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HESA Rapport du Comité

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l’APPROVISIONNEMENT EN MÉDICAMENTS AU CANADA :
UNE RESPONSABILITÉ MULTILATÉRALE

INTRODUCTION

Le 13 mars 2012, le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes (le Comité) a adopté une motion visant à mener une courte étude sur l’approvisionnement en médicaments au Canada. La motion demandait que le Comité consacre trois réunions :

[À] l’examen du rôle du gouvernement et de l’industrie dans la détermination de l’approvisionnement en médicaments au Canada, de la manière dont les provinces et les territoires décident de leurs besoins en médicaments, de la manière dont l’industrie y répond et de l’incidence de la situation sur les parties intéressées.

Au cours de ces réunions, qui se sont tenues les 27 et 29 mars et le 3 avril 2012, le Comité a entendu les témoignages de fonctionnaires de Santé Canada, de représentants de l’industrie pharmaceutique, de professionnels de la santé, de grossistes et d’acheteurs en vrac de produits pharmaceutiques et de défenseurs des droits des patients. Le présent rapport donne un aperçu du rôle que jouent ces intervenants, résume les préoccupations qu’ils ont exprimées et propose une série de recommandations susceptibles d’atténuer les risques de rupture de la chaîne d’approvisionnement en médicaments.

LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT EN MÉDICAMENTS AU CANADA

Une fois qu'un médicament a été approuvé par Santé Canada, les fabricants et les acheteurs sont libres de conclure des marchés commerciaux d'approvisionnement. Les entreprises pharmaceutiques fabriquent et fournissent les médicaments nécessaires. Les provinces et les territoires prennent des dispositions avec les fournisseurs pour acheter les médicaments en question. [...] Santé Canada n'a aucun rôle à jouer à cet égard.

Paul Glover, Santé Canada, 3 avril 2012

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Le Comité a entendu le témoignage d’intervenants de tous les horizons de la chaîne d’approvisionnement en médicaments. Santé Canada, l’organe fédéral de réglementation des médicaments, est chargé d’évaluer l’innocuité, l’efficacité et la qualité des médicaments et d’approuver ceux dont le profil risques/avantages est jugé acceptable. Santé Canada a la responsabilité d’appliquer les exigences réglementaires relatives aux médicaments approuvés, ce qui comprend l’étiquetage, l’emballage, l’importation et les bonnes pratiques de fabrication. Les médicaments qui n’ont pas été approuvés par Santé Canada ne peuvent être mis en marché au Canada.

Toutes les provinces ont des régimes d’assurance-médicaments publics destinés à certains groupes de population (essentiellement les personnes âgées et celles qui reçoivent de l’aide sociale). La liste des médicaments que ces régimes assurent se trouve sur le formulaire pharmaceutique de chaque province. C’est avec le concours de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) que les provinces décident d’ajouter un médicament donné à la liste de leur formulaire pharmaceutique. L’ACMTS est un organisme indépendant et sans but lucratif financé par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (à l’exception du Québec). L’ACMTS est responsable du Programme commun d’évaluation des médicaments (PCEM). Tous les régimes d’assurance-médicaments publics participent au PCEM (à l’exception du Québec); on compte donc six régimes fédéraux[1], neuf régimes provinciaux et trois régimes territoriaux. Le PCEM évalue l’efficacité clinique et le rapport coût-efficacité des médicaments approuvés par Santé Canada par rapport à d’autres traitements. Puis, il adresse ses recommandations aux régimes d’assurance-médicaments participants quant à leur inscription sur la liste des médicaments assurés. L’ACMTS a indiqué que, même si elle n’a aucune expertise dans le domaine de l’achat de médicaments, ses responsabilités actuelles et ses liens étroits avec les gouvernements provinciaux et territoriaux suggèrent qu’elle pourrait jouer un plus grand rôle dans le cadre d’une stratégie de gestion des pénuries de médicaments.

Lors de sa comparution devant le Comité, l’Association canadienne de la gestion de l'approvisionnement pharmaceutique (ACGAP) s’est décrite comme étant la porte-parole de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique au Canada, car elle réunit les grossistes pharmaceutiques, les chaînes de pharmacie autonomes et les fabricants de médicaments. Plus de 95 % des produits pharmaceutiques sont distribués aux pharmacies communautaires et en milieu hospitalier ainsi qu'aux centres de soins de longue durée et de soins spécialisés par les grossistes pharmaceutiques et les chaînes de pharmacie autonomes. Le rôle de l’ACGAP consiste à gérer la chaîne d’approvisionnement en médicaments. Le Comité a appris que, lorsque la quantité d'un certain médicament est limitée, le réseau de l’ACGAP participe alors au processus d’attribution pour que le produit visé soit distribué dans tout le pays de façon juste et équitable, en fonction de l'historique des tendances d’utilisation.

Selon l’analyse prospective que l’ACMTS a menée en 2011, en situation de pénurie de médicaments, les fabricants se montrent parfois réticents à diffuser les renseignements sur les ruptures d’approvisionnement. L’ACMTS a attribué cette réticence à la crainte de perdre un avantage concurrentiel ou d’une réaction négative de la part du public, ou encore à des considérations juridiques ou d’autre nature.

RÉCENTES RUPTURES D’APPROVISIONNEMENT EN MÉDICAMENTS

Le 14 mars 2012, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité la motion suivante :

Que, de l’avis de cette Chambre, le gouvernement devrait : a) en coopération avec les provinces, les territoires et l’industrie, développer une stratégie pancanadienne pour anticiper, identifier et gérer les pénuries de médicaments essentiels; b) exiger des fabricants de médicaments qu’ils rapportent rapidement à Santé Canada toute perturbation ou interruption prévue de la production; c) accélérer la révision des soumissions réglementaires afin de permettre à la population canadienne d’avoir accès à des médicaments sécuritaires et efficaces.

