des règles et règlements discriminatoires à l'égard des personnes âgées. Dans les établissements, on peut ajouter à cela la contention physique et chimique des pensionnaires, qui les prive notamment de leur dignité et du choix de leurs activités.

  (1545)  

    Quant à l'ampleur du problème, je peux vous donner des détails sur les décès par homicide découlant de mauvais traitements des aînés en Europe. Selon un récent rapport de l'OMS, on estime à environ 8 300 le nombre de décès par an chez les personnes de 60 ans et plus. Environ un tiers de ces décès sont imputables à un parent et résultent de mauvais traitements.
    Quant aux admissions dans les hôpitaux, les données provenant de six pays européens témoignent d'une courbe en U pour les hospitalisations à la suite de voies de fait: celles-ci sont élevées chez les gens âgés de 60 à 64 ans, elles retombent dans les cinq années suivantes et remontent ensuite, de façon assez révélatrice, chez les aînés de 90 ans et plus.
    Diverses études ont été menées de par le monde, mais toutes ne sont pas valables au plan méthodologique. D'après celles qui le sont, entre 3 et 10 p. 100 des personnes âgées — 60 ans et plus — vivant dans leur collectivité font l'objet de mauvais traitements et de négligence sur une période d'un an. Les types de mauvais traitements les plus courants sont d'ordre financier et psychologique, mais il n'est pas rare que la même personne en subisse plusieurs à la fois. Les taux de mauvais traitements dans les institutions sont plus difficiles à évaluer en raison de la rareté des études valables menées à cet égard.
    Lynn, qui travaille depuis des années dans ce domaine, vous donnera des précisions sur les définitions.
    Il faut dire aussi que les taux de prévalence varient beaucoup en fonction de ceux qui les rapportent. Par exemple, l'idée de mauvais traitements que se fera un médecin de famille pourra différer de celle que s'en font une vieille dame ou ceux qui prennent soin d'elle. Les différences d'opinion découlent aussi de l'origine ethnique des gens.
    Tout cela pour dire que ce n'est pas facile d'y voir clair et que c'est — comme l'a dit Charmaine — un domaine complexe. Il y a une très grande diversité de victimes qui comprennent des gens provenant de diverses couches socioéconomiques — riches, pauvres et intermédiaires. Cela touche les minorités ethnoculturelles, ainsi que les communautés homosexuelle et hétérosexuelle.
    Pour ce qui est des personnes âgées vivant dans la collectivité, les auteurs de mauvais traitements font essentiellement partie du système de soutien informel que forment les parents, voisins et amis. Nous commençons à peine à examiner la situation concernant les fournisseurs de soins ou de soutiens à domicile. Dans les établissements, on s'est évidemment intéressé au personnel, mais il y a aussi la famille qui rend visite aux aînés et tout dernièrement on s'est penché sur les questions systémiques.
    Par rapport aux conséquences, la portée des mauvais traitements et de la négligence dépasse largement l'événement. Ainsi, les mauvais traitements physiques sont beaucoup plus graves chez les personnes âgées que chez les jeunes, parce que les os des premiers sont plus minces et prennent plus longtemps à guérir.
    De nombreux travaux ont été effectuées sur les facteurs de risques. Déjà au début des années 2000, une étude américaine les classait dans trois catégories: possibles, probables ou pouvant être contestés.

  (1550)  

    Il est intéressant de noter que les toutes dernières études portent sur les facteurs de risques contestés, à savoir que les mauvais traitements infligés aux aînés sont en quelque sorte la cause du stress que subissent ceux qui en prennent soin. Ce facteur est réellement important, car on peut s'en servir comme d'une excuse. Les données ne justifient tout simplement pas que l'on considère ce facteur comme une cause importante des mauvais traitements. Car si on le fait, c'est la personne âgée qui finit par être blâmée. C'est en quelque sorte la victime, mais elle devrait être plus accommodante envers la personne qui s'occupe d'elle. On passe ainsi sous silence les différences de pouvoir et les caractéristiques de l'auteur des mauvais traitements.
    Pour résumer, si l'on veut en arriver à une tolérance zéro — ce qui est à mon avis souhaitable —, il faut associer tous les intervenants: les groupes féministes, les administrations de tous ordres, les professionnels de la gérontologie et les groupes religieux. Il y a déjà eu trop de mesures prises en vase clos dans ce domaine, et pas assez d'action collective et cohérente.
    Merci.

  (1555)  

    Nous passons à Lynn.
    Je vous avertirai lorsqu'il ne vous restera qu'une minute.
    Je vais essayer de ne pas répéter ce qui a déjà été dit.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner et vous félicite de vous pencher sur un problème très grave qui est depuis trop longtemps passé sous silence.
    Je suis directrice de l'Institute for Life Course and Aging à l'Université de Toronto. Nous avons pour mandat la recherche et l'éducation.
    Je suis aussi la directrice scientifique de l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées, organisation vouée au transfert du savoir, généralement dans le domaine du vieillissement. Nous avons 1 400 membres. Nous produisons du savoir sous forme de ce que nous appelons des outils de poche, pour lesquels nous avons eu plus de 400 000 demandes. Cet outil convivial a été mis au point par un médecin — qui viendra peut-être d'ailleurs témoigner devant le comité — et permet de déterminer si des mauvais traitements ont été infligés aux aînés. Il ne comporte que huit questions et il est simple et fondé sur la recherche.
    Tout ce que l'on fait dans le cadre de l'Initiative est fondé sur la recherche — qui prend toute la forme d'outils de poche. Ces outils étaient destinés aux professionnels, mais les aînés et les soignants les utilisent. Tout le monde peut les utiliser. Comme je l'ai dit, nous avons eu des tonnes de demandes.
    L'initiative regroupe des experts de diverses disciplines qui font le pont entre l'université et la communauté. Y sont associés médecins, avocats, anthropologues, psychologues, travailleurs sociaux, infirmiers, etc. Ils se regroupent en équipes et produisent ces outils de poche. Il y a sept équipes. Les deux dernières qui ont été formées s'occupent de littératie financière chez les aînées et de la maltraitance des aînés. Tout le monde ici fait partie de l'équipe de lutte à la violence faite aux aînés, qui a accompli énormément de travail.
    Cela dit et compte tenu des autres déclarations, je veux parler de la recherche qui est menée au Canada, recherche dans laquelle le gouvernement a joué, je crois, un rôle très important et pour laquelle il doit jouer un rôle encore plus important à l'avenir. J'ai quatre points à faire valoir à cet égard.
    Premièrement, La dernière recherche à avoir été faite dans ce pays sur la prévalence de la maltraitance des aînés remonte à 1999. La recherche précédente, à laquelle on a fait allusion, remonte à 1989. Nous sommes déjà très en retard pour ce qui est d'établir l'état des lieux. La première étude, qui avait été menée par Podnieks en 1989, était une très belle étude auprès de 2 008 personnes, mais qui avait ceci de particulier que le sexe des sujets n'y avait pas d'importance. Le fait d'être une femme n'avait donc pas d'importance.
    La seconde étude, qui a été menée par Pottie Bunge à partir de l'Enquête sociale générale de Statistique Canada, établissait aussi que le sexe n'avait pas d'importance, ce qui est très intéressant. Je vous dirai aujourd'hui qu'il y a exactement 14 études sur la prévalence. La prévalence se définit comme le nombre de cas survenant en une année, par opposition à l'incidence, qui est le nombre de nouveaux cas en un an.
    Le problème vient désormais du fait que nous n'en connaissons pas l'ampleur et que nous continuons d'y consacrer de l'argent dans l'espoir de le régler. Je plaide pour ma part en faveur d'une bonne recherche faite à partir du début et le début consiste à définir ce qu'est la maltraitance des aînés.
    Je peux parler des 14 études qui ont été menées dans la collectivité et des neuf qui l'ont été dans des établissements. Je peux vous dire d'emblée, par exemple, qu'en Suède, 11 p. 100 des gens sont maltraités dans les établissements, comparativement à 72 p. 100 en Allemagne. Parce qu'on ne s'entend pas sur… Certes, nous utilisons la définition de l'Organisation mondiale de la Santé, mais elle doit être adaptée aux études qui sont menées.
    Le problème vient du fait que personne ne s'entend sur ce qu'est la maltraitance des aînés. Dans la collectivité, ce taux de maltraitance peut passer de 0,8 p. 100 en Espagne à 18 p. 100 en Israël. La différence est immense. Dans les études canadiennes, on parle d'un taux d'environ 4 p. 100. Dans les dernières études britanniques, il est de 2,6 p. 100 et en Irlande, de 3 p. 100.
    Pourquoi les définitions sont-elles importantes? Elles sont importantes pour nous tous pour les raisons suivantes.
    Les définitions sont importantes parce qu'elles permettent d'établir le nombre des sujets concernés lorsque nous mesurons l'ampleur du problème. Si nous n'avons pas de définition ou que celle-ci est faible, nous ne savons jamais exactement quelle est l'ampleur du problème.

  (1600)  

