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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 027 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 mai 2014

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Nous sommes prêts à commencer la séance. Notre président, Ben Lobb, est absent aujourd’hui. Par conséquent, en tant que vice-présidente, j’ai accepté de présider la séance.
    Bienvenue à tous les participants à la séance et à tous nos témoins.
    Nous poursuivons notre étude des risques et des dommages sanitaires de la marijuana, et nous accueillons aujourd’hui deux témoins: M. Walsh de l’Université de Colombie-Britannique et M. Lucas de l’Université de Victoria.
    Soyez tous deux les bienvenus. Il est merveilleux de pouvoir accueillir ici même des gens de la Colombie-Britannique, car, autrement, les invités de là-bas sont normalement forcés de se lever très tôt pour participer à nos séances par vidéoconférence. Donc, c’est bien de vous avoir parmi nous.
    Nous allons procéder à nos séries d’interventions habituelles, dont une série d’interventions de sept minutes et une série d’interventions de cinq minutes. Notre séance est d’une durée de deux heures. Par conséquent, vous serez sur la sellette, car nous n’accueillons que deux témoins aujourd’hui. Nous poursuivrons la séance tant que les membres du comité auront des questions à vous poser ou tant que les deux heures ne seront pas écoulées.
    Je vous remercie encore une fois de votre présence, et nous allons commencer par M. Walsh.
    Je vous remercie de m’avoir invité. C’est un honneur d’être ici.
    Compte tenu du temps de parole relativement bref dont je dispose. J’aimerais mettre en relief cinq points qui, selon moi, sont particulièrement pertinents relativement à l’estimation des risques et des dommages sanitaires du cannabis. Mon premier point fournit un contexte général pour la discussion qui suivra. Je suis un psychologue clinicien et un chercheur dans le domaine des toxicomanies, et j’ai acquis une expérience considérable de la conduite de recherches en collaboration avec des personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie et des troubles mentaux plus généraux et du traitement de ces personnes.
    Étant donné mes compétences dans ce domaine, j’aimerais mettre principalement l’accent sur les effets néfastes et les risques du cannabis qui se rapportent au fonctionnement psychologique et comportemental ainsi qu’au bien-être. Je choisis également de me pencher surtout sur ses effets psychologiques et comportementaux, plutôt que sur ses effets sur la santé physique en tant que telle, à cause de l’absence de données probantes portant sur les risques significatifs pour la santé et les effets néfastes attribuables à la consommation du cannabis.
    Dans une décision rendue en 1988 par le juge de droit administratif en chef de la DEA, Francis Young, a affirmé que la marijuana était probablement une des substances thérapeutiques les plus sûres que connaisse l'humanité. Les nombreuses recherches qui ont été menées ultérieurement pour étudier les conséquences sanitaires de la consommation du cannabis n’ont pas prouvé le contraire. À mon avis, la déclaration du juge Young est aussi vraie aujourd’hui qu’elle l’était il y a un peu plus de 25 ans de cela. En l’absence de risques et d’effets néfastes liés à la santé physique, je pense qu’on devrait se concentrer sur les effets néfastes du cannabis sur la santé psychologique et publique ainsi que sur les risques qu’il fait peser sur cette santé.
    À cet effet, j’aimerais parler de l’état des connaissances scientifiques au chapitre de la corrélation qui existe entre l’utilisation du cannabis et des problèmes de santé liés à la violence, au fonctionnement cognitif, à l’anxiété et aux psychoses. Comme mon temps est compté, je vais simplement vous donner un aperçu de chacun de ces points, en mettant l’accent sur quelques études clés que j’ai remises au greffier.
    La violence est une importante préoccupation en matière de santé publique et la principale cause de blessures. Une documentation substantielle confirme que la violence est une conséquence négative importante de la consommation de substances en général, et d’alcool en particulier. Par conséquent, il est logique d’enquêter sur la mesure dans laquelle l’utilisation du cannabis peut également être liée à la violence interpersonnelle. En effet, la prohibition du cannabis au début des années 1900 était imputable en partie au rôle putatif du cannabis dans la libération des pulsions agressives, et la corrélation entre son utilisation et la violence a suscité l’attention de nombreux chercheurs. Toutefois, en dépit du grand nombre de recherches qui démontrent le lien qui existe entre la consommation d’alcool et la violence, les faits ne prouvent pas clairement que l’utilisation du cannabis et la violence sont liées. Les résultats des études menées sont incohérents, et bon nombre d’entre elles ont négligé de prendre en considération les effets potentiellement troublants d’autres facteurs, comme ceux d’une tendance antisociale générale et de l’utilisation concomitante d’autres substances, notamment l’alcool.
    En effet, l’une des théories les plus importantes qui expliquent la corrélation entre l’utilisation du cannabis et la violence, à savoir la théorie de la déviance générale, soutient que, lorsque le lien entre l’utilisation du cannabis et la violence est apparent, il peut être attribué à une prédisposition générale pour la violation des règles et à une tendance antisociale, plutôt qu’à tout effet direct de l’utilisation du cannabis. Cette théorie cadre avec les résultats d’études menées en laboratoire sur des animaux qui n’ont révélé aucun lien entre l’intoxication au cannabis et l’agressivité.
    Les études sur les humains donnent des résultats contradictoires. Bien que certaines études aient décelé des liens entre la consommation du cannabis et un risque accru de violence, bon nombre d’entre elles ont omis de contrôler des facteurs clés. Une étude récente qui examinait le lien temporel entre l’utilisation du cannabis et la violence familiale — c’est-à-dire laquelle est apparue en premier, l’utilisation de substances ou la violence? — a révélé que l’utilisation du cannabis réduisait le risque de violence. Une autre étude récente des auteurs de violence familiale de sexe masculin a indiqué qu’après avoir tenu compte de la consommation d’alcool, elle n’avait découvert aucun lien entre l’utilisation du cannabis et la perpétration de la violence familiale. Cette constatation ultérieure coïncide avec les travaux effectués récemment par notre laboratoire qui ont révélé que le lien entre l’utilisation de cannabis et la perpétration de violence familiale était expliqué par la consommation d’alcool et des caractéristiques de la personnalité antisociale. En somme, la théorie, selon laquelle un comportement de plus en plus violent devrait faire partie des risques et des effets néfastes liés à l’utilisation du cannabis, n’est pas appuyée fermement ou systématiquement, et un tel comportement ne devrait pas faire partie des risques encourus.
    Chose intéressante, une étude menée récemment aux États-Unis qui examinait les effets de la légalisation du cannabis médical sur les crimes violents a révélé que, dans les États où elle avait été mise en oeuvre, la légalisation était liée à des taux de violence réduits. De telles constatations sont plausibles dans la mesure où le cannabis peut servir de substitut à d’autres substances qui altèrent l’état de conscience, comme l’alcool ou les amphétamines, et dont les liens avec la violence sont plus prononcés. Toutefois, il faudra mener d’autres recherches pour évaluer la mesure dans laquelle le cannabis peut réduire la violence interpersonnelle.

  (0850)  

    Tout comme les recherches qui ont examiné le lien entre le cannabis et la violence, les recherches qui ont examiné le lien entre la consommation du cannabis et les facultés mentales n’ont pas amené les scientifiques à s’entendre sur les effets du cannabis sur le rendement cognitif. Il est clair qu’une intoxication aiguë au cannabis entrave les processus cognitifs, comme la mémoire et l’attention d’un grand nombre d’utilisateurs dans les heures qui suivent immédiatement leur ingestion du cannabis. Cependant, les effets à long terme du cannabis et la stabilité de tout effet néfaste qu’il pourrait avoir ne sont pas clairs et semblent dépendre d’un certain nombre d’autres facteurs.
    Même les effets aigus de l’intoxication au cannabis semblent varier considérablement d’une personne à l’autre, et ce sont les utilisateurs occasionnels de cannabis qui subissent les effets cognitifs les plus puissants, alors que les utilisateurs réguliers de cannabis semblent développer une tolérance aux perturbations cognitives et aux baisses du rendement cognitif qui peuvent accompagner l’intoxication au cannabis.
    Bien que préoccupants, les effets aigus du cannabis le sont moins que leurs effets à long terme ou résiduels et la réversibilité de toute différence cognitive liée au cannabis après l’interruption de son utilisation.
    Une étude menée à l’école de médecine de Harvard a comparé trois groupes de personnes: des gens qui utilisaient fréquemment du cannabis, qui en avaient consommé plus de 5 000 fois au cours de leur existence et qui en consommaient toujours régulièrement; des utilisateurs fréquents de cannabis qui avaient réduit ou interrompu leur consommation de cannabis; et des non-utilisateurs. L’étude a révélé que les résultats de l’examen du fonctionnement cognitif des trois groupes ne différaient pas après 28 jours d’abstinence.
    De même, une méta-analyse détaillée — c’est-à-dire une analyse de plusieurs études regroupées en une seule — des effets non aigus du cannabis a détecté un effet résiduel faible mais discernable dans seulement deux des huit domaines cognitifs et a conclu que les données disponibles « n’avaient pas permis de révéler qu’une consommation régulière de cannabis à long terme avait un effet substantiel et systématique sur le fonctionnement neurocognitif des consommateurs. » Il est également à noter qu’une étude récente portant sur les jeunes Canadiens a indiqué que ceux d’entre eux qui consommaient du cannabis et du tabac obtenaient de meilleurs résultats scolaires que ceux qui ne consommaient que du tabac.
    En somme, les données disponibles indiquent que, même si une intoxication aiguë au cannabis peut compromettre la vitesse de réponse, la mémoire et l’attention de la personne intoxiquée, l’utilisation du cannabis n’a pas d’importants effets néfastes irréversibles sur les facultés mentales et la réalisation de tâches exigeantes sur le plan cognitif et que, par conséquent, ces effets ne devraient pas faire partie des risques associés à l’utilisation du cannabis.
    La relation qui existe entre l’utilisation du cannabis et les psychoses a considérablement attiré l’attention des chercheurs, et plusieurs études ont confirmé l’existence d’un lien entre la consommation de cette substance et certains troubles psychotiques, dont le plus grave, le plus préoccupant et le plus débilitant est la schizophrénie. Toutefois, la mesure dans laquelle le cannabis joue un rôle causal dans le développement de la schizophrénie n’est toujours pas claire, tout comme la mesure dans laquelle l’utilisation du cannabis influe sur les psychoses dont souffrent des personnes qui n’auraient peut-être pas développé des troubles psychotiques autrement. Les faits démontrent néanmoins que l’utilisation du cannabis peut entraîner une apparition plus précoce de la maladie chez certaines personnes vulnérables et peut également aggraver l’état de santé de celles qui ont des antécédents de troubles psychotiques.
    Un argument convaincant utilisé pour réfuter le présumé lien causal entre l’utilisation du cannabis et les psychoses est le fait que son utilisation, qui s’est substantiellement accrue au cours des dernières décennies, n’a pas été accompagnée d’une augmentation du nombre de cas de troubles psychotiques. Toutefois, cette importante observation n’écarte pas la possibilité que l’utilisation du cannabis puisse avoir des effets plus subtils sur l’exacerbation des psychoses existantes ou sur l’apparition plus précoce de troubles psychotiques complètement développés. Comme c’est le cas pour la plupart des recherches sur le cannabis et sur les problèmes de santé mentale, il faudra mener d’autres recherches pour établir une relation de cause à effet et pour éliminer des facteurs potentiellement déconcertants comme la personnalité des personnes atteintes, leurs antécédents en matière de santé mentale et l’utilisation concomitante d’autres substances.
    En effet, de plus en plus de données prouvent que les éléments constitutifs du cannabis peuvent avoir des effets contraires sur le développement des psychoses. Le THC, l’un des principes actifs du cannabis peut entraîner le développement ou l’exacerbation des psychoses, alors que le cannabidiol, l’un de ses autres principaux éléments constitutifs, a des effets antipsychotiques. Cela semble indiquer que les personnes qui risquent de développer des psychoses peuvent utiliser le cannabis pour soulager leurs symptômes, ce qui, en revanche, peut nous amener à surestimer l’influence causale du cannabis.

  (0855)  

