La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 février, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.
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Monsieur le Président, je prends la parole pour m'opposer à la motion à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi .
Aujourd'hui, au Parlement, pour la 65e fois depuis que j'ai été élue députée, le gouvernement a eu recours à l'attribution de temps pour mettre fin au débat. J'étais présente à la Chambre lorsque nous avons discuté de cette motion d'attribution de temps. J'ai été extrêmement surprise d'entendre le ministre dire que nous avons débattu du projet de loi pendant plus de 30 heures. Je serai très claire. Nous avons débattu de ce projet de loi, qui comporte de nombreux volets, pendant seulement deux heures. La mesure législative aborde plusieurs aspects, qu'il s'agisse de la réglementation de l'immigration et des activités des consultants en citoyenneté, de la révocation de la citoyenneté de certaines personnes ou encore de l'admissibilité à la citoyenneté. Pourtant, le Parlement n'aura eu l'occasion d'en discuter qu'une seule fois, c'est-à-dire ce soir. Je me demande ce qui presse tant pour le gouvernement. Pourquoi a-t-il aussi peur que nous débattions des projets de loi? Qu'a-t-il à cacher?
Permettez-moi de signaler à la Chambre qu'une petite partie de ce projet de loi me donne une impression de déjà vu. Je repense au mois de juin l'an dernier, lorsque nous avons étudié un projet de loi d'initiative parlementaire. Tout au long de ce processus, le gouvernement a tenté d'apporter des changements fondamentaux à la citoyenneté au Canada. Comme cette façon de faire allait à l'encontre des règles, le gouvernement a ensuite tenté de modifier celles-ci. Bien sûr, il n'y est pas parvenu, car cela ne relevait pas de sa compétence, et il était à court de temps. Voilà maintenant que deux éléments de cette mesure législative ont été repris et ont été ajoutés à au moins cinq autres aspects pour créer un tout nouveau projet de loi.
Aujourd'hui, j'ai entendu le dire que nous avons passé plus de 30 heures à discuter de cette mesure législative. Il a dû en discuter ailleurs qu'au Parlement, car j'ai fait des vérifications, et nous n'avons débattu de ce projet de loi que pendant deux heures. Ce soir, nous siégerons jusqu'à minuit. Ce sera alors la fin du temps qui nous est alloué pour l'étude de ce projet de loi, et il sera mis aux voix demain. Le projet de loi passera ensuite à l'étape suivante.
C'est ce qui commence à m'inquiéter. Une tendance se dessine. On constate que le gouvernement profite de sa majorité pour intimider. Il utilise des tactiques d'intimidation pour faire adopter rapidement des projets de loi avant que les Canadiens aient la chance de les examiner de trop près. Il veut empêcher la population de découvrir ce qui se cache vraiment dans ce projet de loi.
Je tiens à signaler que j'appuie deux ou trois éléments de cette mesure, bien que ceux-ci soient bien camouflés. Le gouvernement conservateur procède souvent de cette manière. Il dépose un projet de loi omnibus, aussi épais que le bottin téléphonique de plusieurs collectivités de notre merveilleux pays. Il y insère des éléments qui requièrent une action de notre part et les noie au milieu de dispositions terribles qui, en plus d'être mal rédigées, risquent de faire l'objet de contestations constitutionnelles. Et ensuite, il prétend vouloir améliorer les choses.
Je reconnais que le système d'immigration doit être réformé. Les libéraux ont laissé les périodes d'attente s'allonger, et les demandes à traiter se sont accumulées. Certes, il faut clarifier le système d'immigration et le moderniser, mais le ministre s'est servi de ce prétexte pour le démolir. Résultat: le système servira à diviser la nation au lieu de la bâtir. C'est très préoccupant.
Les nouveaux changements rendent la réunification des familles presque impossible. Il faut attendre plus longtemps avant que les conjoints puissent venir ici. Rappelons aussi que des milliers de demandes présentées par des travailleurs qualifiés ont été détruites, alors que ces gens avaient respecté les règles établies. Et maintenant, on a une sorte de loterie pour les parents et les grands-parents. Je conviens que nous voulons accueillir les jeunes les plus prometteurs, mais ces jeunes ont des parents. Ils ne sont pas tombés du ciel.
Notre politique en matière d'immigration avait le pouvoir de bâtir le pays, mais le gouvernement préfère se transformer en agent de placement et fournir aux grandes entreprises des travailleurs étrangers temporaires payés au salaire minimum afin qu'elles puissent réaliser d'énormes bénéfices. Des travailleurs vulnérables sont exploités tandis que des Canadiens passent des centaines d'heures à chercher du travail sans en trouver, puisque les emplois qu'ils pourraient occuper sont donnés à des étrangers. Le système est détraqué.
Cette mesure législative est censée régler les problèmes liés à la citoyenneté, particulièrement la liste d'attente. Récemment, j'ai participé à une cérémonie de citoyenneté. Le juge m'a montré un local rempli de dossiers et il m'a dit qu'il lui faudra beaucoup de temps avant d'en arriver à ces dossiers. Les gens doivent attendre plus de 31 mois après avoir soumis leur demande, et ce, après avoir satisfait à tous les critères. Pendant ce temps, d'éventuels citoyens canadiens sont privés de leurs droits et de l'accès à nombre de leurs responsabilités.
Dans cette mesure législative, rien ne permet d'accélérer le traitement des demandes de citoyenneté ni d'éliminer l'arriéré. Le gouvernement dit qu'il a investi des sommes supplémentaires pour éliminer cet arriéré, mais, en fait, les listes s'allongent, tout comme le délai précédant l'obtention de la citoyenneté.
Je suis heureuse de constater que le projet de loi prévoit la mise en place d'un régime réglementaire visant les consultants. Partout au pays, on entend beaucoup trop souvent parler d'agents et de consultants sans scrupules qui abusent des personnes vulnérables qui se trouvent dans cette situation. Les gens cherchent de l'aide, et ces agents sans scrupules font toutes sortes de promesses. Ensuite, comme il y a beaucoup d'argent en jeu, il est bon de voir que le projet de loi contient des dispositions à cet égard.
Cependant, parallèlement, cette mesure législative comporte un élément que je trouve absolument inacceptable.
Je dois dire à la Chambre ce que signifie la citoyenneté. J'ai choisi de vivre au Canada. Je venue au Canada en 1975, alors que j'étais une jeune enseignante, et j'étais enthousiaste à l'idée d'explorer ce magnifique pays. Je suis tombée amoureuse de ce pays et j'ai décidé que c'était ici que je voulais habiter, fonder une famille et élever mes enfants. Maintenant, j'ai aussi des petits-enfants.
Le jour où je suis devenue citoyenne canadienne a été un moment de grande fierté pour moi. Je me souviens d'avoir rencontré le juge, qui m'a posé quelques questions. J'enseignais les sciences humaines, alors il a présumé que j'avais de bonnes connaissances historiques. Nous avons parlé des expériences que j'avais vécues. J'ai pris une belle photo aux côtés du juge. J'étais devenue citoyenne canadienne. Ce fut un moment très émouvant pour moi, parce que je prends la citoyenneté canadienne très au sérieux. Je la considère comme un honneur et un privilège.
La citoyenneté doit signifier quelque chose. Lorsqu'on assiste à une cérémonie de citoyenneté ici, au Canada, on voit des gens du monde entier qui ont les larmes aux yeux lorsqu'on leur confère la citoyenneté.
Certains députés l'ignorent peut-être, mais vendredi dernier, le 23 mai 2014, était le jour d'un anniversaire important dans l'histoire canadienne, soit celui de la tragédie du Komagata Maru. Ce navire est arrivé au port de Vancouver et, en raison des politiques racistes adoptées par le Parlement de l'époque, on a interdit aux passagers de débarquer. Ils étaient des sujets britanniques, car l'Inde faisait alors partie de l'Empire britannique, mais on les a quand même renvoyés. Certains sont morts en route, d'autres ont été fusillés à leur arrivée en Inde, et d'autres ont vécu bien d'autres problèmes.
Le jour du 100e anniversaire de l'incident, un homme a demandé la parole. Il s'est présenté au micro et a dit: « Après avoir vécu toutes ces années au Canada, j'ai obtenu ma citoyenneté aujourd'hui. Il a fallu que ce soit aujourd'hui. » Il a décrit ce que la citoyenneté canadienne représente pour lui. Voilà quelqu'un qui est devenu citoyen canadien naturalisé, tout comme moi.
