Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression du titre intégral.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression du préambule.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 1.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 2.
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Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 40.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 41.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 42.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 43.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 44.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 45.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 45.1.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 46.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 47.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 48.
Que le projet de loi C-36 soit modifié par suppression de l'article 49.
— Monsieur le Président, comme le savent les députés, il est rare que je ne me sois pas prévalue, en ma qualité de chef du Parti vert du Canada et de députée de Saanich—Gulf Islands, de la possibilité de présenter des amendements à l'étape de l'étude en comité depuis l'adoption des nouvelles règles l'automne dernier. Dans ce cas-ci, je ne m'en suis pas prévalue, parce qu'amender le projet de loi était mission impossible.
Néanmoins, pour les projets de loi que je trouve préoccupants, je me suis présentée devant le comité qui en est saisi pour présenter des amendements de fond. Dans le cas du projet de loi , aucun amendement que j'aurais pu proposer n'aurait permis de combler ses lacunes. Voilà pourquoi, monsieur le Président, je vous remercie d'avoir lu les motions visant à supprimer tous les articles du projet de loi au motif qu'il est irréparable.
Comment en sommes-nous arrivés là? Comme nous le savons tous, la Cour suprême du Canada a statué, dans l'arrêt Bedford, que nos lois actuelles concernant la prostitution sont inconstitutionnelles, car elles violent la Charte canadienne des droits et libertés.
[Français]
Dans l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, on peut trouver une phrase importante qui est un principe primordial pour les Canadiens et les Canadiennes: « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. »
Dans la cause Bedford, la Cour suprême a conclu que cet article de la Charte canadienne des droits et libertés n'est pas respectée dans les lois ou dans le Code criminel du Canada en ce qui concerne les travailleuses du sexe qui sont menacées par l'état des lois au Canada.
[Traduction]
Puisque la Cour suprême a déterminé que nos lois en matière de prostitution ne permettaient pas de faire respecter le droit à la sécurité de ces personnes, qui vivent déjà en marge de la société et se trouvent dans une position difficile, et que compte tenu des lois s'appliquant à la prostitution au pays, elles étaient encore plus marginalisées et ostracisées et devaient travailler dans la clandestinité, il nous qu'il incombait, en tant que parlementaires, de proposer une approche axée sur le respect et la protection des travailleurs de l'industrie du sexe, pour qu'ils ne soient pas tenus de travailler dans la clandestinité.
Après la publication de l'arrêt Bedford, je pensais que nous aurions une réponse du Parlement — une réponse du — qui tiendrait compte du message lancé par la Cour suprême du Canada.
Ironie du sort, plus tôt ce matin, j'ai assisté à un symposium international sur la violence fondée sur le sexe et la santé, qui avait lieu à quelques coins de rue d'ici, à l'hôtel Novotel, sur la rue Nicholas. Des chercheurs des quatre coins du Canada ont présenté le fruit de leurs recherches sur le sujet à des gens du monde entier. Il s'agit d'un projet de collaboration en sciences sociales mené au Canada, qui porte sur la violence fondée sur le sexe et la santé. Ce projet a été financé par les Instituts de recherche en santé du Canada.
J'y suis restée assez longtemps, avant de revenir ici pour le débat sur le projet de loi , pour entendre les conclusions préliminaires de ces travaux menés partout au Canada. J'ai été heureuse de constater que des gens de ma propre région, de l'Université de Victoria et du service de police de la ville de Victoria, ont participé à ce projet de recherche.
Le projet de recherche ne visait que les travailleurs de l'industrie du sexe qui étaient âgés de plus de 19 ans et qui n'étaient pas victimes de la traite des personnes, une pratique horrible qui fait en sorte que ces gens n'ont aucun droit. Je tiens à ce que les choses soient parfaitement claires: même si le Parti vert est contre le projet de loi , nous pensons tout de même que la loi doit être appliquée dans toute sa rigueur pour sévir contre ceux qui exploitent des mineurs et des victimes de la traite des personnes à des fins sexuelles. Nous croyons que les lois en la matière doivent être renforcées et que les lois en vigueur à l'heure actuelle suffisent pour établir une distinction entre ceux qui pratiquent la prostitution de façon générale et les travailleurs exploités âgés de moins de 19 ans, qui sont victimes de la traite des personnes à l'échelle internationale et qui ne peuvent pas se prévaloir des droits qui devraient leur être conférés par la loi.
Comme je l'ai dit, des résultats de travaux de recherche financés par les Instituts de recherche en santé du Canada ont été publiés aujourd'hui. Il s'agit de travaux menés en collaboration dans six villes canadiennes par certains de nos chercheurs les plus compétents dans le domaine des sciences sociales. Ces derniers ont examiné la vie de travailleurs du sexe qui n'étaient pas âgés de moins de 19 ans ni victimes de la traite de personnes.
Les instituts ont constaté qu'un élément d'information fondamental relevé dans les travaux de recherche antérieurs était intuitif et qu'il correspondait à l'interprétation donnée par la Cour suprême du Canada. Il s'agit du fait que les lois à caractère punitif et les mesures qui, dans notre contexte social, auraient pour effet de stigmatiser davantage les travailleurs du sexe rendraient ceux-ci encore plus vulnérables et moins susceptibles d'avoir accès aux mécanismes de soutien et de protection qu'offre la société.
Dans sa décision, la Cour suprême du Canada a indiqué clairement au Parlement qu'il devait trouver une façon de veiller à ce que les travailleurs du sexe ne soient pas poussés à exercer leurs activités dans l'ombre et à ce qu'ils ne soient pas encore plus stigmatisés.
C'est une tragédie, car des vies sont en jeu. On ne parle pas de slogans électoraux ou de mesures destinées à aller chercher le vote de la base conservatrice. Ce problème va au-delà de la partisanerie. La Cour suprême du Canada a demandé au Parlement de veiller à ce que les dispositions législatives portant sur la prostitution respectent l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Le projet de loi constitue un véritable échec à l'égard de cette exigence fondamentale. Il ne fera absolument rien pour améliorer la sécurité des travailleurs du sexe. Cette mesure législative fait fausse route. D'ailleurs, plusieurs commentateurs du secteur juridique ont fait remarquer que ce projet de loi aurait pour effet de rendre le commerce du sexe encore plus dangereux.
Pour aider les gens à comprendre la situation, j'aimerais citer quelques commentaires formulés par le lors d'une conférence de presse tenue en juin dernier, au moment de la présentation du projet de loi . Je vais citer un échange entre le ministre et les journalistes.
Voici ce qu'a déclaré le :
Nous savons que certaines prostituées ont moins de 18 ans. Si elles se trouvaient en présence d'autres prostituées à 3 heures du matin dans le but de vendre des services sexuels, elles pourraient être arrêtées.
La question suivante lui a été posée par la presse:
Ce serait toujours considéré comme une infraction criminelle?
Ce à quoi le a répondu:
C'est bien cela, puisque les services sont vendus en présence d'un mineur.
La journaliste a ajouté:
Donc, si deux prostituées de 17 ans se trouvent ensemble au milieu de la nuit dans ce qui serait considéré comme un lieu public, elles commettent une infraction criminelle, est-ce bien cela?
Le a répondu:
Si elles vendent des services sexuels, oui.
Un autre journaliste a alors dit:
On les encourage donc à rester seules, ce qui met en péril leur sécurité.
Le a répondu:
Bien sûr que non, nous ne les encourageons pas à faire quoi que ce soit. Elles ne sont pas forcées de vendre des services sexuels.
Cette réponse ne tient pas compte de la réalité. Si nous voulons prendre au sérieux la décision de la Cour suprême dans l'affaire Bedford, nous devons tout mettre en oeuvre pour encourager les travailleurs et les travailleuses du sexe à rester ensemble, à demeurer à proximité les uns des autres et à se protéger entre eux. Il faut comprendre la distinction entre offrir des services sexuels dehors ou à l'intérieur. Tout ce qui favorise le commerce du sexe dans la rue et la clandestinité rendra la vie des travailleuses et travailleurs du sexe plus dangereuse.