    Les effets divergents des différents constituants du cannabis tendent aussi à démontrer que les risques associés à la consommation de cette substance peuvent varier en fonction du type consommé, c'est-à-dire en fonction du rapport relatif de THC et de CBD.
    En résumé, bien qu'il faille poursuivre les recherches et que les effets dépendent d'une vaste gamme de facteurs de risques extérieurs liés à la génétique, au contexte environnemental et aux variétés de cannabis, les données démontrent que la consommation de cannabis peut provoquer l'apparition précoce d'une psychose et des conséquences plus graves pour la faible proportion de la population qui peut être prédisposée aux épisodes psychotiques.
    Enfin, l'association entre le cannabis et l'anxiété a été documentée dans la littérature médicale il y a bien plus d'un siècle. Les données empiriques demeurent néanmoins équivoques en ce qui a trait aux effets anxiolytiques et anxiogènes de la consommation de cannabis.
    Des études ont rapporté une forte prévalence de troubles anxieux chez les gros consommateurs de cannabis et un risque de développement tardif de troubles anxieux chez les consommateurs de cannabis plus modérés. De plus, les attaques de panique sont parmi les effets indésirables les plus courants de l'intoxication au cannabis, notamment chez les personnes qui en consomment pour la première fois. En revanche, d'autres études font état d'une diminution des risques de dépression et de troubles anxieux chez les consommateurs de cannabis, et la raison la plus couramment invoquée pour justifier la consommation de cannabis est le soulagement de l'anxiété. On a également documenté l'efficacité du cannabis pour soulager l'anxiété qui sous-tend d'autres troubles médicaux, comme les douleurs chroniques, le VIH-sida et la sclérose en plaques.
    Nos résultats en laboratoire tendent à démontrer les effets anxiolytiques plus que les effets anxiogènes du cannabis. Le soulagement de l'anxiété était l'une des principales raisons invoquées par les consommateurs canadiens de cannabis à des fins médicales, et les recherches que nous avons effectuées auprès d'étudiants ont montré que les utilisateurs habituels de cannabis étaient moins anxieux et moins sensibles aux symptômes d'anxiété que les utilisateurs occasionnels et les non-utilisateurs.
    Compte tenu des propriétés antixiolitiques du cannabis, le trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, est l'un des troubles pour lesquels plusieurs États américains permettent ou recommandent l'utilisation du cannabis à des fins médicales. Des chercheurs américains s'apprêtent à mener des essais cliniques sur l'utilisation du cannabis pour traiter le TSPT chez les anciens combattants qui en souffrent, car le TSPT est l'un des troubles anxieux les plus graves et les plus débilitants qui soient.
    En résumé, les recherches sur le rapport entre l'utilisation du cannabis et l'anxiété sont équivoques et les données actuelles n'indiquent pas qu'il faille ajouter l'exacerbation problématique de l'anxiété aux risques liés à la consommation de cannabis. De fait, d'autres recherches pourraient conclure à l'efficacité du cannabis ou de ses constituants comme traitement contre certains troubles anxieux.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Walsh. Je vous ai laissé parler un peu plus longtemps, parce que vous êtes nos deux seuls témoins aujourd'hui, et je voyais que tout le monde prenait furieusement des notes. Merci beaucoup pour cet exposé.
    Nous allons passer aux questions après avoir entendu M. Lucas.
    Monsieur Lucas, nous vous écoutons.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je demanderais à M. Walsh de bien vouloir m'aider avec la portion francophone de mon exposé, car je n'aurai pas assez de mains. Si on pouvait démarrer le chronomètre lorsque je commencerai, ce serait parfait.
    Merci, madame la présidente.
    Je m'appelle Philippe Lucas. Je suis candidat au doctorat au programme de dimensions sociales de la santé de l'Université de Victoria, adjoint de recherche pour le Centre de recherche en toxicomanie de la Colombie-Britannique, ainsi que vice-président de la recherche et des services aux patients de Tilray, une entreprise de marijuana thérapeutique autorisée par le gouvernement fédéral et située à Nanaimo, en Colombie-Britannique.
    Mon exposé d'aujourd'hui portera sur l'incidence de la consommation de cannabis sur les consommateurs et l'ensemble de la société, et j'insisterai sur le phénomène de la dépendance. Commençons donc par répondre à une question primordiale: le cannabis peut-il entraîner une dépendance?
    Les données probantes montrent que seul un utilisateur régulier de cannabis sur dix va développer des habitudes de consommation problématiques, et comme vous pouvez le voir sur le tableau, des études indiquent que le cannabis est beaucoup plus sûr et moins toxicomanogène que bien d'autres substances licites et illicites, dont la nicotine, l'alcool et même la caféine. Pour les utilisateurs qui développent une dépendance au cannabis, la période de sevrage est généralement modérée et courte. Selon le DSM-V, les symptômes associés au sevrage du cannabis sont notamment l'irritabilité, la perte d'appétit et l'insomnie, et peuvent durer quelques jours ou quelques semaines. La majorité des Canadiens qui abandonnent le cannabis le font sans l'aide d'un traitement formel de la toxicomanie.
    Malgré le faible risque de dépendance, le cannabis a pendant des décennies été décrié comme le point de départ potentiel vers la consommation de drogues dures. Les recherches sociales et cliniques sont cependant venues déboulonner ce mythe, et de façon convaincante.
    Le rapport de 2002 sur le cannabis du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites a conclu que si les consommateurs de drogues dures étaient nombreux à avoir aussi consommé du cannabis, les raisons les ayant amenés à le faire vont des facteurs sociaux tels que la pauvreté, au statut illicite du cannabis, dont la distribution est alors contrôlée par le marché noir. Comme le Sénat l'a découvert, les tendances en matière de consommation de drogues au Canada ne soutiennent tout simplement pas cette hypothèse. Je cite le rapport sénatorial: « ...alors que plus de 30 % [des Canadiens] ont une expérience de consommation de cannabis, moins de 4 % ont consommé de la cocaïne et moins de 1 % de l’héroïne ».
    De plus, des données récentes laissent croire que plutôt que de mener à une dépendance, le cannabis a été, pour certaines personnes, une porte de sortie à un problème de toxicomanie. Différentes études menées auprès de sujets humains et animaux indiquent que le système cannabinoïde influe sur la dépendance aux substances licites et illicites. On a par exemple démontré que les envies de nicotine pouvaient être modulées par le système endocannabinoïde, et des recherches récentes montrent que les récepteurs de cannabinoïdes interrompent les signaux dans les systèmes récepteurs d'opioïdes, ce qui influe tant sur les envies d'opiacés que sur la gravité des symptômes de sevrage. Labigalini Jr et ses collaborateurs ont étudié cet effet auprès de personnes ayant une dépendance au crack et ont rapporté que 68 % des 25 sujets qui géraient eux-mêmes leurs symptômes à l'aide du cannabis avaient été en mesure de renoncer totalement au crack.
    De plus, les recherches indiquent que la consommation de cannabis n'interfère pas avec le traitement de la toxicomanie. Des données tirées du système de mesure des résultats de la Californie montrent que les patients consommant du cannabis à des fins thérapeutiques obtiennent d'aussi bons résultats, sinon de meilleurs, que les patients n'en consommant pas, qu'on parle de facteurs comme la complétion du traitement, les démêlés avec la justice ou l'état de santé. Plus récemment, Scavone et ses collaborateurs ont examiné les répercussions de la consommation de cannabis durant un traitement de substitution à la méthadone chez 91 patients ayant une dépendance aux opiacés. Ils ont conclu que les patients consommant du cannabis présentaient des symptômes de sevrage moins aigus, ce qui favorise l'observance du traitement à la méthadone et ses résultats.
    Mes propres recherches confirment ces résultats. J'ai récemment mené une enquête transversale sur les répercussions subjectives du cannabis à des fins thérapeutiques sur la consommation de substances licites et illicites, telles que rapportées par 404 patients consommant du cannabis à des fins médicales. Au final, 75 % des répondants ont dit consommer du cannabis pour remplacer une autre substance: 67 % pour remplacer des médicaments d'ordonnance, 41 % pour remplacer l'alcool, et 36 % pour remplacer des substances illicites comme le crack et la méthamphétamine en cristaux.
    Ces constatations se retrouvent également dans l'Enquête sur l'accès au cannabis à des fins médicales, la plus vaste enquête menée à date auprès des patients canadiens consommant du cannabis à des fins médicales. Les répondants ont indiqué à 86 % consommer du cannabis pour remplacer au moins une autre substance: 80 % ont dit l'utiliser pour remplacer des médicaments d'ordonnance, 51 % pour remplacer l'alcool, et 32 % pour remplacer des substances illicites.
    Les patients ayant rapporté un plus grand nombre de symptômes étaient plus susceptibles de consommer du cannabis en remplacement d'une autre substance. Il est aussi intéressant de noter que les patients de moins de 30 ans étaient beaucoup plus enclins à consommer du cannabis en remplacement de médicaments d'ordonnance, d'alcool et de substances illicites que les patients de 50 ans et plus.

  (0900)  

    En ce qui a trait aux jeunes, dans un sondage mené auprès de 67 étudiants de 17 à 24 ans de l'Université de la Colombie-Britannique, qui portait sur la consommation de cannabis et d'alcool au cours des six derniers mois, 71 % des répondants ont indiqué boire de l'alcool moins rapidement quand ils avaient consommé du cannabis, 53 % ont dit boire moins quand ils avaient consommé du cannabis, et aucun d'entre eux n'a rapporté ressentir un besoin accru de boire de l'alcool. Cela laisse croire que pour certains étudiants, le cannabis est un moyen qu'ils prennent consciemment pour réduire leur consommation d'alcool.
    Voilà ce qu'on sait sur le cannabis et la dépendance, mais qu'en est-il des répercussions de sa consommation sur l'ensemble de la société? La réduction de la criminalité est un point central de la plateforme du gouvernement en place, alors il pourrait être utile de savoir si l'utilisation ou l'acceptation sociale du cannabis mène à une hausse du taux de criminalité. Fait intéressant à noter, une nouvelle étude de Morris et ses collaborateurs sur les taux de criminalité dans les États américains qui ont légalisé le cannabis à des fins médicales montre qu'il y a en fait une nette réduction du nombre d'homicides et d'agressions dans ces États par rapport aux États voisins.
    Je cite les auteurs:
Vu la corrélation entre l'alcool et les crimes violents, remplacer l'alcool par de la marijuana pourrait permettre de réduire légèrement l'incidence de crimes violents recensés dans chacun des États. [Traduction]
    Alors, qu'est-ce que cela signifierait pour la santé publique si les Canadiens consommaient du cannabis plutôt que de l'alcool, des médicaments et des substances illicites? À la lumière de la hausse alarmante du nombre de Canadiens ayant une dépendance aux opiacés d'ordonnance, de plus en plus de recherches laissent croire que le cannabis pourrait s'avérer un substitut sûr et efficace pour les patients en quête d'un traitement contre la douleur chronique et les utilisateurs d'opiacés à des fins non médicales.
    De plus, comme l'usage intraveineux des opiacés, du crack, de la cocaïne et de la méthamphétamine en cristaux favorise la transmission de maladies chroniques graves telles que le VIH/sida et l'hépatite C, les données supposant que le cannabis peut s'avérer un substitut efficace pour ces substances pourraient guider une stratégie de santé publique visant à réduire la transmission de maladies et les surdoses provoquées par l'usage de drogues injectables. Puisque l'alcool a beaucoup plus de répercussions sociales, sanitaires et financières sur les personnes et les collectivités que toutes les substances illicites combinées, adopter des politiques publiques éclairées par les données qui sont de plus en plus nombreuses à indiquer que le cannabis pourrait atténuer ou même traiter la dépendance à l'alcool, cela pourrait avoir une incidence importante sur le taux global d'alcoolisme et ainsi sur l'occurrence d'accidents de la route liés à l'alcool, de cas de violence familiale et de crimes violents.
    En résumé, le cannabis n'est pas particulièrement accoutumant et 90 % des utilisateurs n'y développeront pas de dépendance. En outre, de plus en plus de données indiquent que le cannabis, qu'on considérait auparavant comme le point de départ de la toxicomanie, pourrait en fait être une porte de sortie pour certaines personnes aux prises avec un problème de consommation de drogue. À la lumière de ces recherches, les politiques qui réduisent les peines associées à l'utilisation du cannabis ou qui en légalisent l'accès pour les adultes pourraient limiter les répercussions néfastes qu'ont l'alcool et la consommation problématique de drogues sur la sécurité et la santé publiques, et pourraient même réduire l'occurrence de crimes violents au Canada.
    En terminant, j'aimerais remercier la Chambre des communes de m'avoir invité aujourd'hui, ainsi que Tilray, le Centre de recherche en toxicomanie de la Colombie-Britannique et l'Université de Victoria d'avoir soutenu mes recherches.
    Je suis disposé à répondre à vos questions. Merci, madame la présidente.

  (0905)  

    Merci beaucoup. Vous avez parfaitement respecté le délai de 10 minutes.
    Nous allons commencer notre premier tour de questions, et ce sera des questions de sept minutes. Vous pouvez utiliser votre oreillette si vous ne comprenez pas les deux langues officielles.
    Nous allons commencer par M. Morin, pour sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Je veux simplement m'assurer que tout le monde comprend le français. Sinon, je vous prie d'utiliser votre oreillette et de régler l'appareil devant vous à « français ».
    Désolé, madame la présidente...
    Je vais attendre que les témoins...
    Je pense que Philippe...

[Français]

    Je remercie les deux témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Les renseignements qu'ils nous ont fournis sont assez nouveaux. En effet, ils n'avaient pas été portés à l'attention du comité jusqu'à maintenant. J'apprécie que ce soit deux personnes de la communauté scientifique qui le fassent.
    À plusieurs reprises depuis le début de l'étude, on a souligné un manque de recherches scientifiques à ce sujet — vous l'avez aussi mentionné — portant soit sur les bienfaits ou sur les risques pour la santé. Depuis de nombreuses années, le gouvernement canadien offre un programme qui porte sur l'usage de la marijuana à des fins médicales. Or, ce n'est pas étayé par des preuves scientifiques. C'est pourquoi je vous remercie beaucoup pour vos contributions personnelles et collectives.
    Ma première question porte sur le programme que j'ai mentionné.
    Santé Canada a publié un document intitulé Renseignements destinés aux professionnels de la santé dans lequel on fait état des connaissances scientifiques sur l'utilisation du cannabis et des cannabinoïdes pour le traitement d'une foule de maladies. On y parle également des effets indésirables.
    Selon vous, ce document rend-il compte suffisamment bien de la littérature scientifique portant sur les usages thérapeutiques possibles de la marijuana ainsi que sur ses effets secondaires?

[Traduction]

    Je pense que le document Renseignements destinés aux professionnels de la santé est un bon outil en général. Il est assez exhaustif, c'est certain. Oui, j'ai été plutôt impressionné, en fait, par ce document.

  (0910)  

    Comme tout document, le temps qu'il soit publié, il finit par accuser un peu de retard. Il ne tient pas compte des recherches des deux ou trois dernières années, et il est évident qu'on met davantage l'accent sur les dangers potentiels que sur l'efficacité médicale en tant que telle.
    La quantité de données scientifiques qu'on présente actuellement sur les bienfaits potentiels du cannabis à des fins thérapeutiques est remarquable. Les principaux secteurs explorés sont l'utilisation du cannabis et des cannabinoïdes pour le traitement du cancer; le traitement des problèmes de santé mentale, comme le Dr Walsh l'a mentionné; le traitement de la démence et de la maladie d'Alzheimer, ainsi que plusieurs autres afflictions physiques.
    Il ne fait aucun doute que la prohibition qui dure depuis 70 ans a grandement influé sur les possibilités de recherche en Amérique du Nord et à l'échelle mondiale. Mais comme ces restrictions semblent vouloir s'estomper, puisque nous sommes en mesure de travailler avec plus de patients partout au Canada et à l'étranger dans des contextes scientifiques, de plus en plus de possibilités de recherches s'offrent à nous sur le potentiel thérapeutique du cannabis.
    Notez que le Dr Walsh a parlé du traitement du trouble de stress post-traumatique à l'aide du cannabis, l'une des applications possibles de cette substance. Je crois que nous serons tous d'accord pour dire qu'un des grands défis et des objectifs clés de notre système de santé public est de traiter nos soldats, nos policiers et nos agents correctionnels qui souffrent d'un traumatisme.
    À l'heure actuelle, Anciens Combattants Canada paie le cannabis à des fins médicales aux anciens combattants qui en ont besoin pour le traitement d'un trouble de stress post-traumatique. C'est l'un des seuls groupes de patients au Canada pour lequel ce traitement est payé, et je crois que c'est un pas dans la bonne direction de rembourser les coûts du cannabis pour les soldats qui ont souffert d'un traumatisme en servant leur pays.

[Français]

    La semaine dernière, Mme Andra Smith, qui est également une scientifique, nous a parlé de ses propres recherches sur le cannabis. Elle a mentionné qu'il pourrait être avantageux pour Santé Canada de réaliser ou de parrainer plus de recherches afin de bien étoffer le dossier sur l'usage de la marijuana à des fins médicales et sur le programme fédéral. J'espère que cela va se faire bientôt.
    Lorsque Santé Canada va enfin réaliser ou parrainer ce genre de recherches, devrait-il accorder la priorité à des domaines particuliers de la recherche? On pourrait, par exemple, mentionner la gestion de la douleur, la nausée, les vomissements et l'épilepsie. À votre avis, ces études sur l'utilisation de la marijuana à des fins médicales devraient-elles être spécifiques ou plutôt générales?

