La Chambre reprend l'étude du projet de loi , dont le comité a fait rapport avec des propositions d'amendement, ainsi que du groupe de motions no 1.
:
Monsieur le Président, je suis ravi de me lever en cette Chambre pour continuer le débat sur le projet de loi .
[Traduction]
Le Canada et le gouvernement sont fiers de la tradition d'ouverture envers les nouveaux arrivants et de protection des réfugiés de notre pays. Depuis que nous avons pris le pouvoir, en 2006, nous avons conservé, de façon soutenue, le taux d'immigration le plus élevé de toute l'histoire du Canada. Nous accueillons en moyenne plus de 250 000 nouveaux résidants permanents par année et nous sommes restés sur la première marche du podium en matière de protection des réfugiés.
Nous haussons d'environ 20 p. 100 le nombre de réfugiés réinstallés que nous accueillons et nous leur offrons davantage d'aide à l'intégration; de tous les pays, le Canada admettra donc le plus grand nombre de réfugiés réinstallés par habitant. Par surcroît, nous possédons aussi un généreux système d'octroi de l'asile qui permet d'éviter que les étrangers qui se réfugient chez nous parce qu'ils ont une crainte fondée d'être persécutés ne soient renvoyés là où ils pourraient être exposés à un danger.
Cela dit, le projet de loi est un volet névralgique de nos efforts pour protéger l'ouverture et la générosité de nos régimes d'immigration et de protection des réfugiés contre quiconque cherche à en abuser, en particulier au moyen de dangereuses activités commerciales liées au passage de clandestins, de fausses demandes d'asile — dont beaucoup sont déjà en cours de traitement —, ou d'autres façons qui compromettent l'intégrité de notre régime d'immigration et l'application uniforme de ses règles justes.
Je tiens à féliciter les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de leur excellent travail et de toutes les heures qu'ils ont consacrées aux audiences sur le projet de loi . Ils ont écouté des dizaines de témoignages et examiné attentivement les amendements proposés.
[Français]
Les députés, qui étaient à la Chambre lors de la dernière législature, se rappelleront qu'on avait adopté le projet de loi , prévoyant un système d'octroi d'asile équilibré. Ils se rappelleront qu'à ce moment-là, le gouvernement et l'opposition étaient d'accord au sujet de certaines modifications au projet de loi pour s'assurer qu'il était bien équilibré, c'est-à-dire pour avoir un système rapide, efficace, mais juste. À ce moment-là, on était heureux du résultat de cet effort législatif.
Toutefois, depuis juin 2010, on a vu une énorme augmentation de fausses demandes d'asile déposées au Canada, particulièrement par des ressortissants de l'Union européenne.
Effectivement, l'année dernière, nous avons reçu presque 6 000 demandes d'asile provenant de ressortissants européens, plus que ce que nous recevons de l'Afrique ou de l'Asie. Presque aucun de ces demandeurs d'asile européens n'assiste à sa propre audience auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et, selon notre système légal et juste, presque aucun n'est un demandeur d'asile de bonne foi.
C'est une des raisons pour lesquelles il faut renforcer l'intégrité de notre système pour vraiment décourager les faux demandeurs d'asile à venir au Canada et abuser de la générosité de notre pays. En effet, le traitement de ces fausses demandes d'asile coûte environ 50 000 $ aux contribuables canadiens. Voilà les objectifs du projet de loi .
Suite aux propos tenus par les députés, notamment ceux des partis d'opposition, et par certains témoins devant le comité parlementaire, le gouvernement a considéré les modifications raisonnables pour arriver à un meilleur projet de loi qui atteint ses objectifs visant à mieux combattre le passage des clandestins, les fausses demandes d'asile et à renforcer la sécurité de notre système.
[Traduction]
J'aimerais passer en revue certains des amendements que le comité a adoptés.
Tout d'abord, l'un d'entre eux a trait à l’article 19 du projet de loi. L’article 19 prévoit la perte automatique du statut de résidant permanent d’une personne qui perdrait son statut de personne protégée en raison de la perte de l’asile.
Ici, « perte » signifie que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié — je le répète, la CISR, non le ministre —, peut retirer à une personne son statut de réfugié s’il est prouvé qu'elle n’a plus besoin de protection. Cette disposition est prévue dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, entrée en vigueur en 2002.
Depuis la présentation du projet de loi , certains ont dit craindre que l’amélioration des conditions dans le pays d’origine n'entraîne la perte automatique du statut de résidant permanent à l'issue d'une décision de la CISR, sans égard à la période qu’une personne a passée au Canada en tant que résidant permanent.
