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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 122 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 octobre 2018

[Énregistrement électronique]

(1110)

[Traduction]

    Je vous souhaite tous la bienvenue à la séance no 122 du Comité permanent du patrimoine canadien.
    Je m'excuse du petit retard, mais tout ira bien maintenant.
    Nous accueillons aujourd'hui des témoins dans le cadre de notre étude du projet de loi C-391, Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones. Nous avons M. Travis Gladue, de la Bigstone Empowerment Society, et nous avons M. Dean Oliver, du Musée canadien de l'histoire.
    Nous avons une autre témoin sur la liste, mais j'aimerais vérifier si elle se trouve dans la salle. Il s'agit de Sarah Pash, de l'Aanischaaukamikw Cree Cultural Institute.
    Elle n'est pas encore arrivée, très bien. Nous allons commencer, donc, par les témoins qui sont dans la salle.
    Je vous signale que vous avez accès à des services d'interprétation. Les députés vous poseront des questions en anglais et en français, car le Comité travaille dans les deux langues officielles. Si vous avez besoin d'interprétation, vous pouvez utiliser les écouteurs.
    Pouvons-nous commencer par le Musée canadien de l'histoire?
    Monsieur Oliver, allez-y, s'il vous plaît.
    Bonjour, madame la présidente.
    Le Musée canadien de l'histoire est heureux d'avoir la possibilité de discuter du projet de loi C-391 et de la proposition visant à créer une stratégie nationale pour le rapatriement des biens autochtones.
    En tant qu'institution ayant toujours été à l'avant-scène en matière de rapatriement et de réconciliation avec les communautés autochtones, nous sommes ravis d'avoir été invités à vous faire part de nos expériences et de nos recommandations. Nous sommes reconnaissants également d'avoir eu la possibilité de rencontrer le parrain du projet de loi plus tôt cette année pour lui faire part de nos commentaires et de nos conseils, que je prendrai soin de détailler plus loin.
    Le musée, comme nombre d'entre vous le savent, est le musée national d'histoire du Canada. Il est l'un des six musées nationaux au pays. Il a reçu le mandat, dans le cadre de la Loi sur les musées de 1990, de recueillir des objets d'intérêt historique ou culturel afin de les préserver au nom de l'ensemble de la population canadienne. La collection unique du musée représente le pays en entier, tous ses habitants, et est très bien documentée. Elle a été constituée, et continue d'être enrichie et gérée, avec une attention toute particulière.
    Le musée détient, je pense, la plus importante collection canadienne d'objets liés à l'histoire et à la culture autochtone. Les éléments qui la composent ont été rassemblés pendant plus de 150 ans. Le Musée canadien de l'histoire est bien connu dans la communauté muséologique pour son travail en étroite collaboration, en concertation et en partenariat avec les communautés autochtones. Plusieurs d'entre elles sont d'ailleurs fières de voir leur culture et leur histoire présentées au musée.
    Le musée a récemment inauguré la salle de l'Histoire canadienne. Il s'agit, à ce jour, de la plus importante exposition consacrée à l'histoire canadienne. Le parcours de cette exposition commence par un récit autochtone sur la création et se poursuit au fil de récits autochtones, qui constituent la toile de fond de la salle. Couvrant 15 000 ans d'histoire, celle-ci intègre donc pleinement l'histoire autochtone à ce qui compose le musée. L'une des sections de la salle, pour vous donner un exemple, présente une reconstitution numérique d'une famille autochtone sechelte de haut rang ayant vécu il y a environ 4 000 ans. Ce module a été créé en étroite collaboration avec cette communauté autochtone, qui en présente une version identique dans le musée de la communauté à Sechelt, sur la côte du Pacifique, en Colombie-Britannique. La salle entière, en fait, a été créée en collaboration avec des communautés autochtones de partout au pays, ainsi qu'en concertation avec un comité consultatif autochtone. Elle a été conçue en outre par quelqu'un que nombre d'entre vous connaissent, l'architecte autochtone Douglas Cardinal, qui a dessiné les plans de l'édifice original du musée.
    Dans son rapport présenté en 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a souligné le leadership du musée dans ce type d'engagement, fondé sur des principes, avec les communautés autochtones. De tels projets collaboratifs permettent, à notre avis, de tisser des liens forts et positifs avec les communautés et de mettre en commun les connaissances et le savoir-faire. Nous y sommes parvenus grâce à notre travail au quotidien, mais aussi grâce à des programmes plus officiels, comme le projet concernant les objets sacrés qui offre la possibilité à des représentants de différentes communautés de venir au musée pour mettre en commun leurs connaissances des techniques traditionnelles de manipulation et de préservation des objets.
    Le Programme de formation en pratiques muséales destiné aux Autochtones de la RBC, créé au début des années 1990, offre quant à lui une formation muséale professionnelle et technique aux participants métis, inuits et issus des Premières Nations qui proviennent de partout au pays. Cela contribue à la préservation et la diffusion de l'histoire et de la culture de leur communauté. Le programme compte désormais plus de 100 jeunes diplômés autochtones en muséologie.
    Le musée s'est activement engagé dans les efforts de rapatriement menés depuis environ quatre décennies. Depuis le début des années 1990, le rapatriement d'objets de la collection nationale a également été ajouté aux négociations de traités. Le musée participe directement aux négociations, en fournissant de l'information sur les collections aux participants et en discutant du rapatriement conformément à ses propres politiques et pratiques.
    En plus de la négociation de traités, les ententes liées à la garde ou au partage sont un autre moyen important pour le musée de partager la responsabilité de ses collections et l'accès à celles-ci. À titre d'exemple, le musée a conclu une entente liée à la garde avec la nation Nisga'a qui prévoit que les objets d'origine nisga'a sont partagés, sur une base permanente et continue, avec la communauté.
    Cette entente porte sur la nécessité de consultation en ce qui a trait à l'inclusion des pratiques culturelles nisga'a dans la préservation des objets qui demeurent au musée et aux acquisitions éventuelles d'objets nisga'a. Stephanie Halapija, la directrice du musée nisga'a, a parlé de la mise en oeuvre de l'entente comme d'une « illustration concrète du processus de réconciliation ».
    Comme l'a réitéré le parrain du projet de loi devant le Comité le 18 septembre dernier, l'objectif sous-jacent est d'ajouter une autre voix ou une autre porte d'accès pour la tenue de discussions sur le rapatriement d'objets. C'est un objectif qu'a également le musée.
    D'après ce que nous avons compris directement et indirectement du parrain du projet de loi, il a souhaité rédiger ce document afin de répondre aux préoccupations qu'il avait concernant un petit musée de sa circonscription qu'il souhaitait aider dans ses efforts visant le rapatriement d'un objet conservé dans un musée international. On nous a fait part de la stratégie proposée au printemps. Cette stratégie porte la promesse de soutenir la restitution des biens culturels autochtones, en vertu de conditions particulières, et d'améliorer l'accès à ces biens à des fins éducatives ou cérémonielles comme principes d'égale importance.
    Le musée adhère sans réserve aux mêmes objectifs et travaille en ce sens, comme je l'ai mentionné plus tôt, et c'est le cas depuis très longtemps déjà. Toutefois, le musée souhaiterait ajouter les suggestions suivantes à l'examen du Comité — comme nous l'avons fait lors de notre rencontre avec le parrain du projet de loi au printemps dernier — afin de modifier le texte du projet de loi de façon à ce qu'il permette de mieux atteindre ces objectifs.
    À l'heure actuelle, le texte nous semble trop vague et imprécis. Par conséquent, il ne remplit peut-être pas suffisamment la mission qui lui avait été attribuée à l'origine. La stratégie pourrait identifier clairement les types d'objets devant être rapatriés, ainsi que les conditions en vertu desquelles les demandes pourraient être examinées. Par exemple, dans la version actuelle, il y a peu de distinctions entre les objets acquis légalement et les autres objets. Or, il s'agit d'une différence d'une importance cruciale pour tous les établissements du monde qui constituent des collections, et en fait pour tous les collectionneurs.
    La notion de disponibilité légale et physique d'un objet est également absente du texte du projet de loi, à l'instar de la notion de conformité avec les protocoles autochtones pertinents existants. À notre avis, le projet de loi pourrait être amélioré par l'ajout d'une définition claire de ce qui est entendu par « disponible » ou « disponibilité » dans ce contexte.
    Ces suggestions aideraient à affiner et à mieux cibler les efforts prévus dans le projet de loi afin de réaliser ce qui nous semble être son esprit et son intention. Elles viendraient également clarifier le travail et les délibérations entourant toute stratégie ou tout cadre de mise en oeuvre éventuels découlant du projet de loi afin d'aider à gérer le flot de renseignements, de demandes ou de décisions.
    Selon notre expérience, ce travail délicat, mais si important, nécessite également la définition d'un lien clair entre le demandeur et les objets demandés. Or, pour le moment, le texte du projet de loi n'est pas précis sur ce point, ne parlant que d'objets revêtant une « importance » pour les demandeurs. Pour se rapprocher de l'intention énoncée, il serait plutôt préférable de parler d'objets « provenant » du groupe autochtone du demandeur ou ayant un « lien » avec lui.
    Le projet de loi pourrait aussi être amélioré en y ajoutant les notions « d'accès » et « d'accessibilité », en plus de la notion de « rapatriement ». En effet, comme nous l'avons mentionné précédemment, il existe d'autres moyens que le rapatriement pour améliorer l'accès aux récits et aux objets. Le projet de loi comporte déjà des moyens d'évaluer les progrès et, par la suite, de créer des mesures pour assurer la réussite de l'initiative. Il pourrait également comprendre une reconnaissance du travail réalisé à l'heure actuelle par les différents établissements culturels, ainsi que des mesures pour soutenir ces établissements dans leurs travaux.
    Toute unité de mesure éventuelle devrait comprendre une distinction entre les efforts existants et éprouvés et les nouvelles initiatives découlant du projet de loi. Cela permettrait de s'assurer que les futurs rapports sont efficaces et clairs et favorisent l'atteinte de résultats.
(1115)
    En conclusion, je dois ajouter que ce qui est à l'origine de nos commentaires est le texte lui-même, mais aussi la motivation et les intentions exprimées par le parrain du projet de loi, y compris son témoignage devant le Comité le 18 septembre. Notre expérience considérable, et de participant privilégié, dans les efforts de rapatriement et les domaines connexes et, humblement, nos quelque 40 ans comme chef de file dans le domaine nous ont également incités à offrir notre avis, tout comme les efforts importants et significatifs qui devront être menés à l'avenir.
    Nous estimons qu'il s'agit d'un projet de loi prometteur. Nous croyons également qu'il est nécessaire de faire preuve de plus de diligence à son égard et d'adopter un texte plus précis, sur des éléments clés, afin de s'assurer qu'il réponde aux attentes de son auteur et du Comité, et qu'il puisse servir, s'il est adopté, de cadre utilisable, efficace et respectueux pour de nombreuses années à venir.
    Je vous remercie de m'avoir accordé l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Nous espérons que nos recommandations vous seront utiles pendant vos délibérations.
    Je suis prêt à répondre à vos questions.
(1120)

[Français]