Cette motion a été présentée à la suite des événements survenus récemment chez Sandoz, l’un des grands fabricants de médicaments génériques au Canada, qui ont entraîné des pénuries importantes de médicaments de première nécessité. Son usine de production de Boucherville, au Québec, produit 50 % des médicaments injectables génériques qui sont utilisés dans les hôpitaux canadiens.

Le 18 novembre 2011, Sandoz a reçu une lettre d’avertissement de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, dans laquelle la FDA expliquait que l’usine ne respectait pas la réglementation américaine en matière de médicaments. Après avoir pris connaissance de cette lettre, Sandoz a ralenti sa production afin de régler les problèmes de conformité. Le Comité a appris que, en décembre 2011, Santé Canada a vu sur le site Web de la FDA la lettre d’avertissement adressée à Sandoz et que le Ministère a communiqué par la suite avec Sandoz pour savoir comment la société comptait corriger la situation. Au départ, Sandoz prévoyait suspendre sa production de plusieurs médicaments non essentiels afin de concentrer ses efforts de production sur les produits de nécessité médicale. Néanmoins, comme l’a appris le Comité, Sandoz a annoncé le 17 février 2012 une réduction immédiate de l’approvisionnement disponible en médicaments essentiels. Le Comité ignore pourquoi le plan de Sandoz de concentrer sa production sur les médicaments essentiels a échoué. Le 2 mars 2012, la ministre de la Santé a écrit une lettre à Sandoz pour lui faire part de ses préoccupations quant à son incapacité de fournir volontairement des renseignements clairs, précis, fiables et accessibles au public sur les ruptures d’approvisionnement, une situation qui contrevenait à une entente que la société avait signée l’automne précédent[2]. Le 4 mars 2012, un incendie s’est déclaré dans la salle des bouilloires d’une section de l’usine de Sandoz à Boucherville. L’incendie a forcé l’arrêt complet de la production, qui n’a pu reprendre que partiellement une semaine plus tard.

Même si ce sont les récentes pénuries qui ont motivé la présentation d’une motion visant la mise sur pied d’une stratégie nationale pour gérer les pénuries de médicaments, d’autres ruptures similaires dans la chaîne d'approvisionnement en médicaments se sont produites ces dernières années.

CHRONOLOGIE DES MESURES PRISES EN RÉPONSE AUX RUPTURES DANS LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT EN MÉDICAMENTS

Le Comité a appris que la fréquence et la durée des pénuries de médicaments se sont accrues au cours des 10 dernières années et qu’elles posent un grave problème pour les professionnels de la santé depuis au moins 2 ans. Il a également appris que, à l’automne 2010, l’Association des pharmaciens du Canada (APhC) a rencontré certains intervenants, notamment des groupes et des grossistes de l’industrie pharmaceutique, afin de trouver les causes de ces pénuries. Il a aussi appris qu’un guide visant à aider les pharmaciens à gérer les pénuries de médicaments a été publié à la fin de 2010.

Nous avons pris vraiment au sérieux la nécessité de travailler avec toutes les parties prenantes (hôpitaux membres, distributeurs) afin de créer un système d'attribution qui minimiserait la pénurie.

Michel Robidoux, Sandoz Canada, 27 mars 2012

Le 27 janvier 2011, la Société canadienne des anesthésiologistes a écrit à la ministre de la Santé pour lui exprimer ses inquiétudes concernant les pénuries d’agents anesthésiants. Le 25 mars 2011, la ministre a répondu à la Société; dans sa lettre, elle explique que le Ministère était en train d’évaluer les pénuries de médicaments de concert avec divers intervenants, notamment l’industrie pharmaceutique, des professionnels de la santé et les gestionnaires des régimes d’assurance-médicaments de plusieurs provinces. Dans sa lettre, la ministre a également indiqué que des fonctionnaires du Ministère étaient en contact avec l’industrie pharmaceutique pour évaluer son état de préparation à fournir des données sur les pénuries de médicaments, et que ces mêmes fonctionnaires avaient demandé à l’ACMTS de faire une analyse prospective des pénuries de médicaments. En mars 2011, l’analyse prospective sur les ruptures d’approvisionnement en médicaments a été publiée; elle contient plusieurs suggestions de stratégies pour gérer les pénuries de médicaments.

Au début de 2011, HealthPro Procurement Services Inc. (HealthPRO), un organisme national de groupement d'achats pour les soins de santé (OGA), a commencé à revoir sa stratégie d'attribution de contrats afin de prémunir ses membres (notamment les autorités de santé provinciales, les hôpitaux et les organismes de services partagés) contre les pénuries. Le Comité a appris que plusieurs organisations de professionnels de la santé nationales, dont la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux (SCPH), ainsi que des associations pharmaceutiques travaillent à la mise au point d’un système national de gestion de l’approvisionnement en médicaments depuis le printemps 2011. Le Comité a également été informé que, en mars 2011, l’Ordre des pharmaciens du Québec (l’Ordre) a créé un comité multi-intervenants chargé d’étudier et de cibler les causes des pénuries de médicaments et aussi de trouver des façons de gérer de telles pénuries. Les résultats de cette étude ont été publiés le 16 avril 2012.

Afin d’améliorer la transparence et de réduire le nombre de pénuries, la ministre de la Santé a écrit au début de 2011[3] à un certain nombre d’associations de l’industrie, dont Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx&D), l’Association canadienne du médicament générique (ACMG), BIOTECanada, l’Association médicale canadienne (AMC), l’APhC, ainsi qu’à des distributeurs et des grossistes. Cette correspondance visait à obtenir le concours des divers intervenants sur deux points : a) aviser les acteurs du système de santé d’une pénurie de médicaments et b) aider à réduire le nombre de pénuries[4].