Au Canada, nous ne traitons pas différemment ceux qui sont nés ailleurs et qui ont choisi de venir s'établir au Canada parce que, comme on le sait, la plupart d'entre nous sommes devenus citoyens canadiens de cette façon, à l'exception des Autochtones.
Toutefois, avec ce projet de loi, la citoyenneté risque de ne plus signifier la même chose, et pas seulement pour les étrangers qui choisissent de s'établir ici et de devenir citoyens naturalisés. Selon moi, les Canadiens doivent prêter attention aux mesures réelles que prend l'actuel gouvernement. Le projet de loi à l'étude, s'il est adopté tel quel, donnera au ministre — pas aux tribunaux ni à qui que ce soit d'autre — le pouvoir de retirer la citoyenneté canadienne à une personne possédant une double citoyenneté, et ce, même si elle est née au Canada et même si sa famille est ici depuis deux générations.
Comme les députés le savent, la double citoyenneté n'est pas rare au pays. Bon nombre de Canadiens ont une double citoyenneté et...
L'hon. Bal Gosal: Êtes-vous Canadienne, oui ou non?
Mme Jinny Jogindera Sims: Monsieur le Président, j'aimerais que mes collègues apprennent à écouter. Je suis Canadienne et fière de l'être. Dans ce pays, la loi permet aux individus de détenir une double citoyenneté.
Or, ce que le gouvernement tente de faire grâce au projet de loi changerait le concept même de citoyenneté, car le gouvernement permettrait au ministre de retirer la citoyenneté à une personne même si cette dernière est née ici. Je crois que chacun d'entre nous devrait porter une très grande attention à cette disposition, parce qu'il est ici question de retirer la citoyenneté à une personne qui n'est peut-être jamais allée à l'étranger, qui est née ici et qui a passé toute sa vie au Canada.
En passant, je ne blâme pas que les conservateurs: le parti qui siège au fond de la Chambre avait déjà commencé à agir de la sorte parce qu'il avait peur de débattre publiquement des modifications qu'il apportait au régime d'immigration. Ce parti a octroyé plus de pouvoirs aux ministres afin qu'ils puissent faire des modifications derrière des portes closes sans être obligés de se justifier auprès des Canadiens. Le plus inquiétant, c'est que le gouvernement actuel, qui se croit tout puissant, a donné encore plus de pouvoirs aux ministres en ce qui concerne les réfugiés et d'autres dossiers. Le Parlement, en adoptant le projet de loi à l'étude, octroierait au ministre le pouvoir de retirer la citoyenneté à une personne sur le simple fondement de soupçon, sans preuve tangible.
La personne qui souhaite contester la révocation de sa citoyenneté ne peut pas être entendue dans le cadre d'une véritable audience judiciaire ou d'une instance semblable. Le gouvernement peut retirer la citoyenneté à une personne sur la foi de simples soupçons. Il y a de quoi avoir peur. Mais voici ce qui est encore plus inquiétant: ces pouvoirs seront octroyés à certains des ministres qui sont assis en face de moi, de l'autre côté de l'allée. Je peux dire au ministre que cette éventualité devrait inquiéter les Canadiens d'un océan à l'autre.
Au Canada, nous sommes fiers que les citoyens canadiens — qu'ils aient été naturalisés ou qu'ils soient nés ici — ont tous les mêmes droits et les mêmes responsabilités. À cause de cette mesure législative, un groupe de Canadiens sera assujetti à des règles totalement différentes. Leur citoyenneté pourrait leur être retirée et ils pourraient être obligés de quitter le pays sur le caprice d'une personne, et non à la suite d'une instance judiciaire, par exemple. Il ne faut pas utiliser la citoyenneté comme un outil qui fait partie intégrante du système judiciaire.
Soyons clairs. Si une personne obtient la citoyenneté par la fraude, il existe déjà un mécanisme pour la lui retirer. Si quelqu'un a menti ou a intentionnellement commis une fraude afin de se voir octroyer la citoyenneté, il faut bien entendu la lui retirer.
Ce n'est cependant pas ce dont il s'agit dans ce cas-ci. On parle ici d'une personne née au Canada, peut-être même juste un peu plus loin sur la rue Wellington ou encore à l'hôpital de Surrey, dans ma circonscription. À mon avis, les Canadiens doivent être quelque peu inquiets et se demander quel est le sens de la citoyenneté si le ministre peut la révoquer, entre autres sur la foi de simples soupçons?
J'ai lu des propos tenus par le nouveau ministre de l'Immigration et je me disais sans cesse qu'il était impossible qu'un ministre dise de telles choses. Voici ce qu'il a dit: « La citoyenneté n'est pas un droit inaliénable acquis à la naissance ». Si une personne est née au Canada, sa citoyenneté canadienne est certainement un droit acquis à la naissance. C'est ainsi que les gens deviennent des citoyens, à moins d'être naturalisés, auquel cas, ils ont les mêmes droits et privilèges.
Prenons l'exemple des États-Unis. Le gouvernement conservateur aime bien donner en exemple certains des gouvernements qui trouvent grâce à ses yeux à l'occasion. Il s'agit d'une citation concernant la Cour suprême des États-Unis. Le 5 février dernier, Lorne Waldman, président de l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, a dit ceci:
La Cour suprême des États-Unis avait raison il y a plus 50 ans lorsqu'elle a déterminé que la citoyenneté n'était pas un permis que le gouvernement pouvait révoquer pour mauvaise conduite. En tant que Canadiens, nous rendons notre citoyenneté faible et fragile si nous laissons aux ministres le pouvoir d'y mettre fin.
Comme je l'ai dit, le projet de loi comporte des dispositions que nous serions heureux d'appuyer si elles étaient séparées du reste. Par ailleurs, d'autres dispositions nous préoccupent grandement. Je sais que le gouvernement est allergique aux spécialistes et à l'avis des experts, mais tous s'entendent pour dire que cette mesure législative pourrait faire l'objet de contestations en vertu de la Constitution et de la Charte.
Il est trop tard pour réclamer la tenue d'un débat approfondi, mais lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, nous espérons à tout le moins que nous pourrons en débattre de façon productive et que les conservateurs accepteront les amendements que nous proposerons à cette étape.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec mon collègue, le député de .
C'est un plaisir et un privilège pour moi d'avoir l'occasion d'ajouter ma voix a celles qui appuient le projet de loi , le projet de loi ministériel qui renforcerait la valeur de la citoyenneté canadienne. J'aimerais également dire que c'est un privilège d'être un citoyen canadien et de pouvoir prendre la parole à la Chambre. C'est en tant qu'étudiant étranger que je suis venu au Canada pour la première fois en 1968, mais je suis devenu apatride en 1971 lorsque le Canada a décidé de reconnaître la République populaire de Chine plutôt que la République de Chine. Grâce à la générosité du régime d'immigration canadien, j'ai pu présenter une demande de statut de résident permanent, et ensuite, en 1976, j'ai obtenu ma citoyenneté.
Permettez-moi d'examiner certaines des questions abordées dans la Loi sur la citoyenneté modifiée. Comme nous le savons, la citoyenneté canadienne est fortement appréciée partout dans le monde, comme en témoigne le fait que plus de 85 % des résidents permanents admissibles finissent par devenir citoyens canadiens. L'an dernier, on a dénombré près de 129 000 nouveaux citoyens canadiens, qui étaient originaires de pas moins de 219 pays différents, soit une hausse de 14 % par rapport à 2012. Nous pouvons tous être fiers de l'importance accordée à notre citoyenneté et de notre taux de naturalisation. Malheureusement, comme la citoyenneté canadienne est tellement précieuse, certaines personnes sont prêtes à mentir ou à tricher pour l'acquérir. Par exemple, des individus n'hésitent pas à enfreindre la Loi sur la citoyenneté en prétendant résider au Canada alors qu'ils vivent à l'étranger. En fait, plus de 85 % des fraudes liées à la citoyenneté canadienne mettent en cause de fausses déclarations au sujet de la résidence. Dans bien des cas, des résidents permanents ont recours aux services de consultants en immigration qui créent des preuves frauduleuses montrant qu'ils résident au Canada alors qu'ils vivent à l'étranger la plupart du temps, voire tout le temps.
