La Chambre reprend l'étude, interrompue le 26 novembre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, je suis heureux de parler de la Loi sur le respect des collectivités. Comme mes collègues de ce côté-ci de la Chambre l'ont affirmé pendant le présent débat, les familles canadiennes s'attendent à pouvoir élever leurs enfants dans un milieu sécuritaire et sain, mais il semble que les députés d'en face ne soient pas du tout d'accord. Grâce à la Loi sur le respect des collectivités, les parents auraient leur mot à dire avant l'ouverture d'un centre d'injection supervisée. Tous les députés devraient appuyer cette mesure, peu importe leurs convictions idéologiques. Comme mes collègues l'ont mentionné, le projet de loi renforcerait la santé et la sécurité publiques au Canada.
Je tiens à souligner toute la place que ces modifications donneraient aux observations formulées par le public, par les résidents des quartiers qui risquent d'être touchés et par les intéressés, notamment les responsables de la santé publique et les représentants des forces de l'ordre.
Remettons d'abord les choses en contexte. Comme les députés qui ont attentivement suivi le débat à la Chambre le savent, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances interdit certaines activités, notamment la possession, l'importation, l'exportation, la production et la distribution de ces substances, sauf celles qui font l'objet d'une exemption accordée en vertu de l'article 56 ou des règlements. La loi vise les substances désignées, qu'elles soient licites ou illicites. L'article 56 prévoit que, « [s]’il estime que des raisons médicales, scientifiques ou d’intérêt public le justifient », le peut soustraire certaines activités de l'application de la loi et de ses règlements.
Cet article a été invoqué dans le cadre d'activité de lutte contre les substances illicites, notamment pour l'entraînement de chiens renifleurs. Cette disposition a toutefois aussi été invoquée pour des activités qui n'étaient pas prévues à l'origine, à savoir l'exploitation de centres d'injection supervisée.
La Loi sur le respect des collectivités, dont nous débattons aujourd'hui, obligerait les personnes qui souhaitent ouvrir un centre d'injection supervisée au Canada à se conformer à une série de critères bien précis avant que leur demande ne soit prise en compte. Il prévoit en outre une pléthore d'autres critères auxquels — pour une raison qui m'échappe — les néo-démocrates s'opposent systématiquement. Ils s'opposent même à l'utilisation de données scientifiques, peut-on le croire? Il s'agit même du premier élément mentionné dans le texte du projet de loi.
Depuis le début du débat, les députés de l'opposition n'ont pas cessé de dire que de nombreuses études prouvaient déjà la valeur médicale des centres d'injection supervisée. Il s'agit d'un argument tout à fait valable. En fait, ces études devraient même faciliter la vie des demandeurs, qui n'auront qu'à les joindre à leur dossier. Le principal problème, avec les études auxquelles les néo-démocrates font allusion, c'est que, pour la plupart, elles portent sur la consommation, dans les centres d'injection supervisée, de certaines substances seulement, comme l'héroïne. Qu'en est-il des autres substances, comme la cocaïne ou l'ecstasy? J'ai du mal à voir comment les études qui évaluent le pour et le contre des centres d'injection supervisée d'héroïne pourraient aussi s'appliquer à ces autres types de drogue. Or, ils font tous partie de ce que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances appellent des substances illicites.
Voilà pourquoi il est important que les demandes pour de nouveaux centres soient accompagnées d'études et de données portant expressément sur les activités qui y auront lieu. Voilà aussi pourquoi il est important de rappeler que toutes les demandes seront évaluées au cas par cas.
Chaque centre devra relever des défis différents des autres. C'est pour cette raison qu'il est important que la ministre, pour être en mesure de prendre une décision juste et fondée sur les faits, connaisse la situation exacte de chaque centre que l'on se propose d'ouvrir.
Comme, à l'heure actuelle, aucun cadre ne régit ces demandes, le projet de loi viendrait combler un vide, en plus de permettre aux habitants du voisinage de se faire entendre, comme l'exige la décision que la Cour suprême du Canada a rendue sur le sujet en 2011. Étant donné les risques graves associés à la consommation et à la production de substances illicites, le gouvernement croit, comme la Cour suprême, que les exemptions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances permettant d'ouvrir un centre d'injection supervisée ne soient accordées que dans certaines circonstances bien précises, et seulement une fois que les demandeurs se seront conformés à une série d'exigences rigoureuses.
L'un des critères proposés par le gouvernement, qui est conforme à la décision rendue par la cour, prévoit que tout demandeur cherchant à obtenir une exemption concernant l'usage de substances illicites dans un centre d'injection supervisée doit montrer qu'il a tenu des consultations avec un large éventail d'organismes communautaires de la municipalité où le centre sera établi. Le demandeur devrait donc fournir le résumé des opinions de ces organismes relativement aux activités qui y sont projetées, un exemplaire de toutes les présentations écrites reçues de même que la description des mesures qui seront prises en réponse à toute préoccupation pertinente soulevée dans le cadre des consultations. La Cour suprême a indiqué que la ministre doit prendre en compte les expressions d’appui ou d’opposition de la communauté lorsqu'il étudie une demande d'exemption. Je ne comprends pas pourquoi le NPD s'oppose à une exigence établie par la Cour suprême.
Le projet de loi permettrait à la population de donner son avis dans le cadre du processus de demande relatif à un centre d'injection supervisée et rendrait ce processus plus transparent. Il fournirait également à la ministre les renseignements importants qui lui seront utiles pour évaluer chaque demande au cas par cas.
Encore une fois, le projet de loi montre que la consultation des groupes locaux, le maintien de la sécurité dans les collectivités et la protection de la santé publique sont les priorités absolues du gouvernement. Il devrait également s'agir d'objectifs prioritaires pour tous ceux qui siègent ici, à la Chambre.
Selon la formule proposée, les demandeurs cherchant à ouvrir un centre d'injection supervisée devraient fournir divers renseignements, comme le point de vue des principaux intéressés locaux qui pourraient contribuer à la réussite ou à l'échec du centre. Pensons par exemple aux dirigeants municipaux, au premier responsable de la santé publique de la province ou du territoire, aux représentants des organismes d'accréditation des médecins et des infirmières de la province ou du territoire, aux ministres provinciaux et territoriaux de la Santé et, bien entendu, au chef du service de police local. C'est tout simplement logique.
Comme le président de l'Association canadienne des policiers l'a déclaré:
Même s'il est important de traiter les problèmes de toxicomanie, mon expérience à Vancouver m'a appris que ces sites entraînent aussi une augmentation du comportement et de l'agitation de nature criminelle dans les environs des sites et que ces derniers ont une incidence considérable sur les ressources policières, et c'est pourquoi il sera essentiel que l'opinion de la police locale soit prise en considération.
Selon la nouvelle formule, la aurait le pouvoir de publier un avis annonçant qu'une demande d'exemption a été reçue pour un centre de consommation supervisée et les citoyens auraient 90 jours pour donner leur point de vue. Durant cette période, un vaste éventail d'intéressés pourraient donner leur avis à la ministre. La ministre tiendrait compte de tous les commentaires pertinents au moment d'étudier la demande d'exemption.
Cette information serait combinée à d'autres critères rigoureux visant à établir un équilibre entre les considérations relatives à la santé publique et celles liées à la sécurité publique. Elle permettrait à la ministre de prendre une décision éclairée au sujet d'une demande d'exemption pour des activités comportant l'utilisation de substances illicites à un centre d'injection supervisée.
Comme je l'ai dit, les critères auxquels devront se soumettre les demandeurs en vertu de la mesure législative proposée découlent d'éléments tirés de la décision de 2011 de la Cour suprême du Canada.
Pour conclure, compte tenu de la gravité des risques courus, le gouvernement estime que toute demande d'exemption aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances doit être soigneusement et sérieusement évaluée. Cette mesure législative vise à garantir une approche rigoureuse de l'évaluation des futures demandes d'exemption pour les activités comportant l'utilisation de substances illicites à des centres de consommation supervisée. Elle clarifierait le processus de demande et elle permettrait à la ministre d'obtenir de l'information cruciale sur ce que pensent et souhaitent les populations locales sur lesquelles les centres proposés pourraient avoir une incidence.
Le projet de loi nous aiderait à protéger la santé et la sécurité des Canadiens tout en tenant dûment compte des répercussions sur la santé publique de l'utilisation de drogues illicites, conformément au jugement de la Cour suprême. Il veillerait à ce qu'on recueille l'avis des collectivités locales et à ce qu'on en tienne compte au moment de la prise de décisions les touchant.
Je recommande vivement à tous les députés de voter en faveur des modifications législatives proposées qui font l'objet du débat aujourd'hui pour que le gouvernement puisse continuer à assurer la sécurité dans les collectivités et respecte la décision de la Cour suprême.
Cela dit, je propose:
Que la question soit maintenant mise aux voix.
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Monsieur le Président, les conservateurs ont soudainement deux nouveaux engouements.
Ils souhaitent maintenant respecter l'opinion des citoyens qui pourraient être touchés par un tel projet. Or, lorsqu'il était question d'oléoducs ou de développement des ressources naturelles, je ne me rappelle pas les avoir vus manifester un intérêt quelconque pour l'opinion publique. Dans les faits, ils font exactement l'inverse lorsqu'ils vont jusqu'à restreindre encore davantage la possibilité que les citoyens s'expriment sur des projets liés aux oléoducs. Mais quand il est question de sauver des vies, comme le fait le projet Insite à Vancouver, mon collègue croit soudainement que le public a droit d'avoir son mot à dire.
Eh bien, nous croyons que le public a le droit de connaître les faits. Voici les faits: Insite travaille main dans la main avec les maires, conservateurs et progressistes, et les chefs de police de la ville, qui appuient tous le projet. Je ne comprends donc vraiment pas pourquoi les conservateurs souhaitent faire disparaître quelque chose qui fonctionne.
L'autre nouvel engouement des conservateurs est de respecter l'opinion de la Cour suprême du Canada. Il est incroyable de voir qu'ils s'intéressent soudainement aux avis de la Cour suprême du Canada, alors qu'ils présentent fréquemment des mesures législatives qui seront contestées devant les tribunaux parce qu'elles vont à l'encontre de la Constitution. Ces mesures législatives sont effectivement contestées devant la Cour suprême et déclarées inconstitutionnelles par celle-ci. Nous en avons justement eu un bel exemple il y a deux semaines en ce qui concerne la violence commise avec des armes à feu.
Les conservateurs ne tiennent même pas compte des avis de leurs propres spécialistes en droit constitutionnel. Ils préfèrent prendre part à des opérations de relations publiques et faire croire à la population qu'ils agissent pour réduire la criminalité, notamment en assurant l'utilisation sûre des armes à feu. Ils présentent ensuite des mesures législatives qui, ils le savent pertinemment, ne deviendront jamais lois.
Voici ma question à l'intention de mon collègue: cet intérêt soudain pour l'avis de la Cour suprême et de la population s'étendra-t-il à d'autres projets de loi?
Soyons honnêtes. Par l'entremise de cette mesure législative, le gouvernement fait en sorte qu'aucun autre centre d'injection supervisée ne voie le jour au Canada. Il cherche à établir des critères impossibles à respecter afin d'empêcher la concrétisation de tels programmes. Voilà ses véritables intentions.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au sujet du projet de loi . Pour les députés qui représentent un centre urbain, Sudbury dans mon cas, cette mesure législative revêt une importance particulière et pourrait avoir des conséquences dangereuses, surtout lorsque les toxicomanes continuent de consommer des drogues injectables dans des espaces publics extérieurs.
Le projet de loi aurait aussi une incidence sur un aspect très important de la santé publique, à savoir les maladies transmissibles comme le VIH-sida. En tant qu'ancien coprésident du caucus parlementaire sur le VIH-sida et la tuberculose, je crois qu'il est impératif de tenir compte des préoccupations des personnes qui travaillent aux premières lignes de la lutte contre le VIH-sida avant de permettre que le projet de loi aille de l'avant.
Je vais commencer par expliquer ce que le projet de loi cherche à faire et la façon dont les changements prévus au cadre réglementaire canadien qui régit les centres d'injection supervisée pourraient en fait aller à l'encontre de la décision rendue par la Cour suprême du Canada sur le sujet. Essentiellement, le projet de loi propose une refonte complète du cadre qui régit actuellement les centres d'injection supervisée au Canada en énonçant une longue et liste de critères très exigeants auxquels les centres seraient tenus de répondre pour que le ministre puisse leur accorder une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Parmi les nombreuses nouvelles dispositions qui seraient incluses dans le processus de demande d'exemption, plusieurs semblent conçues dans le seul but de ralentir le processus, alors que d'autres, comme les principes dont le ministre doit tenir compte pour décider s'il convient d'accorder une exemption, ont l'air d'être un moyen de donner au ministre le pouvoir unilatéral d'accepter ou de rejeter une demande. En gros, ces nouveaux critères vont rendre la tâche beaucoup difficile aux organismes qui souhaitent ouvrir un centre d'injection supervisée au Canada.
Ce qui est le plus troublant à propos de cette longue liste de critères d'admissibilité, c'est le fait que ce projet de loi semble être une façon de contourner la décision de la Cour suprême sur cette question, par la création d'un système qui est tellement lourd et arbitraire que le ministre a, en fin de compte, la discrétion de rejeter n'importe quelle demande.
Dans sa décision rendue en 2011, la Cour suprême du Canada a statué que la décision du ministre de fermer le centre Insite de Vancouver violait les droits des patients inscrits dans la Charte, que la décision du ministre était arbitraire et qu'elle allait à l'encontre des objectifs mêmes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui comprennent la santé et la sécurité publiques. La cour a fondé sa décision sur l'article 7 de la Charte, et a déclaré:
La violation en cause est grave; elle met en danger la santé, en fait, la vie, des demandeurs et des personnes qui se trouvent dans la même situation. On ne peut faire fi des graves conséquences qui peuvent découler d'une expiration de l'exemption constitutionnelle dont Insite bénéficie actuellement. Les demandeurs seraient engagés à nouveau dans le processus de demande qu'ils avaient entrepris et au bout duquel ils ont échoué, et ils devraient attendre la décision du ministre fondée sur un réexamen des mêmes faits.
Nous voici donc, à peine deux années plus tard, devant une tentative subversive de miner la décision du tribunal au moyen d'un projet de loi conçu pour faire fermer subrepticement les centres d'injection supervisée. Ainsi, même si la Cour suprême du Canada a donné son aval pour qu'Insite continue d'exister, le nouveau critère obligera cet établissement à faire de nouveau une demande d'exemption en vertu de l'article 56. Par conséquent, Insite devra justifier son existence à nouveau, et le ministre pourra malgré tout décider arbitrairement de faire fermer cet établissement.
Voilà qui en dit long sur les raisons pour lesquelles je m'inquiète tant à la vue de ce qui se passe actuellement. Pour être bien franc, je vous dirais que le projet de loi fait partie de l'entreprise globale des conservateurs pour harmoniser les politiques et les programmes de l'État avec leurs idéaux antidrogue et proabstinence. Ils sont en train d'éliminer progressivement tous les moyens dont disposent les Canadiens pour atténuer les conséquences de leur problème de toxicomanie, en faisant appel aux services d'un centre d'injection supervisée, et les moyens d'obtenir de la marijuana pour usage médical.
Avec les conservateurs à la barre, nous sommes en train de retourner dans le passé et de renoncer aux bons résultats pour la santé publique et pour la société en général qu'avaient produits les programmes de réduction des méfaits, une réussite au cours des vingt dernières années.
Afin de trouver des appuis pour le projet de loi, les conservateurs disent qu'il devrait être adopté si nous voulons garder l'héroïne loin de chez nous. Mais le projet de loi rendra l'ouverture d'un centre d'injection supervisée pratiquement impossible. Les consommateurs de drogue injectable retourneront dans les lieux publics de certains quartiers, et il sera plus difficile d'éliminer cette pratique aux endroits où l'on ne trouve aucun centre d'injection supervisée.
Permettez-moi de vous donner un exemple qui provient de Sudbury, dans ma circonscription, pour vous montrer que le gouvernement affiche une mentalité rétrograde dans ce dossier. Le programme d'échange de seringues de Sudbury, qui se nomme The Point, fournit depuis 20 ans des seringues propres aux toxicomanes qui consomment des drogues injectables, de manière à en réduire les méfaits. Bien que la majorité des seringues soient rapportées après avoir été utilisées, certaines sont quand même jetées par terre. Donc, chaque année, après la fonte des neiges, on retrouve des centaines de seringues dans les parcs, les terrains de jeu et les autres lieux publics de notre ville.
