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OGGO Rapport du Comité

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RENFORCER L’EXAMEN PARLEMENTAIRE DES PRÉVISIONS BUDGÉTAIRES ET DES CRÉDITS

SECTION 1 : INTRODUCTION

Contexte de l’étude

Tous les ans, le gouvernement demande au Parlement d’approuver ses demandes de fonds pour qu’il puisse remplir ses obligations financières. Ce processus est communément appelé travaux des subsides (ou travaux des crédits). La Couronne transmet à la Chambre des communes les plans de dépenses du gouvernement, ou « budgets des dépenses », pour qu’ils soient examinés et approuvés par le Parlement. Seul le Parlement est habilité à autoriser les crédits.

Les comités permanents, à titre de prolongements de la Chambre, jouent un rôle important en examinant et en scrutant les plans de dépenses du gouvernement pour que le Parlement puisse les approuver. On s’attend à ce que les comités fassent un examen approfondi des dépenses et du rendement du gouvernement. Toutefois, on sait depuis longtemps que le Parlement ne remplit pas ce rôle efficacement et que les comités permanents ne font, au mieux, qu’un examen superficiel des plans de dépenses du gouvernement.

Dans l’histoire récente, deux grandes études ont été faites sur le processus du budget des dépenses : la première en 1998 par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, et la seconde en 2003 par le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre (ci-après le Comité). Des 75 recommandations qui ont été faites dans ces deux rapports, L’étude des crédits : boucler la bouche du contrôle[1] et Pour un examen valable : améliorations à apporter au processus budgétaire[2], peu de changements ont été apportés. Le processus d’examen du budget des dépenses et des crédits doit donc être revitalisé, car des progrès peuvent encore être réalisés pour parvenir à un examen plus efficace.

Les observateurs et nombre de députés étant toujours insatisfaits du rôle du Parlement dans l’examen des dépenses gouvernementales, le Comité a commencé une étude en janvier 2012 sur le processus d’examen du budget des dépenses et des crédits dans l’espoir d’éliminer certains des obstacles qui nuisent à l’examen parlementaire du budget des dépenses. Créé en 2002, le Comité a pour mandat clair de guider et de surveiller le processus d’examen du budget des dépenses de la Chambre, soit directement par l’étude des documents budgétaires, soit indirectement par l’examen des opérations gouvernementales. Gardant ce rôle à l’esprit, plutôt que de recommander de grands changements qui pourraient ne pas être mis en œuvre, le Comité se propose de faire quelques modestes recommandations qui seront mieux ciblées et se traduiront par des progrès dans certains secteurs.

Objectifs de l’étude

Certains parlementaires estiment qu’ils ne disposent pas de l’information ni du soutien ou de l’expertise nécessaires pour demander des comptes au gouvernement de manière efficace. Les préoccupations sont nombreuses, et le volume et la complexité de l’information fournie ainsi que le court laps de temps accordé pour comprendre pleinement les documents et lier le tout ne constituent que la pointe de l’iceberg. Les membres du Comité espèrent que le gouvernement rendra le processus plus cohérent, fournira de l’information plus claire, plus uniforme et plus fiable et veillera à ce que tous les députés aient une bonne compréhension et des repères communs pour pouvoir mieux étudier les plans de dépenses du gouvernement.

Le Comité espère miser sur le travail effectué par d’autres comités et les connaissances des experts pour formuler des recommandations qui amélioreraient le rôle global du Parlement dans le processus budgétaire. En améliorant le processus, on pourrait accroître la transparence et la reddition de comptes à titre de principaux éléments d’une bonne gouvernance. Par la présente étude, les membres du Comité espèrent modifier la perception du public selon laquelle le Parlement est inefficace dans son examen du budget des dépenses. Comme l’a dit Jack Stilborn, ancien analyste de la Bibliothèque du Parlement maintenant à la retraite, « l'une des difficultés consiste à déterminer comment le Parlement fonctionne vraiment aujourd'hui … Si les attentes étaient plus réalistes, la frustration serait sans doute moindre, et il pourrait en découler des changements pouvant véritablement faire une différence[3]. »

Le Comité a axé son étude sur l’examen du processus à trois niveaux — procédure, structure et soutien — afin de déterminer comment renforcer le processus parlementaire d’examen du budget des dépenses et des crédits. Par exemple, en cette ère de technologies de l’information modernes, il existe des possibilités de transformation de la façon dont l’information est communiquée afin de diminuer la complexité et le volume des documents imprimés. On pourrait aussi modifier les processus de manière à les rendre plus efficaces tant pour les députés que pour le grand public en liant plus étroitement le budget et les documents budgétaires ou en changeant la structure des crédits afin que les parlementaires aient davantage leur mot à dire sur le processus budgétaire.

Le Comité espère donc que son étude et le présent rapport aboutiront à un meilleur examen du budget des dépenses par les comités permanents. Il faudra, pour ce faire, améliorer le processus parlementaire d’examen du budget des dépenses et faire en sorte que les parlementaires disposent d’une information claire et facile à comprendre sur les prévisions de dépenses et du soutien et des capacités voulus pour interpréter correctement l’information mise à leur disposition.

Le présent rapport repose sur les témoignages livrés ces derniers mois par des gens de différents horizons. Au nombre de ces témoins, on compte d’anciens députés, des représentants du gouvernement, des universitaires, des experts internationaux, le vérificateur général du Canada, le directeur parlementaire du budget et un ancien greffier de la Chambre des communes, notamment. Après un bref historique des travaux des crédits au Canada, le rapport énonce les constatations et les recommandations du Comité à la lumière de ces témoignages.

Les travaux des crédits, une origine britannique[4]

Les principes servant de fondement aux procédures financières parlementaires du Canada remontent à la Grande Charte, signée par le roi Jean sans Terre en 1215. Lorsqu’il ne pouvait financer la plupart des dépenses publiques à l’aide de ses propres recettes, le roi était forcé de se procurer des fonds en convoquant le grand conseil du royaume, le Parlement, pour qu’il détermine quels impôts et droits devraient servir à soutenir la Couronne. Il était généralement admis que lorsque des « subsides » ou « crédits » étaient requis, le roi devait demander le consentement non seulement pour lever un impôt, mais encore pour la façon dont les recettes tirées de cet impôt devraient être dépensées. En 1295, le décret de convocation à un de ces conseils proclamait que « ce qui tous concerne devrait être par tous approuvé[5] ».

L’article de la Grande Charte stipulant « qu’[a]ucun impôt ou aide ne sera imposé, dans notre royaume, sans le consentement du conseil commun de notre royaume » a fait son chemin dans les procédures financières canadiennes à l’époque de l’avènement de la Confédération, en 1867. Aujourd’hui, l’article 80 du Règlement prévoit clairement que la Chambre des communes conserve ce pouvoir en stipulant qu’il « appartient à la Chambre des communes seule d’attribuer des subsides et crédits ». Le contrôle des deniers publics par le Parlement est donc toujours au cœur même de notre gouvernement démocratique.

Quand ils ont fondé le Canada, les Pères de la Confédération voulaient que ses procédures financières reflètent le plus possible celles du Royaume-Uni. Le processus britannique avait été modifié au fil des siècles et le Canada a intégré ces changements à son modèle. Une de ces modifications a été la création, en 1786, d’un fonds consolidé (maintenant appelé Trésor), qui supprimait la nécessité de faire correspondre des dépenses et des recettes particulières. Avant l’établissement de ce fonds, une requête adressée aux Communes afin d'obtenir un montant pour une fin particulière entraînait généralement la demande d'un nouvel impôt ou du renouvellement d'un impôt. La loi qui autorisait l'impôt autorisait également l’engagement des recettes ainsi perçues pour une fin spécifique[6]. La Loi constitutionnelle de 1867 (ci-après la Loi) a donc créé le Trésor ainsi qu’un autre genre de mesure, le projet de loi portant sur l’affectation de crédits à des fins précises[7]. La Loi prévoyait aussi que tout projet de loi portant affectation de deniers publics ou imposant toute taxe ou charge publique doit prendre naissance à la Chambre des communes, sur recommandation du gouverneur général durant la session où la mesure a été proposée[8].

L’étude des crédits depuis 1968

Le processus de l’étude des crédits établi en 1867 est, pour l’essentiel, resté inchangé, exception faite de quelques changements mineurs, durant les cent premières années d’existence de la Confédération. En 1968, un changement important s’est produit lorsque toutes les prévisions budgétaires ont commencé à être renvoyées aux comités permanents plutôt qu’au Comité des crédits. Avant 1968, toutes les prévisions budgétaires devaient être examinées par le Comité des crédits avant que le ministre des Finances puisse présenter une motion portant que la Chambre se forme en comité des voies et moyens pour examiner une résolution autorisant les retraits nécessaires du Trésor. Les changements apportés en 1968 étaient fondés sur l’idée que l’examen détaillé des prévisions budgétaires pourrait être fait de manière plus efficace par les divers comités permanents de la Chambre, plutôt que par le seul Comité des crédits[9]. D’autres modifications aux règlements et aux procédures de la Chambre ont été apportées à ce moment-là, établissant les usages actuels de l’étude des crédits, à savoir la division du calendrier parlementaire en trois périodes prenant fin respectivement le 10 décembre, le 26 mars et le 30 juin aux fins de l’étude des crédits, la création de 25 jours « désignés » pendant lesquels les motions de l'opposition ont priorité sur toutes les motions de subsides du gouvernement, le renvoi de toutes les prévisions budgétaires au plus tard le 1er mars et la présentation du rapport des comités au plus tard le 31 mai. Ces changements ont intégré au calendrier parlementaire un cycle financier et empêché que l’étude des crédits soit retardée[10].

Évolution récente

Beaucoup de travail a été fait ces dernières années pour accroître l’efficacité du Parlement en matière de contrôle des dépenses gouvernementales. L’étude en 1998 du processus d’examen parlementaire, telle que rapportée dans L’étude des crédits : boucler la boucle du contrôle, s’est attardée à un large éventail d’enjeux liés au processus budgétaire, et son rapport renfermait des recommandations proposant la création d’un comité permanent des prévisions budgétaires, la capacité des comités de réaffecter des fonds et un examen plus poussé des dépenses législatives et fiscales. Le rapport de 2003, Pour un examen valable : améliorations à apporter au processus budgétaire, quant à lui, présentait surtout des mesures concrètes que pourraient prendre les comités permanents pour accroître l’efficacité de l’examen des prévisions budgétaires ainsi que des façons de rendre plus utiles les rapports ministériels au Parlement.

Suite à ces études, un certain nombre d’importants changements ont été apportés au processus d’examen des prévisions budgétaires et des documents connexes par les comités permanents. En octobre 2001, on a modifié le Règlement pour permettre au chef de l’opposition de choisir deux ministères ou organismes dont le budget des dépenses sera examiné par le comité plénier. Plus tard, en 2002, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes a été créé, dans la foulée du rapport de 1998 du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, dans lequel on recommandait l’établissement d’un comité des prévisions budgétaires ayant pour mandat de surveiller et d’examiner les prévisions budgétaires, l’étude des crédits et des questions connexes. Le mandat de ce Comité comprend, notamment, l’examen des budgets des dépenses des ministères et des organismes centraux ainsi que la forme et teneur de tous les documents budgétaires. Après son établissement, le Comité a commencé à examiner les façons d’améliorer le processus budgétaire en présentant son rapport de 2003, Pour un examen valable : améliorations à apporter au processus budgétaire.

Les moyens par lesquels le gouvernement donne de l’information au Parlement ont également subi de nombreux changements récemment. L’un des plus importants a été la séparation de la partie III du budget des dépenses en deux documents. En effet, chacun des ministères produit maintenant un rapport sur les plans et les priorités, déposé au printemps, qui établit les plans et les priorités de dépenses des ministères pour l’exercice en cours et les deux exercices suivants. Les rapports ministériels sur le rendement, déposés l’automne, permettent aux parlementaires de comparer les résultats des ministères avec leurs plans de dépenses et de rendement respectifs. Tous les ministères et organismes présentent ces rapports depuis 1997. Cette réforme s’inscrivait dans l’initiative du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada « en vue d'améliorer la qualité de l'information fournie au Parlement [et] à mettre davantage l'accent sur les résultats et à rendre plus transparente l'information présentée au Parlement[11]. Cette initiative visait également à fournir « des informations sur les activités, dépenses et plans ministériels selon une présentation qui en facilitera l'usage et la compréhension[12] ». D’autres rapports, comme le rapport annuel du ministère des Finances sur les dépenses fiscales, les états financiers prospectifs des ministères et les états financiers trimestriels des ministères, se sont ajoutés pour répondre à la demande d’une information plus valable et utile.

Malgré les changements apportés aux procédures de la Chambre des communes et à l’information mise à la disposition des parlementaires, le Comité estime que de nouvelles améliorations sont nécessaires, comme on l’explique dans le reste du rapport.