Plus de 3 000 citoyens et 5 000 résidents permanents font l'objet d'enquêtes sur des fraudes à grande échelle, dont la majorité sont liées à la résidence. En outre, près de 2 000 personnes visées par ces enquêtes ont soit abandonné leur demande de citoyenneté, soit retiré celle-ci. Les individus qui cherchent à obtenir la citoyenneté canadienne par des moyens frauduleux n'ont pas un sentiment d'attachement réel envers le Canada. Ils souhaitent obtenir la citoyenneté canadienne simplement pour jouir des nombreux avantages associés à celle-ci ou pour des motifs purement financiers.
À l'heure actuelle, un demandeur doit avoir résidé au Canada pendant trois des quatre années précédentes avant de pouvoir être admissible à la citoyenneté. La principale lacune observée dans les exigences actuelles en matière de citoyenneté est que le mot « résidence » n'est pas défini dans la Loi sur la citoyenneté. Par conséquent, une personne peut obtenir la citoyenneté canadienne même si, en fait, elle a résidé très peu de temps au Canada.
Les changements que nous proposons permettraient de resserrer les règles concernant la résidence, de telle sorte que les adultes qui font une demande de citoyenneté soient tenus d'être présents physiquement au Canada. De plus, nous exigerons que le demandeur ait résidé au Canada pendant quatre des six dernières années, et ce, pendant un minimum de 183 jours au cours de chacune de ces quatre années.
Lors de son témoignage devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, Martin Collacott, un ancien diplomate et porte-parole du Centre pour une réforme des politiques d'immigration, a déclaré ce qui suit:
[...] je crois que les nouveaux venus accorderont davantage de valeur à leur citoyenneté s’ils savent que ce n’est pas quelque chose que l’on peut obtenir à la sauvette et sans répondre à certains critères.
Il a ajouté ce qui suit:
J’appuie donc vigoureusement la disposition du projet de loi C-24 qui vise à s’assurer que les exigences en matière de résidence soient effectivement satisfaites, compte tenu notamment des milliers de personnes dont on sait pertinemment qu’elles ont obtenu leur citoyenneté de façon frauduleuse en déclarant de façon mensongère qu’elles avaient passé une certaine période au Canada.
L'exigence de résidence proposée dans le projet de loi correspond à ce qui est prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu, qui, aux fins de son application, considère non résidentes les personnes qui sont au Canada moins de 183 jours et qui n'ont aucune autre attache au Canada. Contrairement à la majorité des Canadiens, les non-résidents sont généralement uniquement tenus de payer de l'impôt sur leur revenu de source canadienne. Harmoniser les exigences de résidence aux fins de l'obtention de la citoyenneté aux règles de la Loi de l'impôt sur le revenu en matière de résidence contribuerait à renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne. Qui plus est, la nouvelle exigence relative à la résidence renforcera également le lien d'attache de la résidence permanente au Canada.
Dans un témoignage livré récemment devant le comité permanent, l'avocat Richard Kurland, spécialisé en immigration, a déclaré ceci:
Nous avons, pour la première fois, un seuil pragmatique et transparent pour l'obtention de la citoyenneté canadienne. Cela se faisait attendre depuis longtemps.
Évidemment, nous sommes d'accord avec lui. J'ajouterais que ces modifications à la Loi sur la citoyenneté sont également importantes parce que la présence physique au Canada aide à intégrer définitivement les résidents permanents dans la société.
Une période de résidence plus longue permettrait aux nouveaux arrivants de développer un lien plus fort avec le Canada. En outre, la création d'une exigence claire de présence physique plus longue aiderait à dissuader les citoyens de complaisance, ces personnes qui deviennent citoyennes simplement parce qu'il est pratique d'être titulaire d'un passeport canadien et pour accéder à l'éventail complet des avantages financés par l'argent des contribuables qui accompagne ce statut, mais qui n'ont aucunement l'intention de contribuer au Canada ni même d'y résider.
Autrement dit, pour ces personnes, la citoyenneté canadienne n'est guère plus qu'une police d'assurance, comme l'a dit M. Collacott.
Bien entendu, pour appuyer leur admission dans la société canadienne, les candidats à la citoyenneté doivent avant tout avoir une connaissance convenable de l'une ou l'autre de nos langues officielles. Comme l'a dit M. Collacott, il importe d'avoir au moins une maîtrise élémentaire de l’une des langues officielles du Canada pour participer à la vie de notre société et à son économie, mais aussi pour réaliser ses rêves et ses aspirations en tant qu’immigrant.
Le gouvernement estime aussi que les citoyens canadiens doivent avoir une certaine connaissance de notre pays ainsi que des responsabilités et des privilèges associés à la citoyenneté canadienne, car ces connaissances sont essentielles aux nouveaux citoyens pour qu'ils puissent participer à la vie civique. C'est pourquoi le projet de loi élargirait aussi la tranche d'âge des gens qui doivent prouver leurs compétences linguistiques et passer l'examen des connaissances pour la citoyenneté. La tranche d'âge actuelle des gens de 18 à 54 ans s'élargirait pour inclure les gens de 14 à 64 ans.
Cette mesure inciterait plus de gens à acquérir les compétences linguistiques et les connaissances civiques demandées, ce qui favoriserait leur intégration sociale. Un plus grand nombre de nouveaux arrivants seraient ainsi plus prêts à assumer les responsabilités associées à la citoyenneté.
Le prolongement de la période de résidence nécessaire et l'élargissement de la tranche d'âge des gens devant avoir les connaissances et les compétences linguistiques demandées prépareraient un plus grand nombre de nouveaux arrivants à participer pleinement à tous les aspects de la vie au Canada.
Comme je l'ai dit, ces changements auraient aussi un effet dissuasif sur les gens qui cherchent à obtenir la citoyenneté par opportunisme. En somme, les modifications prévues dans le projet de loi protégeraient, tant aujourd'hui que demain, la valeur de la citoyenneté canadienne en faisant en sorte que les citoyens aient des liens concrets avec le Canada.
Dans son témoignage devant le comité permanent, le président-directeur général du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, Shimon Fogel, a déclaré que son organisme voyait d'un bon oeil les mesures du projet de loi visant à ce que les citoyens soient profondément attachés au Canada et qu'ils adhèrent aux valeurs fondamentales des Canadiens. Il a aussi dit que l'instauration d'exigences plus rigoureuses en matière de résidence, notamment la présence physique au Canada pour avoir droit à la citoyenneté, est particulièrement bien reçue par ses membres.
La citoyenneté canadienne est très estimée dans le monde entier. En présentant cette série de mesures de réforme équilibrées, le gouvernement s'assure qu'il en soit toujours ainsi.
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Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir après mon collègue, qui a fort bien présenté la Loi sur la citoyenneté et les changements qu'on envisage d'y apporter grâce au projet de loi . J'aimerais ajouter ma contribution aux explications concernant la façon dont le gouvernement veut renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne.
La Loi canadienne sur la citoyenneté, maintenant âgée de 37 ans, a besoin d'une sérieuse réforme. Initialement, elle visait à faire en sorte que des personnes entreprennent les démarches nécessaires pour devenir citoyens canadiens et se conforment à la loi et aux règlements en vigueur à l'époque.
En réalité, les réformes d'aujourd'hui sont là pour mettre un terme aux abus dont notre système d'immigration fait l'objet et pour faire échec aux individus douteux qui dévalorisent la citoyenneté canadienne en la revendiquant, alors qu'ils n'ont aucun lien avec notre pays.
Évidemment, le gouvernement prend très au sérieux la valeur de la citoyenneté canadienne. C'est pourquoi ce projet de loi nous est présenté aujourd'hui.
La citoyenneté définit ce que nous sommes en tant que Canadiens, mais elle est assortie de certaines responsabilités, comme le respect de la primauté du droit, le devoir de contribuer au bien-être de la collectivité, d'assurer sa subsistance et celle de la famille, et de protéger notre pays.
La citoyenneté implique également que l'on s'engage envers les valeurs enracinées dans notre histoire, comme la paix, la liberté, les droits de la personne, la démocratie et la primauté du droit. La citoyenneté canadienne va bien au-delà du droit d'avoir un passeport. Elle concrétise la valeur même que représente le fait d'être un citoyen canadien.
Un citoyen doit avoir un lien permanent avec son pays et, en l'occurrence, un lien permanent avec notre pays, le Canada.
Le gouvernement et les Canadiens estiment que la citoyenneté a véritablement quelque chose de particulier.