    Deuxièmement, si nous ne connaissons pas l'ampleur du problème ou si nous ne savons même pas ce qu'est la maltraitance des aînés et ce en quoi elle consiste, nous ne saurons pas ce sur quoi la loi doit porter. Si nous ne connaissons pas la nature du problème, nous ne saurons pas quel genre de traitement proposer. Si nous ne connaissons pas la nature du problème, nous ne saurons pas qui est admissible aux services.
    Pour vous donner un exemple simple, si vous décidez que vous n'allez pas compter les abus sexuels, vos chiffres seront inférieurs, le problème aura la même ampleur et vous ne pourrez probablement pas le comparer à celui d'autres pays comme Israël, la Grande-Bretagne et l'Espagne.
    Tout cela se traduit par du financement. Le gouvernement a fait valoir que nous avons besoin de services essentiels, pour lesquels nous devons payer. De combien de services essentiels avons-nous besoin et combien devraient-ils coûter? Si nous ne savons pas quelle est la nature du problème, nous ne pourrons pas répondre à ces questions. Voilà le premier point que je veux faire valoir.
    Deuxièmement, dans les deux études que nous avons menées au Canada, on a pensé que le sexe n'était pas une variable pertinente. Je ne veux pas dire par là que, selon toute une série d'autres études menées dans le monde entier, on a estimé que le sexe était une variable importante. Comme l'a déclaré le docteur Gutman, les Américains ont établi les facteurs de risques dans le domaine de la maltraitance: il y a ceux qui sont confirmés, ceux pour lesquels il y a des preuves contraires et entre les deux, ceux pour lesquels il y a des preuves pour et des preuves contre. La plupart des études publiées aujourd'hui sont pour ou contre la question du sexe.
    Ce que j'essaie de dire, c'est qu'au Canada, nous ne savons pas vraiment; nous ne savons pas vraiment si le sexe est un facteur pertinent. Je dirais qu'il le sera dans l'un des secteurs les plus négligés, à savoir la maltraitance dans les institutions. Selon l'étude que j'ai menée avec Charmaine, le secteur de la population qui augmente le plus rapidement dans ce pays est celle qui est âgée de 85 ans et plus. Cette population est composée de femmes. Et il est on ne peut plus probable que cette population soit logée dans des maisons de soins infirmiers.
    La moyenne d'âge de la population des maisons de soins infirmiers est aujourd'hui de 85 ans. Cette population souffre souvent de troubles cognitifs, et de deux ou trois maladies. Elle est socialement isolée. Seuls 12 p. 100 de ses résidents ont encore des compagnons ou des partenaires. Quelque 60 p. 100 d'entre eux vivent loin de leur famille. Vous pouvez bien imaginer ce qui peut les attendre dans ces établissements. Lorsqu'on parle des coupures et de tout le reste — comme le manque de personnel — la catastrophe n'est pas loin. D'après ma seule expérience de ces établissements, je pourrais vous raconter quantité d'anecdotes horribles. Je ne veux pas dire par là qu'il n'y en a pas dans la collectivité; en fait, il y en a.
    Nous parlons beaucoup d'interventions, et c'est là mon troisième point. Nous disons qu'il faut intervenir. À partir de la recherche menée dans le monde entier, le problème vient du fait qu'il n'y a aucune preuve motivant tel ou tel genre d'intervention. La dernière étude menée dans ce domaine — heureusement canadienne — remonte à 2009. On y examine 1 253 cas d'interventions faites dans le monde, dans deux langues. On n'en a trouvé que huit ayant une certaine validité au plan de la recherche.
    Dans ces huit études, les chercheurs ne pouvaient pas décider quelle approche était la meilleure. On semblait laisser entendre — et cela est conforme à ce que fait le gouvernement aujourd'hui — que l'éducation est une bonne chose. Sensibiliser le public à la maltraitance semblait être l'un des mécanismes qui étaient appuyés. Nous devons donc être prudents lorsque nous parlons de ce dont nous avons besoin. En effet, nous n'en sommes pas certains.
    Le dernier point que je veux faire valoir est que le Canada est peut-être prêt à aller plus loin. Nous avons tous pris part à cette étude. Dans le cadre de l'Initiative, nous avons mené une immense étude sur la définition de la maltraitance des aînés dans le contexte canadien. On peut élargir ou diminuer la portée de la définition pour pouvoir l'utiliser au niveau local, national ou international. Presque tous les intervenants en prévention de la maltraitance des aînés ont pris part à l'étude. Nous avons organisé des réunions pour que se dégage un consensus. La prochaine se tiendra demain. Je ne sais pas ce qui s'en dégagera, mais nous en parlerons toute la journée entre responsables gouvernementaux, praticiens et chercheurs.

  (1605)  

    Je dirais que RHDCC a consacré beaucoup d'argent dans ce domaine au Canada. Certains éléments de l'approche que nous avons adoptée étaient réellement uniques par rapport à ceux d'autres pays… Nos données ont d'ailleurs été analysées par des étrangers et on a dit que le Canada avait apporté une immense contribution pour que, finalement, on puisse faire des progrès dans ce domaine. Mission accomplie, mais qui demande encore réflexion. Vous avez déjà investi beaucoup d'argent, mais je crois qu'il est temps de procéder à une étude sur la prévalence et sur l'incidence, à la fois dans la collectivité mais surtout dans les établissements.
    Je tiens à vous remercier toutes les trois de vos excellents exposés. Vous pouvez compter sur l'entier appui du gouvernement.
    Je vais maintenant passer aux questions. Le temps de parole sera de sept minutes au premier tour et nous commençons par Mme Truppe.
    Merci, madame la présidente.
    Et merci Charmaine, Gloria et Lynn de nous avoir fait part aujourd'hui de toutes vos conclusions et études. Nous vous en sommes reconnaissants.
    La question est pour vous, Lynn. Vous avez parlé de faire le pont avec la collectivité. Vous aviez sept équipes, dont l'une s'occupait de littératie financière. Pouvez-vous élaborer sur ce projet et sur les fraudes financières dont sont victimes les aînées?
    Oui, en fait, c'est un projet vraiment enthousiasmant, et nombre des outils de littératie financière dont vous disposez ont été élaborés par nous.
    Nous avons d'abord formé les formateurs. Nous avons formé les aînées elles-mêmes sur toute la gamme des compétences, connaissances et fraudes financières. Nous avions plusieurs outils permettant d'alerter les femmes sur une fraude, un incident ou un agissement inhabituel de la part de leur banque.
    Nous nous sommes adressés à plus de 300 femmes et en avons formé 20 qui ont organisé dans tout le pays des ateliers de deux jours sur la littératie financière, sans oublier toute la question des fraudes.
    En fait, nous mettons actuellement à l'essai un outil vraiment excellent de 25 points qui a été validé aux États-Unis. Le gouvernement de l'Illinois l'utilise. Nous l'utilisons nous-mêmes dans nos ateliers et nos essais, car nous cherchons quelque chose de vraiment efficace et concis que les femmes peuvent assimiler tout de suite. Nous espérons ensuite le faire circuler auprès des banquiers, des cabinets d'avocats qui s'occupent de planification successorale, etc.
    Merci.
    L'une ou l'autre pourra probablement répondre à la question. Peut-on expliquer les causes ou les raisons de la maltraitance des aînés? Des études ont-elles été menées à ce sujet ou la question est-elle soulevée à l'occasion d'entrevues?
    Environ sept différentes théories ont été avancées pour expliquer les causes des mauvais traitements envers les personnes âgées. Il y a la théorie du stress familial dont Gloria parlait, qui est complètement fausse, celle de la continuité transgénérationelle, le cycle de violence, si une personne a été maltraitée dans son enfance, elle le sera aussi lorsqu'elle sera une personne âgée... Il y a aussi la théorie de la discrimination fondée sur l'âge, qui comporte des éléments intéressants et selon laquelle on fait de l'âgisme dans notre société, ce qui, bien entendu, ne se voit pas vraiment, et que c'est ce qui est à l'origine des mauvais traitements envers les personnes âgées.
    De quelles autres théories peux-tu te souvenir? Est-ce tout?
    Il y en a un certain nombre. Celles que j'ai nommées sont probablement les principales. Aucune d'entre elles n'a été prouvée. Ce qui se passe maintenant, c'est qu'on commence à dire que les causes varient selon le type de mauvais traitement. Il se peut qu'il y ait une théorie globale. En fait, à l'heure actuelle, nous évaluons une approche fondée sur le parcours de vie. C'est vraiment intéressant. Cela touche la continuité transgénérationnelle. Dans le cadre d'un sondage effectué auprès de 300 personnes — et ce n'était pas un échantillon aléatoire —, nous avons découvert que lorsque des gens ont été maltraités dans leur enfance, ils le sont aussi une fois qu'ils sont devenus des personnes âgées. Nous sommes les premiers à avoir fait des recherches à ce sujet, et nous sommes donc très surpris de constater que c'est vrai.

  (1610)  

    Si la personne âgée a été maltraitée dans son enfance, le cycle se poursuit toute sa vie...?
    Oui. Cela nous a surpris, mais comme ce n'est pas un échantillon aléatoire, je ne dirais pas cela.
    Mme Susan Fruppe: Bien sûr. D'accord.
    Vouliez-vous intervenir, Gloria?
    Les facteurs de risque semblent varier selon les formes de mauvais traitement, ou leur pondération. Les facteurs de risque liés à l'exploitation financière ne sont pas nécessairement exactement les mêmes que ceux qui sont liés à la violence physique.
    De même, comme Lynn le disait, lorsqu'on tente d'appliquer des théories, nous avons un groupe très diversifié de femmes. Certaines ont été maltraitées dans leur enfance par leur père. Elles se sont ensuite mariées et ont été maltraitées par leur mari. D'autres vivent cela pour la première fois de leur vie à un âge avancé, avec un nouveau conjoint, ou parce que leur conjoint de longue date est atteint de démence et ne sait plus différencier ses amis de ses ennemis.
    Donc, une théorie universelle ne fonctionne pas.
    Il y a un cycle de la violence, le stress du fournisseur de soins et la situation, ce qui signifie qu'on est dans une situation fâcheuse, donc la personne qui vole leur argent et... [Note de la rédaction: difficultés techniques].
    Pour revenir sur un ou deux de ces éléments... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... c'est très différent. En général, les plus jeunes femmes — celles qui sont dans la soixantaine, ou peut-être au début de la soixante-dizaine — risquent davantage d'être victimes de violence physique et de violence psychologique dans la collectivité que leurs aînées. Toutefois, les plus âgées semblent être davantage victimes de négligence. Il y a des différences pour ce qui est... Encore une fois, il est très important de comprendre que nous parlons d'au moins deux générations — et dans certains cas, il y en a plus, selon l'âge — quant à ce qui définit une femme âgée.
    L'une des choses qu'il ne faut pas oublier — l'un des stéréotypes sur l'apprentissage social —, c'est que les adultes peuvent avoir été victimes de mauvais traitements ou de négligence à un plus jeune âge et reproduire le même comportement. Nous ne trouvons pas beaucoup d'appuis en ce sens. En fait, si l'on suit le parcours de vie des enfants qui ont vécu les torts les plus graves — violence physique, violence sexuelle —, environ un quart d'entre eux deviennent violents. Donc, l'idée selon laquelle une personne deviendra violente si elle a elle-même été victime de violence tôt dans sa vie n'est pas nécessairement vraie.
    Nous passons aux députés du NPD.
    Je crois comprendre que vous allez partager votre temps de parole. Vous disposez de sept minutes.

[Français]

    En effet, nous allons partager notre temps de parole.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma question s'adresse au Dr Gutman.

[Traduction]

    Est-ce que tout fonctionne à l'interprétation?
    Une voix: Nous tentons de trouver le coupable...
    Mme Charmaine Borg: D'accord.

[Français]

    Vous avez réalisé plusieurs études et fait plusieurs comparaisons sur le plan international à propos de ce problème. Je veux savoir si les faiblesses du Canada sont comparables à celles des autres pays.
    Avez-vous déjà vu, dans d'autres pays, des modèles qui fonctionnaient bien et qu'on pourrait peut-être adopter ici?