[Traduction]

    Nous avons besoin de recherches générales. Les conditions que vous avez énumérées sont certainement de bons points de départ. Dans nos recherches auprès des utilisateurs canadiens de cannabis à des fins médicales, nous avons constaté qu'une vaste proportion d'entre eux l'utilisent aussi pour traiter l'anxiété en tant que telle et l'anxiété liée à leur maladie, ainsi que pour favoriser le sommeil, en plus des autres choses dont vous avez parlé.
    De nombreux Canadiens prennent des médicaments d'ordonnance ou des médicaments en vente libre pour traiter l'anxiété et l'insomnie, et je pense que nous devons faire des études pour comparer l'efficacité du cannabis par rapport aux médicaments d'utilisation courante, parce qu'ils comportent leurs avantages, mais aussi leurs risques. Et c'est vrai notamment pour les somnifères communs et les benzodiazépines. Il serait particulièrement important de comparer les effets du cannabis à ceux des somnifères et des médicaments contre l'anxiété.
    Je pense que nous avons parlé des maladies qui sont les plus difficiles à traiter et pour lesquelles le traitement au cannabis s'annonce prometteur. Des recherches sur le cancer sont menées de façon continue à l'échelle mondiale, ainsi que sur les effets apaisants, antituméreux et anticancérogènes du cannabis et des cannabinoïdes, y compris la réduction tumorale chez les patients atteints d'un gliome ou d'un cancer du sein, et la réduction des lignées cellulaires du cancer du sein. Je crois que ce sont des avenues très prometteuses qui méritent plus d'attention. Je ne connais pas beaucoup de familles qui n'ont pas été touchées par le cancer, alors j'estime personnellement que ce serait un pas dans la bonne direction.
    On s'intéresse également de plus en plus aux formes non psychotropes du cannabis à forte teneur en CBD, ou cannabidiol, dans le traitement des troubles épileptiques chez les enfants. Vous avez peut-être entendu parler des parents qui tentent d'avoir accès à du cannabis à faible teneur en THC, la composante psychotrope du cannabis, et à forte teneur en CBD pour traiter les troubles épileptiques de leurs enfants. Certains sont à peine âgés de deux ans et subissent jusqu'à 100 crises épileptiques par jour, un trouble qui menace carrément la vie de ces enfants. Jusqu'à maintenant, les résultats sont très prometteurs, mais cela reste des résultats empiriques et pas très scientifiques. Les parents veulent désespérément sauver la vie de leurs enfants, alors je crois que c'est une avenue que nous devons absolument examiner et faire avancer.
    Il a également été question du trouble de stress post-traumatique tout à l'heure. Mon thème de recherche personnel à l'Université de Victoria porte sur les habitudes de consommation des patients utilisant le cannabis à des fins médicales. Nous n'avons toujours pas recueilli les données scientifiques de base entourant l'utilisation du cannabis par les patients canadiens. À l'heure actuelle, 50 000 Canadiens consomment du cannabis à des fins médicales. Mais je ne peux pas vous dire, par exemple, quelle quantité de cannabis consomme par jour un patient typique atteint de sclérose en plaques. Je ne sais pas non plus quelle lignée de cannabis préfèrent les patients, s'ils en aiment une plus qu'une autre. Nous n'avons même pas ce genre de renseignements de base. C'est donc entre autres là-dessus que je travaille dans le cadre de mon doctorat, soit de suivre pendant une année la consommation de 1 000 patients canadiens pour recueillir ces données.

  (0915)  

    Je crois que nous allons nous arrêter ici, car le temps est écoulé. Nous pourrons y revenir plus tard.
    La parole est maintenant à M. Wilks.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je veux revenir sur ce que vous disiez à propos des 50 000 patients qui utilisent le cannabis à des fins médicales, et du fait que nous n'avons jamais vraiment vérifié comment ils l'utilisaient. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, parce que c'est inquiétant selon moi de savoir qu'on a autorisé une substance qu'on ne contrôle pas, et qu'on n'assure pas non plus de suivi à cet égard. On dit qu'elle est efficace, mais on ne peut pas le prouver. Je comprends ce que vous nous dites aujourd'hui, mais en réalité, il n'existe encore aucune preuve de ce que vous avancez. J'aimerais que vous m'expliquiez brièvement ce qu'on fait pour appuyer ces hypothèses, parce que cela me semble impossible.
    Dans les faits, l'efficacité de nombreuses modalités de traitement associées au cannabis à des fins médicales a été démontrée dans le cadre d'essais cliniques. Il y a une étude...
    Mais qu'en est-il des 50 000 patients dont vous parliez?
    Il y a très peu de surveillance de ce côté, et j'ai déjà signalé à Santé Canada lors de consultations qu'il fallait vraiment mettre en place un programme de pharmacovigilance parallèlement au programme de cannabis à des fins médicales afin d'assurer le suivi auprès des patients.
    J'en ai discuté récemment avec le Dr Mark Ware, le président du Consortium canadien pour l'investigation des cannabinoïdes, et j'ai cru comprendre qu'il a conclu une entente avec le gouvernement du Québec pour assurer, par l'entremise des médecins, le suivi de la consommation de tous les patients québécois. C'est une initiative qui va se poursuivre, et nous pouvons certainement envisager la même chose à l'échelle nationale.
    Ce n'est toutefois pas inhabituel que des milliers de Canadiens prennent différents médicaments sur ordonnance sans qu'on ne surveille activement ce qui arrive à chacun d'eux.
    À la différence que les autres médicaments sont réglementés, ce qui n'est pas le cas pour le cannabis ou la marijuana.
    Eh bien, le cannabis est strictement réglementé, et c'est pourquoi nous avons le Règlement sur la marihuana à des fins médicales (RMFM). Il est beaucoup plus difficile de se procurer du cannabis que tout autre médicament commun et potentiellement dangereux.
    Alors qu'en est-il des modèles synthétiques que le Canada fournit aux patients? Il y en a deux qui sont réglementés, et un sous forme de vaporisateur buccal. Parlez-nous un peu de la différence entre la prise de ces médicaments et l'inhalation de la fumée de marijuana.
    Bien sûr. Comme vous l'avez dit, le Marinol, le Cesamet et le Sativex sont les autres formes normalement prescrites en remplacement du cannabis brut. Le Marinol et le Cesamet sont utilisés en monothérapie. L'un d'eux est une vraie molécule de THC, et l'autre est une molécule analogue de THC. Toutes les recherches menées sur les monothérapies analogues ont conclu qu'elles étaient moins efficaces que les modalités de traitement utilisant la plante de cannabis toute entière. Ce que les chercheurs appellent « l'effet synergétique » semble être un des facteurs clés qui déterminent l'efficacité des différents agents du cannabis.
    Le Sativex, quant à lui, est un vaporisateur mucosal buccal qui contient les deux ingrédients actifs du cannabis. Je pense que c'est un produit beaucoup plus prometteur que le Marinol et le Cesamet, mais je continue de croire que la plupart des patients n'y auront pas accès en raison des coûts — c'est un produit qui coûte très cher. C'est l'équivalent d'avoir une seule lignée de cannabis pour tous les Canadiens. Les recherches ont démontré que toutes les lignées ne sont pas aussi efficaces selon les conditions et les circonstances, alors cela a été salutaire pour les patients qu'on offre différentes lignées, ce que prévoit le RMFM.
    J'ai toujours eu des réserves à l'égard de ce programme, notamment parce qu'on n'assure pas de contrôle clair pour voir quels sont les niveaux de THC contenus dans le cannabis consommé par les patients canadiens. Nous savons tous que la teneur en THC a augmenté au fil des ans, des années 1970 à aujourd'hui. En fait, elle est parfois relativement élevée. Je dirais que la teneur moyenne est probablement de 10 à 15 %, mais elle est parfois beaucoup plus importante que cela.
    Cela m'inquiète que nous n'ayons pas de moyen pour contrôler cette teneur, en dehors du RMFM. L'ancien système est toujours en place, comme vous le savez. Je me doute que bon nombre de ces 50 000 personnes dont vous parlez n'achètent pas leur cannabis auprès de fournisseurs autorisés par le RMFM, mais plutôt auprès de leurs propres sources, et cela me paraît inquiétant. Comment pouvons-nous exercer un certain contrôle là-dessus?

  (0920)  

    Comme vous dites, avec le RMFM, on note la teneur en THC et en CBD des lignées de cannabis. Pendant des années, nous n'avions pas accès à cela. Ce que les patients font depuis des années, et franchement depuis des générations, c'est de faire leur propre titrage, c'est-à-dire qu'ils commencent avec une faible dose et ils l'augmentent progressivement jusqu'à ce qu'ils en trouvent une qui leur convient. L'idée est d'arriver à un soulagement thérapeutique, sans qu'il y ait d'inconfort.
    Ce qui est bien, comparativement à l'aspirine, même, et aux autres médicaments comme les opiacés qui sont potentiellement plus dangereux, c'est que les risques de dépendance sont très faibles. On ne peut pas mourir d'avoir trop consommé de cannabis, par exemple. Il est impossible d'en faire une surdose. Les risques personnels que courent les gens en faisant leur propre titrage sont minimes. Une fois qu'ils ont trouvé la dose qui leur convient, celle-ci ne change pas en général, peu importe la douleur à soulager.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, docteur Walsh?
    Je vais vous interrompre, si vous me le permettez. La semaine dernière, nous avons reçu le Dr Harold Kalant, de l'Université de Toronto, que vous connaissez probablement. Il a dit ceci:
Aucune drogue n'est inoffensive. Toute substance ayant une action pharmacologique a le potentiel d'entraîner des effets néfastes, selon la quantité consommée, la fréquence et la durée de consommation, la personne qui consomme et les circonstances de la consommation. Il va sans dire que les effets néfastes de la marijuana sont le plus souvent observés chez les grands consommateurs et ceux ayant une plus grande vulnérabilité.
Parmi les gens qui commencent à consommer de la marijuana à l'âge adulte, les effets néfastes les plus courants sont des inflammations chroniques du système respiratoire, une déficience de la mémoire, un mauvais rendement au travail lorsque les tâches requièrent des capacités mentales et physiques, des accidents de la route et la dépendance. Les effets physiques et mentaux s'estompent habituellement lorsque la personne cesse de consommer.
    Et il a poursuivi en disant:
...le nombre d'adolescents et de jeunes adultes consommant de la marijuana est largement supérieur à celui des adultes plus âgés. Les jeunes débutants, ceux qui commencent à consommer dès l'âge de 12 ou 13 ans, sont beaucoup plus vulnérables aux effets néfastes...
    J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Nous avons parlé de l'utilisation à des fins médicales, maintenant parlons des adolescents et des jeunes qui commencent à en consommer à 12 ou 13 ans. Comment gérer cela? Comment pouvons-nous les convaincre que ce n'est pas une drogue à prendre à des fins récréatives, mais plutôt à des fins médicales, comme vous le dites? Je pense que la marge est grande entre les deux.
    C'est un bon point. J'ai moi-même été enseignant dans une école secondaire de premier cycle, alors c'est une chose qui me tient à coeur. Comment réduire les risques pour les jeunes gens vulnérables?
    Je pense que le modèle employé pour le tabac est un bon point de départ, car grâce à des campagnes d'information vraies et audacieuses, nous avons réussi à réduire le nombre de jeunes qui commencent à fumer. C'est une grande victoire pour la santé publique que nous avons réussi à obtenir.
    Si les jeunes continuent à en consommer, c'est qu'ils ne font plus confiance aux informations qu'on leur donne, vu les exagérations et la stigmatisation qui ont longtemps caractérisé la lutte contre les drogues. Au final, les jeunes ne croient plus ce qu'on leur dit et font abstraction des conseils que leur donnent les adultes.
    Vous avez raison, rien n'est inoffensif. Nous tâchons donc d'évaluer les effets néfastes et les risques potentiels par rapport à ceux d'autres substances. Avec de l'information pertinente, des initiatives de santé publique et des stratégies de prévention, nous pouvons protéger ces jeunes gens, ce qui est une priorité selon moi.
    Le temps est écoulé. Nous allons y revenir et il y aura sans doute d'autres questions.
    Je vous signale que notre collègue libérale a été retenue. Je suis certaine qu'elle se joindra à nous plus tard. Pour le moment, la parole va à M. Young.

  (0925)  

    Merci, madame la président.
    Monsieur Walsh, avez-vous une formation médicale? Êtes-vous pharmacien ou médecin?
    Je suis psychologue clinique agréé. J'ai étudié les neurosciences médicales.
    Alors, la réponse serait « non », n'est-ce pas?
    J'imagine, oui.
    La réponse est « non », vous n'êtes ni médecin ni pharmacien.
    Je ne suis pas médecin, ni pharmacien, non. Je suis un professionnel de la santé...
    D'accord.
    Vous avez dit qu'il y a « absence de données probantes portant sur les risques significatifs pour la santé et les effets néfastes attribuables à la consommation du cannabis ». Je veux m'assurer de vous avoir bien cité.
    Est-ce exact?
    Oui.
    D'accord, alors je veux vous dire ce que le comité a entendu.
    Un docteur en pharmacologie de l'Université de Toronto, le directeur médical du service de lutte contre la toxicomanie du Women’s College Hospital, et d'autres témoins nous ont dit que la marijuana causait des dommages au cortex préfrontal du cerveau, qui est responsable de la mémoire, du jugement et de la prise de décision. Les effets peuvent durer jusqu'à un mois, mais chez les jeunes, les dommages peuvent être permanents.
    Un autre expert du Centre de toxicomanie et de santé mentale d'un grand hôpital canadien nous a dit que la consommation de marijuana pouvait provoquer une psychose et la schizophrénie chez certaines personnes, et que les consommateurs ont deux fois plus de risques d'être impliqués dans un accident de la route.
    Des experts nous ont également dit qu'il y avait une corrélation avec différents types de cancer, et que fumer avait des effets néfastes sur la santé, quelle que soit la substance.
    Et ce ne sont là que quelques-unes des choses entendues devant le comité, alors j'aimerais savoir comment vous pouvez affirmer que rien ne prouve que le cannabis a des risques et des effets néfastes pour la santé.
    Je crois avoir parlé des risques plus tard dans mon témoignage, ceux que vous avez mentionnés concernant les psychoses.
    Il est question des risques relatifs pour la santé, et je faisais précisément référence aux conséquences à long terme sur la santé physique lorsque j'ai parlé de l'absence de données. J'ai cité le juge de droit administratif en chef de la DEA...
    Merci.
    Vous dites, ou semblez dire, que les personnes qui ont une dépendance à la cigarette devraient passer à la marijuana, parce que la consommation de marijuana aide à se défaire de la dépendance à la nicotine. Est-ce bien cela?
    Je crois que c'est Philippe qui a dit cela.
    Oh, désolé. Je vous demande pardon, Philippe.
    Oui, on pense que les consommateurs de cannabis peuvent diminuer ou abandonner...
    Est-ce que c'est ce que vous recommandez aux personnes qui ont une dépendance à la nicotine, de consommer plutôt de la marijuana?
    Je pense que si on compare les effets positifs et négatifs des deux, le cannabis est moins dommageable pour la santé que la nicotine.
    Et pourquoi pas viser une troisième option, celle de l'abstinence?
    Ce serait l'idéal et franchement merveilleux, mais dans notre société et le monde dans lequel on vit, je crois qu'il faut reconnaître qu'avant de pouvoir arriver à ce point, ce qui serait préférable pour certains ou pour l'ensemble de la société, les gens doivent parfois opter pour quelque chose de moins néfaste.
    Merci.
    Monsieur Walsh, vous avez dit que la littérature mentionne que la marijuana peut causer de l'anxiété, ou c'est en tout cas ce que vous croyez. Mais vous dites également qu'elle peut soulager l'anxiété, et que les crises de panique touchent surtout les consommateurs inexpérimentés. Est-ce qu'on parle des personnes qui en consomment pour la première fois ou de celles qui n'ont pas développé de dépendance?
    Oui.
    Je vous signale que des experts nous ont dit que les crises de panique étaient relativement courantes et que l'anxiété est aussi un des symptômes de sevrage de la marijuana. La marijuana peut ainsi soulager l'anxiété, jusqu'à ce que le consommateur décide d'arrêter.
    Je ne comprends pas pourquoi vous avez dit cela. Si cela permet de soulager l'anxiété, ce qui est bien jusqu'à ce que l'effet s'estompe...
    En fait, c'est un effet secondaire fréquent de la plupart des anxiolytiques ou des médicaments contre l'anxiété...
    Je comprends cela.
    ..., et certains consommateurs de cannabis se disent de plus en plus anxieux, soit un élément du syndrome de sevrage de courte durée. Il dure moins longtemps que les syndromes de sevrage lié aux benzodiazépines ou aux barbituriques, dont l'utilisation est maintenant moins répandue.
    C'est vrai. Merci.
    Vous avez donné des raisons pour lesquelles les consommateurs de marijuana qui fument aussi des cigarettes ont un meilleur rendement scolaire que ceux qui ne fument que la cigarette.
    Oui, c'est exact.
    J'essaie de comprendre pourquoi vous le soulignez. Vous semblez essayer de faire un lien entre la marijuana et l'amélioration du rendement scolaire ce qui est ridicule, car les effets principaux de la marijuana sont l'euphorie, les pertes de mémoire et l'apathie. La pire drogue que l'ont puisse donner à un étudiant pour détruire son avenir, c'est probablement la marijuana, car elle fait perdre la mémoire; l'étudiant ne pourra rien apprendre et puisque la marijuana le rend apathique, il s'en fichera.
    Pourquoi cherchez-vous à établir un lien entre la marijuana et l'amélioration du rendement scolaire?
    Je ne dis pas que je recommanderais aux étudiants de consommer de la marijuana pour améliorer leur rendement scolaire. Ce n'est certainement pas quelque chose que je veux faire en tant qu'éducateur.
    D'accord. Je suis ravi de l'entendre.
    Je parle des conclusions d'une étude selon lesquelles lorsqu'on compare les gens qui ont consommé à la fois du cannabis et du tabac, et ceux qui ne consomment que du tabac, les effets sont plus néfastes chez les seconds. C'est lié à la stigmatisation de plus en plus importante de la consommation du tabac.