Certains se sont inquiétés en pensant que le Canada se dirigeait vers une approche de « résidence permanente conditionnelle » pour les réfugiés, ce qui — je dois le souligner —, n'est pas inusité dans d'autres pays démocratiques: le Royaume-Uni et l'Allemagne, par exemple, ne confèrent pas sur-le-champ la résidence permanente aux personnes protégées. Toutefois, cela n’a jamais été l’objet de ce projet de loi.
Donc, pour préciser nos intentions, nous avons proposé, à l'étape de l'étude en comité, un amendement retirant de l’article 19 un motif de perte de statut automatique. Voici le motif que nous éliminons:
les raisons qui [ont poussé cette personne à] demander l’asile n’existent plus.
Cette modification fait en sorte qu’une perte de statut déclenchée par ces motifs, comme un changement dans la situation du pays, n’entraînerait pas la perte automatique de la résidence permanente. Cette mesure fera en sorte que le statut de résident permanent ne soit perdu automatiquement que si la perte de l’asile découle d’actes posés par la personne concernée elle-même.
Par exemple, si une personne vient au Canada et fait une demande d'asile qui est acceptée par la CISR, mais qu'elle retourne dans son pays d'origine peu après avoir obtenu l'asile au Canada, alors qu'elle avait supposément quitté son pays par crainte de persécution, nous nous réserverions le droit, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, de saisir la CISR du cas et de déclarer que cette personne n'a apparemment jamais eu besoin de notre protection puisqu'elle est retournée de son plein gré dans son pays d'origine. Ainsi, nous pourrions entreprendre des démarches auprès de la CISR pour qu'elle révoque le statut de personne protégée et le statut de résident permanent, mais nous procéderions de cette façon seulement si la personne concernée a posé un geste prouvant bel et bien qu'elle a abusé de notre système d'asile.
Le gouvernement a aussi proposé un autre amendement, qui est lié à l'examen des risques avant renvoi, ou ERAR. Lorsque des demandeurs d’asile déboutés sont frappés d’une mesure de renvoi du Canada, ils peuvent, sous certaines conditions, présenter une demande d’ERAR, qui entraîne une procédure d’examen visant à garantir qu’ils ne sont pas renvoyés dans une situation où ils courent des risques de persécution, de torture, de traitements cruels ou inusités ou de décès.
[Français]
Le projet de loi , dans sa forme originale, prévoyait une interdiction d'un an des demandes d'ailleurs visant tous les demandeurs d'asile déboutés, y compris ceux provenant de pays qui ne produisent généralement pas de réfugiés. C'est une phrase d'ailleurs utilisée par le haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés.
Cette mesure devait simplifier le système d'octroi de l'asile, éliminer les chevauchements et permettre d'accélérer le renvoi des demandeurs d'asile déboutés. Le gouvernement a proposé un amendement qui prolonge cette interdiction à trois ans pour les demandeurs d'asile déboutés provenant de pays qui ne produisent généralement pas de réfugiés.
[Traduction]
La prolongation de l’interdiction visant ces demandeurs d’asile a pour but de s’attaquer aux vulnérabilités inhérentes aux procédés existants, qui favorisent les recours abusifs au système par des personnes qui n’ont pas besoin de protection. Cette prolongation faciliterait le renvoi des personnes n’ayant pas besoin de la protection du Canada, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un nouvel examen du risque.
Comme la prolongation de l’interdiction ne s’appliquera qu’aux demandeurs d’asile déboutés en provenance de pays d'où les réfugiés ne viennent généralement pas et qui sont généralement considérés comme sûrs, le risque de renvoyer quelqu’un dans une situation de danger est déjà minimal. D'ailleurs, en vertu des lignes directrices que nous proposons, les trois quarts des demandes d'asile provenant de ces pays seraient rejetées, abandonnées ou retirées.
Il convient également de noter que chaque demandeur admissible bénéficierait d’une audience sur le bien-fondé de son dossier auprès de la CISR — un organisme quasi judiciaire indépendant —, laquelle devrait avoir rejeté la demande et n’avoir pas cerné de risque concernant le renvoi du demandeur.
En outre, le projet de loi prévoit que le ministre puisse invoquer des exceptions à l’interdiction d’ERAR, à savoir l'interdiction de 12 mois, imposée à la plupart des demandeurs déboutés, ou celle de 36 mois imposée aux demandeurs déboutés provenant de pays désignés. Par conséquent, si un événement important survenait dans un pays — un coup d'État ou une guerre civile, par exemple —, le ministre pourrait lever l'interdiction d'ERAR pour les demandeurs déboutés de ce pays, ce qui leur permettrait de demander et d'obtenir une deuxième évaluation des risques. Je tiens également à préciser que cet amendement n’empêcherait pas un demandeur d’asile débouté de demander une autorisation à la Cour fédérale afin d’obtenir un contrôle judiciaire permettant d’étudier le bien-fondé de la décision défavorable rendue par la Section de la protection des réfugiés de la CISR.