Cela m'amène à la partie suivante du projet de loi , qui est probablement inconstitutionnelle et qui porte sur l'interdiction de faire la publicité de services sexuels, plus précisément sur l'interdiction de communiquer dans le but de rendre des services sexuels moyennant rétribution.
Aux termes du projet de loi C-36, ces activités seraient illégales, à moins que les travailleuses et travailleurs du sexe communiquent directement. En d'autres termes, faire de la publicité serait illégal. Ainsi, la prostituée ne pourrait plus avoir recours à un intermédiaire. La travailleuse ou le travailleur du sexe n'aurait plus la possibilité de demander une espèce d'évaluation, un moyen quelconque de ne pas avoir à négocier directement avec le client dans la clandestinité, et cela rendrait sa vie plus dangereuse.
La décision Bedford nous sert de guide à cet égard. La cour a déclaré ce qui suit:
En interdisant la communication en public à des fins de prostitution, la loi empêche les prostituées d’évaluer leurs clients éventuels, ainsi que de convenir de l’utilisation du condom ou d’un lieu sûr. Elle accroît ainsi sensiblement le risque couru.
Le projet de loi est rédigé comme si la Cour suprême du Canada ne nous avait donné aucune orientation, comme si nous procédions à l'aveuglette, sans tenir compte des restrictions auxquelles seront soumises la communication et la publicité pour demeurer légales au Canada.
C'est comme si la décision Bedford ne nous avait donné aucune orientation, parce que le projet de loi ne semble avoir pour objet que la création d'une nouvelle infraction, c'est-à-dire la publicité pour la vente de services sexuels, et cela rendra plus dangereuse la vie des travailleuses et travailleurs du sexe.
Je pourrais continuer indéfiniment, mais je sais que mon temps est écoulé.
[Français]
Je veux seulement dire que la loi ne servirait qu'à rendre la vie de centaines de travailleuses du sexe plus difficile et plus dangereuse.
:
Monsieur le Président, outre ce qui vient d'être dit, il y a une question qui n'a pas été débattue de façon adéquate à la Chambre, soit le recours au principe selon lequel « l'État n'a pas à s'ingérer dans les relations entre adultes consentants » pour soutenir que la criminalisation asymétrique prévue dans le projet de loi ne constitue pas une réponse adéquate à l'arrêt Bedford.
En effet, la notion de consentement sexuel est au coeur de ce principe. L'article 273.1 du Code criminel définit la notion de « relation sexuelle sans consentement ». Voici certaines des dispositions de cet article.
a) l’accord est manifesté par des paroles ou par le comportement d’un tiers; b) [le plaignant] est incapable de le former;
Il y a d'autres dispositions.
Selon la jurisprudence, l’agression sexuelle est établie par la preuve de trois éléments: les attouchements, la nature sexuelle des contacts et l’absence de consentement.
En outre, l’absence de consentement est subjective et déterminée par rapport à l’état d’esprit subjectif dans lequel se trouvait en son for intérieur le plaignant à l’égard des attouchements, lorsqu’ils ont eu lieu.
En plus de cette définition du consentement sexuel en droit criminel, il faut également penser au travail qu'accomplissent des groupes qui misent sur la prévention des agressions sexuelles et qui sensibilisent le public au fait qu'il faut apprendre à se connaître et à célébrer sa propre sexualité afin d'établir les limites du consentement.
J'ai vécu un moment important la semaine dernière. J'ai eu la chance de rencontrer Elsbeth Mehrer, du YWCA de Calgary. Je lui ai demandé comment elle définissait le consentement à des activités sexuelles. Elle a parlé de réaction enthousiaste de la part des deux partenaires.
J'éprouve une grande fierté pour le travail qu'accomplit le club d'éducation sexuelle et de sensibilisation au consentement de l'Université de Calgary. Sa campagne « le consentement, ça fait plaisir », visait à faire connaître aux étudiants cette vision du consentement, qui m'apparaît plus exacte.
Depuis des temps immémoriaux, l'idée que les gens, surtout les femmes, puissent vivre une sexualité pleinement assumée, bien informée et enthousiaste a été décrite dans les livres, les coutumes et les pratiques religieuses comme une chose terrible, qu'il fallait éviter à tout prix de peur d'ébranler les fondements de la société. C'est seulement depuis quelques décennies que la culture occidentale, notamment grâce au mouvement féministe, nous a fait connaître cette nouvelle vision du consentement. Nous avons toutefois du mal à protéger cette nouvelle vision. Pensons par exemple aux chants d'encouragement au viol scandés lors d'initiations universitaires, ou aux demandes de ceux qui voudraient voir les agentes de sécurité des aéroports mises à part. En tant que culture, nous avons encore du mal à accepter le concept d'une sexualité pleinement assumée et équitable.
Notons aussi que cette nouvelle conception du consentement est fondée sur l'égalité, sur l'idée que les partenaires détiennent un pouvoir égal.
Dans cette optique, on ne peut pas s'en tenir à la définition de « ce que font deux adultes consentants » puisque, selon une quantité effarante de données, une forte majorité de travailleurs du sexe ne se trouvent pas dans une situation équitable.
Il peut s'agir de jeunes qui sont devenus travailleurs du sexe avant d'avoir la chance de découvrir à quoi ressemblerait une réaction enthousiaste dans leur propre vie sexuelle; de personnes désespérées qui vendent leurs services pour payer le loyer, acheter de la drogue, assurer la subsistance de leurs enfants ou contrer d'autres déterminants de la pauvreté; ou de personnes atteintes de troubles mentaux. Dans ces cas, les deux parties ne bénéficient pas d'un pouvoir égal. Selon moi, dans la plupart de ces situations, il est difficile d'arriver à un véritable consentement à des activités sexuelles, c'est-à-dire à l'enthousiasme dont parle Elsbeth et que nous avons à coeur de promouvoir dans notre culture.
Signalons que, d'après plusieurs études fondées sur des sondages et selon des données venant de fournisseurs de services et de défenseurs des droits des prostitués, les cas d'agression sexuelle sont fréquents dans l'industrie du sexe, particulièrement chez les personnes qui travaillent dans la rue.
Une étude réalisée en 2005 à Vancouver indique que 78 % de ces travailleurs ont été violés pendant leurs activités de prostitution. Des études menées par le ministère de la Justice au milieu des années 1990 soulignaient que les prostituées étaient souvent victimes d'agressions physiques et sexuelles commises par leurs clients, leur souteneur ou leur petit ami.
En 2003, l'Australian Centre for the Study of Sexual Assault a publié un document d'information intitulé « What lies behind the hidden figure of sexual assault? Issues of prevalence and disclosure ». Le document parle du fait que les femmes qui travaillent dans l'industrie du sexe sont plus vulnérables à la violence sexuelle. En outre, le document expose brièvement la façon dont les travailleuses du sexe sont traitées par les tribunaux et le système judiciaire dans les causes liées à des agressions sexuelles.
En général, nous savons que les agressions sexuelles sont rarement déclarées, et je crois qu'elles le sont encore moins par les travailleuses du sexe. Parmi les raisons invoquées pour ne pas déclarer l'incident à la police, notons la crainte que des accusations liées à la prostitution soient portées à la suite de la déclaration, et que les amis et la famille de la travailleuse du sexe soient informés du métier qu'elle pratique.
Quand on se penche sur la jurisprudence, on constate que les stratégies de défense consistent généralement à attaquer la crédibilité de la victime. J'ai examiné certaines causes impliquant des prostituées qui ont été entendues entre 2004 et 2014, et voici certains des arguments qui ont été avancés par la défense.
La plaignante était consentante lors d'occasions précédentes et subséquentes.
La plaignante est une toxicomane, ses facultés étaient affaiblies lorsque les rapports sexuels ont eu lieu, elle souffre de dépression, ou elle ne peut se souvenir des faits en raison de trous de mémoire.