Certains conservateurs pourraient invoquer ce cas, entre autres, lorsqu'ils demandent aux législateurs que nous sommes d'accroître les obstacles pour qu'il soit plus difficile aux consommateurs de drogue injectable de se procurer des seringues propres. Mais je pense plutôt que c'est la preuve que nous n'avons pas su créer un système efficace permettant à ces gens d'utiliser leurs seringues loin du public, de manière à ce qu'ils ne les jettent pas négligemment dans les rues de notre ville. Et mon point de vue est étayé par les résultats obtenus avec le centre Insite, puisque, un an après son ouverture, il y avait passablement moins de gens en train de s'injecter de la drogue dans les lieux publics, et l'on y retrouvait aussi une moins grande quantité de seringues et d'autres déchets liés aux injections.
Dans ma circonscription, aucun organisme n'a encore demandé d'ouvrir un centre d'injection supervisée, mais dans une telle éventualité, la volonté du gouvernement de rendre le processus plus contraignant ferait perdre tout le terrain gagné depuis 20 ans en matière de santé publique. Le danger lié aux seringues jetées s'aggraverait, surtout au chapitre des maladies transmissibles et mortelles comme le VIH et le sida.
J'ai déjà fait mention de ma participation à diverses initiatives parlementaires liées au VIH et au sida. À la lumière de cette expérience, je suis fermement convaincu que l'aspect le plus troublant du projet de loi concerne les répercussions de celui-ci sur la propagation de maladies transmissibles. La Pivot Legal Society, le Réseau juridique canadien VIH/sida et la Coalition canadienne des politiques sur les drogues ont d'ailleurs émis une déclaration commune à ce sujet:
Ce projet de loi constitue une initiative irresponsable, qui fait fi du vaste corpus de données probantes indiquant que de tels services de santé sont nécessaires et efficaces; de plus, il brime les droits humains des Canadien-nes aux prises avec une dépendance [...] Bloquer l’accès à des services de supervision de la consommation [...] est une voie d’action contraire aux principes de l’éthique, inconstitutionnelle, néfaste à la santé publique et coûteuse pour les fonds publics.
Répétons-le encore une fois: les données factuelles confirment que les centres d'injection supervisée permettent bel et bien de prévenir la propagation de maladies transmissibles. Les toxicomanes qui fréquentent Insite sont 70 % moins susceptibles de partager des seringues, et la réduction de l'échange de seringues a été répertoriée comme pratique exemplaire à l'échelle internationale pour réduire le taux de VIH-sida.
Pour conclure, soulignons que 70 villes dans six pays d'Europe et en Australie ont des centres d'injection supervisée. Partout, l'expérience, à l'instar de celle d'Insite, s'avère positive aussi bien pour les toxicomanes, dont la santé s'est améliorée, que pour la population environnante, sans compter qu'elle réduit le taux de transmission du VIH-sida.
Si les conservateurs cherchent à rendre le processus de demande plus contraignant et plus arbitraire, c'est pour mieux défendre en catimini leur idéologie moralisatrice sur la consommation de drogue, mettant en péril par le fait même plus de 20 ans de politiques de santé publique fondée sur des données probantes. Les néo-démocrates, eux, veulent un processus décisionnel fondé sur des données probantes, et c'est pourquoi je voterai contre cette tentative de contourner la décision du plus haut tribunal du Canada à des fins purement idéologiques.
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Monsieur le Président, je suis honoré de prendre la parole pour discuter de ce dossier. J'ai fait un peu de recherche ces derniers temps car je ne connais pas très bien le domaine, quoique j'ai vécu à Vancouver quelque temps et donc voisiné le centre Insite.
Après avoir lu les preuves présentées à la Cour suprême et la décision de cette dernière, je me suis intéressé à la réduction des méfaits. Il y a quelque temps, je suis allé en Europe au sein d'une délégation et nous avons abordé la question au sens large. Nous avons examiné les meilleures pratiques pour ce qui est de réduire les méfaits dans les grandes villes et de réduire l'abus de drogues ainsi que des solutions astucieuses qui ne sont pas nécessairement toujours punitives. Bien sûr, l'abus de drogues doit être puni d'une certaine manière, mais nous devons certes permettre aux gens d'améliorer leur situation en réduisant les méfaits. Voilà ce sur quoi nous devons mettre l'accent. J'ai entendu des raisons irréfutables de faire de la réduction des méfaits l'aspect central de la solution.
Dans le cas du projet de loi, on parle de cadres balisant les nouveaux centres et énonçant les règles à suivre pour que ces sites puissent continuer à faire leur travail, qui, à mon avis, est tout à fait louable. Comme le disait ma collègue à l'instant, les 40 critères qui se trouvent dans le projet de loi vont faire que ces centres vont être coincés...
C'est seulement dommage qu'il n'y ait pas eu autant de critères pour le Sénat.
M. Scott Simms: Bien dit.
En fait, ces critères sont très difficiles à satisfaire. On veut mettre des bâtons dans les roues des gens. Alors avant que le projet de loi n'entre en vigueur, essayons de tenir un débat digne de ce nom et d'agir raisonnablement.
Le projet de loi , Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, vise notamment à:
a) créer un régime d’exemption distinct pour les activités comportant l’utilisation d’une substance désignée ou d’un précurseur obtenus d’une manière non autorisée sous le régime de cette loi;
b) préciser les raisons pour lesquelles une exemption peut être accordée pour de telles activités;
c) prévoir ce que doit recevoir le ministre de la Santé avant qu’il n’examine une demande d’exemption à l’égard d’un site de consommation supervisée.
Et c'est là que les choses commencent à se gâter, parce qu'il s'agit d'une approche beaucoup trop prescriptive pour réussir à réduire les méfaits et à atténuer les effets de la toxicomanie sur l'ensemble du pays, c'est-à-dire les grandes villes comme les petites localités. Très peu de Canadiens n'ont jamais vu de près les ravages que peut causer la consommation excessive de drogue à l'entourage et à la famille des toxicomanes.
Les libéraux estiment que le projet de loi va bien au-delà de la décision rendue en 2011 par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Insite. D'après nous, nous avons ici affaire à un projet de loi idéologique présenté par un gouvernement qui s'oppose systématiquement aux mesures de réduction des méfaits reposant sur des données probantes, comme les centres d'injection supervisée. Ces centres doivent s'inscrire dans une politique nationale de lutte contre la drogue qui, en reposant sur des données probantes, permettrait de sauver des vies, de réduire les méfaits et d'améliorer la santé publique. La quarantaine de critères, comme le disait ma collègue albertaine, qui sont énoncés dans le projet de loi sont si difficiles à satisfaire qu'on peut sérieusement se demander si un autre centre pourra un jour ouvrir ses portes au Canada.
Nous sommes pour les vastes consultations et la nécessaire collaboration avec les gouvernements provinciaux, les municipalités, les autorités de la santé publique, le secteur privé et, bien entendu, le public en général. La collaboration avec les autres pouvoirs publics est importante de nos jours non seulement dans ce dossier, mais dans tous les dossiers. Pourtant, on dirait qu'il n'est plus question de concertation avec les provinces dans ce pays. En tout cas, il n'y a certainement plus de conférence des premiers ministres où ils pourraient discuter publiquement d'un dossier d'intérêt national, comme la question qui nous intéresse présentement.
Le centre Insite a d'abord vu le jour comme projet pilote, et il a donné d'excellents résultats. Il a sauvé des vies et amélioré la santé et la qualité de vie de la population. La consommation de drogue et la criminalité dans les environs ont diminué. La police de Vancouver est favorable au centre Insite, de même que la ville de Vancouver et le gouvernement de la Colombie-Britannique. La ministre n'a jamais mis les pieds dans le centre Insite, à Vancouver, et son projet de loi est d'inspiration idéologique, et non factuelle.
Voilà qui nous ramène une fois de plus à la question des politiques, qui devraient reposer sur des données probantes.
Je suis député depuis neuf ans, et les conservateurs sont au pouvoir depuis environ sept ans. Il me semble que, depuis ce temps, j'entends constamment protester les gens qui s'efforcent de réaliser des études pour étayer nos décisions. Pas seulement en ce qui concerne Insite, mais également dans le cas de la Bibliothèque et des Archives nationales, du Service météorologique du Canada et de Statistique Canada. Les employés de ces organismes ont une solide formation et ils désirent faire leur travail le mieux possible. Pourtant, les politiques qui sont mises en oeuvre semblent s'éloigner chaque fois de ce qu'elles devraient être si elles reposaient sur des données probantes ou, du moins, si les décisions étaient prises et les politiques étaient conçues en tenant compte des données les plus récentes fournies par les experts.
Le dossier des centres d'injection supervisée est un exemple de plus de cette tendance. De tels centres permettent réellement de réduire les méfaits. Mais le gouvernement veut en compliquer l'existence et le travail. Tout se passe comme si le gouvernement voulait étouffer, à coup de réglementation, ces projets ou ces mesures, qui ont pourtant démontré leur efficacité pour améliorer la qualité de vie de la population locale.
C'est dommage parce que, lorsque ces règlements s'appliqueront, les 40 critères du projet de loi feront en sorte, comme on l'a déjà dit, qu'il sera presque impossible d'établir de tels centres, ce qui ne plaira pas à la police de Vancouver et au gouvernement provincial de la Colombie-Britannique.
À peine une heure après la présentation du projet de loi, la directrice de campagne des conservateurs, Jenni Byrne, a envoyé une lettre de souscription vile et trompeuse aux sympathisants de son parti disant que les libéraux et les néo-démocrates veulent que les toxicomanes puissent se piquer à l'héroïne dans les ruelles des villes canadiennes.
Nous entrons donc dans le vif du sujet. Voilà de quoi il est question. Il ne s'agit pas de créer un cadre législatif pour réduire les méfaits de la toxicomanie, mais plutôt de pouvoir diffuser des publicités de 30 secondes ou publier des billets de moins de 140 caractères pour vanter ce que font les conservateurs et décrier les autres partis. Les conservateurs voudraient que les médias reprennent ce message, mais pendant ce temps-là, ceux-ci ne diraient pas qu'il y a beaucoup de consommation de drogue dans les ruelles sombres.
Le centre d'injection supervisée permet de réduire les méfaits de la toxicomanie et de mieux la contrôler, ce qui améliore la situation de tout le monde. Il ne permettra pas d'éradiquer la toxicomanie. Rien ne peut faire disparaître ce problème.
Si les faits montrent que ces centres permettent de changer les choses dans les villes et les villages et — comme les conservateurs le disent souvent — de rendre nos rues plus sûres, pourquoi les conservateurs sentent-ils le besoin d'attirer l'attention des Canadiens en envoyant une lettre de souscription et un feuillet à saveur électorale alors que nous ne sommes même pas en campagne électorale? Cela ressemble à un geste désespéré, et il est dommage que les conservateurs usent d'un tel stratagème. Je ne vais pas en imputer la faute à tous les députés. Beaucoup de gens des deux côtés de la Chambre sont déçus et hochent la tête lorsqu'ils voient un message comme celui-là dans leur boîte aux lettres.
Nous subissons les conséquences de ces manoeuvres. Il faut élever le débat. J'ai espoir qu'on ne cherche pas seulement à faire les manchettes et à gagner du capital politique. Je parle d'espoir parce que c'est tout ce qu'il nous reste.
Nous appuyons les politiques qui sont fondées sur des données probantes et qui visent à réduire les méfaits et à protéger la sécurité publique. De telles politiques sont primordiales et elles devraient toujours rester ce qu'il y a de plus important. Dans un jugement rendu en 2011, la Cour suprême a déclaré que la décision du ministre de la Santé de ne pas accorder une prolongation de l'exemption en vertu de l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances au centre d'injection supervisée de Vancouver, en 2008, alors que cette exemption lui avait permis de mener ses activités depuis septembre 2003, allait à l'encontre de l'article 7 de la Charte des droits, qui prévoit ceci:
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Pour déterminer s'il y a bel et bien eu violation de l'article 7, il convient d'analyser deux aspects de la question. C'est ce que les tribunaux qui se penchent sur des violations potentielles de l'article 7 doivent faire. Premièrement, est-ce qu'une personne a été privée de son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité? Deuxièmement, le cas échéant, cette personne a-t-elle été privée de ces droits en conformité avec les principes de justice fondamentale? Voilà l'aspect le plus important.
Il est question ici de réduire les méfaits et de donner aux collectivités le droit de réduire les méfaits et la consommation de drogues.
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Monsieur le Président, je suis heureux de parler aujourd’hui du projet de loi . À entendre ce qui se dit à la Chambre, je constate que le débat est justifié.
Aujourd’hui, j’aimerais parler un peu de l’historique du centre d’injection supervisée de Vancouver, un centre de réduction des méfaits causés par la toxicomanie, parce qu’il éclaire le débat sur l’avenir que nous devrions réserver à ces centres.
Si le temps le permet, je vais également vous parler un peu des données scientifiques qui appuient la mise sur pied et l’exploitation continue de ces centres, parce que j’examine très régulièrement cette question, étant porte-parole pour les questions scientifiques et techniques.
Le thème qui se dégage de l’historique du centre d’injection supervisée de Vancouver, c’est que le centre est le fruit d’un choix fait par la collectivité locale. J’ai habité très près du centre. Je connais les gens qui le gèrent. Lorsque j’enseignais à l’Université Simon-Fraser, j’amenais des étudiants visiter le centre lorsqu’il n’y avait pas de clients. J’ai connu des gens qui ont utilisé ses services.
Il y a parfois des exagérations lorsque nous parlons de ce centre à la Chambre. Je ne sais pas si un seul de mes collègues d’en face a eu la chance de visiter le centre d’injection supervisée, mais je crois que tous seraient étonnés de constater à quel point il est inoffensif. Il y a beaucoup à voir lorsqu’on déambule sur la rue Hastings, parce que c’est un milieu très vivant. Toutefois, une personne passerait devant le centre sans l’apercevoir, parce qu’il n’y a aucun panneau lumineux portant l’inscription « Centre d’injection d’héroïne ». C’est un établissement médical.
Quand on y entre, on se croirait dans un salon de coiffure. Il y a peut-être une quinzaine de cabines en acier inoxydable avec des miroirs, un éclairage intense et des fauteuils; on y voit également un poste d’infirmière de sorte que les gens qui s’injectent de la drogue le font sous supervision et en utilisant des aiguilles propres. S’ils font une surdose, ils peuvent être secourus. Il y a également une salle où ils peuvent se reposer et s’adapter aux effets de la drogue. Ils quittent ensuite le centre. Ce n’est pas un endroit effrayant, c’est un endroit réconfortant pour beaucoup de gens. Voilà pourquoi l’historique de ce centre est si important.
Le centre d’injection supervisée a été mis sur pied à Vancouver parce qu’il y avait là-bas, à la fin des années 80 et au début des années 90, un problème de fond. Des centaines de cadavres étaient trouvés dans les hôtels de Downtown Eastside. Je le sais parce que j’ai parlé avec le sénateur Larry Campbell, qui était le coroner de ce district. Il m’a dit qu’il se rendait dans les hôtels de ce quartier pour en sortir des cadavres. Les morts s’accumulaient, attribuables principalement aux surdoses.
Philip Owen était à l’époque maire de Vancouver. Il appartenait à la Non-Partisan Association. C'était le nom de son parti, qui consiste en une coalition de libéraux et de conservateurs fédéraux. Il en était à cette époque à son troisième mandat comme maire. Je le décrirais, et je crois qu’il serait d’accord avec moi, comme un homme très chrétien. Il a une prédilection pour la danse sociale, mais c’est un homme profondément religieux qui, comme maire de la ville, se sentait dans l’obligation d’agir. Simultanément, un certain nombre de toxicomanes fondaient le Network of Drug Users de la région de Vancouver, un centre officieux d’injection supervisée. Le maire Philip Owen, qui était un bon administrateur public, a alors décidé de rencontrer ces gens pour connaître leurs problèmes. Je ne veux pas parler à sa place, mais certaines des questions avec lesquelles il était aux prises sont les mêmes que celles avec lesquelles jonglent mes collègues d’en face. L’idée de fournir à des gens un centre pour s’injecter de la drogue sous supervision entre en conflit avec leurs valeurs personnelles.
Philip Owen est quelqu’un de bien. Il a commandé une étude sur les méfaits causés par la toxicomanie et il l’a présentée au conseil comme politique officielle. La politique a fait l’objet d’un vote au conseil municipal de Vancouver. Je crois qu’il a ensuite été démis de ses fonctions de chef du parti. Certaines personnes avaient d’autres ambitions et elles se sont retournées contre lui. La question a été au centre du débat lors des élections de 2002 à Vancouver, où se sont affrontés deux candidats vedettes, Larry Campbell, l’ancien coroner, et Jennifer Clarke. Tout le débat mené au cours de la campagne électorale a été axé sur le centre d’injection supervisée.