     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Travis Gladue, de la Bigstone Empowerment Society.
    Bonjour. Tansi. Je m'appelle Travis Gladue.
    J'aimerais remercier le député David Yurdiga qui a recommandé que je témoigne aujourd'hui, de même que le Comité qui m'a invité à discuter du projet de loi C-391, Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones.
    Avant de commencer, j'aimerais souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel de la tribu algonquine à Ottawa.
    Je suis un membre fier de la nation crie de Bigstone qui habite sur le territoire visé par le Traité no 8 dans le Nord de l'Alberta. Nos terres ancestrales comprennent Chipewyan Lake, Sandy Lake, Calling Lake et Wabasca-Desmarais, en Alberta. Nous sommes une tribu des Cris des Bois.
     Ma nation est connue sous le nom de sakâwiyiniwak. C'est un mot cri qui veut dire peuple de la forêt, peuple des bois.
    Au cours des siècles, les musées, les collectionneurs, les églises, en particulier celles de confessions anglicanes et catholiques, se sont emparés de beaucoup d'objets utilisés lors de nos cérémonials. Parmi les artefacts anciens en question, qui précèdent l'arrivée des Européens, il y a des pointes de flèche, des têtes de hache et divers outils anciens. Pendant la colonisation, de nombreux artefacts ancestraux nous ont été enlevés ou ont été détruits.
    Notre nation a entamé son processus de guérison et de réconciliation, et nous avons grand besoin de retrouver notre identité, notre culture et notre langue.
    Travailler ensemble au rapatriement de ces artefacts est pour nous un moyen habilitant et indispensable pour entamer la marche vers la réconciliation afin que les générations futures puissent retrouver la dignité et la fierté dont nos ancêtres et nos grands-parents ont été dépouillés.
    Il faudra un effort collectif et le soutien de tous les échelons de gouvernement pour assurer et garantir la sécurité et la surveillance de ces artefacts au cours des années à venir. De plus, les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits doivent travailler aux côtés des parties concernées pour protéger et préserver notre histoire.
    Un aîné et d'autres membres de ma nation ont communiqué dernièrement avec le Musée royal de l'Alberta au sujet de quelques artefacts qu'il garde dans sa collection. On envisage le rapatriement de 11 objets au total, dont une paire de mocassins faits à la main, un tambour, une tête de hache et divers bijoux. Nous sommes en discussions avec le musée pour un prêt à long terme. Nous venons de surmonter l'obstacle de taille qui consistait à bâtir un centre pour héberger ces objets.
    En 2000, le gouvernement de l'Alberta a adopté le First Nations Sacred Ceremonial Objects Repatriation Act. La loi régit le Musée royal de l'Alberta et le Musée Glenbow à Calgary, mais concerne principalement la tribu des Pieds-Noirs qui habite sur le territoire visé par le Traité no 7 et ne s'applique que depuis peu aux objets cérémoniels. Les membres de ma nation souhaitent que la portée de la loi soit élargie pour inclure les deux autres traités importants en Alberta, soit le Traité no 6 et le Traité no 8.
    J'aimerais remercier Mike Beaver, l'ancien chef de la nation crie de Bigstone et actuel président du conseil d'administration du Musée Wabasca. Il a été l'un des premiers à proposer de rapatrier des artefacts en 2007. J'aimerais aussi remercier l'ancien chef, Ralph Cardinal, pour son soutien à l'égard des efforts déployés.
    Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais en profiter pour parler de la protection et du rapatriement des sépultures ancestrales. En 1999, l'Arctic Institute of North America a publié un livre intitulé Kituskeenow Cultural Land-Use and Occupancy Study. Le livre portait notamment sur les peuples autochtones en Alberta. À la page 36, on résume bien la situation:
L'initiative visait à répertorier les sépultures non enregistrées uniquement. Leur nombre total dépassait les 200 dans plus de 70 sites. Les cimetières enregistrés dans les communautés de Peerless Lake, Trout Lake, Wabasca-Desmarais, Sandy Lake et Calling Lake ne sont pas inclus dans ce nombre. La plupart des aînés faisant partie de l'étude seront enterrés dans ces communautés établies, plutôt que dans la forêt où ils sont nés et ont grandi.
(1125)
    Au début 2017, j'ai effectué des recherches pour trouver l'endroit où pourrait avoir été enterré un ancien chef de la nation crie de Bigstone. Le chef Maxime Beauregard a servi la nation du 26 mai 1947 au 31 janvier 1962. Après avoir quitté ses fonctions de chef, mon arrière-grand-père est tombé malade et a été transféré au Charles Camsell Indian Hospital à Edmonton. Il est décédé le 24 juillet 1963. Son corps n'a pas été renvoyé à Wabasca, où il habitait et où ses enfants habitaient à ce moment et où ils habitent encore aujourd'hui.
    Selon son acte de décès, il a été enterré au cimetière Winterburn, situé sur le territoire de la nation crie Enoch, en Alberta. Nous avons trouvé des lieux de sépulture potentiels et nous sommes actuellement en pourparlers avec la nation crie Enoch au sujet des lots potentiels ou des noms des personnes concernées.
    J'aimerais simplement ajouter en terminant que ce projet de loi est très important, mais qu'il faudra tenir les consultations nécessaires dans les communautés. Il faut que ce soit un effort collectif de l'ensemble des parties concernées.
    Merci de m'avoir invité aujourd'hui.
    Merci.

[Français]

     Nous allons maintenant entamer la période de questions et réponses.
    Monsieur Hogg, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup à tous les deux de vos exposés. Je note que le projet de loi s'intitule en anglais « act respecting a national strategy for the repatriation of aboriginal cultural property », mais que dans la documentation que vous avez fournie, vous utilisez presque toujours le terme « indigenous ». Voyez-vous un conflit entre ces deux termes? Un est-il préférable à l'autre?
    Non.
    Non?
    Monsieur Oliver, pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?
    Dans notre exposé, nous avons utilisé « aboriginal » pour reprendre le terme utilisé dans le projet de loi, et « indigenous » quand on avait besoin d'utiliser un adjectif plus inclusif.
    Certains voient les choses autrement au Canada, c'est-à-dire qu'ils y voient un terme qui englobe de façon plus large les Métis et d'autres groupes.
    En effet.
    Monsieur Oliver, vous avez parlé d'éléments du projet de loi qui sont trop vagues et imprécis. Pouvez-vous nous dire où se trouvent ces éléments et quels changements vous y apporteriez?
    Cela fait référence aux objets à rapatrier qui sont « d'intérêt » pour le demandeur, ce qui ne limite pas la demande aux objets qui ont un lien ethnoculturel avec le demandeur, et même qui sont d'origine autochtone. Selon le libellé du projet de loi, le chandail de Paul Henderson pourrait aussi bien faire l'objet d'un rapatriement que les restes ancestraux d'un chef ou d'un membre de la famille.
    Monsieur Gladue, avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
    Il m'a pas mal enlevé les mots de la bouche.
    Vous êtes donc d'avis qu'il faut préciser la disposition? Y a-t-il, selon vous, une formulation qu'il conviendrait d'utiliser pour ce faire?
    Dans mes remarques, j'ai suggéré deux choses, comme « associé à » ou « attribué à ». Les autres termes que j'ai utilisés dans mon exposé placeraient en partie sur le demandeur la responsabilité de prouver l'affinité avec les articles demandés.
    Dans une discussion sur le rapatriement, cela devient assez important de bien des façons, notamment parce que de multiples Premières Nations pourraient présenter des demandes de rapatriement pour les mêmes articles ou de la même région géographique. C'est en partie la recherche historique et en partie la tradition orale et les connaissances traditionnelles qui contribuent à déterminer ce que sont ces liens, mais la relation avec le matériel demandé est un critère clé pour arrêter une décision concernant une demande de rapatriement. Sans ces détails précis, il sera difficile de prendre une décision en suivant un quelconque régime.
(1130)
    Les projets de loi et les mesures législatives contiennent souvent des préambules qui énoncent l'intention du document en général. Pensez-vous qu'il vaille la peine d'ajouter un préambule concernant l'importance incroyable des premiers habitants de notre pays et les contributions qu'ils ont faites, et qui explique que cela en fait partie? Croyez-vous qu'il faille ajouter un énoncé de mission ou de vision sur ce point?
    M. Gladue pourrait commencer.
    Il est clair que c'est un élément vital. J'en conviens. En comprenant l'histoire, les gens pourront retrouver leur identité et composer avec leur traumatisme intergénérationnel, surtout les jeunes gens qui ont des problèmes identitaires. Le fait de l'avoir les rendra plus forts et contribuera aussi à combler de nombreux écarts, car bien des gens ne comprennent pas, et le manque de connaissances est très apparent dans certains cas. Le fait de pouvoir fournir ces renseignements comblerait ces écarts, c'est clair.
    On y a fait allusion à un certain nombre d'autres endroits, mais je me posais simplement la question. Vous avez suggéré qu'on l'inclue à ce projet de loi ou à une mesure législative sous forme de préambule ou d'énoncé concernant les contributions incroyables qu'ont faites les Premières Nations, les peuples autochtones qui habitent dans certaines parties du Canada depuis plus de 10 000 ans. On ferait allusion à ces types de choses.
    Pensez-vous que cela enlève à l'intention de ce projet de loi ou que cela le met en contexte de façon significative?
    Je dirais la seconde option, que cela le mettrait en contexte de façon significative et que cela n'enlèverait peut-être rien à ce que je vois en ce moment dans le libellé du projet de loi ou ce que je crois comprendre de son intention de la part de son parrain.
    Avez-vous une phraséologie que vous pourriez y appliquer?
    Pour le moment, je n'en ai pas, et je n'en ai pas préparé non plus pour la réunion de ce matin.
    Je voulais vous prendre en défaut.
    Selon vous, quels éléments devrait-il contenir?
    C'est intéressant que vous le mentionniez parce que, avant que je lise ces conclusions, ces artefacts se trouvaient depuis des années dans un sous-sol au Musée royal de l'Alberta. Personne ne savait qu'ils étaient là. Ils n'étaient pas mis en valeur. Ils n'étaient pas exposés. En conséquence, à ce moment-là, on ne montre pas l'élément identitaire; on ne le souligne pas.
    De mon point de vue, pourquoi ces musées devraient-ils conserver ces articles, ces artefacts, s'ils ne les exposent même pas eux-mêmes? On en revient encore une fois à donner de la perspective, à transmettre des connaissances, mais aussi à travailler collectivement.
    Pour ajouter à ce que mon collègue disait, c'est évident qu'on doit tenir des consultations, mais que les Premières Nations doivent aussi avoir leur mot à dire. C'est clair.
    C'est une des raisons pour lesquelles vous êtes ici, pour nous donner cette perspective et ce contexte.
    Je suis d'accord avec vous. Nous devrions rédiger un préambule pour contextualiser ce point et le placer dans le cadre plus vaste de toutes les choses avec lesquelles les Premières Nations composent actuellement en ce qui touche la perspective historique et en quoi cette question s'y rapporte. Cela fait partie intégrante de l'orientation que nous avons choisie concernant la vérité et la réconciliation. Cela entre dans ce cadre de façon plus générale. C'est une partie ou une composante précise qui est ainsi contextualisée.
    Dean, répondez en une quinzaine de secondes si vous pouvez le faire.
    Un aspect de cette question serait la notion que le rapatriement s'inscrit dans une vaste gamme de façons pour les musées, les institutions culturelles et autres de contribuer à la réconciliation. C'est une des façons de le faire — elle est très importante, mais ce n'est pas la seule.
    Merci.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. David Yurdiga.
    Merci, madame la présidente; et merci aux témoins.
    Monsieur Gladue, merci pour les services que vous avez rendus à notre pays. Je crois que vous avez servi dans les Forces canadiennes. Nous vous en savons gré.
    Monsieur Oliver, merci de vous être joint à nous.
    Ma première question s'adresse à M. Gladue.
    Pouvez-vous décrire les défis auxquels vous êtes confronté dans vos efforts pour rapatrier un certain nombre d'artéfacts que vous avez découverts au Musée royal de l'Alberta?
(1135)
    C'est une excellente question.
    Comme je l'ai mentionné, en ce qui concerne le territoire visé par le Traité no 7, la Confédération des Pieds-Noirs, cela remonte à l'an 2000. Ils ont fait un excellent travail. Ils ont été en mesure d'obtenir leur propre mesure législative au gouvernement provincial.
    À l'heure actuelle, en ce qui concerne le Traité no 8, là où se trouve la Nation de Bigstone, il n'y a rien. Nous ne pouvons que suivre un processus unique.
    Je le comprends, mais nous avons besoin d'instaurer des lois ainsi que des freins et des contrepoids pour faire le suivi. Ils feront en sorte que les musées travaillent tous ensemble. Cela n'a pas nécessairement à se faire au niveau des dirigeants, mais des collectivités, des personnes déléguées qui veulent assumer ces rôles. Vraiment, j'estime qu'il faut que ce soit une initiative entièrement communautaire.
    Monsieur Gladue, à votre première réunion avec le musée, a-t-on fait preuve de réticence? S'est-on montré prêt à faire quelque chose et à discuter? Comment s'est passée la première réunion?
    C'était génial. En fait, ils se sont montrés très accueillants. Je dois avouer que lorsque je suis arrivé, j'étais novice. Cependant, ils ont été très obligeants et m'ont bien informé, notamment sur les soins adéquats à apporter à ces artéfacts, en ce qui concerne la lumière, la chaleur, le froid, l'entreposage en fonction de la température, et l'histoire de tous ces articles.
    Nous avons travaillé ensemble. Ils m'ont informé, et j'en ai fait autant sur l'histoire des personnes qui ont confectionné ces articles, car c'étaient nos ancêtres. Cela m'a aidé à leur donner cette perspective. J'ai vécu une expérience très positive avec le directeur et le personnel du Musée royal de l'Alberta.
    Monsieur Gladue, on s'inquiète aussi que nombre de ces artéfacts soient très sensibles à la lumière ou à l'humidité et qu'ils aient besoin de soins spéciaux. À l'avenir, tout le monde veut voir les Premières Nations et l'ensemble des peuples indigènes et autochtones, les Inuits... Je pense que je les ai tous nommés.
    Les Métis.
    Oui, j'ai dit Métis. Je ne veux laisser personne de côté.
    Cependant, en ce qui concerne l'infrastructure et le financement connexes, est-ce qu'une bonne partie des groupes peuvent arriver à tout gérer sans aide fédérale ou provinciale?
    C'est une excellente question, David. Je peux parler au nom de Bigstone, mais je ne peux pas le faire au nom de...
    Nous venons de finir de construire une installation. Nous venons de mettre un immeuble à niveau, mais ces travaux ont à eux seuls coûté 200 000 $. Nous sommes maintenant immobilisés, car nous n'avons pas le budget pour embaucher quelqu'un. Nous n'avons même pas l'équipement nécessaire pour le rangement de l'équipement ou l'éclairage. Oui, nous avons la structure et le bâtiment, mais c'est encore là où la collaboration avec les différents organismes et ordres de gouvernement sera un élément crucial et vital. Nous devons tous travailler ensemble.
    Vous avez aussi mentionné les organismes communautaires dans une de vos déclarations. Une fois que ce plan d'action national sera instauré, comment prévoyez-vous que les intervenants seront répartis? Qui devraient-ils être dans cette discussion?
    Je pense que cela concerne ce secteur et cette région, alors il est clair que les députés provincial et fédéral locaux devraient participer aux efforts. Le chef et le conseil devraient montrer leur appui; manifestement, ils doivent gouverner leurs nations. Il devrait aussi y avoir un conseil, un groupe, une coopérative, des membres de cette région, de cette collectivité. Il peut s'agir d'anciens, de jeunes, de personnes de milieux variés pour trouver une cohésion, mais on se retrouve évidemment devant l'inconnu, et il reste beaucoup de choses à découvrir.
    Merci, monsieur Gladue.
    Monsieur Oliver, vous avez parlé d'informer les Premières Nations pour qu'elles puissent comprendre les artefacts qu'elles vont obtenir, les entretenir et en prendre soin. Dans quelle mesure cette formation est-elle répandue? C'est la première fois que j'entends parler de la formation qui est offerte. Est-ce répandu à la grandeur du Canada ou s'agit-il seulement d'un projet pilote dans une région du pays ou une province?
(1140)
    Je ne peux parler que du point de vue de mon musée.
    En fait, une des deux influences très directes et marquées du rapport du groupe de travail sur les musées en 1992 a été le déploiement d'efforts très importants dans notre musée pour lancer des discussions générales sur le rapatriement avec les collectivités à la grandeur du pays, discussions que nous menons depuis.
    Ensuite, il y a eu la création du programme de formation des Autochtones à Affaires autochtones dont j'ai parlé, auquel ont participé un minimum de trois personnes — parfois six ou sept — en réponse au rapport de ce groupe de travail qui recommandait d'accroître les capacités des Autochtones au pays pour qu'ils puissent gérer leurs propres matériels, leur propre culture, leurs propres récits. Nous le faisons avec zèle depuis ce temps.
    Quoi qu'il en soit, cela n'est qu'une infime partie de la façon dont nous interagissons tous les jours et tous les mois avec les collectivités autochtones. Nous prenons toute une gamme de mesures pour les aider, mesures qui vont des démarches que nous prenons afin de leur permettre d'admirer les collections pour voir leur propre matériel à celles que nous prenons pour retourner le matériel dans les collectivités, sous forme de prêts, de rapatriement ou d'autres arrangements de partage aux fins de conservation.
    Il arrive qu'il n'y ait pas de contrôles environnementaux de niveau muséal pour gérer les choses, et nous les créons de façon concrète pour ces collectivités — à titre d'exemple, en plaçant des présentoirs discrets dans les bureaux des chefs et des conseils de bande. Il arrive aussi qu'on redistribue ou diffuse des connaissances linguistiques, artisanales et cérémoniales qui sont avec nous depuis de nombreuses décennies — 150 ans dans certains cas — et qui pourraient, en fait, se perdre dans les collectivités. Nous l'avons fait dans une vaste gamme de régions, du Grand Nord à la côte de la Colombie-Britannique et jusqu'en Nouvelle-Écosse.
    Enfin, une fois par année, nous envoyons les gens sur le terrain pour tenir des discussions, recueillir des artefacts, etc., y compris pour faire du travail archéologique sur place. Nous avons profité de toutes ces occasions pour parler aux gens de nos collections et du travail qu'ils peuvent faire dans leurs propres collectivités.
    Pour vous donner un tout petit exemple, nous...
    Malheureusement, je vais devoir vous demander de donner cet exemple dans le cadre d'une autre question, peut-être, car notre temps est écoulé.
    Merci.
    Merci.