  (0930)  

    Vous êtes donc d'avis que c'est un moindre mal.
    Eh bien, ce n'est pas tout à fait cela. Je crois que cela montre les effets confusionnels pour les gens qui consomment un produit ou les deux.
    Vous dites également qu'on n'a pas observé de hausse pour les troubles psychotiques, ce que contredisent les experts en médecine et les pharmacologues. Ils ont dit que la marijuana peut entraîner la dépression, et nous savons que le nombre de suicides chez les jeunes a beaucoup augmenté ces dernières années. Vous êtes-vous penché sur le lien entre le suicide et la consommation de marijuana?
    Je ne connais pas de données sur les liens entre la marijuana et l'augmentation du nombre de suicides.
    Avez-vous étudié la question?
    Non.
    Connaissez-vous des gens qui l'ont fait?
    Oui. Selon une étude américaine, le nombre de suicides a diminué dans des États qui autorisent l'accès à la marijuana à des fins médicales. On pense que c'est parce qu'elle soulage les souffrances.
    Vous avez parlé également de revenu et de rendement scolaire. Selon une enquête menée auprès des consommateurs de cannabis médical, les Canadiens qui consomment de la marijuana ont des revenus et un niveau de scolarité supérieurs à ceux des gens qui ne consomment pas de cannabis.
    Holà! Êtes-vous en train de dire qu'il y a un lien entre la marijuana et le niveau de revenu?
    Je dis que ce sont les faits qui découlent de l'enquête...
    Quel lien ridicule. Voyons donc. Parlons de données scientifiques.
    Ce n'est pas du tout un lien ridicule.
    Je n'en crois rien, en passant.
    Vous n'avez pas à le croire, mais ce sont des statistiques. Ce sont des faits. Il ne s'agit pas de croyances. C'est un fait.
    Veuillez le répéter pour le compte rendu.
    Ce sont des faits.
    Quoi au juste? Veuillez le répéter.
    Le fait est que...
    Les consommateurs de marijuana ont des revenus supérieurs.
    ... l'enquête révèle que les Canadiens qui consomment du cannabis ont un revenu et un niveau de scolarité plus élevés que les gens qui n'en consomment pas.
    C'est parce qu'on ne peut pas sonder les gens qui sont dans la rue, les gens qui souffrent de dépendance.
    Quoi qu'il en soit, vous avez fait une observation sur les troubles mentaux qui m'a vraiment surpris; c'est très exagéré.
    Il s'agit de l'Enquête sur les toxicomanies au Canada. Je vous incite tous à la consulter.
    Oui, d'accord. Nous le ferons...
    Vous aimeriez peut-être fournir le rapport au comité si c'est possible.
    Monsieur Lucas, vous avez dit que la consommation de marijuana ne peut pas causer la mort.
    C'est exact. Nous parlions...
    Veuillez patienter un instant. Des spécialistes nous ont dit que les consommateurs de marijuana courent deux fois plus de risques d'avoir un accident de la route, et nous savons que les accidents de la route causent la mort. On nous a dit également que la marijuana peut entraîner la dépression, comme je l'ai dit, et qu'elle peut causer différents cancers, dont celui du poumon. Bien des gens meurent de ce cancer. Les spécialistes ont dit que la marijuana contient plus de produits chimiques que les cigarettes. Personne n'a fait d'étude à double insu pour montrer si c'est le cas, mais il existe des liens entre la consommation de marijuana et le cancer du poumon et d'autres types de cancer. Comment pouvez-vous prétendre que la consommation de marijuana n'a jamais causé la mort de personne?
    Elle n'a causé la mort de personne, et le plus important projet de recherche consistant à examiner le lien entre, d'une part, le cancer et le cancer des voies respiratoires supérieures et, d'autre part, le cannabis, a été mené par le chercheur Donald Tashkin. Le projet a été financé par le National Institute on Drug Abuse aux États-Unis, et il a révélé que non seulement il n'y a pas de lien entre la consommation du cannabis et le cancer des voies respiratoires supérieures ou le cancer du poumon, mais aussi que les gens qui consomment du cannabis de façon modérée risquent moins d'avoir un cancer des voies respiratoires supérieures et des poumons que les gens qui n'en consomment pas, ce qui est tout à fait incroyable.
    Saviez-vous personne n'a jamais prouvé cliniquement que la cigarette cause le cancer du poumon? On fait des études épidémiologiques sur une période de 10 ans, et il n'y a probablement aucune façon de prouver selon une norme clinique que la marijuana cause le cancer du poumon ou d'autres cancers.
    Cela couvre des décennies. Qu'arrivera-t-il à tous les gens qui fument de la marijuana présentement lorsqu'on découvrira plus tard que cela finit par causer des cancers, comme dans le cas de l'amiante et du tabac?
    Je veux vous poser une question au sujet d'une autre étude, même je n'en connais pas le nom. Il s'agit d'une étude américaine portant sur des criminels qui sont incarcérés pour toutes sortes de crimes, dont des crimes violents. On a constaté que 40 % d'entre eux, je crois, avaient fumé de la marijuana lorsqu'ils ont commis leurs crimes. Connaissez-vous cette étude?
    Non, je ne la connais pas, et je serais porté à me demander si l'on a trouvé des cannabinoïdes dans leur organisme, ce qui veut dire qu'ils auraient pu consommer du cannabis au cours des 30 jours précédents — c'est l'une des drogues les plus faciles à déceler dans notre organisme —, ou s'ils étaient sous l'effet du cannabis lorsqu'ils ont commis le crime. De toute évidence, le produit le plus criminogène en Amérique du Nord, c'est l'alcool. Il est lié à...
    Donc, l'alcool, c'est plus mauvais que la marijuana. C'est ce que vous pensez?
    Non, c'est seulement qu'il y a un lien direct entre l'alcool et les crimes violents, les comportements à risques...
    Personne ne le nie.
    Or, ce n'est pas le cas du cannabis. En fait, bien au contraire...
    Personne ne nie que la consommation d'alcool cause du tort ou comporte des risques, monsieur Lucas. Vous essayez de nier que la marijuana cause du tort et pose des risques.
    Pas du tout.
    Monsieur Young, votre temps est écoulé depuis un bon moment. Je fais preuve d'indulgence aujourd'hui, car nous n'avons que deux témoins, mais votre temps est écoulé depuis un bon moment maintenant.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Jones. Je sais que vous n'avez pas entendu les exposés, et vous pourriez donc poser des questions maintenant, ou encore nous pourrions attendre un peu et revenir à vous si vous avez besoin de vous y préparer.

  (0935)  

    Je préférerais attendre un peu. Je remplace...
    Oui, je comprends.
    Je vous remercie de votre présence. Nous reviendrons à vous lorsque vous serez prête.
    Je vous en remercie.
    C'est maintenant au tour de M. Gravelle, qui dispose de cinq minutes.
    Nous en sommes à des interventions de cinq minutes, mais je le répète, nous sommes un peu plus indulgents aujourd'hui étant donné que nous n'avons que deux témoins.
    Monsieur Gravelle.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Lucas, vous avez dit que 80 % des consommateurs de cannabis l'utilisent pour remplacer des médicaments d'ordonnance.
    Pouvez-vous nous donner un exemple de médicament qui peut être remplacé par du cannabis? Pouvez-vous nous dire également quelles sont les répercussions pour le système de soins de santé canadien sur le plan des coûts?
    Absolument.
    On le fait le plus souvent dans le cas de médicaments servant à soulager la douleur chronique, comme les opiacés, et les médicaments destinés à soulager la douleur en général. Bien sûr, les opiacés sont liés au taux de dépendance qui augmente le plus rapidement, et donc le taux de morbidité qui augmente le plus rapidement, soit la maladie et le décès — la mortalité. Je pense que tout ce qui permet à nous et aux médecins de recourir à une autre option, de donner aux gens un autre moyen que l'utilisation d'opiacés prescrits pour traiter la douleur chronique, peut être très bénéfique.
    Jusqu'à maintenant, aucune étude n'a porté sur les répercussions que la consommation de cannabis médical peut avoir sur le système de soins de santé public. C'est un élément de mes travaux de recherche de doctorat. Je fais une étude de cohorte de 90 patients qui commencent à consommer du cannabis médical. Je vais me concentrer sur l'état de stress post-traumatique, et je vais suivre les patients pendant des périodes de temps pour savoir quelles répercussions a l'utilisation de cannabis sur l'utilisation d'autres substances, et je ferai une analyse économique également.
    Ce que je peux vous dire, c'est qu'un assureur hollandais — la Hollande a également un programme de marijuana à des fins médicales — a fait une étude, et il a décidé de couvrir le coût de la marijuana à des fins médicales. En se fondant sur les résultats de sa propre étude, il a constaté que comparativement aux patients dont l'état de santé est similaire, les utilisateurs de cannabis à des fins médicales se portaient mieux et allaient moins souvent à l'urgence, consultaient moins souvent leur médecin, et prenaient moins de médicaments.
    Merci.
    Tout à l'heure, mon collègue, M. Wilks, s'est dit un peu préoccupé par la sécurité du cannabis, et il a dit que tous les autres médicaments sont réglementés. C'est peut-être vrai, mais les médicaments réglementés ne sont pas nécessairement tous sans danger. Est-ce que beaucoup de médicaments réglementés ont causé du tort et ont été retirés du marché parce qu'ils n'étaient pas sûrs? En d'autres mots, la réglementation n'est pas nécessairement le garant de la sécurité.
    J'ai malheureusement le virus de l'hépatite C et j'ai été infecté en 1982 par du sang contaminé ici en Ontario. Je peux vous dire que l'une des raisons principales pour lesquelles des gens sont hospitalisés pour des maladies du foie, c'est l'abus de Tylenol.
    Nos problèmes de consommation de médicaments ne sont pas seulement liés à l'utilisation de médicaments prescrits. Récemment, j'ai lu une étude qui indique qu'aux États-Unis, 23 % des hospitalisations sont liées à l'abus de médicaments prescrits. Au bout du compte, c'est la principale cause d'hospitalisation dans l'ensemble du pays.
    Nul doute qu'à l'heure actuelle, un grand nombre de médicaments légaux, qu'il s'agisse de médicaments prescrits ou vendus sans ordonnance, sont malheureusement à l'origine de bon nombre de problèmes de santé au Canada.
    Est-ce que seuls les gens de la rue consomment du cannabis?
    Non.
    Comme je l'ai dit, les faits montrent que les gens ayant un niveau de scolarité élevé consomment aussi du cannabis. Malheureusement, notre lutte contre les drogues vise les hommes âgés de 15 à 25 ans. Ils constituent la principale cible de nos mesures d'application actuelles.
    Dans le cadre de mes études sur les consommateurs de cannabis médical aux dispensaires de cannabis médical, nous avons constaté que l'utilisateur moyen était âgé de plus de 40 ans. On ne parle donc pas ici de jeunes consommateurs.
    Il vaut la peine de mentionner également — et je suis tout à fait de cet avis, et je pense que nous pouvons tous nous entendre là-dessus — que le cannabis n'est pas une panacée; il a des conséquences sur la santé. Ce qui me préoccupe, en tant que personne qui étudie la santé publique, le cannabis et la dépendance, c'est de déterminer si la criminalisation est un outil de santé publique efficace pour aider les gens à régler des problèmes, pour eux-mêmes ou pour la société.

  (0940)  

    Merci.
    En 2006, vous avez contribué à la mise à jour d'un ouvrage, dont je veux vous lire un extrait. Je parle ici du cancer.
    On a constaté que le cannabis aide à soulager les symptômes qui accompagnent habituellement le cancer, comme la douleur, les nausées, l'affaiblissement et la perte d'appétit. Notamment, dans une méta-analyse de 30 études cliniques sur l'utilisation de cannabis à des fins thérapeutiques pour soulager les nausées provoquées par la chimiothérapie... était supérieur à l'utilisation de médicaments antiémétiques. De plus, lorsqu'ils subissaient des traitements de chimiothérapie, il était évident que les patients préféraient les cannabinoïdes aux médicaments antiémétiques traditionnels.
    Pouvez-vous dire quelque chose à ce sujet?
    Bien sûr. Je pense que l'on démontre de plus en plus que le cannabis peut être utilisé de façon sécuritaire et efficace. Je le considère comme l'un des nombreux moyens dont notre système de santé peut bénéficier. Jusqu'aux années 1930, le cannabis faisait partie de la pharmacopée nord-américaine, et les médecins l'utilisaient dans bon nombre de préparations. Nous redécouvrons son potentiel thérapeutique grâce à la recherche scientifique.
    D'accord. Nous nous arrêtons ici. Merci beaucoup, monsieur Gravelle.
    C'est maintenant au tour de M. Lunney
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis heureux de vous voir assurer la présidence du comité.
    Je remercie les témoins d'être ici.
    Revenons à l'étude prénatale, faite à Ottawa, par un témoin antérieur, la neuroscientifique Andra Smith. Connaissez-vous cette étude, qui a employé l'IRM fonctionnelle?
    C'était un suivi de sujets de la naissance à l'adolescence, mais qui quantifiait des modifications très importantes du débit sanguin, relativement à l'altération des fonctions exécutives chez les consommateurs de marijuana et le retard de leur réponse cognitive, de leur pouvoir de raisonnement, de leur capacité de résoudre des problèmes et de prendre des décisions, particulièrement chez les adolescents. Plus ils sont jeunes quand ils commencent à en consommer et plus ils en fument, plus l'altération est forte.
    Il me semble que ce serait un vrai sujet d'inquiétude, alors que la jeunesse canadienne est l'une des populations qui en consomme le plus dans le monde. Il y va de la productivité de notre pays, qui est importante pour certains d'entre nous, ici. Nous voulons que nos concitoyens puissent, à l'âge adulte, fonctionner au mieux de leurs fonctions cognitives. Je me demande si cela vous inquiète que l'IRM fonctionnelle révèle un retard de la myélinisation du cortex préfrontal et la sollicitation, à la place, du système limbique, qui prend plus les décisions sur le coup de l'émotion; que les personnes à qui on demande d'accomplir telle tâche prennent en fait plus de temps pour résoudre des problèmes simples et que, en conséquence, cela mène peut-être à l'anxiété dont nous parlons.
    Je me demande si vous avez des observations à faire sur les travaux scientifiques publiés et sur ces sujets de préoccupation?
    Je connais les constatations concernant les effets aigus du cannabisme sur les fonctions cognitives. Je ne connais pas l'étude prénatale d'Ottawa à laquelle vous faites allusion, mais je connais très bien les travaux publiés sur les effets du cannabis sur les fonctions cognitives.
    L'opinion que je me fais, à la lumière des travaux publiés, est qu'ils sont généralement réversibles après sevrage et qu'ils varient en fonction de l'habitude de la consommation du cannabis. Chez les consommateurs qui connaissent à peine le produit, les déficits sont plus profonds et, chez les consommateurs réguliers, il y a tolérance de la plupart des effets cognitifs.
    Bien sûr, je me soucie beaucoup de la productivité de nos jeunes. J'ai consacré la plus grande partie de ma vie à la stimuler.
    J'ai un bref commentaire à ce sujet.
    Je pense que vous avez absolument raison quand vous dites que nous devrions tous être préoccupés par les tendances de consommation observées chez les jeunes. Je pense que nous devons en être conscients. En Colombie-Britannique, par exemple, 70 % des élèves qui terminent leurs études secondaires auront essayé le cannabis et seulement 50 % auront essayé le tabac. En fait, il se consomme plus de...
    Avez-vous dit 17 %?
    Environ 70 % auront essayé le cannabis et environ 50 % le tabac. En fait, les tendances, actuellement, sont à la baisse.
    Il est intéressant d'observer que, au moyen d'une campagne publique centrée sur la santé et par une sensibilisation honnête, nous avons réduit les taux de tabagisme sans devoir criminaliser personne ni notre jeunesse. Mais il fallait le faire, et nous ne parvenons pas à réduire la consommation de cannabis chez les jeunes.
    Il est intéressant aussi de mentionner que les États américains qui ont légalisé la marijuana médicale constatent maintenant une baisse de sa consommation chez les jeunes. Même constat, aussi, aux Pays-Bas.