Résumé

La comptabilité d’exercice reconnaît les opérations lorsqu’un produit a été réalisé ou qu’une charge a été engagée, alors que la comptabilité de caisse consiste à constater les opérations au moment où elles font l’objet d’un encaissement ou d’un décaissement. À l’heure actuelle, le budget fédéral et les états financiers consolidés du gouvernement fédéral sont dressés selon la méthode de la comptabilité d’exercice, alors que le budget principal et les budgets supplémentaires des dépenses ainsi que les affectations (crédits) qui y sont associées le sont selon la méthode de la comptabilité de caisse. La méthode de comptabilité employée pour l’affectation des crédits est directement liée à la façon dont le Parlement contrôle les crédits.

Durant son étude, le Comité s’est penché sur la question de la méthode de comptabilité lorsqu’il s’est demandé quelle information est la plus utile aux parlementaires lorsqu’ils examinent les prévisions budgétaires et approuvent les crédits. Le Comité a entendu des témoins proposer que l’information financière et l’affectation des crédits dans le budget principal et dans les budgets supplémentaires des dépenses soient présentées selon la méthode de comptabilité d’exercice plutôt que de caisse. En revanche, le Comité a entendu plusieurs autres témoins dire qu’ils étaient très favorables à l’idée que l’information donnée dans les prévisions budgétaires soit toujours présentée selon la méthode de comptabilité de caisse. Cependant, aucun consensus ne s’est dégagé au sein des témoins sur la question de savoir si la comptabilité de caisse était préférable à la comptabilité d’exercice en ce qui concerne l’affectation des crédits.

Historique

Historiquement, les états financiers consolidés du gouvernement fédéral étaient dressés selon une méthode de comptabilité d’exercice modifiée où, pour l’essentiel, les opérations étaient comptabilisées selon la méthode de comptabilité de caisse durant l’exercice et où certains comptes de régularisation étaient présentés selon la comptabilité d’exercice à la fin de l’exercice[13]. Dans le Plan budgétaire fédéral de 1996, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’adopter la méthode de comptabilité d’exercice intégrale pour son budget et sa comptabilité[14]. Le passage à la comptabilité d’exercice intégrale était conforme à la recommandation du Conseil sur la comptabilité dans le secteur public de l’Institut des comptables agréés du Canada. À ce moment-là, toutefois, le gouvernement fédéral n’a pas pris la décision de changer de méthode de comptabilité pour les prévisions budgétaires et les affectations des crédits en découlant. Déjà, dans le Rapport du vérificateur général du Canada de septembre 1998, le vérificateur général a souligné que « l'affectation des fonds selon la comptabilité d'exercice intégrale fait actuellement défaut dans les plans du gouvernement visant l'adoption de la comptabilité d'exercice intégrale[15] ».

En avril 2001, tous les ministères et organismes avaient réussi à mettre en œuvre de nouveaux systèmes financiers capables de traiter l’information financière selon la méthode de comptabilité d’exercice et de transmettre cette information aux systèmes centraux du gouvernement pour la préparation des états financiers sommaires[16]. Après cette mise en œuvre, les états financiers de 2002-2003 dans les Comptes publics du Canada et le budget de 2003 ont été dressés selon la méthode de comptabilité d’exercice intégrale. D’après les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, la comptabilité d’exercice a également été adoptée pour soutenir les décisions prises par le Cabinet[17]. Depuis lors, le budget fédéral et les états financiers consolidés du gouvernement fédéral sont dressés selon la méthode de comptabilité d’exercice. Cependant, les affectations de crédits figurant dans le budget principal et dans les budgets supplémentaires des dépenses continuent d’être comptabilisées selon la méthode de comptabilité de caisse.

Témoignages pour et contre l’affectation des crédits selon la méthode de comptabilité d’exercice

Certains témoins ont recommandé que les affectations de crédits soient présentées selon la méthode de comptabilité d’exercice. Ainsi, Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, a déclaré que si « la méthode de la comptabilité d’exercice intégrale était utilisée pour la budgétisation et l’affectation des crédits, les budgets et les dépenses par crédit seraient comptabilisés au moment où les opérations économiques sous-jacentes doivent se produire plutôt qu’au moment où les fonds doivent être payés[18] ».

Au « Chapitre 1 — La gestion et le contrôle financiers et la gestion des risques » du Rapport Le Point de la vérificatrice générale du Canada de juin 2011, on lit ce qui suit :

L’information financière établie selon la comptabilité d’exercice donne une image plus complète des ressources, des obligations, des investissements et des charges du gouvernement et de l’incidence de ses activités que l’information établie selon la comptabilité de caisse. La budgétisation et l’affectation des crédits selon la comptabilité d’exercice visent à fournir à la direction de l’information complète sur les coûts et à lui permettre de prendre des décisions plus éclairées, notamment lorsque vient le temps de déterminer si la prestation de services par des ressources internes est plus rentable que le recours à des sous-traitants. La comptabilité d’exercice permet d’améliorer la transparence et la reddition de comptes et de disposer de meilleures informations pour planifier et contrôler les dépenses de fonctionnement et les dépenses en immobilisations. Les législateurs peuvent ainsi disposer d’informations plus détaillées pour tenir le gouvernement responsable : de l’intendance des biens publics, des coûts entiers des programmes et de ses obligations à court et à long terme[19].

Peter DeVries, expert-conseil et ex-fonctionnaire du ministère des Finances, a déclaré :

Depuis l'adoption [par le gouvernement fédéral] d'une comptabilité d'exercice intégrale pour le budget et les états financiers vérifiés, sans qu'il en soit de même pour le budget des dépenses, il y a un gros décalage entre les deux, à telle enseigne que le budget des dépenses n'a foncièrement plus de pertinence aux fins de planification budgétaire[20].

Plusieurs témoins ont recommandé que le gouvernement fédéral conserve le modèle actuel d’affectation des crédits selon la méthode de la comptabilité de caisse. Des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada ont en effet déclaré que, de façon générale, les parlementaires considèrent que la comptabilité de caisse est plus transparente et que, par conséquent, elle est plus facile à comprendre[21]

Bill Matthews, secrétaire adjoint au Secteur de la gestion des dépenses du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, a souligné que les Pays-Bas avaient réalisé une étude sur la budgétisation et l’affectation des crédits selon la méthode de comptabilité d’exercice dans laquelle l’accent était mis sur ce que les crédits signifient pour les parlementaires. Au sujet de l’étude des Pays-Bas, M. Matthews a dit ceci :

Les conclusions tirées aux Pays-Bas sont fondées sur le point de vue des parlementaires. La comptabilité de caisse favorise la transparence et réduit la complexité, et les deux éléments sont clairement liés. Pour ce qui est de la comptabilité, lorsqu'on a fait là-bas l'étude sur les autres pays, on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas de doute que la comptabilité de caisse fonctionne pour le contrôle des dépenses. Lorsqu'on s'attaque à quelque chose de plus complexe qui comprend les immobilisations du gouvernement et ses obligations, il est clair que la comptabilité d'exercice devient le modèle le plus adéquat. C'est la raison pour laquelle nous utilisons la méthode de la comptabilité d'exercice pour le budget et les états financiers du gouvernement[22]

Dans le même ordre d’idées, David Good, professeur à l’École d’administration publique de l’Université de Victoria, a déclaré :

Non seulement la méthode de caisse est simple et directe, mais, encore, elle est plus facile à comprendre que la méthode d'exercice. La méthode d'exercice exige de faire correspondre des dépenses à venir à des dépenses actuelles, compte tenu de taux d'actualisation et de rentabilité sociale, tout en exigeant jugement et discrétion. Elle donne donc plus prise à l'interprétation, et je craindrais qu'elle ne favorise la falsification des chiffres et le truquage des budgets et des affectations[23]

Bill Matthews a également fait valoir que le passage de l’affectation des crédits selon la méthode de comptabilité de caisse à celle fondée sur la comptabilité d’exercice prendrait près de sept ans à réaliser par le gouvernement[24]. Il a ajouté :

[S]i nous passions de la comptabilité de caisse à la comptabilité d'exercice pour les crédits, le changement serait important. Ce serait un changement apporté à la loi. Ce serait aussi un changement apporté aux systèmes. Ce serait un important changement dans le fonctionnement des ministères. Deux choses se produisent en même temps à cet égard. Le changement prendrait plusieurs années à mettre en œuvre. Ce n'est pas un changement qui pourrait se faire du jour au lendemain. En outre, il entraînerait un coût. Il faut que vous sachiez que les systèmes et nos mesures de contrôle sont actuellement conçus en fonction du fait de garantir que les ministères ne dépassent pas les crédits qui leur sont accordés. Si nous remodelons le système et donnons une nouvelle base aux mesures de contrôle, cela va prendre du temps et aussi entraîner des coûts[25].

Malgré le coût et le temps qu’il faudrait consacrer au changement de méthode de comptabilisation des crédits, il est important de songer à la façon d’établir le bon équilibre entre la fourniture d’une information pertinente pour la prise de décisions et la complexité de l’information financière présentée selon la méthode de comptabilité d’exercice. M. Ferguson a soutenu :

[E]n général, les gens saisissent mieux la comptabilité de caisse. Cependant, lorsqu'on travaille avec un organisme comme le gouvernement fédéral, il est très important que les décideurs soient conscients que le fait de se concentrer sur la comptabilité de caisse seulement comporte des risques. Le grand risque auquel je pense se rapporte aux charges de retraite et au passif au titre du régime de retraite; dans ce cas, il faut bien comprendre la valeur de la pension promise parce qu'elle s'échelonne dans l'avenir, et il faut par la suite comprendre quel montant réserver à cet effet […] Ainsi, la comptabilité de caisse est peut-être simple, mais, dans certains cas, il faut à tout prix très bien comprendre la comptabilité d'exercice [26].

Études récentes

Comme nous l’avons dit plus tôt, il y a longtemps que l’on discute de la question de la budgétisation et de l’affectation des crédits selon la méthode de comptabilité d’exercice. En 2006, le vérificateur général a présenté un rapport de vérification qui soulignait au chapitre 1 intitulé « La gestion gouvernementale : l'information financière[27] » que si la méthode de la comptabilité d'exercice était utilisée pour présenter les affectations des crédits dans le budget des dépenses, les parlementaires auraient, pour contrôler et approuver les dépenses votées, de l'information comparable à celle qui figure dans le plan financier global et les états financiers sommaires du gouvernement[28]. Dans la même veine, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a mené une étude et présenté, en 2006, un rapport intitulé La comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits au gouvernement fédéral, dans lequel il recommandait au gouvernement fédéral d’adopter la méthode de comptabilité d’exercice intégrale pour la budgétisation et l’affectation des crédits. Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a lui aussi fait des recommandations sur cette question dans plusieurs rapports, dont Comptes publics Canada 2006[29] et Comptes publics Canada 2008[30].

En guise de réponse aux rapports du BVG et des comités, le gouvernement a dit qu’il examinerait la question et qu’il présenterait au Parlement un modèle de budgétisation et d’affectation des crédits selon la méthode de comptabilité d’exercice.

Selon M. Ferguson:

Dans le rapport [de 2006], nous avons mentionné que le gouvernement avait exposé un plan de mise en œuvre par étapes de la méthode de la comptabilité d'exercice pour la préparation des budgets. Il devait ensuite évaluer les coûts et les avantages de l'affectation des crédits selon la même méthode au cours de l'exercice 2012-2013.
En 2011, le vérificateur général du Canada par intérim a signalé que les progrès accomplis par le gouvernement pour mettre en œuvre l'affectation des crédits selon la méthode de la comptabilité d'exercice étaient insatisfaisants. Nous avons encouragé le gouvernement à terminer son étude de la méthode de comptabilité d'exercice pour la préparation des budgets et l'affectation des crédits, et à décider si, dans le futur, il adoptera ou non la méthode de la comptabilité d'exercice pour l'affectation des crédits[31].

Qu’en est-il maintenant?

Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a amorcé depuis un certain temps déjà un examen des avantages d’appliquer la méthode de comptabilité d’exercice à l’affectation des crédits et à l’établissement des budgets des ministères. En 2011, il a mis en œuvre l’obligation pour les ministères de produire des états financiers prospectifs, afin de présenter l’information financière selon la comptabilité d’exercice en début d’exercice financier. Toutefois, aucune décision n’a encore été prise quant au recours à la comptabilité d’exercice pour l’affectation des crédits.

Le Comité a certes entendu le point de vue de nombreux témoins sur la question de savoir s’il convient d’adopter la méthode de comptabilité d’exercice pour l’affectation des crédits ou de conserver le modèle actuel fondé sur la comptabilité de caisse. Il reconnaît toutefois que cette question a déjà été soulevée dans des études précédentes et que l’analyse du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada se poursuit. En conséquence, le Comité ne recommande pas que l’une ou l’autre méthode de comptabilisation de l’affectation des crédits soit adoptée. Le Comité attendra plutôt d’examiner l’analyse présentée au Parlement. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 1

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada termine son étude de la budgétisation et de l’affectation des crédits selon la méthode de comptabilité d’exercice, et qu’il en fasse rapport au Parlement au plus tard le 31 mars 2013.