[Français]

     Nous passons maintenant à M. Nantel.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les deux témoins qui sont parmi nous.
    Monsieur Gladue, pendant votre témoignage, j'ai tenté d'obtenir plus d'information sur la Bigstone Empowerment Society. Vous êtes donc situés au nord d'Edmonton, à 300 kilomètres environ de l'emplacement de votre éventuel musée. Cependant, j'aimerais surtout savoir depuis combien de temps vous êtes chargé de faire connaître l'intention de la communauté crie consistant à retrouver ses artéfacts.
     Depuis combien de temps travaillez-vous à ce dossier?

[Traduction]

    Cela fait maintenant deux ans.
    J'ai parlé à la fin de Maxime Beauregard. Je faisais de la recherche sur l’hôpital indien Charles Camsell. Des résidants de ma collectivité, Wabasca, y ont séjourné et y ont fabriqué des pièces pendant leur hospitalisation. Ces artéfacts ont été envoyés au Musée royal de l'Alberta.
    J'ai commencé à poser des questions, et personne n'est venu les réclamer. Ce n'est pas que personne ne voulait le faire; je pense que les autres membres de ma nation ne savaient peut-être pas comment procéder. J'ai été proactif et j'ai communiqué avec le Musée royal de l'Alberta, et c'est ainsi que ce processus a commencé.
    Je suis aussi cofondateur de la Bigstone Empowerment Society, qui a vu le jour à Calling Lake, en Alberta. La dame s'appelle Gloria Anderson. C'est une personne géniale.
    Vous me semblez être un type de pionnier en ce qui concerne ces démarches, les mesures qui ont été prises.
    M. Casey nous a expliqué à quel point cela favorise l'autonomie dans la sphère politique et à quel point ce projet de loi a pris de l'importance pour lui. Il pouvait voir l'incidence positive qu'il aurait.
    Je vous ai demandé combien de temps vous avez participé à ce rapatriement. Pouvez-vous expliquer la profondeur de l'effet que le rapatriement de ces artéfacts a sur une nation? Quelle est son importance?
(1145)
    J'ai combien de temps pour le faire?
    Vous avez quatre minutes et demie.
    Lorsque je faisais de la recherche sur mon arrière-grand-père, Maxime Beauregard, c'était difficile. J'étais assis avec ma famille un jour et je me demandais où il était enterré. Personne ne le savait dans ma collectivité. Je pense que la plupart des gens veulent connaître leur identité, leurs origines, leurs racines. Il est décédé en 1963. Un grand laps de temps s'est écoulé entre cette date et 2017 ou 2016.
    C'est la même chose en ce qui concerne ces artéfacts, car les gens qui les ont confectionnés... Certains des autres membres de la bande dans ma collectivité commençaient à en entendre parler et à pouvoir dire qu'ils avaient été fabriqués par leur grand-père, leur grand-mère, leur arrière-grand-père. Cela les aidait à recouvrer une pièce de leur propre histoire qu'ils ne connaissaient même pas eux-mêmes. Le processus est quelque peu douloureux, car on apprend ce qui s'est passé, mais on ne peut rien y faire; cela fait partie de qui nous sommes. Cependant, le but est d'avancer ensemble dans un esprit de réconciliation, de marcher ensemble. À quoi cela ressemble-t-il?
    Le fait pour la collectivité de se pencher sur l'histoire nous a aussi beaucoup aidés à trouver des façons de guérir. Comme je l'ai mentionné, bien des membres ne connaissaient pas ces choses, et le fait de pouvoir se réapproprier cette identité a permis à bien des gens de comprendre la situation ensemble. Comme je l'ai dit, les Canadiens et les peuples autochtones — les Métis, les Premières Nations, les Inuits — peuvent vraiment commencer à travailler ensemble, à franchir ces obstacles.
    J'espère que cela répond à vos questions.
    Absolument. Je vais changer de langue ici, parce que je veux bien choisir mes mots. J'ai tellement de respect pour les interprètes. Ils trouveront les mots justes.

[Français]

     Si je comprends bien, non seulement il y a eu des passages horribles dans notre histoire, dans les injustices qui ont été commises à votre endroit, mais de plus, avec le temps, volontairement ou non, on en a pratiquement effacé les traces. Or vous cherchez à retrouver ces traces pour vous situer relativement à l'histoire. Vous parliez de votre grand-père qui est pratiquement disparu. Alors, oui, vous répondez parfaitement à ma question.

[Traduction]

    Je vous félicite.

[Français]

    Il demeure tout de même un enjeu réel, qui est la préservation d'artéfacts, et vous en avez évoqué les coûts.
    Croyez-vous qu'on devrait examiner la possibilité d'avoir recours à la participation d'entreprises, à de commandites locales? Je suis persuadé que, du côté de Wabasca, de grands employeurs pourraient être intéressés par un tel programme, par exemple.
    Nous avons beaucoup parlé de fonds, lors de nos études sur les musées. Il était question d'inciter les compagnies et les citoyens à donner de l'argent à des fondations, des sommes qui généraient des intérêts qui permettaient d'améliorer le budget des entreprises et des musées.
    Seriez-vous intéressé par la participation de grandes entreprises de chez vous, qui agiraient comme commanditaires et qui vous aideraient à retrouver vos racines?

[Traduction]

