Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 103 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 février 2013

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes reprend son étude sur la fraude fiscale et le recours aux paradis fiscaux.
    Je veux souhaiter la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui. D'abord, par vidéoconférence de Washington, nous accueillons M. Thomas Cardamone, directeur exécutif de l'organisation Global Financial Integrity. Bienvenue.
    Aussi par vidéoconférence, mais de New York cette fois, nous accueillons M. H. David Rosenbloom, de Caplin & Drysdale. M. Rosenbloom est aussi directeur du programme d'impôt international à la faculté de droit de l'Université de New York. Bienvenue.
    Ici, à Ottawa, nous recevons M. Peter Gillespie, directeur de projet pour Halifax Initiative. Bienvenue à vous.
    Comme le savent sans doute nos invités en vidéoconférence, ici, à Ottawa, tous les membres titulaires du comité des finances de la Chambre des communes sont présents. Le président, M. James Rajotte, a demandé à être excusé aujourd'hui pour participer à une activité tenue à l'extérieur de la ville. Il m'a donc demandé de présider la séance, et j'ai accepté. Je m'appelle Peggy Nash et je suis la vice-présidente du comité des finances.
    Je vais aussi devoir m'absenter au courant de la séance, et M. Rajotte a demandé à M. Van Kesteren de prendre la relève. Je comprends qu'il a également accepté de le faire.
    Pendant cette réunion de deux heures, nous allons d'abord laisser la parole à nos invités. Ils disposeront chacun de cinq à sept minutes pour nous faire part de leur déclaration liminaire; nous passerons ensuite à la séance de questions et réponses. Les membres du comité auront un temps d'intervention de cinq minutes chacun.
    Sur ce, nous allons commencer avec M. Cardamone, à Washington...
    Oui, monsieur Caron.

[Français]

    Je veux simplement m'assurer que les participants en provenance des États-Unis ont accès à la interprétation simultanée.

[Traduction]

    Est-ce que les participants par vidéoconférence ont accès à la traduction simultanée?
    C'est le cas, oui. Merci, monsieur Caron.
    Nous allons donc commencer avec M. Cardamone, à Washington, puis nous entendrons les autres témoins.
    Monsieur Cardamone, nous vous écoutons.
    Bonjour. Merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité des finances aujourd'hui.
    Je m'appelle Tom Cardamone et je suis le directeur exécutif de Global Financial Integrity, un forum de recherche et de défense situé à Washington et qui fait la promotion de politiques visant à freiner les mouvements transfrontaliers de capitaux illicites, notamment dans les économies en développement.
    C'est de la question des capitaux illicites et des mécanismes du système financier mondial qui facilitent leur circulation dont j'aimerais vous parler brièvement ce matin.
    Malgré les milliards de dollars versés en aide aux économies en développement, rares sont les pays en développement qui réussissent à prendre suffisamment d'expansion pour ne plus avoir besoin de cette aide. Ce n'est pas que l'aide étrangère soit intrinsèquement inefficace, le problème réside plutôt dans les flux financiers illicites.
    Selon nos recherches, de 2001 à 2010, les flux financiers illicites ont coûté près de 6 trillions de dollars aux pays en développement du monde entier, et il s'agit là d'une estimation prudente. Cela signifie que pour chaque dollar que reçoivent les nations défavorisées en aide étrangère, elles en perdent huit en mouvements illicites.
    C'est une question qui concerne particulièrement le Canada, vu son engagement à long terme envers la réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale. Par l'entremise de l'ACDI, le Canada verse des milliards de dollars chaque année aux pays en développement, mais son aide est amputée par la quantité de capitaux illégaux détournés des pays bénéficiaires.
    Par exemple, en 2010 et 2011, le Canada a accordé une aide d'environ 34 millions de dollars à l'Indonésie. D'après notre dernier rapport sur les flux financiers illicites des pays en développement, les mouvements de capitaux illicites ont fait perdre à l'Indonésie en moyenne 11 milliards de dollars par année de 2001 à 2010.
    Si cet argent était resté en Indonésie, d'innombrables projets d'infrastructure, de réduction de la pauvreté et de bien-être social auraient pu être menés à bien, et les besoins futurs en aide étrangère auraient été moindres.
    Comment est-ce que cela se produit? Dans les pays en développement, où la gouvernance n'est pas nécessairement très solide, les stratagèmes commerciaux de blanchiment d'argent, l'évasion fiscale, les transactions clandestines, les mouvements d'argent en vrac, la contrebande et la corruption sont au nombre des mécanismes utilisés pour faciliter l'évasion de capitaux. Les économies souterraines des pays en développement font généralement en sorte d'affaiblir les structures de gouvernance, pour elles gagner en force.
    Plus les activités illégales de ce genre se multiplient, plus les gouvernements ont du mal à générer des revenus pour financer les services essentiels de base et les importants investissements publics, comme les écoles, les hôpitaux et les routes.
    Les mouvements de capitaux illicites des pays en développement sont activement facilités par les paradis fiscaux, dont les principes en matière de secret bancaire profitent également aux criminels, aux fraudeurs fiscaux et aux fonctionnaires corrompus. Cela peut se présenter sous forme de coquilles vides et de fiducies anonymes, de lois protégeant le secret bancaire, et d'établissements qui acceptent toutes sortes de transactions sans poser de question.
    Une autre forme importante de mouvements illicites est celle de la fixation abusive des prix de facturation interne, stratégie employée par les multinationales pour éviter de payer de l'impôt. Les multinationales se servent de cela pour transférer leurs revenus à l'étranger, de façon à accroître les profits déclarés dans les pays à faibles taux d'imposition, et à réduire les profits déclarés dans les pays où les taux d'imposition sont plus élevés, là où elles ont réellement gagné cet argent.
    Selon un rapport publié en novembre 2012 par l'OCDE:
Bien que ces stratégies de planification fiscale d'entreprise soient techniquement légales et qu'elles s'appuient sur une interaction judicieusement planifiée de toute une gamme de règles et de principes fiscaux, ce type de planification a globalement pour effet d'éroder l'assiette fiscale des sociétés de bon nombre de pays par des moyens qui ne sont pas prévus par les politiques intérieures.
    Comme première étape pour résoudre ce problème, Global Financial Integrity suggère d'imposer le dépôt de relevés financiers pays par pays, détaillant les ventes, les profits, les impôts, le nombre d'employés et les coûts pour toutes les multinationales. Des relevés financiers ainsi subdivisés mettraient en lumière les profits exorbitants que les multinationales prétendent faire dans les paradis fiscaux. Les multinationales gardent des trillions de dollars dans les paradis fiscaux pour éviter de payer plus d'impôt dans leur pays d'attache. Les pertes de revenus fiscaux nuisent aux pays développés comme aux pays en développement.
    Afin de lutter contre la corruption dans les programmes internationaux d'aide et d'investissement, et finalement réduire les sommes versées en aide, le Canada peut prendre certaines mesures.

  (0855)  

    La Foreign Account Tax Compliance Act des États-Unis, ou la FATCA, exige des banques qu'elles trouvent les titulaires de comptes américains et qu'elles divulguent leurs soldes, leurs relevés de transaction et leurs retraits au Internal Revenue Service des États-Unis ou elles seront assujetties à une retenue d'impôt de 30 p. 100 sur le revenu des actifs financiers américains détenus par les banques.
    Le Canada pourrait mettre en oeuvre sa propre version de la FATCA, et exercer des pressions sur les banques des paradis fiscaux pour qu'elles communiquent automatiquement des renseignements fiscaux aux autorités canadiennes, afin de prévenir la fraude fiscale transfrontière par les particuliers. Un système d'échange automatique de renseignements fiscaux entre le Canada et les États-Unis existe depuis des années, et il fonctionne très bien.
    Pour lutter contre les coquilles vides anonymes — un autre outil qui sert à dissimuler et à blanchir des capitaux —, le gouvernement devrait obliger toutes les sociétés ou les fiducies créées au Canada à fournir une grande quantité de renseignements sur la propriété effective au sujet des véritables propriétaires de l'entité.
    De plus, le Canada devrait défendre, au sein du G8 et du G20, la mise en oeuvre d'une norme internationale rigoureuse en matière de propriété effective. Pour aider immédiatement les pays en développement, le Canada devrait aussi envisager de fournir de l'aide fiscale technique aux pays qu'il soutient. Cela contribuerait à former les autorités locales et à acheminer l'aide plus efficacement.
    Au bout du compte, nous devons nous demander pourquoi un si grand nombre de pays ont toujours besoin d'aide extérieure 50 ou 60 ans après avoir obtenu l'indépendance — et 50 ou 60 ans après la création du FMI et de la Banque mondiale. Les défis en matière de développement ne devraient-ils pas avoir été résolus depuis ce temps? Il y a manifestement quelque chose qui ne tourne pas rond.
    Les pays développés comme le Canada devraient fournir aux pays en développement les outils nécessaires pour stimuler leur économie. Toutefois, cela n'est pas possible à moins qu'on fasse preuve, au sein du G8, du G20 et de l'OCDE, du leadership nécessaire pour s'attaquer au problème des politiques nuisibles qui favorisent l'opacité dans le système financier mondial.
    Tant que le système financier mondial ne sera pas plus transparent, on continuera de siphonner de l'argent illicite des économies des pays en développement à coup de centaines de milliards de dollars.
    Monsieur Cardamone, pourriez-vous terminer? Il vous reste environ 15 secondes.
    C'est tout le temps qu'il me reste?
    C'est tout le temps qu'il vous reste, malheureusement. Toutefois, nous aurons plus de temps pendant les questions.
    Une fois perdus, ces fonds retournent rarement dans leur pays d'origine. Ils se retrouvent plutôt dans des comptes extraterritoriaux où ils sont dissimulés, blanchis et retenus au profit de quelques privilégiés. Il ne s'agit pas d'un modèle durable de développement.
    Merci. J'ai hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup. Encore une fois, nous aurons plus de temps pendant la discussion.
    Nous allons maintenant entendre M. Rosenbloom, en direct de New York.
    Vous avez sept minutes.
    J'aimerais vous remercier de m'avoir invité à livrer cet exposé.
    Je m'appelle H. David Rosenbloom et je suis avocat-fiscaliste et professeur de droit fiscal à la faculté de droit de l'Université de New York.
    Depuis près de 40 ans, je me spécialise dans l'impôt international ou transfrontalier. Je dirige le programme d'impôt international de la faculté de droit de l'Université de New York, et dans les années 1970, j'occupais le poste de conseiller juridique en fiscalité internationale au département du Trésor des États-Unis. À ce titre, j'ai été négociateur en chef de la convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis.
    Un de mes collègues, Scott Michel, a comparu devant le comité il y a environ un an au sujet des comptes bancaires étrangers non déclarés. Ce sujet est un peu différent de la question abordée aujourd'hui, car il est à la fois plus précis et plus général. La question de la fraude fiscale et du recours aux paradis fiscaux est plus générale que celle des comptes bancaires étrangers. Par contre, le sujet des comptes bancaires étrangers ne se limite pas aux paradis fiscaux.
    Je prends donc cela au pied de la lettre. Je ne sais pas vraiment ce qui vous intéresse; j'ai donc préparé un bref exposé sur les paradis fiscaux. Je présenterai cinq observations sur les paradis fiscaux et la fraude fiscale. Si vous le souhaitez, j'expliquerai en détail ces observations.
    Tout d'abord, le lien entre les paradis fiscaux et la fraude fiscale est assez évident. Comme je l'ai dit dans mon mémoire écrit, personne ne détourne des revenus vers le Japon. L'argent est plutôt transféré de pays qui ont des normes élevées en matière d'impôt vers des pays qui ont des normes peu élevées ou qui n'ont pas de loi en matière d'impôt. Je pense que le lien se fait tout naturellement.
    Deuxièmement, à mon avis, les réponses des pays développés envers l'utilisation des paradis fiscaux pour la fraude fiscale sont assez pitoyables; soit on ne fait rien du tout, soit on aide ceux qui s'adonnent à la fraude fiscale. À mon avis, l'impôt n'est pas un jeu, et je pense que la plupart des gouvernements des pays développés n'ont pas respecté leur obligation envers les citoyens dans leurs réponses au problème des paradis fiscaux et du rôle que ces derniers jouent dans la fraude fiscale.
    Troisièmement, la tâche la plus difficile lorsqu'on examine les paradis fiscaux, c'est de savoir de qui on parle exactement. Nous savons tous que certains pays sont peu ou pas imposés et que d'autres cherchent activement à attirer des investissements provenant de pays fortement imposés. Cependant, certains pays — l'Irlande, Singapour, le Luxembourg — sont des paradis fiscaux dans un sens, mais ils ont aussi une véritable activité économique. Il y a aussi de nombreux pays qui accordent des avantages particuliers aux étrangers afin de les convaincre d'investir dans un pays tiers par leur intermédiaire. Pensons à la Suisse, aux Pays-Bas et, dans certaines circonstances, aux États-Unis.
    Quatrièmement, je pense qu'il est vain pour un pays développé ayant un régime d'imposition raisonnable de prétendre que les autres pays sont sur le même pied que lui. En effet, il y a une différence entre l'Allemagne et les îles Caïmans. Les paradis fiscaux doivent être traités de manière distincte dans le régime d'imposition du pays et dans l'examen des pays avec lesquels conclure des conventions fiscales.
    Enfin, je pense qu'il faut procéder à un examen systématique des règles applicables aux activités transfrontalières, en s'attardant aux règles particulières et en établissant une stratégie spéciale pour les paradis fiscaux. Qu'il s'agisse d'une liste blanche, d'une liste noire ou d'autre chose, ce qu'il faut, systématiquement, tant en droit interne que dans les traités, c'est de désigner les paradis fiscaux.
    Aucun pays ne devrait dicter à un autre son régime d'imposition ou son mode de fonctionnement. Je ne prétends pas qu'un pays qui souhaite maintenir un faible taux d'imposition doit changer sa politique ou qu'un autre pays devrait lui dire de la changer.