La plaignante a continué de travailler comme prostituée de nombreuses années, ce qui veut dire qu'elle était consentante lors de l'activité et qu'elle n'a pas subi de traumatisme.
Comment ces stratégies de défense s'accordent-elles avec notre culture selon laquelle le consentement à l'égard des rapports sexuels devrait s'exprimer sans contrainte et se manifester par une réaction enthousiaste?
Selon les résultats de la recherche effectuée à ma demande par la Bibliothèque du Parlement, plusieurs causes révèlent que les tribunaux ont de la difficulté à définir le consentement. Dans les causes R. c. House, R. c. Dyck, R. c. Lumsden, et R. c. Jakeer, les tribunaux ont noté que les travailleuses du sexe sont particulièrement vulnérables et ont le droit de bénéficier de toutes les protections prévues dans la loi, comme n'importe quelle autre personne. L'examen des causes n'a révélé aucune tendance générale quant à la façon dont les tribunaux interprètent la notion de consentement chez les travailleuses du sexe. Dans ce contexte, il semble que la notion de consentement chez les prostituées soit déterminée au cas par cas par les tribunaux.
Je tiens à citer un extrait d'une décision rendue par la Cour de justice de l'Ontario relativement à l'agression sexuelle d'une travailleuse du sexe.
Dans les circonstances de l'espèce, même si je reconnais volontiers que la victime a pu avoir de sérieuses réserves et refuser son consentement, ses paroles et ses actes ont fait en sorte qu'une personne raisonnable aurait pu croire sincèrement, mais à tort, à son consentement. La victime est montée à bord de la voiture et a réclamé la somme convenue, puis, apparemment de son plein gré, s'est conformée aux désirs sexuels des jeunes hommes. Je ne suis pas d'accord avec l'argument du ministère public sur l'obligation des jeunes hommes de demander à la victime si elle consentait au contact sexuel lorsqu'ils sont montés à bord. On pouvait raisonnablement supposer qu'elle était consentante puisqu'elle leur avait réclamé 30 $ avant de se livrer à des relations sexuelles et qu'elle n'a jamais indiqué, ni par ses paroles ni par ses gestes, son refus de continuer. De toute évidence, la loi n'impose pas au client d'une prostituée l'obligation de lui demander constamment si elle consent toujours à la poursuite de leurs activités...
J'aurais voulu avoir le temps de lire toute la décision parce que c'est à cause de ce genre de décisions qu'on trouve, sur les sites Web qui évaluent les travailleuses du sexe, des commentaires du genre: « elle ne m'a pas regardé pendant l'acte » ou « elle a pleuré un peu au milieu de l'acte ».
Je ne crois pas que quiconque ait, de droit divin, le droit d'acheter des services sexuels ou que l'achat de services sexuels doive, en soi, définir le consentement. Pour protéger les travailleurs du sexe du pays, nous devons nous arrêter et reconnaître que c'est là une faille fondamentale de toute argumentation en faveur de la légalisation de la prostitution. En légalisant la prostitution, nous dénigrerions une conception culturelle durement gagnée sur la valeur des humains et leur sexualité et, ainsi, les victimes d'agression sexuelle, mêmes les travailleurs du sexe, auraient davantage de difficulté à obtenir des dédommagements et à se remettre.
Toutefois, cela ne veut pas dire que les travailleurs du sexe sont systématiquement incapables de donner leur consentement. Au contraire, si nous adoptons le projet de loi et le financement que nous avons annoncé, notre pays reconnaîtrait que nous avons le droit de consentir à ce que nous choisissons de faire avec notre corps, mais que le fardeau de la preuve pèse très lourd et qu'il montre que la majorité des travailleurs du sexe sont avilis, agressés et maltraités. C'est pourquoi notre société et notre pays reconnaît que l'achat de services sexuels est un geste que nous considérons criminel.
Lors des audiences du comité, un des témoins qui a parlé des dispositions asymétriques a demandé où il était possible de se procurer quelque chose légalement sans pouvoir l'acheter légalement, et pourquoi nous ne faisions pas la même chose avec l'alcool?
Eh bien, une bouteille d'alcool n'est pas un être humain. J'estime que si nous voulons montrer que notre pays a dépassé une conception très limitée du consentement sexuel et que notre culture adhère à une définition du consentement où les gens ont le pouvoir d'agir de plein gré, il faut adopter le projet de loi proposé.
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Monsieur le Président, il y a des moments dans nos carrières qui prennent une certaine importance de par l'ampleur des conséquences de la décision que l'on aura à prendre. Depuis le dépôt du projet de loi , en fait depuis la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Bedford, on savait que quelque chose viendrait. Je suis convaincue que toutes les personnes qui s'intéressent à la question, de part et d'autres, ont été contactées pour être consultées. Que ce soit les intervenants de tout niveau, que ce soit es travailleurs du sexe, les groupes féministes qui sont contre le travail du sexe, les spécialistes en droit ou les constitutionnalistes, nous avons eu à rencontrer à peu près tout ce qui bouge sur la planète Canada.
L'approche que j'ai privilégiée au nom du Nouveau Parti démocratique a été de garder l'esprit le plus ouvert possible. Chacun a son expérience, a été élevé d'une certaine façon, a sa perception des choses, et ainsi de suite. On tente donc de ne pas laisser cela devenir omniprésent et nous influencer. J'espérais que le gouvernement fasse la même chose, évidemment, parce que c'est ce que j'attends toujours d'un ministre de la Justice et procureur général du Canada. Celui-ci a l'obligation de présenter des lois constitutionnelles. On sait tous que le droit n'est pas une science exacte, je ne demande donc pas de garantie à 100 %, mais certaines choses nous frappent parfois en plein front et nous font nous rendre compte que, vraiment, on crée un problème particulièrement évident.
En effet, c'est devenu particulièrement évident. La ministre qui avait la parole, tout juste avant moi, parlait notamment de 20 millions de dollars en transferts sociaux. Pour moi, ce sont des indications de la bonne foi et de la croyance réelle en ce qu'on avance. En comité, nous avons rencontré beaucoup de gens. J'ai compté quelque 75 témoins. Or tous, qu'ils soient pour ou contre le projet de loi , nous ont dit à l'unanimité que 20 millions de dollars sur cinq ans, c'était une blague. Je pense, entre autres, au ministre de la Justice du Manitoba. Il nous a parlé de ce problème dans sa province. On sait qu'on y trouve un grave problème de prostitution, avec ce qui s'appelle le travail du sexe non consentant exploité qui implique beaucoup de femmes autochtones. Il y a beaucoup de pauvreté dans tout cela. Cela donne une échelle de grandeur pour un pays vaste comme le Canada. Compte tenu de l'importance de ce problème, 20 millions de dollars sur cinq ans, c'est une farce.
Je ne me lancerai pas dans toutes sortes d'arguments parce que je vais sûrement entendre mes collègues d'en face dire que c'est un début. Si les conservateurs sont sérieux et veulent s'assurer d'avoir le plus de gens possible de leur bord, ils doivent démontrer leur sérieux avec de tels gestes. Or, lorsque le ministre a présenté son projet de loi en conférence de presse, cela avait l'air d'une petite ligne qu'il a lancée, à la toute fin, comme si c'était un ajout après coup. Cela m'indispose particulièrement, parce que les conservateurs manquent encore de crédibilité dans ce qu'ils font.
D'autres façons de faire leur enlèvent de la crédibilité et me font encore plus peur, comme les consultations en ligne. Je ne suis pas née d'hier, et je sais que prétendre avoir consulté à peu près tout ce qui bouge et dire que tout le monde est d'accord avec lui est la plus vieille méthode pour un gouvernement de faire passer ses idées. Je ne lui enlève pas ce droit, et je trouve même que c'est une bonne chose. Je suis tout à fait en faveur de la consultation. Moi-même, j'ai consulté à plusieurs reprises les gens de Gatineau pour savoir ce qu'ils pensaient de tout cela, afin d'être certaine que la position de la députée de et la position de la porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice s'arrimaient bien avec les gens qu'elle représente. En effet, avant toute chose, ce qui m'importe, c'est d'être la députée de Gatineau et de représenter mes concitoyens. Or les gens m'ont dit que je ne faisais pas fausse route.