Quand on leur pose la question, les Canadiens de toutes les régions du pays, en particulier ceux qui ont acquis la citoyenneté canadienne, même récemment, disent à quel point il est important d'atteindre cet objectif.
On ne peut pas fixer un prix à la citoyenneté canadienne. Malheureusement, certains essaient de lui conférer une sorte de valeur monétaire.
Les changements envisagés dans ce projet de loi constituent un véritable progrès dans la lutte contre toute tentative de frauder le programme de la citoyenneté canadienne et de priver les citoyens canadiens de l'atout remarquable dont ils bénéficient en obtenant la citoyenneté canadienne.
La fraude à la citoyenneté est un grave problème dans notre pays. On ne peut que le déplorer. L'enquête du gouvernement du Canada sur la fraude à la résidence prend de l'ampleur, puisque près de 11 000 personnes pourraient être impliquées dans des déclarations mensongères pour demander la citoyenneté ou pour maintenir leur statut de résident permanent. Elles ont vraisemblablement prétendu se conformer aux exigences de résidence pour l'obtention de la citoyenneté, alors qu'en réalité, elles vivaient à l'étranger. De telles pratiques dévalorisent la notion de citoyenneté canadienne et l'engagement qu'il faut prendre pour l'obtenir.
La mesure législative dont nous sommes saisis modifierait la Loi sur la citoyenneté de façon non seulement à protéger la valeur de la citoyenneté canadienne contre ceux qui la déprécient, mais également à la valoriser et à en tirer parti.
Voici de quelle façon nous proposons d'y parvenir. Premièrement, à l'heure actuelle, les agents du programme de citoyenneté ne disposent pas des outils leur permettant de déterminer si un consultant a rempli une demande de citoyenneté au nom d'un demandeur. Nous proposons donc d'apporter des modifications à cet égard et d'obliger les demandeurs ayant recours à un représentant pour remplir leur demande de citoyenneté à ne faire appel qu'à un représentant autorisé.
Les modifications proposées à la Loi sur la citoyenneté permettraient au ministre de désigner un organisme chargé de régir la conduite des consultants en citoyenneté et de veiller à l'application des règles. Ces modifications refléteraient les modifications mineures apportées récemment à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Il y a à peine deux ou trois ans, nous avons adopté une nouvelle mesure législative aux termes de laquelle un organisme réglementaire au sein du ministère de la Citoyenneté veillerait à ce que seuls les consultants titulaires d'un permis accordé par le ministère, ayant été approuvés par le ministère et ayant respecté les critères étaient autorisés à représenter les personnes demandant le statut de réfugié, dans le cas de la loi sur les réfugiés, et les personnes demandant la citoyenneté en vertu de cette nouvelle loi.
En réglementant la pratique des consultants, nous offririons aux nouveaux arrivants une protection dont ils ne bénéficient pas à l'heure actuelle.
Nous avons tous entendu dans nos bureaux et dans nos circonscriptions des gens qui viennent nous rencontrer et nous expliquent qu'ils ont tout simplement été clairement extorqués. On leur a fait croire qu'ils pouvaient obtenir la citoyenneté et qu'il leur suffisait de payer 1 000 $, 5 000 $ ou 10 000 $ à une personne qui n'a pas la réputation d'être capable d'obtenir un tel résultat et qui n'a pas de permis de travail en Ontario.
Les modifications proposées renforceraient aussi les peines pour fraude liée à la citoyenneté afin qu'elles concordent avec celles prévues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Les peines pour obtention de la citoyenneté par des moyens frauduleux seraient portées à une amende maximale de 100 000 $ ou un emprisonnement maximal de cinq ans, ou les deux.
Deuxièmement, nous prenons des mesures pour renforcer les exigences de résidence en vue de l'obtention de la citoyenneté. Mon collègue en a parlé brièvement dans son discours. À l'heure actuelle, la Loi sur la citoyenneté ne définit pas ce qu'on entend exactement par « résidence ». Il n'est pas précisé dans la loi ce que signifie le concept de « résidence » ou quelles sont les « exigences en matière de résidence » dans le cadre du processus de demande de citoyenneté.
En vertu de la loi actuelle, les Canadiens qui font une demande de citoyenneté sont simplement tenus d'avoir résidé au Canada pendant trois des quatre dernières années. La modification que nous proposons d'apporter à la loi consiste à stipuler que les demandeurs doivent être physiquement présents au Canada. C'est important, parce que la présence physique au Canada aide les nouveaux arrivants à s'intégrer et à développer un sentiment d'appartenance et d'attachement au Canada.
Cependant, c'est plus que cela. Cela permet aussi à ces personnes d'apprendre ce que c'est que de devenir Canadien, de mieux connaître notre histoire et notre géographie, de savoir ce qui se passe dans l'est ou dans l'ouest de notre grand pays, ce qui se passe en Ontario et au Québec, et de constater que nous avons deux langues officielles. Cela donne aux demandeurs un meilleur éclairage, une connaissance plus approfondie et la conviction que, lorsqu'ils obtiendront la citoyenneté canadienne, ce sera parce qu'ils l'auront méritée et qu'ils comprendront toute sa signification.
Nous prévoyons toutefois une exception pour les demandeurs qui se trouvent à l'étranger parce qu'ils accompagnent leur conjoint ou un parent canadien qui est employé par les Forces armées canadiennes ou qui est fonctionnaire. Nous voulons ainsi empêcher ces résidents permanents d'être pénalisés par le simple fait qu'un membre de leur famille est au service de notre pays à l'étranger.
C'est un cas de figure que nous avions omis de traiter dans le projet de loi précédent, le projet de loi , qui a été adopté à l'unanimité. J'espère que le présent projet de loi sur la citoyenneté sera aussi adopté à l'unanimité. Le précédent projet de loi, le , ne traitait pas du cas où une personne a un conjoint, un parent ou un enfant au service des Forces armées canadiennes. Il ne leur aurait pas donné la possibilité d'obtenir la citoyenneté. Nous veillerons donc à ce que cette possibilité figure dans la loi. Nous voulons aussi allonger la période pendant laquelle la personne doit habiter au Canada et exiger que les Canadiens potentiels aient été physiquement présents au Canada pendant quatre ans au cours des six années précédentes.
Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a eu l'occasion d'entendre des témoignages importants sur le projet de loi. Des organismes comme le Centre pour une réforme des politiques d'immigration et Immigrants for Canada, ainsi que plusieurs avocats spécialisés en droit de l'immigration conviennent qu'en allongeant la période pendant laquelle les demandeurs doivent habiter au Canada, on renforcerait leur attachement au pays de sorte qu'au moment de recevoir leur citoyenneté, ils seraient mieux préparés à devenir Canadiens.
L'avocat spécialisé en droit de l'immigration, M. Reis Pagtakhan, a mentionné que plus une personne vivrait longtemps au Canada, plus fort serait son lien. Il a précisément dit:
Notre citoyenneté accorde des droits et des protections qui échappent à bon nombre de ressortissants étrangers. Comme les citoyens canadiens peuvent voter et se porter candidats aux élections, il est important qu'ils participent à la vie canadienne avant d'accéder à la citoyenneté.
J'abonde dans le même sens. Les nouveaux arrivants devraient bien connaître la culture et la société du Canada avant de faire une demande de citoyenneté. Nous croyons que le Canada a une identité forte, et ce projet de loi ferait fond sur ce sentiment national.
Enfin, les demandeurs devraient indiquer dans leur demande s'ils ont l'intention de résider au Canada. Si un demandeur n'avait pas l'intention de résider dans notre pays après avoir obtenu la citoyenneté ou si le gouvernement obtenait de l'information en ce sens, il ne pourrait pas obtenir la citoyenneté.
Notre citoyenneté est très prisée dans le monde. La citoyenneté canadienne est un honneur et un privilège. Elle est assortie non seulement de droits, mais aussi de responsabilités. Le projet de loi l'affirmerait, en ferait une base et, après 37 ans sans changement à la loi, lui donnerait plus de force et l'améliorerait. Il comblerait une lacune qui aurait dû avoir été comblée il y a longtemps.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
À l'exception de nos frères et soeurs des Premières Nations, tous les députés, sans exception, sont de nouveaux arrivants au pays. Nous devrions faire très attention à cette réalité lorsque nous parlons de citoyenneté. Les membres de ma propre famille sont venus des quatre coins du monde.