    C'est une excellente question. On a mentionné les commandites du secteur privé et de l'industrie.
    Je pense qu'il serait bon d'avoir des commandites, mais à quoi cela ressemble-t-il? S'agirait-il d'un type d'accord que nous conclurions, par exemple, avec Al-Pac, et seulement pour 18 mois ou deux ans? Qu'arriverait-il après cela?
    Je pense que cela pourrait être une bonne idée en théorie, mais, encore une fois, nous sommes en territoire inconnu. Si nous choisissons cette option, il faut que ce soit un engagement à long terme. Il ne peut pas s'agir de quelques dollars sur deux ou trois ans, car l'entretien et la conservation demandent du dévouement. Je pense aussi qu'il faut sensibiliser les gens de la collectivité, ce qui demandera des ressources et du temps.
    Voilà les points importants dont vous devez tenir compte, mais je pense que le secteur privé peut jouer un rôle.
    Cela dit, il faut que ce soit un engagement sérieux, pas seulement annuel.
    C'est exact. Il faut joindre le geste à la parole.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Soit dit en passant, monsieur Nantel, je pense que le mot que vous cherchiez était dotation — les programmes de dotation dont nous parlions.
    Nous allons maintenant passer à Mme Dhillon. Veuillez poser vos questions.
(1150)
    Merci, madame la présidente.
    J’adresse ma première question à M. Gladue. Quand prévoyez-vous que le musée de la nation crie de Bigstone ouvrira ses portes?
    Pourriez-vous répéter votre question, s’il vous plaît? Je suis désolé; j’étais distrait.
    Cela ne pose pas problème.
    Quand prévoyez-vous que le musée de la nation crie de Bigstone ouvrira ses portes?
    Pour le moment, l’installation est construite. La semaine dernière, j’ai parlé à la société du musée, et l’important obstacle auquel nous nous heurtons est le manque de fonds. Nous sommes pas mal prêts à aller de l’avant, mais nous avons besoin des importantes composantes dont nous discutons aujourd’hui. Nous n’avons pas mis de fonds de côté pour embaucher un employé. Nous n’avons pas de budget pour nous procurer de nouvelles vitrines d'exposition. De plus, je crois comprendre que nous avons besoin d’un éclairage spécial et d’un système de chauffage pour certaines salles. Dans le diaporama, il y a des photos de l’installation.
    En théorie, si nos mécanismes de contrôle étaient en place, nous pourrions être prêts à ouvrir le musée demain mais, en réalité, je dirais qu’il reste peut-être six à huit mois avant son ouverture.
    D’accord, et, jusqu’à maintenant, il vous a fallu 10 ans pour mettre tout sur pied.
    Tout à fait. Pour l’aîné, Mike Beaver, qui a amorcé le processus, il s’agissait un peu d’un projet visionnaire et, maintenant, il voit d’autres membres et une génération plus jeune le prendre en charge… En tant qu’aîné, il ne pouvait consacrer qu’un certain temps à se déplacer et à dialoguer, puis il a constaté qu’un grand nombre de gens prenaient le temps et s’efforçaient de combler ce vide.
    En ce qui concerne le rapatriement des artefacts, vous avez mentionné au cours de votre témoignage que vous aviez eu du mal à les rapatrier parce que vous n’aviez aucun endroit où les abriter. Est-ce la seule raison?
    Nous ne pouvions pas les abriter...?
    Oui, exactement, d’après vos paroles...
    Eh bien, auparavant, je ne pense pas que les membres savaient que ces artefacts étaient là-bas, ou qu’ils en avaient conscience. Comme je l’ai indiqué, je les ai découverts pendant que je menais mes propres recherches pour retrouver mon arrière-grand-père.
    C’est comme si j’étais tombé sur eux par hasard. Ce n’était pas comme si j’avais déclaré, « Oh, je vais découvrir où se trouvent tous ces artefacts ». Non, j’étais à la recherche de mon arrière-grand-père. Je voulais savoir où il reposait, puis j’ai trouvé ces biens.
    Les musées ont-ils expliqué la raison pour laquelle ils n’exposaient pas ces artefacts, même s’ils étaient en leur possession et qu’ils pouvaient les exposer dans des conditions appropriées?
    Dans le cas du Musée royal de l’Alberta, les artefacts n’étaient pas exposés en raison d’un manque d’espace. Voilà ce qu’ils m’ont dit.
    De plus, les biens ne cadraient pas avec les objets qu’ils avaient installés dans leur vitrine d’exposition sur les Autochtones. Nous avons en notre possession un des artefacts qui est exposé en ce moment dans la nouvelle installation. C’est en fait un porte-bébé qui est actuellement exposé là-bas.
    C’est l’un des 11 artefacts que vous avez mentionnés.
    C’est exact.
    Vous obtiendriez les 11 artefacts si votre musée pouvait les exposer dans des conditions adéquates.
    Pouvez-vous nous dire comment votre organisation aiderait le gouvernement fédéral à élaborer un plan d’action national? Selon vous, quels intervenants aurions-nous avantage à faire participer à ce processus?
    Je pense qu’il faudrait en priorité faire participer l’ensemble des collectivités, parler aux aînés et aux familles et obtenir leurs commentaires et leurs idées.
    De plus, il faudrait rassembler l’information nécessaire et travailler avec les musées afin qu’ils consultent les collectivités et les renseignent sur la façon de préserver des artefacts. C’est un processus auquel il faudrait travailler collectivement pendant une certaine période de temps.
    Je pense que mon organisation — et je n’aime même pas dire « mon », car il s’agit d’un travail d’équipe — souhaite simplement jouer un rôle. Je crois que bon nombre de jeunes souhaitent être renseignés à ce sujet. J’estime que la création de ces programmes ou de ces possibilités permettra d’ouvrir la porte, de sorte qu’un jour, nous serons autosuffisants et en mesure d’abriter et de préserver nous-mêmes des artefacts, mais comment ferons-nous cela ?
    Il y a des composantes qui doivent être examinées et qui ne peuvent pas être laissées de côté.
    Y a-t-il d’autres organisations, comme la vôtre, qui se manifestent maintenant pour contribuer au rapatriement d’artefacts?
    Je suis au courant de l'existence d’un jeune homme qui s’appelle Jesse Donovan. Il s’emploie à l’heure actuelle à rapatrier un artefact de Louis Riel, qui se trouve dans un musée du Manitoba, je crois. Le musée a cet artefact en sa possession, et ce jeune homme travaille avec eux de concert avec la Fédération des Métis du Manitoba.
(1155)
    D’accord.
    Comment croyez-vous que le gouvernement fédéral pourrait également contribuer au rapatriement des artefacts?
    Je pense que le gouvernement fédéral peut certainement apporter une aide.
    En ce qui concerne la nature de son rôle, je dirais que sa position ne devrait pas être trop dominante. Néanmoins, il pourrait assurément faire fonction de système de soutien, se tenir au courant et être consulté. Ensuite, tout le monde pourrait travailler ensemble à nouer un dialogue.
    Parfait.
    J’espère que cela répond à votre question.
    Oui, c’est le cas. Merci beaucoup.
    Cela conclut essentiellement la présente série de questions.
    Toutefois, étant donné que vous avez tous les deux parlé un peu de la formulation du projet de loi et d’un préambule potentiel, je souhaitais terminer en vous disant que, si vous pouviez nous fournir par écrit les formulations que vous suggérez afin que nous puissions les examiner avec précision, cela nous serait très utile pendant notre étude du projet de loi. Vous pouvez faire parvenir vos idées au greffier.
    Je vous remercie tous les deux.
    Nous allons suspendre brièvement nos travaux, puis nous commencerons à entendre notre deuxième groupe d’experts.
    Merci.