Je me rapporte à l'étape du comité, alors qu'on était en pleine étude et qu'on demandait au ministre à voir les résultats de cette grande et vaste consultation sur Internet. On savait qu'ils existaient et on voulait avoir tous ces détails, de même que le sondage payé par les contribuables canadiens. Selon certaines indications, ils ne disaient pas exactement la même chose que ce que le gouvernement laissait croire.
Je ne qualifierai pas les réponses qu'on a reçues, car je serais expulsée de la Chambre des communes. Certaines étaient absolument indécentes, comme celle où l'on disait qu'elles arriveraient en temps et lieu. Pour le gouvernement, cela voulait dire à la fin de l'étude en comité. L'information importante brille donc par son absence. Pour moi, il s'agit là d'une indication du manque de transparence du gouvernement concernant un dossier aussi explosif que celui de la sécurité. D'ailleurs, il s'agit d'un volet qui a été évacué.
J'ai parlé de 75 témoins, mais il ne faut pas s'exciter en imaginant que l'étude a été absolument extraordinaire. L'étude a été réalisée de façon assez accélérée. En effet, elle a été menée sur une très courte période de temps, et chaque intervenant n'avait que très peu de temps à sa disposition. On a accordé cinq minutes pour poser des questions à des constitutionnalistes, probablement des avocats, cent fois plus brillants que moi en la matière, pour vraiment avoir une excellente idée de ce qui se passait. Heureusement, nous avions fait une grande partie du travail au préalable et pendant l'étude. D'ailleurs, on continuera le travail, et on continuera d'essayer de faire comprendre au gouvernement qu'il fait fausse route.
On a présenté des amendements, puisqu'il s'agit du travail de toutes oppositions confondues, mais définitivement de l'opposition officielle. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la plupart des amendements ont été jugés comme étant en ordre. Ces derniers pouvaient donc être débattus, et ils auraient pu servir à améliorer un projet de loi qui fait très dur.
J'ai été fière de présenter un amendement, au nom du NPD, qui permettait d'enlever cet aspect de casier judiciaire qui est sur le dos de toutes les victimes. Le gouvernement conservateur parle constamment des gens du milieu comme étant des victimes. Si elles sont victimes, il faut effacer leur casier judiciaire. Une personne ne peut être à la fois victime et criminelle. Toutefois, puisque rien n'est à l'épreuve des conservateurs, ils ont réussi un merveilleux exploit, soit celui de les déclarer victimes et, du même coup, de les criminaliser afin qu'elles conservent leurs casiers judiciaires.
Des amendements aussi simples que celui-là auraient permis de donner suite à l'expression put your money where your mouth is. Ils ont refusé. Des amendements pour expliquer ce qu'ils sont venus nous faire entendre par beaucoup de témoins ont été refusés. Ces derniers nous ont dit que l'un des problèmes majeurs qui entraînent les gens vers la prostitution, c'est la pauvreté extrême et les problèmes de dépendance. On a tenté de présenter un amendement.
Mis à part la phrase « ...fait suite à l'arrêt Bedford... », il n'y a rien pour dire que le projet de loi est réellement une réponse à ce que la Cour suprême nous a dit, soit qu'il s'agit d'un problème sérieux. Dans le préambule du projet de loi, cela brille par son absence. Il n'y en a aucune mention. Trois articles ont été rejetés par la Cour suprême, sous prétexte que it was infringing on their right to security, to life. Ce n'est pas rien. Il faut évaluer le projet de loi dans cette perspective.
J'ai présenté un amendement au nom du NPD. Les conservateurs prétendent qu'ils vont éradiquer la prostitution. Menons une étude aux deux ans. Chaque année, le ministre pourrait fournir à la Chambre les détails de ce qui a été fait, de ce qui a été dépensé, avec qui, et autre. Non, encore une fois, la transparence brille par son absence du côté des banquettes conservatrices.
En terminant, j'aimerais simplement rappeler que le gouvernement n'avait aucune obligation de répliquer par le biais du projet de loi . La Cour suprême du Canada a été extrêmement claire: la question qui commande l'article 7 est celle de savoir si une disposition législative intrinsèquement mauvaise prive qui que ce soit du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne. Un effet totalement disproportionné, excessif ou arbitraire sur une seule personne suffit pour rétablir l'atteinte aux droits garantis par l'article 7.
La Cour suprême concluait que cela ne dépouillait pas le législateur du pouvoir de décider des lieux et des modalités de la prostitution, à condition qu'il exerce ce pouvoir sans porter atteinte aux droits constitutionnels des prostituées. On s'est fait dire que cela y porterait atteinte. C'est un sujet délicat, et il appartient au législateur, s'il le juge opportun. Il n'y avait donc aucune obligation.
Arrêtons de dire que l'arrêt dans la cause Bedford a conduit au projet de loi parce qu'il n'y avait pas d'autre choix, et qu'on est obligé de faire une étude tous azimuts parce que sinon on va créer des problèmes. Je ne voudrais pas porter l'odieux des conséquences que ce projet de loi va avoir sur beaucoup de gens. Rappelons-nous que tout ce qui s'appelle « traite de personnes » et « exploitation » est encore dans le Code criminel et que celui-ci protège les femmes et toute victime à cet égard.
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Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi à l'étape du rapport. Au cours de la session précédente, j'ai déjà signalé que le projet de loi serait vraisemblablement jugé anticonstitutionnel, ce qu'ont confirmé pratiquement tous les juristes qui ont témoigné au comité, à l'exception du ministre et des fonctionnaires du ministère.
Il ne fait aucun doute que la Chambre des communes adoptera ce projet de loi anticonstitutionnel, car les conservateurs sont majoritaires. Après avoir fait l'objet d'une étude de pure forme à l'étape du rapport, puis avoir été adopté, il sera renvoyé au Sénat, qui est lui aussi sous le joug de la majorité conservatrice et qui a d'ailleurs décidé de procéder à son étude préliminaire. Autrement dit, les conservateurs du Sénat ont tenu des audiences avant même l'adoption du projet de loi à la Chambre. Selon ce que rapportent les médias aujourd'hui, la sénatrice Linda Frum confirme d'ailleurs qu'il est fort peu probable que le projet de loi soit modifié de quelque façon que ce soit.
Je me permets de résumer ce qui s'est passé jusqu'à maintenant dans le dossier de la prostitution, y compris sur plan législatif.
À l'heure actuelle, la prostitution est légale au Canada depuis 1892, année de la promulgation du Code criminel. Ce sont les activités entourant la prostitution qui étaient illégales jusqu'à ce que la Cour suprême se prononce dans l'affaire Bedford. Plus précisément, le Code criminel condamnait le fait de communiquer dans un lieu public à des fins de prostitution, de vivre des produits de la prostitution et d'exploiter une maison de débauche, autrement dit, un bordel.
Pour mettre les choses en contexte, il est très important de se reporter à la célèbre affaire Bedford, qui est à l'origine du débat d'aujourd'hui. Dans cette affaire judiciaire historique, un groupe de travailleuses du sexe a contesté la constitutionnalité des trois dispositions du Code criminel que je viens de mentionner, alléguant que ces dispositions mettaient leur sécurité en péril et enfreignaient donc leurs droits en vertu de la Charte. Dans la décision historique qu'elle a rendue en décembre dernier, la Cour suprême du Canada a donné raison à ces travailleuses du sexe et a déclaré invalides ces trois dispositions du Code criminel, déterminant qu'elles allaient à l'encontre de l'article 7 de la Charte, qui protège la vie, la liberté et la sécurité de la personne.
La Cour suprême a suspendu l'effet de la décision pendant un an pour donner au Parlement la possibilité de promulguer une nouvelle loi, s'il en décide ainsi. En juin dernier, le procureur général a présenté le projet de loi en réponse à la décision de la Cour suprême.