Mon époux est originaire de la Hollande, une de mes grand-mères venait des États-Unis, un de mes grand-pères venait d'Angleterre, et mon grand-père paternel était originaire d'Italie. Dans le cas de mon grand-père paternel, diverses histoires circulent sur la raison de son départ d'Italie. Certains parlent de la pauvreté, mais je suis portée à croire que c'est l'incendie qu'il a provoqué accidentellement en fumant sous la véranda d'un poste de police qui l'a forcé à partir. Quelle que soit la raison, tous ceux qui sont venus ici voulaient améliorer leur sort. Ils sont venus pour repartir à neuf, et c'est ce qui rend ce projet de loi si important. C'est aussi la raison pour laquelle il est très important de bien faire les choses en ce qui concerne le projet de loi .
Le projet de loi prétend modifier la Loi sur la citoyenneté. Il inspire toutefois des préoccupations importantes, du moins de ce côté-ci de la Chambre, car les changements proposés par le pourraient se révéler inéquitables et inconstitutionnels. Nous reconnaissons tous la valeur de la citoyenneté canadienne, qui est convoitée par des gens de partout dans le monde. Nous ne voudrions toutefois pas qu'elle serve de prétexte à des jeux partisans, comme c'est trop souvent ce que fait le gouvernement actuel.
Les conservateurs sont bien connus pour politiser des enjeux à seule fin de marquer des points politiques. Ils ont aussi l'habitude de dénoncer violemment tous ceux qui osent les contredire ou s'opposer à leurs plans, qu'il s'agisse de fonctionnaires tels que Linda Keen, Richard Colvin, Kevin Page, Pat Strogran, Munir Sheikh ou Marc Mayrand, de groupes environnementaux, de scientifiques, de syndicats et d'ONG internationales. Comment pourrait-on, en toute confiance, donner au gouvernement le pouvoir de décider qui verra sa citoyenneté révoquée et qui recevra secrètement la citoyenneté canadienne, sans processus judiciaire et sans processus d'appel?
Certains des changements à la Loi sur la citoyenneté viendraient combler des lacunes du système actuel; ce sont des changements positifs. Par exemple, il est grand temps qu'on s'occupe de la question des Canadiens qui ont perdu leur citoyenneté. Cette situation absurde et injuste dure déjà depuis trop longtemps. Le projet de loi permettrait aux personnes nées avant l'entrée en vigueur de la première Loi sur la citoyenneté d'obtenir enfin la citoyenneté canadienne. Leurs enfants, de la première génération, nés à l'extérieur du Canada bénéficieraient aussi de la citoyenneté canadienne, qui leur revient de droit.
Il s'agit là d'un changement positif. Toutefois, d'autres parties du projet de loi inspirent de fortes inquiétudes, comme je l'ai dit plus tôt. Ainsi, le pouvoir de révoquer la citoyenneté d'une personne présente des complications sur le plan juridique. À cela s'ajoute le fait que nous trouvons toujours inquiétantes les propositions qui visent à concentrer plus de pouvoir dans les mains du ministre. Les dispositions du projet de loi permettraient au ministre de révoquer la citoyenneté d'une personne si le ministre ou un employé qu'il a dûment autorisé est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a eu fraude. C'est donc dire que des employés, qui ne sont pas élus et n'ont pas de comptes à rendre aux Canadiens, pourraient déclarer qu'une personne a obtenu sa citoyenneté à la suite d'une fraude.
Jusqu'à maintenant, les situations de ce genre étaient généralement traitées par les tribunaux et le Cabinet, mais ce ne serait plus le cas. On contournerait le processus judiciaire. Les Canadiens doivent-ils comprendre que les conservateurs doutent de la fiabilité du système judiciaire? À moins que leurs doutes ne visent que la Cour suprême.
Cet aspect pose de sérieux problèmes, car le ministre pourrait révoquer la citoyenneté d'une personne en s'appuyant uniquement sur des soupçons sans qu'un tribunal indépendant ne se prononce sur la véracité des allégations. Du côté du gouvernement, personne ne se rend compte que c'est extrêmement dangereux? De nombreux organismes, dont l'Association du Barreau canadien et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, ont exprimé des préoccupations à l'égard de cette disposition et de bien d'autres que renferme le projet de loi, et ils ont proposé plusieurs amendements qui pourraient renforcer celui-ci.
L'un des principaux problèmes que nous avons cernés dans ce projet de loi tient aux vastes pouvoirs discrétionnaires conférés au , surtout en ce qui concerne la révocation de la citoyenneté de personnes ayant une double citoyenneté. C'est extrêmement préoccupant. La législation canadienne a déjà établi des procédures pour punir ceux qui commettent des actes illégaux. Il est inutile d'accorder ces pouvoirs au ministre. Les ministres changent. Le système judiciaire demeure, mais ce projet de loi exclurait la Cour fédérale de l'équation, sauf en certaines circonstances bien précises. Je le répète, il est dangereux d'accorder autant de pouvoir au ministre. Pour une question aussi sérieuse que la citoyenneté, il faut maintenir une instance décisionnaire juste et impartiale.
Selon l'Association du Barreau canadien, la révocation de la citoyenneté est si grave qu'un tribunal établi par la loi, comme la Section d'appel de l'immigration, devrait être habilité à examiner la validité de la décision du ministre de révoquer la citoyenneté de quelqu'un. La disposition conférant au ministre un tel pouvoir créerait un système de citoyenneté à deux niveaux où, pour la même infraction, certains Canadiens se verraient révoquer leur citoyenneté et les autres seraient punis par la justice pénale. Les nouvelles procédures de révocation sont apparemment liées à la loyauté des personnes envers le Canada. On se demande cependant pourquoi il faudrait cibler seulement les personnes qui ont une double citoyenneté. Les conservateurs pensent-ils qu'elles sont moins loyales que les autres? Il faut faire marche arrière et affirmer très clairement que tous les Canadiens doivent être traités avec justice et de la même manière. L'Association du Barreau canadien signale également que ce processus est fort probablement inconstitutionnel et qu'il devrait faire l'objet d'un examen plus poussé. Un grand nombre des processus de révocation sont tout simplement discriminatoires et rétrogrades.
L'UNICEF aussi est intervenu dans le dossier. Il soutient que ces modifications pourraient mettre en danger des enfants vulnérables et les laisser sans protection adéquate. L'éventuelle révocation de la citoyenneté canadienne d'un parent qui a une double citoyenneté pourrait entraîner la séparation d'une famille et l'abandon au Canada d'un enfant, sans parent ni tuteur légal. Il y a quelques semaines à peine, j'assistais à la réunion de l'Union interparlementaire à Genève. Nous avons longuement discuté du problème des enfants abandonnés, des enfants des régions déchirées par la guerre ou des enfants qui ont perdu leurs parents, et de ce que le monde devait faire pour veiller à ce que ces enfants soient protégés et en sécurité, parce qu'ils sont seuls. Et nous voici ici, dans un pays qui est censé être démocratique, qui est censé avoir des principes et des moeurs, en train de créer une situation où un enfant pourrait être abandonné. C'est innommable. C'est incroyable. Où en sommes-nous rendus?
Plus encore, aux termes de ces procédures de révocation, il est possible qu'un enfant soit reconnu ou présumé coupable d'un acte qui justifie la révocation. Il est tout à fait absurde de traiter un enfant de la même façon qu'un adulte. Cela porte atteinte au droit international. Les enfants qui se trouvent dans ces situations risquent de n'avoir aucun lien familial dans leur pays d'origine et peuvent ne pas disposer des mécanismes leur permettant de contester la décision de révoquer leur citoyenneté. Ce sont des enfants dont nous sommes censés nous soucier et que nous sommes censés protéger. Ces éventualités peuvent mettre des enfants dans des situations où leur vie et leur avenir pourraient être en grave danger. L'UNICEF propose d'incorporer un amendement qui exigerait que les enfants de moins de 18 ans ne soient pas inclus dans l'évaluation.
Le Canada est fier de son taux élevé de naturalisation. Il compte parmi les plus élevés de l'OCDE, et nous devrions continuer d'encourager les gens à devenir de nouveaux citoyens au lieu de créer des procédures qui ne font que rendre la chose plus difficile. Ces personnes pourraient devenir notre meilleur atout. Elles représentent 67 % de notre croissance démographique annuelle. Il est impératif que nous apportions les modifications nécessaires à ce projet de loi pour que notre société continue de s'épanouir et de tirer parti des nouveaux immigrants au Canada.