Larry Campell se présentait sous la bannière d'un parti appelé COPE, qui n’avait vraiment jamais obtenu jusqu’alors la majorité absolue au conseil. Il a gagné, et c’est pourquoi nous avons le centre Insite aujourd’hui. Larry Campbell s’est fait le champion de cette cause, il a gagné ses élections avec cette cause, et il a convaincu tous les habitants du secteur, les marchands, la police et les services d’urgence que le centre était une nécessité et, comme nous le savons, le centre a ouvert ses portes en 2003.
Le projet de loi fait problème parce qu’il est trop normatif.
L’historique du centre InSite de Vancouver nous apprend qu’il est issu d’un choix fait par la collectivité locale. Toutefois, ce genre de projets communautaires requiert une certaine souplesse pour leur réalisation. Il s’agit vraiment, de toute façon, de projets locaux.
Le financement de ces centres est le fruit d’une collaboration et de négociations. Il y a les organismes fédéraux, provinciaux et municipaux. II y a les forces de l’ordre. Il y a la collectivité locale, qui mène déjà des négociations. Je peux affirmer aux députés que, si une collectivité locale ne veut pas d’un centre d’injection supervisée, elle n’en aura pas, quelle que soit la réglementation fédérale, parce que ces décisions sont uniquement motivées par les politiques et les problèmes locaux.
Ce que nous avons à Vancouver, je crois, se retrouve aussi un peu partout dans le monde. Ce n’est pas comme si nous avions inventé le concept à Vancouver. Nous avons emprunté l’idée d’autres endroits dans le monde. Nous avons un centre où des gens peuvent aller s’injecter de la drogue en toute sécurité, sous supervision, et reprendre ensuite leurs activités quotidiennes.
L’héroïne est un cauchemar. C’est une substance illégale. Toutefois, je crois que Philip Owen s’est demandé s’il y avait d’autres solutions. Les gens d’en face préféreraient peut-être l’abstinence.
Il est très difficile, en fait impossible, d’amener en toute sécurité un héroïnomane, qui est peut-être aux prises avec des problèmes de santé mentale et qui ne dispose que d’un faible revenu, à renoncer à l’héroïne du jour au lendemain, tout particulièrement quand il n’y a pratiquement pas d’établissements pour l’accueillir.
C’est une question de gestion. Voilà réellement ce que font ces centres: ils aident ces gens à gérer leurs problèmes pour les garder en vie.
Je crois profondément au principe appelé « l’égalité intrinsèque », soit que toutes les vies humaines se valent. La vie de Wayne Gretzky ne vaut pas la vie de cinq toxicomanes. Toutes les vies se valent. Ce principe se retrouve dans plusieurs religions, mais je n’aborde pas le sujet d’un point de vue religieux mais d’un point de vue philosophique; toutes les vies sont d’égale valeur.
Je crois que c’est le problème auquel Philip Owen s’est trouvé confronté. Je crois que la vie, pour lui, était une chose sacrée qu’il valait la peine de protéger. « Si je ne vais pas de l’avant avec mon projet, des gens vont mourir. Pourrai-je supporter d’avoir cela sur la conscience? » Je crois que la réponse était non. Le centre d’injection supervisée était simplement une solution des autorités publiques à un problème que nous ne pouvions pas éradiquer.
C’est une façon très mature d’envisager les choses, et je suis très heureux qu’on l’ait adoptée.
Les centres d’injection supervisée ne sont pas indiqués pour toutes les collectivités, seulement pour celles qui en ont besoin. Voilà pourquoi il est si important de laisser les collectivités locales faire leur choix.
J’aurais cru que le projet de loi était une tentative sincère pour s’attaquer au problème si les députés d’en face n’essayaient depuis tant d’années de faire fermer le centre d’injection supervisée de Vancouver; ils ont en fait rédigé des lettres de collecte de fonds sur la façon de faire fermer le centre, etc.
Si le sujet était apparu beaucoup plus tôt dans le débat, j’aurais aimé prendre la chose en considération. Toutefois, mes collègues ont raison, ce n’est pas une tentative sincère d’ouvrir le débat. C’est décevant.
Encore une fois, je demanderais à mes collègues de reconsidérer leur position, de visiter eux-mêmes le centre pour voir à quel point il est inoffensif et à quel point il aide des gens et rassemble la collectivité de façon positive, une collectivité qui a, à certains moments, beaucoup souffert.
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Monsieur le Président, je fais partie du Comité permanent de la santé à la Chambre des communes et on y étudiait hier un enjeu assez similaire, c'est-à-dire comment prévenir l'abus des médicaments d'ordonnance.
Des témoins, experts dans le domaine de la santé, sont venus de l'Association médicale canadienne, de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada et du Collège des médecins de famille du Canada.
Ces trois organisations sont la crème de la crème et représentent des milliers de professionnels de la santé de partout au Canada, dans toutes les provinces et territoires, dans les communautés urbaines où il y a des problèmes de consommation de drogues, que ce soit des médicaments d'ordonnance ou autres, et dans les milieux ruraux. Il ne faut pas se le cacher: la drogue est partout au Canada.
À Saguenay et à Chicoutimi où j'ai grandi, on disait qu'on y trouvait moins de drogues et moins de variété de drogues que dans les grandes villes comme Montréal et Québec. En réalité, quand j'étais au secondaire, je connaissais des gens qui en consommaient. Bref, il ne faut pas se faire d'illusion: il y a de la drogue partout au Canada.
Jusqu'en 2007, la réduction des méfaits était le quatrième pilier de la Stratégie nationale antidrogue. Le gouvernement conservateur a malheureusement décidé de l'enlever pour se limiter à la prévention, au traitement et à l'application des lois canadiennes.
En retirant l'élément sur la réduction des méfaits, le gouvernement conservateur a fermé les yeux sur une catégorie de personnes, et je fais référence aux gens qui dépendent des drogues dures. Ces personnes sont tellement prises dans une spirale descendante qu'elles se retrouvent dans un trou où leur monde devient de plus en plus noir chaque jour. Même si elles désirent mettre fin à leurs problèmes de consommation de drogues, elles ne sont pas prêtes à le faire. Ces personnes ne sont ni dans un état mental ni dans un état physique pour prendre l'initiative d'aller suivre une cure de désintoxication.
Par contre, au NPD, et je présume que c'est aussi l'avis des libéraux, nous croyons qu'il ne faut pas abandonner ces personnes. Ce sont des citoyens canadiens. Ce sont peut-être nos frères, nos soeurs, nos enfants, des adultes ou des parents. Il faut que personne ne soient laissés-pour-compte au Canada.
C'est pourquoi j'insiste pour que le gouvernement conservateur ou pour que le prochain gouvernement en 2015, qui j'espère ne sera pas conservateur, remette la réduction des méfaits dans la Stratégie nationale antidrogue.
C'est la deuxième fois que je parle au sujet du projet de loi . Depuis plusieurs jours déjà, les conservateurs critiquent beaucoup le seul centre d'injection supervisée au Canada, soit InSite, à Vancouver. Toutefois, j'aimerais qu'ils nous disent concrètement où a été l'abus, hormis la volonté de faire peur à la population à l'aide de campagnes contre l'héroïne.
Par exemple, le gouvernement conservateur a récemment lancé une campagne sur Internet appelée « Garder l'héroïne loin de chez nous ». Si on demande à des parents qui ont des enfants, ou même à des adultes sans enfant ou à des célibataires, si cela leur tente d'avoir de l'héroïne près de chez eux, hormis peut-être ceux qui comprennent mal l'enjeu, aucune de ces personnes ne dira qu'elle désire avoir plus d'héroïne dans son quartier, dans son centre-ville ou dans le rang de sa région rurale.
Personne ne veut faire la promotion de l'héroïne, des drogues dures ou des drogues douces au Canada, bien que le Parti libéral veut faire la promotion des drogues douces. Au NPD, nous nous préoccupons plutôt des personnes qui sont dans la misère. Les gens dépendants à la drogue sont dans la misère et il faut les aider.
Hier, au Comité permanent de la santé, nous avons reçu de bons témoins de l'Association médicale canadienne, de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada et du Collège des médecins de famille du Canada. Je leur ai tous posé la même question. Je leur ai demandé s'ils croyaient que le gouvernement devrait remettre la réduction des méfaits dans leur Stratégie nationale antidrogue. Ils ont tous répondu oui.
J'aimerais demander aux conservateurs s'ils ont une expertise quelconque dans le domaine de la santé. La réduction des méfaits, cela passe justement par la prise en charge de gens qui se sont enlisés dans le problème de la drogue. On ne peut pas les raisonner simplement en leur disant d'arrêter de consommer de la drogue à partir d'aujourd'hui. Non, il faut les accompagner.
Pour ne pas les laisser à eux-mêmes, les centres comme InSite accueillent les héroïnomanes et leur donnent des seringues propres. S'ils sont dans la rue et qu'ils partagent les seringues, les cas d'hépatite A, B et C et de VIH vont se multiplier, et cela coûtera beaucoup à la population canadienne et les systèmes de santé des provinces.
Les centres d'injection supervisée accueillent donc ces gens, mais ceux-ci apportent leur propre drogue. Je tiens à rassurer la population canadienne à cet égard: le gouvernement ne paie pas la drogue des gens qui ont recours à ces centres.
Une fois que les gens y entrent, des infirmières et des thérapeutes les aident à s'en sortir. Ils les prennent comme ils sont, puis ils les dirigent, sans dire vers la guérison, vers la lumière au bout du tunnel.
Lorsqu'on est dans l'univers de la drogue, plusieurs autres problèmes y sont associés, tels que l'itinérance et la prostitution, qui sert à payer la drogue. Lorsqu'on dépense dans la drogue toute sa paie, si on en a une, on ne peut pas mettre 300 $ ou 500 $ de côté pour payer un logement. Quand les gens sont très ancrés dans l'univers de la drogue, ils ne sont plus en mesure de travailler. Ils sortent du marché de l'emploi et se retrouvent dans les rues.
Est-ce que mes collègues conservateurs veulent que les gens ayant des problèmes de drogue soient dans les rues? La réponse est non. La campagne des conservateurs a même pour slogan « Garder l'héroïne loin de chez nous ». Je suis d'accord, je ne veux pas que des gens consomment de la drogue et laissent des seringues à l'abandon dans les parcs de mon quartier. Personne ne veut cela, mais il faut aider ces gens-là.
Je vais citer l'Association médicale canadienne au sujet du projet de loi :
Les programmes d'injection supervisée font partie intégrante d'une stratégie de réduction des préjudices. La réduction des préjudices est au cœur d'une approche exhaustive de la santé publique visant à prévenir les maladies et à promouvoir la santé.
Je demande donc au Parti conservateur, qui va bientôt voter sur ce projet de loi, de réfléchir à cela.
Je cite maintenant l'Association des infirmières et infirmiers du Canada:
Il est démontré que les sites d’injection supervisée et d’autres programmes de réduction des méfaits fournissent des services de santé et sociaux essentiels aux populations vulnérables, notamment à ceux qui vivent dans la pauvreté, qui souffrent de maladie mentale et qui sont sans abri.
Un gouvernement réellement engagé à l’égard de la santé et de la sécurité publiques s’efforcerait d’améliorer l’accès aux services de prévention et de traitement, plutôt que de créer plus d’obstacles.
Je me demande donc quelle est l'idée derrière cela. Pourquoi, depuis 2007, les conservateurs se battent-ils pour empêcher toutes les approches et thérapies basées sur la réduction des méfaits?
Il y a peut-être une piste de solution, et je crois important de la partager. Le projet de loi fait partie d'une démarche plus large des conservateurs en vue d'harmoniser l'ensemble des politiques et des programmes gouvernementaux avec leurs idéaux antidrogue et d'abstinence. Je suis aussi contre la drogue, mais la façon dont les conservateurs s'y prennent est vraiment malsaine et va avoir des conséquences sur la population canadienne.
Les conservateurs éliminent lentement tous les moyens par lesquels les Canadiens ont un accès sûr à des centres d'injection supervisée, ou par lesquels les cancéreux en phase terminale ont accès à la marijuana à des fins thérapeutiques, par exemple. À mon avis, permettre à ces gens de soulager leur souffrance a du sens.
En conclusion, le programme des conservateurs a pour effet d'annuler les progrès en santé publique et les retombées communautaires attribuables aux programmes de réduction des méfaits des 20 dernières années. Je remercie le gouvernement conservateur de ramener le Canada en arrière et de délaisser les gens. C'était sarcastique, en passant.
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Monsieur le Président, je suis heureuse de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi . Les députés savent combien il est inhabituel pour un député dans ma position à la Chambre d'avoir l'occasion de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture, quel que soit le projet de loi à l'étude. Il s'agit ici d'un projet de loi particulièrement important, et c'est pourquoi je me réjouis de pouvoir presser les députés conservateurs de délaisser leurs habitudes et d'accepter de modifier le projet de loi de manière significative lorsqu'il sera renvoyé au comité. En fait, le changement de cap le plus important et le plus significatif serait de laisser tomber complètement ce projet de loi.
Permettez-moi de revenir en arrière et de revoir un peu le contexte entourant ce projet de loi dont nous sommes saisis, contexte que nous a décrit mon ami, le député de un peu plus tôt. Vancouver est le seul endroit en Amérique du Nord à avoir un centre d'injection supervisée. En autorisant la création de celui-ci, la Ville de Vancouver et la Colombie-Britannique ont fait preuve d'un esprit novateur et d'un souci pour le fondement scientifique de leur décision.
Pour dire les choses comme elles sont, le centre d'injection supervisée Insite sauve des vies, point final. C'est tout ce qui compte. Le centre d'injection supervisée Insite de Vancouver ne fait pas la promotion de la drogue. Son existence n'entraîne pas plus de gens dans la criminalité. Ce centre vise plutôt à sauver la vie des malheureux qui sont devenus des toxicomanes.
Pour en revenir à l'historique du projet de loi, nous connaissons tous la politique publique visant la « réduction des méfaits » et nous savons qu'un centre d'injection supervisée est conçu pour aider les gens à recevoir des soins et de l'aide, et à éviter une surdose de drogue. Les études empiriques menées sur le sujet montrent clairement que cette démarche est économique, qu'elle sauve des vies et qu'elle favorise la santé publique. Il a aussi été démontré que ce genre de centre fonctionne comme un système. Des études menées par des organismes internationaux — l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, qui est l'organisme des Nations Unies qui traite des drogues et autres substances illégales, et l'Organisation mondiale de la Santé, entre autres — ont montré que les centres d'injection supervisée réduisent efficacement les méfaits en plus de sauver des vies. Et les données recueillies auprès du centre Insite de Vancouver le confirment.
Pourquoi est-ce que je me donne la peine de parler de tout cela? Parce que, en fait, le projet de loi dont nous sommes saisis, le projet de loi , a été présenté parce qu'un ancien ministre de la Santé n'a pas réussi, en 2008, à fermer le centre Insite en refusant de renouveler son permis. On peut s'attendre à ce qu'un centre qui permet de consommer de la drogue injectable de façon sécuritaire doive obtenir une exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. En 2008, l'ancien ministre de la Santé, maintenant , a décidé de ne pas renouveler son permis. Il a pris cette décision sans se fonder sur des faits. Malheureusement, trop de lois proposées par le gouvernement actuel ne reposent sur aucun fait. Par conséquent, le fait que le centre Insite sauvait des vies n'avait guère d'importance. Tout ce qui importait, c'était qu'il soit question de consommation de drogue, et que l'approche devait correspondre à un programme idéologique axé sur la lutte contre la criminalité. Dans ce cas-ci, on voulait sévir contre ceux qui ont eu le malheur de devenir toxicomanes.
Pour revenir à la décision de 2008, qui a donné lieu à plusieurs procès, jusqu'à ce que l'affaire soit tranchée par la Cour suprême du Canada lors de la cause Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society. La Cour suprême du Canada a rendu sa décision le 30 septembre 2011. Elle a déterminé que les services offerts par le centre d'injection Insite, auquel le ministre de la Santé avait refusé le renouvellement d'une exemption à la loi lui permettant de poursuivre ses activités, réduisaient les risques pour la santé.
La cour a aussi dit ceci:
Lorsqu’il examinera les demandes d’exemption futures, le ministre devra exercer sa discrétion...
— la discrétion qui lui permet d'accorder des exemptions à la loi —
...conformément aux limites imposées par la loi et par la Charte, en tentant d’établir un juste équilibre entre les objectifs de santé et de sécurité publiques. Suivant la Charte, le ministre doit se demander si le refus d’une exemption porterait atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes autrement qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
La décision de la Cour suprême ne souffre d’aucune ambiguïté. Elle affirme, en premier lieu, que le centre d'injection supervisée de Vancouver, qui s'inscrit dans la stratégie de réduction des méfaits, est nécessaire parce qu'il sert l'intérêt public et qu'il permet de réduire les risques pour la santé. Autrement dit, la Cour suprême a statué, sur la base des preuves recueillies, que le centre d'injection supervisée contribuait à sauver des vies. Et elle a ajouté que, dorénavant, lorsque le ministre envisagera des exemptions, il ou elle devra se demander si le refus d’une exemption portera atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes, et il ou elle devra trouver un juste équilibre entre la santé publique et la sécurité publique.