En réponse à la lettre de la ministre, le Groupe de travail multi-intervenants sur les pénuries de médicaments (groupe de travail sur les pénuries de médicaments) a été formé et un plan en trois étapes a été proposé[5]. La première étape, qui s’est conclue en novembre 2011, visait la création de deux sites Web publics sur lesquels les membres de l’industrie pharmaceutique peuvent diffuser volontairement des renseignements sur les pénuries de médicaments à l’attention des professionnels de la santé et des patients de tout le Canada. Il s’agit des sites Web : University of Saskatchewan — Saskatchewan Drug Information Services (SDIS)[6] et au Québec — Ruptures d’approvisionnement en médicaments au Canada[7].

Le Comité a appris que la deuxième étape du plan visait la création d’un site Web bilingue d’information sur les pénuries de médicaments. Le nouveau site, annoncé en mars 2012, se trouve à www.penuriesdemedicaments.ca. Des témoins ont indiqué que les deux principales associations de l’industrie, soit Rx&D et l’ACMG, se sont engagées à verser jusqu’à 100 000 $ chacune pour accélérer le développement du nouveau site Web. Le Comité a également appris que le groupe de travail sur les pénuries de médicaments travaille actuellement à la troisième étape du plan, qui consistera à offrir des renseignements cliniques, notamment sur les traitements de rechange d’un médicament en pénurie, et à permettre aux professionnels de la santé d’inscrire les données directement dans le système pour valider l’état de pénurie.

Le Comité s’est aussi fait dire que les associations pharmaceutiques nationales, soit Rx&D et l’ACMG, incitent leurs membres à afficher les données sur les pénuries de médicaments à l’aide des outils mis au point par le groupe de travail sur les pénuries de médicaments. Toutefois, le Comité a appris que la Ministre a écrit récemment aux associations pharmaceutiques pour exprimer ses inquiétudes par rapport au fait que leurs membres ne diffusent pas l’information sur les pénuries de médicaments, mais que cette information était plutôt diffusée sur les sites Web des sociétés pharmaceutiques. Le Comité a appris que, depuis cette lettre, tous les membres des associations de l’industrie se sont engagés par écrit auprès de la Ministre à diffuser toute l’information et que cette dernière se trouvera sur le site Web officiel des pénuries de médicaments. Le Comité a appris que le gouvernement du Canada a ordonné à tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement de travailler ensemble pour trouver une solution. Les sociétés pharmaceutiques ont indiqué que, bien qu’il s’agisse d’un dossier complexe, elles avaient le sentiment d’avoir résolu les problèmes[8].

LES CAUSES DES RUPTURES D’APPROVISIONNEMENT EN MÉDICAMENTS

La sécurité de l'approvisionnement est aussi importante que la sécurité, que l'efficacité et que la valeur pour les soins de santé des Canadiens.

Kathleen Boyle, HealthPRO, 27 mars 2012

Les ruptures d’approvisionnement en médicaments peuvent se produire à un point ou à un autre de la chaîne d’approvisionnement. L’organe de réglementation peut avoir décelé des problèmes de conformité, le fabricant peut avoir éprouvé des problèmes de production ou de commercialisation, les acheteurs peuvent avoir acheté des surplus (intentionnellement ou non), ce qui désavantage les autres acheteurs ou, encore, il peut y avoir des pics de demande. Plusieurs témoins ont parlé des multiples facteurs susceptibles de perturber la chaîne d’approvisionnement.

Les ruptures d’approvisionnement peuvent s’expliquer par l’abandon ou l’interruption de la production d’un produit pharmaceutique ou par la réduction des niveaux de production. En ce qui concerne les abandons de production, le Comité a appris que les médicaments génériques ont une faible marge de profit, ce qui complique l’approvisionnement en matières premières et en ingrédients actifs; parfois, les fabricants choisissent tout simplement de discontinuer des gammes de produits moins rentables. Le Comité a également appris que les fusions de sociétés pharmaceutiques qui produisent des gammes de produits similaires peuvent entraîner des regroupements de produits; ainsi, des produits qui étaient auparavant vendus par plusieurs fournisseurs sont désormais vendus par un seul fournisseur. Les abandons de production de médicaments approuvés sont une réalité prévisible. Aux termes du Règlement sur les aliments et drogues, les fabricants sont tenus d’informer Santé Canada qu’ils abandonnent la vente d’un produit au Canada dans les 30 jours suivant la fin de la vente.

Dans le cas d’un approvisionnement interrompu ou réduit, le Comité a appris de fabricants pharmaceutiques que, même si le cadre réglementaire des médicaments n’a pas changé ces dernières années et qu’il est essentiellement le même pour tous les grands organes de réglementation (États-Unis, Union européenne, Australie et Canada), les règles sont cependant appliquées de façon plus stricte. On a expliqué que ce renforcement découle de la contamination de produits venant de la Chine et de la hausse récente des cas de produits contrefaits. La production de certaines sociétés pharmaceutiques a été ralentie à cause de l’intensification des inspections et du suivi plus strict des mesures de correction. En fait, l’Ordre a indiqué au Comité que les problèmes de non-conformité aux exigences de Santé Canada ou de la FDA qui ont été décelés lors d’inspections sont la cause de 43 % des pénuries de médicaments. Le Comité a également appris que des pénuries temporaires peuvent survenir lorsque la demande surpasse l’offre, mais qu’elles sont généralement corrigées sans trop de perturbations. Des circonstances imprévues (pannes dans la chaîne de production, catastrophes naturelles) ont également été citées comme certaines causes des pénuries de médicaments. Personne n’a questionné les méthodes d’application de la loi et de conformité de la FDA et de Santé Canada.