  (0945)  

    Merci.
    Eh bien, dans les études à long terme, en fait — je parle de l'étude de Neeson, en Nouvelle-Zélande... Elle a signalé une baisse du quotient intellectuel, le décrochage scolaire, l'augmentation des problèmes d'attention et, encore une fois, l'altération des fonctions cognitives et exécutives supérieures. C'est un risque important pour les jeunes. Il y a aussi le risque accru d'accidents de la circulation, qui, bien sûr, nous inquiète chez les jeunes.
    Je tiens à mentionner les effets nocifs pour les poumons, mentionnés, ici, par M. Kevin Sabet, qui a révélé une augmentation des risques de bronchite, de toux et de production de flegme. Il prétend que la consommation de cannabis produit de 50 à 70 % de plus d'hydrocarbures cancérogènes que celle de tabac. Vous dites qu'il n'y a pas de risque sensiblement établi pour la santé; je me demande ce que vous pouvez répondre à cette production supplémentaire d'hydrocarbures cancérogènes. Sans donner de précisions scientifiques, il a ensuite dit que la fumée de marijuana renferme une enzyme qui transforme les hydrocarbures en produits cancérogènes.
    Que pensez-vous de ces risques de cancer du poumon — je pense que l'un de vous a laissé entendre que ce pouvait être un traitement contre le cancer, ce qui m'étonne beaucoup — et en plus, de l'allégation selon laquelle un usage persistant et intense chez les adolescents réduit le quotient intellectuel de six à huit points. Ce serait, je pense, un motif d'inquiétude pour la plupart des gens qui veulent que les jeunes deviennent des adultes très productifs.
    Je ne pense sûrement pas qu'on devrait préconiser le cannabis pour les jeunes. L'étude à laquelle vous faites allusion, de Dunedin, est l'une de celles qui avaient fait soulever d'importants motifs de préoccupation au sujet de facteurs de confusion. La criminalisation du cannabis nous amène à constater que des gens sont plus susceptibles d'enfreindre toutes sortes de règles en consommant ce produit. Ce n'est donc pas des effets en soi du cannabis, mais, plutôt, des facteurs de confusion touchant la situation socioéconomique ou d'autres facteurs de personnalité reliés à la transgression des règles et au comportement antisocial qui peuvent expliquer certaines modifications du quotient intellectuel. L'étude de Dunedin, à mon avis, est donc problématique, et des publications y ont été consacrées.
    J'ai mentionné l'étude de Tashkin.
    Je suis désolée.
    Je vous l'ai communiqué. Vous pouvez donc en prendre connaissance.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Lunney.
    Au tour maintenant de Mme Jones, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame Davies.
    Et merci aussi à vous deux pour vos exposés. Toutes mes excuses, mais j'étais à la merci des transporteurs aériens, ce qui m'a fait arriver un peu en retard.
    Cependant, j'ai quelques questions et j'invoque l'indulgence du comité si elles semblent répéter des questions déjà posées.
    D'abord, d'après la note ici, la consommation de cannabis soulagerait certaines anxiétés secondaires. Est-ce que cela peut mener à une baisse de la prescription de médicaments comme les antidépresseurs?
    Eh bien je pense que la bonne recherche reste à faire pour comparer l'efficacité du cannabis à celle d'autres médicaments contre l'anxiété, mais, d'après les rapports provenant de consommateurs à des fins médicales et autres, le cannabis a effectivement réduit leur anxiété. C'est l'une des principales raisons de son emploi. Des personnes souffrant de maladies chroniques et graves disent consommer beaucoup de cannabis pour combattre leur anxiété. Il nous faut comparer les profils des effets secondaires du cannabis à ceux des autres substances qui sont généralement prescrites, les anxiolytiques, aux effets secondaires plus graves, à plusieurs titres, que ceux du cannabis. Nous avons besoin d'un essai comparatif de ces deux catégories de substances pour déterminer laquelle est la plus efficace, laquelle a des effets secondaires plus acceptables, mais les possibilités sont là, j'en suis sûr.
    Je voudrais ajouter — et je pense que vous avez manqué cette partie de la discussion — que, actuellement, le ministère des Anciens Combattants défraie du coût du cannabis médical les anciens combattants qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique. L'un des principaux symptômes de ce syndrome est une forte anxiété; on a aussi mentionné la dépression. Au Canada et à l'étranger, on dispose de très peu de moyens efficaces pour le traiter. À ma connaissance, ses victimes sont le seul groupe de patients au Canada que l'administration fédérale défraie des coûts du cannabis médical.
    Il y a un renouveau de l'intérêt dans la recherche sur le traitement du syndrome par le cannabis. Récemment, l'administration fédérale américaine a approuvé une étude dont un prolongement canadien devrait aussi débuter dans les quelques prochaines années.
    Est-ce que quelqu'un fait de la recherche sur cette question? Je pose la question à M. Walsh. Vous disiez qu'il fallait un examen comparatif. A-t-il été fait? Actuellement, au Canada, un médecin ou un chercheur fait-il cette recherche?

  (0950)  

    Malheureusement, à ma connaissance, non. Vous constaterez notamment, à la lumière des témoignages et de la recherche sur le cannabis médical qu'il est incroyablement difficile de mener des études au moyen de ce produit, soit pour l'administrer, soit pour l'utiliser dans des essais cliniques. Il reste tant de recherche à faire.
    Avez-vous fait de la recherche sur la diminution, qu'elle permettrait, de l'emploi d'analgésiques vendus sur ordonnance? J'ai rencontré beaucoup de cancéreux, notamment, et je sais que des intervenants du réseau de santé offraient le cannabis comme forme de traitement, en fonction de l'évolution de la maladie. Je me demande s'il a été prouvé que cela pouvait réduire l'emploi d'analgésiques, par exemple, pour les personnes qui éprouvent ces souffrances.
    Mon principal domaine de recherche est l'effet de substitution du cannabis, le remplacement conscient ou non de médicaments délivrés sur ordonnance, de l'alcool ou de substances illicites par le cannabis. Les faits montrent qu'environ 80 % des patients qui consomment du cannabis médical remplacent ainsi des médicaments délivrés sur ordonnance; 50 % l'alcool et environ 35 % des substances illicites. Donc, d'après les études rétrospectives, beaucoup de patients, en fait l'immense majorité de ceux qui consomment du cannabis médical réduisent de ce fait leur emploi de produits pharmaceutiques.
    D'accord.
    Dans la note, ici, que je lisais, il est question de dispensaires communautaires de cannabis médical au Canada. Combien y en a-t-il effectivement dans notre pays et où sont-ils situés? Comment fonctionnent-ils? Quels services fournissent-ils aux patients ou au public?
    On en compte environ 75 au Canada, mais leur nombre varie, parce qu'on en ouvre et on en ferme assez régulièrement. Ils sont plutôt concentrés dans les principaux centres urbains. Ils se sont révélés, par la recherche ou autrement, fournir une source sûre de cannabis aux patients canadiens qui pourraient en avoir besoin.
    Jusqu'ici, ils ont été les principaux bailleurs de fonds à la recherche sur le cannabis médical au Canada, parce que, malheureusement, le gouvernement canadien n'a pas été très généreux pour la recherche sur l'efficacité médicale du cannabis. Malgré l'avènement du nouveau programme sous le régime du Règlement sur la marijuana aux fins médicales, ils continuent d'exister et de fournir du cannabis médical aux patients.
    D'accord. C'est la fin de l'intervention.
    Merci beaucoup, madame Jones.
    Revenons à M. Morin.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mon collègue, le Dr Lunney, a mentionné l'étude de la scientifique Andra Smith à laquelle j'ai fait référence un peu plus tôt. D'après ce que je comprends, vous n'étiez pas au courant de cette étude longitudinale et périnatale.
    Je vous donne un peu d'information en lien avec ma question. L'étude avait un groupe sujet de 10 personnes et un groupe contrôle de 14 personnes. J'ai trouvé particulier que trois jeunes du groupe contrôle avaient avoué avoir consommé de la marijuana d'une à quatre fois durant la dernière année.
    Dans les discussions sur la marijuana, je trouve qu'on ne distingue pas assez les

[Traduction]

    types de consommateurs, ceux qui en consomment beaucoup, peu et occasionnellement.

[Français]

    Monsieur Lucas, vous avez mentionné dans votre présentation qu'environ 40 % de la population canadienne a déjà consommé de la marijuana. C'est un pourcentage assez élevé.
    De ce pourcentage, pouvez-vous nous dire combien ont consommé de la marijuana à quelques reprises dans leur vie? Quel pourcentage de gens en consomment de façon occasionnelle, soit quelques fois par mois? Quel pourcentage représentent les grands consommateurs?
    Je ne sais pas quels sont les barèmes ou les catégories, ni où on trace la limite. Je suis intéressé à vous entendre à ce sujet, car 40 %, c'est beaucoup de gens.

  (0955)  

    La statistique dont je me souviens, c'est que 44 % des Canadiens admettent avoir consommé la marijuana au moins une fois dans leur vie.
    Comme chercheur sur les drogues, je peux vous dire que c'est probablement un peu plus que cela. D'habitude, quand quelqu'un appelle et pose des questions à propos de l'utilisation des drogues, tous ne donneront pas une réponse honnête. Alors, c'est peut-être un peu plus que ce pourcentage.

[Traduction]

    En recherche sur les drogues, nous appelons cela... Nous reconnaissons que, probablement, les consommateurs ne déclarent pas tous avoir consommé la substance.
    L'autre statistique dont je me souviens est qu'environ 10 % des Canadiens en ont consommé au cours du dernier mois.

[Français]

    Ainsi, environ 40 % des gens ont déjà fumé de la marijuana une fois dans leur vie et 10 % de la population canadienne en ont consommé au cours du dernier mois. A-t-on des informations sur l'état de santé de ces gens ou sur les conséquences pour ces personnes?
    Je ne veux pas accuser mes collègues d'en face de faire une campagne de peur, mais on voit où se dirige la conversation. On semble insinuer que la moindre utilisation de marijuana dans la vie des gens est tenue responsable de créer des dommages irréparables à long terme quand, en fin de compte, j'ai l'impression que c'est beaucoup plus nuancé que cela.
    Avez-vous des informations sur l'état de santé de ces 10 % de Canadiens qui en consomment chaque mois ainsi que sur les 40 % de la population canadienne qui en ont déjà consommé au moins une fois? Quels sont les effets à long, à moyen ou à court terme chez ces gens?

[Traduction]

    Je suis en mesure de parler précisément des étudiants avec qui nous faisons de la recherche à l'Université de la Colombie-Britannique. En général, c'est un groupe qui a de bons résultats. Chez eux, la fréquence de consommation du cannabis est semblable à celle que nous observons dans la population générale, au Canada. Environ 35 à 40 % en ont consommé au cours de la dernière année et peut-être 5 à 10 % sont des utilisateurs assez fréquents. Nous entreprenons une étude de suivi de leur parcours universitaire pour déceler, le cas échéant, des différences au cours du premier cycle.
     Les données transversales révèlent que même chez les consommateurs fréquents, les résultats des mesures de la santé mentale et du bien-être sont équivalents à ceux des non-consommateurs et même des consommateurs occasionnels et que, dans certains cas, ces étudiants sont moins anxieux. Nos mesures ne révèlent aucun déficit fonctionnel dû à la consommation de cannabis, du moins chez les étudiants du premier cycle à l'Université de la Colombie-Britannique, qui, de l'avis de tout le monde en général, constituent un groupe assez performant.
    Merci, monsieur Walsh.
    Vous avez dit plus tôt, dans votre exposé, que, après 28 jours de sevrage, on ne percevait aucune différence dans l'état de ceux qui consommaient beaucoup, peu et aucunement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les autres données que vous avez pu rassembler, outre celles qui portent sur les différences cognitives, après ces 28 jours? Avez-vous pu évaluer d'autres différences après ce sevrage?
    Très brièvement, s'il vous plaît. Vous avez pris bien plus que le temps prévu.
    Cette étude a été réalisée à Harvard, il y a un certain nombre d'années. D'après les tests neuropsychologiques et les tests de quotient intellectuel exhaustifs employés, les chercheurs n'ont constaté aucune différence entre ceux qui consomment beaucoup, les abstinents récents et ceux qui n'en ont jamais consommé.
    Je tenais seulement à ajouter, concernant votre première question, que, d'après les données de 2002, le consommateur de cannabis coûte en moyenne au réseau de santé environ 20 $ par année, le consommateur de tabac 822 $ et le consommateur d'alcool 165 $.
    Merci beaucoup.
    C'est d'après la recherche récente.
    La parole est maintenant à M. Lizon.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être ici.
    Ma première question s'adresse à vous deux, messieurs.
    Cette étude se poursuit depuis quelques années. Avez-vous pris connaissance des exposés des témoins antérieurs qui ont comparu devant le comité?
    Non. Mais je connais l'étude de M. Sabet et certaines de ses déclarations antérieures sur la consommation de cannabis.
    Nous avons entendu beaucoup de témoins. Je pose la question parce que certaines de vos opinions s'opposent non pas à leurs opinions, mais à leurs études et à leur expertise. Vous pourrez commenter cela. Nous avons entendu des médecins et des pharmaciens. C'est pourquoi je suis simplement curieux de savoir ce sur quoi vous fondez vos constatations.