Si le gouvernement visait sincèrement à établir un juste équilibre entre la santé publique et la sécurité publique, il n'aurait pas eu besoin de présenter le projet de loi . Le projet de loi ne témoigne d’aucun effort dans ce sens; c’est tout simplement le moyen qu'a choisi le gouvernement actuellement au pouvoir pour imposer son idéologie de façon indirecte, puisque la Cour suprême ne lui permet pas de le faire de façon directe. C'est un moyen détourné pour empêcher dorénavant le ministre d'accorder d'autres exemptions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances dans le but d'autoriser l'ouverture de centres d'injection supervisée.
Je vais vous expliquer pourquoi je dis que le projet de loi ne vise pas sincèrement à établir un juste équilibre. C'est une façon détournée de fermer des centres d'injection supervisée. Autrement dit, le gouvernement propose, avec ce projet de loi, de laisser les gens mourir alors qu'on sait parfaitement que ces centres permettent de sauver des vies. C'est tout à fait immoral.
Le paragraphe 56.1(3) de la Loi, qui oblige le ministre à examiner une demande d'exemption — c’est-à-dire une demande de permis pour faire fonctionner un centre —, ce paragraphe, dis-je, énonce d'emblée les 26 critères à remplir. Autrement dit, il faut soumettre 26 renseignements précis pour que le ministre puisse étudier la demande. Ce que je trouve paradoxal — et je ne suis certainement pas la seule —, c'est que le premier type de renseignements à fournir concerne des preuves scientifiques. C’est pourtant parce qu'il se moque des preuves scientifiques que le gouvernement veut fermer ces centres.
Il faut donc fournir au ministre des preuves scientifiques, toutes sortes de lettres, notamment du chef du corps policier et de l'administration locale, ainsi que des informations sur la présence de déchets jetés de manière inadéquate dans la communauté. Il faut compiler des statistiques, et ça aussi c’est paradoxal de la part d’un gouvernement qui a fermé beaucoup de services statistiques. Bref, c'est un processus long et compliqué.
Ce n'est pas le critère concernant le plan de financement que je trouve le plus surprenant, ce n'est pas qu'on demande de démontrer la faisabilité et la viabilité du centre, mais plutôt qu'on demande à la personne ou à l'entité qui propose d'exploiter un tel centre de fournir d’emblée le nom, le titre et le curriculum vitae de la personne qui en sera responsable, y compris une attestation qu'elle possède les diplômes et la formation pertinents. Autrement dit, avant même d'avoir obtenu l'autorisation d'exploiter un tel centre, il faut avoir embauché du personnel, dont toutes les qualifications doivent être soumises au ministre. Et en plus, il faut procéder à des vérifications rigoureuses pour s'assurer que les employés embauchés n'ont jamais été en infraction avec la loi, partout où ils ont séjourné.
En plus de toutes les conditions très précises qui sont imposées à quiconque veut ouvrir à un tel centre, il y a celle qui figure à l'alinéa z) et qui est de portée générale puisqu’elle ajoute aux précédentes « tout autre renseignement que le ministre juge pertinent au regard de l'examen de la demande ». Autrement dit, en plus de toutes les conditions qu'il faut remplir pour pouvoir soumettre une demande au ministre, celui-ci a le pouvoir de demander n'importe quels autres renseignements qui peuvent lui passer par la tête.
Je reconnais qu'il est important que, dans la communauté qui va accueillir un centre d'injection supervisée, on s'assure que les personnes qui le dirigeront savent ce qu'elles font, qu'elles sont compétentes, qu'on dispose de toutes les informations nécessaires et que le centre sera accepté par la communauté. Ce n'est pas vraiment déraisonnable, mais ce que je dénonce, c'est l'absence d'un juste équilibre. Tout le processus est orienté vers le rejet de la demande.
Quand on arrive au paragraphe 56.1(5), c'est vraiment le coup de grâce pour les centres, car le ministre ne peut accorder une exemption pour des raisons médicales que si l'auteur de la demande a tenu compte d'un certain nombre de principes.
Ces principes sont énoncés aux alinéas a) à f) de ce même paragraphe, et ils encouragent tous le rejet de la demande. Ces principes sont, entre autres, que les substances illicites peuvent avoir des effets importants sur la santé, qu’elles peuvent poser des risques pour la santé, qu’elles encouragent l’activité criminelle et que le crime organisé tire profit de leur utilisation. Jamais on ne dit que le ministre doit tenir compte du fait que les centres d'injection supervisée sauvent des vies. Cela ne figure même pas dans la liste des facteurs que le ministre peut éventuellement prendre en considération. Autrement dit, quiconque veut ouvrir un centre a beau fournir tous ces renseignements et se prêter à toutes sortes de tracasseries administratives, les principes que la Loi impose au ministre amènent inévitablement ce dernier à dire non.
Ce projet de loi ne vise donc pas à trouver un juste équilibre, mais plutôt à empêcher, par un moyen détourné, de faire ce que la Cour suprême du Canada nous dit de faire.
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Monsieur le Président, je tiens à féliciter ma collègue d'avoir fait une description exacte du contenu de ce projet de loi.
J'ai été conseillère municipale, et je sais pertinemment ce qu'il faut faire quand on veut empêcher que quelque chose se fasse dans la communauté. Toutes ces conditions et ces exigences sont là pour empêcher l'ouverture de tels centres.
C'est un subterfuge car on dit que, bien sûr ces centres sont les bienvenus car nous reconnaissons qu'il y a un problème, alors que manifestement, le projet de loi ne va pas dans ce sens. Au final, ce que le gouvernement veut, c'est qu'aucun autre centre d'injection supervisée n'ouvre ses portes.
Ces centres répondent pourtant à un besoin, d'après les études qui ont été faites sur la réduction des méfaits et sur les besoins que nous avons au Canada. J’appuie vigoureusement la guerre que nous menons contre la drogue, mais elle ne donne malheureusement pas de résultats, que ce soit chez nous, aux États-Unis ou en Europe. Il faut donc s'attaquer au problème différemment.
La stratégie de réduction des méfaits a commencé avec l'ouverture de cette clinique. Je m'y suis rendue, il y a de nombreuses années, quand elle a ouvert ses portes. Je n'étais pas très à l'aise, par principe, mais j'y suis allée quand même. J'ai rencontré des gens de la région de Vancouver. Et, bon gré mal gré, j'ai fini par reconnaître qu'il y avait un problème, qu'il fallait essayer de trouver des solutions pour ceux qui avaient besoin de notre aide, et qu'une stratégie de réduction des méfaits est une option pour ces gens-là.
Cette clinique est la solution, et il en faudrait d'autres ailleurs au pays. J'aimerais demander à ma collègue dans quels endroits on devrait ouvrir d’autres cliniques de ce genre.
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Monsieur le Président, je crois que nous sommes tous en faveur de la consultation.
Nous examinons des enjeux complexes. Je crois qu'il faut un véritable dialogue plutôt que de tactiques de division. J'ai vu dans les journaux que le Parti conservateur avait lancé une campagne de financement en faisant valoir que les députés de l'opposition veulent faire entrer des drogues illégales dans les communautés, ce qui veut dire que des gens viendraient s'y injecter des drogues. Des commentaires comme ceux-là n'ont rien de constructif. Je ne crois pas que le député d'en face tiendrait de pareils propos.
Nous avons besoin de tenir une grande conversation à laquelle tout le monde participera. J'aimerais donner l'exemple du centre-ville de Victoria, où la consommation de drogues pose un problème. Heureusement, cette ville compte un excellent centre, Our Place, qui vient en aide aux toxicomanes. Ce n'est pas un centre d'injection supervisée, mais les gens qui vivent dans la rue peuvent y trouver aide, respect et services.
Les initiatives qui peuvent fournir aux personnes dans le besoin un point de contact, de l'aide, du respect, sont toutes importantes. Je crois qu'on peut avoir des conversations respectueuses, étayées de faits. Certains membres de la communauté pourront être en désaccord, mais il faut tenir des consultations.
Le problème que pose ce projet de loi, ce n'est pas qu'il prévoit de la consultation, c'est plutôt que, en raison de sa formulation et des principes dont le ministre devra tenir compte, il crée une structure dans laquelle le ministre pourra très difficilement accepter une demande, même lorsqu'il devrait le faire.
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Monsieur le Président, je me lève à la Chambre pour joindre ma voix à celle de mes collègues et m'opposer au projet de loi .
Bien franchement, je suis extrêmement déçue que l'amendement proposé par ma collègue de ait été rejeté. C'est très malheureux. Elle nous avait présenté un amendement sensé, raisonné et basé sur des faits scientifiquement prouvés. Malheureusement, une fois de plus, la démagogie conservatrice a triomphé de la science et de la raison. Nous sommes de nouveau en train de débattre d'un projet de loi plus qu'imparfait dans lequel transparaissent l'idéologie rétrograde et les préjugés des conservateurs. Sous le faux prétexte de protéger des familles canadiennes, le projet de loi cherche plutôt à contrevenir à la décision de la Cour suprême de 2011 au sujet des sites d'injection supervisée.
Je crois important de rappeler qu'à l'époque, la Cour suprême avait statué que la décision du ministre de fermer le centre InSite, à Vancouver, violait les droits des clients d'InSite, des droits garantis par la Charte, et que la décision du ministre était arbitraire et allait à l'encontre des objectifs mêmes de la loi, notamment la santé et la sécurité publiques. La Cour suprême a aussi déclaré que la violation en cause par le ministre était très grave. Elle mettait en danger la santé et la vie des demandeurs et des personnes qui se trouvaient dans la même situation. Finalement, la Cour suprême a aussi établi qu'il fallait accorder à InSite et à d'autres sites d'injection supervisée l'exemption actuellement prévue à l'article 56 de la loi lorsque l'ouverture de tels sites diminue le risque de décès et de maladie et qu'il n'existe guère de preuve, sinon aucune, qu'elle aura une incidence négative sur la santé publique.
Bien entendu, cette décision va à l'encontre de la volonté clairement exprimée des conservateurs de se débarrasser de tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à un site d'injection supervisée. Le projet de loi est une autre tentative d'assouvir cette volonté, même si un grand nombre d'études scientifiques ont démontré clairement que les sites d'injection supervisée comme InSite étaient bénéfiques. Elles ont aussi démontré qu'ils ne représentaient aucun risque pour la sécurité publique et que, en fait, ils avaient tendance à favoriser une meilleure sécurité publique dans nos quartiers.
La preuve scientifique a démontré que les sites d'injection supervisée vont diminuer efficacement les risques de contracter et de propager des maladies transmissibles par le sang, comme le VIH ou l'hépatite C, par exemple, et vont diminuer aussi les décès par surdose.
Les sites d'injection supervisée s'inscrivent directement dans une perspective de réduction des méfaits, une perspective qui était adoptée par le Canada jusqu'en 2007, jusqu'à ce que les conservateurs décident de nous imposer leurs idéaux d'abstinence aux dépens des gens, et même en risquant la vie de personnes aux prises avec des dépendances.
Je trouve particulièrement ironique que nous soyons en train de discuter du projet de loi pour éliminer les sites d'injection supervisée, alors que nous sommes si près du 1er décembre, la Journée mondiale de lutte contre le sida. Hier, la Société canadienne du sida distribuait des rubans rouges, comme celui que je porte fièrement aujourd'hui. Mes collègues conservateurs sont allés chercher des rubans et les ont portés fièrement. Or aujourd'hui, ils s'assoient à la Chambre et continuent de pousser leur programme démagogique. Ils continuent de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éliminer les sites d'injection supervisée. Ainsi, ils nuisent directement aux efforts faits par des professionnels de la santé pour essayer d'éradiquer les épidémies que sont les maladies transmises par le sang, notamment le VIH-sida.
En discutant hier avec des représentants de la Société canadienne du sida, j'ai appris que, présentement, certaines régions du Canada sont aux prises avec une véritable épidémie de cette maladie. Par exemple, en Saskatchewan, le taux de personnes infectées par le VIH est près de trois fois plus important que celui de la moyenne nationale canadienne. Ces chiffres sont troublants. Un des facteurs qui contribue à la propagation du VIH-sida dans certaines régions de la Saskatchewan est malheureusement l'usage de drogues injectables.
Avoir des sites comme InSite serait une façon très efficace de faire diminuer l'incidence de cette maladie, en plus de réduire les décès par surdose, comme je le mentionnais un peu plus tôt.
Toutefois, plutôt que de contribuer directement aux efforts déployés pour éradiquer l'épidémie, les conservateurs cherchent à empêcher l'ouverture de nouveaux sites et priver des gens vulnérables de la société des services et de l'aide dont ils ont réellement besoin. Plutôt que d'aider ces gens vulnérables, les conservateurs se servent d'eux pour collecter des fonds auprès de leur base électorale. Honnêtement, c'est l'une des choses les plus dégueulasses, j'utilise le terme, que j'ai vues de ce gouvernement qui cache la vérité à sa base électorale.
Les conservateurs disent à leur base électorale que ce projet de loi contribuera à garder l'héroïne loin de chez eux. C'est totalement faux. En fait, il n'y a rien de plus faux. S'il n'y a plus d'endroit où les gens peuvent entrer, recevoir des services médicaux et l'aide dont ils ont besoin, en plus d'avoir un endroit sécuritaire, à l'intérieur, pour consommer les drogues dont ils dépendent malheureusement, où croit-on que ces gens iront? Ils iront dans les rues, les parcs et près des écoles.
Au cours des dernières semaines, on a entendu plusieurs conservateurs nous dire qu'ils ont à coeur le sort des familles canadiennes et qu'ils veulent protéger les mères, les enfants, la veuve et l'orphelin. Par contre, ils font une campagne de peur pour garnir leurs coffres en vue de la prochaine élection en utilisant des gens vulnérables dans notre société. Ces derniers ont vraiment besoin de notre aide et n'ont certainement pas besoin du mépris que ce gouvernement leur manifeste tous les jours.
Franchement, je ne peux pas concevoir une telle campagne de collecte de fonds dans notre société. C'est incompréhensible et, en plus, ça se base sur une campagne de peur, sur des préjugés et sur aucun fait. Les conservateurs tentent de répondre à certaines préoccupations légitimes de citoyens qu'ils représentent.
Bien honnêtement, chacun et chacune d'entre nous avons dans notre circonscription des gens inquiets par rapport aux sites d'injection supervisée. Ce sont des inquiétudes légitimes auxquelles on doit répondre. On ne doit pas réagir en faisant une campagne de peur et en alimentant les préjugés ou le mépris envers les gens aux prises avec des problèmes de dépendance. On doit plutôt tenter de régler ce problème avec des ressources. Il faut s'assurer que les gens peuvent obtenir l'aide dont ils ont besoin et un accès facile à des ressources pour les aider à sortir de leur situation de dépendance.
C'est exactement ce qui se passe à InSite. Les gens ont accès sur place à des professionnels de la santé qui sont là pour les aider en cas de problème ou pour les conseiller tout simplement. Ils ont accès à des travailleurs sociaux et ils peuvent se faire référer à des centres de désintoxication.
La recherche a démontré qu'en plus de diminuer de 35 % les décès par surdose à Vancouver, ce qui n'est pas négligeable, les personnes qui fréquentent InSite sont près de deux fois plus susceptibles de s'inscrire à un programme de désintoxication. Ils sont aussi plus susceptibles d'avoir accès aux ressources qui les aideront à reprendre leur vie en main et à surmonter leur problème de dépendance. Cependant, il faut aller chercher ces gens là où ils sont. Dire simplement qu'il existe des services, sans les rendre directement accessibles aux gens là où ils en ont le plus besoin, ne leur en garantit pas l'accès, et on n'aura pas l'effet voulu sur la sécurité publique.
Je n'ai pas d'enfant présentement. Toutefois, un jour, je peux m'imaginer me promener avec mes enfants dans un parc et les voir découvrir une seringue potentiellement souillée qui traîne et peut-être porteuse de maladies. Ce n'est pas ce que je souhaite. Personne ne le souhaite.
Cependant, à cause de la décision des conservateurs, c'est ce qu'on risque de voir se produire dans nos rues. Les gens n'auront plus d'endroit sécuritaire où aller. Ils devront recommencer à faire ce qu'on voyait fréquemment dans différents quartiers de notre pays, soient des gens qui s'injectent un peu partout dans les rues, dans les portiques de commerces et de résidences, près des écoles et dans les parcs. C'est ce que nous pouvons malheureusement anticiper si le projet de loi est adopté tel quel, ce que je ne souhaite pas.