  (0900)  

    Toutefois, je crois que chaque pays a le droit, le devoir en fait, de protéger son assiette fiscale par des règles qui correspondent à sa réalité et non pas à une quelconque vision imaginaire ou idéologique. Les paradis fiscaux existent; il faut en tenir compte.
    Enfin, n'étant pas Canadien, même si je connais un peu le système fiscal canadien, je ne suis pas du tout un spécialiste dans ce domaine. Mes commentaires sont d'ordre général, et ils sont bien sûr grandement influencés par mes antécédents en matière d'impôt américain.
    Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Rosenbloom.
    Notre troisième témoin est ici, à Ottawa.
    Monsieur Peter Gillespie, vous avez la parole. Vous avez sept minutes.
    À titre d'information, l'Initiative Halifax, l'organisme auquel j'appartiens, est une coalition d'ONG canadiennes, de groupes d'ouvriers et de groupes confessionnels. Nous nous intéressons aux questions économiques à l'échelle internationale.
    Je ne suis pas avocat-fiscaliste. J'ai passé les 30 dernières années à travailler avec des organismes anti-pauvreté en Asie et en Afrique, et mes commentaires seront donc en grande partie axés sur le rôle des paradis fiscaux qui favorisent les pertes fiscales chez les pays en développement. Tom a déjà certainement abordé la question.
    Je vais aussi commenter le rôle que le Canada peut jouer pour encourager la transparence dans les finances internationales.
    Comme l'a dit Tom, mon collègue, les paradis fiscaux sont essentiellement des pays qui pratiquent le secret bancaire, et qui permettent ainsi aux gens ou aux entités de se soustraire aux lois, aux règlements et aux règles en vigueur dans d'autres pays.
    Certains d'entre vous ont rencontré James Henry lorsque mon organisme l'a fait venir à Ottawa en novembre dernier. M. Henry a mené des recherches importantes sur la quantité de fortunes personnelles qui est passée par les paradis fiscaux étrangers. Selon cette étude, on estime que de 21 à 32 billions de dollars issus des fortunes personnelles des particuliers de 139 pays à revenu faible ou intermédiaire ont été transférés, exempts d'impôt, dans plus de 80 paradis fiscaux. Cela représente des pertes fiscales de près de 200 milliards de dollars par année pour ces pays.
    Des collègues de l'Université du Massachusetts ont découvert que 700 milliards de dollars sont sortis de 33 pays africains subsahariens entre 1970 et 2008. Cela signifie que l'Afrique subsaharienne est créancière nette du reste du monde, car ses actifs étrangers dépassent ses dettes extérieures, qui s'élèvent à environ 175 milliards de dollars. Une grande partie de ces actifs sont entre les mains de particuliers.
    En 2007, des particuliers fortunés de l'Afrique détenaient des actifs étrangers d'une valeur de un billion de dollars. Comme mes collègues l'ont dit, les paradis fiscaux fournissent aussi aux sociétés multinationales l'occasion de réduire ou d'éliminer leurs obligations en matière d'impôt. En effet, en créant des filiales dans les paradis fiscaux, ces sociétés peuvent transférer leurs profits réalisés dans des pays lourdement imposés dans un pays qui l'est moins. Une étude récente menée par Christian Aid a calculé qu'entre 2005 et 2007, la manipulation des prix de transfert a fait sortir 8,5 milliards de dollars des 49 pays les plus pauvres du monde, entraînant des pertes fiscales de 2,6 milliards de dollars pendant cette période de trois ans.
    Un de mes collègues africains a demandé, au cours d'une conférence à laquelle il a participé cette semaine en Afrique du Sud, comment une société qui compte 3 000 employés au Malawi et 3 employés aux îles Caïmans pouvait déclarer que 70 p. 100 de ses profits étaient réalisés aux îles Caïmans.
    Le sous-ministre des Finances de la Zambie a déclaré le mois dernier que la plupart des sociétés minières internationales qui exerçaient leurs activités en Zambie avaient déclaré qu'elles n'étaient pas rentables, ce qui fait en sorte qu'elles ne paient pas d'impôt sur le revenu des sociétés. Il estime que son pays perd 2 milliards de dollars par année en raison du transfert des bénéfices. Selon lui, cet argent pourrait servir à construire un grand nombre d'hôpitaux et d'écoles.
    Cette réalité a des conséquences désastreuses dans les pays pauvres. Cela réduit leur capacité de financer des services publics essentiels et contribue à la hausse du taux de mortalité infantile — on a mené des recherches à ce sujet — et cela nuit à l'aide au développement que fournissent des pays comme le Canada.
    Nous avons donc quatre propositions; Tom a déjà fait allusion à certaines d'entre elles.
    Tout d'abord, nous croyons qu'il est nécessaire d'établir un cadre multilatéral en matière d'échange automatique de renseignements fiscaux qui obligerait tous les gouvernements à recueillir des données auprès des institutions financières sur les revenus versés aux non-résidents, aux sociétés et aux fiducies.
    Deuxièmement, nous devons mettre fin aux dispositions relatives au secret bancaire qui permettent aux particuliers et aux sociétés de rester anonymes. La propriété effective, le contrôle et les comptes des sociétés, des fiducies et des fondations devraient être rendus publics.

  (0905)  

    Troisièmement, nous croyons — et Tom en a parlé — que les sociétés internationales devraient être tenues de déclarer toutes leurs opérations financières: les ventes, les achats, les coûts en main-d'oeuvre, les frais de financement, l'impôt et la valeur des actifs par pays. Cela limiterait la capacité des sociétés de transférer leurs profits dans des pays à faible taux d'imposition et leurs coûts dans des pays qui sont lourdement imposés. Nous avons fait des demandes à ce sujet au Conseil des normes comptables internationales.
    Enfin, nous appuyons les nombreux pays en développement qui ont demandé la transformation du comité des Nations Unies sur les affaires fiscales en une organisation intergouvernementale, une proposition à laquelle le Canada s'est opposé jusqu'ici. La politique fiscale internationale a été dominée par l'OCDE, une association qui regroupe 34 pays riches. Les pays en développement veulent un forum international où leurs besoins et leurs intérêts en matière de fiscalité seront représentés.
    Nous croyons que le Canada devrait être un chef de file au sein du G-8, du G-20 et de l'OCDE, en encourageant la transparence en matière de finances et en favorisant le respect des obligations fiscales. Le premier ministre David Cameron a déclaré que l'évitement fiscal pratiqué par les sociétés sera une priorité à l'ordre du jour pendant la présidence britannique du G-8 cette année, et nous espérons que le Canada appuiera cette initiative et offrira sa participation.
    Nos propositions sont ambitieuses, mais les enjeux sont considérables. Si ces sorties massives de fonds des pays en développement peuvent être endiguées, cela pourrait améliorer de façon appréciable la vie de millions de gens pauvres.
    Merci.

  (0910)  

    Merci beaucoup, monsieur Gillespie.
    J'aimerais aussi remercier tous les témoins de leurs exposés.
    Nous allons maintenant passer à la première série de questions. La parole est à M. Rankin.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier M. Cardamone, M. Rosenbloom et M. Gillespie de leurs excellents résumés.
    J'ai un grand nombre de questions, et nous avons si peu de temps. J'aimerais commencer par reprendre le dernier point de M. Gillespie, c'est-à-dire la question des dispositions en matière de secret bancaire.
    Je présume que votre suggestion était de rendre la propriété effective publique.
    J'invite également M. Cardamone et M. Rosenbloom à répondre, s'ils le peuvent.
    Où en sommes-nous en ce qui concerne les lois en matière de secret bancaire? Quelles sont les pratiques exemplaires en vigueur ailleurs dans le monde? Existe-t-il des réformes aux États-Unis ou ailleurs qui pourraient nous aider à prendre des mesures concernant le secret bancaire?
    Vous pourriez peut-être répondre en premier, monsieur Gillespie.
    Eh bien, je crois que l'avocat-fiscaliste pourrait vous donner une réponse beaucoup plus approfondie.
    D'accord.
    Monsieur Rosenbloom, savez-vous où nous en sommes en ce qui concerne les réformes dans le domaine bancaire et à l'égard du secret bancaire, et connaissez-vous des pratiques exemplaires dont le Canada pourrait s'inspirer?
    Oui, bien sûr.
    Je pense qu'on pratique le secret bancaire depuis longtemps à l'égard des renseignements fiscaux, et plusieurs raisons justifient cette pratique. Dans mon pays, tout comme dans un grand nombre d'autres pays, l'administration de l'impôt dépend de la volonté du contribuable de se conformer aux lois, et on pense que si le secret bancaire était constamment violé, cela aurait un effet dissuasif sur le respect des règles.
    Il y a environ 10 ans, nous avons cherché à savoir si ce point de vue était valide tant au niveau des sociétés qu'au niveau des particuliers. Je n'en ai pas entendu parler depuis assez longtemps.
    À mon avis, il y aurait peut-être intérêt à mener un examen approfondi au niveau des sociétés, et peut-être aussi au niveau des fiducies, en vue d'augmenter la quantité de renseignements rendus publics. Mais je ne suis pas sûr que faire la même chose au niveau des particuliers serait... Même si cela pourrait être souhaitable, je pense qu'il y aurait plus d'effets néfastes.
    Je pense donc qu'il faut être prudent, car l'existence du secret bancaire se justifie. Cette pratique n'a pas été adoptée sans raison. Il y a des raisons en matière d'administration fiscale qui justifient la pratique du secret bancaire en général, mais je pense qu'on les invoque probablement plus souvent qu'il est nécessaire.
    Monsieur Cardamone, avez-vous des commentaires sur la question du secret bancaire et des pratiques exemplaires?
    Merci beaucoup.
    Il semble que la discussion ne porte pas sur la diffusion publique des dossiers d'impôt, mais plutôt sur la transparence publique en matière de propriété des sociétés et des fiducies. C'est important.
    On cherche à savoir s'il existe des pratiques exemplaires. Je ne sais pas où l'on peut les trouver, mais elles ne sont certainement pas aux États-Unis. En effet, on a estimé qu'on ne connaissait pas les propriétaires de presque 2 millions de sociétés aux États-Unis. Ce sont probablement des PME. Ce ne sont certainement pas des sociétés multinationales, évidemment, mais des petites et moyennes entreprises, et lorsqu'elles sont constituées en personne morale, elles le sont par l'entremise d'une agence qui sert d'intermédiaire entre les propriétaires et le public. Personne ne sait qui sont les propriétaires. L'État ne le sait pas plus, et c'est un problème.
    Viktor Bout est un trafiquant d'armes tristement célèbre qui vient d'être poursuivi en justice aux États-Unis l'année dernière. Il était propriétaire de plus d'une douzaine de coquilles vides aux États-Unis, en Floride et au Texas, qu'il utilisait pour blanchir les profits issus de la vente d'armes un peu partout dans le monde. Il s'agit seulement d'un des nombreux exemples que je pourrais vous donner sur les effets néfastes du secret dans... [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Nous ne parlons même pas d'impôt; nous cherchons seulement à savoir qui est propriétaire de la société. Je crois que c'est la question sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui.
    M. Murray Rankin: Merci.