(1200)
    Reprenons de nouveau nos travaux. Le groupe d’experts a changé légèrement, étant donné que Mme Pash a été transférée dans le deuxième groupe d’experts d’aujourd’hui. Le groupe compte donc trois experts.
    Nous accueillons Mme Sarah Pash, qui représente l’Aanischaaukamikw Cree Cultural Institute. Nous entendrons également le chef régional Morley Googoo de l’Assemblée des Premières Nations. Enfin, nous recevons Mmes Ruth Phillips et Anong Beam, qui représentent la Great Lakes Research Alliance for the Study of Aboriginal Arts and Culture.
    Pourquoi ne commencerions-nous pas par entendre le chef régional Morley Googoo de l’Assemblée des Premières Nations? Allez-y, s’il vous plaît.
    [Le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]
    Je vous remercie infiniment de me recevoir ce matin. Je suis très heureux d’être ici sur les terres non cédées de la nation algonquine, en ma qualité de fier Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse. Mon bon ami, le député Andy Fillmore, est également ici. J’ai travaillé avec lui à la mise en oeuvre de quelques projets.
    L’Assemblée des Premières Nations n’a pas encore pris une position par rapport au projet de loi d’initiative parlementaire C-391, Loi concernant une stratégie nationale sur le rapatriement de biens culturels autochtones. Au cours de notre assemblée de cet été, l’assemblée générale des chefs a adopté une résolution qui enjoignait l’APN à veiller à ce que toute future stratégie nationale sur le rapatriement des biens culturels autochtones soit élaborée avec la participation complète des Premières Nations et qu’elle respecte les normes établies dans la déclaration des Nations unies. Je m’attends à ce que les questions soulevées par le projet de loi C-391 proposé soient étudiées par les chefs en décembre, au cours de notre assemblée d’hiver.
    Depuis longtemps, les Premières Nations des quatre coins du pays expriment la nécessité de créer et de mettre en œuvre une protection juridique qui garantit le rapatriement des restes ancestraux, des objets sacrés et des objets ayant une importance culturelle. En 1994, l’Assemblée des Premières Nations a créé un groupe de travail avec l’Association des musées canadiens qui a élaboré des normes éthiques portant sur la façon dont les Premières Nations et les musées travailleraient ensemble au respect des échanges relatifs au rapatriement.
    Bien que ce travail résiste à l’épreuve du temps, nous constatons la nécessité de disposer d’une analyse juridique éclairée à cet égard, une analyse qui tient compte des documents juridiques importants qui ont été rédigés depuis 1994, comme l’adoption de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et confirme les traités et les droits inhérents des Premières Nations, et l’adoption en 2007 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par l’Assemblée générale des Nations unies.
    Les Premières Nations du Canada ont vécu de nombreuses violations de leurs droits. Des restes ancestraux, des objets sacrés et des objets ayant une importance culturelle ont été pris sans le consentement préalable donné librement et en toute connaissance de cause des Premières Nations. C’est ce à quoi la plupart des gens pensent lorsqu’ils parlent du rapatriement de nos biens culturels — de notre patrimoine et de nos documents —, mais il importe également de noter un enjeu crucial du rapatriement, à savoir les biens intangibles.
    Les Premières Nations ont perdu l’accès à des enregistrements audio des voix et des histoires de nos aînés qui ont été recueillies auprès de nos peuples par tous les chercheurs. Ces histoires sacrées ou non et ces leçons de la nature sont souvent déposées dans des musées et des archives, où elles amassent la poussière, alors qu’elles pourraient nous aider à rebâtir nos nations et à renouer avec notre territoire et notre histoire.
    Il est nécessaire de prendre des mesures qui respectent les protocoles des Premières Nations et nos droits en tant que personnes. Il y a 24 ans, des lignes directrices ont été élaborées par le groupe de travail composé des musées et des Premières Nations, mais nous ne pouvions pas les faire respecter, et c’est toujours le cas. Un pouvoir discrétionnaire a été laissé entre les mains des musées. Cette situation ne cadre pas avec les obligations que le Canada doit honorer en vertu de la déclaration des Nations unies. Le gouvernement du Canada a l’obligation morale et légale d’aider les peuples autochtones à obtenir la restitution des biens et des documents qui leur ont été enlevés de façon illégale et trompeuse, et il doit travailler avec les peuples autochtones afin d’établir une voie pour le rapatriement.
    Les Premières Nations et les musées canadiens ont élaboré pour le traitement des demandes de rapatriement une approche au cas par cas qui respecte les diverses circonstances des parties. Après tout, il y a 58 différentes nations autochtones au Canada. Comme les membres de votre comité l’ont entendu, les Premières Nations ont besoin de ressources pour participer à bon nombre de ces entreprises ou pour mener à bien le rapatriement de leurs propres biens. Il est nécessaire de concevoir un processus de participation complète et de procéder à une analyse juridique en profondeur pour comprendre les diverses situations des Premières Nations du Canada.
    Nous encourageons le Canada à envisager la possibilité de mener avec les Premières Nations un dialogue structuré et entièrement soutenu. J’attire votre attention sur le fait que l’assemblée des chefs a adopté de nombreuses résolutions relatives au rapatriement. Le chef a également enjoint l’APN à demander aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de reconnaître qu’ils ont la responsabilité morale et fiduciaire de soutenir les Premières Nations du Canada dans leurs efforts de rapatriement nationaux et internationaux. En refusant aux Premières Nations l’accès à leurs biens culturels ou le pouvoir d'exercer un contrôle sur eux, on empiète sur le droit des Premières Nations à l’autodétermination, garanti par nos droits inhérents issus des traités, nos droits constitutionnels et nos droits internationaux de la personne. Nous devons étudier les politiques et le cadre juridique qui sont nécessaires pour guider les musées dans leurs rapports et leurs échanges avec les Premières Nations.
(1205)
    Une loi qui incite simplement les propriétaires à restituer les biens n’atteindra pas l’objectif de protection et de respect des droits des Premières Nations ou d’avancement de la réconciliation. Bon nombre d’artefacts ont été vendus aux musées et aux collections privées sous la contrainte. Les gens mouraient de faim. Les Premières Nations n’ont jamais consenti au déménagement de leurs restes ancestraux dans des musées.
    Pour retrouver les biens culturels conservés au Canada ou dans des collections hors du pays, y avoir accès et les rapatrier, les Premières Nations ont besoin que le gouvernement fédéral prenne un engagement et des mesures. Pour respecter les protocoles et les droits des Premières Nations, il faut qu’au bout du compte, les mesures puissent être appliquées à ceux qui détiennent des biens autochtones sacrés ou des restes humains.
    Nos collectivités doivent faire équipe avec les organismes et les autorités tout au long du processus décisionnel et du processus d’application. Le rôle du Canada consisterait, entre autres, à promouvoir et appuyer la restitution de nos biens et de nos documents culturels. Les principes énoncés dans la déclaration des Nations unies devraient être utilisés comme cadre pour prendre toute décision concernant le rapatriement. Les Premières Nations ne devraient pas être restreintes dans la présentation de leur passé, de leur présent et de leur avenir.
    Dans un esprit de réconciliation, l’érosion délibérée des cultures et des langues des Premières Nations par les générations antérieures requiert que des fonds publics soient dépensés. Toute nouvelle mesure législative sur le rapatriement qui cherche seulement à encourager le rapatriement ne va pas suffisamment loin dans l’affirmation des droits des Premières Nations, en particulier les mesures législatives qui n’ont pas été créées en collaboration avec les peuples autochtones.
    À court terme, il y a un certain nombre de mesures que le Canada peut prendre.
    Il peut financer les Premières Nations et prendre des mesures pour les aider à récupérer leur patrimoine culturel tangible et intangible, ainsi que leurs restes ancestraux. De même, il faut que des mesures de revitalisation des langues soient prises afin de préserver nos langues protégées. Notre patrimoine culturel est menacé d’extinction, et nous sommes impatients de prendre des mesures relatives au rapatriement afin de revitaliser nos cultures autochtones.
    Le Canada peut dresser un catalogue national et international. Il faut établir un registre des restes ancestraux actuellement détenus par des musées, des archives et d’autres institutions.
    Le processus doit être élaboré en collaboration avec nous. Des mesures devraient être prises pour établir un cadre dirigé par les peuples autochtones visant à reconnaître à la fois leurs connaissances et leur droit de prendre des décisions au sujet de leur patrimoine tangible et intangible.
    Des centaines d’années d’érosion culturelle ne peuvent pas être effacées en prenant simplement des mesures modestes. Il faut également que des mesures à plus long terme soient prises. Il faut adopter des mesures législatives robustes qui seront orientées par des politiques élaborées par des Autochtones, et il faut procéder à un examen des politiques et des pratiques actuelles qui permettra de déterminer les situations dans lesquelles les valeurs et les droits des peuples autochtones sont exclus.
    Le Canada peut financer et appuyer l’inclusion des traditions et des protocoles juridiques des peuples autochtones, ainsi que l’inclusion de leurs politiques et de leurs lois sur le patrimoine culturel.
    Il peut procéder à des vérifications des anciennes pratiques des musées et d’autres institutions en matière de rapatriement, ainsi que de leur refus de mettre en oeuvre les recommandations du Rapport du Groupe de travail sur les musées et les Premières Nations, publié en 1994.
    Le Canada peut envisager d’examiner les politiques et les lois internationales sur le rapatriement — par exemple, la Native American Graves Protection and Repatriation Act — afin de comprendre ce qui fonctionne ou non. Les États-Unis ont connu quelques grandes réussites, mais leur loi crée également des tensions dans les relations entre les parties, en raison d’un cadre rigide et d’un manque de financement pour appuyer le travail requis.
    Les Premières Nations du Canada devraient être en mesure d’avoir accès à leurs sites et leurs objets religieux, cérémoniels et culturels, et pouvoir les entretenir et les protéger. Elles devraient jouir d’un droit collectif de rapatriement de leurs restes ancestraux, de leurs objets sacrés et de leurs objets ayant une importance culturelle.
    Enfin, je tiens à remercier les membres du Comité et Bill Casey, le député de notre coin, d’avoir donné à ces enjeux une visibilité plus grande. Je pense que cela revêt une grande importance à nos yeux, en ce sens que cela nous permet d’écrire, en collaboration avec les Canadiens, une nouvelle histoire pour tous les Canadiens et les membres des peuples autochtones.
    Wela’lioq.
(1210)
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Mme Pash de l’Aanischaaukamikw Cree Cultural Institute.
    [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
    Merci, madame la présidente. Je remercie également le Comité.
    [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
    C'est pour moi un immense honneur que de témoigner en territoire algonquin non cédé pour traiter de l'important projet de loi dont il est question aujourd'hui.
    Aanischaaukamikw est le centre culturel des 10 communautés cries d'Eeyou Istchee, dans le Nord du Québec. Nous occupons un édifice de 30 150 pieds carrés comptant 3 000 pieds carrés d'espace réservé à des expositions à long terme et temporaires, de l'entreposage visible, un centre de documentation et de ressources, un entrepôt de collection à la fine pointe de la technologie, notamment dans le domaine de l'archéologie, et un espace de travail hébergeant une quarantaine d'employés.
    Le projet de loi définit le bien culturel autochtone comme étant un « objet ». D'après notre expérience, et considérant nos besoins à long terme de rapatriement, cette définition devrait inclure le patrimoine intangible, les documents d'archives et toutes les formes de données de recherche. Comme nous nous efforçons de maintenir notre langue, d'assurer la transmission de notre culture et de notre savoir traditionnel de génération en génération et de protéger notre héritage culturel pour les générations à venir, nous comprenons qu'il importe de faire en sorte que nous soyons capables de rapatrier les documents et les articles, comme nos objets de cérémonie détenus par les musées du Sud, et les voix de nos anciens, décédés depuis longtemps, qui figurent dans les collections d'archives universitaires des anthropologues.
    Voilà qui nécessite l'inclusion de données de recherches et de documents faisant partie du patrimoine autochtone. Une part substantielle de ce patrimoine se trouve dans des musées et des établissements d'enseignement du Canada, des États-Unis et d'autres pays, loin d'Eeyou Istchee.
    Nous définissons nos biens culturels en fonction du patrimoine et de l'identité. Le patrimoine étant étroitement lié à l'identité, il est impossible de séparer les biens culturels autochtones du patrimoine autochtone à titre de droit.
    Le projet de loi arrive alors que nous nous réjouissons de la ratification de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, car cette dernière stipule que les peuples autochtones ont le droit de pratiquer et de revitaliser leurs coutumes et leurs traditions culturelles, ayant notamment le droit de maintenir, de protéger et de développer les manifestations passées, présentes et futures de leurs cultures, mots qui font référence aux biens culturels tangibles et intangibles.
    Après des siècles de colonisation et d'actions coloniales qui ont menacé notre capacité de vraiment mettre en valeur notre patrimoine de bon droit, nous accueillons à bras ouvert des mesures comme le projet de loi C-391 s'il s'agit d'une manière authentique d'appuyer notre droit au patrimoine et de faire en sorte que nos biens culturels soient protégés et préservés pour les générations à venir.
    Bien que la portée du projet de loi C-391 englobe les biens culturels autochtones, peu importe l'endroit où ils se trouvent, il faut, pour être exhaustif et combler nos besoins, qu'il soit bien compris qu'il inclut les biens détenus à l'étranger. Certains biens de grande importance patrimoniale, dont de nombreux biens sacrés et rituels, se trouvent aux États-Unis et en Europe, ainsi qu'à de nombreux endroits au Canada.
    La faiblesse de certains passages, résultat de l'utilisation de mots tels qu'« encourager » plutôt qu'« exiger » le retour des biens culturels, est préoccupante, étant donné que l'on réclame la mise en oeuvre authentique de la déclaration des Nations unies et que la Commission de vérité et de réconciliation a lancé un appel à l'action. Les deux documents, s'ils sont pris sérieusement, exigent un recadrage complet et une nouvelle vision de la relation entre les nations autochtones, leurs établissements culturels et les grands musées.
    Le projet de loi fait en outre référence aux « propriétaires », aux « gardiens » et aux « fiduciaires ». Il s'agit habituellement de fonctions autodésignées quand il est question du patrimoine ou des biens culturels intangibles autochtones. Cette subtilité de la dynamique du pouvoir devrait être plus largement comprise dans le discours entourant le rapatriement à titre de geste de réconciliation.
    Je soulignerais en outre que les propriétaires, les gardiens et les fiduciaires dont il est question dans cette disposition ont profité des biens qu'ils détiennent et les ont utilisés pour rehausser leur réputation, élaborer des programmes, légitimer la position de leurs établissements et réunir des capitaux. Vu sous cet angle, il faudrait admettre qu'ils ont une dette envers les communautés sources. Le milieu culturel en général et la communauté patrimoniale autochtone doivent préconiser d'une même voix le recadrage de la relation aux fins de réconciliation. En fait, la manière dont on qualifie publiquement les biens culturels autochtones de « collection » ou d'« artefacts » a pour effet de jeter un voile sur des processus d'une nature très violente.
    Des articles issus de notre territoire se sont retrouvés de manières plus que douteuses dans des musées et des collections universitaires ou privées. Oui, certains ont été achetés et payés, mais même dans ce cas, le collectionneur bénéficiait fréquemment d'une position de richesse et de pouvoir, n'étant pas confronté à la famine ou à d'autres drames.
    Prenez, par exemple, le cas des objets de cérémonie qui se trouvent dans des musées du pays et du monde; nous savons qu'ils viennent de nos communautés.
(1215)
     Un de ces objets de cérémonie, un capuchon pour femme brodé de perles datant du milieu des années 1800 qui servait à souligner notre relation avec les animaux dont nous dépendons et à célébrer les événements de la vie, a été trouvé dans un musée de Montréal. Nos recherches nous ont permis de déterminer qu'il venait d'une de nos communautés du Nord du Québec. Nous savons de quelle famille il venait et qui le portait dans les années 1800, mais nous n'avons pu déterminer comment il était tombé aux mains d'un collectionneur avant d'aboutir dans un musée urbain. Nous ne pouvons que supposer que s'il n'a pas été obtenu par le vol ou la force, la famille était aux prises avec des difficultés telles qu'elle a été obligée de se départir de ce précieux héritage familial, lequel constitue un important lien vers sa vie spirituelle et cérémoniale.