Je suis totalement contre l'adoption d'un tel projet. J'espère que des députés du Parti conservateur finiront par entendre raison et par comprendre le message des organismes sociaux, des professionnels de la santé et des gens qui travaillent quotidiennement auprès des personnes vivant avec des problèmes de toxicomanie, et qui connaissent leur réalité.
Ces personnes et ces organismes ne se basent pas sur des préjugés et sur une idéologie rétrograde et fausse, mais plutôt sur la recherche et des essais cliniques démontrés. C'est là-dessus que nous devrions fonder nos décisions en tant que parlementaires. On ne devrait pas simplement utiliser son idéologie, mais des faits. Pour cette raison, j'espère que le projet de loi sera défait.
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Monsieur le Président, il est gratifiant de voir que mes amis sont venus en grand nombre pour écouter mon discours.
J'aimerais commencer en disant qu'après avoir analysé les notes et observé la situation, je trouve celle-ci plutôt inquiétante. Dans une région du pays, nous avons un programme qui fonctionne, mais voici que le gouvernement présente un projet de loi qui menace l'avenir du programme et qui rendrait la tâche beaucoup plus difficile à d'autres qui souhaiteraient le mettre en oeuvre ailleurs. Souvent, il semble que le gouvernement conservateur écarte des éléments de preuve à mesure qu'il établit sa politique qui, à mon avis, se fonde plus souvent sur son idéologie que sur les faits.
Avant de commencer mon discours sur le projet de loi , j'ai eu la chance de feuilleter le rapport annuel du Bureau de l'enquêteur correctionnel de 2011-2012. On y souligne, entre autres, l'augmentation de la population carcérale malgré la réduction du taux de criminalité. Il suffit de consulter ce rapport et de lire les divers projets de loi et mesures législatives sur la criminalité que le gouvernement a présentés pour pouvoir affirmer sans se tromper qu'on ne cherche pas tellement à réadapter les gens afin qu'ils deviennent des membres productifs de la société lorsqu'ils sortent de prison. On privilégie plutôt le châtiment, que je caractériserais presque de brutal. Je repense à l'histoire, au siècle des Lumières et au Moyen Âge, où l'Occident a été envahi par les barbares. J'espère que nous ne sommes pas sur cette voie.
Certaines préoccupations énoncées dans le rapport de l'enquêteur correctionnel sont notamment liées à la double occupation des cellules, un problème qui crée des pressions au sein du système carcéral. D'une certaine façon, il s'agit d'une punition, mais ses effets, dont je parlerai plus tard, ont une portée considérable. Voici ce qu'on peut lire dans le rapport:
Les coûts croissants des services correctionnels au Canada et les nombres grandissants de détenus sont indissociables d'un certain nombre de mesures législatives notables. Depuis 2006, les mesures de réforme qui ont été prises ont eu les incidences suivantes:
expansion d'un éventail de peines minimales obligatoires pour certaines infractions, en particulier pour les infractions graves liées aux drogues, les crimes commis au moyen d'une arme à feu et les délits liés à l'exploitation des enfants;
élimination ou durcissement des critères de la libération conditionnelle;
réduction du crédit accordé en fonction de la durée de la détention avant le procès;
utilisation restreinte des ordonnances de sursis.
Même si nous pouvons être d'accord avec certains de ces critères, il n'en demeure pas moins que nous avons incarcéré plus de gens dans un contexte où le taux de criminalité diminuait. Il est également devenu plus difficile pour ces personnes de réintégrer la société et d'en devenir membres à part entière lorsqu'elles sont libérées.
Par exemple, la surpopulation carcérale mine la capacité d'assurer une garde humaine, sûre et sécuritaire. Le rapport indique que « [le] fait de mettre deux détenus dans une cellule simple entraîne inévitablement une atteinte à la vie privée et à la dignité, sans compter qu'elle augmente le risque de tension et de violence ».
Le rapport indique aussi que cette tension et cette violence nuisent à la réadaptation des détenus.
Plus les prisons deviennent surpeuplées, plus les conditions de détention sont difficiles. Dans les établissements à sécurité élevée, les détenus ont déjà très peu d'occasions d'entrer en contact avec d'autres détenus, de se déplacer ou de se réunir.
Les possibilités de suivre des programmes correctionnels ou de formation professionnelle dans les prisons à sécurité maximale sont très limitées vu les problèmes opérationnels et de sécurité liés à l'influence des gangs, aux drogues et aux détenus incompatibles.
J'aimerais maintenant appliquer tout cela dans le contexte du débat que nous tenons en ce moment sur le projet de loi .
De façon générale, on pourrait croire que si un programme a été couronné de succès parce qu'il a permis d'éliminer les drogues illicites dans les rues et de désintoxiquer les toxicomanes, on aurait tendance non seulement à conserver ce programme, mais aussi à l'offrir à l'échelle du pays.
[Français]
Malheureusement, ce qu'on a ici est une tentative à peine voilée de mettre fin au fonctionnement des sites d'injection supervisée, ce qui va directement à l'encontre d'une décision de la Cour suprême. En vertu de ces critères, il sera beaucoup plus difficile pour les organismes d'ouvrir des sites d'injection supervisée au Canada.
Le NPD estime que les décisions concernant les programmes pouvant être bénéfiques pour la santé publique doivent reposer sur des faits, et non sur des positions idéologiques.
Par exemple, en 2011, la Cour suprême du Canada a statué que l'organisme InSite fournissait des services essentiels et qu'il pouvait rester ouvert en vertu de l'exemption prévue à l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La Cour a statué que la Charte autorisait les utilisateurs à accéder aux services d'InSite et que des services semblables devraient également être autorisés à opérer en vertu d'une exemption.
Ce qui est étonnant, c'est qu'il y a plus de 30 études examinées par des pairs et publiées dans des revues comme le New England Journal of Medecine, le Lancet et le British Medical Journal qui ont décrit les bienfaits d'InSite. Ce sont plus de 30 études. En outre, des études portant sur plus de 70 sites d'injection supervisée analogues en Europe et en Australie ont fait état de retombées semblables. InSite, à Vancouver, est l'une des plus importantes percées en santé publique au Canada. Nous croyons que ce site et d'autres procurant des bienfaits similaires devraient pouvoir offrir leurs services avec une supervision appropriée.
C'est bizarre. Nous avons un programme qui marche bien. Des articles et des études, non seulement au Canada mais aussi dans les journaux scientifiques montrent que ça marche bien et que ça aide les gens. Or nous devons débattre ici d'un projet de loi qui va empêcher ce programme de continuer. Cela n'a aucun sens.
Ce projet de loi en est un très imparfait, fondé, comme j'ai déjà dit, sur une idéologie antidrogue et sur de fausses craintes pour la sécurité publique.
On dit qu'on va essayer de sortir les drogues de la rue, mais ce qui est intéressant, ce que ce projet de loi fera en sorte qu'il sera presque impossible d'ouvrir des sites d'injection sûre. Cela répond à la question de mon cher collègue de . Il sera presque impossible d'ouvrir des sites d'injection sûre, ce qui aura pour effet de favoriser le retour de l'héroïne dans les quartiers. C'est ironique. Ce projet de loi va favoriser le retour de l'héroïne dans les quartiers.
Nous, nous estimons que toute nouvelle législation concernant les sites d'injection supervisée doit respecter l'esprit de la décision de la Cour suprême, ce qui n'est pas le cas de ce projet de loi. Nous croyons aussi que les programmes de réduction des méfaits, y compris les sites d'injection supervisée, doivent faire l'objet d'exemptions fondées sur des preuves de leur capacité à améliorer la santé d'une collectivité et à préserver la vie humaine, et non sur des positions idéologiques.
En conclusion, je suis très déçu du fait que nous soyons en train de débattre de ce projet de loi qui va rendre la vie plus difficile pour les gens qui essaient de se battre contre cette maladie qu'est la consommation de l'héroïne.
[Traduction]
Lorsque le projet de loi sera étudié par le comité — je suppose qu'il le sera —, il y aura un débat et on présentera des preuves. J'espère que le parti ministériel tiendra compte des répercussions et des preuves scientifiques lorsqu'il étudiera les propositions d'amendement afin que nous puissions trouver une solution efficace pour tous les Canadiens.
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Monsieur le Président, dans la dernière intervention, mon collègue a parlé du fait que le gouvernement se plaît à réformer ce qui fonctionne. J'aimerais apporter un éclairage différent à ce sujet.
Je me rappelle que, sous le gouvernement de Mike Harris, un ministre de l'Éducation, John Snobelen, avait eu le culot de dire, en parlant du système d'éducation, qu'il faut provoquer une crise afin d'apporter des réformes. Ainsi, il faut faire dérailler ce qui fonctionne pour mettre en oeuvre des changements.
Lorsque je regarde les banquettes ministérielles, je me rappelle que le , le et le étaient tous des membres importants de ce gouvernement. Ils veulent implanter cette approche à l'échelle fédérale.
Je prends la parole aujourd'hui pour m'opposer au projet de loi . Avec ce projet de loi, les conservateurs montrent clairement leurs intentions. Je dois cependant reconnaître qu'ils y camouflent très bien leurs visées idéologiques.
De toute évidence, les mesures prévues dans le projet de loi porteraient préjudice à certains des membres les plus vulnérables de notre société et feraient porter un très lourd fardeau financier sur notre système de soins de santé.
Une autre tendance, très inquiétante, se manifeste au sein du gouvernement. Pourquoi la Cour suprême a-t-elle même dû rendre un jugement dans cette cause? Parce que le gouvernement a contesté le droit d'existence d'Insite et des centres d'injection supervisée. Les conservateurs ne croient pas en leur raison d'être. Ils n'en veulent pas. Par l'entremise de cette mesure législative, ils souhaitent rendre leur ouverture pratiquement impossible.
Lorsqu'il a pris la parole, le député d' a demandé si nous sommes contre les consultations publiques. Il est ridicule d'insinuer de telles choses pour camoufler les graves lacunes du projet de loi. Bien entendu, nous sommes favorables à ce que l'on consulte les Canadiens et les résidants sur ce qui se passe dans leur quartier. C'est exactement ainsi qu'un gouvernement doit agir. Pourtant, lorsqu'il s'agit de développement des ressources, de protection environnementale et de sécurité des Canadiens, le gouvernement ne cesse de faire fi de ce principe fondamental. C'est comme si on nous demandait si nous étions contre l'oxygène. Personne n'est contre l'oxygène. Sans oxygène, nous n'existerions pas.
Le projet de loi prétend répondre aux inquiétudes de la population en matière de santé et de sécurité publiques liées aux centres d'injection supervisée, alors que, dans les faits, il vise trois objectifs complètement différents. C'est simple, il vise à faire fermer Insite, le centre d'injection supervisée à Vancouver, et à empêcher l'ouverture d'autres centres de ce genre. À mon avis, le gouvernement tente ainsi d'invalider en la contournant la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2011 en faveur des centres d'injection supervisée. Je crois qu'il s'agit d'une nouvelle attaque portée contre le principe de réduction des méfaits.
La réduction des méfaits est essentielle dans la lutte contre la toxicomanie. Nous devons réduire les méfaits afin que les toxicomanes puissent améliorer leur qualité de vie et qu'ils aient la force nécessaire pour relever les défis de taille que représente leur problème de dépendance.
Un des principaux centres canadiens qui se consacrent à la toxicomanie et à la santé mentale se trouve à Toronto. Il s'agit du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Permettez-moi de lire un extrait du mémoire qu'il a présenté en juillet dernier au conseil de santé de Toronto au sujet des centres d'injection supervisée:
Les services d'injection supervisée représentent une autre approche en matière d'hygiène publique qui permet de réduire les méfaits associés à l'injection de drogues. Des travaux de recherche réalisés un peu partout dans le monde révèlent que ces services procurent plusieurs bienfaits aux consommateurs de drogues injectables. En effet, ils permettent de réduire les comportements associés au VIH et à l'hépatite C, les pratiques d'injection à risque et les surdoses, et ils font augmenter le nombre de personnes dirigées vers des services de traitement et d'autres services de santé.
Permettez-moi de répéter la fin de cet extrait: « [...] et ils font augmenter le nombre de personnes dirigées vers des services de traitement et d'autres services de santé. »
J'aimerais tracer un parallèle avec le milieu des affaires, ce qui ne manquera certainement pas de plaire aux députés d'en face. Tout commerçant sait qu'il est beaucoup plus difficile d'amener un nouveau client à franchir le pas de sa porte que de garder un client existant. Les centres d'injection supervisée visent notamment à inciter les toxicomanes à franchir le pas de leur porte afin qu'on puisse leur donner accès à d'autres services qui les aideront à devenir des membres en santé et productifs de la société, et ce, à un coût moindre. Voici ce qui est tout à fait renversant: ce projet de loi va coûter des millions de dollars aux Canadiens en raison des contestations devant les tribunaux, des coûts pour le système de santé et de la destruction de collectivités attribuable à l'absence de services de ce genre.
On lit encore ce qui suit, dans le mémoire présenté par le Centre de toxicomanie et de santé mentale au Conseil de la santé de Toronto en juillet 2013:
En outre, la présence de centres d'injection supervisée ne fait pas augmenter la criminalité et le désordre dans les quartiers avoisinants, mais atténue plutôt d'autres problèmes, comme la consommation de drogues dans la rue et les seringues jetées n'importe où.
C'est clair et simple. C'est élémentaire. La présence de centres d'injection supervisée ne fait pas augmenter la criminalité et le désordre dans les quartiers avoisinants, mais atténue plutôt d'autres problèmes, comme la consommation de drogues dans la rue et les seringues jetées n'importe où. Elle contribue en fait à la sécurité des collectivités qui connaissent ce genre de problème.
Je vais vous raconter une anecdote à propos des seringues souillés jetées n'importe où. Quand j'avais neuf ou dix ans, mon père enseignait à l'école publique Samuel Hearn, à Scarborough. Chaque année, aux environs de la Journée de l'environnement, l'école organisait des corvées de nettoyage des quartiers. Les bénévoles se rendaient dans les quartiers, où ils effectuaient un travail de nettoyage formidable.
Ils étaient allés ramasser des ordures dans une ruelle, à environ un pâté de maisons de l'école, derrière l'avenue Danforth, près de l'avenue Pharmacy. Mon père portait des gants de travail, mais ils n'étaient pas assez épais pour empêcher une aiguille de passer au travers. En ramassant un tas de déchets, il s'est fait piquer par une seringue souillée.
À neuf ou dix ans, il est bien difficile de comprendre ce qui s'ensuit. Mon père a dû subir des tests de dépistage du VIH, de l'hépatite et d'autres maladies infectieuses. Vinrent ensuite des mois d'inquiétude et d'angoisse pour la famille, qui ne savait pas s'il avait contracté une maladie transmissible ou s'il allait connaître de graves ennuis de santé plus tard.
Fort heureusement, tous les résultats ont été négatifs, mais les coûts imposés au système de soins de santé et à notre famille, qui a dû faire face à cette situation, de même que l'incertitude dans laquelle nous avons vécu découlaient directement du fait que des seringues souillés avaient été jetées dans la rue. L'existence de centres d'injection supervisée éliminera-t-elle complètement ce problème? Bien sûr que non. Il n'existe pas de solution miracle. Ces centres contribueront toutefois considérablement à la réduction des méfaits dans nos collectivités.
Je me souviens aussi du véritable tollé soulevé parmi les conservateurs, il n'y a pas si longtemps, lorsque le Starbucks situé à l'angle des rues John et Queen, à Toronto, a installé une boîte d'élimination sécuritaire des seringues dans ses toilettes. « Vous encouragez la toxicomanie. Les gens se rendront désormais à ce Starbucks pour se droguer. » Non. La réalité, c'est que des toxicomanes se droguaient déjà dans ce café et qu'ils jetaient leurs seringues dans les poubelles, des poubelles que les employés devaient vider à la fermeture, à leurs risques et périls, tout cela à cause des politiques aussi stupides qu'irréfléchies proposées par ceux d'en face. La même tendance se poursuit encore aujourd'hui. Pourquoi s'embarrasser des faits? L'idéologie doit toujours triompher.