  (1615)  

[Traduction]

    La question, c'est avons-nous vu des modèles dans d'autres pays...?
    Oui, et si vous avez constaté des faiblesses au Canada qui sont comparables à celles d'autres pays.
    À mon avis, le Canada ne fait ni mieux, ni pire que les autres pays. Ce n'est pas qu'aucun autre pays n'a fait un meilleur travail que nous. Nous sommes tous dans le même bateau, c'est-à-dire que nous ne savons pas vraiment quelle est la meilleure chose à faire.
    Divers pays ont essayé différentes choses. Par exemple, quelques-uns ont établi le signalement obligatoire, mais il n'y a pas eu suffisamment de recherches pour nous permettre de déterminer si c'est la meilleure chose à faire, ou encore si c'est la meilleure chose à faire dans un pays donné.
    J'aimerais donner un point de vue quelque peu différent à ce sujet. Je pense que le Canada est très fort pour ce qui est de tenter d'éviter certains des problèmes que connaissent d'autres pays. Par exemple, bien que certaines provinces aient adopté une approche protectrice, la Nouvelle-Écosse est la seule qui s'est inspirée d'une approche fondée sur la violence faite aux enfants avec le signalement obligatoire, et Terre-Neuve-et-Labrador modifie ses lois et adoptera ce type d'approche aussi avec ses nouvelles modifications. En fait, nous tentons vraiment d'éviter cela, car nous savons que cela enlève un certain pouvoir aux gens. C'est une approche très paternaliste.
    Dans quelques jours, je présenterai des recherches que j'ai faites, dans lesquelles j'ai comparé ce qui s'est passé dans le domaine de la protection de l'enfance et les leçons qui ont été tirées dans le domaine de la protection des adultes aux États-Unis. Nous avons découvert qu'une très grande partie — environ le tiers — des renseignements sur lesquels les organismes enquêtent ne sont pas confirmés. Cela ne veut pas dire qu'aucun tort n'est causé, mais que dans bien des cas, les organismes sont submergés d'appels qui portent sur tout un large éventail de torts causés, qu'ils établissent des seuils plus élevés dans les politiques et les pratiques, et qu'au fond, ils considèrent tous les cas qui sont inférieurs au seuil indiqué comme non confirmés, et ces gens n'obtiennent donc pas d'aide.
    L'autre chose dont nous nous rendons compte, c'est que la plupart du temps, pour ce qui est du signalement obligatoire, par exemple, nous nous fondons sur l'idée selon laquelle le gouvernement fournira du soutien et des services pour répondre aux besoins des personnes âgées. Malheureusement, nous constatons que ce sont les organismes qui ont le mandat, mais qu'ils n'ont généralement pas les fonds et les ressources pour le remplir. Nous le constatons surtout lorsqu'il y a un ralentissement économique: moins de services sont offerts aux gens.
    L'autre approche, encore une fois, à laquelle le Canada ne s'est jamais intéressé, consiste à tenter d'adopter une loi spéciale visant à criminaliser la violence et la négligence envers les personnes âgées. C'est une approche américaine. Rien ne nous prouve que l'adoption d'une loi spéciale pour les personnes âgées les protège davantage que les dispositions générales du Code criminel.

  (1620)  

    Je vous remercie de votre présence. J'aurais bien aimé que nous ayons plus de temps.
    Mardi, nous avons discuté avec des représentantes de l'Agence de santé publique du Canada au sujet de leur campagne de sensibilisation. Si j'ai bien compris, madame Spencer, est-ce que l'une des faiblesses des campagnes de sensibilisation — si c'est leur seule orientation —, c'est qu'elles perpétuent le mythe voulant que des gens maltraitent des aînés parce qu'ils sont peu informés?
    Cela met beaucoup de pression sur l'individu plutôt que sur les collectivités, les systèmes de soins de santé, les services sociaux, le système de justice — en général, les structures. Brièvement, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les raisons pour lesquelles la sensibilisation ne suffit pas?
    C'est tout simplement que les campagnes de sensibilisation nationales coûtent vraiment cher. Le gouvernement a établi que des 13 millions de dollars qui ont été affectés à l'Initiative de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés, environ 9 millions ont été utilisés pour la campagne nationale.
    Ce n'est pas que la campagne n'est pas utile. Elle l'est, tout à fait. Si l'on fait une comparaison, et sans mesurer le niveau de ressources de la collectivité permettant d'intervenir ou de travailler avec cela, les collectivités sentent vraiment la pression de répondre à un besoin. Le besoin a toujours existé. C'est seulement que dans une large mesure, c'est demeuré caché.
    Il vous reste 30 secondes.
    Brièvement, pour ce qui est des recommandations structurelles que vous feriez au gouvernement...?
    Du côté du fédéral, et pour ce qui est des soins de longue durée en particulier, la grande difficulté concernera les discussions sur les soins de santé, et une très grande partie de cette responsabilité relève des provinces et des territoires.
    Nous ne devons pas oublier que les soins de longue durée font partie des soins de santé. À l'heure actuelle, ils sont séparés. Ils n'ont pas le même type de protection qu'ont d'autres volets des soins de santé au Canada.
    Il nous faut vraiment examiner les raisons pour lesquelles des personnes âgées sont victimes de mauvais traitements et de négligence dans les établissements de soins de longue durée. Nous avons tendance à nous concentrer sur le profil des résidents, mais il nous faut également comprendre les structures de travail dans ce domaine. Il y a le fait qu'une bonne partie des membres du personnel sont des femmes qui ont un emploi occasionnel. Dans de telles circonstances, l'idée de continuité des soins dans son ensemble s'envole.
    Monsieur Holder...
    Merci beaucoup.
    J'aimerais remercier nos invités de leur présence. Votre témoignage suscite beaucoup d'attention. C'est un peu difficile à absorber, si je peux dire, car vous nous donnez beaucoup de renseignements.
    J'ai déjà demandé à ma mère, qui vient du cap Breton, si elle savait comment on mange un éléphant, et elle m'a répondu « on le mange un morceau à la fois ». Je vais donc tenter d'y aller morceau par morceau, si je peux m'exprimer ainsi.
    Je vais commencer par vous, madame Spencer. Vous avez dit que pour ce qui est du Réseau canadien, c'est différent selon chaque administration. Je suppose que vous parlez des administrations provinciales, territoriales et fédérale. Comment classeriez-vous les provinces et les territoires les uns par rapport aux autres? Est-ce que la façon de définir les mauvais traitements et de les signaler varie selon les provinces dans notre pays?
    Il y a certaines différences pour ce qui est de leurs stratégies provinciales, par exemple, mais il y a beaucoup d'éléments en commun. Ils se sont inspirés de la définition de l'Organisation mondiale de la Santé, mais il y a différents types...
    Il serait donc juste de dire qu'il serait utile que toutes les provinces et tous les territoires aillent dans la même direction, si vous me permettez, pour ce qui est de pouvoir confirmer vos recherches et présenter un rapport à ces gens qui doivent être en mesure d'utiliser ces renseignements dans l'intérêt collectif?
    Bien sûr. Je crois que Lynn devrait intervenir là-dessus, mais...
    Madame McDonald, voulez-vous intervenir?
    Tout à fait: c'est essentiellement ce que nous tentons de faire.
    J'ajouterais — et Charmaine le sait aussi — qu'en partie, nous avons pris les définitions de chaque province, examiné la jurisprudence, et c'est ce que les avocats font, et nous avons essayé de faire concorder ces approches juridiques et ces définitions avec les définitions des sciences sociales pour pouvoir proposer une vision commune. Cela n'a pas été facile.
    Il y a un an, je pense, nous avons rencontré environ 80 personnes de partout au Canada. Les gens ont apporté beaucoup de changements, mais au bout du compte, ils se sont tous mis d'accord. C'est ce que nous tenterons de refaire demain. Nous obtiendrons probablement beaucoup plus de réactions. Ce sera notre dernière ronde. Nous espérons que par la suite, tout le monde — provinces, chercheurs et praticiens — sera sur la même longueur d'onde.

  (1625)  

    J'ai de la sympathie pour Mme Gutman, pour ses efforts en ce qui concerne le réseau international, car si nous ne pouvons même pas avoir notre propre définition étroite — et je ne sais même pas si je veux parler de définition étroite — qui permet de donner des réponses aux fournisseurs de soins, aux scientifiques, aux gens à qui nous demandons de mettre en oeuvre des solutions...
    Je suppose que ce qui me pose problème, c'est que si l'on regarde les choses dans l'ensemble — et à l'échelle internationale également —, d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, il semble que nous ayons un mélange confus de définitions des mauvais traitements envers les personnes âgées. Pendant que j'écoutais le témoignage... avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas sûr que vous vous entendez à ce sujet. Je ne tente pas de vous provoquer, mais bien de comprendre.
    Madame Gutman, vous avez dit — et permettez-moi de comprendre, s'il vous plaît, car je pense qu'il est important que je le souligne — que les mauvais traitements envers les personnes âgées constituent... un problème qui touche les femmes.
    Madame McDonald, si j'ai bien compris, vous avez dit que nous ne savons pas si le sexe des sujets a de l'importance.
    Comment conciliez-vous les deux points de vue? J'ai besoin de comprendre cela un peu mieux. Pourriez-vous apporter des précisions, s'il vous plaît?
    Je crois que ce que Lynn voulait dire, c'est que lorsqu'on examine les facteurs de risque pour les différentes formes de mauvais traitements, on a tendance à toutes les mettre dans le même panier. Il se peut que pour certaines formes, les hommes soient plus vulnérables que les femmes et que pour d'autres, ce soit l'inverse. Si l'on met tout dans le même panier, on ne peut plus savoir clairement quelles sont les caractéristiques importantes. Pour ce qui est du nombre de mauvais traitements, il ne fait aucun doute qu'un plus grand nombre de femmes que d'hommes en sont victimes. Ce que je veux dire...
    Mme Lynn McDonald: Il y a un plus grand nombre de femmes.
    Mme Gloria Gutman: Parce qu'il y a un plus grand nombre de femmes.
    Comme elles sont plus nombreuses, plus de femmes en sont victimes. Toutefois, ce que nous savons pertinemment grâce aux recherches, c'est que lorsque les femmes sont maltraitées, c'est pire que lorsque ce sont des hommes.
    Êtes-vous d'accord avec Mme Gutman? Je ne tente pas de commencer... Je tente seulement de comprendre. Lorsque vous dites que cela touche les femmes...
    Non, non, je l'avais remarqué.
    Oui, vous voulez peut-être parler un peu...
    Non, nous sommes sur la même longueur d'onde.
    Mme Gloria Gutman: Nous sommes sur la même longueur d'onde.
    M. Ed Holder: D'accord.
    Mme Lynn McDonald: Ce que je veux dire, c'est que les recherches à ce sujet ne sont pas suffisantes pour que nous sachions avec certitude ce qu'il en est. Nous sommes des gérontologues. Nous savons ce qu'il en est, mais nous ne l'avons pas encore prouvé avec certitude...
    M. Ed Holder: D'accord.
    Mme Lynn McDonald: ... et c'est ce que nous devons faire.
    J'aimerais préciser deux choses. Tout d'abord, au sujet d'une définition... Les définitions sont liées à des contextes particuliers et une définition commune facilite nos recherches. Comment cela s'applique au niveau de la politique, comment cela se traduit, par exemple, en lois au niveau provincial, territorial ou même fédéral, est autre chose. Tout dépend de notre objectif.
    Il faut aussi comprendre la quantité de données existantes — ou, plutôt, qui n'existent pas — au Canada. Nous ne parlons pas seulement de données sur la prévalence ou sur l'incidence, mais de données provenant d'organismes sociaux qui s'occupent de questions concernant les femmes et les hommes âgés. Dans la plupart des cas, leur structure de financement est tellement précaire que peu importe la façon dont on compile les données, on ne peut pas obtenir un portrait de la situation.
    Donc, quelle est la tendance, même de façon informelle, c'est-à-dire voyez-vous plus...? L'autre jour, je parlais avec les représentants du Centre for Elder Advocacy and Support de la Colombie-Britannique, et ils m'ont dit qu'en effet, ces deux dernières années, ils avaient constaté une augmentation de 50 p. 100 dans les appels qu'ils reçoivent, mais ils ont introduit une nouvelle...
    Madame Spencer, je m'excuse de vous interrompre.
    Madame Gutman, vous avez dit que 8 300 femmes mouraient chaque année en Europe...
    J'ai dit des gens, c'est-à-dire des hommes et des femmes. Chaque année, des gens âgés de 60 ans et plus décèdent des suites d'un homicide, et dans le tiers des cas, il a été commis par un membre de la famille.
    C'est incroyable. Qu'en est-il pour le Canada?