HealthPRO a parlé d’une tendance ces dernières années dans l’industrie des médicaments génériques, à se procurer les matières premières et les ingrédients actifs à l’extérieur; cette tendance a pour effet de déstabiliser la chaîne d’approvisionnement mondiale. Des témoins de l’industrie ont indiqué qu’ils achètent souvent leurs ingrédients actifs à l’étranger, en Chine et en Inde notamment. L’ACMG a affirmé que les restrictions tarifaires qu’imposent les provinces à l’industrie des médicaments génériques peuvent avoir pour effet de réduire le nombre de fournisseurs auprès desquels l’industrie peut se procurer des ingrédients actifs. On a fait remarquer que les fabricants dépendent souvent d’un seul fournisseur pour obtenir les matières premières nécessaires et les ingrédients actifs, ce qui les rend vulnérables aux ruptures d’approvisionnement dans le cas où le fournisseur n’est pas en mesure de répondre à leurs besoins.

En dépit des nombreuses causes possibles des pénuries de médicaments, tous les témoins ont convenu que la cause la plus évitable des ruptures d’approvisionnement en médicaments était la tendance d’attribuer des contrats à un seul fournisseur pour les achats en vrac ou encore la tendance, chez les fabricants, à dépendre d’un seul fournisseur pour se procurer les matières premières et les ingrédients actifs dont ils ont besoin. Tous les intervenants étaient d’avis que le fait de dépendre d’un seul fournisseur avait pour effet de fragiliser considérablement la chaîne d’approvisionnement en médicaments.

Il est difficile […] de déterminer l’ampleur du problème [des pénuries de médicaments] au Canada, parce que les fabricants ne sont pas tenus de signaler les ruptures d’approvisionnement en médicaments et parce qu’il n’existe pas un unique organisme canadien justiciable qui surveille la distribution des médicaments dans l’ensemble du système.

Brian O’Rourke, ACMTS, 3 avril 2012>

À l'heure actuelle, nous estimons qu'en adoptant un mode d'attribution de contrat unisource, on élimine la concurrence, on élimine le choix, et on n'est pas en mesure de s'ajuster plus tard.

Russell Williams, Rx&D, 27 mars 2012>

COMMENTAIRES DES INTERVENANTS

1. Sécurité des patients

Il importe peu qui récolte les profits rattachés aux soins de santé, pourvu qu'on réponde aux besoins des patients.

Gail Attara, Coalition pour de meilleurs médicaments, 29 mars 2012

Le Comité a appris que le paysage des soins de santé s’est transformé au fil des ans. Autrefois dominé par les interventions chirurgicales ou pharmaceutiques à court terme, il est courant aujourd’hui que les patients suivent un traitement médicamenteux prolongé, souvent composé de multiples ordonnances. Le Comité a appris qu’il est particulièrement difficile de changer les régimes médicamenteux des patients qui suivent un traitement à long terme, et que les personnes atteintes de maladies chroniques ou potentiellement mortelles doivent pouvoir compter sur un approvisionnement continu. Des témoins ont décrit les difficultés que pose la recherche de solutions de rechange pour les patients. Ils ont souligné que les médicaments de rechange sont parfois plus coûteux, pas toujours accessibles et peuvent être inefficaces ou inappropriés pour certains patients en raison de leurs effets indésirables. De plus, un changement d’ordonnance peut entraîner la modification de la prise des médicaments, ce qui peut compliquer la tâche des patients et des personnes qui les soignent. La SCPH a souligné que son travail est beaucoup plus complexe et que les risques pour les patients sont plus élevés lors d’une pénurie de médicaments. Comme elle l’a expliqué, son rôle lors des ruptures d’approvisionnement en médicaments consiste à trouver des médicaments de rechange ou d’autres concentrations, dosages ou formes posologiques du même médicament, ainsi qu’à préparer des médicaments à partir de matières premières. Le Comité a appris que cette situation est susceptible de compliquer encore davantage le régime de traitement et qu’elle accroît les risques d’erreur lors de la prescription, de la préparation et de l’administration des médicaments et du suivi de la prise de la médication. Finalement, des défenseurs des droits des patients ont parlé de la frustration et de l’angoisse que les pénuries de médicaments provoquent chez les utilisateurs finaux, à savoir les Canadiens et les Canadiennes de tous âges qui comptent sur ces produits pour contrôler et traiter la douleur et la maladie. Ils ont insisté sur la nécessité d’inclure les groupes de patients dans le débat sur les pénuries de médicaments et dans la recherche de solutions au problème.

2. Attribution de contrats à un fournisseur exclusif

[Le] seul fabricant de nombreux médicaments a fait réaliser à l'ensemble des acteurs de notre système de santé la vulnérabilité qu'occasionne la dépendance à un fournisseur unique.

Diane Lamarre, l’Ordre, 29 mars 2012

Comme il a été indiqué précédemment, des témoins ont parlé de la pratique de plus en plus courante chez les OGA qui sont chargés d’acheter en vrac les médicaments pour le compte des hôpitaux d’attribuer des contrats exclusifs aux fabricants de produits génériques. Bien que cette pratique vise à maintenir les prix le plus bas possible, le Comité a aussi appris que l’attribution d’un contrat à fournisseur exclusif est la stratégie la plus sûre pour la prestation des soins de santé, car elle réduit les risques liés à un produit en particulier. On entend par là que des produits multiples, qui peuvent chacun avoir un protocole de livraison particulier, comportent un certain niveau de risque. Du point de vue des acheteurs en vrac des milieux hospitaliers, la précarité à laquelle conduit l’attribution d’un contrat à fournisseur exclusif serait mieux gérée si le fournisseur en question a d’autres sources d’approvisionnement en matières premières et en ingrédients actifs et s’il peut compter sur le concours d’autres usines de production en cas de nécessité.