Dans son mémoire, le Centre de toxicomanie et de santé mentale écrit également ceci:
Étant donné les différences géographiques et la diversité de la culture de toxicomanie constatées d'un endroit à l'autre, les expériences acquises dans les centres d'injection supervisée ne sont pas directement transférables à d'autres villes, comme Toronto. Cependant, les données tendent à montrer que Toronto pourrait gagner à se doter d'un centre d'injection supervisée, quoique de plus amples recherches, y compris par la mise sur pied d'un projet pilote, seraient nécessaires pour le confirmer. Dans cette optique, le CTSM appuie l'ouverture d'un centre d'injection supervisée à Toronto. En tant qu'hôpital d'enseignement axé sur les soins, la recherche et la sensibilisation en matière de santé mentale et de toxicomanie, le CTSM serait ravi d'agir en concertation avec divers partenaires aux fins de l'évaluation du projet pilote et de traiter les gens dans le besoin.
L'essentiel, ce sont les traitements, ceux que les gens recevraient dans les centres d'injection supervisée, ceux qui les aideraient à se sortir de la rue et qui contribueraient à atténuer les méfaits, aussi bien pour les toxicomanes que pour leur famille et la société. Grâce aux traitements, la toxicomanie perdrait du terrain au Canada, et davantage de gens amélioreraient leur qualité de vie, s'épanouiraient et deviendraient des membres actifs et productifs de leur collectivité.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de me lever aujourd'hui et de prendre la parole sur le projet de loi .
Le sujet de la drogue n'est pas toujours facile à aborder, car il demeure un sujet tabou. On met toutes les personnes qui ont pris de la drogue en prison. On s'en débarrasse. Or la drogue existe depuis combien d'années?
Je ne sais pas comment nos arrière-grands-parents ont fait pour traverser tout cela à l'époque, alors que la distillation de l'alcool fort était illégale. Avant que cela devienne légal, il a dû y avoir de méchants discours au Parlement, à cet époque.
Aujourd'hui, on parle de la drogue. On ne parle pas de légaliser l'héroïne, mais d'un centre qui a été mis en place à Vancouver-Est et qui donne des seringues à des personnes qui ont des problèmes de drogue.
Le gouvernement a déposé un projet de loi comportant des restrictions si fortes qu'il sera difficile pour ce centre de renouveler sa licence et pour d'autres centres d'ouvrir au Canada. Ce projet de loi est un moyen à peine voilé d'empêcher les centres d'injection supervisée de mener leurs activités, ce qui va à l'encontre de la décision de la Cour suprême.
Il établit une longue liste de critères restrictifs auxquels les centres d'injection supervisée devront satisfaire pour que le ministre puisse leur accorder une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ces critères feront en sorte qu'il sera beaucoup plus difficile pour des organismes d'ouvrir un centre d'injection supervisée. Tel est le projet de loi.
Le projet de loi arrive même après que la Cour suprême du Canada se soit prononcée. D'ailleurs, on pourrait consulter la décision de celle-ci. Elle mentionne, entre autres, qu'on ne peut pas empêcher quelque chose qui peut sauver des vies.
En 2003, InSite a fait l'objet d'une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. L'exemption a été accordée pour des raisons médicales et scientifiques, afin qu'InSite puisse offrir ses services, et afin d'évaluer l'efficacité des centres d'injection supervisée.
L'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances confère au ministre le droit d'autoriser l'utilisation de drogues pour des raisons médicales, scientifiques ou d'intérêt public.
En 2007, InSite a ouvert le centre de désintoxication Onsite. Depuis son ouverture, le nombre de décès par surdose a chuté de 35 % à Vancouver. Le taux de criminalité et la prévalence des maladies transmises et des rechutes ont également chuté.
Tantôt, le député de a demandé où étaient les statistiques. Or je poserais la même question à savoir où sont les statistiques qui justifient de changer la loi. J'aimerais que le gouvernement nous montre les statistiques qui expliquent qu'ils veulent changer la loi.
Par exemple, il pourrait nous dire que depuis qu'on donne des seringues, le nombre de décès a augmenté de 35 %. Il est temps de réfléchir. La criminalité a-t-elle augmenté de 35 %? C'est cela, une statistique. Avant de changer la loi, c'est au gouvernement de prouver le contraire de ce que nous disent les médecins et les autorités. Or l'idéologie des conservateurs prend toute la place, aujourd'hui.
Selon l'idéologie conservatrice de la droite et les partisans conservateurs, il faut mettre les drogués en prison. Il ne faudrait surtout pas leur donner des seringues, faire de la prévention ou établir un contact avec ces gens qui sont pris dans la drogue par-dessus la tête, afin de les acheminer vers une institution qui les aidera à s'en sortir.
Si on dit à quelqu'un que c'est illégal et que ce n'est pas correct, il va quand même aller à l'encontre de la loi, sauf qu'il n'en parlera pas et il sera pris avec son problème.
On ne pourra pas aider ces personnes. Les statistiques recueillies à Vancouver ont démontré que les surdoses ont chuté de 35 %. En outre, les infractions criminelles ont diminué et le nombre de personnes atteintes du VIH a baissé. N'est-ce pas là notre responsabilité?
[Traduction]
Le député de demandait à voir les statistiques; il disait qu'il aimerait bien les consulter. Alors je vais répéter. Nous ne sommes pas censés dire qu'un député est présent ou absent, mais je le vois, là. Tout à l'heure, je ne regardais pas de son côté, mais là, je le regarde, et j'aimerais bien qu'il écoute ce qui suit: il veut connaître les statistiques? Eh bien qu'il sache qu'il y a eu une diminution de 35 %. La criminalité a diminué, et les infections au VIH aussi.
Voilà pourquoi je disais que ce devrait être au gouvernement de fournir des statistiques pour justifier son projet de loi. Ce devrait être au gouvernement de fournir les statistiques qui montrent que la criminalité et les infections au VIH ont augmenté parce que des gens ont reçu des seringues. Or, ce n'est pas ce que nous disent les statistiques.
Les médecins et les infirmières ne sont pas d'accord eux non plus. Avant-hier, plusieurs infirmières sont venues à mon bureau pour dire qu'elles espéraient qu'on puisse amender le projet de loi, car dans sa forme actuelle, il n'a aucun sens et va nuire à la santé des gens.
[Français]
Je donnerai un exemple de Bathurst. Plus tôt, mon collègue de a parlé des personnes qui ramassent les poubelles. À Bathurst, la communauté où je demeure, il y a une loi qui interdit aux gens de mettre leur sacs à ordures sur le bord du chemin. Ils doivent être déposés dans des conteneurs en plastique. Les travailleurs disaient se piquer en ramassant des sacs à ordures, et ils avaient des infections.
Un groupe de la population a des problèmes de santé à cause de l'héroïne, mais on est prêts à les laisser dans la rue.
Je suis allé à Vancouver-Est, et j'ai eu pitié des gens qui vivaient dans la rue. Ma collègue de dit appuyer le fait de donner des seringues aux personnes aux prises avec des problèmes de drogue.
Au début, en tant que personne ordinaire, je ne comprenais pas pourquoi on devrait donner des seringues à des personnes qui consomment de la drogue. Toutefois, lorsque je me suis rendu à Vancouver-Est, j'ai réalisé que c'était la bonne chose à faire. Ma collègue m'a fait comprendre que le jour où on pourra les recevoir chez nous, où on pourra parler avec eux et où on pourra les diriger vers un centre médical pour les aider, on aura fait quelque chose de bien.
Par contre, si on les laisse tomber, on aura failli à la tâche et aux responsabilités qui nous incombent comme Canadiens et comme politiciens. Les députés de la Chambre ont la responsabilité d'adopter des lois qui aident les citoyens, les hommes et les femmes. Les personnes qui vivent dans la rue sont les enfants d'une famille. Ce sont des citoyens. Ce sont des êtres humains. On ne laisserait même pas des animaux être traités de cette façon.
Aujourd'hui, le gouvernement présente un projet de loi qui va à l'encontre d'une décision de la Cour suprême du Canada, juste à cause de son idéologie et de celle des gens qui l'appuie. J'oubliais que c'est ce même gouvernement qui ne croit pas en la cour, en l'opposition et au Parlement.
Je souhaite qu'un jour les Canadiens prennent la bonne décision, c'est-à-dire celle de se débarrasser de ce gouvernement une fois pour toutes, puisqu'il n'est pas là pour le bien-être des Canadiens et des Canadiennes.
:
Monsieur le Président, ce sera très difficile de parler à la suite du discours si passionné de mon collègue. Avec le débat d'aujourd'hui, il y a beaucoup d'émotion à la Chambre, parce qu'on croit qu'on peut faire mieux pour les Canadiens. C'est donc un honneur de parler du projet de loi .
Le gouvernement dit vouloir consulter les communautés avant l'ouverture d'un site d'injection supervisée. Toutefois, étrangement, le jour même où il a déposé le projet de loi, le Parti conservateur a aussi mis en ligne une pétition à ce sujet intitulée « Garder l'héroïne loin de chez nous ». La pétition demandait aux gens s'ils voulaient avoir un site de consommation de drogue supervisée dans leur communauté. Le gouvernement cherche avant tout à mettre des bâtons dans les roues à ceux qui voulaient ouvrir un centre d'injection supervisée.
Selon les nouvelles règles, ceux qui voudront ouvrir un tel site devront d'abord prendre en considération les avis des communautés visées et des forces policières et obtenir le soutien des autorités municipales et provinciales. Toutefois, ils devront aller encore plus loin, soit avoir beaucoup de preuves et de documents, notamment sur la viabilité financière du site, sa nécessité dans la communauté et son impact potentiel sur la sécurité publique. De plus, le ministre de la Santé aura le dernier mot sur les demandes.
Pourtant, la preuve a démontré que les sites d'injection supervisée réduisent efficacement les risques de contracter et de propager les maladies transmissibles par le sang, comme le VIH et l'hépatite C, ainsi que les décès par surdose. Il est également démontré qu'ils ne nuisent pas à la sécurité publique et que, dans certains cas, il la favorise en réduisant l'injection de drogues en public, la violence qui y est associée et l'utilisation des drogues. Les sites d'injection sûre permettent d'établir un juste équilibre entre les objectifs de santé et de sécurité publiques. Ils relient également les personnes ayant un urgent besoin d'aide aux services de santé nécessaires, comme les soins de santé primaires et les traitements de la toxicomanie.
Les centres d'injection sont bénéfiques pour les communautés. Toutefois, pour certaines raisons idéologiques — qui ont été bien démontrées par mon collègue —, le gouvernement préfère, encore une fois, mettre des oeillères et prétendre que la drogue et les problèmes de toxicomanie n'existent pas. Au lieu de chercher à réduire les méfaits, ils préfèrent dire que tout est rose et beau. Toutefois, ce n'est pas beau. Le travail de ces organismes sauve des vies. Un centre comme InSite aide à réduire le nombre de décès causés par une surdose de drogue, en plus de créer des liens entre ceux qui consomment des drogues et les services sociaux essentiels qui peuvent les aider.
Il existe, actuellement, un seul site d'injection supervisée en fonction au Canada. C'est InSite, qui est situé à Vancouver. Depuis son ouverture, Vancouver a connu une diminution de 35 % des décès par surdose. Il a été établi que l'organisme InSite entraîne une diminution de la criminalité, des taux d'infection de maladies transmissibles et des taux de rechute des toxicomanes.
Le projet de loi va à l'encontre de la décision de la Cour suprême. En 2011, la Cour suprême du Canada a statué que l'organisme InSite fournissait des services essentiels et devait rester ouvert en vertu de l'exemption prévue à l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La cour a statué que la Charte autorisait les utilisateurs à accéder aux services d'InSite et que des services semblables devraient également être autorisés à opérer en vertu d'une exemption.
Quel message le gouvernement envoie-t-il si lui-même ne respecte pas la décision de la Cour suprême? La Cour suprême du Canada a clairement demandé au gouvernement fédéral de cesser d'interférer avec le centre d'injection InSite à Vancouver. Le plus haut tribunal du pays est d'avis que la décision du gouvernement de ne plus exempter des centres de poursuites criminelles est arbitraire et viole les droits à la vie et à la sécurité des toxicomanes prévus par la Charte canadienne des droits et libertés.
Que faut-il de plus? Pourquoi proposer un tel projet de loi? C'est pour nuire au travail de ces organismes qui viennent en aide aux toxicomanes. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada déclare ce qui suit:
Il est démontré que les sites d’injection supervisée et d’autres programmes de réduction des méfaits fournissent des services de santé et sociaux essentiels aux populations vulnérables, notamment à ceux qui vivent dans la pauvreté, qui souffrent de maladie mentale et qui sont sans abri [...]
Un gouvernement réellement engagé à l’égard de la santé et de la sécurité publiques s’efforcerait d’améliorer l’accès aux services de prévention et de traitement, plutôt que de créer plus d’obstacles [...]
Le NPD croit que toute loi présentée par le gouvernement conservateur doit respecter la décision de la Cour suprême du Canada et établir un équilibre entre la santé et la sécurité publiques.
Par sa décision, la Cour suprême a aussi donné le feu vert à différents organismes pour ouvrir des centres d'injection ailleurs au pays. C'est pourquoi le projet ne devrait pas être adopté. Non seulement est-il fondé sur une idéologie rétrograde, mais il comporte de nombreuses lacunes. Il démontre à quel point les conservateurs sont déconnectés de la réalité et ignorent les opinions des experts et des scientifiques.
Les sites d'injection supervisée sont des ressources indispensables pour améliorer la sécurité de nos communautés. La campagne conservatrice concernant ce projet de loi avait comme titre « Garder l'héroïne loin de chez nous ». C'est tout le contraire qui se produira. En adoptant le projet de loi, nous ne faisons absolument rien pour contrer le problème de l'utilisation de drogues dans les rues. Ce n'est pas ce projet de loi qui fera en sorte que les gens arrêteront de consommer des drogues dans la rue. Au contraire, il sera dorénavant presque impossible d'ouvrir des sites d'injection sûrs, ce qui aura pour effet de favoriser le retour de l'héroïne dans les quartiers.
Les aiguilles utilisées continueront à se retrouver sur le sol. Les utilisateurs n'auront toujours pas accès à du matériel propre et sécuritaire, et les taux de VIH et d'hépatite continueront à augmenter. II est clair que les sites d'injections ont fait leurs preuves, et le gouvernement conservateur doit se rendre à l'évidence et écouter les experts en matière de santé.
En faisant ma recherche sur ce projet de loi, j'ai trouvé une statistique qui m'a vraiment impressionnée: ceux qui utilisent les services d'InSite au moins une fois par semaine étaient 1,7 fois plus susceptibles de s'inscrire à un programme de désintoxication que ceux qui l'avaient visité rarement.
Cette statistique indique clairement que les sites d'injection supervisée servent de porte d'entrée à des programmes de désintoxication. Des sites comme InSite jouent un rôle important et primordial, non seulement en ce qui a trait à la réduction des méfaits, mais aussi en ce concerne la désintoxication.
Un argument que j'entends souvent contre des programmes comme InSite est que les gens préfèrent allouer des ressources à des initiatives qui aident les gens à guérir de leur toxicomanie, plutôt que d'ouvrir d'autres sites d'injection supervisée. C'est normal, je peux comprendre cet argument.
Toutefois, cette statistique indique clairement que le site d'injection supervisée est une étape vers la désintoxication. Les personnes qui utilisent des drogues dans la rue ne décideront pas du jour au lendemain d'arrêter de les consommer. Toutefois, en utilisant un site d'injection supervisée, les utilisateurs ont l'occasion de parler à des professionnels médicaux, de recevoir des conseils et d'en apprendre plus sur la façon d'accéder à des centres de traitement.
D'ailleurs, les administrateurs d'InSite ont bien vu ces effets bénéfiques et ont ouvert OnSite. En effet, depuis 2007, les utilisateurs peuvent être envoyés chez OnSite, situé au-dessus d'InSite, qui fournit des services de désintoxication et de réadaptation. À cet endroit, les utilisateurs prêts à prendre en main leur dépendance peuvent subir une cure de désintoxication sous la supervision de travailleurs sociaux, d'infirmiers, de spécialistes en santé mentale et de docteurs. Ces spécialistes peuvent aussi aider l'utilisateur à planifier les prochaines étapes et peuvent le conseiller pour éviter une rechute.
J'ai parlé un peu des bienfaits qu'apporte un site d'injection supervisée, mais j'aimerais me pencher sur le projet de loi en tant que tel, et sur la façon dont le projet de loi rend presque impossible l'installation de nouveaux sites d'injection.
En effet, pour les nouveaux sites d'injection supervisée, la préparation du dossier constituera un processus fastidieux qui risque de décourager les demandeurs d'en ouvrir un. Si un demandeur a accidentellement oublié d'inclure certains documents ou quoi que ce soit, sa demande pourrait être refusée automatiquement. Même s'il devait obtenir tous les documents nécessaires à sa demande et avoir l'appui de la communauté, le ministre peut la refuser. De plus, les demandes peuvent être inutilement ralenties, laissant des groupes en attente pendant des mois ou des années.