    Si nous pouvons seulement discuter du fait que l'obtention de parties de notre patrimoine culturel a été facilitée par des conditions économiques ou sociales indésirables, que ces objets ont été volés ou pris de force ou ont inexplicablement abouti entre les mains d'un collectionneur, et admettre ce fait, notre société n'en est pas arrivée au point auquel nous pouvons simplement « encourager » le retour des biens culturels autochtones. Par conséquent, le soutien du processus dont il a été question doit faire en sorte que les communautés et les organisations patrimoniales autochtones n'aient pas à assumer les coûts du rapatriement des biens culturels.
    D'après notre expérience, le transport d'un objet depuis un musée de Montréal ou de Toronto peut coûter des dizaines de milliers de dollars. Pour un petit établissement sans but lucratif, il s'agit d'un fardeau qu'il assume en sachant que notre capacité de donner accès à des parties de notre patrimoine tangible qui sont tombées dans l'oubli ou qui ont cessé d'être utilisées dans nos communautés constitue une facette importante de la revitalisation et du maintien de notre patrimoine. Si nous parlons, comme l'indique l'article 3, du soutien à la préservation et à l'accès, il faudrait comprendre que ce soutien inclut l'aide financière nécessaire pour que cela fonctionne adéquatement. Il faudrait en outre veiller à ce que les coûts ne soient pas assumés par les communautés ou les organisations autochtones. Une aide financière authentique tient compte des frais de transport et de conservation, et du soutien aux installations et aux activités. Il faut également prendre en compte le soutien visant à accroître la capacité des nations autochtones, à former les ressources humaines et à construire des installations.
    L'installation du Aanischaaukamikw Cree Cultural Institute, située à Oujé-Bougoumou, dans le Nord du Québec, sert les 10 communautés cries d'Eyou Istchee. Nous possédons et exploitons une installation ultramoderne qui a obtenu la désignation de catégorie A de Patrimoine canadien, ce qui signifie qu'elle est jugée égale à bien des grands musées du pays au chapitre de la conservation et de l'entreposage.
    Un nombre croissant d'organisations autochtones du pays construisent de tels établissements et renforcent leur capacité de gestion du patrimoine culturel. Le projet de loi préconise le soutien du rapatriement des biens culturels, notamment l'appui à la construction des installations nécessaires à leur entreposage.
    De plus, en ce qui concerne l'accès, il serait préférable de ne pas imposer aux communautés autochtones des exigences conditionnelles fondées sur les normes muséologiques occidentales qui restreindraient l'accès pour un motif jugé valide par une communauté autochtone. Les décisions relatives au contrôle et à l'accès devraient rester aux mains des communautés autochtones ou des organisations qui les représentent, et ce pouvoir devrait être reconnu.
    Nous nous heurtons fréquemment à la résistance des musées au chapitre de l'accès, car leurs protocoles de prise de décisions s'appuient sur des normes muséologiques occidentales, lesquelles ne tiennent pas compte de notre savoir sur les soins à porter aux objets de cérémonie ou à d'autres articles. Dans bien des cas, nous avons constaté que nos objets sont traités de manière inadéquate et irrespectueuse dans les grands musées, car ces derniers appliquent les normes muséologiques occidentales. Bien souvent, pour que l'objet soit traité convenablement, il devrait être retourné dans son territoire d'origine, auquel sa vie spirituelle est liée.
    Le déplacement et le traitement irrespectueux, même accidentels, de nos objets patrimoniaux les plus précieux suscitent une douleur que le projet de loi pourrait contribuer à atténuer. Sachez en outre que dans bien des cas, les biens collectifs ont été entreposés d'une manière qui est loin d'être idéale. Quantité d'objets sacrés, rituels et importants ont été aspergés de pesticides et négligés parce que les musées leur accordent une faible priorité, comme nous avons été à même de le constater à l'étranger.
    Il est à nos yeux essentiel de soutenir le rapatriement des biens patrimoniaux autochtones en raison du fait qu'une grande partie de la collecte d'objets s'est déroulée en une ère d'expansion de l'empire, quand les biens culturels autochtones étaient considérés comme des objets exotiques, des fétiches et des articles à sauvegarder. Par conséquent, il y a beaucoup de travail de rapatriement à faire.
(1220)
    En ce qui concerne les revendications relatives aux collections soutirées des communautés et des territoires autochtones, particulièrement à la suite du contact avec les Européens, il existe rarement de preuve documentaire de la propriété. Les communautés autochtones ne peuvent assumer seules le fardeau de la preuve. Les recherches doivent être dirigées par des Autochtones, mais faire l'objet d'un soutien, financier et autre, sans imposer de frais aux communautés autochtones. En outre, il faut tenir compte de la tradition et du discours oraux dans le cadre des recherches visant à rapatrier les objets dans leurs communautés d'origines.
    Je voudrais prendre un instant pour souligner le travail de M. Casey et d'autres personnes qui ont élaboré le présent projet de loi. Je ferais également remarquer que s'il est adopté, cela nous aiderait considérablement à assurer le maintien de notre culture et l'accès à notre patrimoine. Le rapatriement des biens culturels nous permet de donner accès au patrimoine à la population que nous servons. Voilà qui crée des expériences et des occasions d'apprentissage empreintes de profondeur et de sens qui nous permettent de retrouver des aspects de nous-mêmes et de notre identité, et de nous renseigner sur nous-mêmes alors que nous rapatrions nos biens culturels.
    Merci, madame la présidente.
    Merci.
    Nous entendrons enfin Ruth Phillips et Anong Beam, de la Great Lakes Research Alliance for the Study of Aboriginal Arts and Cultures.
    La parole est à vous.
    Je voudrais moi aussi remercier le Comité de nous offrir l'occasion de nous adresser à lui. J'ajouterais, sur une note personnelle, que je lui suis particulièrement reconnaissante d'être ici, car j'ai été membre du Groupe de travail sur les musées et les Premières Nations, auquel nous devons les lignes directrices avec lesquelles nous travaillons actuellement. Je suis enchantée de voir que nous en arrivons enfin à l'étape avancée à laquelle nous nous trouvons.
    Sachez en outre que la GRASAC est une organisation qui doit son existence au financement fédéral de la Fondation canadienne pour l'innovation, du Programme des chaires de recherche du Canada et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. C'est grâce au soutien fédéral que nous avons pu réaliser la recherche que nous avons menée.
    Notre organisation est le fruit d'une collaboration entre des universités, des communautés autochtones, des chercheurs et des employés de musées, qui ont uni leurs efforts pour effectuer une partie du travail dont d'autres témoins ont parlé, lequel consiste à déterminer les origines et l'histoire des collections d'objets, que ce soit en Amérique du Nord ou outre-mer.
    La GRASAC appuie l'adoption du projet de loi C-391. Nous considérons que le rapatriement constitue une expression importante de l'autodétermination, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dont le Canada est maintenant signataire. Nous avons décrit le travail de notre organisation et formulé des observations détaillées dans un rapport écrit, que nous vous remettrons une fois qu'il aura été traduit.
    Aujourd'hui, nous voulons traiter de dispositions clés et proposer des modifications que nous jugeons nécessaires pour que le projet de loi atteigne ses objectifs. Nous sommes d'avis qu'il doit appuyer trois choses principales: la recherche permettant de déterminer quels objets doivent être rapatriés, les formes multiples d'accès, dont l'accès numérique et les prêts au besoin, et les infrastructures dans les communautés autochtones.
    Anong Beam, qui m'accompagne aujourd'hui, est directrice exécutive de l'Ojibwe Cultural Foundation et membre du comité directeur de la GRASAC. C'est elle qui traitera de ce dernier point très important.
    Pourquoi la recherche est-elle une condition préalable au rapatriement? Comme d'autres témoins l'ont souligné, nous ignorons où se trouvent nos objets patrimoniaux. Nous constatons en outre que bien peu de documents existent sur la question. Dans bien des cas, nous ne savons pas où, quand ou dans quelle communauté les objets ont été recueillis. Les Autochtones doivent donc déterminer quels articles doivent être rapatriés, car les musées et les établissements possédant des collections devront en connaître l'histoire pour pouvoir étudier les demandes. Ces établissements exigeront ce genre de renseignements. D'un point de vue pratique, il faudra également savoir où se trouvent les objets.
    Quand on effectue ces recherches, comme nous l'avons fait dans le cadre du projet de la GRASAC, cela met en lumière les diverses manières dont les biens culturels autochtones ont quitté les communautés pendant quatre siècles, dans le cas de la région des Grands Lacs.
    J'ai apporté quelques images, espérant vous montrer toute l'importance qu'ont ces objets et la manière dont ils ont été recueillis.
    La première diapositive montre une collection de curiosités du XVIIe siècle à Paris, laquelle existe encore. Elle contient des objets venant des Grands Lacs. C'est le genre d'articles que les collectionneurs de curiosités amassaient: un magnifique sac du peuple des Outaouais et une pipe très importante.
    Le sac se trouve au National Museum of Ireland, pays où il a été ramené par un soldat irlandais qui était au Canada vers 1800. La pipe a été ramenée en Écosse par un soldat ayant combattu au cours de la guerre de Sept Ans et qui l'a laissée à son employeur. Ce n'est que vers 2006 qu'elle a été vendue lors d'une enchère de Sotheby, au cours de laquelle les musées canadiens n'ont pas eu les moyens de l'acquérir. Un collectionneur américain privé l'a acquise avec toute une collection d'autres objets merveilleux. Les communautés autochtones ont été complètement incapables de participer aux enchères, par manque de fonds, je ferais remarquer.
    Les premières années, c'est en grande partie lors d'échanges diplomatiques et de rituels de remises de cadeaux que les objets ont quitté les communautés. Le wampum constitue la forme la plus connue d'articles recueillis ainsi; vous en voyez ici un exemple important, qui se trouve maintenant au Musée McCord.
    Mes collègues de la GRASAC m'ont appris que la réception des cadeaux dans un tel contexte indique et confirme la conclusion d'une entente. Le retour d'un tel objet a des conséquences potentielles, car il pourrait rendre l'entente caduque. C'est un facteur à garder à l'esprit.
(1225)
    Les échanges diplomatiques, particulièrement au cours de XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, donnaient également lieu à l'adoption rituelle de personnes considérées comme étant des alliés ou des défenseurs des communautés autochtones; pendant ces adoptions, on offrait très souvent de magnifiques vêtements. Le lieutenant John Caldwell, adopté en 1780 par les Anishinaabe, arbore le vêtement qu'il a reçu. Une grande partie de ces articles sont maintenant exposés au Musée canadien de l'histoire. Ils ont été rapatriés dans les années 1970 quand le gouvernement fédéral a fourni du financement pour ramener au pays des objets patrimoniaux canadiens détenus à l'étranger.
    D'autres sortes de cadeaux ont été remis au cours du XIXe siècle lors de visites de fonctionnaires importants, comme une remarquable collection de paniers d'écorce ornés d'aiguilles de porc-épic qui se trouve maintenant à la Osborne House, sur l'île de Wight, en Grande-Bretagne, laquelle se trouve être l'ancienne maison familiale de la reine Victoria. Ces objets ont été offerts au prince de Galles, alors que d'autres ont été donnés directement à la reine Victoria. Ils peuvent ressembler à des articles achetés comme souvenirs, mais il s'agit en fait de cadeaux diplomatiques.
    Certains objets pouvaient être commandés, comme ce magnifique berceau fort célèbre, dont les panneaux ont été commandés à Christina Morris, une des artisanes spécialisées dans l'utilisation des aiguilles de porc-épic les plus connues du XIXe siècle en Nouvelle-Écosse. Il s'est également produit énormément de souvenirs dans la région des Grands Lacs à des fins économiques, ce qui a fourni aux Autochtones une source substantielle de revenus.
    Parmi ces objets se trouvent de splendides articles brodés de perles fabriqués par les Haudenosaunee dans le Nord-Est, que l'on retrouve en quantité dans les collections. Grâce aux nombreuses photographies de femmes victoriennes tenant ces sacs, on peut constater que ces articles étaient fort prisés.
    Cependant, la plupart des articles détenus par des musées, dont d'autres témoins ont déjà parlé, font partie de l'énorme quantité d'objets qui ont été recueillis à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle dans le cadre d'un projet souvent appelé « ethnographie de sauvetage ». Des anthropologues ont sillonné l'Amérique du Nord pour recueillir ce qu'ils considéraient comme étant les derniers vestiges de la culture autochtone, pensant que les Autochtones allaient disparaître.
    D'après mon expérience, ces objets sont considérés comme ayant été obtenus sous la contrainte. Les gens, appauvris, étaient confinés dans des réserves. Leurs enfants avaient été envoyés dans des pensionnats, et le moral était fort bas à bien des endroits. Le statut de ces objets semble donc quelque peu différent de celui des autres articles dont j'ai parlé.
    Le fait important que nous voulons porter à votre attention, c'est que les objets entrant dans toutes ces catégories feraient aujourd'hui plus de bien dans les communautés autochtones que dans les entrepôts et les tiroirs des musées, mais exigeraient peut-être des formes différentes de demande auprès des établissements. Cette étape des recherches est vraiment cruciale, car elle nous aidera à formuler des demandes convaincantes.
    Je conviens également que la définition de « bien culturel autochtone » doit être améliorée, comme Dean Oliver l'a fait remarquer.
    Je céderai maintenant la parole à Anong Beam, qui traitera du fait que le projet de loi doit absolument appuyer les infrastructures dans les communautés autochtones.
(1230)
    Avant que vous ne commenciez, je vais arrêter l'horloge un instant. Je tenais à souligner que vous disposiez de 10 minutes, et vous en êtes presque à 9 minutes maintenant.
    Vous aurez l'occasion de transmettre des informations lors de la période de questions, au cours de laquelle quelqu'un pourrait vous aider à cet égard. Je voulais simplement vous informer du temps qui vous est accordé, car il ne vous en reste plus beaucoup, madame Beam.
    Je suis directrice exécutive de l'Ojibwe Cultural Foundation et je suis originaire de l'île Manitoulin, en territoire de la nation Sheg.
    Nous exploitons un musée à vocation artistique et un centre culturel publics contrôlés et gérés par les Autochtones. Nous représentons les six nations membres des United Chiefs and Council of Mnidoo Mnising
    Nous disposons aussi d'un espace destiné aux collections. Notre centre ayant été créé en 1974, il s'agit d'un des plus anciens espaces culturels autochtones du Canada. À ce que je sache, il est l'un des seuls centres culturels autochtones qui aient facilité le rapatriement de nos propres collections dans des nations voisines. D'après notre expérience dans ce domaine, le retour de ces objets a un effet incroyable.
    Sur une des images que vous avez vues dans le diaporama se trouve l'oiseau-tonnerre sur le sac provenant des Grands Lacs, un article vu par un artiste de notre communauté lors d'une exposition intitulée Patterns of Power organisée par ma collègue Ruth. Il a été vraiment estomaqué de voir cette image issue de notre communauté, alors qu'elle se trouvait en Irlande. Il a donc créé sur le plancher de notre édifice une oeuvre d'art arborant l'oiseau-tonnerre, le logo de notre peuple, de notre communauté, alors que nous n'avons jamais vu l'original ou quoi que ce soit s'en approchant.
    La revitalisation des arts traditionnels suscite énormément d'intérêt dans notre centre, notamment dans les domaines des textiles et des arts textiles.
    Pour le moment, nous n'avons pas pu exposer de pièces originales. Tout au plus avons-nous pu inviter Renee Dillard, une femme d'un talent incroyable originaire de Harbor Springs, au Michigan, qui est anishinaabekwe.
    Elle vient nous visiter après de nombreuses visites au Smithsonian Museum, où elle a vu des objets semblables aux arts textiles de notre région. En pouvant y accéder et les voir au Smithsonian Museum, elle a réappris certaines techniques et est revenue nous visiter avec des répliques qu'elle a réalisées après avoir vu ces objets. Notre communauté est enchantée et incroyablement honorée de bénéficier d'un tel lien avec ces artefacts.
    Notre édifice de 11 000 pieds carrés est doté de systèmes de sécurité, de chauffage et de climatisation. Il est sur le point d'entrer dans la catégorie A dans le domaine des biens culturels mobiliers. Nous possédons toutes les compétences nécessaires. Tout ce qui nous manque, c'est le financement de base pour appuyer le maintien en poste de l'effectif.
    Le fait est que nous dépendons considérablement du financement de FedNor ou des petites subventions, fort bien accueillies, qui financent les postes qu'occupent les nouveaux diplômés. Voici ce qu'il se passe: nous formons un diplômé, qui travaille pendant un an, mais nous n'avons pas les moyens de le garder une année de plus. Dès que l'année est écoulée et que nous avons un employé qui connaît bien la gestion des collections et les soins qu'il faut apporter à ces dernières, les expositions, la création de matériel didactique et l'enseignement à prodiguer aux classes, nous le perdons, et cela se produit encore et encore.
    Quand notre financement est approuvé, il s'écoule habituellement six mois avant que nous puissions pourvoir le poste, car nous ne nous trouvons pas dans un grand centre. Notre accès aux personnes compétentes est au mieux minimal. Nous avons énormément besoin de maintenir notre personnel en poste.