Comme je l'ai mentionné avant les audiences du comité en juillet, je partage le point de vue généralement exprimé par les commentateurs juridiques, qui croient fermement que le projet de loi est inconstitutionnel, à tout le moins en partie. Je ne crois pas que cette mesure législative soit conforme à la décision de la Cour suprême pas plus qu'à la Charte d'ailleurs. Qui plus est, j'ai indiqué qu'elle pourrait fort bien exposer les travailleuses du sexe à un plus grand risque de préjudice ou pire.
Les conservateurs disent avoir mené de vastes consultations au sujet du projet de loi mais ils n'en ont donné aucune preuve. Ils disent aussi avoir vérifié la conformité du projet de loi à la Charte, là encore, sans en produire la preuve sous forme d'avis juridique et ce, en dépit de demandes répétées à cet égard.
Les conservateurs ont rejeté une demande pour saisir la Cour suprême du Canada de la question de la constitutionnalité du projet de loi. Ils soutiennent s'en être remis à des témoignages sous forme d'un sondage en ligne auprès des Canadiens. Il est assez évident que ce sondage visait à faire taire les critiques inévitables selon lesquelles ils ont automatiquement suivi leur idéologie en concevant le projet de loi. Les conservateurs font passer ce sondage pour des témoignages.
Les conservateurs passent sous silence le fait que les sondages en ligne sont très peu scientifiques, surtout du fait que des groupes d'intérêt organisés sont susceptibles d'intervenir afin d'en biaiser les résultats. Les Canadiens veulent-ils vraiment que leur gouvernement fonde d'importantes modifications législatives — ou, pire encore, ses réponses aux décisions de la Cour suprême — sur des sondages comportant des faiblesse inhérentes? Pourtant, le brandit les résultats de ce sondage comme s'ils reflétaient bel et bien la position actuelle des Canadiens.
Or, le gouvernement a payé 175 000 $ à Ipsos Reid pour réaliser un sondage visant à connaître l'opinion actuelle des Canadiens au sujet de la prostitution. À maintes reprises le Parti libéral et mes collègues de l'opposition officielle ont demandé au gouvernement de publier les résultats de ce sondage, un sondage en bonne et due forme, avant les audiences parlementaires, qui ont eu lieu en juillet dernier. Le ministre a refusé catégoriquement de donner suite à cette demande, et ce, malgré le fait que cette information aurait pu être utile dans le cadre des délibérations du comité de la justice. D'ailleurs, la seule réponse constructive à une question posée au comité au sujet de la publication des résultats du sondage est venue d'un fonctionnaire du ministère de la Justice, qui a dit que ceux-ci seraient utiles dans l'élaboration du projet de loi.
Récapitulons une fois de plus. Les conservateurs ont recours à une ruse. Ils créent un sondage en ligne très peu fiable sur le plan scientifique et ils s'en servent pour appuyer leur position. Par surcroît, ils refusent de communiquer au Parlement ou aux membres du comité de la justice les résultats du sondage Ipsos Reid, qui constituent pourtant des éléments de preuve. Lors des délibérations parlementaires de juillet dernier, j'ai demandé au ministre pourquoi il refusait de rendre ces résultats publics. Permettez-moi de citer l'échange qui a eu lieu, car la plupart des députés n'en auront pas eu connaissance.
Voici un extrait du compte rendu officiel de cet échange.
J'ai posé au ministre la question suivante:
Je voudrais revenir à la question posée par [la députée de Gatineau] au sujet de l'enquête ou du sondage réalisé par Ipsos Reid au coût de 175 000 $. Vous avez indiqué que nous pourrons prendre connaissance des résultats lorsque les audiences auront pris fin. Monsieur le ministre, vous avez le pouvoir de nous permettre d'en prendre connaissance avant cela, c'est-ce pas?
Le ministre a répondu:
Le sondage en soi ne portait pas uniquement sur la question de la prostitution; un délai de six mois est donc normalement accordé pour la divulgation de ces données. Je tiens à souligner [...] que d'autres sondages ont été réalisés et que d'autres données ont été divulguées ou rendues publiques à ce sujet.
J'ai ajouté:
Monsieur le ministre, avez-vous le pouvoir d'abréger le délai afin que nous puissions voir ce sondage de 175 000 $ d'Ipsos Reid? Avez-vous le pouvoir de nous y donner accès avant que nous entendions tous ces témoins?
Le ministre a répondu:
Il y a un délai de six mois que nous allons respecter.
J'ai insisté:
Vous avez donc ce pouvoir, mais vous choisissez de ne pas l'exercer?
Il a répondu:
Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que nous allons respecter le délai de six mois.
Je lui ai donc redemandé:
Avez-vous le pouvoir de réduire ce délai?
Il a dit:
Nous le rendrons disponible après la période de six mois.
J'ai dit:
La réponse est-elle oui ou non?
Sa réponse:
Nous le rendrons disponible après la période de six mois [...].
Je lui ai demandé une nouvelle fois:
Vous ne voulez pas me dire si vous avez ou non le pouvoir de réduire le délai, et si vous l'avez, vous ne voulez pas l'exercer.
Il a répondu:
Ce que je vous dis, c'est que vous aurez les renseignements après la période de six mois.
Il s'agit donc d'obstruction de la part des conservateurs. Le a refusé à maintes reprises de communiquer les résultats du sondage au comité de la justice, résultats qu'il savait être en parfaite contradiction avec ce que le gouvernement dit être l'opinion des Canadiens relativement à la prostitution. On ne peut que conclure que ces renseignements, ces résultats, ont été volontairement cachés au Parlement et aux députés siégeant au comité de la justice. Ils ont été cachés parce qu'ils auraient fait ressortir une sérieuse lacune dans leur scénario fallacieux.
Nous savons maintenant que, peu de temps après la fin des audiences parlementaires sur le projet de loi , un dénonciateur courageux a divulgué les résultats du sondage Ipsos Reid au Toronto Star. Il est tout à fait évident pourquoi les conservateurs ne souhaitaient pas que les résultats du sondage Ipsos Reid soient rendus publics. Contrairement aux faux renseignements des conservateurs, les résultats du sondage révèlent que les Canadiens sont très divisés sur la question.
Comme je l'ai dit auparavant, les conservateurs ont droit à leur propre idéologie et à leurs propres opinions. Ils n'ont pas le droit toutefois de fausser la réalité. Ils ont caché des renseignements délibérément au comité, et cela devrait inquiéter tout Canadien qui valorise l'honnêteté et l'intégrité, quel que soit son avis sur la question de la prostitution.
Je vais m'en tenir à cela pour le moment. J'attends impatiemment le débat à l'étape de la troisième lecture. Je passerai en revue et ferai ressortir les renseignements présentés au comité de la justice lors des audiences du mois de juillet.
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Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet du projet de loi . Comme les députés le savent, j'appuie le projet de loi présenté à la suite de l'arrêt Bedford du 20 décembre 2013 de la Cour suprême du Canada. L'année dernière, en décembre, les Canadiens ont reçu un cadeau de Noël. La plupart ne savaient pas ce qui se passait, étant trop accaparés par les préparatifs de Noël. La Cour suprême du Canada a jugé que toutes les lois entourant la prostitution étaient inconstitutionnelles et a donné un an au gouvernement pour donner suite à sa décision. Un travail considérable a été consacré au projet de loi, dont une étude approfondie. C'est peut-être l'une des mesures législatives les plus importantes dont la Chambre a été saisie, et je suis absolument convaincue qu'elle assurera la sécurité de nos jeunes et de la population.
Nous avons entendu un grand nombre de gens, y compris des travailleurs de soutien de première ligne, des agents et des chefs de police et des juristes. Je dois dire que la professeure Janine Benedet, qui figure parmi les constitutionnalistes les plus réputés du pays et qui avait aussi travaillé à l'affaire Bedford, s'attend tout à fait à ce que ce projet de loi soit jugé constitutionnel et croit fermement qu'il l'est. Comme les députés le savent, un grand nombre de projets de loi sont rejetés lorsqu'ils sont contestés en vertu de la Charte. Toutefois, il ne fait aucun doute que ce projet de loi est constitutionnel.