Étant donné que la question de la présentation des crédits suivant la comptabilité d’exercice est en suspens depuis longtemps, le Comité suivra les progrès du gouvernement dans ce dossier pour voir à ce qu’une décision soit prise dans un délai raisonnable.

Structure actuelle des crédits

Les documents relatifs au budget principal et aux budgets supplémentaires des dépenses font état des pouvoirs de dépenser ou des crédits distincts pour chaque organisme fédéral. Ces crédits permettent, en quelque sorte, d'exercer un contrôle parlementaire en fixant des plafonds aux dépenses gouvernementales pour chaque crédit. Si le gouvernement souhaite déplacer des fonds d’un crédit à un autre, il doit obtenir l’approbation du Parlement pour effectuer un transfert au moyen d’un budget supplémentaire des dépenses.

Beaucoup d’organismes fédéraux ont des crédits séparés pour les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital. Un organisme dont les dépenses en capital n’excèdent pas 5 millions de dollars n’aura qu’un crédit — un crédit pour dépenses de programme —, qui englobera les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital. Un autre type de crédit courant est le crédit pour subventions et contributions; il confère à un organisme le pouvoir de transférer des fonds fédéraux à des tierces parties.

La structure actuelle des crédits, dans les prévisions budgétaires, repose sur le type de dépenses et non sur l’objet ou l’objectif des dépenses en question. En outre, le gouvernement présente des documents budgétaires contenant de l’information sur les dépenses fondée sur les activités de programme ministérielles, documents qui sont censés mettre en adéquation les groupes d’activités connexes, les résultats attendus et l’information financière. Selon des témoins ayant comparu devant le Comité, la structure des crédits dans le budget des dépenses pourrait être améliorée.

Témoignages

Quelques témoins ont invité le Comité à s’assurer que la structure des crédits soit claire et logique pour les parlementaires. Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, a déclaré : « alors, c'est simplement une question de faire en sorte que les crédits soient clairs, puis de s'assurer que la structure générale de gestion garantisse que les dépenses concordent avec les crédits approuvés[32]. » David Good, professeur à l’École d’administration publique de l’Université de Victoria, a dit que les parlementaires devraient « examiner la structure des crédits et s'assurer qu'ils s'y sentent à l'aise. Je vous encouragerais également à examiner la structure des activités de programme du gouvernement, pour vous assurer qu'elle coïncide suffisamment avec celle des crédits[33]». 

Un des témoins, Jack Stilborn, ancien analyste principal de la Bibliothèque du Parlement maintenant à la retraite, a déclaré qu’il serait plus logique, pour les parlementaires, que les crédits soient rattachés aux activités de programme. Il a dit :

L'organisation hiérarchique, les programmes, les sous-activités, etc. dont je parlais... si c'est là l'information que les parlementaires utilisent, il serait approprié de lier le plus étroitement possible les votes à cette structure des activités, d'une façon tout simplement intuitive[34].

Allen Schick, professeur éminent à l’École de politique publique de l’Université du Maryland, a dit au Comité que les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital pourraient être réunies dans un seul et même budget. La question qui se pose alors est de savoir quel cadre des crédits adopter. M. Schick a fourni la réponse suivante :

S'offrent alors deux grandes options, dont l'une est largement pratiquée et l'autre, largement recommandée. La première consiste en un classement par unité organisationnelle. Dans la mesure où une organisation assume à la fois les coûts de fonctionnement et ceux d'immobilisations, les deux coûts devraient être combinés dans son budget. L'autre solution est ce que nous appelons un budget ou une structure de programme. Si les dépenses de fonctionnement et d'immobilisations contribuent au même objectif, elles devraient être inscrites dans le même programme, quel que soit l'endroit où se situe l'organisation. En d'autres termes, un budget de programme ne tiendra pas compte, dans certains cas, des limites organisationnelles ou ministérielles. La raison pour laquelle cette approche est hautement recommandée, mais rarement adoptée, est que le gouvernement souhaite, en plus d'élaborer de solides politiques qui exigent que les dépenses d'immobilisations et de fonctionnement contribuent au même objectif… Le gouvernement vise un autre but dans la gestion de ses finances, à savoir la responsabilisation[35].

Kevin Page, directeur parlementaire du budget, croit fermement que les parlementaires devraient examiner les crédits à la lumière des activités de programme. Il a déclaré :

Quant à la structure [des crédits], cela n’a pas de sens qu’au XXIe siècle les parlementaires votent sur le total des dépenses de fonctionnement, des dépenses en immobilisations et des subventions et contributions d’un ministère qui dépense des milliards de dollars pour diverses activités de programme. Étant donné les cas récents du Fonds pour l’infrastructure frontalière et des fonds pour le logement et l’éducation des Autochtones, ne serait-il pas plus logique de considérer les activités de programme — 5, 10 ou 15 activités par ministère — ou leur rendement comme moyen de contrôle plus approprié? Pourquoi les ministres et leurs agents responsables pourraient-ils transférer des montants d’une activité à l’autre sans examen ou autorisation? Le fait de voter sur les activités de programme ne favoriserait-il pas un examen plus judicieux des répercussions sur le niveau de service dans le cadre des compressions de dépenses? Cela ne permettrait-il pas de rationaliser le système d’établissement du budget des dépenses qui recueille des données sur le rendement financier ou non financier des activités de programme[36]?

M. Page a ajouté : « la suggestion la plus importante que je pourrais probablement faire et qui, selon moi, inciterait les parlementaires à examiner minutieusement ces questions et rendrait leur travail plus significatif serait de modifier le moyen de contrôle, d’examiner les activités des programmes plutôt que de voter sur les dépenses de fonctionnement, les dépenses en immobilisation, les subventions et les contributions »[37]. Puis, il a dit : « Donc, ma première recommandation, monsieur, serait de modifier le moyen de contrôle, de le transformer en un système fondé sur les activités des programmes, exactement comme il est en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et dans d’autres pays[38] ».

Joachim Wehner, professeur agrégé en politique publique à la London School of Economics and Political Science, a indiqué au Comité que cela pourrait prendre des années avant de voir ce que donnerait l’établissement de crédits en fonction de programmes. Il a dit :

Je pense que l'incidence de cela ne se voit pas avant quelques années. Si on jette un coup d'œil au parcours de l'Afrique du Sud, par exemple, on constate que le pays avait autrefois un parlement totalement passif qui n'intervenait jamais dans le budget. C'est le système dont le pays a hérité après la fin de l'apartheid. Aujourd'hui, au moins, le processus est plus efficace et le Parlement a la possibilité d'exercer un droit de regard de façon plus rigoureuse. On peut voir maintenant, en tout cas dans les débats publics entourant le budget, que les gens commencent à poser des questions à propos des programmes auxquels on accorde des crédits. Les discussions parlementaires n'allaient pas aussi loin auparavant, et c'est ce qui faisait défaut. Il se peut qu'aucun changement majeur ne soit perceptible pendant quelques années, mais en ayant des programmes plus pertinents, on enrichit le débat public, et en ayant plus de détails, il devient possible de poser des questions au gouvernement. Je ne promets pas de miracles, et je ne peux pas vous prouver non plus que des miracles se sont produits grâce à ces changements, mais ils permettent assurément au Parlement d'avoir beaucoup plus d'information, que les députés peuvent utiliser pour poser des questions[39].

Bill Matthews, secrétaire adjoint au Secteur de la gestion des dépenses du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, a invité le Comité à se demander combien de crédits seraient créés dans cette nouvelle structure de crédits. Il a déclaré : « à l'heure actuelle, 135 organisations reçoivent des crédits. Il y a 191 crédits pour ces 135 organisations. Si vous réfléchissez à la façon dont vous pourriez modifier cette structure, le nombre de crédits est une chose importante. Plus il y en a, plus le système est lourd et plus la marge de manœuvre qu'ont les ministères pour la gestion est limitée. Il y a donc un équilibre à atteindre quelque part là-dedans[40]. » Il a ensuite précisé :

Tous les ministères ont des programmes et des activités. Ceux-ci sont regroupés sous une rubrique générale qu'on appelle les résultats stratégiques. Si nous adoptions les résultats stratégiques comme fondement pour les crédits, vous auriez à composer avec un peu moins de 300 crédits. À l'heure actuelle, il y a 298 résultats stratégiques. Il s'agit donc d'une augmentation du nombre de crédits ‒ encore une fois, cela entraîne une plus grande complexité. C'est une possibilité. Une chose que vous pourriez faire pour, en quelque sorte, faire diminuer ce nombre, c'est, encore là, de prendre les petites organisations et de leur affecter un seul crédit. Si vous adoptiez les activités de programme comme fondement pour l'affectation des crédits, il y aurait 593 crédits. Vous auriez alors à composer avec une augmentation importante du nombre de crédits, ce qui pourrait devenir assez fastidieux. Imaginez ce que constituerait le fait de démêler 2 000 crédits différents, je dirais que ce serait exagérément lourd. N'oubliez donc pas que si vous envisagez de fonder les crédits sur les programmes, le nombre de crédits deviendra important, puisque la gestion devient lourde si l'on veut examiner tous les crédits. Des 135 organisations dont j'ai parlé, pour vous donner une idée de leur taille, il n'y en a que quatre qui ont des dépenses votées de plus de 5 milliards de dollars. Entre 1 milliard et 5 milliards de dollars, il y a 21 organisations, entre 500 millions de dollars et 1 milliard de dollars, il y en a huit, et à moins de 500 millions de dollars,  il y en a 102. Ainsi, si vous deviez concevoir une structure dans laquelle les petites organisations n'auraient qu'un seul crédit, ce serait une façon de mettre en place des crédits fondés sur les programmes sans créer un nombre de crédits qui rendrait la gestion lourde. Veuillez garder cela en tête[41]

M. Matthews a aussi indiqué au Comité que changer la structure des crédits aurait pour effet de changer les contrôles ministériels, car les ministères doivent avoir suffisamment de contrôles financiers pour s’assurer qu’ils ne dépassent pas les crédits alloués; c’est en quelque sorte un moyen permettant de limiter les dépenses dans certains domaines. Il a expliqué que « les contrôles actuels sont fondés sur les immobilisations, le fonctionnement et les subventions et contributions. On envisage donc de modifier les systèmes pour s’assurer que les contrôles sont en place, et c’est le principal défi qui se pose à cet égard[42]». Ainsi, ce serait compliqué de modifier la structure des crédits, et cela pourrait prendre entre trois et cinq ans, ce qui est long. M. Matthews a toutefois reconnu que c’est réalisable, en disant : « si vous passiez de la structure actuelle à des crédits fondés sur les activités de programme, ce serait complexe et cela prendrait du temps — ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas réalisable —, et il y aurait des enjeux stratégiques auxquels nous aurions à réfléchir[43]. »

Une nouvelle structure des crédits

Le Comité est d’avis que la structure actuelle des crédits ne sert pas correctement les parlementaires. Même si la distinction entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital est compréhensible et comparable entre les différents organismes, elle ne permet pas au Parlement d’obtenir le type d’information dont il a le plus besoin pour examiner soigneusement les dépenses publiques. Par exemple, actuellement, le gouvernement peut transférer des fonds entre différents programmes et activités de programme sans en informer le Parlement, tant que les fonds restent dans le même crédit. Pourtant, ce genre de transferts a un intérêt plus grand pour les parlementaires que les transferts entre les crédits pour dépenses de fonctionnement et les crédits pour dépenses en capital.

Par ailleurs, l’un des objectifs premiers de cette étude est de s’assurer que l’information présentée dans les documents budgétaires est aussi claire que possible. Le Comité considère que pour avoir une structure des crédits plus claire sans compliquer les choses inutilement, il faudrait que les crédits se fondent sur les activités de programme. Même si, actuellement, on obtient de l’information financière sur les activités de programme, ce serait plus concret et parlant pour les députés que les crédits se fondent sur les activités de programmes, puisque cela se rapproche davantage de la façon dont les parlementaires conçoivent les dépenses gouvernementales; dont les ministères sont organisés et font rapport sur leur rendement; et dont les ministres font leurs annonces de dépenses. Par conséquent, le Comité est d’avis qu’on s’intéresserait davantage aux crédits s’ils étaient axés sur les activités de programme, et que les comités permanents pourraient ainsi mieux examiner les prévisions budgétaires.