3. Site Web sur les pénuries de médicaments

[N]ous comptons sur le groupe de travail pour continuer ces efforts, améliorer ces sites Web et veiller à ce qu'ils deviennent graduellement plus exacts.

David Johnston, ACGAP, 27 mars 2012

Les témoins ont fréquemment évoqué les travaux du groupe de travail sur les pénuries de médicaments. Bien que les témoins se soient tous dits favorables au nouveau site Web national bilingue d’information sur les pénuries de médicaments, plusieurs d’entre eux ont fait observer que ce site est financé et exploité par l’industrie pharmaceutique et que les sociétés pharmaceutiques n’ont pas l’obligation d’y communiquer l’information sur les ruptures d’approvisionnement. Des témoins ont avancé que les renseignements diffusés sur les deux sites Web de la Saskatchewan et du Québec sont insuffisants.

Plusieurs témoins, tout en appuyant les efforts déployés jusqu’à présent pour établir un site Web national sur les pénuries de médicaments, ont exprimé leur préférence pour la déclaration obligatoire[9]. Ils ont suggéré que les considérations financières empêchent les fabricants pharmaceutiques de respecter leur responsabilité morale d’aviser les intervenants d’une rupture d’approvisionnement dans les meilleurs délais. Des témoins ont également exprimé des réserves quant au fait que le site Web soit exploité par des fabricants de médicaments.

Le Comité a appris que la ministre de la Santé a trouvé encourageant qu’en réponse à sa lettre demandant une plus grande transparence au sujet des pénuries de médicaments, les associations de l’industrie aient clairement demandé à leurs membres de déclarer publiquement les pénuries appréhendées ou réelles. En outre, les acheteurs de médicaments peuvent contraindre les fournisseurs, au nom de leurs clients provinciaux et territoriaux, à faire de telles déclarations s’ils ajoutent, à leurs contrats d’approvisionnement, cette exigence en même temps que l’obligation faite aux fournisseurs d’avoir un plan de secours pour le cas où ils seraient incapables de répondre à la demande.

4. Programmes de Santé Canada

Afin de sélectionner des médicaments de rechange et de s'en procurer, les pharmaciens consultent la Base de données sur les produits pharmaceutiques de Santé Canada [...] et le Programme d'accès spécial.

Myrella Roy, SCPH, 29 mars 2012

Comme il a été mentionné précédemment, au Canada, la réglementation exige que les fabricants avisent Santé Canada qu’ils abandonnent la vente d’un médicament dans les 30 jours suivant la fin de la vente. Santé Canada peut alors consigner cette information dans sa Base de données sur les produits pharmaceutiques (BDPP), qui est une base de données publique et interrogeable sur les médicaments approuvés au Canada et dont les fabricants ont indiqué qu’ils sont commercialisés ici. La BDPP indique l’état (actif ou discontinué) de chaque médicament. Le Comité a appris que l’information sur l’état d’un médicament n’est pas toujours exacte, ce qui peut nuire à la capacité des fournisseurs de soins de santé de trouver d’autres options de traitement pour leurs patients.

Le Programme d'accès spécial (PAS) de Santé Canada est conçu pour permettre aux fournisseurs de soins de santé des médicaments et des appareils médicaux dont la vente au Canada n’a pas été approuvée. Le volet « médicaments » du PAS vise à offrir des options de traitement aux personnes atteintes d’une maladie grave ou potentiellement mortelle lorsque les traitements habituels se sont révélés inefficaces, ne conviennent pas ou ne sont pas disponibles. Les ruptures d’approvisionnement en médicaments ne sont qu’une des situations pour lesquelles le PAS a été créé. Le Comité a appris que les récentes pénuries ont fait ressortir le besoin de moderniser le PAS, car le processus est long et fastidieux.

5. Médicaments de nécessité médicale

Nous devons désormais planifier plus en amont pour éviter [que la situation] ne se répète.

Joel Lexchin, à titre personnel, 3 avril 2012

Un certain nombre de témoins ont indiqué au Comité qu’il faudrait identifier et répertorier les médicaments de première nécessité, ou de nécessité médicale, jugés indispensables et fournis uniquement par un ou deux fournisseurs, et qu’il faudrait suivre de près leur approvisionnement. Il a été suggéré qu’une telle liste indique les options de traitement possibles en cas de rupture d’approvisionnement. Des fournisseurs de soins de santé ont insisté sur le fait que les fabricants de médicaments ont l’obligation morale de fiabiliser la chaîne d’approvisionnement en médicaments de première nécessité. Dans cet esprit, certains témoins ont indiqué qu’il serait souhaitable de resserrer les exigences réglementaires et contractuelles de ces fournisseurs afin d’assurer cette fiabilité, reconnaissant qu’une telle mesure est de compétence provinciale.

6. Établissement des prix des médicaments et politiques

Les prix à l'échelle mondiale diminuent pour certains de ces produits, et, par conséquent, il y a moins d'entreprises qui peuvent exister commercialement en fabriquant ces produits.

Jim Keon, ACMG, 27 mars 2012

L’établissement du prix des produits pharmaceutiques brevetés est réglementé par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB). Le CEPMB s’assure que les produits médicamenteux brevetés sont vendus à des prix raisonnables. Pour ce faire, il compare le prix de chaque médicament dans sept autres pays, à savoir la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Lorsqu’un produit pharmaceutique n’est plus protégé par un brevet, il est alors possible de soumettre à Santé Canada des versions génériques du produit à des fins d’approbation. Comme des témoins l’ont expliqué, une fois ces versions approuvées, on en établit le prix en fonction de deux systèmes d’établissement de prix de réglementation provinciale, soit un système pour les hôpitaux et un système pour les pharmacies de détail. Le Comité a appris que les provinces et les territoires ont chacun la responsabilité d’acheter leurs médicaments et que ce processus se fait en vase clos. Le Comité a également appris que les produits pharmaceutiques sont achetés en vrac pour les hôpitaux; on privilégie les versions génériques dans la mesure du possible, car elles sont plus abordables que les marques d’origine. Ces achats en vrac sont effectués par les OGA au moyen d’un processus d’appel d’offres. Ce processus est assujetti à la réglementation provinciale sur le commerce intérieur et les appels d’offres.