  (1000)  

    Mes constatations se fondent sur un examen exhaustif des publications empiriques, sur mes compétences de professeur à l'Université de la Colombie-Britannique, où je donne un cours sur les drogues et le comportement et sur ma vaste expérience du traitement des problèmes de santé mentale et de dépendance.
    Monsieur Walsh, comme vous l'avez déjà dit, vous n'êtes ni médecin ni pharmacien.
    C'est exact.
    Merci.
    Je suis chercheur sur le cannabis médical et sur les dépendances. Mes réponses se fondent donc sur les publications scientifiques et mon expérience, aussi, auprès des patients qui prennent du cannabis médical, mais, franchement, je ne citerais aucune étude qui, d'après moi, n'aurait pas été évaluée par un comité de lecture. C'est la raison pour laquelle j'ai communiqué au comité sept ou huit études qui appuient certaines des conclusions que nous avons présentées ici, aujourd'hui.
    D'accord.
    Revenons à la discussion sur les médicaments délivrés sur ordonnance par rapport au cannabis. Le comité vient de terminer une étude sur l'utilisation à outrance et la mauvaise utilisation de ces médicaments, il y a quelques mois à peine. Tous les médicaments délivrés sur ordonnance, avant leur mise en marché, doivent passer par un processus d'approbation.
    Au contraire, le cannabis n'a jamais franchi cette étape. En conséquence, nous avons parlé et vous avez parlé de suivi des patients. Les gens qui prennent des médicaments délivrés sur ordonnance... Nous connaissons l'existence d'effets secondaires, d'effets négatifs qu'il faut signaler. Parfois, ces effets négatifs entraînent le retrait du marché du médicament. Ce n'est pas le cas avec la marijuana médicale. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Je dirais que, dans le nouveau régime, celui du Règlement sur la marijuana aux fins médicales, c'est absolument le cas. Je travaille pour Tilray, un producteur et distributeur de marijuana médicale et si on nous signale des effets négatifs pour les consommateurs de notre cannabis, nous sommes tenus de les communiquer au gouvernement canadien, en suivant les protocoles. En fait, depuis que le régime existe, nous avons assisté au rappel de deux lignées de cannabis de deux autres producteurs, non à cause de leurs effets négatifs sur la santé de l'utilisateur final, mais, plutôt, à cause de problèmes constatés dans la qualité de ces cannabis.
    Je pense que, actuellement, le Canada est doté des règlements les plus robustes et les plus rigoureux du monde entier sur la production et la distribution de cannabis. Le régime actuel n'empêche sûrement aucun signalement. Mais il nous manque une foule d'études sur les résultats obtenus chez les patients. Le gouvernement canadien pourrait jouer un rôle important en ce sens en prévoyant le financement de ces études, en examinant les différentes situations que nous avons signalées aujourd'hui.
    Lorsqu'on a demandé à des témoins précédents qui parlaient des effets négatifs de la marijuana de nous parler également des avantages sur le plan médical, ils nous ont tous répondu qu'on devait mener davantage de recherches avant de pouvoir tirer des conclusions à cet égard.
    Êtes-vous d'accord avec cela?
    Je suis complètement d'accord, c'est-à-dire que nous devons absolument mener plus de recherches sur les effets à long terme liés à l'utilisation du cannabis dans un grand nombre de domaines. Je crois qu'en ce qui concerne certains troubles de santé, nous avons maintenant une quantité suffisante de recherches pour pouvoir conclure qu'il y a des effets positifs. Au Canada, nous sommes dans une étrange situation, car notre programme d'accès à la marijuana à des fins médicales est régi par les tribunaux. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent habituellement. Il est également lié à des croyances idéologiques, ce qui rend les recherches difficiles, contrairement à d'autres produits pharmaceutiques courants.
    Ce sont les défis auxquels nous sommes confrontés sur le plan politique et en tant que chercheurs.
    On nous a également dit qu'au cours des 20 dernières années, la marijuana qui est maintenant offerte sur le marché est devenue de 10 à 20 fois plus puissante. Cela vous préoccupe-t-il?
    Je crois que les preuves indiquent clairement que même dans les années 1970, si l'on se fonde sur les saisies effectuées par le NIDA et sur les données des gouvernements qui suivent ces taux, le cannabis à teneur élevée en THC était déjà offert sur le marché. Je crois que l'augmentation des taux de THC est attribuable à la culture effectuée à l'intérieur, plutôt qu'à l'extérieur. Mais il n'y a certainement aucune preuve démontrant que des taux plus élevés de THC entraînent des effets négatifs plus graves. En effet, les gens tendent à titrer eux-mêmes leur concentration, c'est-à-dire qu'ils utilisent la quantité de cannabis dont ils ont besoin et ils cessent ensuite l'utilisation. Je crois que c'est une préoccupation, mais je ne crois pas que nous ayons des preuves qui laissent croire que ces taux de THC sont directement liés à des effets négatifs sur la santé publique.
    Il est assez intéressant de souligner qu'en ce moment, chez Tilray, l'une de nos variétés de cannabis les plus vendues et utilisées par les patients est une variété à teneur élevée en CBD et faible en THC. Les patients cherchent différentes façons de consommer du cannabis qui ne mènent pas nécessairement à l'intoxication.
    Je crois que dans le cadre d'un système réglementé, qu'il vise la marijuana à des fins médicales ou récréatives, les meilleurs outils d'atténuation des effets nocifs qu'on peut offrir aux utilisateurs canadiens, ce sont des renseignements sur le produit qu'ils utilisent, afin qu'ils sachent ce qu'il contient, c'est-à-dire sa teneur en THC et en CBD, car cela leur permet de savoir ce qu'ils consomment. Malheureusement, sur le marché noir, il n'existe aucun contrôle de ce genre. Il n'y a aucun contrôle sur l'âge et la qualité, et c'est un problème.

  (1005)  

    Merci, monsieur Lizon. Vous avez eu presque sept minutes.
    Chers collègues, il se peut que nous entendions la sonnerie et que nous devions retourner à la Chambre.
    La parole est maintenant à M. Gravelle.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Lucas, pourriez-vous me dire quel serait le résultat si le gouvernement éliminait le programme d'accès à la marijuana à des fins médicales? Cela ferait-il plus de mal que de bien?
    Cela causerait un tort considérable. Comme on l'a laissé entendre, environ 50 000 patients Canadiens sont inscrits à notre programme fédéral d'accès à la marijuana à des fins médicales. Cela représente seulement une infime partie des Canadiens qui utilisent la marijuana à des fins médicales. Selon des estimations officielles, de 500 000 à un million de Canadiens — c'est-à-dire de 2 à 4 % de la population adulte — utilisent actuellement le cannabis à des fins médicales. Il s'ensuit que notre programme protège une très faible proportion de ces gens contre les arrestations et les poursuites judiciaires. Il ne fait aucun doute, à mon avis, que les gens souffrant de graves troubles de santé, c'est-à-dire les Canadiens qui souffrent de maladies graves et chroniques, seraient durement éprouvés s'ils n'avaient plus accès à une source sûre de cannabis.
    J'ai eu l'occasion et le privilège, pendant quelques années, de travailler avec des patients pour étudier la façon dont ce produit a changé leur vie, c'est-à-dire qu'il leur permet de vivre une vie plus riche, d'avoir l'esprit en paix et d'avoir de meilleures relations avec leur famille à la fin de leur vie, car ils utilisent moins de produits pharmaceutiques, et surtout moins d'opiacés pharmaceutiques. J'ai eu le grand privilège de voir des personnes guérir et obtenir de meilleurs résultats en matière de santé lorsqu'ils utilisaient du cannabis à des fins médicales — en passant, il n'est pas efficace pour tout le monde. En effet, il semble aider un pourcentage de la population, mais un autre pourcentage ne semble pas bénéficier de son utilisation ou n'y réagit pas bien. Il ne s'agit en aucun cas d'un remède universel, et il n'aidera pas tout le monde dans toutes les circonstances.
    Merci.
    J'aimerais revenir au livre sur lequel vous avez travaillé. Il contenait une partie sur la douleur chronique. J'aimerais vous la lire, et j'aimerais ensuite avoir vos commentaires.
Le cannabis peut jouer au moins deux rôles importants dans la gestion efficace et sécuritaire de la douleur. Il peut procurer un soulagement contre la douleur elle-même... et il peut contrôler les nausées liées à la prise de médicaments opioïdes, ainsi que les nausées, les vomissements et les étourdissements qui accompagnent souvent la douleur aiguë et prolongée.
    Pourriez-vous commenter là-dessus, s'il vous plaît?
    Peu importe le problème de santé pour lequel les gens utilisent le cannabis, le symptôme principal pour lequel ils obtiennent toujours un soulagement, selon eux, c'est la douleur chronique. Ils prétendent également mieux dormir, et éprouver moins d'anxiété et de stress.
    Il ne fait aucun doute, à mon avis, que les Canadiens qui cherchent à soulager une douleur aiguë et chronique, qu'elle soit attribuable à la SP, à une blessure ou à un autre problème de santé débilitant, devraient pouvoir avoir accès à un traitement par le cannabis. Il s'agit d'un autre outil que nous offrons aux médecins pour gérer la douleur chronique, et heureusement, ce produit entraîne potentiellement moins de dépendance et cause potentiellement moins de torts qu'un grand nombre d'autres produits pharmaceutiques couramment utilisés pour traiter la douleur chronique.
    De plus, dans le même livre, en ce qui concerne le VIH, on affirme que « L'efficacité du cannabis pour traiter des symptômes liés au VIH et au sida est largement reconnue. » Dans quelle mesure cette efficacité est-elle reconnue?
    Je crois qu'on ne peut plus la contester. Ce qui est étonnant, c'est que non seulement ce produit aide les gens à traiter les symptômes de la maladie, mais il aide également les gens à traiter les symptômes et les effets secondaires liés au traitement, ce qui permet au traitement de produire de meilleurs résultats.
    C'est la même chose pour les gens qui souffrent de l'hépatite C; ils semblent moins déroger au traitement. Autrement dit, cela leur permet de poursuivre le traitement et d'obtenir de meilleurs résultats, ce qui permet de sauver des vies et d'épargner des coûts en santé publique par la même occasion.

  (1010)  

    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste environ une minute.
    Aussi, dans le livre, on dit ceci au sujet des troubles gastro-intestinaux:
L'efficacité du cannabis et de ses dérivés pour traiter les troubles gastro-intestinaux est connue depuis des siècles. Récemment, ses caractéristiques antiémétiques et analgésiques ont été prouvées par de nombreuses études et ont été reconnues par plusieurs examens approfondis et parrainés par le gouvernement, y compris les examens menés par l'Institute of Medicine... le House of Lords Science and Technology Committee du Royaume-Uni, l'Australian National Task Force on Cannabis, et d'autres organismes.
    Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires à cet égard?
    Selon mon expérience, en ce qui concerne le traitement des troubles de santé orphelins, nous n'avons pas beaucoup de bonnes modalités de traitement, notamment pour des troubles de santé tels la maladie de Crohn ou le syndrome ou la maladie du colon irritable. Le cannabis semble être un mode de traitement très efficace. On a mené très peu d'études et de recherches cliniques à cet égard, mais nous savons certainement, en raison de la grande utilisation faite par les patients qui souffrent de troubles GI, qu'il semble être efficace et potentiellement... Eh bien, il s'agit certainement d'un mode de traitement populaire.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Gravelle.
    La parole est maintenant à Mme Adams.
    Merci, madame la présidente. Je suis heureuse de vous voir occuper le fauteuil.
    Monsieur Lucas, je suis désolée que vous souffriez de l'hépatite C. Je vous remercie beaucoup d'être venu témoigner aujourd'hui.
    J'aimerais que vous répondiez tous les deux à ma prochaine question. Savez-vous s'il y a des risques pour la santé liés à la consommation de marijuana à des fins récréatives? Quels seraient ces risques?
    Je crois qu'au bout du compte, il faudrait se préoccuper de... Eh bien, je crois que tout le monde s'inquiète de l'utilisation du cannabis par les jeunes. Je pense que c'est ma préoccupation la plus importante, à la fois comme adulte et comme ancien enseignant dans une école secondaire et fournisseur de services de garde d'enfants. Je pense donc que toutes les politiques qui peuvent nous aider à empêcher les jeunes d'y avoir accès auront un effet bénéfique net. Je ne crois pas que criminaliser nos jeunes est une bonne façon d'y arriver, mais je pense...
    Quel âge...
    ...qu'une politique axée sur la santé publique pourrait être utile.
    À votre avis, quel âge devraient avoir les utilisateurs pour que vous cessiez de vous inquiéter au sujet des risques pour la santé en ce qui concerne l'utilisation de la marijuana à des fins récréatives?
    Je n'ai jamais dit que l'utilisation du cannabis à des fins récréatives ne présentait aucun risque pour la santé. Il s'agit d'une substance intoxicante et comme n'importe quelle autre substance intoxicante, elle présente un risque potentiel pour la santé.
    Quels sont donc ces risques pour la santé?
    Je crois que nous venons de discuter des risques pour la santé causés par l'intoxication aiguë. Elle a des effets sur la capacité d'attention, la mémoire et l'apprentissage pendant la phase d'exécution, c'est-à-dire pendant qu'une personne est intoxiquée par le cannabis. Ces effets seraient préoccupants. Je pense...
    Monsieur Walsh, connaissez-vous d'autres risques pour la santé liés à l'utilisation de la marijuana à des fins récréatives?
    Je crois qu'il y a certaines preuves de l'irritation à court terme des poumons, par exemple une bronchite aiguë, bien que les preuves ne semblent pas indiquer qu'il y a des effets graves à long terme sur la fonction pulmonaire et respiratoire. Il y a certainement une irritation à court terme. Il y a également des effets aigus sur les fonctions cognitives, et lorsque les gens sont intoxiqués par le cannabis, cela engendre également une interférence cognitive avec la mémoire et l'attention.
    À quel âge, à votre avis, les gens devraient-ils ou pourraient-ils utiliser judicieusement le cannabis à des fins récréatives?
    Je pense...
    Quand, à votre avis, peuvent-ils donner leur consentement?
    Je crois que les normes que nous utilisons pour l'alcool sont adéquates, et qu'entre 18 et 21 ans semble être un âge raisonnable, si l'on se fonde sur l'âge où l'on permet aux gens d'adopter des comportements pour lesquels ils peuvent évaluer les risques et les avantages et faire des choix, étant donné que ces risques ne sont pas trop élevés comparativement à d'autres activités permises.
    Monsieur Walsh, savez-vous s'il existe des études scientifiques qui font la différence entre les risques pour la santé pour un jeune de 15 ans qui n'a pas encore terminé son développement cognitif et les risques pour la santé pour un jeune de 18 ans dans la même situation lorsqu'ils font une utilisation abusive de la marijuana à des fins récréatives?
    Je pense, encore une fois, que nous devons mener davantage de recherches, car nous n'avons pas été en mesure de déterminer exactement les différences liées à ces âges.
    Selon certains des témoignages que vous avez présentés aujourd'hui, les coûts liés aux soins de santé pour les gens qui utilisent la marijuana sont, par exemple, moins élevés que ceux liés à la population en général. Vous avez également affirmé que ces gens étaient moins anxieux et qu'ils avaient tendance à toucher des salaires plus élevés.
    Je me pose donc des questions. J'ai un petit garçon de huit ans qui souffre d'asthme et de troubles respiratoires. Selon les recherches scientifiques que vous avez citées plus tôt, ces gens ont moins de troubles respiratoires. Je me demandais donc si je devais commencer à offrir de la marijuana à mon petit garçon de huit ans, car cela signifierait qu'il gagnera un salaire plus élevé un jour. À votre avis, on ne devrait pas permettre aux enfants de 8 ans, de 12 ans ou de 14 ans d'utiliser ce produit, mais on devrait mener des études pour déterminer si son utilisation est sans danger pour les jeunes de 15 à 18 ans. J'essaie seulement de déterminer sur quels éléments se fonderaient ces recherches scientifiques.