Le Comité reconnaît toutefois que ce ne sera pas facile de modifier la structure des crédits dans le budget des dépenses, et que c’est une tâche complexe qui prendra des années. Il n’en demeure pas moins que, dans l’état actuel des choses, les prévisions budgétaires contiennent de l’information sur les activités de programme, et que si on veut qu’à l’avenir les crédits se fondent sur les activités de programme, il faudra améliorer les contrôles ministériels pour accroître la fiabilité de l’information fournie dans le cadre des crédits des budgets de dépenses. Le problème, c’est que les ministères modifient parfois l’architecture de leurs activités de programme. Le Comité espère qu’une structure des crédits axée sur les activités de programme aura pour effet de réduire la fréquence des modifications, facilitant ainsi la comparaison des prévisions budgétaires d’une année à l’autre.

En dépit des complications qu’entraînerait le passage à une nouvelle structure des crédits dans le budget des dépenses, le Comité considère que c’est une initiative qui mériterait quand même d’être poursuivie. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 2 

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada passe à un système où les prévisions budgétaires et les lois de crédits connexes sont fondées sur les activités de programme, qu’il assiste les ministères fédéraux dans ce processus, qu’il fixe un échéancier pour cette transition au plus tard le 31 mars 2013, et qu’il remette cet échéancier au Comité.

Comme il faudra des années pour changer la structure des crédits dans le budget des dépenses, le Comité est d’avis qu’en attendant que le changement se fasse, les députés pourraient mieux exploiter l’information disponible actuellement, et plus particulièrement les rapports sur les plans et les priorités.

Généralités

Chaque printemps, quelques semaines après le dépôt du budget principal des dépenses, les ministères et organismes publics fédéraux présentent au Parlement un rapport sur les plans et les priorités (RPP) dans lequel ils expliquent ce qu’ils entendent faire des fonds qui leur ont été attribués par le Parlement pour l’exercice à venir. Ils y décrivent les problèmes qu’ils devront surmonter, les résultats qu’ils attendent de leurs activités et la manière dont ils comptent mesurer leur rendement. Les rapports s’articulent autour des résultats stratégiques de l’organisation et de l’architecture des activités de programme. Ils contiennent des données détaillées sur les ressources humaines et financières consacrées à chaque activité de programme, ainsi que sur les résultats prévus, les indicateurs de rendement et les cibles.

Les rapports ministériels sur le rendement (RMR), publiés à l’automne, présentent les résultats obtenus par les ministères au moyen des crédits que le Parlement leur a accordés l’exercice précédent. Ils servent à répondre à des questions comme : le ministère a-t-il atteint les objectifs qu’il s’était fixés; a-t-il répondu aux attentes et, dans la négative, pourquoi et quelles mesures correctives a-t-il prises en conséquence?

Utilisation des rapports

Les avis des témoins quant à l’utilité de ces rapports étaient partagés. Joe Jordan,  ancien député maintenant expert-conseil auprès du Capital Hill Group, a dit : « Pour les RMR et les RPP, on se sert considérablement de l’Architecture des activités de programmes et des résultats stratégiques, et je suis d’accord avec le témoin précédent : ces documents présentent les renseignements de façon très utile[44]. »

Pour sa part, le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, n’était pas de cet avis : « En ce qui a trait à l’examen des rapports par les comités permanents, je pense que les rapports sur les plans et les priorités et les rapports ministériels sur le rendement sont déficients. Ce sont des outils de communication. Personne ne les utilise[45]. »

En dépit de la vaste quantité d’informations présentée dans les RPP et les RMR, les comités permanents n’utilisent pas pleinement ces documents sur une base régulière. On en est conscient depuis plusieurs années. En 1998, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre recommandait, dans son rapport intitulé L'étude des crédits : Boucler la boucle du contrôle, que les comités permanents exploitent pleinement l’information sur les plans et le rendement des ministères dans le contexte de l’étude des prévisions budgétaires. En 2003, le Comité et des prévisions budgétaires recommandait, dans Pour un examen valable : Améliorations à apporter au processus budgétaire, que les comités permanents déposent de courts rapports sur les rapports sur les plans et les priorités et les rapports sur le rendement des ministères. Ces recommandations ne semblent pas avoir entraîné une meilleure étude de ces rapports par les comités permanents.

Selon un témoin, on pourrait encourager les comités à utiliser l’information contenue dans les rapports sur les plans et les priorités en modifiant leur calendrier. Suivant Peter DeVries, expert-conseil et ancien haut fonctionnaire au ministère des Finances, « [l]es rapports sur les plans et les priorités devraient être déposés en même temps que le budget des dépenses, reflétant ainsi l'incidence des initiatives proposées dans le budget[46] ».

Le budget principal des dépenses doit être déposé au plus tard le 1er mars de chaque année. Les rapports sur les plans et les priorités sont souvent déposés plusieurs semaines plus tard. En 2012, les rapports sur les plans et les priorités ont été déposés le 8 mai. Plus il s’écoule de temps entre le dépôt du budget principal des dépenses et la publication des rapports sur les plans et les priorités, plus il est difficile pour les députés de discerner les liens entre les deux.

Le Comité convient que le budget principal des dépenses et les rapports sur les plans et les priorités devraient être déposés en même temps. Si la qualité des rapports n’est pas uniforme, il reste qu’ils contiennent une manne d’informations utiles que les comités permanents pourraient utilement exploiter quand ils étudient les prévisions budgétaires. Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 3 

Que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre considère modifier le Règlement, la procédure et les usages de la Chambre des communes pour faire en sorte que les rapports sur les plans et les priorités du gouvernement soient déposés à la Chambre des communes le même jour que le budget principal des dépenses, et qu’il fasse rapport de son étude à la Chambre au plus tard le 31 mars 2013.

Améliorer les rapports sur les plans et les priorités

Plusieurs témoins ont réclamé que l’on améliore les rapports sur les plans et les priorités. Recommandant qu’une information de meilleure qualité soit présentée dans ces rapports, David MacDonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives, a dit ceci :

[Il existe] trois solutions importantes pour la réforme des rapports sur les plans et les priorités, pour les rendre beaucoup plus utiles aux parlementaires. Je prétends que les dépenses antérieures et à venir — disons des trois dernières et des trois prochaines années — pourraient y figurer, non seulement leur valeur globale pour le ministère, mais, aussi, leur valeur pour chaque programme. Il serait certainement utile aussi de voir à combien elles s'élèvent par ETP, pour suivre l'évolution de l'emploi. 
Je pense qu'il est important d'expliquer dans ces rapports pourquoi les dépenses ont changé, pourquoi les chiffres réels diffèrent des chiffres budgétés et pourquoi les dépenses, au fil du temps, diffèrent des projections. Actuellement, dans le rapport sur les plans et les priorités, les prévisions triennales d'un ministère, pour telle année, sont chiffrées différemment, un an plus tard, sans autre forme d'explication[47].

Dans le même ordre d’idées, John Williams, ancien député et directeur général de l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption, a déclaré :

Les deux rapports, soit les RPP orientés vers l'avenir à présenter au printemps, ainsi que les RMR orientés vers le passé à présenter à l’automne, devraient être structurés de la même façon. Les RPP donnent les prévisions pour les trois années à venir, tandis que les RMR donnent les renseignements des trois dernières années[48].

Le Comité convient que l’information présentée dans les rapports sur les plans et les priorités devrait être améliorée pour permettre aux parlementaires de faire un meilleur examen des prévisions budgétaires. Cet objectif peut être atteint en intégrant à ces rapports davantage de données comparatives, ainsi que des explications des fluctuations des dépenses d’une année à l’autre et des écarts entre les résultats attendus et les résultats obtenus. Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 4 

Que les rapports sur les plans et les priorités présentent de l’information par activité de programme pour les trois exercices précédents et les trois exercices suivants.

RECOMMANDATION 5 

Que les rapports sur les plans et les priorités expliquent l’évolution des dépenses prévues au fil des ans et, le cas échéant, la différence entre les résultats attendus et les résultats obtenus par exercice financier.

Généralités

Le processus budgétaire et l’information présentée dans les documents du budget sont essentiels à la transparence financière. Néanmoins, les membres du Comité sont préoccupés par le fait que les données qui leur sont fournies ne sont pas toujours harmonisées, c’est-à-dire que les nouveaux projets de dépenses annoncés dans le budget ne figurent pas dans le budget principal des dépenses. Il devient donc difficile d’avoir une vue d’ensemble des dépenses prévues pour l’année en cours. L’écart entre l’établissement du budget et celui du budget principal des dépenses est souvent pointé comme source du problème. Selon le vérificateur général du Canada, Michael Ferguson :

Le budget principal des dépenses ne trace pas un tableau complet du plan des dépenses et n'est pas lié au budget. Lors de la vérification de 2006, nous avons constaté que le cycle budgétaire était la principale raison pour laquelle des postes budgétaires étaient présentés dans des budgets supplémentaires. Le dépôt du budget principal des dépenses avant le budget était un facteur clé à l'origine du recours aux budgets supplémentaires[49].

Le budget fédéral est un énoncé de politique qui annonce les nouveaux projets de dépenses ainsi que les changements apportés au régime fiscal. Le gouvernement n’a pas l’obligation de déposer un budget, mais au cours des dernières années, il l’a fait en janvier, en février ou en mars. Le budget principal des dépenses, qui dresse la liste des projets de dépenses gouvernementales par ministère aux fins d’examen et d’approbation par le Parlement, ne fait pas état de ces nouvelles initiatives parce qu’il est établi avant le budget. Par conséquent, les nouvelles initiatives annoncées dans le budget doivent être autorisées par le Parlement par le biais des budgets supplémentaires des dépenses.

Obstacles au rapprochement intégral du budget et du budget principal des dépenses

Des hauts fonctionnaires ont souligné que la nature même de l’appareil gouvernemental rend impossible l’harmonisation parfaite des deux documents. Par exemple, parce que les méthodes de comptabilité employées sont différentes, il est difficile de faire concorder les deux documents, le budget étant fondé sur une comptabilité d’exercice et le budget principal des dépenses, sur une comptabilité de caisse. De même, il faut tenir compte du processus suivi par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada pour examiner et remettre en question les projets de dépenses des ministères. Le temps qui s’écoule entre l’annonce de nouveaux programmes dans le budget et leur intégration au budget principal des dépenses est très long. Il faut parfois compter des années avant que les fonds octroyés aux nouvelles initiatives figurent au budget principal des dépenses. De plus, l’appareil gouvernemental canadien a cette particularité d’avoir deux organisations distinctes pour la fonction de trésorerie et la fonction des finances, contrairement à d’autres pays. Il est vrai que le ministère des Finances et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada se consultent, mais le contenu du budget demeure secret, au ministère des Finances, jusqu’à son dépôt à la Chambre. Ainsi, les ministères et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada ne peuvent ajouter aux prévisions de dépenses aucun élément du budget tant que celui-ci n’a pas été déposé. À propos de la confidentialité du budget dans le processus de prévisions budgétaires, Douglas Nevison, directeur général, Direction de la politique économique et fiscale au ministère des Finances, a déclaré :

Il y aura un compromis entre la confidentialité et ... de toute évidence, les renseignements budgétaires sont de nature très délicate et peuvent avoir des effets très importants sur les marchés et les autres choses de ce genre. Ainsi, durant le processus d'élaboration du budget, nous tentons de préserver le plus possible la confidentialité de ces renseignements[50].

M. Nevison a aussi parlé de l’impact éventuel sur les consultations prébudgétaires réalisées par le Comité permanent des finances, lesquelles précèdent l’établissement du budget[51]. Ces consultations se déroulent à l’automne, et le Comité permanent des finances dépose habituellement son rapport en décembre.

Délai entre le budget et le budget principal des dépenses

Dans le cadre de son étude, le Comité a entendu plusieurs propositions sur les façons de mieux harmoniser le budget et le budget principal des dépenses. Le Comité croit que devancer le dépôt du budget pourrait contribuer à régler une partie du problème. Joe Jordan, ancien député maintenant expert-conseil auprès du Capital Hill Group, s’est dit du même avis, soulignant que la « fonction de surveillance est imposée par la loi et j'estime que chacun veut s'assurer que le travail est accompli de la façon la plus efficace possible. Je crois donc qu'il convient d'envisager une harmonisation des données pour que les gens aient une meilleure idée de la situation[52] ». Il a poursuivi :

À mon avis, c'est certes problématique, car l'information sur les coûts ne correspond pas à la même période. Comme je le disais, il devient très facile de ne pas voir le portrait d'ensemble dans un tel contexte. D'abord et avant tout, c'est le Règlement qui dicte le cycle financier, mais il n'est pas possible pour le gouvernement, en raison du secret budgétaire, d'inclure le contenu du budget en rendant cette information disponible au même moment [...] Si le budget était présenté à l'automne, on pourrait faire concorder tous ces chiffres qui se retrouveraient dans le budget principal des dépenses, plutôt que dans le budget supplémentaire (A) ou (B), selon la période de l'année, comme c'est le cas actuellement. Je suppose qu'il incombe au gouvernement de déterminer si le jeu en vaut vraiment la chandelle[53].

David MacDonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives, a observé : « [c]e serait certainement préférable si le projet de loi sur le budget principal des dépenses — et les RPP, en fait — incluait ce qui vient d'être adopté dans le budget[54]. » Il a poursuivi :

Ce serait préférable s'il n'y avait qu'un trimestre d'intervalle entre le moment où le budget est adopté et les incidences réelles du budget. Je parle du budget principal des dépenses, des rapports sur les plans et les priorités et des rapports financiers à plus long terme qui sont tous produits, soit aux alentours de mars. Ces projets de loi seraient certainement plus pertinents au budget lui-même[55].

Des porte-parole du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada ont mentionné que plus il s’écoule de temps entre le budget et les prévisions budgétaires, plus les liens entre les deux documents sont solides[56]. Ils ont ajouté : « On n'arrivera jamais à une harmonisation complète des deux [documents]. Je pense que l'idée, c'est d'essayer de trouver une façon de renforcer les liens entre les deux documents[57]. »

Le Comité partage le point de vue des témoins et estime que le budget devrait être déposé plus tôt. Toutefois, il ne croit pas qu’il faudrait le devancer aussi tôt qu’au début de l’automne. Comme l’a mentionné M. Nevison :

Des témoins ont dit que le dépôt du budget à l'automne serait adéquat, mais, comme Bill l'a mentionné, vu que décembre continue d'être la véritable échéance, cela ne laisserait pas nécessairement beaucoup de temps non plus. Le budget serait déposé très tôt au cours de l'exercice. Ce serait réalisable, mais on y perdrait beaucoup de précision au chapitre des prévisions économiques et budgétaires.
[L]'un des aspects importants du budget, c'est qu'il s'agit du plan économique du gouvernement pour cinq ans, ce qui fait que les prévisions économiques et budgétaires sont très importantes et que le fait d'obtenir des renseignements exacts sur la première année — l'année « en cours » — est essentiel pour faire des prévisions. Ainsi, si nous déposons le budget en fin d'exercice pour pouvoir en tenir compte au cours de l'exercice suivant, nous disposons de plus d'information budgétaire qui vient par exemple de la revue financière. Nous disposons aussi dans ce cas de données économiques plus récentes, ce qui nous permet de brosser un tableau très précis de la situation économique et budgétaire et de présenter un plan pour l'avenir[58].

Dans la mesure du possible, les membres du Comité aimeraient que les postes budgétaires d’un exercice donné figurent dans les prévisions budgétaires du même exercice. Autrement, plusieurs voient dans le contenu du budget principal des dépenses un tableau incomplet des dépenses prévues pour l’exercice en question. Aussi, le Comité encourage le gouvernement à se pencher sur les suggestions des témoins et à harmoniser davantage le budget et les prévisions budgétaires. Le Comité est d’avis que même si le budget était déposé en janvier, les données économiques d’appui seraient suffisamment récentes et les fonctionnaires disposeraient d’assez de temps pour faire concorder les prévisions budgétaires avec le budget. En plus de devancer le dépôt du budget, on pourrait retarder de quelques semaines le budget principal des dépenses, car l’examen et l’adoption des crédits provisoires ne prennent pas un mois.

Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 6 

Que, dans la mesure du possible, les annonces budgétaires qui concernent un exercice donné figurent dans le budget principal des dépenses du même exercice et, en conséquence, que le gouvernement dépose son budget à la Chambre des communes au plus tard le 1er février de chaque année, et que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre considère modifier le Règlement, la procédure et les usages de la Chambre des communes de telle manière que le budget principal des dépenses soit déposé à la Chambre plus tardivement en mars, et qu’il fasse rapport de son étude à la Chambre au plus tard le 31 mars 2013.

Le Comité reconnaît que ce changement ne réglera pas complètement la question, et qu’il faudra continuer de recourir à des budgets supplémentaires des dépenses pour certains éléments du budget. Puisque le Comité croit qu’il devrait être plus facile de faire le suivi des postes budgétaires ajoutés aux budgets des dépenses, il recommande :

RECOMMANDATION 7 :

Que le gouvernement indique séparément, dans le budget principal et les budgets supplémentaires des dépenses, tous les nouveaux fonds ajoutés aux crédits avec un renvoi aux sources budgétaires pertinentes.

Révision de la procédure relative aux travaux des subsides

Comme on l’a indiqué précédemment, en 1968, la Chambre des communes (ci-après la Chambre) a modifié sensiblement la procédure relative aux travaux des subsides. Plutôt que tous les crédits du budget des dépenses soient examinés par le Comité des subsides, les crédits étaient renvoyés aux différents comités permanents. On considérait que l’étude des crédits serait plus efficace si elle était réalisée par les comités permanents plutôt que par un comité plénier, étant donné que les comités disposaient de plus de temps pour revoir le budget et acquérir une expertise dans des domaines particuliers. À l’époque, la Chambre avait aussi fixé un calendrier précis, divisé en trois périodes durant lesquelles 25 jours étaient consacrés aux travaux des subsides, empêchant ainsi l’opposition de retarder l’approbation des crédits parlementaires.

En raison de ces changements, qui sont toujours en vigueur, le budget principal des dépenses est renvoyé aux comités permanents au plus tard le 1er mars de l’exercice financier en cours, et chaque comité en fait rapport ou « est réputé en avoir fait rapport » à la Chambre au plus tard le 31 mai de la même année[59]. En ce qui concerne le budget supplémentaire des dépenses, un comité en fait rapport ou « est réputé en avoir fait rapport » au plus tard trois jours de séance avant la dernière séance ou le dernier jour désigné aux députés de l’opposition pour la période en cours[60].

La révision de la procédure relative aux travaux des subsides permet que les comités fassent rapport ou soient réputés avoir fait rapport sur les prévisions budgétaires à la Chambre dans le respect des échéanciers et de manière prévisible. Cela permet au gouvernement de recevoir les autorisations parlementaires pour ses dépenses dans des délais raisonnables. Néanmoins, l’une des conséquences de la règle voulant qu’un comité soit « réputé avoir fait rapport » est que certains comités permanents n’étudient pas les prévisions budgétaires qui leur ont été renvoyées ou n’en font pas rapport à la Chambre. Autrement dit, comme les comités ne sont pas tenus de revoir les prévisions budgétaires, certains se dispensent parfois de le faire.

Témoignages au sujet de la règle voulant qu’un comité soit « réputé avoir fait rapport »

Le Comité a entendu des témoins proposant que cette règle soit éliminée et d’autres voulant qu’elle soit maintenue.

Kevin Page, directeur parlementaire du budget, a été catégorique. Il a dit : « Je pense que chaque comité permanent devrait produire des rapports sur les activités de programme afin de tenter de les améliorer. La règle de la chose présumée devrait simplement disparaître. Je pense qu’elle ne fait même pas partie de la conversation. À mon sens, la règle est simplement un symptôme de notre incapacité à intervenir[61]. »

Joachim Wehner, professeur agrégé en politique publique à la London School of Economics and Political Science, croit que c’est aux comités qu’incombe la responsabilité de revoir le budget :

Dans bien des parlements, il serait impensable de discuter du budget des dépenses en Chambre avant que le comité responsable n'ait déposé son rapport. Je n'ai jamais rien entendu de tel à propos du Bundestag d'Allemagne, par exemple, ni de bien d'autres parlements d'Europe de l'Ouest, où les procédures parlementaires auraient été retardées si le comité avait tardé à remettre son rapport. Pourquoi n'obligez-vous pas tout simplement les comités parlementaires à rendre des comptes sur le budget des dépenses en totalité ou en partie? Ils seraient alors tenus de le faire. Or, vous dites que le comité est réputé avoir déposé son rapport s'il ne le fait pas, mais cela signifie qu'une partie du budget ne sera pas étudiée comme il se doit. Permettez-moi de nuancer mes propos : il n'est pas possible que cette partie du budget soit examinée adéquatement. L'étude à l'étape de comité est essentielle, car ce n'est pas la Chambre des communes qui s'en occupera. C'est au comité qu'il incombe de délibérer sérieusement sur le budget des dépenses et de l'analyser en profondeur. Vous inciterez ainsi les comités à remplir leurs devoirs et leurs obligations[62].

D’autres témoins ont déclaré devant le Comité que la règle voulant qu’un comité soit réputé avoir fait rapport devait nécessairement faire partie du processus. Robert Marleau, ancien greffier de la Chambre des communes, a expliqué au Comité que la règle voulant qu’un comité soit réputé avoir fait rapport avait été adoptée pour compenser la perte des jours de subsides pour le comité plénier. Il a dit que « le gouvernement devait, en échange, recevoir ses crédits au plus tard le 30 juin. En éliminant une mesure sans réexaminer l’autre, on causerait un déséquilibre dans le processus des subsides[63]. »

Ned Franks, professeur émérite au Département d’études politiques de l’Université Queen’s pense aussi que la règle doit être maintenue :

Je n’aime pas la pratique consistant à considérer le budget des dépenses comme adopté par les comités à une certaine date, peu importe que les comités l’aient approuvé ou non. Toutefois, compte tenu de la capacité des comités parlementaires et du Parlement lui-même à faire de l’obstruction et à retarder les travaux, l’expérience a démontré que cette pratique est nécessaire pour que le budget soit adopté dans un délai raisonnable[64].

Il a poursuivi en disant : « Je crois que nous avons besoin de cette disposition déterminative pour nous protéger contre l’obstruction acharnée et contre le refus d’adopter le budget des dépenses en présence de gouvernements minoritaires[65]. »

Jack Stilborn, ancien analyste principal à la Bibliothèque du Parlement, maintenant à la retraite, partage le même point de vue : « Donc, la règle du ‘‘réputé être ou avoir été’’ est en fait un moyen d’éviter que le processus relatif aux prévisions budgétaires soit interrompu par ce qui pourrait constituer de l’obstructionnisme. Je crois donc que cette règle est valide[66]. » Paul Thomas, professeur émérite en Études politiques à l’Université du Manitoba, s’est également dit en faveur de la règle de la chose présumée : « À un moment donné, il faut interrompre le débat. Le gouvernement a le droit de voter sur ses fonds[67]. »

Solution de rechange

Le Comité convient que même si ce n’est pas la solution optimale, la règle voulant qu’un comité soit « réputé avoir fait rapport » doit être maintenue dans la procédure des crédits de la Chambre des communes. Éliminer cette règle pourrait occasionner des problèmes et des retards indus pour le gouvernement dans l’approbation des crédits, surtout dans un contexte de gouvernement minoritaire.

Par ailleurs, le Comité croit que l’examen des prévisions budgétaires constitue un des rôles fondamentaux du Parlement, et que les comités permanents n’ont aucune excuse pour ne pas se pencher sur les budgets qui leur sont renvoyés. Après tout, l’examen en comité était l’un des principaux objectifs des changements apportés en 1968 à la procédure relative aux travaux des subsides. Les comités permanents ont la responsabilité d’être à la hauteur de ces attentes.

Le Comité est d’avis qu’une autre façon de s’assurer que les comités permanents examinent les prévisions budgétaires serait de ne pas éliminer la règle voulant qu’ils soient « réputés avoir fait rapport », mais d’exiger qu’ils consacrent un minimum de temps à l’étude des crédits du budget des dépenses qui leur ont été renvoyés. Le minimum pourrait être fixé à deux heures, ce qui correspond à la durée normale d’une séance de comité, pour l’examen du budget principal des dépenses. Ce minimum pourrait être moindre pour l’examen du budget supplémentaire des dépenses ou laissé à la discrétion du comité permanent et de ses membres. Comme il faudrait alors modifier le Règlement de la Chambre des communes, ce qui entre dans le cadre du mandat du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 8 

Que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre considère modifier le Règlement, la procédure et les usages de la Chambre des communes afin que l’on exige des comités permanents qu’ils consacrent un minimum de temps à l’étude des prévisions budgétaires qui leur sont renvoyées, et qu’il fasse rapport de son étude à la Chambre au plus tard le 31 mars 2013.

Même si on ne peut contraindre les ministres à venir témoigner devant les comités permanents, le Comité considère que défendre le budget de son ministère devant un comité constitue une part importante de la responsabilité parlementaire d’un ministre. Le Comité s’attend donc à ce que ce soit désormais pratique courante, pour les comités permanents, que d’exiger la comparution des ministres pendant l’examen des prévisions budgétaires; et à ce que les ministres fassent tous les efforts raisonnables pour se plier à cette exigence. Le Comité croit aussi que ce serait à l’avantage des comités permanents d’entendre les hauts fonctionnaires, et particulièrement les sous-ministres, qui sont les administrateurs des comptes de leurs organisations respectives, et qui ont donc la responsabilité de s’assurer que les programmes ministériels sont conformes aux politiques et aux procédures gouvernementales.