  (0915)  

    Il vous reste 10 secondes, monsieur Rankin.
    Avec la réponse des témoins?
    Des voix: Oh, oh!
    Oui, y compris la réponse.
    M. Murray Rankin: Je n'ai pas le temps.
    La vice-présidente (Mme Peggy Nash): Nous ferons probablement un autre tour.
    M. Murray Rankin: Merci.
    La vice-présidente (Mme Peggy Nash): Monsieur Van Kesteren, c'est à vous.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la vice-présidente.
    Je remercie tous les témoins de comparaître.
    Nos témoins de New York et de Washington ont cité des statistiques bouleversantes. J'aimerais vous demander de répéter, car je pense m'être embrouillé dans les chiffres que j'ai griffonnés — probablement en raison de mon incrédulité: avez-vous bien dit que 6 billions de dollars ont disparu des pays en développement? Est-ce bien cela? Sauf erreur, c'est M. Cardamone qui a avancé ce chiffre.
    C'est bien cela. Entre 2001 et 2010, 6 billions de dollars d'argent illicite ont été détournés de pays en développement situés aux quatre coins du monde.
    Il va sans dire que notre étude sur la fraude fiscale porte essentiellement sur ce qui se passe au Canada et ce qui touche les contribuables canadiens, mais vous soulevez un point intéressant.
    Nous avons parlé de l'ACDI et de l'aide humanitaire que nous apportons à d'autres pays. Je siège au Comité des affaires étrangères, qui s'est penché sur des moyens de devenir plus efficaces. Au fond, vous dites que si les sociétés étrangères... Nous n'insinuons pas qu'elles sont canadiennes, même s'il pourrait y en avoir. Il y a des sociétés partout; si elles versaient de l'impôt aux pays en développement, ceux-ci n'auraient peut-être pas besoin d'aide internationale.
    Monsieur Cardamone, nous ne vous entendons plus.
    C'est mon erreur.
    La vice-présidente (Mme Peggy Nash): Voilà, ça fonctionne.
    M. Thomas Cardamone: Le paiement d'impôt aux pays où l'argent a été gagné contribuerait grandement au développement de ces économies.
    Je ne veux surtout pas laisser entendre que la disparition des 6 billions de dollars est entièrement attribuable à la fraude fiscale corporative. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Les 6 billions de dollars ont... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... sources, comme le blanchiment d'argent par voies commerciales, principalement, où les prix des factures sont gonflés pour simplifier la sortie d'argent du pays, de même que la corruption gouvernementale et d'autres mécanismes. Je ne veux pas... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... les multinationales, quoiqu'il serait certainement utile qu'elles paient des impôts aux pays où elles ont gagné l'argent.
    Notre gouvernement reconnaît l'importance et l'obligation morale de payer des impôts. Nous avons déposé un projet de loi intitulé la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers.
    J'aimerais vous adresser ma question, monsieur Gillespie. Le projet de loi vise à lutter contre la corruption ainsi qu'à dissuader et à empêcher les entreprises canadiennes de corrompre des agents publics étrangers. Les modifications proposées reflètent les principes de l'OCDE. Je sais que l'OCDE et le Fonds monétaire international, ou FMI, ont lutté très activement contre ces pratiques illégales.
    À votre avis, dans quelle mesure est-il important de veiller constamment à ce que le Canada ait une structure solide pour lutter contre la corruption à l'échelle nationale, et pour établir des normes que d'autres, comme les pays en développement, pourront appliquer? Je fais allusion aux dispositions législatives qui viennent d'être introduites.
    C'est absolument indispensable, selon moi. Ayant vécu dans bien des pays, je considère la corruption comme un problème majeur. J'ai parlé tout à l'heure d'argent qui avait disparu en Afrique subsaharienne, par exemple. Là-bas, des personnalités politiques et des responsables ont tout bonnement détourné une large part des fonds pour alimenter ce système. L'ONU et la Banque mondiale tentent d'en récupérer une partie, mais pas plus de 10 p. 100 environ. Cet argent est donc perdu.
    Je pense qu'il serait formidable que le Canada serve de modèle au reste du monde, surtout aux pays qui accueillent nos sociétés.

  (0920)  

    Très rapidement, monsieur Rosenbloom, nous avons constaté lors de la dernière séance à quel point il est important d'appliquer la loi. Nous avons d'ailleurs donné les moyens au Canada de percevoir les impôts.
    Que pensez-vous de ce genre de lois... plus particulièrement de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers dont j'ai parlé? Comment peut-elle alléger l'atmosphère d'injustice, disons, qui règne dans le tiers monde?
    Veuillez répondre très brièvement, monsieur Rosenbloom. Le temps alloué au tour est presque écoulé.
    Devrais-je répondre ou pas?
    Allez-y, mais très brièvement.
    D'accord.
    Je crois qu'il importe d'établir une distinction entre les divers sujets que nous avons abordés tous les trois. Nous avons couvert un vaste éventail d'enjeux connexes, mais distincts. Si le comité cherche à tout régler, il finira selon moi par ne pas faire grand-chose. Il doit vraiment cibler certains aspects.
    J'appuie toute initiative de lutte contre la corruption, mais c'est différend de la fraude fiscale.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer le prochain tour avec Mme Sgro.
    Puisque deux témoins sur trois utilisent la vidéoconférence, veuillez lever la main si vous souhaitez répondre à une question d'ordre général. Je saurai alors que vous voulez intervenir, et je ne vous oublierai pas. Merci.
     Allez-y, madame Sgro.
    Je remercie infiniment tous les témoins d'être avec nous. Je remplace M. Brison aujourd'hui.
    Ce sujet est fascinant et revêt selon moi une importance capitale dans le monde entier, surtout lorsqu'on apprend que des sommes pareilles sont détournées pour financer je ne sais quoi plutôt que de venir en aide à bon nombre de pays, y compris le nôtre.
    L'OCDE a mis au point des accords d'échange de renseignements fiscaux. Que pourrions-nous faire, ou que pourrait faire l'OCDE pour consolider ces accords? Quelles en sont les forces et les faiblesses? Est-ce que l'un d'entre vous connaît bien le sujet?
    Monsieur Rosenbloom.
    Je connais bien les accords d'échange de renseignement à des fins fiscales, ou AERF. J'en ai d'ailleurs négocié un avec les États-Unis au nom du gouvernement du Liechtenstein. Les AERF, ou encore les dispositions d'échange de renseignements qui ont des répercussions considérables me laissent sceptique, car elles sont généralement ponctuelles. Je ne les condamne pas nécessairement, mais ce n'est pas ce qui réglera le problème de fraude fiscale. Après leur adoption, les dispositions sont bien moins souvent appliquées qu'on ne peut l'imaginer, en plus d'alourdir le traitement des demandes et la procédure de réponse.
    Les États-Unis ont franchi une étape importante en adoptant la Foreign Account Tax Compliance Act, une loi qui pourrait alimenter le débat jusqu'à midi et qui, du point de vue américain, est probablement une idée désastreuse et très insultante pour les autres pays. Il n'en demeure pas moins qu'elle a retenu l'attention du reste du monde.
    L'échange de renseignement est une bonne chose, mais je pense que le sujet n'a encore ici rien à voir avec la fraude fiscale. Je pense que vous devez remédier au problème de fraude fiscale et vous poser une autre question: à qui appartient l'argent faisant l'objet de la fraude que vous tentez d'éviter? S'agit-il des impôts du Canada ou de la Zambie? Voilà des questions très différentes.
    Allez-y, monsieur Cardamone.
    Merci.
    M. Rosenbloom a raison de dire qu'une fois en place, les AERF servent très rarement et sont extrêmement lourds.
    Nous soutenons que le monde devrait procéder à un échange automatique de... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... renseignements fiscaux. C'est probablement l'OCDE qui devrait prendre l'initiative. Il n'y aurait plus de demandes, et très peu de formalités administratives. Dès que l'information est disponible, elle serait automatiquement communiquée au pays... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... citoyen. L'Union européenne dispose déjà d'un mécanisme semblable grâce à sa directive sur la fiscalité de l'épargne.
    Par exemple, si un citoyen français possède un compte de banque en Allemagne, l'information est automatiquement... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... la banque allemande aux autorités fiscales françaises. On ne se demande pas si l'information doit être communiquée ou non; c'est fait de façon harmonieuse.
    Nous croyons que la directive devrait élargir sa portée jusqu'aux comptes d'entreprise, mais [Note de la rédaction: difficultés techniques]... en ce qui concerne les AERF.

  (0925)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Gillespie, la Halifax Initiative favorise une approche multilatérale depuis un certain temps. Croyez-vous que le Canada devrait profiter de l'occasion pour montrer l'exemple en développant ce genre d'approche?
    Tout à fait. Et les occasions sont nombreuses.
    Pour faire suite aux propos de mes confrères, voici une des limites des AERF. Le pays qui essaie de localiser de l'information dans un autre pays doit souvent présenter un dossier pratiquement complet. Il doit connaître le nom de l'individu avant de déposer la demande. Les enquêtes à l'aveuglette ne sont donc pas possibles, en quelque sorte.
    Ces outils sont donc excessivement limités. Pour notre part, nous préconisons effectivement depuis des années la mise en place d'un système multilatéral. Le modèle de l'Union européenne semble fonctionner, même s'il présente certaines lacunes. Par exemple, la Suisse n'y participe pas.
    Mais je pense bel et bien que c'est la seule approche qui puisse fonctionner.
    Devrions-nous nous attarder à certains domaines en particulier, d'après vous?
    Je ne comprends pas la question.
    Aimeriez-vous apporter des précisions à la grande question de l'approche multilatérale, en quelque sorte?
    La question doit être débattue au sommet du G20, et j'espère que le Canada la soumettra.
    Un débat fait rage à propos de certains accords fiscaux européens, comme celui conclu entre le Royaume-Uni et la Suisse. Ces accords Rubik, comme on les surnomme, protègent l'anonymat des personnes impliquées, ce qui n'a rien pour rassurer les défenseurs de questions fiscales. Le gouvernement suisse affirme qu'il opérera, pour le compte du Royaume-Uni, une sorte de retenue d'impôt à la source auprès des résidents britanniques qui possèdent un compte de banque en Suisse, mais tout en préservant leur anonymat. Les noms ne seront pas divulgués.
    Merci beaucoup, monsieur Gillespie.
    C'est maintenant au tour de M. Hoback.
    Merci, madame la vice-présidente.
    Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Je suis ravi de vous voir ce matin.
    Il y a tellement de sujets à aborder. Par où commencer et comment se concentrer sur un seul aspect en matière de fraude fiscale ou de paradis fiscaux?
    Je pense que je vais parler de l'établissement des prix de cession interne. Comment nous conseillez-vous d'aborder la question?
    Sur le plan de l'établissement des prix de cession interne, bien des raisons motivent le mécanisme de fixation des prix d'une entreprise pour différents produits dans divers pays. On ne peut plus supposer que sa décision repose sur le coût de fabrication. En fait, la société évalue le marché d'une région donnée, comme les États-Unis, avant de fixer ses prix en fonction de la concurrence. Elle peut ensuite décider de vendre le même produit au Brésil à un prix différent en raison de la concurrence locale, encore une fois.
    Sur quoi devrions-nous nous attarder concernant des mécanismes tels que l'établissement des prix de cession interne?
    Je vais commencer avec vous, monsieur Cardamone.
    Monsieur Rosenbloom, j'aimerais aussi savoir ce que vous en pensez.
    Lorsqu'il s'agit de biens intangibles comme un service ou un logiciel, ce problème est très difficile à régler. Comment faire pour fixer les prix? La question est de plus en plus préoccupante. Il s'agit... [Note de la rédaction: difficultés techniques].
    Tout d'abord, permettez-moi de préciser que l'établissement des prix de cession interne est un mécanisme légal. Le problème se pose lorsque le procédé est utilisé de façon abusive.
    En ce moment, l'équipe de vérificateurs doit déterminer à quel point la politique de prix d'une société donnée est agressive, et si elle dépasse les bornes. C'est loin d'être simple... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... mais puisque M. Rosenbloom est avocat-fiscaliste, il pourra sûrement vous expliquer le concept un peu mieux que moi.

  (0930)  

    Allez-y, monsieur Rosenbloom.
    En effet, je connais bien le mécanisme d'établissement des prix de cession interne. J'ai donné des cours complets sur cette matière pendant des années. Je ne le fais plus, mais j'ai moi-même beaucoup de travail afférent à l'établissement des prix de cession interne.
    Permettez-moi d'abord de vous expliquer de quoi il s'agit. L'établissement des prix de cession interne correspond à la tarification en vigueur entre des entités contrôlées par des capitaux communs. Ce concept existe parce que les forces du marché n'influencent pas les transactions entre des personnes ou des établissements apparentés. Puisqu'on ne peut pas compter sur le fait qu'une personne veuille tirer le maximum et que l'autre veuille payer le moins possible, vu que les deux parties relèvent du même pouvoir économique, les prix pourraient être manipulés aux fins d'impôts. C'est pour cette raison que le mécanisme d'établissement des prix de cession interne existe.
    L'établissement des prix de cession interne est une arme à deux tranchants. En droit fiscal, il s'agit d'un processus de vérification et de redressement. Nous allons vérifier les prix, puis les ajustons s'ils ne sont pas acceptables.
    Je pense qu'on réalise de plus en plus, aux États-Unis du moins, que le problème fondamental à ce chapitre, c'est que le monde a commencé à utiliser depuis longtemps — sous l'initiative des États-Unis — une méthode basée sur des conditions normales de concurrence. Afin de déterminer le prix de cession interne qui convient, tant dans le cadre de la vérification que de la rectification, nous nous demandons quel prix ces personnes apparentées auraient exigé si elles n'avaient pas été liées. Voilà en quoi consiste la méthode. Quel aurait été le prix dans des conditions normales de concurrence?
    Or, ce n'est probablement pas la bonne question à se poser. Il faudrait plutôt opter pour une méthode plus facile à appliquer, qui ne repose pas tant sur les faits et qui ne demande pas pratiquement un doctorat en économie pour l'appliquer correctement. Ce qu'il faut, c'est une méthode simple et à peu près juste.
    Cette explication est très sommaire, et je pourrais en dire long sur le sujet.
    Bien franchement, je pense qu'un des problèmes, c'est que les États-Unis ont montré la voie de la fixation des prix basée sur des conditions normales de concurrence, puis que l'OCDE s'est mise à l'appliquer religieusement; elle croit que c'est le plus merveilleux outil qui soit.
    Je pense que le monde fait tranquillement marche arrière et commence à adopter une approche plus structurée concernant l'établissement des prix entre des parties apparentées. Il ne faut pas aller trop loin, mais je crois que ce domaine évolue, et pour le mieux. En revanche, il me semble que tout le monde devrait repenser cette méthode employée depuis probablement plus de 50 ans. Merci.
    Combien de temps me reste-t-il, madame la présidente?
    Il vous reste environ 10 secondes.
    Dans ce cas, j’ai terminé.
    D’accord. Merci beaucoup…
    Pardon?
    M. Cardamone voulait intervenir.
    Je crois que le temps est écoulé. M. Cardamone aura peut-être l’occasion d'ajouter quelque chose lors d’une prochaine intervention.
    Monsieur Caron, vous avez la parole.