    J'ai été informée par divers membres du gouvernement fédéral et du ministère des Affaires indiennes et du Nord que les arts et la culture ne font pas partie de la Loi sur les Indiens et qu'ils n'ont pas la responsabilité de financer ainsi les postes essentiels. On m'a conseillé d'écrire une lettre à Justin Trudeau pour faire part de mes préoccupations à ce sujet.
    J'espère que dans le cadre de votre examen de ce projet de loi, vous prêterez l'oreille à certaines des personnes formidables qui ont pris la parole aujourd'hui et à d'autres que vous entendrez certainement plus tard, et conforterez notre capacité d'assurer le maintien en poste de notre effectif afin que nous puissions prendre soin de ces objets, les exposer et prodiguer de l'enseignement à leur sujet.
    Meegwetch.
(1235)
    Je vous remercie de cet exposé.
    Je suis certaine que vous aurez d'autres occasions d'ajouter quelque chose.
    Nous allons entamer notre période de questions et de réponses, en commençant par M. Long.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie nos témoins d'aujourd'hui. C'est fascinant. Merci de traiter du projet de loi  C-391.
    Chef Googoo, c'est à vous que ma première question s'adresse.
    Quel rôle pensez-vous que l'Assemblée des Premières Nations ait sur le plan de l'élaboration et de la mise en oeuvre du plan d'action? Pourriez-vous m'expliquer votre position à cet égard?
    Si vous regardez les autres lois, par exemple, nous prenons part à l'application de la loi sur les langues afin de faire en sorte que cela fonctionne dans le domaine de l'éducation. Tout le principe et le fondement de notre travail visent à assurer un développement conjoint pour être certains de participer aux démarches.
    L'expertise ne manque pas au pays. Nous avons les renseignements de ces experts. Ce qu'il faut, c'est exploiter cette expertise pour pouvoir contribuer à une démarche qui tient davantage compte des préoccupations de tous. Le pays compte 58 nations et tribus. L'APN possède de l'expérience quant aux protocoles qui s'appliquent dans les territoires et tout cela.
    Quand vient le temps d'apporter une contribution, que cela concerne le préambule ou des amendements supplémentaires, je pense que l'APN pourrait être un allié très solide et travailler avec tous les partenaires.
    Voudriez-vous que d'autres intervenants clés s'impliquent également?
    Juste ici dans mes notes, j'ai indiqué qu'une conférence devait avoir lieu pour rapatrier des objets du Smithsonian Museum. Ce dernier, qui possède plus de 800 articles appartenant aux Micmacs, travaille avec la Confédération des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse afin d'effectuer des prêts. Il y a donc des systèmes et des choses qui... Cela n'a pas à être une position ou une autre.
    Le discours ambiant a changé. Nous tentons de nous construire une identité saine et bien solide, et l'éducation joue un rôle essentiel à cet égard. Il arrive parfois que la situation soit pire quand plus de gens participent à l'aventure, mais, dans le cas présent, je pense que c'est mieux, tant qu'on connaît l'objectif principal, lequel consiste à nous assurer que nous avons nos identités.
    Comment voudriez-vous que le gouvernement fédéral intervienne, autrement qu'en fournissant de l'aide financière?
    Je pense qu'il peut intervenir en assurant les liens avec l'étranger. Pour ce qui est de l'Assemblée des chefs de la Nouvelle-Écosse, l'Australie détient des tenues de cérémonie de chefs de la Nouvelle-Écosse que nous ne pouvons rapatrier, car les responsables veulent s'assurer que nous en prendrons soin convenablement. Quelles sont les règles et les lois du Canada? Comment la diplomatie et le processus aideront-ils les Autochtones du pays?
    Je pense qu'il est crucial que le Canada encourage les musées et qu'il porte attention au tout nouveau discours, qui n'est plus celui d'antan. Il devrait aussi nous aider à renforcer notre capacité. Comme vous l'avez entendu, les organisations ont besoin de financement de base. Il nous faut plus de centres et d'installations.
    Merci.
    Madame Beam et madame Pash, je veux parler très brièvement du Programme d'aide aux musées, qui dispose de fonds pour le rapatriement. Avez-vous présenté des demandes à ce programme?
    Nous le faisons fréquemment. Normalement, nous utilisons ce financement afin de préparer des expositions et d'élaborer des bases de données. L'ennui avec le programme dans sa forme actuelle, c'est que le volet autochtone reçoit un financement moins élevé que celui dont bénéficie le programme principal.
(1240)
    Comment amélioriez-vous la situation?
    J'ouvrirais le programme pour le réécrire afin que les organisations autochtones reçoivent un financement égal à celui offert dans les autres volets. Je me pencherais aussi sur les exigences que les établissements doivent satisfaire au chapitre du nombre d'employés et de l'ouverture à l'année. Un grand nombre de ces exigences sont très restrictives. Bien des établissements culturels et des musées autochtones ne peuvent demander ce genre de financement.
    Je préside le conseil du programme de réconciliation de l'Association des musées canadiens; je sais donc qu'il s'apprête à présenter des recommandations concernant le Programme d'aide aux musées et le renouvellement de sa vision en ce qui concerne ce volet. La manière dont les exigences et les limites du programme sont établies pose de nombreux problèmes au chapitre des fonds disponibles.
    Comme je l'ai fait remarquer précédemment, si nous voulons retourner des artefacts datant des années 1840 ou de la fin des années 1700 dans nos communautés, nous devons nous rappeler qu'il peut nous en coûter 20 000 ou 30 000 $ pour retourner un objet comme un capuchon perlé pour femme. Si le financement du programme est limité à 50 000 ou 60 000 $, nous ne pouvons pas faire grand-chose avec cela.
    Oui. D'accord. Merci beaucoup.
    Madame Beam, pouvez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
    Nous sommes reconnaissants de recevoir actuellement du financement du Programme d'aide aux musées. Je considère qu'il s'agit d'une excellente initiative, mais c'est un programme, et comme il ne prévoit pas de financement de base pour les établissements comme le nôtre, nous devons adapter notre gestion, nos objectifs et nos activités au format du programme.
    Si on réussit à accéder à ce programme, le financement dure pendant deux ans. Comme nous sommes en activité depuis 1974 et prévoyons le rester pendant des décennies, le Programme d'aide aux musées serait absolument formidable si nous étions entièrement financés et disposions d'une organisation de base en place, car nous pourrions utiliser ce programme pour des projets précis. Ce serait idéal.
    Merci.
    La prochaine question s'adresse au chef Googoo, à Mme Pash et à Mme Beam.
    Je vous avertis qu'il vous reste 45 secondes.
    Je ne peux obtenir une réponse en 45 secondes, mais je vais essayer.
    Ma circonscription de Saint John—Rothesay, située dans le territoire traditionnel des Micmacs et des Passamaquoddy, ne compte pourtant pas d'importante population autochtone au sein de la communauté. Notre bureau a tenté d'inviter un aîné pour prendre la parole lors d'une activité, mais nous n'avons pu faire venir qui que ce soit. C'est un problème à Saint John—Rothesay; les habitants de ma communauté ne connaissent donc pas la riche histoire autochtone de la région.
    Le projet de loi vise à faciliter le rapatriement d'artefacts culturels autochtones, notamment, conformément à l'alinéa 3b), en encourageant les propriétaires, les gardiens et les fiduciaires de biens culturels autochtones à retourner ces derniers aux groupes autochtones auxquels ils appartiennent de droit.
    À titre de chefs autochtones, pensez-vous que tous les biens culturels autochtones devraient être rendus aux groupes autochtones, ou est-il possible, par exemple, pour un musée non autochtone comme le Musée du Nouveau-Brunswick, d'en posséder certains?
    Malheureusement, je vais devoir vous demander de présenter une réponse par écrit ou de peut-être aborder le sujet en répondant à d'autres questions. Le temps file.
    Nous accorderons maintenant la parole à M. Shields.
    Je vais vous aider, monsieur, car c'est une question fort intéressante, et je voudrais entendre la réponse, car je pense que c'est un élément important de l'équation.
    Si vous n'y voyez pas d'objection, je répondrai en premier.
    Je pense que cette question et toute cette affaire sont très importantes, car nous devons raconter notre histoire. Le Canada fait ce qu'il faut dans le cadre de la réconciliation en permettant l'établissement d'une nouvelle relation avec les Autochtones.
    L'éducation est lacunaire. Nous avons tous fréquenté l'école. Que vous a-t-on enseigné dans les livres? Je me souviens que le premier ministre a indiqué, lorsque nous avons annoncé l'appel à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation, qu'il avait été à l'école privée et qu'il ne s'en cacherait pas. Il a étudié à l'école privée et il supposait que tout le monde le savait, mais quand sa classe est arrivée au chapitre sur les Autochtones, le professeur a déclaré qu'ils devraient le sauter parce que c'était ennuyeux.
    Dans la société d'aujourd'hui, nous nous efforçons tous de favoriser l'épanouissement de meilleures valeurs de diversité au sein de la population, mais voyez ce qu'il s'est passé en Nouvelle-Écosse quand la statue de Cornwallis a été retirée. Le manque d'éducation favorise le racisme et n'inspire pas l'épanouissement de meilleures valeurs.
    Si on étudie le premier contact — pas le spectacle, mais le premier contact proprement dit —, ce fut comme un tsunami dans l'Atlantique, une vague qui s'est abattue et qui a effacé la culture. Si vous ne trouvez personne au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, c'est parce que le premier contact fut un tsunami. La vague n'a pas atteint la Colombie-Britannique; on se demande ensuite pourquoi on y trouve une multitude de lieux culturels fort dynamiques. La vague revient. C'est nous qui subissons les répercussions les plus fortes et les plus longues du contact avec les Européens.
    Voilà pourquoi nous devons rapatrier ces objets afin de raconter notre histoire correctement, car à l'heure actuelle, notre peuple tente de connaître son identité. Souvenez-vous — une minute et j'ai terminé — qu'on nous a qualifiés d'Indiens, de sauvages, puis d'Indiens de nouveau, ensuite d'Autochtones, puis, après une éternité, tout le monde s'est senti à l'aise avec l'appellation Premières Nations. Puis, du jour au lendemain, nous étions un peuple autochtone. Nous continuons de nous voir accoler toutes sortes d'étiquettes, car nous ne pouvons raconter notre propre histoire. Ce sont d'autres qui la racontent à notre place.
    Je suis micmac. Le jour viendra où le gouvernement ne considérera plus l'abondance de tribus comme un problème. Le Canada compte 58 tribus: acceptez-le et ne le voyez pas comme un problème. Nous ne sommes pas le problème indien. Il existe une formidable diversité de culture au pays. Mes enfants doivent acquérir la culture micmaque, mais c'est celle des Algonquins, des Cris et des Dénés qu'ils ont apprise. Ils ont emprunté les styles de ces tribus, car ils voulaient vraiment faire partie de l'identité autochtone. Je dois pouvoir leur prodiguer un enseignement adéquat en rapatriant certains objets, qu'il s'agisse d'enregistrements sonores ou d'autre chose.
(1245)
    Mais la question, c'est comment nous pouvons ramener les objets aux autres sources. Une fois que les objets vous ont été rendus, comment les partagez-vous avec nous?
    J'ai justement parlé ce matin du Smithsonian Museum et de la position de la Confédération des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse.
    Certains artefacts ne peuvent être déplacés, comme une hutte de sudation construite en branches et divers matériaux qui ont été préservés. Si on la déplace, elle s'écroulera en raison de sa fragilité.
    Il faut assurer un développement conjoint. Quand nous parlons de « développement conjoint », cela ne signifie pas que nous devons élaborer nos propres lois et concentrer nos efforts dans ce domaine. Il est plus important d'enseigner à tout le monde. Nous voulons nouer des partenariats avec les musées et partager les connaissances, mais il est extrêmement important et crucial d'avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour ramener certains objets dans nos communautés.
     Pour ce qui est de la question de savoir quels biens doivent rester dans les musées et lesquels doivent être restitués aux communautés, l'important, c'est vraiment que les discussions soient menées par les communautés et les nations autochtones, car ce sont elles qui connaissent les objets.
    Dans ma déclaration préliminaire, j'ai dit que nous savons que dans les grands musées, les musées du Sud du pays situés à l'extérieur de notre territoire, où nos objets ont abouti, certains objets ne sont pas traités de manière adéquate. Ce sont nos communautés qui savent comment il faut les traiter, car cela se fonde sur notre spiritualité et nos traditions. Ce sont les communautés autochtones qui devraient déterminer quels biens doivent être rapatriés.
    Nous avons dépassé ce stade. Supposons que vous les avez récupérés; vous connaissez votre histoire. Comment allez-vous nous la faire connaître? Là est la question.
    Disons que les biens ne sont plus dans un musée. Ils vous ont été restitués. Vous les avez, vous les connaissez et vous en faites l'enseignement. Comment nous transmettez-vous vos connaissances à leur sujet?
    Nous avons établi de très bonnes relations avec les musées du Sud. Nous avons conclu des ententes de prêts avec eux. De plus, nous créons des expositions itinérantes que nous présentons dans différents musées du pays.
    Nous en présentons actuellement une qui s'intitule Empreintes de pas - Une marche à travers les générations. Elle met en valeur des aspects importants de notre culture et de notre histoire. Elle sera présentée au Musée canadien de l'histoire pendant une longue période.
(1250)
    Pouvez-vous les sortir des musées? Pouvez-vous sortir ces artéfacts des structures et les rapatrier dans les communautés? Voilà où je veux en venir.
    Le musée de l'autre côté de la rivière est exceptionnel, mais quelle proportion de Canadiens le visite?
    Il faut créer des partenariats et des projets de collaboration et ils doivent être bien conçus. Or, il y a de la volonté de part et d'autre, tant du côté des établissements culturels autochtones comme le nôtre que du côté des musées du Sud du pays et d'autres organismes de sensibilisation du public.
    Je ne crois pas que ce soit très préoccupant. Je sais qu'il s'agit de créer des partenariats et des projets de collaboration, et il existe vraiment une volonté.
    D'accord. Très bien.
    Je veux seulement mentionner que quiconque s'est retrouvé dans les salles abritant des collections autochtones au Musée royal de l'Ontario, ou dans n'importe quel autre musée, saura que nous parlons ici d'une grande quantité d'artéfacts. Il ne s'agit pas de vider les établissements. Nous parlons ici de la capacité de choisir certains objets qui sont directement liés à nos communautés — histoires et techniques que nous essayons de revitaliser — et de créer des expositions en ligne et des expositions itinérantes qui peuvent être présentées à tous les Canadiens.
    Ces artéfacts qui restent dans des entrepôts et qui intéressent peu certains anthropologues ou directeurs de musée peuvent raconter des récits importants sur notre communauté et peuvent changer la vie de ses membres.
    J'ai déjà montré un tesson en céramique à un céramiste autochtone sur l'île Manitoulin. Il a fait de la céramique toute sa vie et on ne cessait de lui dire que ces oeuvres n'étaient pas traditionnelles. J'ai pu lui montrer un pot datant de l'année zéro, une photographie, et lorsque j'ai vu la réaction de cet homme lorsqu'il a compris que cela faisait partie de sa propre tradition... Nous voulons poursuivre la démarche.
    On dit également que les centres des Premières Nations sont destinés principalement à nos peuples dans le cadre de notre mandat. C'est le cas, mais il y a un grand nombre de visiteurs canadiens provenant de tous les horizons.
    Je ne crains pas que l'on vide les musées. Ne vous inquiétez pas. Les objets doivent être retournés au bon endroit. Ne craignez pas de vider les musées. Ce n'est pas une préoccupation.
    D'accord.
    Merci.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Nantel.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie tous.
    Vos témoignages sont d'une extrême profondeur, c'est une plongée dans le sujet des artéfacts autochtones. Ce n'est pas de la théorie, et ce n'est pas une série de colonnes dans un budget, c'est tout le rapport à l'histoire qui est discuté ici.
    Madame Beam, à titre d'artiste — j'ai d'ailleurs pu constater que vous étiez une excellente peintre — et à titre de membre du Collectif des commissaires autochtones, vous avez dû vous adresser à une artiste qui est allée voir de plus près ce qui se passait au Smithsonian Institution Vous n'avez pas pu obtenir cette information de première main. Ce n'est pas quelque chose que vous avez pu voir.
     Je comprends parfaitement ce que vous venez d'expliquer en donnant l'exemple de votre collègue céramiste de l'île Manitoulin. Cela se situe au-delà de la médiation culturelle avec « les Blancs du Sud ». Il s'agit d'une quête identitaire personnelle et émotive.
    Mme Phillips a évoqué la liste des oeuvres qu'il faut retrouver. J'ai l'impression que l'idéal est souvent le pire ennemi du mieux. Personnellement, j'entrevois qu'il y aura beaucoup de démarches complexes à effectuer, alors que j'ai senti chez Mme Pash une urgence de stipuler que, sauf dans les cas exceptionnels de cadeaux faits à des consuls ou à des ambassadeurs, dans l'ensemble, c'est une forme de pillage qui a eu lieu. Vous réclamez le droit, non seulement de récupérer les choses, mais aussi d'obtenir aussi des dommages-intérêts. Cela fait partie du mouvement de réconciliation.
    Mesdames Pash ou Beam, voulez-vous réagir à cette question?