  (1015)  

    J'ose certainement espérer que votre enfant pourra vivre longtemps et sans médicament, et sans avoir besoin d'aucune substance. Mais s'il devait prendre des médicaments, j'oserais espérer que...
    Non, je parle de l'utilisation à des fins récréatives, et j'aimerais me concentrer là-dessus. Les témoignages d'aujourd'hui ont vraiment mêlé l'utilisation médicale...
    Nous avons un rappel au Règlement.
    C'est peut-être la quatrième fois que ma collègue pose une question et qu'elle interrompt le témoin avant qu'il termine sa première phrase. Pourrions-nous entendre les réponses?
    Merci.
    Je ne pense pas qu'il s'agit d'un rappel au Règlement, mais je crois qu'il serait respectueux de laisser les témoins répondre brièvement à vos questions.
    Absolument, madame la présidente. Toutefois, ma question concernait l'utilisation récréative de la marijuana et il a commencé à parler de l'utilisation médicale. Je l'ai interrompu pour préciser qu'il s'agit de deux choses vraiment différentes.
    Aimeriez-vous clarifier votre question, dans ce cas?
    Certainement.
    Au cours de la réunion d'aujourd'hui, nous avons en quelque sorte entremêlé l'utilisation de la marijuana à des fins médicales et son utilisation à des fins récréatives. Je crois que toute personne raisonnable admettrait qu'il y a deux utilisations distinctes, dans la mesure où si vous souffrez du cancer, vous devez peut-être utiliser des opiacés, mais je ne crois pas qu'on est d'avis que les opiacés devraient être vendus dans les dépanneurs ou qu'on devrait simplement les offrir à des fins récréatives aux jeunes de 18 ou 19 ans. Je crois qu'il y a manifestement deux utilisations distinctes. En ce qui concerne la marijuana à des fins médicales, nous nous retrouvons dans cette situation régie par les tribunaux.
    J'aimerais revenir à ma question précédente, qui est réellement liée au sujet de notre étude, c'est-à-dire les risques sanitaires de la marijuana. Vous avez abondamment parlé des avantages potentiels de l'utilisation de la marijuana à des fins médicales ou de la diminution de la douleur, mais nous sommes réellement ici pour parler de certains de ces risques pour la santé. À un certain moment, vous avez indiqué qu'il y a moins de troubles respiratoires parmi les personnes qui fument de la marijuana, ce que je trouve très difficile à comprendre, simplement parce que j'imagine que tout ce qu'on inhale, surtout s'il s'agit d'un produit cancérigène, ne peut pas être bon pour la santé.
    Je crois que M. Lucas a présenté l'étude dont vous avez parlé. Elle comparait les utilisateurs de cannabis aux utilisateurs de tabac, et les gens qui utilisent le tabac et le cannabis comparativement à ceux qui utilisent seulement le cannabis.
    C'était l'autre étude intéressante que vous avez citée, celle qui soutenait que les gens qui utilisent le cannabis consomment peut-être moins d'alcool. Cela pourrait porter à confusion. Je ne suis certainement pas médecin, et vous ne l'êtes pas non plus. Vous n'êtes ni l'un ni l'autre médecin.
    Je suis un docteur qui contribue à la formation des médecins.
    Vous n'êtes pas médecin en titre.
    Non, je ne le suis pas.
    Vos cinq minutes sont écoulées.
    J'aimerais demander quelque chose aux membres du comité. Si nous respections l'ordre de la liste des intervenants, nous redonnerions la parole à un autre député conservateur, mais étant donné que Mme Fry est arrivée en retard et qu'elle n'a pas eu l'occasion de poser une question — et que vous avez tous posé une question —, vous avez techniquement le droit de poser une autre question maintenant ou nous pourrions donner la parole à Mme Fry.
    Je préfèrerais utiliser le temps qui m'est imparti, car je suis prêt. Merci.
    Le temps de Mme Adams est écoulé, et nous allons maintenant redonner la parole à M. Young.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Lucas, vous avez mêlé certains termes qui, à mon avis, ne devraient pas être mélangés. Vous avez fait une référence qui me donnait l'impression que vous parliez du traitement de la douleur en soins palliatifs en fin de vie, et je crois qu'il s'agit d'un enjeu complètement distinct. Lorsqu'il s'agit d'un médicament d'ordonnance, on se demande toujours si les avantages potentiels dépassent les risques potentiels, et lorsqu'un malade est en phase terminale, les risques sont minimisés.
    Vous avez également utilisé le mot « guérison ». Toutefois, je ne suis au courant d'aucune preuve clinique qui prouve que la marijuana guérit quoi que ce soit.
    Monsieur Walsh, vous soutenez qu'on n'a pas de preuves concernant les risques et les torts sanitaires attribuables à la marijuana. Je dois vous dire que tous les spécialistes en médecine et en pharmacologie que nous avons entendus sont en désaccord avec vous.
    Avez-vous mené des études cliniques à double insu, pas sur des animaux, mais sur des êtres humains, qui prouvent qu'il y a des avantages liés à la marijuana en ce qui concerne une norme clinique, c'est-à-dire la cause et l'effet?
    Non, je n'en ai réalisé aucune.
    Et nous n'en avons pas entendu parler non plus; en fait, je ne crois pas qu'il en existe. Au fond, ce que nous avons, ce sont des témoignages de gens qui consomment une drogue six fois plus puissante qu'il y a 20 ans — peut-être plus — car ils se sentent mieux en raison de ses effets euphorisants. Les données empiriques ne sont pas des preuves cliniques.

  (1020)  

    Si je ne me trompe pas, l'étude du Dr Ware, réalisée à l'Université McGill, sur le traitement de la douleur chronique a été financée par le gouvernement du Canada. Cette étude à double insu, évaluée par les pairs et publiée a démontré que le cannabis était très efficace dans le traitement de la douleur chronique sur des patients qui n'étaient pas en phase terminale. Une étude semblable a été menée à l'Université de la Californie, à San Diego, par Donald Abrams.
    Il y a donc des recherches cliniques en cours...
    Sur les effets bénéfiques de la marijuana dans le traitement de la douleur.
    C'est exact.
    Et c'est tout.
    Vous avez parlé du traitement de la douleur, c'est pourquoi j'ai pensé que nous en discuterions.
    Il y a beaucoup d'autres affirmations pour lesquelles on n'a pas de preuves.
    Monsieur Lucas, je pense qu'il conviendrait de préciser que vous travaillez pour une entreprise qui produit de la marijuana. Vous gagnez votre vie en vendant de la marijuana. Je pense que c'est important de le mentionner.
    Je suis d'accord. C'est pourquoi je l'ai dit.
    Oui.
    Dans le cadre d'une étude antérieure, nous avons recueilli le témoignage de Peggi DeGroote, qui dirige une clinique de méthadone à Burlington. Selon elle, il ne fait absolument aucun doute que la marijuana crée une dépendance. Nous avons entendu des experts du CTSM. Ensuite, Kevin Sabet, Ph.D., du Drug Policy Institute, à l'Université de la Floride, nous a dit que parmi les adolescents qui fument de la marijuana, un sur six deviendra dépendant. Nous savons également que cette dépendance nuira à leur santé, à leurs relations, à leurs résultats scolaires ainsi qu'à leurs possibilités d'emploi.
    Ma question est donc la suivante: Pourquoi essayez-vous de minimiser ces risques terribles auxquels s'exposent nos jeunes?
    Je n'essaie surtout pas de les minimiser; j'essaie de les communiquer avec exactitude. Il est donc difficile pour moi de vous dire pourquoi je les minimiserais quand ce n'est pas le cas.
    Vous avez dit au comité que les preuves manquent; vous avez affirmé qu'il y avait une « absence de preuve concernant les risques et les dangers pour la santé », ce qui est une affirmation complètement ridicule, d'après tout ce que nous avons entendu au sein du comité.
    Rien n'indique que l'usage de la marijuana comporte des risques pour la santé physique.
    J'ai observé certains risques associés à la schizophrénie. Pour ce qui est de la violence, de l'anxiété et des déficiences cognitives à long terme, je constate une absence de preuve.
    Ce sont les problèmes dont j'ai fait part au comité.
    Je crois avoir indiqué clairement, selon les études dont j'ai parlé, qu'un consommateur régulier de cannabis sur dix développe un niveau de dépendance, mais que cette dépendance est de courte durée. La personne peut habituellement vaincre elle-même cette dépendance, et cela peut prendre de trois jours à quelques semaines...
    Ce n'est pas ce que nous avons entendu.
    Et pourtant, c'est ce que révèle les études.
    Il est intéressant de voir à quel point les compagnies pharmaceutiques jouent sur les mots pour minimiser le risque de dépendance.
    Je viens de jeter un coup d'oeil à l'étude que j'ai évoquée tout à l'heure. J'aimerais en parler, madame la présidente. Il s'agit d'une étude réalisée en mai 2003, par Gil Kerlikowske, directeur du White House Office of National Drug Control Policy. Cette étude a été menée sous un président démocrate, le président le plus libéral depuis Jimmy Carter. Cette étude a révélé que la marijuana était la drogue la plus souvent associée aux crimes. Parmi les hommes ayant été arrêtés pour des crimes dans cinq villes importantes des États-Unis, 80 % ont obtenu un résultat positif au test de dépistage de drogues. Les analyses d'urine et autres tests ont révélé la présence de marijuana dans 37 à 58 % des cas, ce qui en faisait la drogue la plus courante.
    Vous pouvez sans doute comprendre la souffrance des victimes de ces crimes et reconnaître le lien entre la consommation de marijuana et la criminalité.
    Les preuves démontrent clairement que la consommation de cannabis ne constitue pas un facteur criminogène. M. Kerlikowske n'est pas un médecin. Il est un ancien chef de police de Seattle. Il faisait plutôt allusion à des concentrations plasmatiques indiquant un usage antérieur de cannabis, et non pas à une consommation au moment de la perpétration du crime...
    Permettez-moi alors de vous dire ce qu'a affirmé un véritable expert, un pharmacologue...
    Veuillez m'excuser, monsieur Young. Votre temps est écoulé. Je vais donc céder la parole à Mme Fry.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, monsieur Wilks. Je vois que vous m'avez cédé votre temps. Je vous en remercie. C'est très aimable et courtois de votre part.
    J'aimerais parler davantage des effets bénéfiques du cannabis, parce qu'en tant que médecin, je n'ai jamais vu d'études qui ne quantifiaient pas les bienfaits et les risques d'un médicament, qu'il soit sur ordonnance ou en vente libre. Lorsqu'on détermine qu'un médicament est sûr et efficace, il faut évidemment que les avantages l'emportent sur les risques.
    J'aimerais y revenir. On nous a parlé — et c'est bien connu — du risque de troubles cognitifs chez les enfants en période prépubertaire. Nous savons également que le cannabis crée une dépendance. Ce sont tous des facteurs bien connus, et personne ne les remet en question.
    Toutefois, il faudrait savoir quels sont les avantages qui nous permettraient de remettre les choses en perspective. J'ai voulu y revenir parce que j'ai vu qu'on vous a attaqué à propos des effets bénéfiques de la marijuana dans le traitement de la douleur. Je sais que de nombreuses études se sont penchées sur la douleur neurogène, et c'est d'ailleurs pour soulager cette douleur que beaucoup de personnes atteintes de la sclérose en plaques en consomment.
    Pourriez-vous nous parler davantage des bienfaits de la marijuana, y compris du traitement de la douleur neurogène? Vous avez dit qu'on l'utilisait pour atténuer les problèmes gastro-intestinaux et les nausées. Comment cela fonctionne-t-il dans le cas des nausées? Est-ce que la marijuana agit sur le cerveau ou plutôt sur le système gastro-intestinal?
    Je ne sais pas qui d'entre vous veut répondre.

  (1025)  

    Je peux en parler. Les principaux composants du système endocannabinoïde que nous connaissons — CB1 et CB2 — se trouvent dans le système immunitaire, le cerveau et ailleurs... ils sont donc présents partout dans l'organisme. Maintenant, différents cannabinoïdes se logent dans le système endocannabinoïde, et nous sommes en train de découvrir le lien qui existe. Nous savons, par exemple, que nous avons tendance à obtenir de meilleurs résultats avec le plant en entier plutôt qu'avec de simples cannabinoïdes. Cela révèle un certain effet synergique.
    Toutefois, étant donné qu'il y a plus de 100 cannabinoïdes dans un plant de cannabis, nous ne savons pas encore ce que représente chacun des mécanismes ni comment ils fonctionnent isolément ou ensemble. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on a des preuves irréfutables au sein de la communauté scientifique concernant les différents effets des cannabinoïdes et du cannabis.
    Le cannabis a des propriétés anti-intoxicantes et anti-inflammatoires; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est si efficace dans le traitement de la douleur chronique. Il a également des propriétés calmantes et anti-émétiques, c'est-à-dire qu'il réduit les nausées et les vomissements. La marijuana s'est avérée utile pour contrôler la spasticité associée aux troubles convulsifs, comme la sclérose en plaques et l'épilepsie. Elle contribue également à réduire la pression intra-oculaire, ce qui explique pourquoi on le recommande dans les cas de glaucome. Étant donné qu'elle présente des propriétés anti-cancérogènes et anti-virales, les gens atteints d'hépatite C en consomment pour diminuer l'inflammation du foie, limiter les risques d'attaques virales et aussi composer avec les effets secondaires des traitements.
    Merci.
    Monsieur Walsh, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Non, je crois que c'était un excellent résumé.
    Pour ce qui est de son efficacité dans le traitement des nausées, d'après ce qu'on nous a dit, il pourrait s'agir de l'agent antinauséeux le plus efficace, particulièrement chez les personnes souffrant du syndrome cachectique lié au VIH/sida et les personnes atteintes du cancer qui doivent composer avec les effets secondaires de la chimiothérapie. Ce que j'ai entendu, c'est que le cannabis permettait de réduire non seulement les nausées en tant que telles, mais aussi la sensation désagréable qui les précède; il s'est donc révélé particulièrement efficace pour atténuer leur souffrance.
    Certains agents de la santé publique partout au pays ont réclamé la décriminalisation de la marijuana, non seulement la marijuana à des fins médicales, mais la marijuana en général, parce qu'il s'agit d'une toute autre utilisation. Ils ont laissé entendre que le cannabis était moins néfaste que l'alcool et le tabac.
    Maintenant, nous avons beaucoup parlé des effets nuisibles de l'inhalation de la fumée, et nous savons tous que le cannabis contient beaucoup plus de goudron et de benzopyrènes que le tabac. Cependant, a-t-on fait des études sur la possibilité d'utiliser l'huile de cannabis ou de le manger, tout simplement? Cela pourrait-il régler le problème? Même si je ne crois pas qu'une personne pourrait fumer une vingtaine de joints par jour... sans se retrouver sous une table quelque part.
    Lorsqu'on se penche sur la quantité de goudron et de benzopyrènes, il faut également tenir compte du nombre de cigarettes par rapport au nombre de joints qu'une personne fumerait par jour. Pourriez-vous nous en dire davantage sur l'utilisation de l'huile et des feuilles dans la nourriture?
    Il y a différentes façons efficaces d'ingérer le cannabis et elles sont de plus en plus populaires au sein des consommateurs de cannabis à des fins médicales. Certains le mangent. On peut le transformer en huile ou en beurre et l'utiliser pour la cuisson. On peut également élaborer des teintures à base de cannabis; il s'agit d'une absorption par voie sublinguale. On peut aussi se l'administrer au moyen d'un vaporisateur oromucosal. De plus, il est intéressant d'observer que les technologies ont évolué pour permettre aux gens d'avoir tous les bienfaits sans les effets négatifs de l'inhalation de la fumée. Je parle ici des vaporisateurs qui ont été mis au point.
    Il y a un produit qui s'appelle Volcano Medic, qui a été approuvé par Santé Canada à des fins médicales, et qui est utilisé dans le milieu de la recherche et par les patients. Nos études ont démontré que les patients utilisaient les vaporisateurs dans une plus grande proportion que la population en général. Les consommateurs de cannabis à des fins médicales semblent être soucieux de leur santé. Ils connaissent très bien les effets néfastes, et ils utilisent ces dispositifs et ces méthodes d'ingestion pour y remédier.
    Malheureusement, dans le cadre du programme de Santé Canada, nous sommes seulement autorisés à expédier du cannabis brut, plutôt que des huiles, des teintures ou autres formes. Par conséquent, les patients ne peuvent faire autrement que de le fumer.