Parmi les mesures du projet de loi qui ont été le plus abondamment commentées par les parlementaires et les intervenants figurent celles concernant la détention obligatoire des ressortissants étrangers qui arrivent au Canada dans le cadre d’une arrivée irrégulière désignée — autrement dit une opération à grande échelle de passage de clandestins. Ces mesures faisaient bien sûr partie de la portion du projet de loi destinée à lutter contre le passage de clandestins.
Cet amendement permettrait que, dans le cas d'une arrivée irrégulière désignée, un contrôle initial des motifs de détention soit réalisé par la Section de l'immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié dans les 14 jours suivant la mise en détention, puis tous les 6 mois, au lieu de le faire seulement au bout de 12 mois comme cela avait été proposé dans la première mouture du projet de loi.
[Français]
Je remercie de nouveau tous les députés d'avoir effectué d'importantes démarches en comité. J'ai hâte que toutes les modifications soient acceptées ici, à la Chambre.
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Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui dans le débat sur ce projet de loi au nom de mes électeurs de Parkdale—High Park, circonscription urbaine de l'Ouest de Toronto où vivent des communautés provenant de nombreux pays. Il y en a qui, comme mes grands-parents, sont venus du Royaume-Uni. D'autres sont originaires d'Asie, d'Afrique, des États-Unis, d'Europe, bref des quatre coins du monde, et font partie de différentes vagues d'immigration.
Certains d'entre eux, comme mes ancêtres, sont venus les mains pour ainsi dire vides, mais pleins d'ardeur au travail et mus du désir de bâtir une vie meilleure pour eux et leur famille. Les gens qui ont pu immigrer dans notre grand pays ont vu leur famille contribuer beaucoup plus qu'ils l'auraient imaginé à l'époque.
D'autres, les récents réfugiés et ceux des générations passées, fuyaient une situation impossible. Par exemple, ma circonscription, Parkdale—High Park, compte la plus grande communauté tibétaine au Canada. Certaines de ces personnes originaires de la région tibétaine de la Chine viennent du Népal ou de l'Inde, où elles ont cherché refuge il y a parfois des décennies. D'autres encore viennent d'Afrique ou d'ailleurs.
Certaines des histoires que j'ai entendues sont poignantes. Ces gens cherchent à fuir des circonstances extrêmes, comme l'absence de droits religieux et politiques, et d'autres encore fuient des conditions matérielles très difficiles.
Ma communauté regroupe également un grand nombre de réfugiés roms. Les Roms sont nombreux dans notre région. J'en ai rencontré beaucoup. J'ai entendu beaucoup de leurs histoires et je veux exprimer les profondes préoccupations des membres de cette communauté et des Canadiens de l'ensemble du pays à propos des modifications législatives proposées dont la Chambre est saisie.
On s'inquiète du risque que le projet de loi punisse les réfugiés au lieu de chercher à les aider lorsqu'ils en ont le plus besoin et du fait qu'on dispose déjà des dispositions législatives nécessaires pour lutter contre le passage de clandestins.
Nous avons entendu bon nombre de gens dire que ce même parti a fait adopter, pas plus tard que l'an dernier, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, alors qu'il formait un gouvernement minoritaire. La loi vient tout juste d'être adoptée et n'a même pas encore été entièrement mise en oeuvre, mais voilà maintenant que la solution de compromis retenue par tous les partis et adoptée dans cette enceinte sera mise au rebut au profit des dispositions figurant dans cette mesure législative. Une fois de plus, comme il en a pris l’habitude depuis qu’il est majoritaire, le gouvernement veut faire adopter à toute vapeur cette mesure législative, d'une manière qui est particulièrement inquiétante pour ceux qui ne partagent peut-être pas son point de vue et veulent vraiment que l'on procède à une étude exhaustive de toutes les dispositions de la mesure législative.
Les gens se sont aussi dits très préoccupés par le fait que la mesure législative concentre les pouvoirs entre les mains du ministre, qui pourra traiter les réfugiés de façon différente selon la façon dont ils arrivent au Canada. Ils craignent de ne pas être traités également au sens de la loi.
Le ministre et moi avons participé ensemble à diverses activités locales dans notre région, et je sais qu'il tente d'apprendre à bien connaître les communautés de nouveaux arrivants. Ces derniers apprécient ses efforts, mais je me demande si le ministre connaît bien la communauté rom. Je sais qu'il en a beaucoup parlé, mais je vais quand même lire une lettre d'un membre de cette communauté, qui est maintenant un immigrant reçu au Canada.