Je suis particulièrement impressionnée par toutes les victimes qui se sont présentées devant le comité et les survivants qui sont venus témoigner devant les deux comités, car c'est cela dont il s'agit: des survivants qui racontent enfin ce qui leur est arrivé. Pendant des années, les gouvernements ont fait peu de cas de la traite des personnes et de la prostitution. Tout le monde estimait que, si des jeunes filles et des jeunes garçons vendaient leurs services sexuels, c'était parce qu'ils le voulaient bien. Toutefois, au comité, nous avons découvert que c'était tout le contraire de ce que la population pensait. Pourquoi? Parce qu'un nombre croissant de familles partout au pays sont touchées par des prédateurs qui se présentent comme des amis et qui persuadent ces jeunes gens, par la ruse, de s'adonner au commerce du sexe, puis de prendre de la drogue et toutes sortes de choses.
Toutefois, on n'entend jamais les victimes. Le projet de loi permet aux victimes de la traite des personnes et à celles qui ont été forcées de s'adonner au commerce du sexe de se faire entendre et de venir témoigner devant nous. Ce sont elles qui ont besoin de notre attention et de notre protection et nous ne devons pas les oublier.
Après avoir écouté ces survivants, je dirais que tous les Canadiens devraient lire les témoignages de ce comité car ils apprendraient beaucoup de choses sur ce qui arrive à de nombreux enfants dans des régions de tout le pays. Nous avons appris que les prédateurs gagnent de 260 000 $ à 280 000 $ par année par victime. C'est la raison pour laquelle ils font cela. C'est une question d'argent. Bien des gens associés à ces prédateurs gagnent beaucoup d'argent aussi. Par conséquent, beaucoup de gens ont recours à l'esclavage moderne pour protéger leur argent.
Au cours des audiences, des organismes d'application de la loi ont aussi comparu pour appuyer le projet de loi , de façon générale, et approuver le message fort qu'il envoie à tous les Canadiens, à savoir que nous allons sévir contre les proxénètes et les clients, et que nous allons mettre en place des réseaux de soutien pour les victimes de traite des personnes et pour les gens qui ont abouti dans le commerce du sexe sans jamais en avoir eu l'intention. Les policiers ont reconnu que la prostitution est une activité dangereuse en soi et ils ont insisté sur la nécessité de poursuivre ceux qui profitent de l'exploitation sexuelle d'autrui. J'ai parlé plus tôt des prédateurs qui gagnent entre 260 000 $ et 280 000 $ par année, ce qui représente des profits énormes. Les policiers ont aussi souligné la nécessité de mettre en place les outils visant à protéger nos collectivités des préjudices résultant de la prostitution, pour que les parents n'aient pas besoin de ramasser les seringues et les condoms dans la cour d'école de leurs enfants.
La question n'est pas du tout d'arrêter des victimes. La seule disposition du projet de loi concerne le terrain même des écoles, des terrains de jeu et des piscines. La réalité, c'est que les Canadiens reconnaissent qu'il faut protéger les enfants. Partout au Canada, de plus en plus de collectivités commencent à comprendre que le projet de loi C-36 vise aussi à protéger des prédateurs leurs propres enfants chéris et les enfants vulnérables.
Le comité a entendu beaucoup de témoignages. Certains adhèrent à une autre perspective, selon laquelle les gens ont le droit de choisir le métier qu'ils veulent, ce qui est bien entendu le cas au Canada. Toutefois, nous avons entendu aussi des victimes ayant été forcées de se prostituer ou soumises à traite des personnes. Je ne peux m'empêcher de souligner le contraste entre, d'une part, le point de vue de ceux qui affirment que la prostitution est un secteur économique en bonne et due forme auquel le gouvernement veut s'attaquer en restreignant leurs droits et, d'autre part, les récits navrants des victimes ayant souffert aux mains de proxénètes, de narcotrafiquants, de propriétaires de bordel, d'organisations criminelles et de trafiquants de personnes. C'est tout simplement incroyable. Lorsque ces victimes sont venues courageusement raconter au comité pour la première fois ce qu'il leur était arrivé, nous avons eu de la peine à garder notre calme.
Pour une personne qui a travaillé avec des victimes de la traite des personnes et avec des jeunes qui ont été forcés de se prostituer, il était très émouvant d'entendre ces témoins courageux raconter leurs épreuves au comité.
Les statistiques et les études nous montrent que les personnes les plus susceptibles de se prostituer sont celles qui sont marginalisées, privées de leurs droits et vulnérables. Elles peuvent être issues de la classe moyenne canadienne.
De nombreuses jeunes filles provenant de la classe moyenne au Canada ont raconté ce qu'elles avaient vécu. Elles sont devenues des objets de traite à cause des méthodes employées par les prédateurs. Elles se font séduire par un individu dont elles tombent amoureuses. Elles ne s'imaginent pas qu'il veut en fait les exploiter. Elles n'ont aucun soupçon jusqu'au jour où elles se font prendre toutes leurs pièces d'identité et sont forcées de fournir des services sexuels à des hommes ou des femmes. Ce sont des personnes vulnérables.
Nous avons également eu l'occasion de parler à des sans-abri ou à des gens qui ont été maltraités au cours de leur petite enfance ou qui souffrent d'une dépendance. Souvent, ces jeunes d'âge mineur n'étaient pas des toxicomanes avant de tomber dans la prostitution. Ils se mettent à consommer de la drogue pour camoufler leur douleur et réussir à traverser les difficultés de chaque journée.
Il est essentiel que le projet de loi vise en priorité ce groupe de personnes vulnérables dont on parle de plus en plus, afin de les protéger.
La preuve a été faite dans de nombreux pays et à de nombreux endroits que cibler les clients et les proxénètes donne de bons résultats. Dans notre pays, les problèmes de la traite des personnes et de la prostitution forcée ont été mis sous le boisseau pendant très longtemps. On nous répète constamment que la somme de 40 millions de dollars ne suffira pas. J'ai pour mon dire que c'est en tout cas un bon début.
Les provinces et les municipalités, entre autres, doivent elles aussi mettre la main à la pâte. Le projet de loi vient régler de manière très audacieuse un problème dont on a fait peu de cas pendant longtemps. Il ne s'agit pas de nier à qui que ce soit le droit d'exercer la profession de son choix, en tant qu'adulte consentant. Le projet de loi agit ailleurs, en protégeant les populations vulnérables dont j'ai parlé et en leur donnant une chance de se sortir du cauchemar de la traite des personnes ou de la prostitution forcée. Ces populations sont désormais protégées, car elles peuvent signaler les cas de mauvais traitements à la police, échapper à leur situation et se réhabiliter.
Je suis très fière du projet de loi et de ce que le gouvernement fait. Beaucoup de gens prêtent attention au débat et à ce que les députés des deux côtés de la Chambre ont à dire. On note un net contraste entre le gouvernement, qui prend la défense des gens vulnérables, et les gens de l'autre côté de la Chambre, qui ne le font pas.
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Monsieur le Président, j'étais présente à la réunion du comité spécial qui a étudié le projet de loi .
Je peux mentionner qu'on a encore droit à une vision unilatérale conservatrice voulant que la justice puisse régler les problèmes inhérents à la prostitution.
J'aimerais mentionner ceci. J'ai une infection à l'oeil. Cela semble ne pas avoir de lien avec le projet de loi à l'étude. Cependant, hier, je suis allée à la pharmacie et j'ai demandé des gouttes au pharmacien. Il m'a dit que le fait de me mettre une ou deux gouttes n'allait pas guérir l'infection. Il m'a dit qu'il fallait qu'elle soit traitée et que cela prendrait plusieurs jours avant qu'elle soit guérie.