Délai suffisant pour faire rapport

Le Comité reconnaît qu’on ne peut reprocher aux comités permanents de ne pas avoir examiné les prévisions budgétaires et de ne pas en avoir fait rapport, parce que le problème peut être attribuable aux procédures de la Chambre.

À titre d’exemple, le Budget supplémentaire des dépenses (A), 2012‒2013 a été déposé en Chambre le 17 mai 2012, et les comités devaient ou étaient réputés en avoir fait rapport au plus tard « trois jours de séance avant la dernière séance ou le dernier jour désigné de la période en cours ». Le dernier jour pour examiner le budget supplémentaire des dépenses et en faire rapport n’est pas évident à première vue, puisque c’est le gouvernement qui fixe le dernier jour désigné, et qu’il peut le faire n’importe quand. Le 1er juin 2012, le gouvernement a annoncé que le dernier jour désigné serait le 6 juin, ce qui a eu pour effet de compromettre sérieusement la possibilité de faire rapport sur le budget supplémentaire des dépenses, puisqu’il ne restait aux comités permanents qu’une journée de séance pour organiser et tenir des audiences sur le budget et en faire rapport à la Chambre. Dans ces circonstances, le Comité n’est pas surpris d’apprendre qu’aucun des comités permanents n'a été en mesure de faire rapport à la Chambre sur le Budget supplémentaire des dépenses (A), 2012‒2013 à la date prescrite. Dans ce cas, tous les comités ont été réputés avoir fait rapport sur les crédits des prévisions budgétaires.

Le Comité considère qu’il convient d’accorder aux comités permanents suffisamment de temps pour leur permettre de tenir des audiences et de faire rapport sur le budget supplémentaire des dépenses. Les comités devraient disposer d’au moins deux semaines de séance, entre le moment où le budget supplémentaire des dépenses est déposé en Chambre et le moment où ils doivent en faire rapport. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 9 

Que, dans le cadre de son étude sur la revue du Règlement, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre étudie aussi la possibilité d’accorder aux comités permanents au moins deux semaines de séance pour examiner le budget supplémentaire des dépenses et en faire rapport, et qu’il fasse rapport de son étude à la Chambre au plus tard le 31 mars 2013.

Lorsqu’ils examinent les prévisions budgétaires, la plupart des comités permanents ont maintenant coutume de tenir des audiences auxquelles ils invitent le ministre concerné et les fonctionnaires de son ministère. Cependant, il arrive souvent que ces rencontres ne soient pas planifiées longtemps à l’avance, ce qui laisse peu de temps aux membres du comité et aux témoins de se préparer. Dans de telles circonstances, les fonctionnaires manquent de temps pour concevoir des réponses détaillées aux questions que pourraient poser les membres du comité et ces derniers sont contrariés s’ils n’obtiennent pas les réponses auxquelles ils s’attendaient.

Un témoin a dit qu’une façon d’améliorer la qualité des réponses aux questions des membres du comité serait de fournir à l’avance les questions aux fonctionnaires. Joe Jordan, ancien député maintenant expert-conseil auprès du Capital Hill Group, a dit au Comité que si « les comités fournissaient d'avance aux témoins quelques-unes de leurs questions par écrit, vous auriez peut-être de meilleures réponses que dans le feu de l'action, où tout le monde est surpris [68] ». Parlant au nom du ministère, Sally Thornton, directrice exécutive des Opérations et prévisions des dépenses, Secteur de la gestion des dépenses, au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, a déclaré : « Je veux vraiment insister sur le fait que vous devriez présenter vos questions à l'avance aux ministères si vous voulez vraiment savoir où va l'argent. Il est extrêmement utile de savoir quelle est la question qui sera posée et d'avoir la possibilité de formuler une réponse avant de venir témoigner ici [69]. »

Le Comité a appris que cette pratique est actuellement utilisée en Nouvelle-Zélande. En effet, le comité des finances et des dépenses de ce pays dresse un questionnaire normalisé sur les prévisions budgétaires qu’il envoie à tous les ministères et organismes, habituellement quelque six semaines avant la date du dépôt du budget. Le questionnaire renferme des questions sur tout changement important apporté aux crédits de l’exercice précédent et sur les grands enjeux de l’exercice à venir. David McGee, ex-greffier de la Chambre des représentants de la Nouvelle-Zélande et actuel ombudsman parlementaire, a dit au Comité que le questionnaire « contient une série de questions standards que les comités des finances ont formulées au fil des ans. On peut aussi ajouter des questions particulières au questionnaire [70]». Il a poursuivi : « Généralement, on envoie le questionnaire dès que la date du budget a été annoncée. Le comité s'attend à recevoir les réponses le lendemain du jour du budget. Les ministères peuvent donc avoir jusqu'à deux mois pour y travailler, ce qui leur laisse amplement de temps pour préparer leurs réponses[71]. » M. McGee a souligné que les divers membres du comité ont des intérêts qui leur sont propres et qu’ils posent aux ministères des questions portant là-dessus.

Le Comité estime intéressante l’idée d’informer à l’avance les fonctionnaires des questions qui leur seront posées aux audiences sur les prévisions budgétaires parce que cela les aide à se préparer et assure aux membres du comité des réponses détaillées. Il n’est pas nécessaire que les questions soient précises; il suffit d’indiquer aux fonctionnaires les sujets que le comité entend aborder pour leur permettre de rassembler l’information nécessaire. Par ailleurs, cela n’empêche pas les membres du comité de poser d’autres questions durant une réunion. Il reste cependant que le fait de fournir les questions à l’avance est une bonne pratique qui devrait être adoptée lorsque c’est faisable.

La possibilité de poser des questions précises et d’obtenir des réponses utiles dépend dans une certaine mesure des personnes qui seront entendues. Le Comité estime que les audiences sur les prévisions budgétaires seraient plus productives si les comités permanents indiquaient clairement quelles personnes ils souhaitent entendre et si les ministères fournissaient à l’avance la liste des personnes qui seront présentes à l’audience. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 10 

Que, lorsque c’est faisable, les comités permanents fournissent leurs questions aux fonctionnaires avant les audiences sur les prévisions budgétaires et que les membres des comités s’efforcent de voir à ce que les représentants voulus des ministères concernés soient invités à comparaître aux audiences sur les prévisions budgétaires.

Dépenses législatives

Les dépenses législatives sont des paiements qui doivent être versés au titre d’une loi du Parlement. Elles ne font pas partie de projets de loi de crédits, parce qu’elles sont autorisées de façon continue sous le régime de la loi habilitante pertinente. Les dépenses législatives figurent dans les prévisions budgétaires au même titre que les dépenses votées, ce qui permet de brosser un tableau plus complet des prévisions de dépenses totales. Au cours d’un exercice donné, les dépenses législatives représentent près des deux tiers des dépenses fédérales totales.

En vertu de la Politique sur l’évaluation de 2009 du Conseil du Trésor, les ministères doivent évaluer les « aspects administratifs » des principales dépenses législatives tous les cinq ans. Les Normes d’évaluation pour le gouvernement du Canada exigent que les évaluations comprennent une appréciation exacte des résultats obtenus par le programme faisant l’objet de l’évaluation ainsi que des conclusions claires sur leur pertinence et leur rendement.

Le rapport de 1998 du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, L’étude des crédits : boucler la boucle du contrôle, renfermait plusieurs recommandations sur l’examen financier par le Parlement des postes législatifs. L’une des recommandations proposait que le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires examine de façon cyclique les dépenses législatives en se fondant sur le concept de l’évaluation de programmes[72]. À propos de ces recommandations, John Williams, ancien député, a déclaré que « [t]ous les programmes gouvernementaux devraient être évalués au moins une fois tous les 10 ans. Cela permettrait : (1) d'exposer les objectifs de politique générale de chaque programme législatif; (2) de vérifier si les objectifs sont atteints; (3) de déterminer si le programme est géré efficacement; (4) de voir s'il y a d'autres façons d'atteindre les mêmes objectifs[73]».  Il a poursuivi :

[L]e Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a maintenant le pouvoir, en vertu du sous-alinéa 108(3)c)(x) du Règlement, d'examiner les dépenses législatives. Pour ce faire, il peut s'adresser à la Chambre pour demander au gouvernement d'évaluer des programmes ‒ tel qu'il est indiqué ci-dessus ‒ afin de l'aider dans son travail[74].

En ce qui concerne la façon dont les parlementaires devraient évaluer les dépenses législatives, Joe Jordan, un autre ancien député, a déclaré : « il faut revenir en arrière et déterminer exactement à quel moment les pouvoirs afférents ont été octroyés avant de demander si les conditions ont changé[75]. »

Le Comité est d’avis que même si les dépenses législatives sont déjà approuvées en vertu des lois existantes, elles forment une part importante des dépenses du gouvernement et devraient donc être revues systématiquement. Les comités permanents chargés d’examiner les dépenses des ministères sont les mieux placés pour examiner les programmes législatifs connexes de façon cyclique. En même temps, cela leur permettrait de se familiariser avec les programmes et de déterminer si les programmes législatifs en question atteignent leurs objectifs. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 11 

Que les comités permanents revoient les programmes législatifs de manière cyclique au moins une fois tous les huit ans.

Dépenses fiscales

La principale fonction du régime fiscal est de générer les recettes nécessaires pour financer les dépenses du gouvernement. Le régime fiscal doit aussi permettre d’atteindre les objectifs en matière de politique publique par l’application de mesures fiscales particulières. Les faibles taux d’imposition, les exemptions, les déductions, les reports et les crédits d’impôt sont autant de mesures que l’on désigne comme des « dépenses fiscales ».

Les dépenses fiscales sont présentées dans un rapport annuel du ministère des Finances intitulé Dépenses fiscales et évaluations. On y trouve des prévisions et des projections de dépenses fiscales générales, de même que des évaluations et des rapports de recherche sur des mesures fiscales précises[76]. À propos de l’ampleur des dépenses, Kevin Page, le directeur parlementaire des dépenses, a indiqué que « les dépenses fiscales du gouvernement s'élèvent à plus de 100 milliards de dollars chaque année[77] ».

Même si les dépenses fiscales représentent essentiellement un manque à gagner en recettes fiscales, elles ne font pas l’objet d’un examen ordinaire par les parlementaires. Actuellement, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a le pouvoir, en vertu du sous-alinéa 108(3)c)(x) du Règlement, d'examiner les dépenses fiscales.

Des rapports ont souvent souligné l’absence de contrôle parlementaire sur les dépenses fiscales, notamment celui de 1998 du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, L’étude des crédits : boucler la boucle du contrôle. Ce rapport recommandait que l’information annuelle relative aux dépenses fiscales soit fournie sous une forme qui permette aux comités permanents de l’utiliser dans leur examen du budget des dépenses[78]. Il recommandait également que toutes les dépenses fiscales soient étudiées à fond selon un calendrier établi par le gouvernement et, par la suite, fassent régulièrement l'objet d'un examen complet.

Sur la question des dépenses fiscales et des garanties de prêts, John Williams, ancien député, a déclaré : « [c]es organisations peuvent représenter des sommes d'argent considérables et appliquer des politiques publiques importantes; la Chambre doit donc avoir la possibilité de les examiner attentivement[79]. » Il a ajouté : « [i]l n'en reste aucune trace, et personne n'informe le Parlement à ce sujet[80]. »

Certains témoins ont recommandé que les dépenses fiscales soient évaluées de la même manière que les programmes gouvernementaux. David Macdonald, économiste principal au Centre canadien de politiques alternatives, a indiqué que « l'on devrait évaluer les exemptions au code des impôts de la même façon qu'on évalue les programmes dans les rapports sur les plans et les priorités ‒ c'est-à-dire pour déterminer leur rendement par rapport à ce qu'ils coûtent[81] ».

David Good, professeur à l’École d’administration publique de l’Université de Victoria, a proposé « d'examiner les dépenses fiscales et de les inclure dans les rapports des ministères[82] ». Il a poursuivi :

Malgré les montants énormes qu'elles représentent et l'utilisation de plus en plus grande qu'on en fait, les dépenses fiscales ne sont pas assujetties à un mécanisme d'examen, comme les autres dépenses. Il s'agit de recettes cédées. En fait, on ne les budgète pas comme les dépenses directes ‒ on ne les budgète pas du tout [...] Elles ne figurent ni dans les budgets ni dans les prévisions budgétaires des ministères. Elles ne figurent pas dans les comptes publics du gouvernement. Elles ne sont pas examinées par le Parlement et ses comités. Elles ne sont pas signalées à ceux dont le rôle est d'assurer la protection de nos finances. Elles ne font pas l'objet de vérifications régulières, à l'interne ni par le Bureau du vérificateur général, et les évaluateurs de programmes ne s'en occupent pas.
Les ministères devraient au moins, avec les autres documents portant sur les prévisions budgétaires, fournir aux comités parlementaires un rapport sur les dépenses fiscales dans leurs domaines de responsabilité[83].