  (1630)  

    Je pense qu'il y en a moins d'une douzaine.
    Puis-je vous demander de faire quelque chose? C'est la dernière fois.
    Madame McDonald, vous nous avez fait découvrir un livre très intéressant. Pourriez-vous en faire parvenir des exemplaires au comité? Je pense qu'il pourrait nous être utile.
    De plus, je pense que vos exposés étaient excellents. Pourriez-vous en faire parvenir une copie à la présidente du comité? Ils sont une mine de renseignements.
    Merci.
    Permettez-moi de préciser que les données concernant le sexe sont mélangées. C'est pour cela que Gloria disait... C'est la raison: elles sont mélangées. Si on pouvait effectuer la recherche, nous saurions ce qu'il en est, et je suis certaine que ce sont les femmes qui sont visées.
    Pour clarifier les choses, environ deux tiers des appels que reçoivent les organismes communautaires partout au pays concernent les femmes âgées. Cela ne correspond pas vraiment à leur proportion dans la population; cache-t-on plus ce problème dans le cas des hommes âgés ou est-il seulement plus courant chez les femmes âgées?
    Désolée, madame Sgro.
    Merci beaucoup.
    Plus tôt, vous — et surtout Mme Spencer — avez parlé de la question de savoir comment s'y prendre avec les familles lorsque le fils ou la fille maltraite son père ou sa mère.
    Avons-nous commencé à appliquer une approche à plusieurs volets avec la police lorsque nous nous occupons de ce genre de cas? Il est très délicat de traiter avec le fils, la fille, le mari, etc.; quelle est donc l'approche à adopter? Je suis sûre que nous disposons maintenant d'une approche à plusieurs volets dans ces situations.
    Je suppose que le mieux que je puisse faire est d'analyser ce qui se passe au niveau individuel. Par exemple, dans le cas d'un adolescent, un agent de police et un travailleur social travailleront ensemble, alors qu'ils ne le feraient pas dans une autre situation plus générale.
    Un grand nombre de nos approches sont plutôt centrées sur la victime, c'est-à-dire la personne qui est maltraitée. Cette méthode n'est pas sans faille, car dans plusieurs cas, les deux personnes — ou la famille au complet — ont besoin d'aide. S'il s'agit d'une mère dont le fils a un problème de santé mentale ou un problème de consommation de drogues qui pourrait être à l'origine du problème, on se concentre tout de même sur elle, au lieu de les aider tous les deux.
    En effet, nous utilisons une approche qui est vraiment centrée sur la victime. On fait des efforts, par exemple dans les communautés du Nord, pour adopter une approche centrée sur la collectivité ou sur la famille, une approche qui favorise le bien-être de tout le monde. Nous commençons tout juste à nous efforcer de trouver des solutions appropriées à chaque situation.
    À votre connaissance, cette approche holistique est-elle adoptée partout au Canada?
    Non, absolument pas. On a toujours tendance à se concentrer beaucoup plus sur l'individu que sur le couple, par exemple. Comme je l'ai dit, il y a quelques lueurs d'espoir au sein de certaines collectivités. Par exemple, dans des collectivités des Premières nations, on commence à utiliser une approche différente, car celle qu'on employait ne convenait pas.
    Madame McDonald, avez-vous un commentaire?
    J'aimerais seulement ajouter qu'à mon avis, une partie du problème se trouve dans les régions rurales. J'habite dans une très grande ville, et je forme des travailleurs sociaux; ils collaborent avec la police, les infirmières, les médecins et même le coroner. On ne se concentre pas toujours seulement sur la victime. On essaie plutôt de faire en sorte que la personne puisse habiter chez elle et de trouver des façons de s'assurer qu'elle y reste. J'ai constaté qu'un grand nombre de services essayaient d'adopter cette approche partout au Canada.
    Quant à savoir si cette approche reçoit le financement approprié, je suis d'accord avec Charmaine; ce n'est absolument pas le cas. Nous avons besoin de plus de ressources pour la faire fonctionner, mais elle demeure la meilleure façon de procéder. La gérontologie, par définition, est interdisciplinaire. On ne peut pas faire autrement.
    J'aimerais seulement confirmer ce qu'a dit Lynn: l'approche multidisciplinaire a en effet gagné en importance dans ce domaine. Toutefois, « multidisciplinaire » signifie habituellement, dans la plupart des collectivités, que les services de santé et les services sociaux collaborent. Dans certaines villes, on réussit à obtenir l'aide d'autres intervenants, parfois pour la personne et parfois pour la famille au complet.

  (1635)  

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vous remercie beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Nous sommes sur le point de prendre une pause de deux minutes, afin d'accueillir les nouveaux témoins.
    Merci beaucoup.

  (1635)  


  (1640)  

    Veuillez s'il vous plaît retourner à vos places, afin d'entendre nos nouveaux témoins.
    Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Josette et Barb. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Ce sujet nous touche tous beaucoup.
    Veuillez commencer.
    Bonjour. Merci de me donner l'occasion de venir témoigner.
    Je suis heureuse d'être accompagnée de ma collègue, Josette Roussel. Nous avons tous les deux de l'expérience clinique en gérontologie. En effet, c'est un sujet qui nous tient à coeur.
    Au nom des 250 000 infirmières du Canada, je vous remercie de nous permettre de vous donner le point de vue des gens des soins infirmiers sur un problème important et caché: les mauvais traitements envers les aînés.
    On définit les mauvais traitements envers les aînés comme toute action ou inaction délibérée, commise par une personne en position de confiance, qui cause du tort, ou qui pourrait vraisemblablement causer du tort à une personne âgée. Cela englobe toute forme de mauvais traitements, y compris ceux de nature psychologique, physique, sexuelle et financière, de même que la négligence et la violation des droits. En 2009, selon Statistique Canada, les aînés de plus de 65 ans représentaient 13 p. 100 de la population canadienne. Cette année-là, près de 8 000 cas de mauvais traitements envers les aînés ont été signalés, ce qui est une augmentation de 14 p. 100 depuis 2004.
    Les aînés sont les perles de la société. Il suffit de penser à nos propres parents, à nos grands-parents et aux nombreux autres aînés qui ont eu une influence dans notre vie. La reconnaissance de leur apport à notre culture et notre société doit demeurer au centre des soins et des traitements.
    Les infirmières canadiennes sont préoccupées par les mauvais traitements envers les aînés dans le continuum de soins et dans l'ensemble du pays, non seulement parce que les taux augmentent, mais par son existence même. La société ne doit absolument pas tolérer les mauvais traitements envers les aînés. Si nous abordons le problème de façon globale et multidimensionnelle, nous pouvons établir une stratégie qui nous permettra de bâtir la culture de compassion, de dignité et de respect que les aînés canadiens méritent.
    Les mauvais traitements envers les aînés, ce n'est pas seulement une question de sécurité des patients. C'est aussi une urgence sur le plan de la santé publique.
    Notre première recommandation au comité est l'élaboration d'une stratégie globale de prévention des mauvais traitements envers les aînés. Dans cette stratégie, on devrait retrouver des programmes de sensibilisation liés aux services de santé publique, des logements supervisés et des crédits d'impôt pour les aînés. Il faut aussi se concentrer de façon plus accélérée sur les populations qui sont dans des conditions qui engendrent la vulnérabilité.
    Parmi ces populations, beaucoup de personnes sont des immigrants qui rencontrent des obstacles lorsqu'elles cherchent à obtenir de l'aide, des femmes âgées qui sont confinées à la maison et qui vivent dans la pauvreté, et des gens des Premières nations, des Inuits et des Métis. Des programmes de visites amicales et de soins de jour nous fournissent une occasion inégalée de lutter contre l'isolement et la solitude que vivent beaucoup d'aînés.
    Pour vous donner un exemple sur la scène internationale, la ville de Copenhague a un programme dans le cadre duquel les infirmières de la santé publique rendent visite aux personnes de plus de 70 ans, à domicile. Les infirmières évaluent les besoins, offrent des soins et s'assurent habituellement que les aînés ont accès aux services de soutien psychologique dont ils ont besoin.
    Les études démontrent qu'en plus du rôle visible qu'elles jouent auprès des personnes âgées, les infirmières font preuve d'un engagement personnel et de compassion, ce qui réduit le sentiment d'isolement et de profonde solitude qui afflige tant de personnes âgées. De tels programmes pourraient faire baisser le taux élevé de dépression qui prévaut chez nos aînés et qui est associé au taux de suicide élevé que l'on observe au sein de ce groupe vulnérable.
    Nous avons besoin d'un véritable investissement en santé publique pour favoriser le retour des infirmières — et de leur présence professionnelle — dans la vie de nos aînés. Grâce à leur formation exhaustive et leur expérience, ainsi qu'au temps qu'elles passent auprès des patients et des familles, les infirmières sont à même d'observer des signes très réels de négligence et de mauvais traitements. Elles sont parmi les mieux placées pour intervenir.
    Étant donné que notre recommandation est de passer par la santé publique pour lutter contre les mauvais traitements envers les aînés, des ressources pour l'éducation et la sensibilisation sont ce dont nous avons besoin en tant que fournisseurs de soins et société. Nous aimerions remercier le gouvernement fédéral du financement qu'il accorde à certains projets importants tels que le programme Nouveaux horizons pour les aînés. Dans le cadre d'un de ces projets, l'AIIC a créé un partenariat avec l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario relativement au programme PEACE, qui fait la promotion de la sensibilisation aux mauvais traitements envers les aînés en établissements de soins de longue durée. Le programme met sur pied des ressources chez les fournisseurs de soins.