[Français]

    Je vous remercie, messieurs, de votre très belle présentation. Vos talents de vulgarisateurs, dans ce domaine très complexe, méritent des félicitations. Je ne dispose que de cinq minutes, mais j'ai beaucoup de questions à vous poser.
    Ma question s'adresse à M. Rosenbloom.

[Traduction]

    Monsieur Rosenbloom, vous nous avez transmis vos cinq observations… Vous avez été plutôt ferme dans votre déclaration selon laquelle la réaction des pays développés est pitoyable.
    J’aimerais vous entendre sur l’effort des pays du G8 et du G20 jusqu'à maintenant dans ce dossier, car on entend très souvent dire que les pays industrialisés ou les membres de ces groupes adoptent des mesures importantes à cet égard.
    Qu’a-t-on fait jusqu’à maintenant? Est-ce qu'on se dirige dans la bonne direction? Qu'est-ce que les pays les plus développés pourraient faire de plus?
    Je félicite les leaders politiques pour les gestes qu'ils posent dans le secteur fiscal. Les taxes sont un élément important. La démocratie est impossible sans un régime fiscal fonctionnel. Donc, j’appuie les efforts des pays du G8 et du G20.
    Cependant, il s’agit d’un secteur très technique. Si je pouvais recommander une chose au comité en matière de fraude fiscale et de paradis fiscaux, ce serait de faire bien attention à ce que vous dites. Au cours des dernières minutes, nous avons abordé plusieurs sujets différents. Je crois que les pays développés pourraient renforcer leurs règles concernant les paradis fiscaux et ainsi protéger leur assiette fiscale. C’est ce que je voulais dire dans ma déclaration.
    Les lois canadiennes ne me sont pas très familières, mais je sais qu’en adoptant quelques mesures très simples, les États-Unis pourraient protéger leur assiette fiscale contre les conséquences des paradis fiscaux, mais il y a une certaine résistance à cet égard, probablement pour des raisons politiques. C’est très différent — je dis bien, très différent — de ce que l’on peut faire pour protéger l’assiette fiscale de la Tanzanie ou la Zambie. C’est totalement différent et la situation avec ces deux pays est probablement différente sur le plan des échanges de renseignements fiscaux.
    Tous ces dossiers sont importants, mais, à mon avis, aucun ne sera réglé simplement en les soumettant à une même approche.

  (0935)  

    Il a eu des études distinctes sur la fraude fiscale, les paradis fiscaux, la corruption, les abris fiscaux internationaux et la planification fiscale agressive, notamment. Ce sont tous des problèmes distincts, non?
    Il ne fait aucun doute qu’ils sont tous très interdépendants. Mais si on les soumet tous à une même approche pour essayer de tous les résoudre, aucun ne sera résolu.
    Selon moi, un comité parlementaire canadien sera plus susceptible de régler un problème lié au régime fiscal canadien et de peut-être mener des activités sur la scène internationale, mais il s’agit de deux approches différentes. Et je crois qu’il est préférable de réfléchir aux deux questions séparément.
    J’aurais une question pour M. Gillespie.

[Français]

    Vous traitez beaucoup de ces questions dans vos analyses et je crois que la Halifax Initiative a fait en 2010 une étude dans laquelle elle disait ceci. Le texte est en anglais:

[Traduction]

Le principal problème découlant de la démarche de l’OCDE est qu’elle s’applique aux particuliers et non aux sociétés multinationales, lesquelles sont responsables de la majorité des pertes en recettes d’impôt dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud.

[Français]

    Lors de la dernière rencontre, nous avons entendu des fonctionnaires du ministère du Revenu.
    Est-ce que vous m'entendez?

[Traduction]

    Vous passez constamment d’une langue à l’autre.
    Je vais m’exprimer en anglais, alors.
    Il s’agit d’une citation faite en 2010 par Halifax Initiative.
    Lors de la dernière réunion du comité, des fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada et du ministère des Finances sont venus nous dire qu’il n’y avait aucun déséquilibre, que leur approche envers les particuliers et les sociétés était équilibrée.
    Si vous soutenez toujours ce que vous avez dit en 2010, qu’est-ce qui vous porte à croire que leur approche est déséquilibrée?
    À mon avis, ni moi, ni Halifax Initiative n’avons dit cela. De nombreux autres groupes au pays soulèvent aussi ces questions. Notre organisation s’est concentrée sur le monde en développement. Nous n’avons fait aucun commentaire sur l’administration fiscale au Canada.
    Il vous reste 30 secondes.
    Je vais laisser la chance à M. Cardamone de réagir aux propos de M. Rosenbloom.
    Monsieur Cardamone.
    Merci.
    Je voulais simplement faire un bref commentaire sur le rôle que jouent les pays du G8 et du G20 et dire s’il s’agit, selon moi, d’un rôle positif ou non.
    Des mesures positives ont été adoptées. Par exemple, le G20 a demandé au Conseil de stabilité financière de mettre sur pied un programme d’identification des entités. Ce programme permettrait aux analystes… [Note de la rédaction: inaudible]… de savoir qui sont les personnes morales.
    Les pays du G20 ont également établi un lien entre les activités qui se déroulent… [Note de la rédaction: inaudible]… établissement de paradis dans des pays pauvres. Donc, ils comprennent ce lien et les conséquences négatives des paradis fiscaux sur le développement.
    Ce sont deux… [Note de la rédaction: inaudible]… qu’ils ont fait de bien. S’ils s’attaquaient maintenant à la question des présentations par pays et à celle des échanges automatiques de renseignements fiscaux, je crois que ce serait un... [Note de la rédaction inaudible]… vers l’atteinte de l’objectif, soit un système financier mondial transparent.
    Merci, monsieur Caron.
    Monsieur Jean, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins d’avoir accepté notre invitation.
    Monsieur Rosenbloom, j’aimerais avoir des précisions, d’abord sur les solutions simples que vous proposez au Canada qui sont, à mon avis, très similaires à celles que vous proposez aux États-Unis. Aussi, j’aimerais que vous nous expliquiez, en termes clairs, la différence entre l’approche normative et l’approche sans lien de dépendance, ainsi que les conséquences négatives de l’approche sans lien de dépendance.

  (0940)  

    Je vais d’abord m'attarder à votre deuxième question, car je crois pouvoir y répondre assez facilement.
    Prenons deux entités, A et B, qui font partie de la même entreprise. L’entité A fournit un avantage à l'entité B, que ce soit un bien, un service, un prêt, peu importe, pour lequel B la paie. Dans le cadre d’une approche sans lien de dépendance, pour savoir si le prix de transfert, soit le montant que B a versé à A, est adéquat, il faut poser la question suivante: « Combien B aurait-elle versé à A si les deux entités ne faisaient pas partie de la même entreprise? » Ça, c’est l’approche sans lien de dépendance.
    Cette approche dépend beaucoup des faits, ce qui est problématique, notamment lorsque l'avantage comporte un élément intangible. Prenons l’exemple de Toyota, au Japon, qui vend des véhicules à un distributeur, au Canada. La marque Toyota vaut beaucoup d’argent, mais vous trouverez très peu de renseignements sur la valeur du prix de transfert dans le cadre d’une approche sans lien de dépendance. Vous êtes dans l’inconnu. Il faut vraiment faire une réflexion sophistiquée pour déterminer si le prix que paie le distributeur pour les véhicules de Toyota est adéquat, car une grande partie du prix s’appuie sur la valeur de la marque de commerce.
    L’approche sans lien de dépendance mène à un fouillis factuel dans lequel les pays du monde tentent tant bien que mal de manoeuvrer.
    Dans le cadre d’une approche normative simple — plusieurs prônent l’adoption d’une telle approche, mais je ne suis pas nécessairement d’accord avec eux —, on ne tient pas compte du prix de vente entre Toyota et le distributeur au Canada. On s’attarde plutôt aux profits réalisés depuis la fabrication du véhicule jusqu’à sa vente sur le marché. Donc, on exclut la transaction intersociétée. On divise, à l’aide d’une formule précise, les profits réalisés par la vente du véhicule. C’est ce que font certains États américains. Par exemple, la Californie divise les actifs de la société, sa masse salariale et ses ventes en Californie par ses actifs, sa masse salariale et ses ventes à l’échelle mondiale.
    Je ne veux pas exagérer à quel point c'est une bonne formule, car elle présente certains problèmes. Mais c’est sans doute une façon beaucoup plus simple de procéder que de se demander combien le distributeur aurait payé pour les véhicules s’il n’avait eu aucun lien avec le fabricant. L’approche sans lien de dépendance entraîne uniquement des disputes sans fin sur les faits et il faut vraiment avoir un doctorat en économie pour tout comprendre.
    Pour répondre à votre première question — et encore une fois, je ne peux pas parler de la situation du Canada —, les États-Unis doivent adopter des règles leur permettant d’identifier les paradis fiscaux. Je tiens à vous rappeler que le plus difficile, c’est de définir de qui on parle. Je sais qu’il est question des îles Caïmans, des Bahamas et des Bermudes, mais est-il aussi question de l’Irlande et de Singapour? Si c’est le cas, on s’aventure dans un univers politique bien différent.
    Peu importe. À mon avis, lorsqu’on aura identifier les pays ciblés, il faudra adopter des règles spéciales. On ne peut pas appliquer les mêmes règles en matière de prix de transfert, quelles qu’elles soient, pour les îles Caïmans et que l'on applique pour la France. C’est insensé. La dynamique est différente s’il s’agit de deux pays développés, mais c’est très différent si un des pays est un paradis fiscal.
    Je crois que les pays devraient analyser leurs lois et adopter des règles spéciales qui ciblent les paradis fiscaux, notamment en ce qui a trait au prix de transfert. Les États-Unis pourraient adopter de telles règles, si seulement les dirigeants faisaient preuve d’un peu de créativité — et si, bien entendu, le régime politique américain était fonctionnel.
    Merci.
    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?
    Il vous reste environ une minute, monsieur Jean.
    Monsieur Cardamone, auriez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet ou aux propos de M. Rosenbloom, notamment en ce qui concerne l’adoption d’une approche plus efficace que l’approche sans lien de dépendance? Je comprends que, dans les deux cas, il faudrait identifier la personne morale et donc sur l'identité du pays. Êtes-vous d’accord avec moi?
    Il a raison lorsqu’il dit que certains proposent l’adoption d’une approche normative, mais une telle approche ne verra pas le jour avant des dizaines d’années. D'ici là, nous avons besoin d’une approche transitoire pour faire le pont entre l’approche sans lien de dépendance et l’approche normative.
    C’est la raison pour laquelle nous proposons que le pays… [Note de la rédaction: problèmes techniques]… méthode de déclaration pour fournir des renseignements importants permettant de mieux comprendre les activités des sociétés. Ainsi, si… [Note de la rédaction: problèmes techniques]… transaction entre les sociétés A et B et que la société C est située dans un paradis fiscal, tout le monde saura exactement ce qui se passe.
    Donc, il n’est pas question d’ajouter au fardeau réglementaire des sociétés… [Note de la rédaction: problèmes techniques]… transparence sur le plan des activités des sociétés. Cette transparence et les renseignements qu’elle permet de recueillir peuvent être des outils très efficaces dans la lutte contre les prix de transferts abusifs.

  (0945)  

    Merci, monsieur Jean.
    Monsieur Côté, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie M. Hoback d'avoir abordé la question des prix de transfert puisque je partage la même préoccupation. C'est vraiment intéressant.
    Monsieur Gillespie, je vais revenir sur la référence à l'une de vos analyses, soit celle qu'a lue mon collègue Guy Caron.
    Considérant le fait que les pertes fiscales pouvaient être imputées de façon plus importante aux corporations multinationales, avez-vous une idée de la proportion que cela représente en ce qui a trait aux pertes qui sont dues à des individus? Parle-t-on de quelque chose qui représente le double ou le triple par rapport à ce que les individus font perdre en recettes fiscales?