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Monsieur le Président, je suis vraiment reconnaissante d'avoir l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi à l'étude aujourd'hui à la Chambre, parce qu'il y a tellement d'autres projets de loi dont j'aurais voulu traiter. Le gouvernement a constamment mis fin au débat de force, que ce soit par la clôture ou l'attribution du temps. Il l'a fait jusqu'à maintenant 60 fois. Même dans le cadre de l'étude du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, nous sommes restreints par l'attribution de temps. J'aurais voulu faire un discours de 20 minutes, mais je n'en aurai pas le temps.
En février, le a présenté le projet de loi . Il a déclaré que ce projet de loi et les changements qu'on y propose visent réellement à réduire la fraude en matière de citoyenneté, à accroître l'efficience du système et à réduire l'arriéré de cas. Il a dit que cette loi « protégera la valeur de la citoyenneté canadienne pour ceux qui la possèdent et établira un processus plus rapide et plus efficace pour ceux qui souhaitent l'obtenir ». Pourtant, le projet de loi ne fait rien de tel, ou en tout cas, pas grand-chose.
J'accorde personnellement beaucoup de valeur à ma citoyenneté canadienne et je suis certaine que tout le monde conviendra que la citoyenneté canadienne a une valeur immense pour chacun. Tous les Canadiens y tiennent énormément. Je ne veux pas qu'on apporte des changements à notre système, à Citoyenneté et Immigration, de manière à injecter une dose de politique partisane dans un élément qui est d'une importance aussi fondamentale pour tellement de gens.
J'accueille favorablement certains des changements prévus par le projet de loi puisqu'ils permettent de combler des lacunes de longue date du système actuel. Nous estimons cependant que bon nombre des autres changements proposés par le projet de loi sont problématiques et que d'importants amendements seront nécessaires pour protéger la citoyenneté canadienne qui nous est si chère.
Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, dont je fais partie, réalise actuellement une étude préalable de l'objet du projet de loi. Nous avons entendu un certain nombre de témoins, mais de nombreux autres nous ont écrit pour nous faire part de leur désir de comparaître lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité pour l'étude en bonne et due forme. Compte tenu du fait que les conservateurs ont limité le débat à la Chambre au moyen de l'attribution de temps, je crains que nous ne soyons pas en mesure de faire une étude complète du projet de loi à l'étape de l'étude en comité et que nous ne puissions pas entendre davantage de témoins.
J'aimerais mentionner deux des organisations qui ont demandé à comparaître. Il ne s'agit pas de particuliers. Les Canadiens qui souhaitent témoigner à titre personnel devraient pouvoir le faire. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés souhaite faire une présentation, mais il ne le pourra pas. Amnistie Internationale souhaite faire une présentation, mais elle ne le pourra probablement pas. Il s'agit dans les deux cas de témoins experts qui ont indiqué vouloir témoigner devant le comité, mais je crains que nous ne puissions pas étudier le projet de loi comme il se doit lorsqu'il sera renvoyé au comité.
Un des éléments positifs du projet de loi est le problème des Canadiens ayant perdu leur citoyenneté. Il est grand temps que celui-ci soit réglé puisqu'il s'agit d'une situation injuste qui perdure depuis trop longtemps. Le Conseil canadien pour les réfugiés et quelques autres témoins nous ont dit qu'ils étaient favorables aux mesures visant à corriger ces exclusions injustes qui durent depuis des décennies. Il s'agit bien sûr des Canadiens dépossédés de leur citoyenneté qui sont nés avant 1947.
Toutefois, le conseil a dit regretter qu'aucune mesure ne soit prévue pour remédier aux situations injustes causées par les modifications apportées par le gouvernement en 2009, qui visaient à refuser la citoyenneté aux Canadiens de deuxième génération nés à l'étranger. Le Canada est en train de créer une autre génération de Canadiens apatrides en faisant perdre la citoyenneté canadienne à des enfants nés de parents canadiens. Nous agissons ainsi alors que nous sommes signataires de la Convention de l'ONU sur la réduction des cas d'apatridie.
Je sais que j'ai dit que j'allais parler des bons éléments du projet de loi, mais même ces derniers laissent un peu à désirer.
Un deuxième élément positif du projet de loi est qu'il permet aux résidents permanents qui servent actuellement dans les Forces canadiennes d'obtenir plus rapidement leur citoyenneté. Dans le cadre d'une autre étude réalisée par le Comité de la citoyenneté, un représentant des forces a fourni des statistiques réelles. Il a dit que, en moyenne, 15 personnes bénéficieraient de cette mesure qui réduirait la durée de résidence requise, qui vient de passer à quatre ans, à trois ans pour les résidents permanents servant dans les forces armées. C'est une merveilleuse façon de remercier les membres de nos forces armées.
Un troisième bon élément du projet de loi est qu'il impose des règles plus strictes pour les consultants en immigration véreux. Il est grand temps que nous réglementions ces consultants en immigration. C'est une initiative qui a été réclamée par le NPD. Nous ne pouvons tolérer ou approuver la fraude en matière d'immigration. Nous avons incité le gouvernement à adopter des lois sévères pour sévir contre les consultants en immigration véreux. Nous avons appuyé les mesures de lutte contre la fraude. Nous aimerions que la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada disposent de plus de ressources afin qu'elles puissent continuer à repérer les fraudeurs qui causent du tort à beaucoup de citoyens au Canada et qui, pour être honnête, augmentent la charge de travail dans les bureaux de nombreux députés.
Je vais maintenant parler des aspects négatifs du projet de loi, quoique mon temps de parole ne saurait suffire pour en aborder tous les mauvais éléments.
Le projet de loi créerait bien trop d'obstacles à l'obtention de la citoyenneté. Il rallongerait le délai d'attente requis pour l'admissibilité. Il n'accorderait aucune valeur au temps passé au Canada avant l'obtention de la résidence permanente. UNICEF Canada nous a fait parvenir un mémoire qui dit que cela contreviendrait à la Convention relative aux droits de l'enfant, dont nous sommes signataires.
Le projet de loi doublerait les droits exigés en les faisant passer de 200 à 400 $. À l'heure actuelle, l'exigence du test de langue s'applique aux personnes âgées de 18 à 54 ans. Le projet de loi l'appliquerait plutôt aux personnes âgées de 14 à 64 ans.
J'ai tant de choses à dire, le temps me manque. Examinons ce que l'UNICEF a dit à propos de ces modifications.
Le projet de loi C-24 prévoit la modification du paragraphe 5(2) de la Loi sur la citoyenneté [...] Ce changement à la fourchette d’âges est problématique pour les enfants immigrants et réfugiés pour un certain nombre de raisons. Par exemple, l’évaluation des connaissances linguistiques et générales des enfants risque de compromettre la réunion de ces enfants à leur famille et de les priver de leur droit à la réunification familiale, garanti par la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l’enfant (article 10). Cette mesure ne tient pas compte du stress supplémentaire qu’impose ce genre de test ni de l’aptitude des enfants à réussir dans ce genre d’environnement. Dans certains cas, ces enfants peuvent — selon les circonstances de leur vie et leur trajet migratoire — craindre l’autorité, avoir subi des traumatismes dans leur pays d’origine ou avoir fait d’autres expériences susceptibles de compromettre leur aptitude à réussir ce genre de test.
Et ça se poursuit.
Je n'ai même pas parlé du fait que le projet de loi autoriserait la révocation de la citoyenneté, une procédure qui serait fondée sur la création de deux catégories de citoyenneté au Canada.
À ce que je sache, on est citoyen canadien ou on ne l'est pas. Il n'y a pas de catégorie intermédiaire. Or, le gouvernement propose de créer deux classes de citoyens canadiens: d'un côté, ceux qui ont la citoyenneté canadienne seulement et, d'un autre côté, ceux qui ont une double citoyenneté ou ceux dont le ministre a des raisons de croire qu'ils ont une double citoyenneté. Si c'est le cas, qu'une personne détienne réellement une double citoyenneté, qu'elle souhaite l'acquérir ou que le ministre la soupçonne de l'avoir, il incombe maintenant à cette personne de prouver son statut au ministre. Le ministre aura le pouvoir de révoquer la citoyenneté d'une personne en raison d'un crime commis dans un autre pays.
Voilà qui prouve combien le projet de loi est bourré d'éléments boiteux.