  (1645)  

    D'un bout à l'autre du Canada, 10 établissements de soins de longue durée ont été sélectionnés pour participer au projet. Chacun de ces partenaires du programme PEACE a créé et mis en oeuvre des outils — un programme d'éducation pour les fournisseurs de soins, les patients et les familles; des documents imprimés — qui aident à améliorer la sécurité des résidents et la qualité des soins.
    Actuellement, on met en oeuvre des programmes de sensibilisation fondés sur ces outils pour former les travailleurs de première ligne. Parmi les sujets abordés, il y a: comprendre et reconnaître les mauvais traitements envers les aînés; les lois provinciales, territoriales et fédérales sur les mauvais traitements envers les aînés; les mesures à prendre en cas de mauvais traitements envers les aînés réels ou suspectés; et créer un milieu de travail qui valorise la sécurité et le bien-être des résidents.
    Permettez-moi de vous parler d'un témoignage d'un des participants au programme PEACE. Un résident d'un établissement de soins de longue durée demande qu'on lui donne une rôtie. Un fournisseur de soins de santé lui en apporte une, avec de la confiture. Le résident lui dit qu'il voulait du beurre d'arachide et non de la confiture. Le fournisseur de soins répond: « Eh bien, je vous ai déjà apporté de la confiture. » Un collègue du fournisseur de soins a entendu la conversation, s'est souvenu du module de formation et a reconnu qu'il s'agissait d'un comportement irrespectueux envers le résident. Puis, il intervient pour qu'on apporte au résident ce qu'il a demandé. Ensuite, de façon constructive, il intervient auprès de son collègue pour que celui-ci prenne conscience du comportement, et pour faire la promotion de la dignité et du respect.
    Voilà l'effet que peut avoir le programme. Cela peut sembler être un exemple banal, mais ce genre de négligence est un problème très répandu dans les établissements de soins du Canada. Des programmes comme PEACE, qui accroissent la sensibilisation et qui donnent aux fournisseurs de soins des outils qui les aident à reconnaître de telles situations et à intervenir, nous donnent aussi l'espoir et le pouvoir de promouvoir les valeurs que sont la dignité, la compassion et le respect.
    Dans le mémoire que nous vous ferons parvenir, nous inclurons plus d'exemples de ce genre et il sera question des résultats concrets et des effets du programme PEACE.
    Le partenariat PEACE est un excellent début, mais nous devons en faire plus. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement fédéral finance l'adaptation et la mise en oeuvre de la trousse d'outils de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés du programme PEACE dans d'autres établissements de soins de santé — comme les établissements de soins actifs et de soins de santé communautaires — ainsi que le développement de ressources technologiques pour appuyer cette mise en oeuvre. Puisque le programme est fondé sur des valeurs universelles, nous pourrions vraiment changer les choses si nous l'implantions dans d'autres établissements comme les hôpitaux, les résidences de personnes âgées et dans les situations de soins à domicile.
    Les fournisseurs de services communautaires sont une excellente ressource de première ligne pour lutter contre les mauvais traitements envers les aînés. Par exemple, une infirmière qui fournit des soins à domicile ou un préposé aux services de soutien à la personne sont dans une excellente position pour déceler des signes de mauvais traitements au domicile d'un client, des signes qui, autrement, pourraient passer inaperçus. Ces personnes pourraient remarquer que le client n'a pas les moyens d'acheter de la nourriture ou des articles de soins personnels ou de payer les factures; que des objets de valeur disparaissent soudainement ou que les relevés bancaires ne sont plus envoyés au domicile du client, qui pourrait être victime d'exploitation financière.
    En plus d'adapter les outils du partenariat PEACE pour leur utilisation à l'extérieur des établissements de soins de longue durée, on devrait les présenter sur le support le plus adéquat pour l'utilisateur final. Par exemple, si l'infirmière à domicile dont j'ai parlé plus tôt utilise un téléphone intelligent, une application pourrait être le meilleur moyen de lui transmettre les informations nécessaires. Elle pourrait les consulter afin d'intervenir immédiatement, sur place, et de préparer un plan d'action adapté à la situation.
    De tels outils pourraient aussi être adaptés pour d'autres secteurs, milieux et groupes d'âge, ce qui permettrait aux travailleurs sociaux, aux premiers intervenants et aux membres de la famille d'avoir rapidement et facilement accès à des conseils, des instructions et du réconfort.
    Ce qu'il y a de merveilleux par rapport à ce modèle, c'est que l'adaptation des outils de prévention contre les mauvais traitements envers les aînés pour les différents destinataires pourrait se faire à partir d'un cadre de travail commun. Cela éviterait le recours à une approche au cas par cas, où les concepts et la terminologie varient en fonction des régions et des milieux. Le résultat serait une meilleure intégration des services et des interventions pour les victimes de mauvais traitements, sans égard aux circonstances.
    Évidemment, partout au Canada, les infirmières autorisées vont continuer de promouvoir la prévention des mauvais traitements envers les aînés, et nous vous demandons de nous aider à intensifier nos efforts en ce sens. Grâce à l'adaptation des réalisations du projet PEACE à de nouveaux secteurs et à des investissements dans une stratégie de prévention en santé publique, le Canada peut, de façon concrète et positive, contribuer à mettre un terme au cycle de mauvais traitements envers les aînés, peu importe où cela se produit. Il s'agit d'une étape cruciale vers un avenir sécuritaire et sain où la dignité et le respect seront un droit et non un luxe.

  (1650)  

    Je vous remercie beaucoup de votre temps. Je serai heureuse de répondre aux questions.
    Merci d'être venue.
    Nous allons commencer; Susan Truppe posera la première question.
    Barb, Josette, merci d'être ici aujourd'hui. Entendre votre témoignage sur les mauvais traitements envers les aînés et les femmes est très important pour le comité. J'ai seulement deux ou trois questions.
    Je voulais en savoir un peu plus sur le projet sur la « promotion de la sensibilisation aux mauvais traitements envers les aînés en établissements de soins de longue durée ». Je crois que vous en avez parlé. Vous avez dit que le projet consiste à mettre en oeuvre des séances de formation sur la prévention des mauvais traitements envers les aînés et à les donner aux fournisseurs de soins de première ligne de cinq établissements de soins de longue durée d'un bout à l'autre du Canada.
    Pourriez-vous nous parler des autres avantages de ce projet sur les mauvais traitements envers les aînés?
    Certainement; je vais aussi demander à ma collègue, Josette, de répondre à la question.
    L'autre avantage, c'est simplement que cela a un effet d'entraînement. Lorsqu'on donne de la formation sur un comportement qui devrait être imité dans d'autres secteurs et établissements, et qu'on l'implante dans un groupe de professionnels en soins de santé, on commence à montrer à la société ce qui doit se passer.
    Nous savons que les fournisseurs de soins de santé sont mobiles. S'ils apprennent la bonne façon d'agir dans un de leurs milieux de travail et qu'ils choisissent d'aller travailler ailleurs, ils apportent leurs connaissances. Ils deviennent ensuite des vecteurs de changement, comme nous l'avons vu dans l'exemple de la rôtie. C'est un exemple simple, mais le fournisseur de soins en a formé un autre. Voilà l'effet d'entraînement qu'il peut y avoir. Ce serait un des autres avantages.
    Josette, en voyez-vous d'autres?
    Je vois cela comme une approche d'équipe: on crée la sensibilisation, il y a une prise de conscience du problème, un partage des connaissances et on apprend l'un de l'autre. Tout cela est aussi transmis aux familles et aux résidents. Il y a un effet global très puissant sur la culture au sein des établissements de soins de longue durée qui, parfois, n'ont pas les ressources nécessaires pour les aider à composer avec ces situations difficiles, comme le matériel de formation ou même les outils.
    Voilà, en passant, ce que nous apprend le projet PEACE. L'évaluation initiale nous démontre que le personnel — particulièrement les fournisseurs de soins non réglementés — a l'impression qu'il saurait reconnaître une telle situation et qu'il saurait quoi faire. Les gens ont le sentiment qu'ils ont le soutien et les connaissances nécessaires, qu'ils peuvent apporter des changements et faire mieux. Dans le cadre de leurs fonctions, leur objectif global est de ne causer aucun tort et de faire ce qui convient le mieux pour les résidents. Le projet crée cet effet, et nous en saurons plus lorsqu'il sera terminé, en mars 2012.
    Merci.
    Merci.
    Me reste-t-il du temps?
    Vous avez quatre minutes.
    C'est bien.
    Lorsque les représentants de l'Agence de la santé publique du Canada sont venus témoigner devant le comité, ils nous ont dit qu'une approche fondée sur le sexe, dans laquelle on agirait de la même façon pour les femmes âgées et les hommes âgés, ne donnerait pas de bons résultats parce que les hommes et les femmes n'ont pas le même statut socio-économique ni les mêmes conditions de vie. Je me demandais si vous pouviez nous en dire plus sur les disparités entre les sexes que vous avez remarquées dans le cadre de votre travail au sein de votre organisme.