[Traduction]

    D’abord, merci. C’est Tom l’expert, puisque Global Financial Integrity a réussi à évaluer cette proportion.
    Vous me corrigerez si j’ai tort, Tom, mais selon votre entreprise, 60 p. 100 des pertes fiscales sont attribuables aux fraudes fiscales commises par des sociétés et le reste aux fraudes fiscales commises par des particuliers et à la corruption. D’ailleurs, toujours selon GFI, environ 30 p. 100 des pertes sont probablement attribuables à des activités criminelles.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Rosenbloom.
    Poursuivons sur la question des prix de transfert. Vous avez beaucoup parlé de ce sujet. Je pense que votre jugement était très clair à cet égard. Cependant, j'aimerais quand même qu'on aille un peu plus loin sur ce sujet.
    Vous avez cité, entre autres, le cas de l'Internal Revenue Service contre la firme Altera. Vous jugez très durement ce genre de pratique. On ne parle pas de la légalité comme telle, mais comment pourrait-on qualifier cela étant donné que ce sont, en effet, des procédés légaux? Pourrait-on parler finalement d'évitement fiscal ou d'évasion fiscale? Est-ce davantage une question de comportement?

[Traduction]

    C’est une question très pertinente. Je dirais que la plupart des sociétés cotées à la bourse ne se livrent pas à des activités criminelles de nature fiscale. Ce qu’elles font est somme toute légal. Le problème, c’est que les lois actuelles leur permettent d’être plutôt agressives.
    À mon avis, le plus gros problème pour les sociétés cotées en bourse, et même certaines sociétés privées, c’est le risque lié à la réputation. Aucune de ces sociétés ne veut voir son nom apparaître dans le Wall Street Journal, croyez-moi.
    C’est le plus gros problème en ce moment. J’ajouterais que je suis d’accord avec M. Cardamone: nous devons avoir plus de renseignements sur l’identité des personnes morales. Soit dit en passant, les États-Unis sont parmi les pires à ce chapitre, en partie en raison de notre système fédéral. Notre gouvernement fédéral est limité dans ce qu’il peut faire à ce chapitre, puisque la question des personnes morales relève des États. Mais ça, c’est une autre histoire.
    J'aimerais ajouter une chose relativement à deux sujets distincts. Même si l’on a tous les renseignements possibles concernant l’identité des personnes morales, cela ne changera rien au fait que nos lois sont trop clémentes à l’endroit des utilisateurs des paradis fiscaux. Tous ces renseignements n’empêcheront pas les évasions fiscales au sens large, y compris les évitements fiscaux.
    Tout compte fait, je ne crois pas qu’il soit question de criminalité, mais bien de tirer le maximum des lois actuelles.

  (0950)  

    Il vous reste environ 30 secondes.

[Français]

    C'est très court. Je vais donc terminer ici.

[Traduction]

    Madame Glover, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais moi aussi remercier les témoins d’être ici.
    Monsieur Rosenbloom, je crois que vous avez résumé un point sur lequel je m’interrogeais depuis un bon moment. Selon certains, il faudrait continuellement étudier cette question et investir dans la recherche, entre autres. Vous avez bien résumé la situation en disant que la recherche ne mènera à rien si nous n’adoptons pas de règles ou de lois.
    Est-ce que j’ai compris?
    C'est exact. Notre système est axé sur les règles. Il ne suffit pas d’adopter des concepts et de mener des recherches. Il faut mettre des règles en place.
    Je suis policière, mais actuellement en congé sans solde. Donc, la mise en application des règles et des lois est un dossier qui me tient à coeur. Des témoins de la GRC et de l’ARC sont venus nous parler de l'importance de la recherche. Il nous ont dit aussi qu'il était important d’avoir les outils et les mesures législatives nécessaires pour faire appliquer les règles et les lois. Alors, je vous remercie pour votre commentaire.
    Certains sont d’avis que l'on n'a pas besoin d’adopter plus de règles. Toutefois, en ce qui concerne l’évasion fiscale et l’évitement fiscal, êtes-vous d’accord que l'adoption de nouvelles règles est parfois nécessaire pour conserver une longueur d’avance sur ceux qui tentent de profiter des failles actuelles?
    Eh bien, oui. Encore une fois, je suis influencé par l’expérience américaine, mais je pense que nous avons commis une énorme erreur en essayant d’instaurer une règle universelle, de sorte que nous traitons ces paradis fiscaux de la même manière que le Japon. À mon avis, nous nous sommes lié les mains.
    En outre, dans mon pays — je ne peux pas parler du Canada —, nous privons systématiquement la fonction d’administration fiscale des ressources dont elle a besoin. Il s’ensuit qu’il est très difficile dans un monde moderne très complexe de faire respecter les lois. Toutefois, c’est un tout autre problème.
    Si quelqu’un souhaitait entreprendre une réforme fiscale aux États-Unis, la première mesure qu’il devrait prendre, selon moi, serait de renflouer l’Internal Revenue Service.
    Très bien. Merci.
    Au Canada, nous avons ajouté un certain nombre d’experts à l’effectif de l’ARC. Ils sont environ 40 p. 100 plus nombreux que lorsque nous sommes montés au pouvoir en 2006. Par conséquent, nous nous réjouissons de poursuivre sur cette lancée.
    Monsieur Cardamone, Global Financial Integrity a rédigé un rapport en décembre intitulé Illicit Financial Flows From Developing Countries: 2001-2010. L’une des recommandations formulées par votre organisation était – et je vais la citer textuellement – « d’harmoniser les infractions de prédicat prévues par les lois sur le recyclage de l’argent ».
    En 2010, notre gouvernement a présenté un budget qui a transformé les infractions fiscales en infractions de prédicat désignées aux termes des dispositions liées au recyclage des produits de la criminalité de notre Code criminel. J’aimerais avoir votre avis. Pensez-vous que cette mesure est bénéfique? Elle accroîtra les pouvoirs de fouille, de perquisition et de saisie ainsi que la capacité de conserver les produits de la criminalité.
    J’aimerais entendre votre point de vue. Pensez-vous que nous sommes sur la bonne voie en ce moment?
    Oui, je le pense vraiment. Je pense que c’est une merveilleuse évolution. Cela ajoute un outil au coffre à outils des organismes d’application de la loi, lequel leur permet de s’attaquer...[Note de la rédaction: difficultés techniques]...et cela respecte la nouvelle série de recommandations que le groupe d’action financière de Paris a publiée il y a à peu près un an et qui propose de faire de la fraude fiscale un acte criminel compris dans le recyclage de l’argent.
    Par conséquent, c’est tout à fait conforme à… [Note de la rédaction: difficultés techniques]...et je pense que c’est une merveilleuse évolution.
    Excellent. Je vous remercie de vos commentaires.
    Je remarque qu’au début de notre séance, nous vous avons interrompu, monsieur Cardamone. J’étais très intéressée par ce que vous disiez dans votre exposé.
    Avez-vous autre chose à dire? Je veux vous donner l’occasion de terminer ce que vous disiez. Si d’autres observations figurent dans vos documents, je serais très heureuse de vous entendre les formuler.

  (0955)  

    Je vous remercie beaucoup de me donner cette occasion.
    Il ne me restait plus que 15 secondes d’exposé à donner. Par conséquent, j’ai été en mesure de terminer ce que j’allais dire.
    Toutefois, je tiens à ajouter une chose. M. Rosenbloom a raison de dire qu’il n’y a pas de solution universelle ou de solution miracle qui nous permet de réduire les flux financiers illicites. Mais l’aboutissement de…[Note de la rédaction: difficultés techniques]...mesures que nous recommandons – l’échange automatique de renseignements fiscaux, de rapports pour chaque pays, de renseignements sur les propriétés bénéficiaires – sont conjuguées, cela créera...[Note de la rédaction: difficultés techniques]...à partir desquelles les pays feront preuve d’une plus grande transparence et fourniront plus de renseignements qui limitent la capacité de...[ Note de la rédaction: difficultés techniques]...et les organisations criminelles de se cacher et de blanchir leur argent.
    Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante de votre intervention.
    Merci, madame Glover. Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    Heureux de vous revoir, monsieur Mai. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Premièrement, je remercie infiniment tous mes collègues du comité des finances d’examiner cette question.
    De plus, je vous remercie, madame McLeod, de nous avoir aidés à présenter cela et aussi des aimables paroles que vous avez prononcées; j’en ai entendu parler.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd’hui.
    Je vais commencer par vous, monsieur Gillespie. J’ignore si cela a été abordé plus tôt, mais nous avons présenté le fait que nous avons besoin de savoir de combien d’argent, par exemple, le Canada est privé en raison des paradis fiscaux et de la fraude fiscale. En ce qui concerne les autres pays, les États-Unis, la Suède, le R.-U. et le Mexique étudient en ce moment des chiffres pour tenter de découvrir combien d’argent leur glisse entre les doigts.
    Pensez-vous que c’est un renseignement que nous devrions réclamer et, dans l’affirmative, avez-vous une idée du montant d’argent que le Canada perd peut-être, en raison des paradis fiscaux?
    Permettez-moi de répondre à la deuxième question en premier.
    Avant que vous arriviez, j’ai expliqué que mon organisation met vraiment l’accent sur les questions internationales, et non sur les lois fiscales ou les pratiques fiscales du Canada.
    Pour répondre à votre première question, je dirais que, lorsque James Henry, que vous avez rencontré, a comparu devant vous — il était le chercheur principal chargé d’une énorme étude —, il a suggéré que le Canada suive l’exemple de nombreux autres pays en estimant et en publiant l’écart fiscal. Bon nombre de pays, dont les États-Unis, fournissent une estimation des recettes fiscales dont ils sont privés, selon les administrations fiscales. Par conséquent, il recommandait en effet que le Canada adopte cette pratique.
    Pourquoi les autres pays le font-ils, et pourquoi est-ce nécessaire?
    Je crois que c’est une question de responsabilité publique. J’estime que, dans la mesure du possible, les citoyens devraient connaître les recettes que le gouvernement touche, tout comme les citoyens devraient savoir à quoi le gouvernement consacre ces recettes. Je pense que c’est une question de responsabilité et de transparence.
    À l’échelle internationale, vous avez examiné les cadres de l’OCDE et les rapports liés à son modèle. Pourriez-vous nous en parler un peu, ou quelles sont les lacunes en ce qui concerne…
    Le modèle de l’OCDE pour…?
    Je parle de la lutte contre les paradis fiscaux et du cadre que l’OCDE a proposé pour les rapports et les accords.
    Nous avons parlé plus tôt des accords bilatéraux d’échange de renseignements à des fins fiscales. Je pense que tous les témoins se sont entendus pour dire que ces instruments sont plutôt faibles.
    Nous avons fait valoir qu’un échange multilatéral de renseignements, qui s’inspirerait du modèle en vigueur en Union européenne, constituerait une approche beaucoup plus solide. Comme je l’expliquais, ces accords bilatéraux sont rarement utilisés et, pour être franc, ils ne sont pas très utiles. Ils ont été fortement critiqués par pratiquement toutes les personnes que je connais.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rosenbloom.
    J’ai une suggestion précise à vous faire à laquelle il serait peut-être logique que vous réfléchissiez. Je pense qu’il serait logique que, dans ce domaine — et probablement dans d’autres domaines, mais limitons-nous à celui-ci —, un groupe relativement limité de pays développés se réunisse régulièrement pour discuter de ces questions.
    De nombreux pays entrent en concurrence sur le plan fiscal. L’une des raisons pour lesquelles les paradis sont en mesure de subsister est que chaque pays fait l’objet de pressions exercées par ses propres organisations, qui affirment qu’elles subissent des pressions concurrentielles, etc.
    Par conséquent, j’estime qu’il serait sensé que des pays — je parle de moins de dix pays, bien que je ne les nomme pas — qui ont des problèmes semblables se réunissent.
    Je ne crois pas qu’on peut s’en remettre à l’OCDE à cet égard. L’OCDE est en train d’accroître le nombre de ses membres et, ce faisant, de devenir une organisation qui sert le plus petit dénominateur commun. Pour les mêmes raisons, on ne peut certainement pas s’en remettre à l’ONU.
    Par conséquent, dans la mesure où nous parlons de fraude fiscale à l’échelle nationale, je pense qu’une organisation d’une sorte ou d’une autre devrait exister pour les pays développés du monde. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit immense ou coûteuse mais, selon moi, c’est une initiative qui vaudrait la peine d’être entreprise.