Compte tenu de l’importance et de l’ampleur des dépenses fiscales, le Comité croit que l’information susceptible d’accroître la transparence et la responsabilité devrait être mise à la disposition des députés. Cette information pourrait être présentée dans les rapports ministériels sur les plans et les priorités, ce qui permettrait aux comités permanents de les étudier de façon cyclique. Les dépenses fiscales pourraient être regroupées par thèmes et présentées de la manière la plus cohérente dans les rapports sur les plans et les priorités. Les dépenses fiscales mentionnées dans les Dépenses fiscales et évaluations du ministère des Finances sont regroupées par catégories fonctionnelles (culture, éducation, emploi, etc.), sans égard aux considérations politiques sous-jacentes. Le regroupement par catégorie fonctionnelle pourrait donc permettre de réunir les données de façon thématique, puis de les répartir dans les RPP des ministères. Quoi qu’il en soit, il serait préférable pour certaines dépenses fiscales qu’elles soient incluses dans le Rapport sur les plans et priorités du ministère des Finances. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 12 

Que les ministères et organismes présentent leurs dépenses fiscales, qui figurent actuellement dans le document Dépenses fiscales et évaluations du ministère des Finances, dans leurs rapports sur les plans et les priorités, et ce, suivant les indications que leur donnera à cet égard le Secrétariat du Conseil du Trésor en fonction des impératifs de leur mandat.

RECOMMANDATION 13 

Que les comités permanents examinent les dépenses fiscales présentées dans les rapports sur les plans et priorités des ministères de façon cyclique au moins une fois tous les huit ans afin de vérifier si elles atteignent l’objectif visé.

Généralités

Les parlementaires et les observateurs font remarquer depuis des années que le manque de ressources et d’outils pour effectuer un examen efficace des prévisions budgétaires et l’énorme quantité des informations à caractère budgétaire gênent l’examen des dépenses publiques. Paul Thomas, professeur émérite en Études politiques à l’Université du Manitoba, a bien exprimé le problème quand il a dit que « les députés sont gavés d'information et affamés de compréhension[84] ». Comme les députés ont de nombreuses autres obligations, eux-mêmes et leur personnel manquent de temps pour étudier les documents budgétaires. Ils ont en outre du mal à comprendre le contenu de ces documents. Tous ces facteurs nuisent à un examen efficace. Dans Transparence budgétaire – Les meilleures pratiques de l’OCDE, on affirme que le « Parlement doit avoir la possibilité et les moyens d’examiner de près les rapports budgétaires lorsqu’il l’estime nécessaire[85] ».

Séances d’information régulières sur le processus budgétaire

Certaines recommandations visant à améliorer le soutien offert aux comités et à leurs membres ont été formulées dans des rapports parlementaires précédents. Dans les rapports de 1998 et de 2003, on demandait que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada prépare une trousse d'information complète, mais concise sur l'étude du budget des dépenses et des crédits, que des ateliers sur le processus budgétaire soient intégrés au programme d’orientation des nouveaux députés, avec un suivi annuel, et que la Bibliothèque du Parlement soutienne davantage les travaux budgétaires des comités[86]. Actuellement, les députés bénéficient de séances d’information périodiques organisées par la Chambre des communes et par la Bibliothèque du Parlement, mais les députés et leur personnel y assistent peu.

Il vaudrait mieux, aux fins de l’examen des dépenses publiques par les comités permanents, que les députés comprennent mieux le processus d’étude des prévisions budgétaires et des crédits et les divers documents qui s’y rattachent. S’il est difficile de faire en sorte que les députés assistent à des séances d’information, on pourrait faire en sorte que chaque comité permanent tienne une réunion à huis clos consacrée au processus d’examen des prévisions budgétaires et des crédits. Cette séance d’information pourrait être donnée par la Chambre, la Bibliothèque du Parlement ou le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Le Comité recommande :

RECOMMANDATION 14 

Que, au début de chaque nouvelle législature et périodiquement par la suite suivant les besoins, les comités permanents consacrent une réunion à huis clos à une séance d’information sur le processus d’examen des prévisions budgétaires et des crédits et sur les documents qui s’y rattachent, en mettant l’accent sur le rôle du comité dans l’examen des dépenses publiques.

Ressources dont disposent les comités

Les membres du Comité estiment important d’avoir davantage de soutien lors de l’examen des prévisions budgétaires. À leur avis, il est temps d’établir un processus qui encourage l’analyse et fournit aux députés les outils et les connaissances dont ils ont besoin pour faire des recommandations avisées sur la manière de dépenser l’argent des contribuables.

À cet égard, de nombreux témoins ont fait valoir au Comité que le rôle et le mandat du directeur parlementaire du budget (DPB) devraient être clarifiés et étendus. Le poste de DPB a été créé en 2006 par la voie de modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada. Le DPB a pour mission de présenter au Parlement une analyse indépendante sur l’état des finances de la nation, le budget des dépenses du gouvernement, ainsi que les tendances de l’économie nationale; et, à la demande de tout comité parlementaire ou de tout parlementaire, de faire une estimation des coûts de toute proposition concernant des questions qui relèvent de la compétence du Parlement.

Allen Schick, professeur éminent à l’École de politique publique de l’Université du Maryland, a dit à ce sujet :

Ce faisant [en créant le poste de DPB], le Canada a suivi une pratique largement répandue dans le monde et qui consiste à créer au Parlement des postes lui permettant de mieux assumer ses fonctions liées au budget. Il faut remarquer toutefois que, dans la plupart des pays, ces postes sont créés au sein de comités pour étudier les prévisions budgétaires, proposer des options et contester, le cas échéant, les hypothèses avancées. Comme il s'agit de postes créés au sein de comités, leur action est peu visible et est assujettie au processus des comités en vigueur au Parlement.
[…]
Cet organisme a souvent pour mandat d'examiner les prévisions budgétaires pour voir si elles sont fiables. Le travail budgétaire clé que l'on mène aujourd'hui dans le monde ne consiste pas simplement à déterminer s'il faut dépenser l'argent, mais à vérifier si les hypothèses sous-jacentes à ces prévisions sont solides et fiables[87].

Au sujet des changements susceptibles de renforcer le rôle du Parlement, Joachim Wehner, professeur agrégé en politique publique à la London School of Economics and Political Science, a dit :

Premièrement, à mon avis, il faut protéger et améliorer le rôle du directeur parlementaire du budget […] Le travail du directeur parlementaire du budget a reçu des éloges à l'échelle internationale, et cela constitue un changement majeur [...] ne serait-ce que pour l'accès du Parlement à une capacité de recherche indépendante et hautement professionnelle [...] Cependant, je crois qu'on pourrait effectuer certains ajustements au cadre juridique du directeur parlementaire du budget. Il serait possible d'accroître l'indépendance de cette précieuse institution, par exemple en haussant le statut du directeur pour qu'il devienne un haut fonctionnaire du Parlement à part entière. De plus, des mesures doivent être prises pour veiller à ce que le directeur ait un accès complet à tous les renseignements pertinents [...] je considère qu'il s'agit d'un changement très positif et qu'il y a possibilité de renforcer son rôle [...][88].

Des témoins ont laissé entendre que, en faisant du DPB un haut fonctionnaire du Parlement à part entière qui ferait rapport au Comité, on donnerait au DPB, comme il l’a demandé, un plus grand accès aux documents dont il a besoin. De plus, on répondrait à la nécessité de mieux aider les comités à comprendre les documents budgétaires et de leur fournir des analyses plus détaillées à ce sujet. John Williams, un ancien député, a fait remarquer ce qui suit :

Le vérificateur général appuie le Comité des comptes publics. Son rapport est déposé et renvoyé au comité. Une étroite relation existe entre le soutien documentaire assuré par le vérificateur général et la capacité du comité d'interroger les témoins. Le directeur parlementaire du budget devrait faire la même chose, vous remettre son rapport pour que vous, les députés, puissiez poser les questions importantes. Parce que le directeur parlementaire du budget n'a pas vraiment de mécanisme de communication présentement, il tient ses propres conférences de presse et fait des déclarations publiques. Le vérificateur général n'agit pas ainsi. Je crois que vous devriez songer à la même chose pour le directeur parlementaire du budget; qu'il devienne un haut fonctionnaire du Parlement, qu'il fasse rapport ici, qu'il vous donne ses rapports, et que vous posiez les questions[89].

Le Comité est d’avis que le travail du DPB est utile aux députés et aux comités permanents et que le fait que son poste soit intégré à la Bibliothèque du Parlement suscite des malentendus inutiles quant à son mandat. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 15 

Que la Chambre des communes mandate le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires d’étudier le mandat du directeur parlementaire du budget; que ce Comité fasse une analyse approfondie des responsabilités et des fonctions de son Bureau afin qu’il serve davantage les députés; et que le Comité envisage tous les modèles structurels possibles, notamment, mais pas seulement, la possibilité de faire en sorte que le directeur parlementaire du budget relève directement du Parlement, à titre de haut fonctionnaire du Parlement.

Des liens à établir

Le gouvernement publie plusieurs documents qui contiennent des informations financières sur les plans et les réalisations des ministères, notamment le budget, le budget principal des dépenses, les budgets supplémentaires des dépenses, les rapports sur les plans et les priorités, les rapports ministériels sur le rendement et les rapports financiers trimestriels. Chacun de ces documents devrait être conçu pour faciliter l’examen des dépenses prévues par le Parlement. Les liens entre les documents devraient être clairs de manière que les comités permanents puissent s’y référer utilement dans leur examen des prévisions budgétaires.

Un des problèmes qui nuisent à l’examen des prévisions budgétaires tient à la grande quantité d’information disponible et à la difficulté, pour les députés, d’établir des liens entre les divers rapports. La solution réside en partie dans la production de l’information appropriée au moment opportun.

À ce sujet, Jack Stilborn, ancien analyste principal de la Bibliothèque du Parlement, maintenant à la retraite, a dit au Comité que :

[…] les tentatives visant à améliorer l’examen, par le Parlement, des dépenses gouvernementales devraient focaliser sur ce que le Parlement fait concrètement plutôt que sur ce que nous avons toujours pensé qu’il devrait faire. Le Parlement s’intéresse aux dépenses gouvernementales au gré des dossiers du jour, de façon très épisodique. Ainsi, l’amélioration qui s’impose, c’est de rendre l’information nécessaire accessible au Parlement lorsqu’il en a besoin. Ce n’est ni le peaufinage des rapports officiels ni l’amélioration du processus officiel des prévisions budgétaires par des changements à la procédure[90].

Ressources en ligne

Si une bonne partie de l’information dont disposent les parlementaires se présente à la fois sous forme imprimée et sous forme électronique, il s’agit en général de données présentées à un niveau global ou d’informations difficiles à analyser dans le contexte des divers documents interdépendants. Joe Jordan, ancien député maintenant expert-conseil auprès du Capital Hill Group, pense que les députés devraient chercher à exploiter les possibilités que présente la technologie moderne pour les aider à gérer le volume d’informations. Suivant M. Jordan, « les députés et les Canadiens devraient pouvoir avoir accès à des outils de traitement analytique en ligne ou à des cubes de données qui permettent l'extraction et l'analyse multidimensionnelle de données afin de mieux comprendre les opérations gouvernementales[91]. »

Dans le même ordre d’idées, suivant Jack Stilborn :

Il faudrait en priorité offrir aux députés et à leur personnel un outil électronique souple leur permettant d’obtenir un portrait précis des activités individuelles ainsi qu’une idée concrète des coûts prévus ou des activités en cours et de leurs coûts actuels. Cet outil pourrait parfois se révéler utile pour l’examen des prévisions budgétaires, mais permettrait surtout d’examiner les dépenses gouvernementales à l’extérieur du processus des prévisions budgétaires, c’est-à-dire dans le cadre normal de la plupart des activités parlementaires. Cet outil devrait être conçu à cette fin[92].

Il faudrait à cet égard faire le tour de l’information disponible et déterminer ce qui manque encore. À ce sujet, M. Stilborn a dit :

En théorie, ce processus descendant est déjà en place. Il faut simplement permettre au Parlement de s'en prévaloir. De plus, bien que l’idée apparaisse traditionnellement comme un anathème pour les gouvernements, il faudrait également que cet outil permette d’établir, circonscription par circonscription, les activités et les dépenses. Certes, il en résultera bien des tentatives visant à gagner du capital politique sur la base d’iniquités réelles ou imaginaires; mais des questions aussi seront posées, des questions que la population canadienne est en droit d’entendre, tout comme l’information et les explications qui suivront. En fin de compte, il s’agit d’un processus sain[93].