Le deuxième système d’établissement des prix vise les pharmacies de détail. Les lois provinciales imposent parfois des restrictions sur les prix des produits génériques inscrits sur les formulaires. Par exemple, comme le Comité l’a appris, l’Ontario a récemment modifié sa réglementation des prix de façon à plafonner le prix des médicaments génériques à 25 % du prix de leur équivalent d’origine. Toutefois, le Comité a appris que les provinces peuvent, dans une certaine mesure, déroger à cette règle lorsque le coût d’un médicament vendu dans une pharmacie de détail est plus élevé et que le plafonnement du prix devient si bas qu’il dissuade les sociétés pharmaceutiques de produire le médicament en question. Le Comité a également appris que la réglementation du Québec prévoit que la province ne paiera pas davantage que les autres provinces pour les médicaments génériques.

Selon les renseignements que le Comité a recueillis, le prix de détail des médicaments génériques est concurrentiel à l’échelle internationale et, partout dans le monde, on constate une réduction du prix de plusieurs médicaments génériques. Par conséquent, le nombre de sociétés pharmaceutiques qui produisent ces médicaments génériques diminue, ce qui freine la concurrence, favorise l’attribution de contrats à un fournisseur exclusif et limite l’accès aux médicaments.

UN RÔLE POUR CHACUN

En effet, la question des pénuries de médicaments exige l'attention et la collaboration de tous ‒ nous, comme innovateurs, les génériques, tous les gouvernements, les professionnels de la santé et tous les autres ‒ qui jouent un rôle dans la fourniture ou le système d'approvisionnement de médicaments aux Canadiens.

Russell Williams, Rx&D, 27 mars 2012

Au cours des trois réunions, le Comité a fréquemment entendu que, au Canada, la chaîne d’approvisionnement en médicaments compte de multiples acteurs et qu’ils peuvent tous jouer un rôle pour accroître la fiabilité de l’approvisionnement en médicaments.

Santé Canada est chargé d’approuver les nouveaux médicaments pour qu’ils puissent être vendus sur le marché canadien; à ce chapitre, le Ministère a admis avoir du retard dans l’approbation des médicaments génériques. Toutefois, le Comité a appris que les récentes modifications apportées aux frais que les sociétés pharmaceutiques doivent payer à Santé Canada pour soumettre leurs médicaments ont permis au Ministère d’accroître ses ressources et d’améliorer ses délais de traitement. Résultat : Santé Canada a indiqué être désormais capable de traiter plus rapidement les demandes d’approbation de médicaments génériques et d’autoriser la vente d’un plus grand nombre de médicaments génériques sur le marché canadien. Le Comité a cependant appris que les formulaires pharmaceutiques provinciaux peuvent ne répertorier qu’une seule option générique, même s’il en existe plusieurs. Malheureusement, les fonctionnaires provinciaux qui avaient été conviés à venir témoigner devant le Comité ont décliné l’invitation à comparaître. Par conséquent, le Comité n’a entendu aucun représentant provincial dont le témoignage lui aurait permis d’examiner plus avant le rôle des formulaires pharmaceutiques et des politiques tarifaires ou des processus d’appels d’offres pertinents dans le contexte de la fiabilité de l’approvisionnement en médicaments. De plus, le Comité comprend que l’examen accéléré de plus de 40 soumissions a maintenant permis d’approuver plus de 20 médicaments, ce qui pourrait aider à remédier aux pénuries actuelles, bien qu’on ne sache pas précisément à quel moment ces médicaments seront commercialisés. En outre, les représentants de Santé Canada ont informé le Comité que le Ministère avait approuvé l’ajout de 10 autres sites étrangers à la liste des sites autorisés de Sandoz aux fins de la fabrication et de la mise à l’essai de médicaments destinés au marché canadien.

Des témoins ont aussi parlé du rôle de Santé Canada pour obliger les fabricants à déclarer l’abandon de la vente d’un produit au Canada et de la façon dont cette information et d’autres données doivent être conservées à jour dans la BDPP du Ministère. Le Comité a obtenu des renseignements sur la responsabilité de Santé Canada par rapport au PAS, et des fonctionnaires ont indiqué que le Ministère a approuvé 59 demandes aux fins du Programme en raison des pénuries de médicaments. Des fonctionnaires de Santé Canada ont informé le Comité que l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) exploite le Système de la réserve nationale d'urgence (SRNU) et que, bien que le SRNU soit depuis peu accessible aux provinces en réponse aux pénuries, il n’a fait l’objet d’aucune demande.

Certains témoins sont d’avis que le gouvernement fédéral doit être plus actif sur la scène mondiale, et l’APhC a indiqué que les provinces et les territoires attendent du fédéral non seulement qu’il relaie l’information obtenue à l’échelle internationale, mais aussi qu’il soulève leurs préoccupations dans les tribunes mondiales. Certains témoins ont exhorté Santé Canada à porter la question des pénuries de médicaments à l’attention de l’Organisation mondiale de la Santé et de l’Organisation de coopération et de développement économiques afin qu’elle soit rigoureusement analysée sous un angle international.