Bref, le projet de loi constitue un obstacle insurmontable pour les sites d'injection supervisée qui pourraient réellement aider les utilisateurs de drogues et améliorer la sécurité de nos communautés.
Je crois qu'il est clair que les sites d'injection supervisée ont fait leur preuve.
C'est une solution efficace et robuste pour s'attaquer au problème de la toxicomanie au Canada.
Je suis prête à répondre aux questions.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir à nouveau à propos du projet de loi . J'ai déjà pris la parole au sujet de l'amendement proposé à la mesure législative. À cette occasion, j'avais prononcé un discours plus général pour expliquer mon opposition au projet de loi. Je vais maintenant me concentrer sur le VIH-sida et le projet de loi .
Aujourd'hui, je porte le ruban qui souligne la Journée mondiale du sida, le 1er décembre. Il convient de répéter le message de cette année de la Société canadienne du sida, qui dit: « Si vous pensez que la lutte contre le VIH-sida est gagnée [...] détrompez-vous. C'est loin d'être fini ».
Ce message est très important pour nous tous à la Chambre des communes, surtout lorsque nous discutons d'une mesure législative telle que le projet de loi .
J'appartiens à une génération dont un bon nombre de membres sont décédés du VIH-sida. En fait, c'est le cas de la plupart de mes amis qui sont disparus. À l'époque où le VIH-sida était considéré comme une maladie qui ne touchait que les gais, ceux-ci ont dû s'organiser et lutter contre les préjudices et l'ignorance. La société a entendu leur message, en particulier le milieu médical qui a réagi énergiquement. Nous avons fait beaucoup de progrès, mais nous n'avons pas trouvé de moyen de guérir le sida.
Un diagnostic de VIH-sida n'équivaut plus à une peine de mort, mais cette maladie est encore très grave et elle coûte très cher. Or, les conservateurs sont toujours inquiets des coûts. On estime que chaque nouveau cas de VIH-sida entraîne des coûts d'environ 500 000 $. Cela dit, il ne faut pas oublier non plus les répercussions sur les amis et les membres de la famille.
C'est donc encore une maladie grave et, en outre, les succès enregistrés ont eu certaines conséquences malheureuses.
L'une de ces conséquences est l'augmentation du nombre de cas de VIH-sida chez les jeunes gais. Il est évident que nos efforts de sensibilisation ne rejoignent pas suffisamment la nouvelle génération de gais. Ces jeunes hommes se sentent invincibles, comme tous les jeunes d'ailleurs. Qui plus est, ils semblent croire que les avancées médicales dans la lutte contre le VIH-sida font qu'ils n'ont plus à se préoccuper de cette maladie. Nous devons donc reprendre le travail d'éducation auprès de la communauté gaie afin de la sensibiliser au fait que le VIH-sida demeure une maladie grave.
Par ailleurs, il s'est produit un autre phénomène pour ce qui est du groupe principalement touché par le sida. En effet, dans les années 1980 et 1990, cette maladie touchait surtout les gais, alors que maintenant plus de la moitié des nouveaux cas visent des utilisateurs de drogues injectables.
Là encore, nous parlons d'un groupe qui fait l'objet de beaucoup de préjugés. J'ai été très troublé par les propos du député de , qui a parlé de toxicomanes heureux. Il n'y a pas de toxicomanes heureux. De tels propos montrent bien que certains députés ne comprennent pas que la toxicomanie est un grave problème médical. Nous discutons de la façon de traiter ce problème médical. Depuis maintenant près d'une décennie, et dans la majorité des régions du pays, les utilisateurs de drogues injectables forment le groupe le plus touché par les infections au VIH-sida.
Par conséquent, l'idée selon laquelle le VIH-sida est un problème médical gérable et l'opprobre dont font l'objet les utilisateurs de drogues injectables font qu'un segment important de notre société a maintenant tendance à ignorer ce problème. Nous traitons les toxicomanes atteints du VIH comme s'ils n'avaient pas de morale, comme s'ils n'avaient pas compris comment ils doivent se comporter. Nous devrions plutôt réfléchir à leur situation et comprendre que la toxicomanie est un problème médical.
En quoi tout cela est-il directement lié au projet de loi ?
Je veux parler d'un document de la Société canadienne du sida sur la consommation de drogues injectables et le VIH-sida. Ce document parle d'une crise dans le domaine de la santé causée par une flambée épidémique de consommation de drogues injectables. Le mot « épidémique » est tout à fait approprié, puisqu'il s'agit d'un problème médical et non pas moral.
Selon la Société canadienne du sida, depuis 1996, plus de la moitié des nouvelles infections au VIH-sida à Montréal, Ottawa, Toronto et Vancouver sont causées par la consommation de drogues injectables. Le changement au niveau du groupe le plus touché par le VIH-sida s'est amorcé dès 1996. Selon la Société canadienne du sida, le phénomène s'est maintenant étendu à tout le pays, jusque dans les petites municipalités et les régions rurales. Les nouveaux cas touchent principalement les utilisateurs de drogues injectables.
Il y a des raisons évidentes qui expliquent ce phénomène. L'une d'elles est le partage de seringues et autres accessoires relatifs aux drogues. Il y a aussi une autre raison à laquelle nous n'aimons pas songer, à savoir le grand nombre d'utilisateurs de drogues injectables qui s'adonnent à des activités sexuelles non protégées lorsqu'ils sont sous l'effet de la drogue, ce qui fait augmenter sensiblement le nombre d'infections au VIH-sida. En fait, dans les grandes villes canadiennes, il n'est pas rare que de jeunes hommes dans la rue aient des relations sexuelles non protégées en échange de drogues injectables, ce qui leur fait courir des risques graves.
Une telle décision n'est jamais prise consciemment ou par plaisir. Elle est prise en raison des circonstances et parce que la personne souffre d'une toxicomanie, qui est un problème médical.
De toute évidence, c'est la réduction des méfaits, particulièrement dans les centres d'injection supervisée, qui constitue une solution à ces problèmes.
J'aimerais me reporter à un document d'information publié par la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, qui porte sur les centres de consommation supervisée. C'est un résumé des différentes études réalisées sur le sujet. Les conservateurs demandent qu'on leur présente des faits et des preuves. Je vais donc prendre quelques instants pour passer en revue, une à une, les constatations des recherches et des études évaluées par des pairs résumées dans le document de la coalition.
La recherche révèle que les centres d'injection supervisée sont fréquentés par des utilisateurs de drogues par injection, y compris ceux qui sont le plus à risque, comme les jeunes hommes qui travaillent dans la rue, dont j'ai parlé un peu plus tôt. Ces personnes qui sont le plus à risque se retrouvent souvent dans les centres d'injection supervisée.
La deuxième constatation, c'est que ces centres réduisent le nombre de décès par surdose. Ainsi, aucune mort par surdose n'a eu lieu au centre Insite depuis son ouverture.
Troisièmement, ces centres réduisent les comportements comme le partage d'aiguilles, qui peuvent entraîner des infections non seulement par le VIH mais aussi par l'hépatite C.
Quatrièmement, ils font diminuer les pratiques d'injection non sécuritaires et favorisent l'utilisation de matériel stérile. Par conséquent, les utilisateurs de ces services sont plus susceptibles de rapporter des changements à leurs pratiques d'injection et de consulter des professionnels de la santé pour obtenir de l'aide en cas de crise découlant de leur consommation de drogues injectables.
Cinquièmement, ces centres augmentent le recours aux services de désintoxication et à d'autres services de traitement. Les députés d'en face aiment dire qu'on offre un environnement sécuritaire et réconfortant où s'injecter de la drogue. Il s'agit effectivement d'offrir un environnement sécuritaire, mais où on offre également d'autres services. Par conséquent, selon les résultats de recherche, lorsque le centre Insite établit des liens avec des personnes vulnérables, 30 % d'entre elles sont plus susceptibles de recourir à des services de désintoxication et de consultation. Ces gens sont plus enclins à demander de l'aide lorsqu'ils sont dans un centre d'injection supervisée.
Sixièmement, ces centres sont efficients. Les résultats de recherche révèlent que le centre Insite prévient 35 cas d'infection par le VIH et trois décès par année, un avantage social qui se chiffre annuellement à 6 millions de dollars. Évidemment, je ne veux pas constamment essayer de quantifier les économies personnelles réalisées lorsqu'on sauve trois vies, parce que les vies qu'on sauve sont celles de fils, de filles, de frères, de soeurs et de parents.
Septièmement, ces centres réduisent la consommation de drogue en public. Je crois que le fait le plus troublant qui se soit produit quand on a commencé à envisager ce projet de loi, c'est que le gouvernement a organisé une campagne de financement ayant pour slogan « Garder l'héroïne loin de chez nous ». C'est exactement ce que font les centres d'injection supervisée. Ils réduisent la consommation de drogue injectable en public. Ils réduisent les incidents liés à la découverte d'aiguilles dans les rues. Ils réduisent le nombre d'articles d'injection jetés dans des lieux publics.
Enfin, les centres d'injection supervisée n'entraînent pas une hausse du nombre de crimes commis dans les environs. Au contraire, la criminalité a plutôt tendance à diminuer autour des centres d'injection supervisée.
Voilà les faits. C'est ce que la recherche a démontré au sujet des centres d'injection supervisée.
Les conservateurs réclament des faits. Je crois donc qu'il est très important d'examiner réellement les faits concernant les centres d'injection supervisée. Ce faisant, on constate qu'ils sauvent des vies, préviennent de nouveaux cas d'infection au VIH-sida, font économiser de l'argent, réduisent la criminalité, rendent les quartiers plus sécuritaires et enfin — et c'est ce qui est le plus important à mes yeux —, ils créent un soutien communautaire pour le traitement de la dépendance aux drogues injectables et suscitent l'appui du public envers les mesures de réduction des méfaits.
Lorsque les gens qui vivent et travaillent dans Downtown Eastside ont été consultés par sondage, 80 % d'entre eux se sont dits en faveur du centre d'injection supervisée. Le projet de loi est intitulé « Loi sur le respect des collectivités », ce que je considère paradoxal. En effet, on peut parler d'un cruel paradoxe lorsque, après avoir entendu les gens dire qu'ils ont besoin de centres d'injection supervisée dans leur quartier, les conservateurs proposent un projet de loi qui bafoue de toutes les manières possibles ce que la collectivité souhaite et qu'ils l'affublent d'un titre des plus antithétiques: « Loi sur le respect des collectivités ».
Le projet de loi vise à fermer le centre d'injection supervisée situé dans la partie est de Vancouver et à empêcher l'exploitation d'autres centres d'injection supervisée. Pour quelle autre raison le projet de loi contiendrait-il 26 conditions, qui vont de a) jusqu'à z)? Même si chacune de ces conditions était respectée, le ministre ne serait pas obligé d'octroyer une licence En effet, le projet de loi indique seulement que le ministre « peut » octroyer une licence.
Je le répète, je suis d'avis que le projet de loi trompe la Chambre des communes et la population. Il vise à contrecarrer une mesure de santé publique très importante. Je vais faire tout en mon pouvoir pour que les conservateurs constatent tout le mal qu'ils pourraient causer avec ce projet de loi, comparativement à tous les méfaits qu'ils pourraient réduire sans celui-ci.
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Monsieur le Président, c'est la deuxième fois que j'ai l'honneur de me lever à la Chambre au sujet du projet de loi , parce que celui-ci est très important à mes yeux. Malheureusement, j'ai déjà connu des personnes atteintes de toxicomanie. Je dis « atteintes », car ce n'est pas un choix. Ces personnes ont besoin de soins.
Pour faire une petite mise en contexte, le projet de loi est très dangereux. C'est une tentative des conservateurs de nous priver des centres d'injection supervisée tels que le centre InSite à Vancouver.
Le projet de loi des conservateurs ajoute une liste de critères assez complexes et difficiles à satisfaire pour permettre l'ouverture d'un centre d'injection supervisée dans une communauté. Je trouve cela malheureux.
Dans mon discours, j'ai parlé de la sécurité dans les rues, parce que nos amis les conservateurs nous disent qu'ils font cela pour la sécurité. Or je préfère que les gens qui s'injectent de la drogue le fassent dans un endroit précis de la ville plutôt que de retrouver des seringues un peu partout. J'ai également soulevé l'absurdité du fait que les conservateurs envoient ce projet de loi au Comité permanent de la sécurité publique et nationale plutôt qu'au Comité permanent de la santé. C'est très paradoxal.
Cela prouve que les conservateurs ne croient pas que ces centres d'injection supervisée relèvent du domaine de la santé. Or ces centres ne sont pas seulement des endroits où les gens vont se droguer ensemble. Des professionnels y font de la supervision, de la prévention et du cheminement. Le fait que les conservateurs envoient ce projet de loi au Comité permanent de la sécurité publique et nationale me dit, d'une part, qu'ils veulent effrayer la population et brouiller les faits concernant les centres d'injection supervisée, et d'autre part, qu'il y a tellement de professionnels de la santé qui appuient les centres d'injection supervisée qu'ils n'ont pas trouvé assez de témoins de leur côté en matière de santé. C'est ce dont j'avais parlé dans mon premier discours.
Présentement, au Canada, il existe un centre d'injection supervisée, InSite. Ce dernier a été mis sur pied dans le cadre d'un projet de loi de santé publique de la Vancouver Costal Health Authority et de partenaires communautaires, après la multiplication du nombre de décès par surdose à Vancouver de 1987 à 1993. À l'époque, la région de Vancouver assistait aussi à des hausses spectaculaires du taux de maladies transmissibles par l'utilisation de drogues injectables. Cela comprenait l'hépatite A, B et C et le VIH-sida.
Dans quelques jours, le 1er décembre, ce sera la Journée mondiale du sida. J'aimerais donc prendre un peu de temps pour en parler. La Société canadienne du sida, fondée il y a une vingtaine d'années, fait un très bon travail. C'est dommage que les conservateurs ne croient pas aux bienfaits des centres d'injection supervisée, car grâce à ceux-ci, comme on l'a vu dans le cas du centre InSite, on va pouvoir réduire le nombre de personnes atteintes du sida chaque année.
Les conservateurs nous parlent très souvent d'économie. Or il est possible de réduire considérablement les coûts de santé reliés aux maladies transmissibles par l'utilisation de drogues injectables. Par exemple, le sida peut être transmis sexuellement, mais aussi par des seringues souillées. Les centres d'injection supervisée s'attaquent à ce problème en distribuant des seringues propres. Il s'agit souvent des petites choses comme cela. Dans ma circonscription, l'organisme À deux mains distribue des seringues propres aux personnes qui s'injectent de la drogue.
Je n'ai pas de chiffres pour l'hépatite, mais j'ai des chiffres assez incroyables pour le sida. Il s'agit d'une étude qui a été faite en 2008. J'énoncerai les valeurs actuelles nettes des pertes économiques attribuées aux personnes diagnostiquées séropositives.
C'était en 2009. Avec l'inflation, ces valeurs risquent d'être un peu plus élevées aujourd'hui.
Pour chaque personne séropositive, on estime des coûts de 250 000 $ en soins de santé, de 670 000 $ en ce qui a trait à la productivité et de 380 000 $ sur le plan de la qualité de vie. Je ne sais pas ce qu'on veut dire concrètement par la qualité de vie, mais j'imagine qu'il s'agit du déclin de tout ce qui entoure la vie de ces personnes, comme la productivité, l'alimentation et le moral, qui doit être à terre.
Ces chiffres de la Société canadienne du sida représentent donc un total de 1 300 000 $ par personne. Étant donné que, selon l'Agence de la santé publique du Canada, environ 69 000 personnes étaient atteintes du sida en 2011 au Canada, cela totalise 4 031 490 000 $. C'est beaucoup d'argent. Je ne dis pas que toutes ces personnes ont été contaminées par des seringues souillées, mais c'est quand même le cas pour plusieurs d'entre elles. On pourrait donc économiser beaucoup d'argent.
C'est malheureux que la plupart des projets de loi, surtout ceux des conservateurs, essaient de guérir plutôt que de prévenir. On ne pense jamais à l'aspect de la prévention. C'est le cas en ce qui a trait à la criminalité. On ne fait pas de prévention, on ne fait que de la guérison. On envoie les gens en prison, où personne ne va s'occuper d'eux. C'est triste.
Une personne ne choisit pas d'être toxicomane. On parle très rarement des déterminants sociaux de la santé. Si on se promène dans Vancouver-Est, on peut voir que ce ne sont pas des personnes très riches qui y habitent. Ces personnes n'ont pas eu tout cuit dans le bec. Moi, je suis très chanceuse. Je viens d'une famille plutôt éduquée. Mes parents m'ont dit qu'il était important de ne pas prendre de drogue, d'aller à l'école et d'avoir un emploi.