  (1030)  

    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.
    Je cède maintenant la parole à M. Morin.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Avant de poser mes questions, je veux mentionner que je suis un peu perturbé par l'attitude de mes collègues d'en face qui semblent attaquer nos témoins. Je pense qu'il faut avoir beaucoup de respect à l'endroit des personnes qui prennent le temps de venir témoigner devant un comité. Je fais tout particulièrement référence à Mme Adams, qui remet en question les études et les titres de nos témoins, ainsi qu'à M. Young, qui accuse un de nos témoins d'avoir des intérêts financiers dans la vente de marijuana à des fins médicales. Il faut surtout comprendre le fait que le gouvernement conservateur a quand même décidé qu'à partir de cette année, les gens étaient obligés d'acheter à une tierce partie leur marijuana utilisée à des fins médicales plutôt que de la faire pousser chez eux. En somme, ces propos me semblent un peu ambigus.
     J'aimerais poser les questions suivantes à l'intention des témoins.
    Certaines personnes ont mentionné à plusieurs reprises que la marijuana a autant de bénéfices que de risques. Idéalement, nous aimerions tous vivre dans un monde où personne ne consommerait de stupéfiants, incluant de la marijuana. En 2007, un des piliers de la politique antidrogue du gouvernement était la réduction des méfaits. Aujourd'hui, un témoin a mentionné que le niveau de dépendance à la marijuana est très, très faible comparativement aux autres types de substances qui créent une accoutumance.
    Dans l'hypothèse où il y aurait un changement de gouvernement ou une nouvelle politique gouvernementale de réinsertion de la réduction des méfaits dans la politique antidrogue, selon vous, quel rôle la marijuana pourrait-elle jouer au niveau de la réduction des méfaits?

[Traduction]

    Une approche en matière de santé publique consistant à réglementer le cannabis — comme nous le voyons actuellement dans l'État de Washington et dans le Colorado — permet à des adultes de consommer du cannabis à des fins récréatives, en le réglementant selon l'âge et la quantité consommée. Ce serait probablement la meilleure chose que le Canada pourrait faire pour éviter que le cannabis se retrouve entre les mains des jeunes et s'assurer que ceux qui en consomment le font de façon sécuritaire. Les gens auraient ainsi un approvisionnement fiable et sauraient exactement ce qu'ils consomment, grâce aux étiquettes.
    D'après nos études, la réglementation de la consommation de cannabis pourrait donner lieu à une légère augmentation, de l'ordre de 2 à 4 %, de la consommation de cannabis au sein de la population en général. C'est ce qui s'est produit là où on a pris une direction semblable. Nous assisterions également à une diminution de la consommation d'alcool et des problèmes liés à l'alcool, notamment l'alcool au volant, la violence conjugale et les crimes contre les biens. Nous observerions aussi une diminution de la consommation de produits pharmaceutiques, que ce soit à des fins récréatives ou médicales, et aussi une réduction de la consommation d'autres substances illicites.
    Sur les plans de la santé publique, des avantages nets et des coûts — parce que nous contribuons tous à notre système de santé —, nos études révèlent qu'il serait très avantageux de réglementer l'accès au cannabis, sans parler des économies que nous pourrions réaliser puisque nous n'aurions plus à criminaliser des milliers de Canadiens chaque année ni à encombrer le système de justice pénale. Ce n'est pas une approche très efficace si on veut réduire les méfaits associés à la consommation de cannabis. Imposer un casier judiciaire à des gens ou les envoyer en prison ne peut pas être considéré comme une mesure de santé publique.
    Je tiens à préciser que nous revenons à une série de questions de sept minutes, alors il vous reste environ trois minutes.
    Si je puis me permettre, je crois qu'on améliorerait également notre dialogue avec les jeunes si nous communiquions avec exactitude les risques et les méfaits de la marijuana. De plus, la criminalisation de la marijuana n'a pas empêché les gens d'en consommer, et ce, sans qu'on puisse en contrôler la qualité ni la présence de pesticides ou de moisissures. Je pense que si nous pouvions réglementer la consommation de cannabis, les gens sauraient exactement ce qu'ils consomment, y compris la concentration en THC. De façon générale, je pense qu'il y aurait un effet bénéfique sur la santé publique parmi ceux qui consomment du cannabis aujourd'hui.

  (1035)  

[Français]

    Je vous remercie.
    J'aimerais faire le pont avec ce que vous venez de dire, docteur Walsh. Vous avez dit dans de votre présentation que les propriétés médicinales du THC et du cannabidiol sont essentiellement ce qui nous intéresse, et non la plante en tant que telle.
    Monsieur Lucas, vous nous avez dit, lors de votre réponse, que Santé Canada interdisait à votre compagnie de livrer sous d'autres formes les agents chimiques du THC et du CBD qui, pourtant, pourraient être moins nuisibles pour la santé. Mes collègues d'en face ont même mentionné leurs réserves puisque le fait d'inhaler de la fumée pourrait être carcinogène et pourrait donc être mauvais pour la santé.
    Je suis d'accord avec vous et je partage vos appréhensions par rapport à ce moyen de consommer ces agents chimiques. Vous a-t-on dit pourquoi il est interdit de présenter lesdits agents chimiques sous d'autres formes? Pouvez-vous nous dire si livrer cela sous forme d'huiles ou sous d'autres formes serait une bonne idée?
    Malheureusement, Santé Canada n'a jamais justifié sa décision de ne permettre que de fournir du cannabis en fleurs aux patients.

[Traduction]

    On n'a jamais invoqué de bonnes raisons. Je pense que c'est le début de notre programme. Je ne crois pas que ce soit la fin du programme d'accès à la marijuana à des fins médicales. Je soupçonne fortement qu'en raison des pressions de la part des médecins et des patients, Santé Canada devra envisager d'autoriser les producteurs de cannabis à des fins médicales à expédier le cannabis sous d'autres formes, s'il y a des préoccupations liées à l'inhalation de la fumée.
    À l'heure actuelle, tout ce que nous pouvons faire, à titre de fournisseurs fédéraux, c'est d'expliquer aux gens comment ils peuvent transformer leur cannabis en huile, mais il est évident que nous ne donnerions jamais, par exemple, une graine de pavot à quelqu'un en lui disant comment fabriquer ses propres opiacés. Je considère que nous demandons à des gens de produire des médicaments qui pourraient être fabriqués en toute sécurité en laboratoire.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Wilks. Vous disposez de sept minutes.
    Partagez-vous votre temps avec quelqu'un?
    Avec M. Lunney.
    D'accord. Voudriez-vous que je vous avise lorsque la moitié de votre temps sera écoulée?
    Bien sûr. Merci, madame la présidente.
    J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet de la criminalisation et du fait que des milliers de Canadiens se retrouvent avec un casier judiciaire chaque année.
    Est-ce que l'un d'entre vous pourrait me donner un exemple en ce qui a trait à la possession de trente grammes et moins de marijuana?
    J'ai été conseiller municipal à Victoria de 2008 à 2011, et d'après les données les plus récentes que j'ai vues — et je ne me suis pas penché là-dessus depuis un moment —, je peux vous dire qu'en 2008, nous avons procédé à 300 arrestations pour possession de cannabis, et les deux tiers des personnes arrêtées possédaient moins d'une once. Autrement dit, plus d'une arrestation sur trois à Victoria impliquait moins d'une once de cannabis. À l'heure actuelle — je pense que vous connaissez les statistiques —, quelque 50 000 Canadiens sont condamnés pour possession de marijuana, dont la plupart sont arrêtés pour possession simple.
    Parmi ces personnes qui ont été arrêtées pour possession simple de moins de trente grammes, combien ont eu un casier judiciaire?
    Je n'ai pas cette statistique.
    Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'aucune d'entre elles n'en a eu?
    Absolument pas.
    Eh bien, je vous dirais qu'ils n'en ont pas, et voici pourquoi: depuis 1995, aux termes du paragraphe 4(5) de la Loi réglementant certains drogues et autres substances, lorsque le ministre Allan Rock a modifié la loi pour passer d'une infraction punissable par voie de mise en accusation et une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire — les deux — à la seule infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, on ne peut prendre les empreintes digitales pour infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Donc, depuis 1995, aucun Canadien — pas un seul — n'a été soumis à la prise des empreintes digitales pour la possession d'une quantité allant de 1 à 30 grammes en vertu du paragraphe 4(5) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, je vous le garantis. Ces personnes peuvent en outre avoir été accusées d'une autre infraction, mais elles n'ont pas été condamnées, parce que d'un point de vue légal, elles ne peuvent l'être.
    Qu'en dites-vous?

  (1040)  

    Je dirais que vous m'apprenez quelque chose. Je serais curieux de savoir s'il s'agit d'un portrait précis de la situation au Canada.
    Je vous suggère de le faire, parce qu'en vertu du paragraphe 4(5), il en est ainsi depuis 1995.
    Cela dit — le fait que des gens sont arrêtés, mais n'ont pas de casier judiciaire —, pourriez-vous me dire comment vous interprétez le commentaire de l'Association canadienne des chefs de police concernant la possibilité de faire de la possession de faibles quantités de marijuana, entre 1 et 30 grammes, une infraction pouvant faire l'objet d'une contravention?
    Vous voulez des commentaires généraux?
    Oui.
    Pour être honnête, ce serait un pas dans la bonne direction. Un petit pas, certes, mais un pas dans la bonne direction.
    Les données provenant d'Australie me portent à craindre un élargissement du filet. En tant que chercheur en sociologie, c'est ce qui me préoccupe. Lorsque certains États de l'Australie ont commencé à le faire, on a observé une hausse des infractions liées au cannabis parce que la police trouvait qu'il était plus facile de donner des contraventions plutôt que de remplir un formulaire d'arrestation.
    Toutefois, je suis d'avis que toute mesure qui entraîne l'élimination de sanctions pénales associées à un comportement qui n'a, du reste, aucun effet sur les Canadiens sur les plans de la santé publique ou de la sécurité publique et qui reçoit l'appui de la population est un pas dans la bonne direction.
    Merci. Et...
    Vous êtes rendu à 3 minutes et 30 secondes. Donc, selon le temps que vous souhaitez accorder à M. Young...
    Je n'ai qu'une petite question.
    Oui, monsieur Gravelle.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Je tiens seulement à informer M. Wilks que je m'occupe actuellement du dossier d'une femme qui a été arrêtée pour possession simple de moins de 30 grammes. On a pris ses empreintes. Les accusations ont été retirées, mais ses empreintes figurent toujours au registre, de sorte qu'elle a de la difficulté à trouver un emploi.
    Donc, les empreintes des gens ont été prises, dans certains cas.
    Merci beaucoup, monsieur Gravelle.
    Voici ce que je propose. Je crois que M. Lucas a aussi remis en question la véracité de cette information. J'invite donc les témoins et les membres du comité qui ont d'autres informations et qui souhaitent les présenter au comité à le faire ultérieurement, par écrit, afin qu'elles figurent au compte rendu.
    Nous passons maintenant à M. Lunney.
    Madame la présidente, j'espère que l'intervention au nom de notre collègue n'a pas réduit le temps restant.
    Non; il vous reste environ trois minutes.
    Très bien. Merci.
    Je suis surtout préoccupé par la consommation chez les jeunes et la consommation pendant la grossesse. Voici les commentaires du Centre canadien de lutte contre les toxicomanies:
[...] on a montré que l’usage de cannabis pendant la grossesse nuit au développement et à l’apprentissage des enfants à partir de l’âge de trois ans environ et que ces effets subsistent au moins jusqu’à l’adolescence.
    C'est très préoccupant. Précédemment, le Dr Sabet a mentionné les chiffres suivants: un adolescent sur six développe une dépendance; chez les adultes, c'est un sur dix. À l'adolescence, le cerveau est particulièrement à risque. Nous craignons que cela ait une incidence à long terme sur le processus de myélinisation du cortex préfrontal.
    Ma première question — le temps est limité, mais j'en ai une deuxième — est la suivante: la myélinisation retardée du cortex préfrontal ne préoccupe-t-elle pas les gens assis au bout de la table? Comment allons-nous traiter ce problème chez les jeunes? C'est la première question.
    La deuxième est liée à la sécurité. Vous avez cité le Colorado comme exemple d'un endroit où il n'y avait pas d'effets nocifs, mais les preuves présentées par le Dr Sabet démontrent qu'en fait, le nombre d'accidents de la route au Colorado a augmenté. Il a dit: « Bien que le nombre d'accidents de la route a diminué entre 2007 et 2011, le nombre d'accidents mortels liés à des conducteurs ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage de la marijuana a connu une forte augmentation. » Sur ce même sujet, il a parlé de la hausse du nombre d'admissions en salle d'urgence: « En 2011, les incidents liés à la marijuana représentaient 26 % des visites à l'urgence, contre 21 % à l'échelle nationale. »
    J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, brièvement. Ensuite, s'il reste du temps, je céderai la parole à mon collègue.
    Avec plaisir; j'ai deux commentaires.
    Premièrement, j'ai étudié l'effet de substitution lié au cannabis. À ma connaissance, la première étude à ce sujet a été réalisée par une chercheuse, Mme Karen Model, dont l'étude portait sur les États américains qui ont décriminalisé l'usage de cannabis dans les années 1970. Dans les États qui ont décriminalisé l'usage de cannabis, elle a observé une diminution du nombre de visites à l'urgence et du nombre d'accidents de la route liés à la consommation d'alcool, ce qui semble contredire ce que nous venons d'entendre.
    Brièvement, en terminant, peu importe ce que vous pensez des effets du cannabis sur un jeune cerveau, je ne suis pas certain que l'arrestation et les poursuites sont les meilleures méthodes pour réduire ces effets.

  (1045)  

    Avez-vous une meilleure façon de gérer cette situation?
    Oui. Je pense que nous avons réussi à réduire l'usage du tabac grâce à des campagnes d'information honnêtes et sans avoir à arrêter les jeunes ou à leur donner un casier judiciaire.
    Vous parlez donc d'un programme de 40 ans pour essayer de leur faire abandonner l'usage de la marijuana?
    Exactement. J'estime qu'à une époque où les jeunes Canadiens y ont actuellement accès, malgré 70 ans d'interdiction, il n'est pas vraiment indiqué de maintenir le statu quo.
    Merci beaucoup.
    Nous avons terminé.
    Je remercie nos deux témoins.
    Vous avez répondu à beaucoup de questions au cours des deux dernières heures. Aux fins du compte rendu, je tiens à dire que vous avez satisfait aux critères de l'étude selon lesquels les témoins devaient être des experts dans leur domaine, ce que vous avez tous les deux démontré.
    On a beaucoup parlé de vos titres de compétence. Vous n'êtes pas médecins, mais vous êtes des experts, vous avez fait des recherches et vous satisfaites ainsi aux critères énoncés dans la motion sur cette étude. Voilà pourquoi vous avez été invités ici aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants de vos commentaires éclairés. Vous avez répondu à beaucoup de questions des membres du comité de toute allégeance.
    Merci également aux membres du comité.
    La séance est levée.
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