  (1000)  

    Nous passons maintenant à M. Adler.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins d’être parmi nous aujourd’hui.
    Il y a quelques sujets que j’aimerais aborder. Le premier a trait aux risques que les paradis fiscaux représentent pour la stabilité financière mondiale.
    Comme nous l’avons appris à la suite de la crise financière de 2008, bon nombre des actifs toxiques des banques américaines ont grandement contribué à la crise des prêts hypothécaires à risque. Nous savons également que quelques-uns des paradis fiscaux détiennent une grande partie de la dette publique américaine.
    Compte tenu de ces deux enjeux et d’autres enjeux semblables, pourriez-vous formuler des observations sur les risques que ceux-ci représentent pour la stabilité financière mondiale et pour une économie comme celle du Canada, qui a vraiment excellé comparativement aux autres pays du G-8?
    Je vais poser la question à M. Rosenbloom en premier, puis peut-être que M. Cardamone pourrait suivre.
    Je ne suis pas certain d’être qualifié pour répondre à cette question. Je ne suis pas un économiste et ces effets macroéconomiques sont simplement des sujets sur lesquels je lis avec intérêt.
    La seule chose que votre question m’amène à observer — et, selon moi, elle est très intéressante et vaut la peine qu'on y réfléchisse — est l’effet des immenses sommes d’argent qui sont siphonnées des États-Unis et investies en Irlande. Comme nous le savons, l’Irlande a souffert d’un grave ralentissement économique. Il y a eu une énorme bulle en là-bas.
    Je pense que les conséquences des mesures de réduction des taux d’imposition que l’Irlande a prises au cours des 15 ou 20 dernières années et qui ont attiré des investissements étrangers, dont bon nombre provenaient des États-Unis, valent la peine d’être étudiées.
    Ceci mis à part, je ne suis pas vraiment en mesure de formuler des observations en termes plus généraux pour répondre à votre question. Je m’en excuse.
    D’accord.
    Tom, avez-vous des réflexions à nous communiquer?
    Je ne suis pas un économiste non plus, et cela sort de mon pôle d’intérêt habituel, mais je me souviens que, pendant les pires moments de la crise financière aux États-Unis, alors qu’on était en train de renflouer les banques ou que des banques en achetaient d’autres, les liquidités du système bancaire ont presque arrêté de circuler. Certaines des institutions bancaires détenaient à l’étranger une telle quantité d’actifs à risque non enregistré que lorsqu’elles étaient achetées ou renflouées, on était complètement dans le noir quant à leur valeur. Les banques qui les achetaient n’étaient nullement au courant des risques…[Note de la rédaction: difficultés techniques]...des banques qu’elles achetaient.
    Je pense qu’une telle situation peut probablement influencer de nombreuses prises de décisions concernant la valeur des actifs qu’à l’avenir, une grande institution financière sera autorisée à détenir à l’étranger et le degré de transparence que les détentions devront avoir aux yeux du public et des responsables de la réglementation.

  (1005)  

    Oui, je suis d’accord.
    Je m’intéresse également à la FATCA. Je sais que la loi a eu quelques conséquences non voulues, et de nombreux autres pays ont trouvé insultant de constater ce qu’elle semblait accomplir.
    Monsieur Rosenbloom, vous avez parlé auparavant de la FATCA. Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de ses conséquences négatives, et la raison pour laquelle c’est une politique d’intérêt public déplorable?
    Oui, bien sûr.
    Le pire aspect de la FATCA est l’effet qu’elle a eu sur les États-Unis. Elle a essentiellement détourné une grande quantité de ressources pour les consacrer à la rédaction de règlements incroyablement détaillés qui s’appliquent à une activité qui génère très peu de revenus. Je n’ai jamais trouvé logique d’emprunter du personnel affecté à la vérification de l’impôt sur le revenu des sociétés et de leur faire rédiger des règlements destinés au reste de la planète.
    J’ai également de grands doutes quant à la façon dont la FATCA interviendra. Nous allons recevoir des tonnes de renseignements de tous les coins de la planète, mais qui exactement les lira? La dernière fois que j’ai vérifié, une seule personne examinait nos rapports sur les comptes bancaires étrangers, dans un entrepôt de Détroit.
    Vous savez, je doute que nous continuions indéfiniment de consacrer toutes ces ressources à cette tâche.
    Maintenant, je suis certain que vous ne portez pas votre attention sur cela. Je pense que le reste du monde se soucie surtout de l’intrusion qu’elle entraîne dans les processus des autres pays, etc. Je comprends que la FATCA est une très… Elle n’a jamais fait l’objet d’une analyse de rentabilisation. Elle occasionne d’énormes coûts aux institutions financières du monde entier, et elle a eu de nombreuses répercussions négatives sur la politique et les relations étrangères mais, en ce qui me concerne, c’est une mesure législative un peu stupide, ne serait-ce que dans le contexte américain.
    Par contre, je tiens à dire — et j’ai tardé à me rallier à cette idée — qu’elle a capté l’attention de la planète comme rien ne l’avait fait auparavant.
    Merci, monsieur Rosenbloom.
    Je suis désolé, Mr. Cardamone, le temps qui nous était imparti est écoulé. Peut-être que quelqu’un d’autre reprendra cette discussion.
    Allez-y,madame McLeod.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais certainement vous céder la parole, monsieur Cardamone, parce que j’aimerais vraiment savoir ce que vous avez à dire au sujet de la FATCA.
    Je pense que...[ Note de la rédaction: difficultés techniques]...attiré l’attention du monde sur cet enjeu. Je vous déconseille de juger d’avance les résultats et l’incidence de cette mesure législative.
    Bien qu’il puisse...[ Note de la rédaction: difficultés techniques]...c’est uniquement une demande de transparence. Ce n’est pas lié à la réglementation. Elle n’indique pas aux banques comment elles devraient fonctionner; elle exige simplement que les banques rendent compte de l’information qu’elles possèdent. C’est une…[ Note de la rédaction: difficultés techniques]...mesure législative portant sur un échange de renseignements. Il reste à savoir si, à l’heure actuelle, nous avons la capacité d’utiliser cette information. Mais on peut toujours régler cette question plus tard.
    Je pense que le fait qu’elle...[ Note de la rédaction: difficultés techniques]...attirer l’attention du monde sur ce problème est une bonne chose en soi. J’ai hâte de voir comment elle sera mise en oeuvre avec le temps.
    J’aimerais, en fait, profiter de l’occasion pour développer cette idée. J’ai entendu de nombreuses personnes dire que l’échange d’information devrait être multilatéral et que l’information devrait circuler librement. Dans une certaine mesure, j’ai toujours considéré que les accords d’échange de renseignements fiscaux étaient les précurseurs d’une mesure législative comme la FATCA.
    Pouvez-vous vraiment parler de la façon dont la libre circulation multilatérale diffère de la FATCA, afin que je puisse peut-être la comprendre un peu mieux, et décrire ce que vous envisagez de faire avec cette circulation comparativement à ce que les États-Unis tentent de faire avec la FATCA?
    Quelqu’un souhaite-t-il s’attaquer à la question?
    La FATCA se rapporte uniquement [Note de la rédaction: difficultés techniques]... titulaires de comptes dans des banques étrangères, et ces banques doivent faire rapport au Internal Revenue Service des États-Unis. C'est multilatéral en ce sens que toute banque étrangère qui a des titulaires de compte américains doit faire rapport aux États-Unis.
    Ce système diffère de celui des accords d’échange de renseignements fiscaux dont nous discutions [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Il s'agit d'accords bilatéraux entre les gouvernements, ce qui laisse entendre que les renseignements seront fournis sur demande.
    Nous suggérons qu'il y ait [Note de la rédaction: difficultés techniques]... une approche multilatérale à l'égard d'un accord de gouvernement à gouvernement, semblable à ce que prévoit la Directive européenne sur la fiscalité de l'épargne.

  (1010)  

    Je reconnais que les accords d’échange de renseignements fiscaux sont bilatéraux sur demande. La FATCA devient donc automatiquement unidirectionnelle. L'évolution naturelle n'est-elle donc pas simplement un accord multilatéral bidirectionnel?
    Êtes-vous en train de dire que les pays étrangers demanderaient aux banques américaines de leur faire rapport dans les cas où ces banques ont des titulaires de comptes de ces pays? Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de dire?
    Non. Ce que je demande c'est comment vous feriez la distinction par rapport à ce que vous suggériez concernant la circulation multilatérale de l'information.
    La FATCA est, en quelque sorte, un pas dans la bonne direction. Bien entendu, il ne s'agit pas d'un accord entre gouvernements, du type dont nous préconisons la mise en place, comme la Directive européenne sur la fiscalité de l'épargne... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... une exigence imposée aux banques étrangères pour qu'elles aient des titulaires de comptes américains.
    Allez-y, monsieur Rosenbloom.
    En fait, je pense que la FATCA est en train d'évoluer pour devenir un système intergouvernemental vu qu'elle ne fonctionne pas très bien dans sa forme actuelle. Elle est incroyablement envahissante.
    Les États-Unis ont élaboré plusieurs modèles d'arrangements intergouvernementaux et, à l'heure actuelle, ils négocient avec plus de 50 pays. Je crois qu'ils ont probablement déjà négocié avec le Canada. Je n'ai pas suivi ce dossier au jour le jour.
    La législation ne l'envisage pas. L'Internal Revenue Service a converti la FATCA en quelque chose qui ressemble plus à un arrangement intergouvernemental, et ses efforts sont louables.
    De là à savoir si cela fonctionnerait au plan multilatéral, j'ai des doutes réels. Les exigences de conformité coûtent très cher aux institutions financières. Et si vous devez vous conformer à des lois semblables dans le monde entier, si tous les pays demandent la même chose des banques, je crois que ce serait tout un fardeau.
    Par contre, vous pourriez faire valoir que c'est l'une des raisons pour lesquelles FATCA est une piètre mesure législative. Si vous adoptez une loi à laquelle vous ne voulez vraiment pas avoir affaire, cela montre qu'elle contenait des lacunes dès le départ.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais adresser cette question à M. Rosenbloom, et en revenir au commentaire dans lequel vous avez dit que vous avez été réfractaire à des mesures simples que vous auriez pu prendre pour protéger l'assiette fiscale des États-Unis contre les paradis fiscaux.
    Je sais que deux projets de loi récents ont été déposés au Sénat des États-Unis: le projet de loi du sénateur Levin sur les paradis fiscaux et, tout récemment, le projet de loi du sénateur Sanders.
    Est-ce que ces projets de loi pourraient nous inspirer des pratiques exemplaires pour protéger notre assiette fiscale? Avez-vous des idées à ce sujet?
    Je pense en fait que la chose la plus positive que vous puissiez faire, comme je l'ai dit tout à l'heure, est de rassembler des pays développés qui partagent les mêmes intérêts.
    Certains pays ont des listes noires, d'autres ont des listes blanches. Mais au bout du compte, il faut élaborer des règles qui ciblent les paradis fiscaux — c'est ce que j'entends par quelque chose de simple.
    J'ai l'ai dit plus tôt, mais j'aimerais que ce soit bien clair. Nous avons une série de règles en matière de prix de transfert que nous appliquons au monde entier. Alors nous divisons le monde en deux parties: les États-Unis et le reste. À mon sens, c'est ridicule. Cela signifie que, en cas de prix de transfert, nous avons besoin d'avoir la même règle pour un paradis fiscal que pour le Japon. Pour moi, cela n'a aucun sens.
    Nous pouvons nous préoccuper beaucoup moins de l'abus des prix de transfert entre le Japon et les États-Unis qu'entre les États-Unis et, disons, les Îles Caïmans.
    Lorsque je dis « simple », je pense que nous — et je ne parle pas du Canada, parce que je ne sais pas — nous avons intérêt à jeter un coup d'oeil à notre loi en vue d'y ajouter des règles spéciales pour les paradis fiscaux. Mais au lieu d'un changement aussi important, la meilleure mesure à prendre serait de créer un groupe d'experts techniques des pays qui échangeront leurs pratiques exemplaires. Je crois que cela aurait bien du bon sens.
    Alors c'est une question pour M. Cardamone.
    Pour en revenir à la question des prix de transfert, je crois que vous avez suggéré que nous devrions contraindre les multinationales à fournir des renseignements, pays par pays. On présume que si on devait le faire sous le régime de la loi canadienne, on prévoirait dans notre loi fiscale qu'un certain nombre de choses soient signalées.
    Mais est-ce suffisant? N'est-ce pas simplement de l'information supplémentaire qui se retrouvera dans un classeur quelque part, ou pensez-vous que le code fiscal devrait contenir des règles de base concernant les violations?