  (1655)  

    C’est une question difficile. Je reviendrais toujours à la question de savoir à quel degré nous ciblons les interventions. Alors que nous renseignons les gens de tous les âges sur les mauvais traitements envers les aînés... Pour être honnête avec vous, de mon point de vue, on commencerait à informer les gens au primaire.
    Dans ce cas, oui, je crois qu’il faut porter une différence aux différences fondées sur le sexe. Nous savons que dans le cadre familial, dans la société ou au travail, les femmes ne sont pas souvent dans une position d’autorité. Comprendre ce déséquilibre du pouvoir à un jeune âge est très important. Nous savons aussi que nous devons nous attaquer aux différences culturelles et à la façon dont les diverses cultures perçoivent les femmes et leur place dans la société. C’est important.
    Quand on renseigne les gens sur les mauvais traitements envers les aînés, je dirais que pour ce qui est des différences entre les sexes, c’est l’aspect le plus important. Toutefois, dans des situations où les aînés sont exposés à de mauvais traitements, je ne peux personnellement cerner des différences liées au genre chez les fournisseurs de soins de santé. Nous devons leur enseigner une façon d’être générale, une façon d’être empreinte de respect — en soins infirmiers, on parlerait de compassion —, mais aussi à faire preuve d’humanité. Pour moi, ce sont des principes fondamentaux.
    Merci.
    S’il me reste encore deux minutes, mon collègue, M. Holder, a une petite question. Je vais partager le temps qu’il me reste avec lui.
    Merci.
    Merci à nos invités.
    Madame Mildon, vous avez dit qu’il y a eu quelque 8 000 incidents de mauvais traitements envers les aînés en 2009, je crois, une augmentation de 14 p. 100 depuis... excusez-moi, avez-vous dit 1994?
    C’était en 2004.
    En 2004. Était-ce parce qu’il y a un contexte dans lequel il est plus acceptable de signaler ce genre de mauvais traitements? Je ne suis même pas certain de savoir comment poser la question. Mais si vous comprenez où je veux en venir, est-ce parce qu’il y a plus de mauvais traitements ou simplement parce qu’on a plus tendance à le signaler? En avez-vous une idée?
    Vous soulevez un très bon point.
    Il faudrait que je revoie les statistiques, mais si je me souviens bien de ce qui est dans le rapport, c’est lié, comme vous l’avez souligné, au fait que les gens sont plus sensibilisés, et l’augmentation des cas rapportés est liée à la sensibilisation, ce qui ferait augmenter les chiffres. Mais il faudrait que j’y retourne pour vérifier si on a établi un lien entre les deux.
    Parlant de liens, avant vous, nous avons accueilli trois témoins fort réfléchis. Par rapport aux renseignements relatifs aux incidents de mauvais traitements, comment intégrez-vous cela au genre de renseignements dont ils ont besoin dans le cadre de leur travail?
    Parlez-vous de statistiques précises?
    Oui.
    À mon avis, ce serait sans aucun doute ce que nous utilisons pour démontrer la nécessité des programmes dont nous faisons la promotion, le genre de programmes que nous créons. Donc, la première chose qu’il faut savoir, c’est que les statistiques ont, à tout le moins, donné une indication réelle de la prévalence de ce problème, de son ampleur et de sa portée.
    J’ajouterais deux autres points à votre question sur les statistiques. En effet, non seulement nous rendons la déclaration des incidents de mauvais traitements envers les aînés plus acceptable, mais nous les dépistons plus tôt, et je pense que cela vient étayer ces statistiques.
    Ce que j’essaie de comprendre concerne les données que vous avez, les 8 000 incidents de mauvais traitements envers les aînés. Utilisez-vous cela comme la justification des programmes que vous considérez nécessaire de mettre en place? Ou, d’une façon ou d’une autre, donnez-vous ces renseignements à d’autres pour qu’ils puissent adopter une approche plus globale par rapport aux programmes appropriés? Je suppose que ce que j’essaie de comprendre, c’est si vous les utilisez pour vos propres fins.
     Je dirais que nous faisons les deux. Premièrement, ces données nous indiquent qu’il s’agit d’un enjeu important auquel nous devrions allouer des ressources et prêter attention. Deuxièmement, elles nous fournissent une valeur initiale à partir de laquelle nous pouvons mesurer nos progrès. Toutefois, cette valeur initiale est problématique parce que de nombreux mauvais traitements ne sont pas mesurés, ni signalés. Par conséquent, cette valeur initiale devient, dans une certaine mesure, artificielle.
    Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant passer au NPD. Mmes Hassainia et Borg se partagent leur temps de parole.
     Madame Hassainia, veuillez commencer.

[Français]

    Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins d'être ici.
    On constate que les personnes qui octroient des soins aux personnes âgées dans les centres de soins sont aussi victimes d'abus, et cela peut mener à d'autres situations d'abus envers les patientes. Est-ce que cette violence serait le reflet d'une mauvaise présélection du personnel, d'une formation insuffisante, ou d'une combinaison des deux? Y a-t-il possiblement d'autres facteurs?

  (1700)  

    C'est sûr que dans les facteurs liés aux abus sur les résidents, il peut y avoir le manque de connaissances de la part du personnel, une formation initiale de base insuffisante, les expériences vécues avec une personne âgée ou l'approche utilisée.
    En ce qui a trait au phénomène opposé dont vous parliez où un membre du personnel soignant est l'abusé, ça peut arriver aussi. On voit aussi ce genre de situation. À cet égard, des programmes ont été mis en place dans les milieux de soins. Ces programmes visent à appuyer les employés et à les aider à rapporter les cas d'abus. Il y a un modèle spécifique à suivre. C'est une approche différente, mais c'est aussi ce qui se passe dans la réalité.
    A-t-on des outils pour ça?
    Oui.
    Est-ce qu'on a des chiffres?
    Je n'ai pas les chiffres en tête, mais ça se passe surtout lors de la formation des gens qui ont à oeuvrer dans ces milieux. On les forme à la fois sur le plan de l'approche et sur la façon de réagir dans certaines situations et de les rapporter. C'est sûr que dans les deux cas, il y a un besoin de formation. Vous soulevez un très bon point.

[Traduction]

    Permettez-moi de compléter cette excellente réponse en vous disant que nous aimerions que vous portiez votre attention sur la possibilité que des exigences ou des arrêtés puissent être établis pour veiller à ce que, dans les établissements de soins de longue durée, des infirmiers autorisés soient de garde pendant au moins un quart de la journée ou qu’ils représentent un certain pourcentage du personnel. Aidez-nous à garantir que la dotation dans ces établissements est excellente ou que des infirmiers sont présents pour guider la conception des soins et recommander les types de soins à prodiguer.
     De plus, nous devons nous souvenir que le secteur des soins de longue durée est peut-être le secteur de notre système de soins de santé qui manque le plus de ressources. Cela joue un rôle sur le nombre d’employés auxquels nous confions les soins de nos aînés vulnérables et la préparation de ces employés.
    Il vous reste quatre minutes.

[Français]

    Nous savons tous qu'avec une population vieillissante, les institutions publiques, et même privées, sont débordées. Souvent les aînés doivent être soignés par des aidants naturels.
    À titre d'infirmière, pouvez-vous nous dire si on donne aux aidants naturels assez de formation pour les préparer vraiment à jouer ce rôle?
    Je pense que c'est une dynamique intéressante. Ces personnes se lancent là-dedans sans vraiment savoir ce qui les attend. Il se peut qu'elles ne sachent pas vraiment comment réagir dans une situation d'abus.

[Traduction]

     Permettez-moi de commencer, puis d’inviter Josette à répondre.
     Voilà la raison pour laquelle nous avons désespérément besoin d’un système de soins infirmiers de santé publique doté de nombreuses ressources. Les aidants naturels ont besoin d’être visités par des infirmiers de santé publique qui peuvent les aider à faire face au fardeau véritable qu’impose la responsabilité de prendre soin d’aînés vulnérables à domicile. Ils peuvent leur fournir des ressources, les mettre en contact avec des centres de jour et favoriser le bien-être des aînés eux-mêmes afin qu’ils soient plus en mesure de se débrouiller dans ces environnements. Il faut que nous envisagions des approches préventives. Pour ce qui est de la formation, voilà une autre responsabilité que les infirmiers de santé publique peuvent très bien assumer.
     Je peux vous citer l’exemple de ma propre grand-mère. Bien entendu, la famille participait, mais les visites régulières d’un infirmier de santé publique l’aidaient beaucoup. Partout au pays, les programmes de soins infirmiers de santé publique ont été gravement compromis. Lorsqu’il y a des restrictions budgétaires, les genres de visites préventives dont je vous parle sont les premières à être touchées.
     Par conséquent, je pense qu’il faut combiner les deux approches.
     D’autres stratégies ont été mises en oeuvre pour envisager la possibilité d’appuyer nos aidants naturels qui, pour la plupart, font ce travail bénévolement tout en conciliant bon nombre d’autres sources de stress dans leur vie quotidienne et qui peuvent bénéficier de tout le soutien que nous pouvons leur apporter.

  (1705)  

[Français]

    Pourriez-vous nous donner rapidement des chiffres liés aux abus dans les centres publics et ceux privés? Vous semblez favoriser les centres publics, qui seraient plus efficaces. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous en arrivez à cette conclusion?

[Traduction]