Ce n'est pas tout le monde qui naît avec cette chance. Malgré eux, ces gens se retrouvent dans des situations de toxicomanie plutôt graves. Ils s'injectent de la drogue. J'imagine qu'on ne décide pas d'en arriver à ce stade. Je doute qu'ils se soient levés un matin en se disant qu'ils avaient le goût de devenir héroïnomanes. C'est donc notre devoir en tant que société de les aider.
J'aimerais revenir à la question des seringues qu'on retrouve un peu partout. Lorsque j'ai su que j'allais donner un discours, je me suis amusée à aller voir les sites Web des plus grandes villes au Canada. Les conservateurs nous disent qu'ils ne veulent pas avoir ces seringues dans leurs cours, mais si on consulte le site Web des villes de Toronto, d'Ottawa, de Vancouver et de Montréal, on peut voir qu'elles ont toutes un programme pour récupérer les seringues souillées qui traînent dans les rues.
Sur le site Web d'Ottawa, notamment, il y a un beau petit mode d'emploi en 11 points pour savoir quoi faire avec une seringue trouvée dans la rue. Pour que la ville prenne la peine de mettre cela sur son site, il doit y avoir beaucoup de seringues qui traînent. De plus, si elles disent sur leur site de faire attention et que les enfants ne doivent jamais toucher à des seringues utilisées, ce doit être parce qu'il est possible d'en trouver dans leur environnement. Cela m'inquiète un peu.
À Montréal, c'est la même chose. Sur le site de la Ville de Montréal, voici la première phrase qu'on lit: « Dans le but de développer des actions concertées pour diminuer la problématique des seringues à la traîne [...] ». Le problème est donc présent. On sait que des groupes à Montréal voudraient créer des centres d'injection supervisée, mais le projet de loi , que les conservateurs vont malheureusement faire adopter, les empêchera de le faire. Ces seringues vont donc rester à la traîne.
Pour terminer, j'aimerais remercier les organismes de Montréal qui récupèrent ces seringues présentement. Je remercie À deux mains, qui se situe dans ma circonscription, à Notre-Dame-de-Grâce, Cactus Montréal, Spectre de rue, Pacte de rue, L'Unité d'intervention mobile L'Anonyme, Dopamine, Le Préfixe, ainsi que plusieurs CLSC.
Ce ne sont pas des endroits où on veut prendre de la drogue, ce sont des endroits où on veut faire de la prévention. J'invite tous mes collègues à voter contre ce projet de loi gouvernemental, car il sera nuisible pour la santé de nos collectivités.
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Monsieur le Président, je prends aujourd’hui la parole pour m’opposer au projet de loi .
Le titre du projet de loi me frappe, mais je me demande quoi penser du sort du projet de loi à la fin de la deuxième lecture, puisqu’il sera renvoyé au Comité de la sécurité publique. J’ai du mal à comprendre pourquoi le confier à ce comité, alors qu’il s’agit expressément d’un problème de santé. La toxicomanie et la consommation d’autres substances, ce sont des problèmes de santé.
Cette fois encore, je suis contrainte de me demander à quoi rime le projet de loi, au fond. Vise-t-il vraiment à combattre la consommation de drogues et d’autres substances dans notre société? Est-ce son véritable objectif? Veut-il assurer la sécurité des jeunes? Vise-t-il à garantir que les programmes de réadaptation aident les jeunes, et les moins jeunes, qui sont devenus toxicomanes?
Il y a des drogues qui provoquent l’accoutumance et il arrive souvent que des gens deviennent toxicomanes non par choix, mais parce que certaines circonstances les y ont amenés. Mais une fois que nous les avons désignés comme toxicomanes, pour ainsi dire, nous savons qu’il s’agit d’un problème de santé, et nous devons le traiter en conséquence. Au lieu de chercher les moyens de lutter contre le problème très complexe de la toxicomanie, le gouvernement préfère, cette fois encore, proposer une loi simpliste à l’extrême mais qui fera la manchette.
Il y a quelques jours, nous débattions d’un projet de loi concernant l’éradication des drogues dans les prisons. Cette mesure n’a rien à voir avec le traitement ni avec la réadaptation. Elle porte simplement sur le prélèvement d’échantillons d’urine, pratique qui a déjà cours et dont la Commission des libérations conditionnelles tient compte. C’est tout ce que prévoit ce projet de loi, que le gouvernement d’en face présente pourtant comme une mesure d’éradication des drogues dans les prisons. Nous commençons à nous demander si des projets de loi comme celui-ci et cet autre ne visent pas plutôt à amadouer la base du gouvernement. Sont-ils un simple moyen de remplir les coffres du Parti conservateur? Je commence à penser que ces mesures ne riment pas à autre chose.
J’ai été enseignante et conseillère pendant longtemps dans le réseau des écoles publiques. Je sais ce que c’est, traiter avec des personnes qui consomment des drogues et avec ceux qui vivent avec elles. J’ai vu tout le mal que cette consommation peut faire dans la vie des gens. Toutes les recherches montrent que la simple interdiction ne règle pas le problème. Il nous faut plutôt une approche à multiples volets pour aborder un problème comme celui de la consommation de drogues.
Je viens d’une circonscription située bien loin d’Ottawa. Il s’agit de , dans la belle province de Colombie-Britannique. Dans ma circonscription, nous sommes très préoccupés par la sécurité communautaire. Les gangs et la toxicomanie sont pour nous de graves préoccupations.
La société réclame des solutions pour aider les jeunes, mais le gouvernement ne propose rien à la Chambre qu’on puisse considérer comme proactif, préventif et axé sur la réadaptation. Je ne vois que des mots sur papier et des positions plus ou moins idéologiques qui ne reposent sur aucune donnée scientifique, aucune recherche, ni sur rien d'ailleurs. On ne tient même pas compte du fait que la toxicomanie est un problème de santé. C’est un problème de santé, et il faut l’aborder comme tel.
Nous ne voulons pas dire pour autant que ceux qui se livrent à des activités criminelles ne doivent pas subir les conséquences de leurs actes. Mais il est certain que, parallèlement, nous devons admettre que nous vivons dans un pays où, même dans le système pénal, nous croyons à la valeur de la réadaptation. Nous ne croyons pas qu’il faille simplement jeter les gens en prison et claquer la porte, car nous savons que ces gens-là, jeunes et vieux, sortiront un jour et reviendront dans la société.
Le projet de loi me semble une tentative à peine voilée de défier un arrêt de la Cour suprême, qui s’est prononcée en faveur des centres d’injection supervisée lorsqu’une évaluation au niveau local montre que la collectivité donne son approbation et attache une valeur à ce service.
Je remarque chez mes collègues d’en face une allergie à la science. Ils sont aussi allergiques à la recherche, aux faits et aux données. Quel est leur mode opératoire? Ils font appel à leur base idéologique sans se demander ce qui va marcher et ce qui va rendre nos quartiers plus sûrs. Tout ce qu’ils veulent, ce sont des clips sonores vides de sens pour pouvoir engranger un peu plus d’argent.
Des publications respectées comme le New England Journal of Medicine, le Lancet, et le British Medical Journal ont fait paraître plus d’une trentaine d’études vérifiées par des pairs. Toutes décrivent les effets bénéfiques d’Insite.
Certains l’ignorent peut-être, mais Insite se trouve en Colombie-Britannique, dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Des études réalisées sur plus de 70 centres similaires en Europe et en Australie ont fait ressortir des bienfaits semblables. Le centre Insite de Vancouver n’est donc pas un cas isolé. Des programmes semblables existent dans toute l’Europe, et ils ont donné des résultats comparables.
Insite est l’une des plus grandes réalisations du Canada en matière de santé publique. Et je ne le dis pas à la légère. Je suis allée sur place, et j’ai vu comment le programme fonctionne. J'ai parlé à des utilisateurs du centre et aussi à des gens qui y travaillent. Nous croyons que de tels centres seraient utiles dans d’autres villes qui en ont besoin.
On répand l’idée que le centre Insite est ouvert à quiconque veut y entrer, que c’est un simple moyen de se procurer gratuitement des drogues et des aiguilles. C’est bien loin de la vérité. Pour aller à Insite, il faut avoir au moins 16 ans, signer un accord d’utilisation, adhérer à un code de conduite et ne pas être accompagné par des enfants.
Quatre-vingts pour cent des habitants du Downtown Eastside de Vancouver appuient Insite. De plus, les décès par surdose ont diminué de 35 % dans ce quartier depuis qu’Insite a lancé ses activités. Voilà la preuve que nous devons permettre l’établissement d’Insite et d’autres centres du même genre, de façon à lutter contre ce problème.
Je lance un appel à mes collègues d’en face. Regardons ce que nous dit la science, ce que nous disent les recherches. Écoutons ce que disent les professionnels de la santé, notamment les infirmières, les médecins et les associations. Prêtons l’oreille aux vrais spécialistes et suivons leurs conseils. Évitons d’aggraver la situation et de compromettre la sécurité de nos quartiers.
En vous appuyant sur une idéologie, vous affirmez régler un problème alors que, dans les faits, vous exposez les collectivités à des risques.
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Monsieur le Président, j'ai l'honneur d'intervenir aujourd'hui et de joindre ma voix à celles de mes collègues de l'opposition officielle contre le projet de loi .
Le projet de loi vise à rendre plus difficile l'octroi d'une exemption pour les sites d'injection supervisée. Le problème qui se pose ici est que, présentement, il n'existe qu'un seul site de ce type, à Vancouver. Ce site a justement eu une exemption, car ses bienfaits ont été prouvés. Ce projet de loi n'est que le reflet de l'idéologie conservatrice antidrogue. Or ce n'est pas en présentant un tel projet de loi, qui empêcherait des sites d'injection supervisée de voir le jour, que les toxicomanes vont disparaître de notre société. Malheureusement, ils sont là pour rester.
J'aimerais vous faire part de quelques données scientifiques qui démontrent que les sites d'injection supervisée sont bénéfiques aussi bien pour les populations toxicomanes que pour la sécurité publique. Je vais ajouter quelques informations sur la sécurité publique tout à l'heure.
Le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies a évalué, en 2008, que ces établissements constituaient un endroit propre, sécuritaire et surtout supervisé qui permet de contrôler les injections des toxicomanes. On sait qu'une seringue qui a déjà été utilisée sera utilisée par un autre consommateur de drogues et pourra transmettre des maladies.
Notons ensuite que le ministre fédéral de la santé a demandé à un comité consultatif composé d'experts d'évaluer l'incidence du centre InSite par rapport à ses objectifs. Les conclusions sont éloquentes. Il s'avère qu'InSite encourage les utilisateurs à se faire conseiller, désintoxiquer et traiter, ce qui a entraîné une augmentation des recours aux services de désintoxication et de traitements. Ils ont eu de tels succès grâce à l'exemption qu'ils ont obtenue et que le gouvernement veut limiter.
De plus, il convient d'ajouter que la création d'un tel site sert de passerelle vers des services de traitement et de réadaptation. Ce genre de site offre donc la possibilité de sortir une jeune personne de la drogue et lui ouvre une porte à la réhabilitation. C'est très important, et nous encourageons tous cela.
Le personnel qualifié qui travaille dans ce centre assure un suivi des consommateurs de drogue et leur offre des options pour sortir de la toxicomanie.
Je présente des faits rendus publics, que les conservateurs ne peuvent pas nier. Ils appuient leur projet de loi sur le principe de sécurité publique qui serait mis en danger par les sites dont on a parlé. Je tiens à rappeler que la création de tels sites a eu lieu à la suite des inquiétudes des autorités quant à la propagation du VIH et de l'hépatite C. Ces sites répondaient aux besoins des toxicomanes qui ne pouvaient pas arrêter de consommer de la drogue en leur offrant un cadre sanitaire. Je dirais même plus: ils répondent aussi aux besoins de tous ceux et celles qui ne consomment pas de drogue et qui trouvent parfois une seringue dans la rue. Ainsi, on évitait toute propagation de drogues ou de maladies dans les rues.
Les conservateurs ont élaboré ce projet de loi en mentionnant le caractère non sécuritaire des quartiers qui hébergent ces sites. Pourtant, en empêchant la création de ce genre de site par l'imposition de démarches administratives lourdes, les conservateurs contraignent les toxicomanes à consommer leur drogue dans les rues, n'importe où et dans les parcs où les enfants iront jouer le lendemain matin.
Je ne pense pas que la présence de déchets contaminés, comme les seringues, ou la propagation des maladies transmissibles qui découlent d'une injection non supervisée soit rassurante pour les citoyens. Je tiens à insister sur ce point, car j'ai assisté aux conséquences qu'implique l'administration de drogues dans la rue. Je vais donner quelques exemples. On parle des toxicomanes, des personnes qui sont déjà aux prises avec la drogue. Prenons l'exemple de M. et Mme Tout-le-Monde qui se promènent avec leur enfant dans le parc. L'enfant joue dans le carré de sable et, tout à coup, il trouve une seringue. Des garderies ont déjà dénoncé ce phénomène. Les enfants jouent dans le parc et, tout à coup, ils se font piquer par une de ces seringues. Évidemment, il faut immédiatement les conduire à l'hôpital. C'est grave, parce qu'on ne se sent pas en sécurité.
Je n'ai pas à chercher plus loi: j'habite à Ottawa, à 15 minutes de marche de la Chambre des communes. Je me souviens encore que, au printemps dernier, ma colocataire, qui enlevait les feuilles mortes du terrain, a trouvé une seringue devant la maison. Heureusement, elle portait des gants de cuir.
On a eu peur. On s'est dit que c'était grave tout en estimant que c'était exceptionnel.
Quelques mois plus tard, en arrivant à la maison le soir après ma journée de travail au Parlement, qu'est-ce que je vois? Un jeune homme en train de s'injecter de la drogue avec une seringue devant chez moi. On n'est quand même pas dans un quartier pauvre. Cet homme a laissé tombé sa seringue sale devant un hôtel. J'ai eu très peur, alors j'ai informé la police de cette situation et elle est arrivée peu après.
Le lendemain matin, avant de me rendre au travail, qu'est-ce que je vois? Deux femmes en train de ramasser des feuilles avec des gants de caoutchouc très minces. Comme mon anglais n'est pas fort du tout, je ne savais pas comment leur dire de faire attention parce que c'était grave. J'ai essayé de les informer de l'objet dangereux qui se trouvait au sol. Je ne sais pas si elles m'ont comprise, mais j'ai continué à ressentir de l'inquiétude.
Ces femmes, qui travaillent et qui sont mères de famille, se piqueront peut-être par mégarde en touchant ces seringues lancées dans la rue. Une personne qui consomme de la drogue ne pense évidemment qu'à satisfaire son besoin et ne pense pas que son acte entraîne des conséquences.
D'une certaine manière, ces sites peuvent nous aider à encadrer ces problèmes sociaux reliés à la toxicomanie. Ces sites ne servent pas uniquement à encadrer les toxicomanes, ils peuvent nous protéger nous-mêmes.
Un autre élément troublant dans le dépôt de ce projet de loi, c'est qu'il va à l'encontre même d'une décision rendue par la Cour suprême, en 2011. À ce propos, j'aimerais citer un extrait crucial de cette décision:
Dans les cas où, comme en l’espèce, [la preuve révèle que] l’existence d’un site d’injection supervisée diminuera le risque de décès et de maladie et où il n’existe guère, sinon aucune preuve qu’elle aura une incidence négative sur la sécurité publique [bien au contraire], le ministre devrait en règle générale accorder une exemption.
La cour a alors statué que l'organisme InSite devait rester ouvert en vertu de l'exemption prévue à l'article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Même si la cour laisse à la discrétion du ministre les décisions concernant les exemptions des futurs sites d'injection supervisée, elle insiste sur le fait que:
[...] le ministre doit se demander si le refus d’une exemption porterait atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes autrement qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Il est important que tout nouveau projet de loi concernant ces sites tienne compte des décisions de la Cour suprême du Canada.
En conclusion, j'ai développé tout au long de mon discours des arguments qui tendent à montrer que les sites d'injection supervisée sont des lieux sécuritaires, contrôlés et d'encadrement sanitaire et social, pas seulement pour les personnes qui consomment de la drogue. Ils peuvent aussi nous protéger, nous et nos familles, dans la rue.
Quand on est face à de tels éléments tangibles, il faut s'abstenir de proposer des projets de loi dans le seul but de satisfaire une base électorale, mais répondre aux besoins de nos concitoyens.
Nous ne vivons pas dans un monde idéal sans drogue. Il existe des personnes qui souffrent d'un mal les poussant à s'injecter des substances illégales.
Il est de notre devoir de leur proposer des solutions, car interdire l'implantation des seuls cadres pouvant les aider ne va pas supprimer leur dépendance. Cela va même nous mettre, nous, nos familles et nos enfants, en danger de trouver une seringue contaminée dans la rue.