À entendre les discours de mes collègues conservateurs, j'ai l'impression que le projet de loi est comme une goutte magique sur une infection qui va régler tous les problèmes en une journée. C'est comme si la journée où le projet de loi entrerait en vigueur, on allait sauver toutes les victimes, arrêter la prostitution et mettre en prison tous les proxénètes.
On ne vit pas dans une bande dessinée, ni dans un monde imaginaire. On est dans une société bien réelle. Face aux problèmes inhérents à la prostitution, la justice n'est pas une façon de les éliminer. Qu'on mette tous les gens qu'on voudrait en prison, cela ne réglera pas le problème. On a parlé de pauvreté, de vulnérabilité et de consommation de drogues. À ce que je sache, le projet de loi ne s'adresse à aucun de ces problèmes.
Comme je l'ai dit plus tôt, j'admire beaucoup ma collègue pour tout le travail qu'elle a fait pour les victimes de traite de personnes et d'exploitation. Dans son discours, et dans le discours de la ministre d'État, le point fondamental était que ces personnes vivent une situation extrêmement difficile. Elle peut être due à des problèmes familiaux, à des problèmes relatifs à la drogue ou à la pauvreté. Toutefois, peu importe les problèmes qui sont reliés à cette situation, ces personnes n'ont pas fait un choix libre. Comment donne-t-on à quelqu'un la possibilité de faire un choix libre et éclairé? C'est en lui offrant des options.
Le gouvernement essaie maintenant de nous faire croire que ces femmes et ces hommes vont pouvoir faire un choix libre et éclairé et se sortir de la situation dans laquelle ils vivent. J'aimerais qu'on puisse vivre dans une utopie et que tout le monde soit égal. Toutefois, un projet de loi comme le projet de loi ne réglera pas les problèmes de pauvreté ou de consommation de drogues. Le fondement même du jugement de la Cour suprême était qu'une personne ne peut librement et de façon sécuritaire mener une activité si tout ce qui l'entoure est illégal. Dans ce cas, il était question des maisons de débauche, de proxénétisme et de la prostitution elle-même, soit la question de la sollicitation.
Les conservateurs disent maintenant qu'on oublie toutes ces infractions mais que, selon le , on rend la prostitution illégale. Toutefois, selon la ministre d'État, on estime que ce n'est que l'achat qui est illégal. Tout cela n'est pas clair.
Est-ce que cela respecte vraiment le fondement du jugement de la Cour suprême? Si on écoute bien les discours des conservateurs, la prostitution est illégale selon certains et, selon d'autres, ce n'est que l'achat des services qui est illégal. Est-ce que cela offre un cadre légal, sécuritaire et sûr pour les personnes? C'est cela, la question.
Selon les témoins, le fait de rendre illégal tout ce qui entoure une activité légale ne rend pas cette activité plus sécuritaire. C'est le fondement même du jugement de la Cour suprême. La majorité des témoins ont dit que, malheureusement, le projet de loi va être contesté parce qu'on ne peut pas criminaliser des victimes pour une activité qui n'est pas illégale. Cela est inconstitutionnel. Même les témoins qui ont été invités devant le comité par les conservateurs ont dit clairement qu'on ne peut pas criminaliser les victimes.
Le fait de raffermir les lois de la façon dont ils le font, sans aucune considération pour les problèmes inhérents à une activité et à une situation — et je parlais de la pauvreté, — ne règle absolument rien.
On ne règle absolument rien ici. Comme je l'ai dit, c'est comme une goutte magique sur une infection. Cela ne fonctionne pas. Cela n'existe pas. C'est comme si on continuait à mettre un pansement sur une plaie qui n'est pas guérie. Cela ne change absolument rien. On ne fait qu'ajouter un cadre législatif. Or un cadre législatif ne vient pas résoudre un problème.
[Traduction]
Ma collègue affirme que les victimes peuvent maintenant signaler des crimes et quitter la profession, que nous leur offrons maintenant la possibilité de le faire. Ne pouvaient-elles pas le faire avant?
Tous les agents de police qui ont comparu devant le comité ont affirmé que les prostituées ne sont pas arrêtées ou poursuivies. Ils ne les arrêtent plus, et ce, depuis au moins sept ans. La députée dit-elle que les agents de police ont menti au comité et que, au contraire, ils mettent les prostituées en état d'arrestation? Affirme-t-elle que celles-ci peuvent maintenant signaler ces crimes alors qu'elles ne le pouvait pas précédemment?
Je rappelle à la députée que l'exploitation, le viol et la traite de personnes sont déjà des infractions aux termes du Code criminel, et que la peine associée est l'emprisonnement à perpétuité.
[Français]
J'aimerais que ma collègue relise les articles 279.01 et 279.04. Ils sont clairs: le trafic humain et l'exploitation sont illégaux. Je lui ai posé la question, mais elle n'a pas été capable de me répondre. Quels nouveaux outils le projet de loi donnera-t-il aux policiers pour sortir les jeunes de la prostitution? Je n'ai pas parlé de l'argent, car il s'agit d'une autre question.
L'ensemble des 75 témoins ont dit que 20 millions de dollars sur 5 ans, c'était complètement ridicule. Je pense que la réponse a été claire. Soixante-quinze témoins sur 75 ont dit que c'était complètement ridicule, soit 100 % des témoins.
Aucun des policiers auxquels j'ai posé la question n'a jamais été capable de nommer un nouvel outil que le projet de loi allait leur donner pour aider les victimes de prostitution et de trafic humain à s'en sortir. Ce projet de loi n'apporte aucun nouvel outil. J'ai posé des questions à tous les policiers qui ont témoigné devant ce comité.
Selon les conservateurs, le Code criminel est inefficace. Cela veut-il dire que l'article 279.04 sur l'exploitation est inefficace? Devrait-on l'enlever et en rédiger un nouveau? Selon les conservateurs, l'article 279.01 du Code criminel sur la traite de personnes est également inefficace. Cela veut-il dire qu'on devrait l'enlever du Code criminel et en rédiger un nouveau?
Selon les conservateurs, toutes les victimes de trafic humain ne pouvaient pas s'en sortir avant que le projet de loi soit déposé. Dans le fond, à quoi sert le Code criminel? Les policiers ne sont-ils pas capables d'appliquer les articles existants du Code criminel? On parle alors d'un autre problème, soit celle de savoir si les policiers sur le terrain ont les ressources pour le faire. Nous avons rencontré plusieurs policiers, et leur propos était clair: une personne, par exemple, dans une escouade policière pour toute une région.
Si le trafic humain est à ce point important au Canada que les conservateurs veulent faire quelque chose, pourquoi ne pas affecter plus de ressources aux policiers pour qu'ils puissent agir sur le terrain? En ce moment, le projet de loi ne fait simplement que rendre encore illégale une activité qui est illégale ou non, selon les conservateurs. Ils ne sont même pas capables de nous le dire.
Le ministre d'État parlait de moyens de défense utilisés par les pimps and johns, comme elle les appelle. Je tiens toutefois à lui rappeler qu'en vertu du Code criminel, tous les moyens de défense qu'elle a nommés dans son discours sont inacceptables. Elle parlait de la consommation de drogues. En vertu du Code criminel, il est clair que la consommation de drogues n'est pas un moyen de défense acceptable devant une cour de justice. Elle parlait aussi du consentement. L'article du Code criminel qui traite du viol et des agressions sexuelles est clair: même si la victime a consenti préalablement au rapport sexuel, cela ne veut pas dire qu'elle a consenti au viol.Tous les exemples de moyens de défense utilisés par des pimps and johns, comme elle l'a dit, sont inacceptables et ne fonctionneraient pas.
Le projet de loi va-t-il vraiment régler les problèmes inhérents à la prostitution? Pas du tout. Il ne respecte pas le fondement principal du jugement de la cour selon lequel les gens ont le droit d'exercer une activité en sécurité.
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Monsieur le Président, j'aimerais beaucoup remercier mon collègue de cette question.
Comme je l'ai dit, selon la vision unilatérale des conservateurs, la justice va régler tous les problèmes inhérents à une situation. On peut parler de la prostitution ou d'autres choses, peu importe, il faut criminaliser une activité pour l'enrayer.