     Je m’en voudrais de vous donner l’impression que je préfère l’un à l’autre. Ils jouent tous deux un rôle très important dans notre système de soins de santé.
     Les organisations privées ont l’occasion d’influer sur les frais qu’ils imposent et sur les patients qu’ils admettent, ce que les organisations et les fournisseurs publics ne peuvent pas faire dans la même mesure. Voilà l’une des principales différences entre les deux. Lorsqu’on est en mesure de payer pour un service, on peut en général obtenir un personnel plus diversifié et offrir peut-être un plus vaste éventail de services. Voilà ce dont je parle.
     Les établissements de soins de longue durée qui sont publics et sans but lucratif hébergent des aînés vulnérables provenant de toutes les classes de la société et, en conséquence, ils ont moins l’occasion de recruter le personnel diversifié dont ils ont besoin. Je ne devrais même pas utiliser l’expression « personnel diversifié ». J’entends par là un personnel qui reflète l’éventail des services à offrir, c’est-à-dire des infirmiers autorisés, des infirmiers auxiliaires autorisés et des auxiliaires en soins de santé ou des préposés aux services de soutien à la personne. C’est vraiment la différence que je tentais de vous signaler.
     Nous allons maintenant passer à Roxanne James.
    Merci, madame la présidente.
     Je remercie nos deux témoins. J’aimerais souhaiter à Mme Mildon, une habituée de notre comité, un bon retour parmi nous.
    J’ai une question à vous poser concernant l'Initiative de lutte contre la violence familiale, l’ILVF, et l’engagement à long terme que le gouvernement a pris de lutter contre la violence au sein de relations entre parents, d’intimité, de dépendance ou de confiance.
     L’Agence de la santé publique du Canada dirige et coordonne ce programme au nom de 15 différents partenaires, dont des ministères, des organismes et des sociétés d’État. Pourriez-vous expliquer au comité les conséquences de cette approche coordonnée par le gouvernement fédéral? Veuillez donner au comité plus de détails à ce sujet?
    Non. Ce programme ne m’est pas familier. Je peux simplement formuler des observations concernant l’expérience que nous avons vécue en participant au projet PEACE. Ce projet est vraiment fondé sur une approche canadienne, et il montre qu’en coordonnant nos efforts, on développe un langage commun et on apprend des techniques communes pour lutter contre les mauvais traitements envers les aînés. Nous remarquons que cette approche coordonnée nous aide énormément.
     Je ne peux pas formuler des observations concernant l’autre programme.
    J’ai le regret de dire que je ne connais pas non plus ce programme aussi bien que j’aimerais le connaître. Toutefois, mon expérience en tant qu’infirmière à domicile et en tant qu’infirmière tout court m’apprend que le genre d’outils dont Josette a parlé et dont j’ai parlé relativement au programme PEACE se prête merveilleusement bien aux interventions visant à lutter contre la violence familiale.
     Ce sont les infirmiers des salles d’urgence qui peuvent remarquer les premiers signes de violence familiale. Il faut que nous concevions des outils à leur intention pour leur signaler en quoi peuvent consister les signes de violence familiale et leur apprendre ce qu’ils peuvent faire pour intervenir. Les infirmiers à domicile voient également les signes dans leur milieu de travail. À mon sens, c’est le programme de lutte contre la violence familiale qui est le plus susceptible de faire exactement ce que vous avez dit, c’est-à-dire mettre à contribution les divers secteurs. C’est cette approche intégrée et homogène de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés qui aura l’effet le plus bénéfique.
     Je considère que ce programme est crucial pour vos délibérations.
    Je vous remercie de votre réponse.
     Je tiens également à reconnaître qu’au sein de notre comité, nous discutons des programmes mis en oeuvre par le gouvernement qui ont été couronnés de succès. L'Initiative fédérale de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés en est un. Je pense que le programme a été un bon investissement. De plus, le programme Nouveaux Horizons se poursuit, et la décision que nous avons prise de lui allouer d’autres fonds a été accueillie favorablement partout au Canada. Bien entendu, il y a notre discours du Trône et l’engagement que nous avons pris d’imposer des peines plus sévères aux personnes qui infligent de mauvais traitements aux aînés.
     Outre le discours du Trône, je me demande quels programmes actuellement en marche vous sont familiers. À votre avis, lesquels ont donné les meilleurs résultats? Quels investissements ont porté fruit? Je me demande si vous pouvez formuler des observations à ce sujet et nous dire pourquoi vous êtes de cet avis.

  (1710)  

    Voilà une excellente question qui est, par ailleurs, très détaillée. Je tiens vraiment à lui rendre justice. Si vous me le permettez, je dirais qu’ensuite, nous répondrons également à ces questions par écrit. Ainsi, nous pourrons rentrer davantage dans les détails.
    Tous les projets et les programmes qui ont été financés ont un effet bénéfique sur notre cheminement, parce qu’ils démontrent les méthodes qui fonctionnent. Nous l’avons constaté durant les exposés de vos témoins précédents. Nous le constatons lorsque nous analysons le programme Nouveaux Horizons, dont je vous ai donné un exemple.
     Il faut maintenant que nous intégrions en une seule approche tout ce que nous avons appris de chaque programme. Si l’on m’accordait des fonds pour financer les prochains programmes, je chercherais des programmes qui ont utilisé ces enseignements pour concevoir une approche intégrée de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés qui met à contribution tous les secteurs et des programmes qui démontrent que tous les secteurs sont consultés et mettent en oeuvre les programmes.
    Dans le domaine de la recherche, nous disons qu’il faut commencer par la recherche descriptive qui apporte aux chercheurs les données dont il a besoin. Toutefois, la prochaine étape consiste à mettre en oeuvre cette recherche. Je pense que l’aspect le plus positif des projets entrepris a été d’avoir permis aux gens qui comprenaient le problème d’exprimer leurs opinions et de démontrer que certaines interventions faisaient une différence. Maintenant, il s’agit d’un effort conjugué.
     Je pense que, plus tôt durant vos délibérations, vous avez parlé avec désespoir des différences qui existaient entre les définitions utilisées à l’échelle provinciale, à l’échelle territoriale et même à l’échelle mondiale, et vos témoins ont parlé des efforts qu’ils déployaient pour que les intervenants s’entendent sur une définition. On utilise la même approche lorsqu’on examine un programme d’interventions visant à lutter contre les mauvais traitements envers les aînés.
     J’espère que mes observations vous sont, somme toute, utiles. Je promets de vous fournir une réponse plus détaillée.
    Merci beaucoup.
     J’aimerais aborder une question de plus. Plus tôt, l’un des témoins a mentionné que, lorsque nous pensions aux mauvais traitements envers les femmes, nous présumions toujours que la femme était jeune. Encore une fois, il arrive que nous concevions un problème comme s’appliquant seulement à une certaine fourchette d’âge.
     Je pense vous avoir entendu mentionner quelque chose à propos des taux de suicide. Voilà un autre problème qui, selon nous, semble s’appliquer seulement aux jeunes. Nous n’imaginons pas vraiment des gens dans la soixantaine ou la septantaine au bord du suicide.
    Je ne sais pas si je vous ai bien entendu, mais pourriez-vous nous dire si cela se produit chez les aînés, et à quelle fréquence? De plus, les suicides sont-ils liés aux mauvais traitements, ou pouvez-vous établir des liens entre les deux?
     Je vais répondre à la question la plus facile en premier.
     Tout d’abord, oui, le suicide des gens âgés est une réalité, et leur taux de suicide augmente. Leurs motifs de suicide sont probablement aussi variés que ceux de n’importe quel groupe d’âge au sein notre population. Nous pouvons supposer que la solitude, la pauvreté et le désespoir peuvent pousser les gens âgés à se suicider. Je peux vous affirmer avec certitude que leur taux de suicide augmente, que cela nous préoccupe et que nous devons nous attaquer au problème.
     Pour ce qui est des chiffres exacts, il faudra que je vous revienne là-dessus, mais je sais que cela se produit. Comme vous me l’avez peut-être entendu mentionner durant mon exposé, ma réalité quotidienne était la santé mentale. Nous considérons assurément que cette question est préoccupante à l’échelle nationale.
     Mme Sgro est partie, alors nous allons passer à M. Bateman qui dispose de cinq minutes.
     Merci, madame la présidente.
     Je vous remercie toutes les deux de votre présence. Cette discussion est très importante.
     Comme vous le savez certainement, le gouvernement a pris des mesures sans précédent pour régler de manière positive la question de l’aide aux aînés et pour combattre les mauvais traitements envers les aînés sous toutes leurs formes. Je trouve fascinant de vous entendre parler d’un certain nombre de questions, en particulier du point de vue des soins de santé.
     J’ai deux questions à vous poser. Nous avons investi des sommes substantielles dans un programme de sensibilisation. Des annonces ont été diffusées dans la presse, à la radio et à la télévision. Pourriez-vous parler de l’efficacité de ce programme, de manière systémique, dans votre domaine des soins de santé? De plus, vous pourriez peut-être nous dire ce qu’il faudrait faire d’autre à cet égard.

  (1715)  

    Je vous remercie de votre question.
     Je suis si contente que vous l’ayez posée, parce que j’ai vu les annonces à la télé. Je vais parler d’elles en particulier. Il y en a une qui m’a touchée profondément. C’est l’annonce dans laquelle un homme arrache de l’argent à une femme âgée. Elle lui en offre, mais il s’empare de son portefeuille. Cette situation est très émouvante, et elle fait partie de la campagne de sensibilisation.
     Premièrement, je pense que la campagne a vraiment un effet sur les gens. C’est visible. C’est éloquent. L’annonce illustre les mauvais comportements et, par le fait même, indique les comportements acceptables.
     Je pense que ce que nous devons faire davantage et par la suite, c’est parler des outils dont nous avons besoin. Une scène en particulier montre un voisin qui regarde par la fenêtre. Le rideau est tiré légèrement, et le voisin regarde. Que disons-nous au voisin de faire lorsqu’il remarque cette situation? Doit-il appeler la police? Doit-il appeler les services de santé publique? Doit-il aller frapper à la porte? Que doit-il faire? Nous devons donner au voisin qui regarde et qui est inquiet des conseils tangibles, et nous devons mettre à sa disposition des ressources.
     Bien entendu, je vais également revenir sur la question des programmes d’extension des services pour les personnes âgées isolées. Où cette femme pourrait-elle aller, puisqu’elle sait qu’elle n’est pas en sécurité à la maison? Disposons-nous d’un réseau de centres d’hébergement pour femmes auquel elle pourrait faire appel? Pourrait-elle marcher jusqu’au poste de police, et serait-elle à l’aise de le faire? Quelles ressources sont à la disposition de cette femme qui, dans son coeur, sait très bien qu’elle est victime de mauvais traitements? Voilà ce que je dirais en premier.
    Je vous remercie de votre intervention.
     Notre comité a entendu un certain nombre de témoins. L’autre jour des représentants de Santé Canada et de l’Agence canadienne de la santé publique sont venus témoigner. Comment l’Agence canadienne de la santé publique qui, dans le cadre de ce programme, a reçu certains pouvoirs, collabore-t-elle avec votre association d’infirmières et d’infirmiers? Encore une fois, comment pourrions-nous faire mieux, ou comment pourraient-ils faire mieux?
    Je dois vous dire que je suis très reconnaissante envers l’Agence de la santé publique du Canada, parce qu’elle forme des partenariats avec, par exemple, l’organisme Infirmières et infirmiers en santé communautaire du Canada. Ce groupe est membre de l’AIIC.
    Par l’entremise de ce partenariat, l’ASPC a permis à l’organisme Infirmières et infirmiers en santé communautaire du Canada de créer de nouvelles compétences et un nouveau programme de certification qui ont donné à ses membres les aptitudes et les connaissances nécessaires pour exercer leur profession au mieux de leurs capacités. L’apprentissage des services aux aînés, qui sous-tend une compréhension de la maltraitance envers les aînés, est certainement un résultat du partenariat. L’ASPC accomplit un travail merveilleux en établissant des partenariats pour voir ce que chaque groupe d’intervenants en matière de santé peut faire en ce qui concerne les nombreux enjeux de santé publique.
    Selon moi, l’ASPC publie d’incroyables rapports très approfondis et très accessibles. Je vous dirais que l’agence fait actuellement tout ce qu’il faut relativement à l’étude que ses représentants sont venus vous présenter.
    De manière concrète, je ne peux pas parler davantage des opérations quotidiennes, parce que nous attendons, à bien des égards, les résultats des présents projets. Je sais que l’agence affecte les bonnes ressources aux bons endroits, qu’elle établit les bons partenariats et qu’elle utilise à bon escient, de mon point de vue d’infirmière et d’infirmière en santé communautaire, le financement fédéral.
    Encore une fois, je serais heureuse de vous donner une meilleure réponse lorsque nous réaliserons... [Note de la rédaction: inaudible]
    Mme Joyce Bateman: Me reste-t-il...?
    La vice-présidente (Mme Tilly O'Neil Gordon): Non.
    Mme Joyce Bateman: Non? D'accord. Merci.
    Madame Freeman.
    Merci beaucoup de votre présence.
    J’examine l’exposé stratégique de l’Association des infirmières et des infirmiers du Canada qui s’intitule Les milieux de soins de longue durée: améliorer les résultats par les décisions en matière de dotation. Voici ce qui s’y trouve.
Cinquante-quatre pour cent des infirmières qui oeuvrent en SLD signalent qu’il n’y a pas suffisamment de personnel pour faire le travail. Les décisions en matière de dotation ont donc un effet sur les résultats pour les patients.
    Cette situation entraîne aussi de la violence à l’endroit des infirmières et des intervenants de première ligne. Voici aussi ce qui est rapporté dans l’exposé stratégique.
La Loi canadienne sur la santé ne couvre pas les SLD, et la prestation de ce type de soins relève de la compétence des gouvernements provinciaux et territoriaux. C’est pourquoi il existe toutes sortes de façons d’aborder le financement, la réglementation et la régie des SLD d’un bout à l’autre du Canada.
    Dans son énoncé de position, l’AIIC affirme être d’avis qu'un système de santé sans but lucratif financé par le secteur public constitue la façon la plus efficiente et la plus rentable de donner accès à toute la population canadienne à des services de santé. Votre association appuie les principes de la Loi canadienne sur la santé, qui sont l'universalité, l'intégralité et l’accessibilité.
    En ce qui concerne cette position, que je trouve incroyable, pourriez-vous nous parler précisément du financement des établissements de soins de longue durée et de la façon dont ce soutien pourrait aider à éliminer la violence envers les infirmières et les patients?