Au chapitre de la transparence et de la reddition de comptes, M. Jordan a dit :

Pour ce qui est du recours à la technologie, il ne suffit pas de mettre le Livre bleu en ligne. Il faut structurer les données de telle manière que chacun puisse y trouver ce qui l'intéresse selon son point de vue particulier [...] C'est simplement un énorme appareil très complexe et les députés doivent notamment essayer d'assurer une utilisation optimale de l'argent des contribuables [...] il faut que les Canadiens puissent extraire des données en ligne en ayant accès à des outils analytiques qui leur diront exactement ce qu'ils veulent savoir[94].

Sur la question de savoir s’il est possible de créer un outil en ligne pour comparer l’information sur les activités de programme de tous les ministères avec les données sur les prévisions budgétaires, le directeur parlementaire du budget, Kevin Page a répondu : « [O]ui, il est possible de faire beaucoup de progrès dans un contexte semblable[95]. »

Au sujet des processus, M. Jordan a proposé que le gouvernement consulte l’industrie et qu’il commence par lancer un projet pilote. Il a dit au Comité : « Les grandes sociétés spécialisées en logiciels de gestion pourraient vous parler du concept des cubes de données et des possibilités illimitées qu'ils offrent pour l'extraction et l'analyse d'information pouvant permettre aux gens de se faire une meilleure idée des activités gouvernementales[96]. » Il a ajouté :

Quant à la façon de procéder, ce serait peut-être une bonne idée de mettre à l'essai cette approche au sein de petits ministères, plutôt que d'apporter un changement global. Je pense qu'il y a certains ministères suffisamment autonomes pour servir de pilotes pour différents modèles. Plutôt que d'inclure encore plus de données dans le gabarit actuel, il pourrait y avoir un site Web où les gens auraient accès à tous les renseignements que le gouvernement voudra bien mettre en ligne. Il y a certains cas où l'information ne devra pas s'y retrouver, mais je ne vois pas pourquoi la grande majorité des données ne pourraient pas y être affichées[97].

Au sujet de la question du coût, M. Stilborn a dit :

Certains responsables se disent inquiets, par exemple, des coûts associés à la publication en ligne de cette information. C'est un bon argument si vous prévoyez utiliser cette ressource uniquement dans le cadre de l'examen du budget principal des dépenses. Cependant, si vous prévoyez l'utiliser pour soutenir les travaux du Parlement concernant les programmes et leur efficacité, que ce soit ou non dans le cadre du processus d'examen du budget principal des dépenses, les coûts deviennent plus faciles à justifier[98].

L’examen, par les parlementaires, des prévisions budgétaires ayant pour but d’assurer un contrôle suffisant du gouvernement, les députés doivent disposer des outils dont ils ont besoin pour le faire. Durant toute l’étude du Comité, un thème est revenu en leitmotiv : les députés manquent d’information pour bien comprendre les relations entre les données présentées dans les divers documents mis à leur disposition. On a proposé pour régler le problème la constitution d’une base de données en ligne interrogeable qui permettrait de fournir aux députés de l’information en temps opportun. Vu le volume et la complexité des données budgétaires, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 16 

Que le gouvernement constitue une base de données en ligne interrogeable renfermant des informations sur les dépenses des ministères par type de dépense et par programme.

Ces derniers mois, le Comité a entendu de nombreux témoins : d’anciens parlementaires, des observateurs bien informés, des universitaires, des fonctionnaires et des représentants d’autres gouvernements. Il sait gré à tous du temps et des efforts qu’ils ont mis à préparer leurs présentations et des nombreuses idées utiles dont ils lui ont fait part pour améliorer l’examen des plans de dépenses du gouvernement tels qu’ils sont énoncés dans le budget des dépenses. S’il n’a pas pu incorporer toutes les suggestions qui lui ont été faites à son rapport, le Comité les a toutes étudiées attentivement et a choisi de formuler des recommandations sur les points où il serait le plus productif d’intervenir.

Le Comité sait fort bien qu’il n’y a jamais eu d’âge d’or dans l’examen des prévisions budgétaires et que le régime parlementaire britannique comporte certaines limitations quant à la participation des parlementaires au processus budgétaire dans la mesure, par exemple, où les budgets sont établis par le gouvernement et non par le Parlement, où les votes sur les crédits constituent une question de confiance dans le gouvernement et où les députés ont de nombreuses autres obligations. Quoi qu’il en soit, le Comité estime que l’examen et l’adoption des plans de dépenses du gouvernement constituent l’un des rôles fondamentaux du Parlement et qu’il existe plusieurs manières d’améliorer le processus parlementaire, l’information sur les prévisions budgétaires et les outils mis à la disposition des députés.

Le Comité estime que les comités permanents devraient être tenus d’examiner les prévisions budgétaires qui leur sont renvoyées et qu’ils devraient disposer de suffisamment de temps pour le faire. On pourrait rendre les audiences sur les prévisions budgétaires plus productives si les personnes entendues connaissaient à l’avance les questions qu’on entend leur poser. Les parlementaires seraient mieux en mesure d’utiliser et de comprendre l’information sur les prévisions budgétaires si les crédits étaient structurés en fonction des activités de programme et non des dépenses de capital et des dépenses de fonctionnement, si le calendrier du budget et du budget des dépenses était modifié de manière que ce dernier soit mieux aligné sur le budget, si les rapports sur les plans et les priorités étaient présentés en même temps que le budget des dépenses, si les dépenses fiscales figuraient dans les rapports sur les plans et les priorités et si les dépenses législatives étaient périodiquement évaluées. Les parlementaires seraient mieux équipés pour examiner les prévisions de dépenses s’ils disposaient d’une base de données en ligne interrogeable, si le mandat du directeur parlementaire du budget était revu afin qu’il soutienne davantage les députés dans leur étude des prévisions budgétaires et des crédits et si les comités permanents tenaient des séances d’information sur leur rôle dans le processus budgétaire et sur la manière de comprendre et d’interpréter les documents budgétaires.

Le Comité est d’avis qu’il propose des changements modestes et réalisables qui devraient améliorer de manière notable l’examen des prévisions budgétaires par les comités permanents d’un point de vue quantitatif et d’un point de vue qualitatif. Il entend néanmoins assurer un suivi du présent rapport pour vérifier la mise en œuvre, par le gouvernement, des recommandations qui lui sont adressées et s’assurer que les comités permanents voient, comme il se doit, à ce que le gouvernement fasse un usage économique, efficient et efficace des fonds publics.


[1]              Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, L’étude des crédits : boucler la boucle du contrôle, 51e rapport, 1re session, 36e législature, décembre 1998.

[2]              Chambre des communes, Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires (OGGO), Pour un examen valable : améliorations à apporter au processus budgétaire, 6e rapport, 2e session, 37e législature, septembre 2003.

[3]              Chambre des communes, OGGO, Témoignages, réunion no 40, 1re session, 41e législature, 1630.

[4]              On trouvera une description plus étoffée de l’origine et de l’évolution des travaux des crédits dans le rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, L’étude des crédits : boucler la boucle du contrôle, décembre 1998.

[5]              Chambre des communes, « Les procédures financières, Historique », La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, 2009.

[7]              Ibid., p. 9.

[8]              Chambre des communes, Compendium - Procédure en ligne, « Procédure financière », Introduction, février 2010.

[9]              Jean Dupuis, Les travaux de crédits, Bibliothèque du Parlement, 2004, p. 4.

[10]           Ibid., p. 4.

[11]           Commission de l’immigration et du statut de réfugié, « Avant-propos » du Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 1998.

[13]           Bureau du vérificateur général du Canada [BVG], Rapport de la vérificatrice générale du Canada de décembre 2001, « Chapitre 1 : La Stratégie d'information financière — L'état de préparation de l'infrastructure », 2001, p. 12.

[14]           Chambre des communes, OGGO, La comptabilité d'exercice pour la budgétisation et l'affectation des crédits au gouvernement fédéral, 6e rapport, 1re session, 39e législature, décembre 2006.

[15]           BVG, Rapport du vérificateur général du Canada de septembre 1998, « Chapitre 18 — La Stratégie d'information financière : un outil essentiel pour repenser le rôle de l'État », 1998.

[16]           BVG, Rapport de la vérificatrice générale du Canada de décembre 2002, « Chapitre 5 — La gestion et le contrôle financiers au gouvernement fédéral », 2002, p. 1.

[18]           Témoignages, réunion no 36, 1530.

[19]           BVG, Rapport Le Point de la vérificatrice générale du Canada de juin 2011, « Chapitre 1 — La gestion et le contrôle financiers et la gestion des risques », p. 26.

[20]           Témoignages, réunion n° 42, 1645.

[21]           Témoignages, réunion n° 45, 1555.

[22]           Témoignages, réunion n° 45, 1535.

[23]           Témoignages, réunion no 39, 1645.

[24]           Témoignages, réunion no 45, 1605

[25]           Témoignages, réunion no 45, 1535.

[26]           Témoignages, réunion no 36, 1635.

[27]           BVG, Rapport Le Point de la vérificatrice générale du Canada de mai 2006, « Chapitre 1 — La gestion gouvernementale : l'information financière », 2006.

[28]           Témoignages, réunion no 36, 1530.

[29]           Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Comptes publics du Canada 2006, 12rapport, 1re session, 39e législature, décembre 2006.

[30]           Chambre des communes, Comité permanent des comptes publics, Comptes publics du Canada 2008, 6e rapport, 2e session, 40e législature, mars 2009.

[31]            Témoignages, réunion no 36, 1530.

[32]           Témoignages, réunion no 36, 1535.

[33]           Témoignages, réunion no 39, 1645.

[34]           Témoignages, réunion no 40, 1710.

[35]           Témoignages, réunion no 40, 1540.

[36]           Témoignages, réunion no 30, 1540.

[37]           Témoignages, réunion no 30, 1550.

[38]           Ibid.

[39]           Témoignages, réunion no 35, 1635.

[40]           Témoignages, réunion no 45, 1535.

[41]           Ibid.

[42]           Témoignages, réunion no 45, 1615.

[43]           Témoignages, réunion no 45, 1540.

[44]           Témoignages, réunion no 28, 1635.

[45]           Témoignages, réunion no 30, 1550.

[46]           Témoignages, réunion n° 42, 1635.

[47]           Témoignages, réunion no 28, 1540.

[48]           Témoignages, réunion no 37, 1645.

[49]           Témoignages, réunion no 36, 1530.

[50]           Témoignages, réunion no 45, 1630.

[51]           Témoignages, réunion no 45, 1645.

[52]           Témoignages, réunion no 28, 1640.

[53]           Ibid.

[54]           Témoignages, réunion no 28, 1605.

[55]           Ibid.

[56]           Témoignages, réunion no 45, 1530.

[57]           Ibid.

[58]           Témoignages, réunion no 45, 1605.

[59]           Chambre des communes, Règlement de la Chambre des communes, Ottawa, juin 2011, paragraphe 81(4).

[60]           Ibid., paragraphe 81(5).

[61]           Témoignages, réunion no 30, 1550.

[62]           Témoignages, réunion no 35, 1700.

[63]           Témoignages, réunion no 37, 1530.

[64]           Témoignages, réunion no 35, 1540.

[65]           Témoignages, réunion no 35, 1700.

[66]           Témoignages, réunion no 40, 1715.

[67]           Témoignages, réunion no 43, 1700.

[68]           Témoignages, réunion no 28, 1715.

[69]           Témoignages, réunion no 45, 1545.

[70]           Témoignages, réunion no 38, 1615.

[71]           Ibid.

[72]           L’étude des crédits : boucler la boucle du contrôle, 1998, Recommandation 33.

[73]           Témoignages, réunion no 37, 1640.

[74]           Ibid.

[75]           Témoignages, réunion no 28, 1650.

[76]           Ministère des Finances, Dépenses fiscales et évaluations 2011.

[77]           Témoignages, réunion no 30, 1545.

[78]           L’étude des crédits : boucler la boucle du contrôle, 1998, Recommandation 12.

[79]           Témoignages, réunion no 37, 1640.

[80]           Témoignages, réunion no 37, 1700.

[81]           Témoignages, réunion no 28, 1540.

[82]           Témoignages, réunion no 39, 1640.

[83]           Témoignages, réunion no 39, 1645.

[84]           Témoignages, réunion no 43, 1720.

[85]           Organisation de Coopération et de Développement Économiques, Transparence budgétaire — Les meilleures pratiques de l’OCDE, 2002, Meilleure pratique 3.4., p. 15.

[87]           Témoignages, réunion no 40, 1545.

[88]           Témoignages, réunion no 35, 1550.

[89]           Témoignages, réunion no 37, 1705.

[90]           Témoignages, réunion no 40, 1635.

[91]           Témoignages, réunion no 28, 1635.

[92]           Témoignages, réunion no 40, 1635.

[93]           Ibid.

[94]           Témoignages, réunion no 28, 1645.

[95]           Témoignages, réunion no 30, 1635.

[96]           Témoignages, réunion no 28, 1645.

[97]           Témoignages, réunion no 28, 1655.

[98]           Témoignages, réunion no 40, 1650.