J'aurais aimé avoir plus de temps; je regrette que le débat fasse l'objet d'une motion d'attribution de temps. J'aurais voulu parler de tant d'autres choses. J'espère que mes collègues poseront des questions sur les contraintes imposées aux gens en attente d'un statut de résident permanent canadien et sur ce que ces derniers ont à offrir.
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Monsieur le Président, je remercie tous les députés présents ce soir à la Chambre et les intervenants partout au Canada qui participent à ce débat. C'est un débat important et historique, et il aura une incidence sur les générations futures de Néo-Canadiens, les Canadiens ayant perdu leur citoyenneté et ceux qui, injustement, n'ont pas pu profiter des privilèges de la citoyenneté. Il est également très important pour tous ceux qui sont très fiers de leur citoyenneté canadienne.
C'est une coïncidence que ce débat ait lieu maintenant, car le 22 mai 1914, il y a 100 ans ce mois-ci, le député de Calgary de l'époque, R. B. Bennett, alors dans la quarantaine, déclarait ce qui suit:
Si la participation à nos destinées, si la jouissance de droits de citoyens au Canada, sont, comme je le crois, des privilèges tellement précieux que je ne les puis mesurer ni exprimer par des mots [...] ce n'est pas trop de cinq ans.
Il a ajouté ceci:
[...] que ceux qui viendront après nous ne dégénèrent pas en rien [...] nous ne saurions atteindre ce résultat à moins de faire quelque chose pour instruire les nouveaux venus, désireux de se faire naturaliser, des bienfaits et privilèges, comme aussi des responsabilités et obligations que comporte cette qualité de citoyen.
C'est ce qu'a déclaré R.B. Bennett il y a cent ans ce mois-ci. La citoyenneté canadienne est un concept juridique centenaire. Je ne m'étais pas rendu compte que la Chambre l'avait inscrit dans la loi bien avant la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947. Cet extrait est tiré du débat sur la Loi de naturalisation de 1914 qui fut un pas historique pour notre identité canadienne, nos droits en tant que citoyens, notre autonomie au sein de l'Empire britannique et notre accession au statut de pays à part entière, un statut que nous n'avions pas encore en ce mois de mai 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale... mais auquel nous avons accédé peu après.
Une voix: Le Statut de Westminster.
L'hon. Chris Alexander: Monsieur le Président, les députés me font penser au Statut de Westminster et à la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est qu'en 1947 que nous avons adopté notre première Loi sur la citoyenneté. La citoyenneté canadienne découle d'une noble tradition.
[Français]
Cela représente la fierté des Canadiens français, des colons et des habitants de la Nouvelle-France, qui croyaient à la vertu de leur système de gouvernement et à la force de leurs institutions sous le règne de Louis XIV.
[Traduction]
Cette tradition se nourrit de la fierté qu'ont les Premières Nations de leur rôle à l'égard du territoire, de ses lacs, de ses rivières et de ses vastes espaces, du soin qu'elles prennent de ces endroits et du respect qu'elles ont toujours voué à notre patrimoine naturel. Elle s'appuie sur la conviction plusieurs fois centenaire selon laquelle, comme le disait Bennett, les privilèges de la citoyenneté s'accompagnent aussi de responsabilités. Ces responsabilités, les Canadiens les ont assumées pendant la guerre de 1812, puis à plus grande échelle encore après ce débat qui a eu lieu il y a aujourd'hui 100 ans, lorsque l'Europe est entrée en guerre et que le Canada lui a emboîté le pas. Cette tradition a évolué et s'est modifiée de génération en génération. Elle est toujours restée dans l'air du temps. En fait, à bien des égards, elle a souvent été en avance sur son temps.
J'ai eu le plaisir de rencontrer le haut-commissaire des Nations-Unies pour les réfugiés, Antonio Guterres. Tout le monde sait qu'il est de passage au Canada pour faire une tournée du pays et qu'il continue de nous citer en exemple pour la manière dont nous traitons les demandeurs d'asile et les réfugiés. Toute cette générosité s'explique par les assises solides sur lesquelles repose notre citoyenneté de même que les privilèges et les responsabilités qui nous incombent comme membres de la société, comme électeurs, comme représentants du peuple ou comme titulaires d'un passeport qui nous donne le droit de nous rendre partout sur la planète.
De ce côté-ci de la Chambre, nous ne prenons pas les responsabilités associées à la citoyenneté à la légère. Les députés conservateurs comprennent, comme la vaste majorité des Canadiens, qu'il y a trop longtemps que l'institution qu'est la citoyenneté canadienne n'a pas été réformée et modernisée en profondeur, la dernière refonte remontant à 1977, c'est-à-dire à il y a 37 ans. Voilà pourquoi nous sommes ici ce soir. Voilà pourquoi nous avons consacré plusieurs jours de débat à la deuxième lecture de ce projet de loi. Nous avons aussi consacré plusieurs soirs de séance à son étude en comité. Nous allons d'ailleurs continuer à écouter l'opposition avec intérêt, dans l'espoir qu'elle nous propose qu'elle chose de nouveau eu lieu de répéter inlassablement, comme des marionnettes, les déclarations complètement loufoques de l'Association du Barreau canadien ou de quelques témoins qui n'entendent rien à la signification que revêt la citoyenneté canadienne de nos jours. Jusqu'ici, nous n'avons pas eu droit à grand-chose d'original de la part de l'opposition. Nous ne désespérons cependant pas, puisqu'il reste encore du temps. Nous serons nombreux, de ce côté-ci, à écouter.
Entretemps, ne perdons pas de vue ce que le projet de loi accomplirait. Il rendrait le traitement des demandes de citoyenneté plus efficient. Il rehausserait le prestige de la citoyenneté. Il renforcerait l'intégrité du programme et y contrerait la fraude. Il permettrait de protéger et d'affirmer les valeurs des Canadiens ainsi que de veiller à leurs intérêts. Mais, à court terme, c'est ce qui touche le traitement des dossiers qui compte le plus pour les députés, car nous avons tous de nouveaux Canadiens, des immigrants et des résidents permanents parmi nos électeurs.
La citoyenneté canadienne n'a jamais été aussi prisée. Notre taux de naturalisation compte parmi les plus élevés du monde. Il est peut-être même le plus élevé: 86 %, c'est nettement plus que ceux de l'Australie, des États-Unis, du Royaume-Uni et d'autres pays d'immigration. Il a d'ailleurs augmenté depuis que notre gouvernement est au pouvoir alors que nous avons légèrement haussé la barre relativement aux compétences linguistiques et aux connaissances exigées pour obtenir la citoyenneté canadienne, car nous estimons qu'il faut resserrer...
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Monsieur le Président, nous sommes déterminés à ce que le traitement des demandes se fasse, mais nous voulons aussi continuer de renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne de sorte que ce ne soit pas seulement en étant intéressé par le Canada, en y étant domicilié ou en y étant déjà allé qu'on puisse devenir citoyen canadien.
Depuis 1914, lorsque la période de résidence est passée à cinq ans, la citoyenneté canadienne s'est invariablement fondée sur le principe de la résidence. Cette période est restée la même pendant de très nombreuses années. Au cours des années 1970, le gouvernement Trudeau l'a réduite à trois ans, ce qui n'était pas suffisant. Cette période était beaucoup plus courte que celle de l'Australie, des États-Unis, de tous les pays comparables au Canada, de la France et d'autres pays d'Europe. La période de résidence est beaucoup plus longue dans bon nombre de ces pays; elle peut être de sept ans, voire de dix ans.
Il y a eu une courte période pendant laquelle quelques privilégiés ont pu, en payant les bons avocats ou des consultants véreux, être acceptés sans avoir respecté toutes les exigences. Certains ont ainsi déclaré faussement qu'ils avaient résidé au Canada pendant trois ans. Cela a entaché la réputation de la citoyenneté canadienne et lui a fait perdre de sa valeur. Le Canada a été la risée de certains pays pour ce qui est de sa citoyenneté.
C'est notre gouvernement qui a fait plus qu'aucun autre dans notre histoire pour mettre fin à ces abus qui ont commencé en 1977 avec un mauvais modèle de citoyenneté, et nous sommes absolument convaincus que c'est la chose à faire que d'exiger quatre années sur six de présence physique dans notre pays et d'être en mesure de vérifier que les gens sont vraiment ici, d'être capable d'éviter toute cette paperasse, ces montagnes de reçus et de billets d'avion que les gens devaient apporter avec leur demande de citoyenneté. À partir de l'année prochaine, nous serions en mesure de tout faire cela électroniquement et il n'y aurait aucune fraude associée à notre exigence en matière de résidence.