Des fabricants ont avancé que, souvent, ils n’ont d’autre choix que de se procurer les matières premières et les ingrédients actifs dont ils ont besoin auprès d’un fournisseur unique, principalement en raison de la chute des prix. Ils ont également avancé que la faiblesse des marges de profit expliquerait pourquoi de moins en moins de sociétés produisent certains médicaments génériques ou pourquoi le nombre d’usines en mesure d’en produire ne cesse de diminuer. Le Comité a appris de l’industrie de fabrication des médicaments d’origine que la pratique d’attribuer un contrat à un fournisseur exclusif une fois qu’un médicament n’est plus breveté écarte la concurrence; toutefois, ils n’ont pas indiqué si l’industrie adhère à la politique de pratiquer des prix concurrentiels lorsque les produits ne sont plus protégés par un brevet, une politique qui a cours parmi ses membres. Certains témoins ont parlé de la responsabilité morale des fabricants de médicaments de maintenir la production des médicaments de première nécessité ou essentiels. Les sociétés pharmaceutiques doivent évaluer cette obligation morale en fonction des profits décroissants lorsqu’elles décident de commercialiser des médicaments génériques au Canada.

Je pense en fait que le gouvernement a joué un rôle important pour que nous travaillions ensemble en vue de trouver une solution.

Russell Williams, Rx&D, 27 mars 2012

Le Comité a également appris que la ministre de la Santé a commencé à se préoccuper vivement, il y a un an, du problème mondial que posent les pénuries de médicaments, qui sont de plus en plus fréquentes; elle a écrit aux associations de l’industrie, dont l’APhC, pour leur demander de travailler ensemble pour explorer des façons de réduire l’incidence des pénuries de médicaments à l’avenir et d’améliorer la transparence. Cela permettrait d’améliorer le mécanisme de notification au sein du système de santé en cas de pénurie de médicaments et de faciliter les interventions. Le Comité s’est également fait dire que les fabricants de médicaments ont, dans l’ensemble, une bien plus grande part de responsabilité morale par rapport aux soins de santé au Canada. En effet, la permission de faire des profits dans le système de soins de santé canadien devrait aller de pair avec un engagement envers les soins aux patients en assurant un approvisionnement stable. Les fabricants mondiaux de médicaments doivent s’assurer que les plans visant à corriger les problèmes ne nuisent pas, dans une large mesure, à la production des produits pharmaceutiques offerts au Canada.

Les acheteurs en vrac ont indiqué qu’ils entendent modifier leurs pratiques d’appel d’offres de façon à réduire leur dépendance à l’égard des fournisseurs uniques. Ils ont avancé qu’ils peuvent y parvenir soit en accordant un contrat à un fournisseur secondaire, soit en obligeant le fournisseur à disposer de plans de secours en cas de rupture d’approvisionnement. Le Comité note que, selon certains témoignages, les fournisseurs pourraient en fait avoir avec les acheteurs en vrac l’obligation contractuelle de respecter les quotas d’approvisionnement, mais que les contractants ne font pas forcément observer ces modalités. De plus, les grossistes et les distributeurs doivent faire leur part pour fiabiliser l’approvisionnent en médicaments. Le Comité a appris que leur organisme-cadre l’ACGAP fait partie du groupe de travail sur les pénuries de médicaments. Le Comité a également appris que les grossistes et les distributeurs jouent un rôle fondamental pour que les médicaments soient distribués d’une façon juste et équitable.

L’ACMTS a fait connaître sa volonté d’assumer des responsabilités charnières dans le cadre d’une stratégie de gestion de l’approvisionnement en médicaments pour prévenir et atténuer les ruptures d’approvisionnement. Le Comité a appris qu’en raison de son rôle actuel, qui consiste à évaluer le rapport coût-efficacité des médicaments approuvés par Santé Canada et à fournir des recommandations d’inscription sur les formulaires des régimes fédéraux, provinciaux et territoriaux participants, l’ACMTS est tout indiquée pour fournir des conseils cliniques sur les médicaments de rechange dans l’éventualité d’une pénurie. L’ACMTS a également suggéré qu’elle serait capable d’établir une liste de médicaments de première nécessité qui ne sont disponibles qu’auprès d’un ou deux fournisseurs. Lorsqu’il a été question de savoir s’il est opportun que le site Web sur les pénuries de médicaments soit exploité par l’industrie pharmaceutique, il a été suggéré que l’ACMTS pourrait être un choix mieux indiqué.

Finalement, le Comité applaudit les efforts des utilisateurs finaux, à savoir les professionnels de la santé et les patients. Il reconnaît leur rôle fondamental et les encourage à continuer de participer et à demeurer vigilants. Leur voix est essentielle pour réussir à obliger les fabricants de médicaments à répondre de leurs actes.

RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

Des renseignements au sujet du problème des pénuries de médicaments ne peuvent se substituer à des solutions au problème.

John Haggie, AMC, 29 mars 2012

1. Médicaments essentiels et traitements de rechange

Le Comité applaudit la création du Groupe de travail multi-intervenants sur les pénuries de médicaments et convient qu’il s’agit d’un premier pas positif pour renforcer la fiabilité de l’approvisionnement en médicaments au Canada. Toutefois, le Comité prend note des préoccupations de certains témoins sur le fait qu’une liste de médicaments essentiels devrait être établie et que des traitements de rechange soient identifiés.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la ministre de la Santé, en consultation avec les provinces et les territoires, étudie la possibilité que l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé établisse une liste des médicaments qui ne sont fournis que par une ou deux sociétés pharmaceutiques et qui sont considérés comme étant essentiels aux soins médicaux;

Que la ministre de la Santé, en consultation avec les provinces et les territoires, demande que l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé communique l’information clinique sur le recours à des traitements de rechange.