  (1015)  

    Il est certain que le code fiscal devrait contenir des règles pour, principalement, traiter les violations ou combler les lacunes. Je crois que c'est essentiel.
    M. Rosenbloom a laissé entendre tout à l'heure que bien peu de multinationales ont des démêlés avec la justice dans le domaine fiscal parce qu'elles comprennent ce que les règles et les lois... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... vont jusqu'à la limite, et dans bien des cas, elles ne la dépassent pas, mais l'ennui est de déterminer où se trouve cette limite.
    Dans les faits, la réglementation permet l'évitement fiscal dans une large... [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Les modifications législatives ou réglementaires pourraient être mises en oeuvre pour combler ces lacunes qui se rapportent aux avoirs extraterritoriaux, aux avoirs dans des paradis fiscaux... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... sont très utiles pour saisir une partie des recettes fiscales qui reviennent à ces gouvernements.
    Au Canada, il y a une règle générale antiévitement, ou RGAE. Il est donc possible d'examiner une transaction et, après le fait, d'évaluer si elle est passée de l'évitement fiscal à l'évasion fiscale. Dans notre système, l'ARC, notre équivalent de l'IRS, a le pouvoir d'imposer des impôts si elle estime qu'il s'agit d'un de ces types de règles.
    Monsieur Rosenbloom, j'ignore si le système américain a quelque chose de semblable, mais si tel est le cas, est-ce que ce serait un domaine qui pourrait être élargi pour englober les prix de transfert inappropriés et autres choses du genre?
    Vous avez environ 30 secondes, monsieur Rosenbloom.
    Je pense que c'est, au fond, une question distincte des prix de transfert. Nous n'avons pas de règle générale antiévitement. Je connais bien les règles générales antiévitement du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. Elles posent problème parce que, même si elles semblent fantastiques en général, il vous faut toujours avoir des normes pour définir ce qui constitue une violation. Malgré la règle générale antiévitement, vous devez toujours penser à l'application de la règle dans les cas particuliers.
    Nos lois ont une raison d'être économique. Nous avons comme règle d'annuler les transactions à moins qu'elles aient une raison d'être économique.
    Avant, il s'agissait purement d'une loi faite par les juges. Elle sortait des tribunaux et a été en vigueur probablement entre 60 et 70 ans. Elle a été intégrée à l'alinéa 7701o) de l'Internal Revenue Code en mars 2010. Nous verrons; il est trop tôt pour voir comment cela va se passer.
    Mais je crois qu'elle est, du moins selon votre définition, semblable à votre règle générale antiévitement.
    Merci, monsieur Rankin.
    Monsieur Del Mastro, nous vous souhaitons la bienvenue. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Rosenbloom, je connais bien votre travail. Lorsque j'étudiais les finances et la comptabilité à l'université, l'un des points auxquels nous nous attachions, surtout en comptabilité fiscale, était, bien entendu, l'évitement fiscal.
    L'évitement fiscal légal est, à franchement parler, une pratique courante chez les sociétés et les particuliers. Chaque personne ici présente fait de l'évitement fiscal lorsqu'elle réclame son exemption personnelle de base ou présente un reçu d'impôt pour activités de bienfaisance. Lorsqu'elles inscrivent toutes ces choses dans leur déclaration, elles pratiquent, en fait, l'évitement fiscal.
    Les sociétés en font autant. J'ai été ravi de vous entendre dire que la majorité, et je dirais même plus la très grande majorité, des sociétés respectent les lois fiscales. J'ai suivi vos dernières élections avec grand intérêt et j'ai entendu un très grand nombre de commentaires concernant les taux d'imposition des sociétés et les taux d'imposition des particuliers au revenu élevé aux États-Unis, les taux d'imposition du revenu de dividendes, etc.
    L'un des exemples que j'ai entendus à maintes reprises est que General Electric, qui est un employeur important dans ma circonscription, a eu un revenu d'environ un milliard de dollars l'an dernier et n'a payé aucun impôt. Je ne crois pas que l'on laissait entendre que cette société avait fait quelque chose d'illégal, mais je pense que cela illustre un code fiscal qui pourrait, et qui franchement devrait, être simplifié.
    Comme vous l'avez fait remarquer, nous avons abordé tellement de questions que je ne sais plus bien comment nous allons nous y prendre pour finir par avoir une mesure applicable. Ne serait-il pas préférable de partir du début et de se demander comment on commence, dans les faits, à utiliser un régime fiscal fonctionnel qui nous donnerait les résultats escomptés si les gens se préoccupent de l'évitement fiscal? Le code fiscal des États-Unis est si complexe et comporte tant d'exceptions que cela explique, selon moi, pourquoi vous avez besoin de plus de personnel à l'IRS, car ces règles sont complexes et variées.
    Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

  (1020)  

    Vous avez dit beaucoup de choses. Permettez-moi de commencer en disant que j'ai toujours admiré le système canadien, dans la mesure où je le comprends. Il me semble être beaucoup plus efficace du point de vue des politiques, et j'ai participé à diverses discussions stratégiques au Canada concernant votre système.
    Soyons très clairs: notre système ne devrait servir de modèle à personne. Mais nous avons le facteur politique et, bien entendu, l'impôt est un sujet brûlant aux États-Unis et il l'a été pendant la majeure partie de ma vie professionnelle. J'ai dit à des gens que si vous me mettiez dans une pièce avec un certain nombre de personnes de mon choix, et je choisirais un certain nombre de gens d'affaires, je pourrais en ressortir avec un régime fiscal fonctionnel qui serait juste et beaucoup plus simple que le régime actuel, mais ce n'est pas la façon de faire de notre Congrès, et je n'ai pas la moindre influence dans ce dossier.
    Votre suggestion est très juste, du moins ce que j'estime être votre suggestion; plus une loi est complexe, plus il est possible de faire de l'évitement fiscal. Mais la réunion d'aujourd'hui ne porte pas précisément sur l'évitement en général, mais sur les paradis fiscaux en particulier, et dans ce domaine, j'ai des idées précises des mesures que les États-Unis pourraient prendre pour améliorer leur rendement, même en tenant compte de l'Internal Revenue Code dans sa forme actuelle — c'est-à-dire qu'ils pourraient traiter la question des paradis fiscaux comme un sujet précis.
    Vous avez mentionné à quelques reprises que les transferts ne sont pas tous égaux. De toute évidence, je suis d'accord avec vous. Les sociétés transfèrent souvent des fonds pour investir dans divers pays; elles le font d'une façon qui, encore une fois, optimise leurs opérations, et cela signifie qu'elles embauchent des gens plus efficacement.
    Je suppose que là est la question. Vous avez cité un certain nombre d'endroits différents et demandé de quels pays nous parlons.
    À votre avis, de quels pays parlons-nous? Je pense que c'est très important. Il y a une différence entre une administration qui n'a pas d'impôts et une autre qui a de faibles taux d'imposition.
    Manifestement, il y a pas mal de différence, alors sur quoi devrions-nous nous concentrer?
    C'est la question la plus difficile de toutes.
    Je pense que nous savons tous quels sont les paradis manifestes. Ils vont des îles Cook dans le Pacifique, que nos gens n'utilisent pas beaucoup, aux Caraïbes, où il y a de multiples îles. Il y a beaucoup d'endroits dans le monde où il n'y a pas d'impôt ou un faible taux d'imposition.
    Si j'en juge par mon expérience, les sociétés n'utilisent pas beaucoup ces endroits. Une autre distinction qu'il importe de faire, en passant, est entre l'évitement ou l'évasion des particuliers et ceux des sociétés. Il s'agit vraiment de deux sujets distincts.
    La plupart des grandes sociétés publiques ne transfèrent pas de vastes quantités de capitaux vers les îles Caïmans, car elles craignent entres autres de ternir leur réputation. Mais si vous voulez vous attaquer sérieusement aux paradis fiscaux, vous devrez au moins vous demander ce que vous allez faire avec l'Irlande, Singapour, Hong Kong et Luxembourg, parce que les multinationales font affaire avec les banques de ces administrations, et beaucoup d'argent des pays développés y est transféré.
    Je crois qu'il est bon de commencer par cerner ce dont vous parlez et, encore une fois, je pense qu'il n'est probablement pas judicieux pour un pays d'essayer de le faire lui-même. Je crois vraiment que c'est une question de pratiques exemplaires.
    Monsieur Cardamone, notre temps est écoulé, alors peut-être que vous pourriez essayer d'en parler pendant une autre ronde de questions.
    La parole est maintenant à Mme Sgro.
    Merci beaucoup.
    Encore une fois, l'information est toujours très utile.
    Je pense très souvent que nous essayons d'en faire trop. Ce serait probablement une bonne idée de nous concentrer sur les paradis fiscaux. Lorsque l'on parle de différentes façons de réussir, il est clair qu'avec la FATCA, vous avez de quoi être consternés.
    Cela dit, vous avez aussi mentionné l'importance pour les pays développés d'échanger de l'information régulièrement. Depuis 2004, le Canada, et bien sûr les États-Unis, fait partie du Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux. Je vois que vous le connaissez. Le Royaume-Uni, l'Australie, la France, la Chine, la Corée du sud et l'Allemagne sont sur le point de les rejoindre.
    Si j'en juge par vos commentaires, j'en déduis que ce type de groupe de travail est probablement la solution idéale.

  (1025)  

    Je pense qu'il y a lieu de recréer un groupe semblable parmi les pays développés, mais pas nécessairement toujours avec les mêmes pays membres.
    Mes commentaires traduisent bien le sentiment que la façon dont l'OCDE a procédé, c'est-à-dire en élargissant le groupe de pays membres, le rend moins utile qu'il l'a déjà été pour un pays développé. Je l'ai dit et répété dernièrement.
    J'aimerais que les groupes de travail se réunissent de façon beaucoup plus informelle, car je m'inquiète de la concurrence entre les pays. Je pense que les pays qui se font concurrence feront baisser les taux d'imposition, en particulier celui des sociétés, au point de ne plus du tout avoir de revenu.
    Monsieur Cardamone, voulez-vous ajouter quelque chose? Est-ce la voie à suivre?
    Je pense qu'il a raison. Il y a un nivellement par le bas en ce qui concerne les taux d'imposition, et c'est une question qui doit être traitée multilatéralement.
    Le G-8 est un excellent endroit pour tenter de le faire. Ce n'est pas le seul, bien sûr, mais il est toujours préférable de... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... ces questions de manière multilatérale que pour un quelconque pays, quelle que soit sa taille, d'essayer de faire cavalier seul.
    Cela a été mentionné deux ou trois fois. Peut-être que c'est pour nous la voie à suivre.
    Monsieur Gillespie, le rôle de l'ONU dans son comité, celui qui est formé de spécialistes de la coopération internationale qui étudient les questions fiscales; nous savons que c'est une question importante, mais quels autres mandats devrait-il avoir et, selon vous, de quelles ressources a-t-il besoin pour avoir de l'influence et réussir dans la voie qu'il suit?
    Eh bien, le G77 et la Chine proposent depuis un certain nombre d'années de transformer ce qui est essentiellement un comité en une commission représentant divers intérêts du monde. Ils considèrent que l'OCDE ne représente pas leurs intérêts et que le comité fiscal est actuellement sous la houlette des pays développés et qu'il devrait être plus démocratique et représentatif.
    Je ne suis pas certain d'être d'accord avec M. Rosenbloom, qui juge qu'il faudrait constituer un petit groupe de pays pour tenter de résoudre ces difficultés. Je considère qu'il faut tenir un processus démocratique où tous les intérêts sont représentés. Les lignes directrices de l'OCDE en matière d'établissement des prix de cession interne constituent, bien sûr, l'un des principaux écueils, car les pays en développement considèrent qu'elles ne sont pas viables et ne servent pas leurs intérêts.
    Ces pays sont d'avis que le régime actuel restreint leurs droits d'imposition. Ils veulent donc participer au débat et avoir leur mot à dire. Ils le font déjà au sein de petits groupes, comme le BRIC, qui débat de la question et formule diverses propositions. Il faut toutefois qu'il existe un forum, un lieu où les pays en développement peuvent sentir que leurs intérêts sont pris en compte.
    Plus le groupe est grand, plus il est difficile d'en arriver à un consensus réel. On ne fait que tenir réunion après réunion pendant 20 ans sans rien régler.
    En effet, mais les pays africains connaissent des problèmes similaires et n'ont donc pas tous besoin d'être représentés. Ces pays sont confrontés aujourd'hui, et depuis des années, au problème de la concurrence fiscale. Une société minière multinationale peut arriver dans un pays comme la Zambie et négocier... En fait, dans le cas de la Zambie, ces sociétés ont négocié, il y a des années, des taux de redevances ridicules de 0,06 p. 100.
    Le pouvoir que détiennent ces sociétés fait baiser les taux d'imposition dans toutes les régions de l'Afrique. L'intérêt commun peut être défendu sans que tous les pays soient représentés.
    Le président suppléant (M. Dave Van Kesteren): Madame Glover.
    Merci beaucoup.
    Je veux simplement éclaircir quelques points.
    Monsieur Rosenbloom, je m'intéresserai notamment à certains propos que vous avec tenus sur les AERF, parce que le gouvernement a entrepris de les mettre en oeuvre. Il y en a neuf maintenant, je crois. Même si ce ne sont pour l'instant que des accords bilatéraux, ils nous ont permis, en l'absence d'accord multilatéral, d'obtenir des renseignements fiscaux grâce auxquels nous avons pu recouvrer des revenus.
    Je veux simplement m'assurer que même si vous avez indiqué que vous n'approuviez pas vraiment les AERF — ce que j'ai trouvé étrange, car vous en avez négocié un —, vous conveniez qu'en l'absence d'un accord multilatéral, ces accords bilatéraux sont tout de même mieux que rien.