[Traduction]

     Oui, c'est tout à fait le cas. Il s'agit d'un processus de réparation important. C'est l'occasion pour tous ces artéfacts...
     Je voulais proposer des mesures, surtout lorsqu'un établissement a un artéfact et qu'on propose son rapatriement dans sa communauté d'origine ou une communauté intéressée. Dans notre cas — supposons qu'il s'agit du sac que nous cherchions —, je proposerais, pour l'Ojibwe Cultural Foundation — parce que nous avons un atelier et compte tenu de la façon dont notre fondation a été établie —, qu'il y ait une exposition du passé pour le musée, un espace réservé à l'art contemporain pour le présent et un studio destiné aux artisans pour l'avenir.
     S'il y avait un objet qui nous intéressait, j'aimerais qu'il nous soit retourné et qu'il soit examiné par nos artisans. Nous pourrions alors créer une réplique que nous renverrions à l'établissement qui a restitué l'objet. De cette manière, la communauté connaîtrait mieux l'artéfact qui a été retourné et nous établirions des liens entre nos établissements. De plus, nous apprendrions peut-être comment ils procèdent quant au traitement et à leurs études en muséologie et d'autres choses du genre.
(1255)

[Français]

    Je vous remercie.
    Madame Pash, vous avez la parole.

[Traduction]

    En ce qui concerne la récupération de notre spiritualité et de nos pratiques, le rapatriement revêt beaucoup d'importance pour nous.
    J'ai parlé du capuchon pour femmes que nous avons trouvé dans un musée de Montréal. Ces capuchons ressemblent à ceux qu'utilisaient d'autres nations algonquines, comme les Micmacs, et ce sont des éléments très importants de nos vies spirituelles et cérémonielles. Les capuchons n'ont pas été vus dans nos communautés depuis les années 1800, et la connaissance de leur existence disparaît très rapidement.
    La capacité de rapatrier ce genre d'objet est étroitement liée à la guérison des communautés, à notre santé spirituelle et au renouvellement de nos vies basées sur des cérémonies. En tant que nation confrontée à l'incursion des Européens sur ses territoires depuis le milieu du XVIIe siècle — travail de missionnaire, pensionnats et répercussions de toute cette histoire —, avant que nous perdions cette génération d'aînés, nous essayons désespérément de retrouver ce type de connaissances et les connaissances sur les cérémonies, et de retrouver notre identité de façon profonde et sur le plan spirituel.
    Ces objets sont essentiels à cet égard. La possibilité de faire des recherches au sein de nos communautés à l'aide de ces objets est le moyen le plus important que nous avons trouvé pour raviver ces traditions et cette vie de cérémonies.

[Français]

     Je dois dire que cette dimension spirituelle est une découverte pour moi. Au-delà de l'aspect du patrimoine, je n'entrevoyais pas cette dimension spirituelle. Bien que je travaille auprès de l'être exceptionnel qu'est Romeo Saganash, cette dimension est toujours à réapprendre. Je dois toujours me familiariser à nouveau avec cette réalité.
    Je vous remercie beaucoup de vos témoignages.

[Traduction]

     Voulez-vous deux minutes, monsieur Hogg? Il reste deux minutes.
     Je vais parler le plus rapidement possible. Merci.
    Eh bien, soyez gentil envers les interprètes.
    Monsieur Googoo, vous avez dit que l'Assemblée des Premières Nations ne prend pas position au sujet du projet de loi. Vous avez ensuite énuméré un certain nombre de mesures qui devraient être prises selon vous pour l'améliorer. Il y a, par exemple, le financement, le rapatriement, les objets culturels, la création de catalogues nationaux et internationaux et des démarches de codéveloppement.
    Il semble que les éléments dont nous parlions sont en grande partie des ressources qui doivent être liées au projet de loi pour qu'il donne de bons résultats. Je crois que nous avons parlé de ces deux choses, plutôt que de nous concentrer seulement sur le projet de loi, ce que je comprends. C'est un élément important, soit être en mesure d'apporter des changements.
    Là où je vis, il y a la Première Nation de Semiahmoo, qui avait auparavant un totem de bienvenue. Il y a environ 10 ans, le ministère des Transports l'a retiré et transporté jusqu'à un autre endroit par camion. Il a fallu des années pour le trouver. On vient de l'installer. La province a payé pour l'installer au poste frontalier de Peace Arch. C'est un beau totem haïda.
    Lorsque Bill Casey est venu nous parler du projet de loi, il a dit qu'il fallait passer à l'action et provoquer quelque chose. Pensez-vous que cela pourrait être mis en oeuvre progressivement, de sorte que nous puissions, en fait, adopter une partie du contenu du projet de loi pour ensuite passer à tous les autres volets? Si nous prenons toutes les mesures voulues, il nous faudra beaucoup plus de temps et ce sera beaucoup plus difficile que ce que proposait Bill Casey, soit d'attirer l'attention des gens là-dessus pour voir si nous pouvons provoquer quelque chose. Pensez-vous que l'on pourrait procéder en deux étapes?
(1300)
    Nous voulions nous assurer de ne pas rester muets à cet égard, car c'est très important. Or, en même temps, nous recevons des directives de notre assemblée. En décembre, notre assemblée discutera assurément du projet de loi, de sorte qu'une résolution soit adoptée. C'est le protocole qui s'applique lorsque je viens vous parler au nom de l'Assemblée de Premières Nations.
    Un protocole s'applique ici aussi.
    Oui, je comprends. Je crois que pendant tout ce temps, l'objectif a été oublié. Parfois, parler de ce type de choses n'est pas très excitant, mais c'est très important, surtout dans une période de réconciliation.
    Tout à fait. Merci.
    J'aimerais seulement ajouter quelque chose. Je veux terminer en racontant une brève histoire et expliquer pourquoi il est tellement important que je raconte mon histoire en tant que Micmac et que nous ayons les artéfacts qu'il faut pour que je puisse donne l'heure juste. Nous avons tellement été influencés à l'époque où nos cérémonies et tout le reste étaient considérés comme de la sorcellerie. Nos artéfacts étaient considérés comme des costumes et de très belles décorations.
    L'an dernier, lors de mon voyage en France avec les enfants, j'ai perdu ma coiffure. Durant la traversée de l'Atlantique d'un grand navire, entre Halifax et la France, elle est disparue. Il s'agissait de ma coiffure et de mon gilet. Je ne pouvais pas les retrouver.
    C'est toujours beau, et les gens adorent cela. Pourquoi est-ce si important pour nous? Vous avez tous des ancêtres qui vous relient à un pays d'origine et vous utilisez toujours cette histoire. Combien de fois avez-vous vu un film qui raconte l'histoire d'une personne qui se sent perdue et qui retourne dans son pays d'origine, qu'il s'agisse de l'Écosse, de l'Irlande ou de l'Angleterre, et qui, à son retour est devenue une nouvelle personne? En tant que Micmac, où vais-je? Je vis en territoire micmac. Mes petits-enfants ne peuvent aller nulle part ailleurs si je ne leur raconte pas la vraie histoire de ce qu'il reste ici en territoire micmac. Il en est de même pour les Algonquins, les Cris et les Dénés — pour nous tous.
    Pendant tout ce temps, le Canada nous a considérés comme un groupe homogène, mais j'ai une responsabilité. Je ne peux pas produire un film racontant l'histoire d'un enfant qui se rend en Angleterre ou en Espagne et qui découvre ses origines. Si je ne fais rien et que nous n'agissons pas à cet égard, cet enfant sera encore plus perdu. Nous connaissons les histoires de suicides et des gens que nous avons perdus. Nous avons tous la responsabilité d'en arriver à une solution très positive.
    Je voulais seulement terminer en racontant cette histoire. Merci.
    En fait, je crois que c'est le moment parfait pour clore nos discussions d'aujourd'hui et je vous en remercie beaucoup.
    Je remercie tous les témoins.
    C'est ce qui met fin à notre 122e réunion.
    La séance est levée.
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