Nous préciserions clairement que la résidence signifie la présence physique. Nous demanderions aux demandeurs de citoyenneté non seulement d'être physiquement présents, mais aussi de dire au départ qu'ils ont l'intention de résider au Canada. Il semble raisonnable de croire qu'une personne qui est physiquement présente au Canada depuis trois ou quatre ans a vraiment l'intention de rester ici.
L'opposition semble croire que les gens se retrouvent ici par accident, qu'ils n'ont pas l'intention d'être ici et que nous ne devrions pas leur demander quelle est leur intention parce qu'ils sont ici de toute façon. C'est comme s'ils s'étaient retrouvés au Canada dans un accès de somnambulisme. Tel est le point de vue de l'Association du Barreau canadien. C'est aussi le point de vue de certains de nos vis-à-vis.
Est-ce que cela limiterait leur liberté de circulation? Absolument pas. Pour les gens qui disent avoir l'intention de résider au Canada, mais qui décident ensuite d'aller vivre ailleurs ou d'épouser quelqu'un qui vit ailleurs ou d'accepter une offre d'emploi ailleurs, leur intention de résidence au Canada prend fin. Leur présence physique au Canada cesse. À ce moment-là de leur vie, ils ne seraient pas admissibles à la citoyenneté canadienne. C'est ainsi.
Leurs droits fondamentaux, les droits qui leur sont conférés par la Charte canadienne, leurs droits à titre de résidents permanents ne seraient nullement touchés. Ils ont simplement changé leurs plans. Quiconque prétend que c'est de l'ingérence, que c'est un fardeau injuste pour les nouveaux Canadiens ne s'est pas entretenu récemment avec de nouveaux immigrants. Les immigrants récents sont fiers de dire qu'ils ont l'intention de résider ici. Ils veulent devenir citoyens le plus rapidement possible.
À l'heure actuelle, déjà, ce n'est pas trois ans en moyenne que les gens passent ici; en moyenne, la majorité des nouveaux Canadiens ont passé quatre ans au Canada avant de demander de devenir citoyens canadiens. Nous nous trouvons simplement à faire du rattrapage par rapport à la réalité. En fait, les Canadiens nous demandent de prendre cette mesure pour garantir que le lien, l'intégration, le sentiment d'appartenance sont solides, comme ils doivent l'être pour des citoyens qui partagent des institutions politiques et le fardeau de participer tous ensemble à notre démocratie.
La troisième série de mesures que nous proposons dans ce projet de loi se rapportent notamment à la fraude et à l'exploitation du processus menant à la citoyenneté. Je suis content d'entendre quelques députés de l'opposition dire qu'ils sont heureux de voir qu'un régime réglementaire sera mis en place pour les consultants en citoyenneté.
Il y a maintenant beaucoup plus de consultants en immigration. Nous avons bien réussi à réglementer leurs activités, pour nous assurer qu'ils s'autoréglementent et que les consultants qui incitent les gens à obtenir leur résidence de manière frauduleuse ou à abuser autrement du système soient dorénavant interdits de pratique. Nous avons veillé à ce que les gens reçoivent des conseils judicieux et des services honnêtes.
Nous avons tous entendu parler de cas, dans nos bureaux de circonscription, de personnes qui ont dépensé des sommes faramineuses dans différentes parties du monde pour venir au Canada, mais dont le consultant a disparu après leur avoir donné des conseils erronés ou n'avoir présenté qu'une partie de leur demande. Nous ne voulons pas que notre citoyenneté soit associée à ce genre de services. Grâce aux mesures que nous proposons, nous ferions un pas de plus pour nous assurer que cela n'arrive pas.
La pénalité en cas de fraude dans le domaine de la citoyenneté serait plus lourde. Nous simplifierions le processus de révocation et interdirions aux personnes dont la citoyenneté a été révoquée parce qu'elle avait été obtenue de manière frauduleuse de refaire une demande pendant 10 ans. Les députés le savaient-ils? Savaient-ils que ceux qui ont obtenu frauduleusement leur citoyenneté, par la suite révoquée par le Cabinet, pouvaient présenter une autre demande de citoyenneté? Ce n'était pas considéré comme un crime.
Les criminels sont interdits de territoire au Canada. En vertu de ce projet de loi, ils ne pourraient pas devenir citoyens, mais nous laissions encore des gens qui ont fraudé le système de citoyenneté revenir et devenir citoyens. Cela ne serait plus possible.
Nous allons également révoquer la citoyenneté canadienne de ceux qui ont la double citoyenneté et qui sont membres d'une force armée ou d'une organisation armée en conflit armé contre le Canada. La citoyenneté sera refusée aux résidents permanents qui sont dans la même situation. Les titulaires de la double citoyenneté et les résidents permanents condamnés pour terrorisme, haute trahison ou espionnage subiront le même sort, en fonction de la sentence prononcée contre eux.
Certains députés d'en face, de même, encore une fois, que l'Association du Barreau, ont psalmodié, comme un mauvais choeur grec — et je ne veux pas faire offense au , je parle du choeur dans les tragédies de la Grèce antique.
En fait, c'est très simple, et tous ceux qui occupent les bancs de l'opposition feraient bien de comprendre la différence. On est citoyen si on ne commet pas ces crimes. Si on les commet, on n'est plus citoyen. Voilà la différence. Il n'y a pas deux catégories de citoyenneté. Il n'y aura pas de citoyens canadiens possédant aussi une autre nationalité, s'ils ont commis des actes graves de déloyauté envers le Canada —
M. Kevin Lamoureux: Mais s'ils n'ont que la citoyenneté du Canada...
L'hon. Chris Alexander: Monsieur le Président, je suis encore victime du chahut du Parti libéral. Toute la journée, les libéraux ont agi ainsi.
Pourtant, le Parti libéral a défendu les mêmes principes. Sa Loi sur la citoyenneté de 1947 permettait de priver de la citoyenneté ceux qui se rendaient coupables de trahison, quitte à en faire des apatrides.
Voilà ce que faisait le Parti libéral lorsqu'il défendait la citoyenneté canadienne, après avoir affronté les rigueurs de la guerre, lorsqu'il avait des personnalités solides pour occuper le premier rang, et lorsqu'il faisait preuve de responsabilité financière. Aujourd'hui, les libéraux s'en moquent, mais disons-le en toute honnêteté: Louis Saint-Laurent faisait preuve d'une grande responsabilité financière. Mais c'était il y a bien longtemps, avant même que les gens d'en face ne soient nés.
Mais tout cela a été abandonné en 1977, avec l'apparition du modèle Trudeau. Le Canada a reconnu, à juste titre, la double citoyenneté, ce que nous respectons. En revanche, les sanctions ont pratiquement disparu et on n'a plus cherché à savoir si les requérants étaient animés d'une profonde loyauté envers le Canada, ses institutions et ses lois. C'était presque l'impunité.
Sans doute ne faut-il pas se surprendre que, à cette époque, le Parti libéral se soit situé quelque part entre les deux superpuissances durant la guerre froide, lorsqu'il faisait du pied à Moscou, renonçant aux principes que les Canadiens défendent depuis des siècles.
Cette mesure est raisonnable. Elle ne créerait pas d'apatrides. Elle ne s'appliquerait pas à ceux qui ne possèdent que la citoyenneté canadienne, et tous ceux qui ne veulent pas y être assujettis peuvent renoncer à leur autre citoyenneté.
Les révocations de citoyenneté qui viseraient les personnes ayant une double citoyenneté seraient beaucoup moins nombreuses dans le cas de tels crimes que dans le cas d'intentions frauduleuses.
Cette mesure est la chose à faire. Elle enverrait un message très clair. Elle serait un puissant moyen de dissuasion qui ferait comprendre aux gens de notre pays et de l'étranger que nous ne plaisantons pas non seulement avec les privilèges et les avantages de la citoyenneté, mais également avec les responsabilités que doivent assumer ceux qui possèdent un passeport canadien, qui votent dans notre pays, qui sont fiers d'être citoyens canadiens et qui doivent servir d'exemples. Comme c'est le cas depuis 100 ans d'ailleurs.