Voici ce qu'il dit:
Je m'appelle Robi Botos. Je suis un musicien et un compositeur rom. Je suis arrivé au Canada en 1998; avant cela, j'habitais à Budapest, en Hongrie. J'ai pu constater la recrudescence des persécutions et du racisme au cours des années 1990. Grâce à l'appui du milieu musical canadien, de mes fans et de mes amis, j'ai pu demeurer au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire.
La Hongrie n'est pas devenue un pays plus sûr depuis que je l'ai quittée. En fait, les choses ont vraiment empiré là-bas. Aujourd'hui, la vie des Roms qui habitent en Hongrie est bel et bien en danger en raison de la montée du mouvement fasciste. Il y a beaucoup de preuves à l'appui de ce que j'avance. Vous n'avez qu'à consulter Internet pour le constater.
Je suis allée beaucoup plus loin. Je me suis entretenue avec de nombreux membres de cette communauté dans notre région.
Il ajoute ceci:
Je suis tombé amoureux du Canada parce que les gens ne me traitent pas de façon discriminatoire; ils m'acceptent tel que je suis.
J'ai remporté deux des plus importants concours de piano au monde en tant qu'artiste canado-rom. J'ai aussi gagné de nombreux prix en tant que musicien canado-rom, dont le prix National Jazz, et j'ai récemment été mis en nomination pour des prix Juno. On me qualifie de trésor national canadien. J'ai partagé la scène avec mon plus grand héros, Oscar Peterson, un grand personnage légendaire canadien.
Si je vous raconte cela, c'est qu'il y a à peine quelques années, j'ai failli être expulsé. Si le projet de loi C-31 avait été vigueur, j'aurais peut-être été renvoyé en Hongrie, et mon fils aurait pu être le garçon qu'ils ont abattu de 18 balles parce qu'il était Rom.
Je ne suis pas venu au Canada pour profiter du système d'aide sociale ou pour commettre des actes criminels! Comme la plupart des réfugiés roms, j'ai vendu tous mes effets personnels pour pouvoir acheter des billets d'avion, en sachant que je perdrais tout si on me renvoyait un jour en Hongrie. À mon arrivée ici, je ne parlais pas du tout anglais et je n'étais sûr de rien.
Je suis extrêmement déçu du fait que les autorités canadiennes en matière d'immigration traitent maintenant les réfugiés roms de façon discriminatoire en les qualifiant de « faux réfugiés ». Elles envisagent même de désigner la Hongrie comme un pays sûr pour les Roms. Ce n'est pas ainsi qu'on fait les choses au Canada. Les autorités devraient au moins faire des recherches avant de prendre une décision!
J'espère ardemment que les autorités canadiennes en matière d'immigration se conformeront aux valeurs canadiennes en protégeant les réfugiés roms et qu'elles ne les menaceront pas de les renvoyer dans un pays où leur vie serait sérieusement en danger.
Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole au nom de mon peuple.
Je me préoccupe tout d’abord des commentaires faits ici au Canada au sujet des Roms qui portent gravement atteinte à leur réputation. J’ai rencontré de nombreuses personnes. Je les connais et j’ai entendu leurs histoires. Je donc suis consciente de leur contribution ici. Je suis au courant de l’insécurité et de la peur qu’ils ressentent à l’idée de perdre l’occasion d’être ici en sécurité et de retourner vivre là-bas dans la persécution.
Le gouvernement a apporté des changements à la loi sur l’immigration et les réfugiés il y a un an seulement. Or, je suis inquiète de constater qu'il les élimine aujourd’hui pour en présenter d'autres qui créeraient deux catégories de réfugiés et empêcheraient des gens qui cherchent la sécurité de rester au Canada.
J’ai beaucoup travaillé avec des organismes comme le Conseil canadien pour les réfugiés, qui demande l’élimination complète du projet de loi. L’Association du Barreau canadien craint que le projet de loi viole les garanties prévues dans la Charte contre la détention arbitraire. L’Association des droits civils s’est montrée très critique à l’endroit du projet de loi et affirme que les mesures envisagées sont draconiennes.
Je parle au nom de ceux que j’ai rencontrés, des familles qui arrivent au Canada avec pratiquement rien et qui ont vécu de terribles expériences de discrimination et même de violence dans certains cas. Ils voient le Canada comme un refuge. Compte tenu de notre réputation en ce qui concerne les droits de la personne et le respect des ententes internationales, je refuse de croire que nous tournerons le dos à des gens dans le besoin.