Dans leurs discours, les secrétaires parlementaires et les ministres d'État ont bien mentionné que les prostituées et les victimes n'avaient pas de choix parce que, malheureusement elles étaient extrêmement pauvres et elles avaient des problèmes de drogue, peut-être même des problèmes mentaux. Or, à ce que je sache, le projet de loi ne traite nullement ces problèmes. On ne donne pas plus d'argent pour le logement social ou pour le traitement des problèmes mentaux. Ce que le gouvernement fait, c'est criminaliser une activité qui, d'ailleurs, n'est pas illégale en elle-même.
J'aimerais beaucoup que les conservateurs nous disent en quoi la criminalisation de quelque chose peut venir en aide à des gens qui souffrent de problèmes beaucoup plus profonds, comme la pauvreté, des problèmes mentaux ou des problèmes de drogue. Ce n'est pas en les mettant en prison ou en les criminalisant qu'on va régler le problème, tous les experts s'entendent pour le dire. On préfère prévenir que guérir, c'est comme cela. Quand un crime a été commis, oui, il faut que la personne paie pour ses actes, mais que fait-on des victimes dans ce cas-là? Les aide-t-on? Non, on préfère, par exemple, criminaliser la publicité ou criminaliser l'achat. Que fait-on des victimes? Les aide-t-on? Non, pas du tout.
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Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole sur le projet de loi . Celui-ci modifie le Code criminel, afin de créer une infraction qui vise à interdire l'achat de services sexuels et la communication à cette fin.
Je connais bien ce projet de loi puisque je siège au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. En juillet dernier, notre comité a étudié ce projet de loi pendant cinq jours consécutifs et nous avons entendu 75 témoins.
Nous constatons que ce projet de loi ne respecte pas le jugement de la Cour suprême, et nous allons donc nous y opposer. Le gouvernement aurait dû envoyer le projet de loi à la Cour suprême pour s'assurer de sa constitutionnalité. D'ailleurs, le a indiqué qu'il s'attendait à ce que le projet de loi C-36 soit l'objet d'une contestation judiciaire. Comme d'habitude, les projets de loi des conservateurs sont élaborés à des fins électorales et non pour améliorer notre société.
Nous avons consulté un grand nombre d'experts juridiques, des groupes d'intervenants, des travailleuses du sexe, ainsi que les autorités concernées par cette législation. Tous sont d'accord sur le fait que le projet de loi a peu de chance de passer à la Cour suprême.
Il existe beaucoup de travailleurs et de travailleuses du sexe qui font ce métier de leur plein gré. Il faut les protéger des abus. Cependant, ce ne sont pas eux qui m'intéressent ici. Ce qui me préoccupe, c'est l'inaction de notre gouvernement dans le combat contre la pauvreté, qui est le principal facteur qui engendre l'exploitation sexuelle.
Les mesures annoncées par les conservateurs pour aider les prostituées à se sortir du milieu sont insuffisantes. La Suède a adopté le modèle qui criminalise l'acheteur de services. Certains affirment à tort que le projet de loi est une application canadienne du modèle suédois. En Suède, ces mesures législatives sont accompagnées de mesures sociales extrêmement importantes. Le modèle suédois ne peut pas fonctionner si les autorités n'ont pas les ressources nécessaires pour aider les gens dans le besoin, car, disons-le, la cause première de la prostitution, c'est la pauvreté.
Beaucoup de femmes qui n'ont aucune issue se tournent vers la prostitution pour survivre. C'est dans ces situations qu'on retrouve les cas d'abus et de violence. Or qu'ont fait les gouvernements conservateurs et libéraux pour lutter contre la pauvreté? Rien du tout.
Au contraire, au cours des cinq dernières années, seuls 20 % des Canadiens ont vu leur revenu augmenter, et 80 % d'entre eux ont connu une baisse réelle des revenus. Les ménages canadiens sont les plus endettés des pays de l'OCDE. C'est une catastrophe. Leurs enfants paient plus que jamais pour leurs études et ils s'endettent plus que jamais. Pour empirer la situation, depuis quelques années, le gouvernement fédéral refuse de réinvestir dans le financement du logement social. D'ici à 2030, 1,7 milliard de dollars seront retirés du financement du logement social. C'est un montant qui équivaut à 85 % du budget fédéral en habitation.
Au Canada, plus de 620 000 logements sociaux ont été réalisés par l'entremise d'ententes à long terme, dont la durée de vie de 25 à 50 ans. Ces ententes permettraient aux fournisseurs de logements sociaux de soutenir financièrement leurs locataires de façon à ce qu'ils n'affectent qu'environ 30 % de leur revenu à se loger.
En 2014, le gouvernement fédéral refuse toujours de s'engager à financer le logement social à l'échéance de ses ententes passées.
Si nous ne changeons pas de cap d'ici 2030, une proportion du plus des trois quarts du budget fédéral en éducation aura été coupée. Pourtant, le logement social est une façon de sortir les personnes de la pauvreté et de la prostitution. Par exemple, en consacrant moins de 30 % de son revenu au logement, une famille dans le besoin peut investir ses revenus dans l'éducation. C'est pourquoi nous continuerons d'exiger que le gouvernement renouvelle l'enveloppe budgétaire destinée aux logements sociaux pour préserver les subventions aux loyers et assurer les fonds nécessaires à la rénovation des immeubles. De plus, pour aider les femmes à sortir de la prostitution, il faut agir dans le traitement de la toxicomanie. Encore là, on se frappe à l'inaction du gouvernement.
Le a promis 20 millions de dollars en soins et en prévention pour accompagner l'implantation du projet de loi . Or, ce montant n'est même pas suffisant pour répondre aux besoins des organismes existants à l'échelle du pays. Au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, les témoins ont déploré la réduction du financement des centres pour femmes. Il faut ajouter à cela des compressions budgétaires pour les services de santé mentale et les services médicaux, ainsi que l'absence de services d'aide juridique suffisants.
Si le gouvernement veut être sérieux dans la lutte contre l'exploitation sexuelle, il faut qu'il affecte des ressources substantielles. Il faut qu'on donne un soutien au revenu à ces femmes. Il faut qu'on leur donne de l'éducation, de la formation et du traitement par rapport à la toxicomanie. Voilà le seul moyen de combattre la prostitution car la criminalisation des clients, comme le propose le projet de loi , ne va pas mettre fin au travail du sexe. Cela va simplement le marginaliser davantage. La marginalité, c'est ce qui encourage justement l'exploitation et la violence. Si les clients sont criminalisés, ils seront craintifs. Ils vont demander aux travailleuses du sexe de les rencontrer dans des endroits éloignés. Ils vont leur imposer diverses conditions.
Le projet de loi risque de rendre encore plus dangereuse la vie de nombreuses travailleuses du sexe. Si elles ne peuvent faire la publicité de leurs services afin de convaincre les clients de faire appel à elles, elles seront encore plus nombreuses à rechercher du travail dans la rue. Ce projet de loi ne fait que rendre beaucoup plus difficile le fait d'évaluer et d'accepter les clients sans risque et de faire en sorte de les rencontrer à leur guise, dans un endroit relativement sûr.
Ainsi donc, nous croyons que ce projet de loi ne respecte pas le jugement de la Cour suprême et la Charte canadienne. Les mesures annoncées par les conservateurs pour aider les prostituées à sortir du milieu sont insuffisantes. Le gouvernement doit renvoyer ce projet de loi à la Cour suprême. Nous ne croyons pas qu'il respecte la décision Bedford.
Finalement, des actions concrètes doivent être prises sans tarder pour améliorer la sécurité des travailleuses du sexe et les aider à s'affranchir de ce commerce si elles ne pratiquent pas cette activité par choix. Il faut pour cela affecter des ressources substantielles au soutien du revenu, à l'éducation et à la formation ainsi qu'au soulagement de la pauvreté et au traitement de la toxicomanie au sein de ce groupe.