  (1720)  

    Je vais répondre en premier, puis je vais laisser Josette compléter mon intervention, parce qu’elle possède de l’expérience à ce sujet en tant qu’intervenante de première ligne.
    Tout d’abord, les outils qui sont créés dans le cadre des projets dont nous vous avons parlé concernent précisément les travailleurs de la santé qui évoluent dans le milieu des soins de longue durée. Ce sont ces outils qui ont le plus grand effet, mais l’occasion d’apprendre au sujet des processus qui préviennent la maltraitance envers les aînés est peut-être encore plus importante .
    Je veux dire que généralement nous avons tendance à penser que n'importe lequel de nos intervenants de première ligne doit passer tout son temps de travail à donner des soins. Dans notre ère du savoir, il faut en fait les retirer de leur milieu pour de brèves périodes pour les former et leur donner des ressources à ce sujet. Les projets comprennent généralement du financement pour nous permettre de le faire. Cette possibilité d’apprendre, de partager et de réfléchir sur leurs expériences a un effet positif dans leur milieu de travail.
    Il y a d’autres facteurs à examiner pour comprendre ce qui aide les travailleurs de la santé à agir avec aplomb pour prévenir la maltraitance envers les aînés. Il faut un milieu de travail sain. Les outils pour lutter contre la maltraitance envers les aînés les aideront, mais il y a aussi le principe plus général dont l’AIIC fait la promotion, à savoir l’emploi de 70 p. 100 de travailleurs à temps plein et de 30 p. 100 de travailleurs à temps partiel. Nous croyons que 70 p. 100 d’infirmières ou de travailleurs de la santé à temps plein assurent une continuité et une compréhension des patients, ce qui se traduit par de meilleurs soins.
    Selon nous, en abordant les enjeux relatifs au milieu de travail, comme l’aménagement d’un salon des employés, l’occasion de prendre leurs pauses et l’utilisation de lève-personnes fixes pour éviter l’apparition de troubles musculosquelettiques, nous créons un milieu de travail sain. Lorsque les employés se sentent bien au travail, ils donnent de meilleurs soins, et on obtient de meilleurs résultats.
    Vous avez vraiment raison de dire que la sécurité et le bien-être des patients et du personnel vont de pair. N’empêche qu’il n’existe aucune excuse pour offrir de moins bons soins, peu importe le milieu de travail. En tant qu’infirmières, nous connaissons notre travail, et notre profession est régie par le code de déontologie de l’AIIC qui énonce comment donner les soins.
    Dans le cadre du projet PEACE, nous décrivons le programme en ce qui concerne la sensibilisation. Nous ne l’avons pas décrit en détail, mais les modules traitant de la sensibilisation incluent, entre autres, la compréhension de la maltraitance envers les aînés. On y reconnaît l’existence de ce phénomène et on y explique les lois et les stratégies d’intervention à ce sujet. Cependant, la cinquième composante de ce programme porte sur les milieux de travail sains. Barb a mentionné que ces notions allaient de pair; dans un milieu de travail sain, les gens seront en santé, et les intervenants donneront de meilleurs soins.
    Nous avons le temps pour une dernière question.
    Monsieur Leung, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Merci de votre excellent exposé très approfondi.
    Voici ce que j’aimerais savoir. Le financement fédéral peut provenir de divers ministères, soit du ministre chargé des aînés, de celui de Citoyenneté et Immigration Canada, dont certains programmes d’aide au réétablissement servent à informer les aînés de leurs droits, et le ministère de la Santé. Comment pourrions-nous coordonner tous leurs efforts?
    Le sont-ils? On dirait que les efforts s’en vont dans toutes les directions. J’aimerais savoir comment, selon vous, nous pourrions les coordonner pour offrir des services plus complets aux aînés ou prévenir la maltraitance envers les aînés.
    Ensuite, j’ai une question tendancieuse à ce sujet. Nous sommes une société multiculturelle. En plus des deux langues officielles, un éventail de langues des Premières nations sont parlées en plus des 180 langues parlées dans les centres urbains. Comment apprenez-vous à intervenir dans ce contexte? Les aînés ne maîtrisent généralement pas très bien l’une des deux langues officielles.

  (1725)  

    Selon moi, vous venez de poser deux questions clés. La première porte sur l’intégration, et la deuxième concerne les services d’approche.
    En ce qui concerne l’intégration, je crois que vous avez soulevé de merveilleuses opportunités. C’est vrai que les effets sont dilués, lorsque le financement ou les programmes sont morcelés entre divers organismes dans le système de soins de santé ou l’administration fédérale.
    S’il était possible de créer un organisme central qui s’occuperait des soins aux aînés et des services d’approche, à savoir un endroit où tous les efforts relatifs aux aînés seraient concentrés, je crois que nous aurions possiblement un effet plus grand et mieux coordonné. Je vous laisse y voir, mais je crois que c’est certainement possible.
    Nous avons parlé du cloisonnement au sein du système de soins de santé. C’est le cas dans le milieu des soins actifs, ce qui fait en sorte que tout est financé globalement dans les hôpitaux, etc. Cependant, que se passe-t-il lorsque le patient quitte l’hôpital pour retourner chez lui? Il manque des éléments de ce côté. L’information n’est pas communiquée. On ne nous transfère pas les renseignements qui nous permettraient de faire un suivi entre l’avis de congé du patient et son transfert à domicile et de lui assurer des services continus. Voilà des cas où nous avons des problèmes. Les transferts y sont propices. Je crois que vous posez vraiment une bonne question, et il y a peut-être une façon de remédier à la situation.
    Pour répondre à votre autre bonne question, il y a des compétences linguistiques limitées. Nous savons certainement que les aînés, en particulier les femmes, ont souvent moins l’occasion d’apprendre la langue de leur collectivité. C’est souvent le cas. Cet aspect amplifie leur sentiment d’isolement qui, à son tour, les empêche davantage de demander de l’aide. C’est un cercle vicieux.
    Encore une fois, je veux répéter, comme un disque qui saute, que ce sont les gens des services infirmiers de santé publique et ceux qui entrent chez les gens — les services d’approche — qui peuvent signaler ces cas en temps opportun, apporter des solutions et mettre en contact les aînés avec les services qui peuvent leur venir en aide. C’est ce que j’ai constaté sur le terrain au fil des années.
    J’ai une autre question pour l’AIIC. Couvrez-vous tous les types d’infirmières, des Infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada, en passant par les soins à domicile, les soins de maintien à domicile, les soins dans les salles d’urgence, de manière à ce qu’aucune infirmière ne soit laissée pour compte?
    Je suis très fière de dire que non. Dans le cas des infirmières autorisées, ce n’est pas le cas. Malheureusement, le Québec n’est pas officiellement membre de notre association, mais nous avons tissé des liens avec nos collègues infirmières auxiliaires du Québec. Je tiens à ajouter que 43 groupes d’infirmières autorisées sont membres adhérents, affiliés ou étudiants de l’AIIC et que ces infirmières ont, par la suite, aussi décidé de se spécialiser. Dans mon cas, je suis membre de l’organisme Infirmières et infirmiers en santé communautaire du Canada et j’ai obtenu ma certification. Les infirmières ont l’occasion de perfectionner davantage leurs aptitudes et de recevoir une certification nationale de leurs connaissances. Il s’agit d’un programme complet.
    Je tiens à vous remercier d’avoir pris le temps de venir témoigner devant notre comité. Je vous félicite tous les deux de votre témoignage.
    Avant de lever la séance, madame la présidente, pourrais-je demander à la greffière par votre entremise...? Nous avons entendu deux ou trois exposés jusqu’à maintenant, et il serait utile que les témoins nous fournissent une copie de leur exposé pour que nous puissions les suivre. Je sais que nous entendrons beaucoup de statistiques, et ce serait peut-être pratique d’avoir en main les documents dans les deux langues officielles. Pourrais-je demander à la greffière d’en faire part à nos précieux témoins dans l’avenir?

  (1730)  

    Le message est passé.
    En ce qui concerne la présente séance, si vous voulez une copie de l’exposé, ma collègue vous en fera parvenir une.
    La séance est levée.
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