2. Déclaration

Le Comité comprend les préoccupations des témoins qui demandent instamment que la déclaration sur le site Web soit obligatoire et non volontaire. Toutefois, il propose que le rôle de Santé Canada se limite à surveiller les abandons, et il suggère que la déclaration obligatoire des ruptures temporaires serait mieux contrôlée à l’échelle provinciale ou au moyen d’obligations contractuelles avec des OGA. Au chapitre de l’attribution de contrats à un fournisseur exclusif, le Comité a entendu à maintes reprises que, peu importe si cette pratique est attribuable au processus d’appel d’offres, à l’absence de traitements de rechange approuvés au Canada ou au fait qu’un fabricant n’a qu’un seul fournisseur de matières premières ou d’ingrédients actifs, elle rend les Canadiens et les Canadiennes vulnérables aux ruptures d’approvisionnement. Le Comité comprend que tous les intervenants ont un rôle à jouer afin de minimiser, voire éliminer, le recours à cette pratique.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que Santé Canada envisage de modifier l’exigence réglementaire pour les fabricants de l’aviser qu’ils ont abandonné la vente d’un produit dans les 30 jours suivant la fin de la vente au Canada, de façon à ce qu’ils doivent donner un préavis de six mois pour les abandons planifiés;

Que la ministre de la Santé travaille avec ses homologues provinciaux et territoriaux pour inciter les organismes de groupement d’achats, les responsables des régimes d’assurance-médicaments et les autres signataires d’ententes contractuelles avec des sociétés pharmaceutiques:

·         à obliger les sociétés pharmaceutiques à déclarer toute rupture d’approvisionnement sur le site Web sur les pénuries de médicaments; et,

·         à dissuader le recours à l’attribution de contrats à un fournisseur exclusif et à inclure l’obligation, pour les fournisseurs, d’avoir préparé des plans de secours dans l’éventualité où ils seraient incapables de répondre à la demande.

3. Politiques d’établissement des prix

Le Comité partage les préoccupations de plusieurs témoins concernant l’absence de compétitivité au sein de l’industrie des médicaments génériques en raison du fléchissement des prix et de la faiblesse des marges de profit associées à ces produits. Toutefois, il n’a pas entendu suffisamment de témoignages à cet égard pour tirer des conclusions et proposer des solutions. Même s’il reconnaît que l’autorité du gouvernement fédéral est limitée dans ce domaine, le Comité propose que Santé Canada joue un rôle de premier plan à ce chapitre en vue de promouvoir une stratégie nationale.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la ministre de la Santé encourage ses homologues provinciaux et territoriaux à amorcer un examen des politiques d’établissement des prix des médicaments qui relèvent de leur compétence, ce qui comprend les restrictions sur le prix des médicaments génériques et les exigences en matière d’appel d’offres et de passation de marchés, afin d’établir leur incidence sur l’approvisionnement en médicaments.

4. Programmes fédéraux existants

Santé Canada a indiqué que, en plus d’approuver les médicaments, il est également responsable de maintenir la BDPP et le PAS. De l’avis des intervenants, ces deux outils sont utiles pour gérer une pénurie de médicaments. Toutefois, il est nécessaire que la BDPP soit à jour et que le PAS puisse répondre le plus rapidement possible aux besoins urgents qui surgissent en situation de crise. Le Comité se dit encouragé par l’attention que le Ministère porte à ses programmes à cet égard. Le Comité note que, bien que l’ASPC ait annoncé que le SRNU serait disponible pendant cette pénurie de médicaments, il ne semble pas y avoir de politique générale concernant son utilisation lors de pénuries de médicaments de première nécessité.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que l’Agence de la santé publique du Canada élabore une politique sur le rôle du Système de la réserve nationale d’urgence lors des pénuries de médicaments essentiels.

5. Présence à l’échelle internationale

Plusieurs témoins ont souligné que la question de l’approvisionnement en médicaments et du problème de pénuries est d’ordre mondial. Le Comité convient que le gouvernement fédéral doit assurer une forte présence sur la scène internationale pour soulever les préoccupations de nos intervenants dans les tribunes mondiales. Ainsi, le gouvernement fédéral peut mettre en commun des pratiques exemplaires, apprendre d’autres pays et présenter par la suite de nouvelles données aux gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi qu’aux organisations professionnelles.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que la ministre de la Santé maintienne sa collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé et l’Organisation de coopération et de développement économiques pour régler la question des pénuries de médicaments afin que les causes mondiales du problème et les solutions potentielles puissent être examinées.

CONCLUSION

Le Comité reconnaît que de nombreux acteurs participent à la mise sur pied d’une stratégie nationale d’anticipation, d’atténuation et de gestion des pénuries de médicaments, et il applaudit les efforts qu’ont déployés tous les intervenants en ce sens jusqu’à présent. Compte tenu de l’augmentation de la fréquence et de la durée des pénuries de médicaments ces dernières années, le Comité s’attend à ce que tous les intervenants fassent un effort concerté pour qu’une stratégie d’ensemble soit mise sur pied le plus rapidement possible.


[1]              Les six régimes fédéraux d’assurance-médicaments sont administrés par Santé Canada (Premières nations et Inuits admissibles), le ministère des Anciens Combattants (anciens combattants admissibles), le ministère de la Défense nationale (membres des Forces canadiennes), la Gendarmerie royale du Canada (membres réguliers et retraités admissibles), le Service correctionnel du Canada (détenus sous responsabilité fédérale admissibles) et Citoyenneté et Immigration Canada (réfugiés et personnes détenues par CIC admissibles).

[2]              Santé Canada, 3 avril 2012.

[3]              Ibid.

[4]              Ibid.

[5]              Ibid.

[6]              Le site Web peut être consulté à http://druginfo.usask.ca/healthcare_professional/drug_shortages.php.

[7]              Le site Web peut être consulté à http://vendredipm.wordpress.com/.

[8]              Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, 27 mars 2012.

[9]              Ordre des pharmaciens du Québec et Société canadienne des anesthésiologistes, 29 mars 2012; HealthPRO Procurement Services Inc., 27 mars 2012; Alliance canadienne de l'épilepsie (soumission écrite).