  (1030)  

    Oh, bien sûr. Je n'ai pas affirmé que je n'approuve pas les AERF. Je voulais signaler qu'ils ont, à mon avis, un effet restreint en raison de la manière dont ils sont généralement mis en oeuvre. Ils ont également...
    Je vous demande pardon?
    Je suis désolée; j'allais dire qu'ils nous permettent tout de même d'obtenir des renseignements auxquels nous n'aurions pas eu accès autrement. Le gouvernent a ainsi la capacité de recouvrer des impôts qui lui avaient échappé, n'est-ce pas?
    Oui, bien sûr. Une fois encore, j'ignore ce que l'expérience a donné, même dans mon pays, mais je me doute que le nombre de demandes présentées aux termes d'un AERF au cours d'une période donnée, disons un an, est assez modeste.
    Je crois que les AERF ont une importance plus symbolique que pratique. Ils ne régleront pas le problème des paradis fiscaux. Voyons les choses ainsi. Les pays qui veulent maintenir les processus de paradis fiscaux ont parfois signé des traités fiscaux autres que des AERF, des traités fiscaux qui contiennent des dispositions d'échange de renseignements. On ne s'attaque pas vraiment au noeud du problème. Ces pays ont des taux d'imposition peu élevés et attirent les investissements des pays développés.
    Je ne suis en rien opposé aux AERF. Je considère simplement qu'ils ne constituent qu'une partie relativement minime du portrait global quand il est question d'évasion fiscale et de paradis fiscaux.
    C'est tout de même mieux que rien. Je voulais simplement vous l'entendre dire.
    Oh, mais bien sûr.
    Monsieur Cardamone, vous avez beaucoup parlé de la normalisation. Je sais que les hautes instances du G-20 ont pris un engagement et fait une déclaration à ce sujet. Je vais vous lire un passage de cette déclaration. Elle indique ce qui suit:
Nous accueillons favorablement le rapport de l'OCDE sur la pratique d'échange automatique de renseignements. Nous continuerons de prêcher par l'exemple en la mettant en oeuvre. Nous demandons aux pays d'adhérer à cette pratique en expansion comme il leur convient et les encourageons tous à signer la convention multilatérale d’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
    Pourriez-vous nous indiquer pourquoi il importe que cette mesure soit adoptée et comment elle contribuera à mettre un frein à l'évasion fiscale?
     Je crois qu'elle pourrait juguler l'évasion fiscale si les pays suivent ce que le G-20 leur suggère de faire: signer des accords multilatéraux. Les pays membres du G-20 ont tracé les grandes lignes. Ils comprennent que la valeur des accords multilatéraux d’échange automatique de renseignements fiscaux... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... est une question de volonté politique. Reste à savoir si les gouvernements sont disposés à intervenir et à déclarer publiquement qu'ils veulent adhérer à ce genre de système et feront tout pour les mettre en oeuvre... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... entre ce que propose le G-20 et ce que les gouvernements font réellement.
    Très bien.
    Il faut disposer du premier pour avoir le second.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Comme le Sommet du G-8 aura lieu prochainement, ce qui s'est passé lors de celui du G-20 est important. Je crois que nous nous efforçons d'obtenir le même résultat, c'est-à-dire, comme vous l'avez tous souligné, un effort commun des pays pour en arriver à une sorte de normalisation de la manière dont nous nous attaquons au problème.
    Considérez-vous qu'un pays seul peut avoir une incidence notable dans la lutte aux paradis fiscaux? Il me semble avoir entendu clairement dire que la coopération internationale est essentielle, mais y a-t-il quelque chose que vous n'avez pas mentionné qu'un pays faisant cavalier seul pourrait faire et qui aurait un impact important, ou devons-nous négocier avec nos pays alliés pour améliorer la situation de façon notable?
    Quiconque souhaite répondre peut le faire.
    Vous avez la parole, monsieur Cardamone.
    Comme le temps nous est compté, puis-je vous demander de réponse en une demi-minute? Merci.
    Bien sûr.
    Il faudra une combinaison de mécanismes pour faire avancer les choses et mettre un frein à l'évasion fiscale. Ce ne sont pas que les accords multilatéraux... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... les lois d'un pays donné qui peut faire preuve de leadership sur la scène internationale.
    Les deux éléments entrent donc en jeu. Notre organisation agit sur les deux plans. Non seulement nous échangeons avec les organes internationaux comme le G-8, le G-20 et l'OCDE, mais nous discutons avec les divers gouvernements de ce qu'ils peuvent faire dans leur propre... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... l'un peut influencer l'autre, et un pays peut, de fait, avoir à lui seul une incidence plus considérable qu'une action commune prise par une multitude de gouvernements.

  (1035)  

    Merci, madame Glover.
    Monsieur Mai.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question pour M. Cardamone.
    En ce qui concerne l'établissement des prix de cession interne, certains ont proposé que les multinationales présentent pour chaque pays un rapport sur toutes leurs transactions, comme les coûts de la main-d'oeuvre, le nombre d'employés, les frais financiers comme les transactions tierces et intégrales, les profits avant impôt, les provisions pour impôt et les impôts payés.
    À votre avis, quels renseignements devraient figurer dans les rapports par pays?
    Nous appuyons sans réserve la recommandation voulant que les multinationales présentent des rapports par pays. Cette mesure aurait sur ces dernières une incidence relativement faible... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... compte tenu des renseignements qui seraient fournis aux autorités fiscales, aux investisseurs et au grand public. Les sociétés disposent déjà de ces renseignements, qui doivent figurer dans leurs états financiers globaux consolidés. Nous ne leur demandons que de désagréger l'information par pays.
    Ici encore, ce mécanisme en soi ne mettra pas fin à l'établissement des prix de cession interne ou à l'évasion fiscale, mais on peut espérer que conjugué aux quatre ou cinq autres... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... nous faisons au chapitre de la transparence, il constituerait l'architecture permettant de recueillir plus de renseignements, et, au final... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... juguler le flux monétaire illicite et l'évasion fiscale.
    Pouvez-vous nous donner des exemples? Est-ce que certains pays déploient des efforts en ce sens ou ont réellement mis en oeuvre de tels exigences en matière de rapport?
    Aucun gouvernement n'a exigé ou adopté de loi mettant en oeuvre une norme de reddition de compte par pays. [Note de la rédaction: difficultés techniques]... débattu dans une sphère mondiale. L'OCDE s'y intéresse, tout comme d'autres institutions multilatérales. Cette solution a gagné beaucoup [Note de la rédaction: difficultés techniques]... d'appui depuis deux ans. Reste à voir si la volonté politique se manifestera afin de la mettre en oeuvre ou pas.
    Pour quelle raison ne le mettrait-on pas en oeuvre? Les sociétés résistent-elles? Quel est votre avis sur la question?
    Tout changement suscite un inconfort, qu'il s'agisse de fiscalité ou... [Note de la rédaction: difficultés techniques]. Les sociétés ne veulent pas fournir l'information car elles n'ont jamais eu à le faire avant. Nombre d'entre elles affirment que cette obligation constitue un lourd fardeau financier. Voilà qui reste à voir. J'ignore... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... prouvé ou non par une société.
    L'important, c'est que si on procède comme nous le proposons, il s'agirait d'une norme internationale; ainsi, aucune société ou aucun particulier... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... indûment pénalisé par cette mesure. Toutes les multinationales dans tous les pays devraient se soumettre au processus.
    C'est donc une idée relativement nouvelle qui obtient un certain appui politique et une meilleure compréhension. Espérons qu'au cours des prochaines années, une norme de reddition de comptes par pays...[Note de la rédaction: difficultés techniques]... s'instaurera.
    Merci beaucoup.
    Voici une question plus générale. Au chapitre de la déclaration de revenus, quels sont les paradis fiscaux les plus populaires auprès des sociétés canadiennes ou les multinationales étrangères?
     Est-ce que quelqu'un souhaite répondre?
    J'ignore si les sociétés américaines en privilégient un en particulier, mais nous savons que 83 des 100 plus grandes sociétés américaines transigent dans des paradis fiscaux. Il s'agit donc d'un mécanisme assez largement... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... pour transférer des profits à l'étranger.
    Ma réponse a également un lien avec la question posée précédemment par M. Del Mastro.
    Le Tax Justice Network a réalisé une analyse qu'il a qualifiée de « indice du secret financier ». Il a créé une formule statistique pour analyser le niveau de divers pays du monde et les éléments qui y sont tenus secrets, déterminant s'ils ont signé des accords ou s'ils sanctionnent légalement le secret. Les cinq pays venant en tête sont la Suisse, les îles Caïmans, le Luxembourg, Hong Kong, et, fait intéressant, les États-Unis, surtout des États comme le Delaware et le Nevada. Ce sont là les cinq pays figurant en tête de liste dans cette évaluation.

  (1040)  

    Merci. C'était tout le temps que nous avons pour votre tour.
    Nous allons avoir le temps pour une autre intervention. Je laisse la parole à Mme McLeod.
    Vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je comprends fort bien qu'il s'agit d'un débat de grande envergure. Il importe toutefois de souligner que même si nous avons soulevé des questions très intéressantes au sujet de pays comme la Zambie, nous nous intéressons surtout à la situation au Canada et à la manière dont on peut protéger notre propre régime. Je vous remercie toutefois d'avoir fait ces commentaires très importants sur les autres pays.
    J'ai cependant entendu parler de la propriété des entités et du besoin d'exiger une meilleure divulgation, un point au sujet duquel les trois témoins semblaient d'accord. Je suppose que je vous poserais tous la question suivante. La transparence semble importante. Je me demande d'abord si d'autres pays exigent ce genre de transparence. Je présume ensuite, pour continuer dans la même veine, que les sociétés recourent à ces structures à des moments précis ou pour des motifs très légitimes, qui n'ont rien à voir avec les paradis fiscaux. J'aimerais donc beaucoup que vous traitiez brièvement de cette recommandation qui semble très courante.
    Monsieur Cardamone, voulez-vous commencer?
    Volontiers.
    Il n'existe aucune raison valable pour garder secrète la propriété d'une entité. Personne n'a avantage à faire affaire avec une entité quant on ignore avec qui ont transige. Ainsi... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... illustre bien pourquoi les renseignements relatifs à la propriété devraient être gardés secrets.
    Nous comprenons le désir et le besoin de secret... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... préoccupations, peut-être des déclarations de revenus ou des transactions financières avec l'entité elle-même, mais il existe une différence entre ce type de secret et... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... dont ils parlent, le fait que pour ces entités, il n'existe aucun lien permettant aux autorités fiscales ou aux organismes d'application de la loi... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... le bénéficiaire propriétaire d'un grand nombre de ces entreprises.
    Voilà où le bât blesse: ce secret n'a aucune raison d'être.
    Vous avez la parole, monsieur Rosenbloom.
    Tout d'abord, à ce que je sache, le principal problème aux États-Unis en ce qui concerne la propriété des entités est probablement le Delaware, qui permet d'être propriétaire d'entreprise au moyen d'actions au porteur. Cette pratique a suscité beaucoup de plaintes.
    Un des problèmes que j'ai à cet égard est le fait qu'il faut, selon moi, décider si on parle des particuliers ou des sociétés, car les problèmes sont fort différents. En outre, quand vous citez les principales autorités, comme le Tax Justice Network l'a fait, les problèmes sont ici encore très différents pour les sociétés et les particuliers.
    Je suis totalement en faveur de la transparence. Reste à voir si nous pouvons assurer cette transparence aux États-Unis, qui fonctionnent sous régime fédéral. Il existe des limites à ce que le gouvernement fédéral peut exiger des États au chapitre de la constitution en société. Je suis certain qu'il en va de même au Canada, même si je ne suis pas un spécialiste du droit canadien. Je ne crois pas que ce soit si facile.
    Je dirai ceci au sujet des États-Unis, puis je rendrai la parole. Les gens oublient souvent que même pour les entités émettant des actions au porteur au Delaware, les États-Unis ne sont pas transparents, mais ces sociétés paient impôts. Croyez-moi, elles en paient. Elles n'échappent pas au régime fiscal américain.
    Le gouvernement fédéral a accès à l'information et s'il le voulait, je crois qu'il pourrait débusquer les propriétaires de ces entités. Mais il faut s'astreindre à un processus complexe pour révéler les faits.
    Le véritable problème, ce sont les actions au porteur émises par les sociétés dans certains États, principalement le Delaware.

  (1045)  

    M. Gillespie a-t-il le temps d'intervenir?
    Vous avez environ une demie-minute.
    Eh bien, je crois que le temps est pratiquement écoulé, alors. Merci.
    Je crois que cela conclut notre séance.
    Je tiens à remercier ceux qui ont contribué à nos travaux: MM. Cardamone et Rosenbloom, à Washington et New York, et M. Gillespie, ici même, à Ottawa. Nous avons effectué une excellente étude. Je crois que nous aurions probablement continué encore un peu, mais le temps nous presse.
    Nous nous rencontrerons ici mardi prochain. Nous entendrons M. Carney, gouverneur, Banque du Canada.
    Sur ce, j'aimerais lever la séance. Merci.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU