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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 127 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 octobre 2018

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Il s'agit de la 127e séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous poursuivons notre étude sur les modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs.
    Pour notre premier groupe de témoins, nous recevons Corrie Jackson, de la Banque Royale du Canada; Glenn Rollans et Kate Edwards, de l'Association of Canadian Publishers; et William Huffman, de Dorset Fine Arts.
    Commençons par Mme Jackson.
    Je m'appelle Corrie Jackson, et je suis conservatrice d'art senior à la RBC. Je suis responsable de superviser et de gérer la collection d'art de la RBC, ce qui comprend l'acquisition et l'installation d'oeuvres d'art à l'échelle mondiale.
    La RBC soutient activement le travail d'artistes canadiens vivants et collectionne des oeuvres d'art depuis 1929. Même si un grand nombre de nos acquisitions concernent des oeuvres d'artistes émergents — dont nous soutenons souvent le travail avant qu'ils trouvent un soutien essentiel auprès des grands musées ou établissements —, nous cherchons aussi à collectionner des oeuvres d'artistes de générations différentes qui nourrissent des conversations importantes et qui sont les mentors de la prochaine génération d'artistes.
    Chez RBC, nous reconnaissons le rôle important que les arts jouent pour soutenir des collectivités dynamiques et des économies fortes. Nous comprenons aussi que le soutien des arts crée, pour de nombreux artistes prometteurs, des occasions de s'engager à l'égard de leur métier et d'amener leur carrière à l'étape suivante. C'est pourquoi la RBC s'est donné comme priorité d'aider la prochaine génération d'artistes à faire avancer leur carrière. Notre stratégie donne l'occasion de mieux faire connaître le paysage artistique dynamique et diversifié du Canada.
    Voici quelques exemples du soutien des arts accordé par la RBC.
    Les responsables du projet Artistes émergents RBC, qui est supervisé par la Fondation RBC, se sont engagés à soutenir les jeunes artistes lorsqu'ils terminent leurs études et se dirigent vers la pratique professionnelle. La Fondation RBC s'associe à des établissements pour soutenir des programmes de mentorat qui aident les jeunes artistes en début de carrière. Ce soutien est essentiel lorsque les jeunes créateurs quittent l'école et cherchent à se faire valoir auprès de leurs pairs. Depuis ses débuts, le projet Artistes émergents RBC a aidé plus de 8 000 artistes issus d'un éventail de disciplines et a permis d'investir plus de 70 millions de dollars dans des organisations artistiques du monde entier.
    Mentionnons aussi le Concours de peintures canadiennes RBC. Créé en 1999, il vise principalement à aider les artistes visuels émergents en leur fournissant une tribune nationale pour afficher leurs oeuvres et en leur ouvrant des portes vers des possibilités futures. En plus d'un prix en argent, les artistes reçoivent du soutien et du mentorat. Chaque année, les oeuvres de notre lauréat national et de deux gagnants d'une mention honorable sont ajoutées à la collection d'oeuvres d'art de la RBC que je supervise.
    Nous nous associons à la Canadian Art Foundation pour nous assurer que ces jeunes artistes reçoivent aussi du mentorat d'un jury composé d'éminents experts en art à l'échelle nationale et internationale. Nous nous sommes associés à des organisations comme CARFAC pour aussi faire en sorte que ces jeunes artistes reçoivent un accès à l'information sur la rémunération des artistes, le droit d'auteur et les droits d'un artiste.
    La collection d'oeuvres d'art de la RBC est composée de plus de 4 500 oeuvres d'artistes canadiens. Lorsqu'elle collectionne des oeuvres, la RBC est consciente du fait qu'elle soutient une pratique et que ce soutien fait partie d'un échange actif. Les oeuvres dont nous faisons l'acquisition proviennent de galeries du marché primaire commercial et aident à financer le temps en studio qui permet la préparation des prochaines expositions et la parution de publications, en plus de permettre aux artistes de continuer de participer, de réfléchir et de produire.
    Nous collectionnons des oeuvres d'art en sachant qu'un marché actif au Canada peut renforcer le dynamisme de nos collectivités. Plus notre communauté artistique est forte à l'échelle nationale, plus nous participons étroitement à la création d'une culture qui profite de l'expérience novatrice et enrichissante que l'art nous apporte tous.
    Après avoir travaillé dans des galeries commerciales et universitaires, j'ai été attirée par ce poste personnellement, car je voulais voir les répercussions uniques et directes que les activités de collection d'une entreprise peuvent avoir sur le gagne-pain des artistes. Une collection qui s'enrichit de façon active permet de rémunérer les artistes pour leur travail, leur recherche, leur temps et leurs réflexions, et cela transparaît dans une oeuvre d'art. Cette occasion est importante et considérable. Le marché primaire canadien peut avoir une portée limitée, et l'incidence de la collection d'oeuvres par les entreprises n'est pas négligeable.
    Lorsque je réfléchis à notre responsabilité à l'égard du soutien des artistes, je pense souvent à une étude en cours que j'ai lue récemment, intitulée « Waging Culture », qui provient de l'Université York. C'est un petit échantillon et sa portée est assez limitée, mais elle offre de l'information qui vient appuyer, à mon avis, des sentiments que j'ai entendus lorsque j'ai parlé à des artistes de partout au pays.
    L'étude examine les expériences typiques d'un artiste professionnel qui travaille au Canada. Je tiens à insister sur le fait que c'est une étude portant sur les artistes qui produisent activement des oeuvres et qui contribuent à des dialogues culturels, en présentant leurs oeuvres dans des musées et des établissements. Ce sont des artistes professionnels, mais ils ne vivent pas nécessairement de la vente et de la présentation de leurs oeuvres seules. Ils occupent souvent d'autres emplois. Ils visent et s'engagent à produire des oeuvres qui présentent de nouveaux points de vue dans nos collectivités.
    L'étude est vaste et elle aborde un grand nombre des difficultés auxquelles les artistes font face. Toutefois, elle nous aide aussi à comprendre comment nos acquisitions influent sur le gagne-pain des artistes. D'après l'étude, le revenu médian des artistes au Canada, selon leur pratique artistique, provient à 40 % des ventes, à 40 % des subventions et à 20 % des cachets des artistes, comme le revenu de droit d'auteur. Le revenu annuel des artistes provenant de toutes les sources, y compris de leur emploi, est d'environ 21 000 $.
    En 2007 et en 2012, toutefois, l'étude a révélé que les artistes ne tirent pas de profit de leur pratique. En 2007, le revenu médian de la pratique a accusé une perte d'environ 500 $, et, en 2012, il a augmenté d'environ 400 $. En moyenne, le salaire horaire des artistes était de moins de 2 $. Cela nous donne l'occasion de réfléchir au fait que ce sont souvent les artistes eux-mêmes qui financent activement la production d'oeuvres d'art au Canada.

  (1105)  

    Les efforts de soutien des arts de la RBC font partie de sa culture organisationnelle. Les conversations suscitées par les oeuvres d'art dans notre collection stimulent les échanges novateurs et dynamiques entre nos clients et nos employés. À mesure que nous continuons de soutenir les arts visuels, nous cherchons à mieux comprendre et à renforcer nos relations avec les organisations d'arts visuels de l'ensemble du Canada et à comprendre notre incidence au sein du grand marché d'art canadien et international et de la communauté des arts visuels dans son ensemble. Nous continuons de chercher à soutenir les diverses conversations stimulées par les arts visuels.
    Merci de votre attention. Je serai heureuse de répondre aux questions du Comité.
    Merci.
    Passons maintenant à l'Association of Canadian Publishers. Nous accueillons Glenn Rollans et Kate Edwards.
    Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs.
    Je m'appelle Glenn Rollans, et je suis président de l'Association of Canadian Publishers, connue sous le nom d'ACP, et copropriétaire et éditeur de Brush Education, à Edmonton. Je suis accompagné de Kate Edwards, directrice générale de l'ACP.
    Nous soulignons que nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishinabe.
    L'ACP représente près de 120 éditeurs de propriété canadienne situés partout au pays qui publient des livres surtout en langue anglaise, de tous les genres, et pour des lecteurs du monde entier. Nous sommes des investisseurs en capital risque dans les livres et des partenaires créatifs. Nous ne sommes pas des imprimeurs. Nous occupons, dans le monde des livres, le rôle qu'ont les producteurs dans le monde du cinéma. Les lecteurs peuvent acheter nos oeuvres, ou nous pouvons leur accorder une licence en vertu de licences directes ou collectives, dans les médias numériques et imprimés. Nous générons un revenu important pour les auteurs, les éditeurs, les concepteurs, les illustrateurs, les photographes et d'autres professionnels créatifs, et nous sommes des professionnels créatifs à part entière.
    La modification de 2012 apportée à la Loi sur le droit d'auteur du Canada nous a fait du tort. En particulier, elle a ouvert la porte à la reproduction non rémunérée systématique et répandue dans les secteurs de l'éducation, de l'école maternelle jusqu'aux établissements postsecondaires du Canada. Les deux modifications les plus à l'origine de ce changement sont l'inclusion de l'éducation comme objet d'utilisation équitable et la réduction des dommages-intérêts, soit les sanctions prévues pour une violation précisée dans la loi.
    Enhardi par ces modifications, le secteur de l'éducation dans l'ensemble du Canada, à l'exception du Québec, a abandonné les licences collectives et a cessé de payer les tarifs obligatoires de la Commission du droit d'auteur. Il a plutôt décidé de mettre en oeuvre de nouvelles politiques avisant les employés et les étudiants que toutes les reproductions, dans les limites des anciennes licences et des anciens tarifs, étaient maintenant accessibles gratuitement. Les nouveaux dommages-intérêts ne les ont même pas ralentis. Nos membres ont été choqués d'apprendre que la seule différence importante entre la nouvelle politique et les anciennes licences et les anciens tarifs, c'était que les éditeurs et les auteurs ne seraient plus rémunérés.
    Ce piège cynique se révélait exactement contraire à ce que le secteur de l'éducation avait promis de faire durant les consultations préalables aux modifications. En ouvrant la porte à des utilisations non rémunérées répandues de nos oeuvres, ces modifications ont créé une menace à l'existence des auteurs et des éditeurs canadiens indépendants.
    Ne vous trompez pas: elles ont aussi soulevé la question urgente de la liberté d'expression. Si notre Loi sur le droit d'auteur mène à un Canada où les seuls auteurs et éditeurs qui peuvent gagner leur vie sont ceux qui reçoivent un salaire en établissement et ceux qui sont à la poursuite de publicités sur Internet, elle aura fait taire des voix canadiennes importantes et indépendantes.
    Des éditeurs canadiens indépendants éprouvent des difficultés dans un marché national dominé par des médias appartenant à des intérêts étrangers. Par comparaison, nous sommes de petits entrepreneurs; pourtant, nous publions 80 % de tous les titres d'auteurs canadiens. Nos membres publient des auteurs qui pourraient autrement passer sous silence et qui possèdent des voix diversifiées, marginalisées et émergentes. En compromettant leur gagne-pain, les modifications de 2012 ont encouragé l'exploitation et la suppression de ces auteurs. Ils ont aussi fait en sorte qu'il est maintenant moins possible pour les éditeurs de prendre des risques en soutenant les oeuvres de ces auteurs et en trouvant leur public.
    À la suite du comportement provoqué par la loi de 2012, notre secteur a perdu des revenus de reproduction s'élevant à environ 30 millions de dollars par année, comme l'a déterminé l'étude de PwC de 2015. Nos ventes de livres ont également souffert, en raison de la grande portée des dispositions de la loi donnant droit à la libre reproduction. L'étude de 2015 — que nous avons, je crois, fournie au greffier — a bien résisté à l'examen minutieux de 2017 de la Cour fédérale du Canada.
    Ces changements ont aussi été contraires aux engagements internationaux du Canada en vertu des conventions et des traités sur le droit d'auteur. Les utilisateurs étrangers paient maintenant plus cher les auteurs et les éditeurs canadiens pour la reproduction de leurs oeuvres que ce que paient les Canadiens. En ne limitant pas la reproduction à son secteur de l'éducation, le Canada s'est présenté comme une exception parmi les pays développés. Nous sommes devenus un pilleur des oeuvres publiées qui n'a pas la volonté nécessaire pour soutenir leur création, plutôt qu'un créateur confiant de propriété intellectuelle dans une économie du 21e siècle.
    La Loi sur le droit d'auteur devrait défendre les créateurs canadiens contre les grands utilisateurs d'oeuvres protégées par droit d'auteur qui utilisent systématiquement notre travail gratuitement. L'économie ne justifie pas le vol. Rien ne justifie que l'on traite les auteurs et les éditeurs du Canada comme des fournisseurs non rémunérés.

  (1110)  

    Le secteur de l'éducation fait valoir que les statistiques révèlent que le secteur canadien de l'édition de livres se porte bien, malgré la reproduction non rémunérée. En fait, il s'agit carrément d'une déclaration erronée des faits. Je vous presse d'examiner l'information que nous avons fournie au greffier et de remettre en question, de manière rigoureuse, de telles déclarations.
    Les pertes attribuables au rejet par le secteur de l'éducation des licences d'Access Copyright et des tarifs de la Commission du droit d'auteur varient selon les éditeurs, mais en ce qui concerne ma propre entreprise, ces pertes directes se sont élevées à environ 5 % des revenus. Si on les associe à nos occasions moins nombreuses de vendre des livres et aux minces marges dans l'édition de livres, cela a eu d'énormes répercussions sur notre croissance et nos activités. Chez les éditeurs canadiens indépendants, la perte de même 1 % des revenus signifie la perte d'emplois, des titres non publiés, la perte d'occasions pour les étudiants d'aujourd'hui de travailler dans notre secteur et la perte de contributions à l'éducation, à la culture et aux collectivités canadiennes.
    Le secteur de l'éducation soutient aussi que les utilisateurs d'oeuvres protégées par droit d'auteur sont lésés lorsque les créateurs sont protégés. Je vous prie de rejeter cette prémisse sous toutes ses formes. Les droits que vous protégez pour mes collègues et moi ne sont pas retirés à qui que ce soit. Ils sont protégés pour tout le monde, et le fait de les protéger profite à tous les Canadiens.
    Le renouvellement des licences du secteur de l'éducation n'est pas compliqué. La seule chose que le secteur de l'éducation doit changer, c'est son attitude à l'égard de ce qui est juste. Le secteur de l'éducation du Québec détient une licence complète en vertu de licences collectives, tandis que le secteur de l'éducation dans le reste du Canada ne détient pratiquement aucune licence. Cela signifie que les auteurs et les éditeurs canadiens sont rémunérés lorsque leurs oeuvres sont reproduites au Québec, mais pas ailleurs au Canada. C'est simplement inacceptable dans notre fédération. La solution facile, pratique et abordable, c'est que le secteur de l'éducation du reste du Canada signe des contrats de licences collectives — mais il semble avoir besoin de votre encouragement pour le faire.
    Nous avons été déçus d'apprendre hier que le plan du gouvernement concernant la réforme de la Commission du droit d'auteur ne va pas traiter des dommages-intérêts pour notre secteur. C'est une occasion ratée d'encourager le respect à l'égard des décisions de la Commission du droit d'auteur et de créer un incitatif pour que toutes les parties reviennent à la table de négociation. À moins que cette omission soit réexaminée, les tarifs obligatoires demeureront impayés, et les préjudices pour notre secteur continueront d'augmenter.
    Je dois dire clairement et franchement que, si vous n'aviez pas l'intention de causer de préjudice — le préjudice qui existe maintenant depuis plusieurs années —, vous devez y mettre fin et le renverser. Nous invitons le Comité à trouver le courage de dire non à l'approche à courte vue adoptée par le secteur de l'éducation, qui détruit vraiment le gagne-pain des auteurs et des éditeurs canadiens, et qui va à l'encontre, en fait, des intérêts des enseignants, de leurs élèves et de tous les Canadiens.
    Veuillez restaurer un marché juste où les éditeurs de livres canadiens indépendants peuvent gagner leur vie et continuer d'apporter leurs contributions importantes à d'autres professions créatives et à notre pays.
    Nous intégrerons dans notre mémoire notre série complète de recommandations.
    Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs. Nous sommes impatients de répondre à vos questions.

  (1115)  

    Merci.
    C'est maintenant au tour de William Huffman, de l'organisme Dorset Fine Arts.
    Merci, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je m'appelle William Huffman, et je représente la West Baffin Eskimo Co-operative. Le mandat de notre organisme est très large. Entre autres choses, nous nous occupons de la gestion des droits d'auteur et des autorisations pour les artistes inuits de la région.
    Je vais vous présenter brièvement notre organisme, pour vous donner une idée de qui nous sommes. La West Baffin Eskimo Co-operative est la plus ancienne et la plus prospère des coopératives de l'Arctique. Nous faisons partie d'un réseau qui s'étend dans tout le Nord. L'organisme a été créé en 1959 dans le but de fournir des ressources aux artistes inuits travaillant dans la collectivité. Depuis le tout début, la coopérative s'est efforcée de rendre possible l'art inuit emblématique de Cape Dorset. La création et la vente d'oeuvres d'art inuites est l'industrie locale la plus importante et la plus rentable de la région.
    Cape Dorset est une ville du Nunavut, située à environ 2 091 kilomètres au nord d'ici. Le siège social de notre organisme se trouve à Cape Dorset, et un bureau satellite, où je travaille, a été ouvert au centre-ville de Toronto en 1976.
    Nous sommes un organisme communautaire: 90 % des 1 400 habitants de Cape Dorset sont actionnaires. Les profits sont redistribués annuellement à la collectivité sous forme de dividendes.
    Nos activités dans le domaine du droit d'auteur consistent à gérer les droits d'auteur et les autorisations de reproduction au nom des artistes de Cape Dorset ou de leur succession. Nous avons établi un système fondé sur la délégation de pouvoir et la nomination d'un agent, et nous négocions avec chaque artiste ou avec le représentant de la succession. Nous nous occupons uniquement de notre collectivité. Aucun autre organisme de l'Arctique canadien ne possède un système aussi sophistiqué que celui de Cape Dorset.
    Je devrais mentionner, aux fins de la discussion d'aujourd'hui, que je reçois fréquemment à mon bureau, puisque nous sommes des experts du droit d'auteur et des autorisations, des demandes d'artistes vivant dans d'autres collectivités. Cela illustre bien à quel point nos créateurs de l'Arctique canadien ont besoin de ce genre d'infrastructure spécialisée.
    Toute personne ou entité qui souhaite reproduire, en tout en ou en partie, quelque chose ressemblant à une oeuvre d'art d'un artiste de Cape Dorset doit d'abord demander l'autorisation de notre coopérative. Notre bureau a travaillé avec tout un éventail d'intervenants, des musées au gouvernement en passant par des galeries d'art et des entreprises.
    Je veux aussi souligner, aux fins de la discussion d'aujourd'hui, que, relativement au droit d'auteur et aux autorisations, nous entretenons des liens entre autres avec la Banque du Canada, la Monnaie royale canadienne, Postes Canada, le Musée des beaux-arts du Canada, le Conseil des Arts du Canada, Affaires autochtones et du Nord Canada et Affaires mondiales Canada.
    Nos spécialistes du droit d'auteur et des autorisations examinent les demandes relatives à l'utilisation des oeuvres et doivent approuver le format et la qualité de leur reproduction ou de l'utilisation. Lorsque la coopérative perçoit une redevance d'utilisation, ce qui arrive souvent, elle utilise le barème des droits du Front des artistes canadiens, une société de gestion des droits d'auteur. Les redevances sont ensuite versées, moins des frais administratifs égaux à 20 %, à l'artiste ou à sa succession. Cela s'applique autant aux impressions qu'aux images diffusées en ligne et englobe les publications, les activités publicitaires et la vente de marchandises, de la tasse à café aux magazines en passant par les parapluies et les catalogues d'exposition.
    La plupart du temps, les gens sont proactifs et envoient à mon bureau des demandes liées aux droits d'auteurs ou autorisations. Ensuite, nous travaillons en étroite collaboration avec ces personnes ou ces organisations. Dans d'autres cas, on nous signale ou nous découvrons qu'une image est utilisée sans autorisation, et nous essayons alors de percevoir les droits de reproduction et autres frais applicables. Lorsque cela arrive, nous arrivons habituellement à percevoir les droits et à éviter une mauvaise utilisation de l'image. Malheureusement, notre capacité de faire respecter notre droit d'auteur et nos autorisations dans le monde entier est limitée.
    Au cours de l'exercice 2017-2018, nous avons perçu 137 466,78 $ en droits d'auteur et en droits d'autorisations et nous avons versé 109 973,73 $ aux artistes de Cape Dorset et à leur succession.
    Si vous vous demandez pourquoi nous exécutons ce programme, sachez qu'il y a toutes sortes d'artistes à Cape Dorset, de celui qui vient de créer sa première oeuvre jusqu'aux créateurs plus âgés. De nombreux artistes n'ont pas le téléphone ni d'accès Internet chez eux, ce qui leur cause des problèmes. Tous ont l'inuktitut comme langue maternelle, et il n'est pas rare que les artistes plus âgés ne parlent pas d'autre langue. Beaucoup de nos artistes ne possèdent pas non plus de comptes bancaires, et ne peuvent donc pas recevoir de paiements d'une façon que l'on pourrait considérer comme normale.
    Vous vous imaginez donc à quel point il peut être compliqué et difficile pour nos artistes de comprendre, dans des conditions que l'on considérerait, encore une fois, comme normales, le programme de droits d'auteur et d'autorisations et de s'y retrouver. Le mode de gestion et la structure du programme de droits d'auteur et d'autorisations de la West Baffin Eskimo Co-operative font que les artistes touchent des bénéfices financiers lorsque leurs oeuvres sont utilisées et aussi que l'intégrité de l'oeuvre originale est protégée par la réglementation et les restrictions relatives aux reproductions et à l'utilisation.
    Pour conclure, je veux dire que la structure unique de notre organisation et notre compréhension collective des artistes inuits de Cape Dorset nous ont permis d'acquérir, pour servir nos membres, une expertise unique dans la gestion du droit d'auteur.
    Merci.

  (1120)  

    Merci.

[Français]

     Nous passons maintenant à la série de questions et de réponses, en commençant par M. Breton.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Bonjour.

[Traduction]

    Je vais poser ma question en français. Je ne sais pas si vous... Vous pouvez utiliser votre casque d'écoute, si c'est nécessaire.

[Français]

    Madame Jackson, je vais commencer par vous. Vous avez attiré mon attention en parlant du programme qui existe depuis de nombreuses années à la Banque Royale du Canada. C'est une certaine façon d'encourager les artistes émergents. D'entrée de jeu, je vous en félicite et je félicite votre organisation.
    Pouvez-vous nous parler un peu de votre programme en lien avec les artistes émergents et de votre relation avec eux? Qu'est-ce qui a changé? Quelles sont les différences entre les dernières décennies et aujourd'hui en ce qui a trait, par exemple, à la technologie? Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

[Traduction]

    À propos de la technologie et de son incidence sur les artistes émergents, ceux de notre programme... La hausse des communications sur les médias sociaux est manifeste. Les gens sont davantage au courant des divers programmes offerts, et les artistes peuvent plus facilement réagir à l'information. À part cela, je crois que les changements ont été plutôt limités, selon mon point de vue.
    D'après ce que j'ai vu en travaillant auprès de la fondation, il est plus facile aujourd'hui pour les artistes de se tenir au courant des invitations générales et des dates limites pour les subventions. La visibilité de ce genre de possibilités a augmenté.

[Français]

     Je vous remercie, madame Jackson.
    Monsieur Rollans, vous avez dit que vous aviez des recommandations à faire au Comité et que vous alliez les soumettre dans un mémoire. Nous savons aussi que vous avez fait des recommandations, l'année dernière si je ne m'abuse, au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Je ne sais pas si vous les aviez présentées en personne ou dans un mémoire.
    Allez-vous nous présenter les mêmes recommandations dans le mémoire que vous allez nous soumettre? Pouvez-vous nous parler davantage de ces recommandations, s'il vous plaît?

[Traduction]

    En un mot, oui. Il s'agit des mêmes recommandations. Je ne les ai pas lues à nouveau aujourd'hui devant le Comité pour économiser un peu de temps.

[Français]

    D'accord. Pouvez-vous nous parler des recommandations que vous avez présentées au comité de l'industrie?

[Traduction]

    Oui, très rapidement. Nous recommandons de clarifier la notion d'utilisation équitable à des fins d'éducation, ce qui supposerait, essentiellement, d'informer le milieu de l'éducation qu'il a besoin d'une licence s'il veut tirer pleinement parti des zones grises de la Loi sur le droit d'auteur, plutôt que de s'approprier le droit de copier. Il faut à nouveau promouvoir l'obligation d'obtenir une licence des sociétés de gestion des droits d'auteur. Si on détient une licence, on peut utiliser l'oeuvre à toutes sortes de fins, par exemple, la reproduire numériquement ou physiquement, ce qui ne serait pas autrement autorisé.
    Il faut augmenter le montant préétabli des dommages-intérêts. Présentement, le montant maximal des dommages-intérêts prévus par la loi est égal à ce que devrait débourser une organisation, par exemple une université, pour obtenir une licence. Cela veut dire que, même si vous n'obtenez pas de licence, ce que vous allez devoir payer ne dépasse pas ce que vous auriez payé de toute façon. C'est un peu comme si le montant d'une contravention de stationnement était égal aux frais de stationnement. Personne ne paierait les frais, puisqu'une personne qui se ferait prendre de temps en temps n'aurait qu'à payer le coût du stationnement. Il faut prendre des mesures pour encourager les gens à obtenir une licence et les décourager d'enfreindre la loi.
    Nous recommandons que le Canada respecte ses obligations découlant des traités internationaux et s'assure que nos lois sont en conformité avec les normes internationales, en particulier le test en trois étapes. Essentiellement, l'utilisation à grande échelle devrait seulement être permise dans des circonstances spéciales, tout comme cela devrait être le cas pour les exceptions et les restrictions. Cela ne devrait pas interférer avec l'exploitation normale d'une oeuvre, pas plus que cela ne devrait nuire aux intérêts de l'auteur ou du titulaire du droit d'auteur. Pour l'instant, la loi n'est pas conforme à ce test.
    Notre cinquième recommandation est de promouvoir le bon fonctionnement de la Commission du droit d'auteur. Comme je l'ai dit, nous avons vécu une grande déception hier, en particulier en apprenant que le gouvernement n'avait pas proposé d'augmenter le montant préétabli des dommages-intérêts pour notre secteur.

  (1125)  

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Rollans.
    Je vais finir avec vous, monsieur Huffman. Je comprends que votre coopérative, qui semble unique en son genre, promeut d'une certaine façon les artistes inuits du Nunavut. Pouvez-vous nous dire comment sont rémunérés ces artistes? Je comprends que la coopérative appartient à la communauté de Cape Dorset. Les artistes font-ils affaire avec vous? Quel est le lien entre la coopérative et les artistes qui leur permet d'être rémunérés?
    Je vous remercie de votre question.

[Traduction]

    À dire vrai, notre processus est extrêmement compliqué, pour toutes sortes de raisons que j'ai abordées dans ma déclaration. Nous représentons des artistes qui traitent presque exclusivement en argent comptant, alors nous devons être en mesure de les payer d'une façon qui leur convient. Ajoutez à cela le fait que ces artistes parlent surtout l'inuktitut, et que notre équipe est en mesure de communiquer, fondamentalement, avec eux.
    Fait intéressant, un grand nombre de nos artistes ne comprennent pas vraiment en quoi consiste le programme de droit d'auteur et d'autorisations; mais il existe un lien de confiance extrêmement solide entre les artistes avec qui nous travaillons et notre organisation. Nous avons conclu des ententes relatives au droit d'auteur avec le Centre Pompidou et le Museum of Modern Art — le Musée d'art moderne — de New York. Ce sont des institutions très importantes, mais la plupart de nos artistes n'ont aucune idée de ce dont il s'agit. Certains n'ont jamais mis un pied hors de leur territoire.
    Pour répondre à votre question, il faut une certaine assurance et un certain niveau de confiance dans nos relations avec nos artistes pour être en mesure de gérer le programme avec leur accord.
    Merci.
    La parole va maintenant à M. Shields. Allez-y.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
    Madame Jackson, j'ai trouvé très intéressante la description de votre rôle. Peut-être pourriez-vous nous parler du processus. Comment faites-vous pour trouver les artistes émergents?
    Bien sûr. J'en serais ravie.
    Notre service de conservation travaille avec des musées et des galeries des quatre coins du Canada. J’ai accès à un réseau de conservateurs et d’experts de tout le Canada qui travaillent sur des expositions ou d’autres programmes. Cependant, les galeries commerciales du marché primaire, les galeries qui représentent des artistes vivants, sont notre point de liaison principal pour les acquisitions. Elles envoient souvent des gens dans les studios pour examiner les oeuvres produites.
    Lorsque ces artistes exposent, on nous envoie un courriel ou un PDF, ou encore nous allons voir l'exposition en personne. Habituellement, nous faisons des recherches préalables sur le travail antérieur de l'artiste, et nous examinons aussi les expositions, publications et événements marquants à venir auxquels il doit participer. Nous nous appuyons sur ce genre de renseignements pour nos décisions d'acquisition.
    Quand nous travaillons avec de jeunes artistes, une grande partie du travail consiste à surveiller ce que les conservateurs de la collectivité font pour soutenir leur art, à prendre le temps d'observer ce qu'ils font et à interagir avec eux. Les centres d'art autogérés sont bien évidemment une étape énorme à franchir pour les artistes émergents, alors nous faisons en sorte de nous tenir au courant de ce qui se fait dans les centres d'art autogérés du pays et de leurs programmes.

  (1130)  

    Quand vous achetez une collection, où l'exposez-vous et comment?
    Les oeuvres sont souvent exposées dans des centres de congrès. Elles sont exposées dans des lieux où les clients sont reçus ainsi que dans les bureaux de certains cadres supérieurs, mais surtout dans les espaces partagés. Nous voulons encourager les gens à les exposer dans des endroits où vont les employés.
    Nous organisons un assez grand nombre de tournées et de causeries pour les clients et les employés. C'est de cette façon que nous pouvons les convaincre, principalement.
    Nous venons tout juste de lancer un site Web affichant 50 oeuvres de la collection. Nous avons dû nous assurer que nous avions les droits d'auteur. Nous sommes en mesure de fournir une foule de renseignements sur les oeuvres d'art historiques de la collection ainsi que sur celles des nouveaux artistes.
    Lorsque nous exposons des oeuvres, nous faisons notre possible pour que les artistes émergents figurent au côté des artistes chevronnés qui les ont influencés.
    C'est intéressant, parce que quand vous vous rendez dans une entreprise et qu'il y a une énorme toile sur le mur, vous vous demandez comment elle est arrivée là et ce qu'elle représente.
    Avez-vous un programme éducatif pour votre personnel, pour qu'il soit renseigné sur tout cela?
    Nous organisons des causeries et des tournées. Nous avons aussi un espace de communication interne qui fournit de l'information à propos d'un grand nombre des oeuvres que nous avons acquises ainsi que sur notre mandat. Dans les bureaux d'entreprise, il devrait aussi y avoir une plaque avec de l'information sur l'artiste, par exemple d'où il vient et où il est né, ainsi que des détails à propos de l'oeuvre elle-même.
    Revendez-vous ces oeuvres que vous acquérez?
    Pas depuis que je suis là. Nous faisons don d'oeuvres à un grand réseau hospitalier lorsque la valeur d'une oeuvre est inférieure au coût d'entreposage et d'encadrement. Mais, la majorité du temps, nous les exposons; 98 % des oeuvres de la collection sont exposées sur les murs. Elles ne sont pas entreposées. Tous peuvent réellement les voir et les admirer, et c'est ce qui nous passionne.
    Vous avez répondu à ma dernière question.
    Merci.
    Monsieur Rollans, vous avez parlé d'argent. Savez-vous combien d'argent le Québec a généré, parce qu'il le perçoit? Connaissez-vous le montant brut?
    Les licences sont octroyées par Copibec. Je n'ai pas les chiffres bruts en main. Je sais que le taux qu'elle impose pour la reproduction a diminué parce que le reste du pays refuse d'octroyer des licences.
    Connaissez-vous le montant qui a été payé en 2012 dans le reste du pays?
    Je sais que, pour Access Copyright, notre groupe collectif qui rassemble les auteurs, les illustrateurs et les photographes canadiens dans le domaine de la concession de licences pour des textes, la somme recueillie, peu importe l'étape, est inférieure à 40 millions de dollars.
    C'est pour le secteur de l'éducation?
    Le secteur de l'éducation est responsable en grande partie de la situation, de la maternelle à la douzième année jusqu'aux études postsecondaires. D'autres licences ont été octroyées au secteur public, et, dans certains cas, à des entreprises privées, pour leur utilisation de matériel protégé par le droit d'auteur. Des accords bilatéraux qui régissent la reproduction d'oeuvres canadiennes dans d'autres pays en ce qui concerne la remise au Canada des revenus générés par la reproduction.
    Pourriez-vous soumettre avec votre recommandation les chiffres concernant ces oeuvres dont vous avez parlé dans votre exposé?
    Oui, et je crois que le groupe Access Copyright figure également sur votre liste de témoins. Il a directement accès à ces chiffres dont je n'arrive pas à me rappeler.
    D'accord, merci.
    Vous avez parlé de l'unicité, et je comprends que, en tant que coopérative... Connaissez-vous d'autres coopératives qui exercent leurs activités d'une manière semblable?
    Je ne crois pas.
    Êtes-vous la seule coopérative nordique qui gère ce genre de chose? Comment les autres artistes abordent-ils la question du droit d'auteur?
    Ils ont très peu de recours. S'ils ne souhaitent pas autoriser la reproduction de leurs oeuvres, ils ne disposent d'aucune structure semblable à la nôtre. C'est très malheureux. Même au Nunavut, les représentants du gouvernement nous implorent souvent d'agir de manière plus responsable à l'égard des autres territoires. Mais essentiellement, nous sommes un organisme municipal pour les artistes de Cape Dorset. Il nous est impossible d'assumer ce rôle.

  (1135)  

    Vous avez une minute.
    Si vous aviez une recommandation à faire, quelle serait-elle?
    Je recommanderais que l'on examine notre modèle. Depuis les années 1950, nous réussissons très bien à gérer tous ces aspects, non seulement la répartition des oeuvres à l'échelle internationale, mais également dans le domaine du droit d'auteur et des autorisations.
    Nous serions ravis d'assister au déploiement de ce modèle dans d'autres collectivités intéressées.
    Voudriez-vous assumer un rôle de premier plan quant à son application?
    Absolument.
    Merci.
    Merci, madame la présidente.
    Merci.

[Français]

     Maintenant, nous continuons avec M. Nantel.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie tous d'être ici.
    Tout d'abord, madame Jackson, j'aimerais vraiment vous féliciter pour ce que vous venez de nous présenter et pour le rôle de la Banque Royale, dont je n'étais pas au courant. C'est un merveilleux exemple de soutien aux créateurs, contemporains de surcroît, ce qui est particulièrement intéressant. Je vous en remercie sincèrement.
    J'aimerais parler maintenant des artistes de Cape Dorset. Lors de la dernière législature, l'un des députés libéraux, Scott Simms, a déposé son projet de loi, le projet de loi C-516, proposant de modifier la Loi sur le droit d'auteur en ce qui a trait au droit de suite en arts visuels. Ce projet de loi n'a pas abouti. Aujourd'hui, alors qu'on parle beaucoup de la réconciliation nécessaire avec les peuples autochtones, je trouve que l'absence de droit de suite en arts visuels constitue un exemple criant de laxisme canadien.
    Je résume pour mes collègues ce dont il s'agit. Prenons l'exemple d'un artiste encore peu connu — peut-être un peu comme ceux dont la Banque Royale expose les créations — et qui vend son oeuvre à bas prix ou qui accepte la première offre qui lui paraît raisonnable. Son oeuvre finit par prendre de la valeur et se revend des centaines de milliers de dollars. Sans droit de suite, l'artiste n'en profitera pas et restera pauvre toute sa vie.
    L'exemple est criant dans le cas des Premières Nations et de Cape Dorset. Je me dois de vous rappeler le cas de Mme Pootoogook, dont le corps a été retrouvé dans la rivière Rideau, ici à Ottawa, ville où elle vivait pauvre, malade et désespérée. Cela ne serait peut-être pas arrivé si elle avait reçu une rémunération intéressante pour ses oeuvres, par exemple de votre coopérative de Cape Dorset, monsieur Huffman.
    Ne croyez-vous pas que nous devrions rapidement créer ce droit de suite, peut-être même dans le contexte de la révision de la Loi sur le droit d'auteur?

[Traduction]

    Je le pense. Plus nous disposons d'outils pour distribuer les ressources à nos artistes sous forme d'avantages financiers... Oui, nous en serions heureux. Dans le cas d'Annie Pootoogook, qui est sans doute — et Corrie, je suis certain que vous seriez d'accord — l'une des artistes canadiennes les plus importantes... Je le répète, nous avons un bureau à Toronto et un siège social à Cape Dorset. La situation d'Annie est devenue très difficile pour nous, car nous n'arrivions pas à la trouver par moments. Lorsque nous avons réussi, il était trop tard.
    Vous avez absolument raison. Il serait profitable qu'il y ait plus d'infrastructures, et, je suppose, une plus grande normalité dans notre manière de faire les choses, ce qui aurait une incidence sur la façon dont les autres choses se déroulent dans le monde artistique.
    Merci. D'après ce que j'ai pu constater, la plupart des pays du Commonwealth appliquent le droit de suite.
    En effet. Oui.
    Plus de 93 pays le font.
    Nous tirons gloire de la réconciliation. Nous en sommes fiers. Il nous faut toujours garder à l'esprit que le Conseil des arts du Canada a accordé la priorité à cet aspect à l'égard des Premières Nations de manière générale, donc je pense que ce serait justifié.
    Vous serait-il possible de nous envoyer un résumé de vos réflexions sur le sujet afin que nous puissions les inclure dans nos recommandations?
    Tout à fait.
    Je vous en serais très reconnaissant.

[Français]

     Ma prochaine question s'adresse à Mme Edwards et à M. Rollans.
    Vous avez fait état d'une situation liée à l'utilisation équitable. Je souhaite ici rappeler qu'un ancien vice-président conservateur de ce comité, M. Van Loan, a déjà clairement indiqué qu'il s'était senti arnaqué par le milieu de l'éducation, lequel avait selon lui exploité l'intention du gouvernement à outrance partout au Canada sauf au Québec. Par conséquent, j'aimerais beaucoup que nous recevions vos recommandations le plus tôt possible. Si elles n'existent qu'en anglais, serait-il quand même possible de nous les distribuer? Ce sont des recommandations précises.
     Comme vous le savez, je suis souvent très critique de la façon dont nous avons partagé l'étude de la révision du droit d'auteur entre deux comités. Mon collègue M. Breton a eu la brillante idée de vous demander ce dont il retournait. Ce manque de synchronisation des deux visions est malheureux. Cela crée des délais et c'est extrêmement déroutant.
    J'aimerais donc que vous nous fassiez parvenir vos recommandations, et je souhaite vous demander ce qui suit. Selon vous, puisque l'éducation est fondamentalement une responsabilité provinciale, le gouvernement fédéral ne s'est-il pas ici immiscé dans un dossier qui ne relevait pas de sa compétence en jugeant bon de réaliser des économies sur le dos des créateurs? Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu de motiver les provinces à s'impliquer davantage et à faire respecter les justes droits des créateurs et des auteurs?

  (1140)  

[Traduction]

    Merci de poser la question.
    Tout d'abord, je pense que notre objectif, c'est que nous soyons tous sur la même longueur d'onde et que le comité de l'industrie et le Comité formulent les mêmes recommandations. Mes remarques d'aujourd'hui étaient quelque peu différentes de celles du comité de l'industrie, mais c'est parce que le Comité insiste davantage sur la rémunération.
    Je ne suis pas certain si le gouvernement fédéral, en modifiant la Loi sur le droit d'auteur, visait à s'immiscer dans la question des compétences, mais c'était assurément un faux pas. Je pense qu'il y a eu des conséquences inattendues à l'inclusion de l'éducation comme justification de l'utilisation équitable. Je sais que nous devons faire valoir ce point de vue auprès des provinces, et que nos membres travaillent activement à l'échelle du pays, y compris au Nunavut, pour défendre cet intérêt.
    Je pense que le gouvernement du Canada possède d'importants outils qu'il peut utiliser pour ses bons offices, pour son financement des études postsecondaires et pour les signaux qu'il envoie au secteur de l'éducation quant à son orientation future.
    C'est là que je dois intervenir, car il me reste environ 30 secondes.
    Je suis désolé.
    Non. Ça va. Je vous remercie. Tout a beaucoup d'importance.
    En ce qui concerne la réalité, le plus important groupe de pression dont nous entendons parler au sujet de cette exception liée à l'éducation, ce sont les universités. Pourrions-nous conclure une entente et faire en sorte que cela vise principalement les auteurs canadiens, de la maternelle à la douzième année, et laisser le champ libre aux universités?
    Je pense que les universités accordent de la valeur aux oeuvres qui sont uniquement canadiennes. Tout ce qui peut soutenir les bons offices profiterait aux membres du secteur de propriété canadienne. Nos contributions sont uniques. Elles ne viennent pas du secteur international.
    Et la maternelle jusqu'à la douzième année?
    Oui, c'est le cas également de la maternelle jusqu'à la douzième année. Encore une fois, tout signal du gouvernement montrant qu'il comprend notre problème — que c'est l'hémorragie et que nous avons besoin de recours à ce sujet — sera le bienvenu. Jusqu'à maintenant, depuis les consultations préalables, nous n'avons reçu aucun signal.
    Merci.
    Nous allons maintenant écouter M. Long.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins de ce matin.
    Permettez-moi une brève parenthèse au sujet d'une autre industrie, ou plutôt d'un sport.
    J'ai un fils qui faisait du motocross, et il a parcouru le pays. Ceux qui faisaient du motocross offraient du divertissement. Ils inspiraient les jeunes. Ils attiraient des milliers et des milliers de gens lors de ces événements. Ils étaient tous affamés et dormaient sur des canapés. Ils volaient de la nourriture. En fait, ils devaient payer pour prendre part à ces événements. Les spectateurs payaient pour aller les voir. C'était vraiment étrange. Le monde du motocross a changé quand des sociétés du Canada sont intervenues davantage. Les sociétés ont vu la valeur de cette participation.
    Quant à vous, madame Jackson, je tiens tout d'abord à féliciter la Banque Royale du Canada de ce qu'elle a fait à l'échelle du pays. Certes, le projet d'artistes émergents est fantastique. La Banque Royale du Canada est manifestement une figure de proue.
    Pouvez-vous nous dire à quel point il est important que les grandes sociétés du Canada jouent un rôle, qu'elles aident? Plus j'en apprends à ce comité, plus l'expression « artistes affamés » prend une toute nouvelle signification. Quel autre rôle ou rôle plus grand les sociétés peuvent-elles jouer? À quel moment la Banque Royale du Canada a-t-elle compris cela?
    En ce qui a trait au projet d'artistes émergents, ce besoin de soutenir les jeunes artistes a commencé en 1999, après de nombreuses recherches sur le terrain.
    Je pense qu'il y a beaucoup de similitudes entre votre récit et ce que vivent les artistes émergents aujourd'hui. J'ai des homologues dans de nombreuses autres institutions financières qui sont eux aussi des collectionneurs actifs. Du point de vue de la collection, je constate que de plus en plus d'autres sociétés commanditaires comprennent ce que ça représente de collectionner des oeuvres pour s'assurer que les artistes sont payés, pour les soutenir directement.

  (1145)  

    Si vous me le permettez, je vais intervenir.
    Est-ce un phénomène culturel? Que ce soit pour des créateurs de toute forme d'art... Pour quelle raison les grandes sociétés au pays ne reconnaissent-elles pas l'importance d'un secteur artistique et culturel vigoureux?
    J'ai le sentiment qu'il y a de plus en plus de soutien, particulièrement à l'égard de la récompense. Les sociétés comprennent que des gens se rendent à ces événements et qu'ils veulent voir les oeuvres des jeunes artistes, et il y a une mobilisation.
    En ce qui concerne votre question, je pense que c'est limité, et il est assurément possible...
    En tant que gouvernement fédéral, que pouvons-nous faire pour faire avancer les choses?
    De mon point de vue, les sociétés doivent surtout comprendre les répercussions réelles de ce qu'elles font sur l'économie du marché primaire. Nous acquérons des oeuvres et nous soutenons ainsi les artistes, mais je constate que les sociétés, du moins selon les recherches que j'ai vues, ne comprennent pas bien ces répercussions.
    Assurément, je recommande que l'on consacre du temps et des efforts pour comprendre la conjecture du marché canadien de façon générale afin que nous puissions suivre et comprendre les répercussions.
    Avez-vous une idée de la façon d'améliorer la Loi sur le droit d'auteur pour aider les artistes émergents? Avez-vous des recommandations à cet égard?
    Pour ce qui est des artistes émergents, je pense qu'il faut s'assurer qu'ils disposent des ressources nécessaires pour comprendre la Loi sur le droit d'auteur qui les touche.
    Beaucoup de jeunes artistes à qui je parle ne connaissent même pas le Front des artistes canadiens, qui est l'organisation qui les soutient. Bien des artistes qui sortent de l'école n'en ont jamais entendu parler.
    Je pense qu'il faut consacrer les ressources nécessaires pour que les jeunes artistes comprennent les mesures déjà en place et que vous obteniez de la rétroaction pour accroître ce soutien.
    D'accord.
    Mon collègue M. Boissonnault souhaite-t-il intervenir?
    Je vais poser des questions. J'en ai beaucoup.
    Oui, allez-y.
    Merci.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.

[Traduction]

    Par souci de transparence, je tiens à dire que Glenn est un électeur. J'en ai entendu parler auparavant, trois fois, et j'adore cela.
    Nous sommes à l'ère numérique, et je vais poser une question provocatrice à Glenn et à Kate.
    Les livres sont-ils désuets et pour quelle raison devons-nous même nous préoccuper de la rémunération des auteurs?
    La réponse à la première partie de votre question est non. Les livres jouent un rôle central au sein de notre culture, de la culture mondiale. Des études sur l'électorat montrent que les Canadiens lisent à des taux comparables à ceux d'il y a plus de 20 ans, ce qui est une bonne nouvelle de notre point de vue, compte tenu du nombre de médias qui rivalisent pour s'accaparer le temps des gens, et cela est encore plus vrai chez les jeunes Canadiens.
    Booknet Canada a réalisé une recherche intéressante, que nous sommes ravis de fournir au Comité, portant sur les statistiques concernant les Canadiens âgés de 18 à 34 ans et leur rapport avec les livres et l'importance qu'ils leur accordent. Le travail que font nos membres en tant qu'éditeurs canadiens indépendants... Ils publient souvent des auteurs qui en sont à leur première publication, des livres qui sont propres à une région ou des oeuvres particulières qui portent sur la société ou l'histoire canadienne. Comme l'a dit Glenn plus tôt, ce sont des livres qui ne seront pas publiés par d'autres éditeurs à l'échelle internationale.
    Ils sont au coeur de notre débat national. Ils sont essentiels à la démocratie et à notre identité canadienne. Je pourrais continuer encore longtemps, mais je vais m'arrêter ici.
    Je vais devoir vous interrompre, car il ne me reste qu'une minute.
    Je vais commencer avec Glenn, et j'espère que vous aurez plus à dire sur le sujet au cours de la prochaine série de questions.
    Comment les éditeurs survivent-ils avec 80 % moins de recettes? Font-ils simplement faillite?
    Les chiffres de mon entreprise sont à la baisse en ce qui a trait aux redevances; nous en sommes à environ 86 % de notre situation en 2012. On survit en trouvant des façons de faire plus avec moins, mais il faut faire des sacrifices. Nous ne pouvons plus produire autant au Canada, par exemple. Nous devons utiliser des services qui se trouvent à l'extérieur du Canada pour limiter nos coûts.
    Nous publions moins de titres; nous prenons moins de risques avec les titres importants. Notre entreprise a publié un livre l'année dernière rédigé par Greg Younging, un grand auteur autochtone, intitulé Elements of Indigenous Style. Nous avons été en mesure de le publier cette année. À l'avenir, il ne nous sera peut-être pas possible de publier un tel livre.

  (1150)  

    J'espère revenir...
    C'est tout? Est-ce qu'il ne me reste pas 10 secondes de plus?
    Non, votre temps est écoulé.
    Pensez à l'exportation pour la prochaine série de questions.
    Nous allons céder la parole à M. Blaney.

[Français]

     Je vais continuer sur la question de la perte de revenus substantiels subie par les éditeurs canadiens.
    Vous avez parlé de façon vraiment éloquente de cette perte de revenus occasionnée par ce que vous avez qualifié de « conséquences inattendues » de la réforme du droit d'auteur.
    Plus récemment, vous avez parlé d'une décision qui vous a déçus hier. Pouvez-vous expliquer au Comité comment nous pourrions remédier à cette situation qui, comme vous l'avez dit, ne cesse de se détériorer? En quoi la décision d'hier empêche-t-elle de corriger ou de régler cette situation?

[Traduction]

    Merci de la question.
    Pour clarifier les choses, ce qui s'est dit hier, c'est que les solutions que nous espérions voir dans un projet de loi émanant du gouvernement ne figuraient pas dans le projet de loi. La solution que nous proposons, c'est de hausser le plafond des dommages-intérêts d'origine législative. Si les contrefacteurs savent qu'ils se verront imposer rapidement des peines raisonnablement sévères pour l'infraction, ils seront beaucoup plus susceptibles d'éviter de le faire et de se procurer des licences qui couvrent toutes les zones grises. Ce sont ces redevances qui ont disparu, ce qui a créé une grande zone libre pour la reproduction, avec laquelle il est très difficile de rivaliser. Je ne peux concurrencer avec la gratuité.

[Français]

    Vous n'avez donc pas l'impression qu'il y aura des pénalités pour les contrevenants. À ce sujet, soyez assurés de pouvoir compter sur notre collaboration.
    Je me tourne maintenant vers vous, madame Jackson. Notre comité mène également une étude sur le rapatriement de biens culturels autochtones. Je voudrais tout d'abord savoir si vous avez des collections d'art ou des oeuvres qui viennent de communautés autochtones? Depuis 1929, la Banque Royale a certainement dû acheter des oeuvres autochtones pour sa collection.
    Dans un deuxième temps, est-il déjà arrivé que des communautés autochtones souhaitent justement ravoir ces oeuvres que vous avez en votre possession?

[Traduction]

    Il ne m'est pas arrivé qu'un artiste demande à récupérer son oeuvre, mais nous collectionnons depuis 1929 des oeuvres qui proviennent de collectivités canadiennes, et nous soutenons activement le travail de Cape Dorset également. De nombreuses sociétés en ont tenu compte, ce n'est pas seulement la Banque Royale du Canada.

[Français]

     La Banque Royale a donc fait l'acquisition de plusieurs oeuvres autochtones pour sa collection. Pouvez-vous nous en parler? Il y a des peintures, et je crois qu'il y a des sculptures. Quels autres biens culturels autochtones y a t-il dans votre collection?

[Traduction]

    Il y a eu des sculptures. Assurément, dans les années 1950 et 1960, un nombre important de sculptures inuites ont été acquises par mon prédécesseur, Beverly Parker. Depuis, nous continuons de faire l'acquisition de sculptures, mais aussi d'un grand nombre de dessins, de gravures et d'oeuvres sur papier.

[Français]

    Si j'ai bien compris, près de 90 % de votre collection est exposée. Est-ce bien le cas?

[Traduction]

    C'est plus que 90 %; c'est 98 %.
    C'est impressionnant.

[Français]

    Je vous remercie.
    Monsieur Huffman, je me tourne maintenant vers vous. Vous est-il arrivé que des artistes disent qu'ils ont vendu une oeuvre, mais qu'elle est très importante et qu'ils j'aimeraient las récupérer?

[Traduction]

    Vous avez une minute pour répondre.
    Pas du tout. En fait, pour la majorité de nos artistes, c'est un travail. C'est ainsi qu'ils gagnent leur vie. Nous sommes en train d'éduquer nos artistes, même après tout ce temps dans l'histoire de Cape Dorset, quant à l'importance de leurs oeuvres en tant qu'expression culturelle. Ils voient cela comme un emploi; nous avons souvent des artistes dont le seul revenu vient de l'art, qu'il s'agisse de sculptures, de gravures ou de dessins. Tous les mardis et les jeudis, nous payons l'artiste, et l'artiste fait l'épicerie, achète des couches et paie le loyer. Nous essayons seulement de faire comprendre à nos artistes à quel point leur travail est important.

  (1155)  

[Français]

    Nous parlons donc ici de l'importance de contribuer à la diffusion de la culture inuite et à son rayonnement, par le biais d'un échange où tout le monde y gagne. C'est excellent, et je vous remercie.
    Merci, madame la présidente.
    Nous revenons maintenant à M. Boissonnault.
    Je vous remercie, madame la présidente.

[Traduction]

    J'ai beaucoup de questions, et je dispose de cinq minutes.
    Voici une petite question. Quelle serait la meilleure façon de rémunérer les artistes lorsque leurs oeuvres sont revendues? Pourriez-vous nous en parler très rapidement, Glenn ou Kate?
    Eh bien, nous appuyons le droit de suite de l'auteur. Nous pensons que c'est un ajout important aux droits associés au droit d'auteur.
    D'accord. J'aimerais parler des sociétés et des philanthropes dans le domaine. C'est formidable. La CBC annonçait tous ces prix littéraires la semaine dernière, et l'un des animateurs, si l'on veut, a dit qu'il y avait peut-être trop de prix pour notre marché. Je pense que c'est absurde, mais voilà ce qui est pernicieux: c'est d'avoir tous ces prix venant de sociétés et de philanthropes, mais pourtant, les artistes ont de la difficulté à se faire connaître, car il y a de moins en moins de maisons d'édition.
    Aujourd'hui, The Red Word de Sarah Henstra s'est mérité le Prix littéraire du Gouverneur général. Mais l'auteure a eu de la difficulté à faire publier le livre, car il porte sur le sujet très sensible des agressions sexuelles sur les campus. C'est le livre qui a gagné le Prix littéraire du Gouverneur général, et il a failli ne pas être publié, car il n'y a pas assez d'éditeurs prêts à prendre un risque. C'est un problème.
    Glenn, voici ma question. Je crois comprendre que l'utilisation équitable s'est avérée être tout à fait injuste. Je n'utiliserai pas le mot « trahison », mais certains de vos collègues l'ont fait. Ce que j'ai entendu, c'est une sérieuse régression de l'intention du domaine de l'éducation de cette nature. Qu'est-ce que cela signifie pour ce que je qualifierais non seulement de contenu spécialisé, mais de contenu régional important dans le milieu de l'éducation?
    Je suis un député ouvertement gai et francophone de l'Ouest et j'ai aussi des origines autochtones. Je veux qu'on raconte ces histoires. Que signifie le manque d'éditeurs et que représente ce cadre pour les perspectives régionales des membres de la communauté LGBTQ2, des Autochtones et des francophones dans l'Ouest, dans l'Atlantique ou dans le Nord? Allons-nous seulement voir le point de vue des États-Unis, de l'Europe et de l'Ontario? Vais-je apprendre des choses extraordinaires au sujet du Québec

[Français]

mais dans l'Ouest du Canada

[Traduction]

au lieu d'apprendre de

[Français]

la communauté francophone de l'Ouest canadien?

[Traduction]

    La réponse la plus courte que je peux vous donner, c'est que mon ancienne entreprise, Les Éditions Duval, ou Duval House Publishing, à Edmonton, était spécialisée dans l'édition de ressources en français pour les écoles à l'extérieur du Québec pour soutenir leur droit constitutionnel à l'enseignement en français. C'était le plus important éditeur canadien de ressources en langues autochtones et en santé autochtone. Il est impossible d'avoir une entreprise comme Les Éditions Duval dans la conjoncture économique actuelle sous le régime de la Loi sur le droit d'auteur.
    C'est une honte. En tant que francophone de l'Ouest qui représente des groupes minoritaires ici au Parlement, je pense que c'est déplorable.
    Je suis d'accord. Cela me brise le coeur.
    D'où viennent les points de vue, alors? Est-ce que le matériel didactique vient des États-Unis, de l'Europe, de l'Ontario? Qui est en mesure de publier dans ce monde?
    J'éprouve une grande sympathie pour les enseignants. Je pense que les enseignants vont utiliser tous les moyens à leur disposition pour fournir des ressources à leurs classes. À son plus haut, l'achat de ressources didactiques représentait moins de 1 % des budgets consacrés à l'éducation avant ce changement. L'adoption de ce régime sur le droit d'auteur signifie que les enseignants, leurs écoles et les systèmes cherchent de plus en plus à se procurer des ressources à libre accès financées ailleurs ou des ressources improvisées par des enseignants à partir des sources disponibles, souvent numériques.
    Merci.
    Nous avons ce cadre. Si notre côté — et je parle de nous à Patrimoine — n'arrive pas à faire pencher la balance pour favoriser l'équité et l'équilibre, l'exportation est-elle la solution? Et si c'est le cas, devrions-nous encourager les éditeurs canadiens à se rendre à la Foire du livre de Francfort pour vendre leurs produits sur le marché international? Est-ce un rôle que peut jouer le gouvernement du Canada?
    Vous avez une minute.
    Répondez en une minute ou moins.
    La réponse courte est oui. L'exportation est extrêmement importante pour les éditeurs canadiens présents sur le marché. En ce qui a trait à l'éducation canadienne et aux types de livres dont vous parliez plus tôt, ces points de vue régionaux et ces récits canadiens uniques, ce sont des livres qui... Certains vont voyager dans le monde, mais pour arriver à produire ces histoires pour les Canadiens, il nous faut un marché qui fonctionne ici également.
    D'accord.
    Monsieur Huffman, pourriez-vous nous faire part du point de vue du Nord quant à ces difficultés de se faire entendre dans le cadre actuel?

  (1200)  

    Dans de nombreux cas, nous sommes la voie de communication des artistes à Dorset. Comme je l'ai dit, le mandat de notre organisation est vaste. Nous ne gérons pas seulement le droit d'auteur. Ce n'est qu'une petite partie de nos activités. Nous sommes des promoteurs, des négociants, des compagnons de voyage lorsque les artistes se rendent à l'étranger.
    C'est une collectivité très éloignée, et le fossé d'incompréhension est immense. Depuis la naissance de l'art inuit à Cape Dorset, aucun de nos artistes n'a suivi de formation traditionnelle. Tout s'est fait par mentorat grâce à l'échange intergénérationnel de renseignements au sein de la collectivité. Comme je l'ai mentionné, certains artistes n'ont jamais voyagé à l'extérieur du territoire. Nous avons une relation avec le Brooklyn Museum. Vous pouvez vous imaginer le choc culturel que cela représente quand j'y passe deux semaines avec un artiste qui n'est jamais allé plus au sud qu'Ottawa.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Cela met fin à notre discussion avec le groupe de témoins.
    Pour revenir à ce qu'a dit M. Boissonnault, The Red Word a en fait été publié par ECW Press, donc je les félicite d'avoir pris une chance avec ce livre.
    Je tiens à vous remercier. C'était réellement utile d'entendre vos points de vue. Si vous avez d'autres réflexions que vous aimeriez nous soumettre plus tard, suivant ce que vous avez entendu aujourd'hui, veuillez nous les transmettre par écrit dans vos mémoires également. Merci.
    Nous allons suspendre la réunion pendant environ deux minutes pour le changement de groupe de témoins.

  (1200)  


  (1205)  

    Nous allons reprendre. Nous avons un autre groupe de témoins avec nous.
    Nous avons avec nous la Conférence des collectifs et des centres d'artistes autogérés.

[Français]

     Nous accueillons leurs représentants, Mme Anne Bertrand et M. Jason Saint-Laurent.

[Traduction]

    Par vidéoconférence, nous avons Emmanuel Madan de l'Alliance pour les arts visuels.
    Nous sommes en compagnie d'Émilie Grandmont-Bérubé, de l'Association des galeries d'art contemporain.

[Français]

    Nous allons commencer par M. Madan et parler de technologie.
    Serait-il possible de commencer par Mme Bertrand puisque les notes que j'ai préparées vont suivre ce qu'elle dira?
    D'accord. Nous allons donc commencer par Mme Bertrand.
    Madame Bertrand, vous avez la parole.
    Je remercie les membres du Comité de nous avoir invités aujourd'hui.
    Je vais faire ma présentation surtout en anglais, avec quelques petits paragraphes en français. Je travaille pour une association nationale dont les membres sont principalement au Canada. Je travaille donc beaucoup en anglais, mais je fais tout dans les deux langues officielles au quotidien.

[Traduction]

    En réponse au mandat du Comité, la Conférence des collectifs et des centres d'artistes autogérés, l'ARCA, qui est représentée par moi-même et Jason Saint-Laurent, est reconnaissante de pouvoir comparaître devant vous pour aborder les modèles de rémunération du point de vue unique des centres d'art autogérés, aussi connus comme les CAA — une infrastructure regroupant 180 organisations réparties dans tout le Canada. Les CAA offrent de multiples points d'accès aux arts tant aux professionnels du domaine des arts qu'au public.
    Les centres d'art autogérés sont des organisations sans but lucratif régies par les artistes. Ces centres soutiennent la production et la présentation publique de nouvelles pratiques novatrices et s'engagent à payer aux artistes la redevance minimale recommandée par le Front des artistes canadiens, qui est de 1 996 $ par exposition durant plus de quatre semaines en moyenne. En 2015-2016, les centres d'art autogérés ont présenté les oeuvres de plus de 4 000 Canadiens — artistes canadiens, devrais-je dire, mais ce sont aussi des Canadiens — à l'échelle du pays dans plus de 900 expositions fréquentées par quelque 1,5 million de visiteurs.

[Français]

    Une étude statistique réalisée en 2010 par l'Observatoire de la culture et des communications de l'Institut de la statistique du Québec sur un échantillon d'artistes professionnels en arts visuels a déterminé que seul le tiers des artistes avait touché des droits d'auteurs, et ce, pour un montant annuel médian d'environ 890 $. Bien que cette source de revenus soit importante pour les artistes, elle est loin de fournir de quoi vivre.

[Traduction]

    Il est impossible d'établir avec certitude le montant des redevances d'exposition payées aux artistes par les centres d'artistes autogérés avec le système actuel Données sur les arts au Canada — également connu sous le nom de CADAC —, car on ne fait aucune distinction claire entre les droits et les redevances dans les rapports financiers.
    Comme les redevances représentent une faible proportion des revenus, les salaires et les honoraires sont une source importante de revenus pour les artistes. Les centres d'artistes autogérés travaillent activement à fournir une rémunération adéquate pour les conservateurs et le personnel administratif, dont la moitié sont également des artistes actifs. Cette main-d'oeuvre joue un rôle important dans l'intégration de nouvelles générations d'artistes et de travailleurs culturels en comblant l'écart entre l'enseignement supérieur, la pratique artistique professionnelle et la gestion de la culture.
    En 2015-2016, seulement 77 des 180 centres d'artistes autogérés ont reçu du financement de base du Conseil des arts du Canada, ce qui représente moins de la moitié de nos membres. Avec des revenus totaux de plus de 21 millions de dollars, le budget de fonctionnement annuel moyen de ces 77 centres était de moins de 250 000 $. Environ 5,5 millions de dollars de ces revenus ont été payés en salaires et en honoraires professionnels, ce qui correspond à plus de la moitié des dépenses artistiques totales. Le reste était affecté aux coûts de production, aux projets spéciaux, aux publications, au perfectionnement professionnel, à la sensibilisation et à l'éducation. Seulement 35 % de l'ensemble des postes de travailleurs étaient à temps plein, et il y a eu une diminution de 2,7 % depuis 2010, probablement attribuable au nombre croissant de travailleurs autonomes et de travailleurs à temps partiel, pour lesquels nous n'avons que des données anecdotiques.
    Les organisations fonctionnent systématiquement avec moins d'effectifs rémunérés que ce dont elles ont besoin.
    La culture artistique autogérée tire parti d'une main-d'oeuvre hautement spécialisée et exceptionnelle. Les concepteurs, les réviseurs, les traducteurs, les techniciens — souvent des artistes eux-mêmes — sont des experts de la production de programmes. On encourage les artistes exposants à tenir des conférences publiques et à animer des ateliers en parallèle à leurs expositions. Cette main-d'oeuvre, qu'elle soit liée à la production ou à l'exposition, génère des revenus supplémentaires sous la forme d'honoraires. Le paiement de ces honoraires, toutefois, peut varier considérablement selon les budgets des organisations.

  (1210)  

    J'ai une proposition. Les données actuelles, malgré leurs lacunes, donnent à penser que la rémunération actuelle fondée sur les droits d'auteur ne permet pas d'offrir un salaire de subsistance aux artistes. Les centres d'artistes autogérés offrent actuellement des sources supplémentaires de revenus artistiques malgré des budgets restreints.
    À la lumière de ce qui vient d'être présenté, nous demandons au Comité permanent du patrimoine canadien d'envisager de recommander ce qui suit au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    D'abord, il faut établir un partenariat entre le ministère du Patrimoine canadien et Statistique Canada afin d'élaborer et de financer de nouveaux outils statistiques pour mieux évaluer le secteur complexe des arts visuels d'aujourd'hui en fonction d'indicateurs clés et suivre l'évolution des conditions socioéconomiques des artistes et des travailleurs culturels au fil du temps avec plus de détails que peut le faire actuellement le Compte satellite de la culture.
    Ensuite, avant d'élaborer des programmes pour l'infrastructure des centres culturels — j'ai lu cela ce matin dans l'autobus, et c'est fantastique, en réalité; je vous remercie de votre travail — il faut examiner les défis actuels auxquels fait face le réseau canadien existant d'artistes autogéré, qui représente un éventail d'artistes, de conservateurs et d'agents voués à la promotion de l'art canadien à l'échelle locale, nationale et internationale depuis plus de 40 ans.
    Enfin, l'ARCA est reconnaissante envers les députés du rôle qu'ils ont joué dans l'approbation de la mesure visant à doubler le budget du Conseil des arts du Canada. Au cours de la première série de résultats relatifs au financement de base depuis l'augmentation de 2017-2018, les centres d'artistes autogérés ont reçu en tout une augmentation de 30 %. On s'attend à d'autres augmentations après la deuxième série de demandes de cette année.
    Merci.
    Merci.

[Français]

     Nous allons passer à l'Alliance pour les arts visuels.
    Monsieur Madan, nous vous écoutons.
    D'accord.

[Traduction]

    Bonjour à tous.
    Je m'appelle Emmanuel Madan. Je suis artiste professionnel depuis 20 ans. Mes œuvres ont été exposées dans des galeries et des musées partout dans le monde ainsi qu'au pays. Depuis 2014, je suis également directeur de l'Alliance des arts médiatiques indépendants, ou l'AAMI. L'AAMI est la représentante nationale des secteurs canadiens du film indépendant, de la vidéo, de l'art numérique et de l'art sonore. Par l'entremise de 100 organisations membres se trouvant dans 10 provinces et 2 territoires, nous représentons plus de 16 000 artistes médiatiques indépendants et travailleurs culturels.
    Toutefois, je ne suis pas ici aujourd'hui au nom de l'AAMI. On m'a demandé de témoigner pour le compte de l'Alliance pour les arts visuels, un grand consortium d'organisations artistiques nationales dont fait partie l'AAMI.
    L'Alliance pour les arts visuels compte 14 organisations nationales de service aux arts, qui travaillent dans les domaines de l'art visuel, des arts médiatiques et des métiers d'art. Nos 14 groupes membres représentent des artistes, des conservateurs, des musées d'art, des centres d'artistes autogérés et des marchands d'oeuvres d'art. Nous existons depuis novembre 2007, lorsque nous nous sommes réunis pour la première fois lors d'un sommet national sur les arts visuels.
    J'aimerais renchérir sur ce que vient de dire ma collègue Anne Bertrand. L'organisation qu'elle dirige, l'ARCA, est également membre de l'AAV.
    J'ai suivi les délibérations du Comité et les témoignages des témoins précédents. Nombre d'entre eux ont parlé des immenses défis auxquels ils font face dans le nouvel environnement des droits d'auteur à la suite de la transformation numérique et de l'augmentation conséquente de la mobilité du contenu au-delà des frontières.
    Ces énormes changements ne sont pas étrangers à ma propre organisation et à moi-même, car ils concernent principalement le contenu audiovisuel. Ils menacent profondément la viabilité du modèle existant visant à assurer une rémunération équitable et durable pour les créateurs.
    Ce qui ressort pour nous à l'Alliance pour les arts visuels, c'est que, pour les artistes indépendants qui oeuvrent dans le domaine de l'art visuel contemporain et des domaines connexes, le modèle précédent n'a jamais été viable pour commencer, même avant les pressions actuelles sur le régime de droits d'auteur. C'est pourquoi nombre d'artistes contemporains ont tendance à se fier à un éventail de revenus pour joindre les deux bouts, comme cela a été souvent documenté, par exemple, dans le rapport « Waging Culture » de Michael Maranda, publié il y a quelques années.
    Dans cette combinaison de revenus, certainement, les redevances d’exposition… Les redevances liées aux droits d’auteur font partie de cette combinaison, à tout le moins pour certains artistes, mais il en va de même pour nombre d’autres types de revenus provenant de la pratique d'un artiste, y compris les ventes d’œuvres, l’enseignement et les emplois professionnels liés aux arts. S'ajoutent à cette combinaison de revenus les mini-expositions, les contrats et une multitude d’emplois à temps partiel qui ne sont pas directement liés à la carrière artistique professionnelle d'un artiste. C’est ma propre expérience, et c’est aussi celle de nombreux artistes qui travaillent dans le domaine, que ce soit des artistes émergents, des artistes en milieu de carrière ou souvent même des artistes chevronnés et bien établis. Il faut souligner cette précarité. Comme je l’ai mentionné, cela date de bien avant la perturbation actuelle de l’environnement des droits d’auteur.
    Nous estimons, à l'Alliance pour les arts visuels, que la solution au problème de rémunération pour les artistes professionnels et les créateurs de contenu, même si elle est certainement touchée par les changements apportés à l'environnement des droits d'auteur, ne peut pas consister exclusivement en une modification de la Loi sur le droit d'auteur. On doit plutôt prendre un ensemble de mesures plus holistiques afin de lutter efficacement contre la précarité socioéconomique systémique continue dont souffrent les artistes indépendants et les artistes professionnels au pays.

  (1215)  

[Français]

     En ce moment, deux comités se penchent en parallèle sur la révision de la Loi sur le droit d'auteur. Je crois comprendre qu'ici, au Comité permanent du patrimoine canadien, la priorité que vous privilégiez est le bien-être des artistes et des créateurs canadiens. L'Alliance pour les arts visuels a donc bon espoir que l'approche holistique qu'elle préconise, qui passe certainement par la révision de la Loi sur le droit d'auteur mais sans s'y limiter, saura plaire aux membres du Comité.
     C'est l'esprit même de ce que disait Mme Bertrand à l'instant, à savoir qu'il faut assurer la sécurité sociale et économique des créateurs eux-mêmes. Après tout, ils sont le point de départ de toute la chaîne créative et sont donc l'élément clé de l'industrie culturelle dans son ensemble.
    La plupart des artistes indépendants en arts visuels, en arts médiatiques et en métiers d'arts ont le statut de travailleurs autonomes. Ils et elles gèrent leurs affaires comme n'importe quel autre propriétaire de petite entreprise. En revanche, vu la grande instabilité des sources de revenus, ils subissent des fluctuations majeures, des années fastes succédant souvent à des années de pertes significatives.
     Alors que la Loi de l'impôt sur le revenu fixe comme critère déterminant pour l'exploitation d'une entreprise l'attente raisonnable de bénéfices, il faut reconnaître que, pour bien des artistes, cette attente peut mettre de nombreuses années à se concrétiser et que, le jour où ce bénéfice arrive enfin, il ne dure pas forcément pour toujours.

  (1220)  

[Traduction]

    Je tiens à souligner que nous avons tenu des discussions avec vos collègues de l'Agence du revenu du Canada, particulièrement à la suite de l'affaire Steve Higgins au printemps dernier, selon laquelle la Loi de l'impôt sur le revenu doit être interprétée d'une manière qui est cohérente avec les réalités des artistes professionnels autonomes.
    Par conséquent, la première recommandation de l'Alliance pour les arts visuels est d'appliquer correctement la loi actuelle concernant les modèles de rémunération des artistes. Un allégement fiscal sous la forme d'un étalement du revenu sur les années suivantes, par exemple, serait une autre mesure à examiner davantage.
    La deuxième et principale recommandation que fait l'Alliance pour les arts visuels aujourd'hui au Comité permanent, c'est qu'il se dote des outils appropriés pour mesurer et surveiller les conditions socioéconomiques des artistes actifs.
    Les outils actuels de schématisation pour la rémunération des artistes et le contexte socioéconomique général sont incomplets. Un rapport commandé en 2011 par notre propre alliance, l'Alliance pour les arts visuels, et réalisé par Guy Bellavance de l'INRS a souligné un éventail d'écarts et de lacunes et recommandé que l'on emprunte une voie claire afin de combler ces écarts grâce à un processus d'établissement de prospectives stratégiques qui nous permettrait de mesurer, d'analyser et de suivre l'évolution à long terme d'un ensemble exhaustif de données et de tendances.
    Les outils statistiques actuels, comme le Compte satellite de la culture, ne nous permettent pas de comprendre pleinement la rémunération et les conditions socioéconomiques des artistes. Comme Mme Bertrand l'a souligné, même le système des Données sur les arts au Canada, le CADAC, qui a été mis en place par des organismes publics de soutien aux arts partout au pays, ne fait pas la différence entre les redevances et d'autres formes de paiement aux artistes.
    Nous soutenons donc les recommandations faites par l'ARCA, qui militent en faveur d'outils statistiques qui peuvent permettre de relever le défi de surveiller et d'analyser la situation des arts visuels au Canada et d'outils qui cibleraient précisément la compréhension et l'amélioration des conditions socioéconomiques des artistes et des travailleurs culturels.
    Nous croyons que Patrimoine canadien et Statistique Canada ont un rôle central à jouer à cet égard et nous préconisons à court terme la formation d'un groupe de travail auquel pourrait participer l'Alliance pour les arts visuels.
    Merci beaucoup. Voilà mes observations pour l'instant.

[Français]

    Merci.
    Nous continuons avec l'Association des galeries d'art contemporain.
    Madame Émilie Grandmont-Bérubé, vous avez la parole.
    Je m'appelle Émilie Grandmont-Bérubé et je suis propriétaire d'une galerie d'art contemporain, à Montréal. Je vais faire ma présentation en français, mais si vous avez des questions en anglais, n'hésitez pas à les poser. Cela va peut-être rafraîchir un peu mon anglais.
    Je siège au conseil d'administration de l'Association des galeries d'art contemporain, l'AGAC. J'ai aussi siégé pendant plusieurs années au conseil d'administration de l'Association des marchands d'art du Canada, l'ADAC.
    Je suis ici essentiellement pour discuter de la question du droit de suite. Le Front des artistes canadiens, ou CARFAC, a proposé que ce droit de suite soit inclus dans la Loi sur le droit d'auteur. Cette proposition nous inquiète beaucoup du point de vue du marché de l'art et, surtout, de celui du marché primaire, constitué essentiellement des galeries que l'AGAC représente.
    Spontanément, quand on parle de marché primaire, on parle de la première fois qu'une oeuvre est vendue, c'est-à-dire quand elle part directement de l'atelier de l'artiste. C'est une vente dont l'artiste bénéficie. Le marché secondaire, ce sont toutes les ventes qui vont suivre.
    Finalement, le droit de suite est une taxe sur la revente. L'objectif de cette taxe est de faire en sorte que les artistes bénéficient de la plus-value de leurs oeuvres quand elles sont vendues dans les galeries privées et les maisons de ventes aux enchères.
    D'entrée de jeu, il est très important pour nous de rappeler le rôle évident des galeristes, qui ont une position très privilégiée dans le milieu de l'art en général. Ce sont les seuls à entretenir une relation à aussi long terme avec les artistes. Nous les accompagnons quand cela va bien et quand cela ne va pas bien, en fait, à tous les stades de leur carrière.
    C'est certain que tous les galeristes appuient sans réserve l'objectif visé, qui est de contribuer à améliorer les revenus et les conditions socioéconomiques des artistes. Les revenus des galeristes dépendent directement de la vente des oeuvres des artistes qu'ils représentent.
    Les galeristes, surtout ceux sur le marché primaire, donc qui font affaire directement avec les artistes, pratiquent une forme de mécénat. Ils croient profondément en l'art et aux artistes, et ils joignent l'acte à la parole. Ils investissent personnellement leur temps, leur énergie et leur argent pour défendre avec une passion incroyable les artistes qu'ils représentent et en qui ils croient en espérant un jour, peut-être, récolter les fruits de tout ce travail.
     C'est une entreprise à très haut risque. La preuve en est le nombre croissant de galeries qui ont fermé dans les dernières années à Montréal, à Toronto, à Calgary et à Vancouver. C'est un peu effrayant, en fait. Les galeries ne ferment pas parce que les galeristes ne croient plus en leurs artistes ou en leur mission, mais parce que le marché ne leur permet pas de survivre.
    La proposition d'inclure le droit de suite dans la Loi sur le droit d'auteur peut être très séduisante à première vue, mais elle présente des faiblesses majeures qui ont été soulevées dans plusieurs études publiées dans les pays ayant adopté cette mesure. La principale faiblesse de cette mesure est qu'elle ne bénéficie pas aux artistes qui en ont vraiment besoin. Cela ne fait aucun doute et les chiffres le prouvent très clairement. Cette mesure bénéficie aux artistes déjà établis, soit le 1 % des artistes qui ont un marché très fort. Ce sont eux qui vont recevoir des redevances.
    Les études publiées en France, au Royaume-Uni et en Australie démontrent clairement que le droit de suite, qui vise à améliorer la situation des artistes en arts visuels, rate sa cible et qu'il est basé sur l'idée un peu romantique que toutes les oeuvres d'art vont se revendre à profit et que les artistes se priveraient de redevances peut-être énormes. Or, dans les faits, très peu d'oeuvres d'art vendues se retrouvent sur le marché secondaire et sont encore moins vendues à profit.
    Un des problèmes que pose la mesure sur le droit de suite proposée est qu'elle ne fait aucune nuance. La taxe serait toujours applicable sur la vente d'une oeuvre, qu'elle soit vendue à perte ou à profit.

  (1225)  

     Ce maigre 1 % des artistes concernés reçoivent en général entre 50 et 100 $ de redevances par année. Ce n'est clairement pas ce qui va améliorer leurs conditions socioéconomiques.
    En France, 70 % de toutes les redevances perçues ont été distribuées à sept artistes ou à sept successions, car cela bénéficie beaucoup à la succession des artistes morts, finalement, et non aux artistes vivants qui en ont réellement besoin. Au Royaume-Uni, 80 % de toutes les redevances perçues ont été distribuées à 10 artistes. Encore une fois, on parle essentiellement de leurs successions.
    Comme mes collègues l'ont mentionné dans leur présentation, la situation des artistes est extrêmement précaire. Ils vivotent et ils doivent souvent occuper des emplois dans différents domaines. Ils vivotent en espérant faire leur place dans le milieu et s'imposer un jour. Ils rêvent de vivre de leur travail et de la vente de leurs oeuvres. La vente des oeuvres est la meilleure façon d'améliorer les conditions socioéconomiques des artistes. C'est aussi la plus respectable et c'est leur objectif. Or l'implantation du droit de suite au Canada n'atteindra pas cet objectif du tout. Au contraire, ce droit fragilise un marché déjà extrêmement précaire.
     J'ai évoqué l'absence de nuance, c'est-à-dire le fait que le droit de suite pourrait s'appliquer à une oeuvre vendue tant à perte qu'à profit. Cela ferait que les collectionneurs seraient enclins à prendre beaucoup moins de risques et iraient vers des valeurs plus connues. Encore une fois, ce sont les artistes émergents ayant le plus besoin de vendre leurs oeuvres qui seraient mis de côté.
    En revendant une oeuvre à perte et en devant en plus payer une redevance sur cette revente, on serait doublement pénalisé d'avoir pris un risque. On n'aurait pas fait un bon investissement et, en plus, il faudrait payer pour cela. Selon les études publiées, cela nuirait au marché des artistes émergents.
    Un autre effet pervers potentiel de la mesure a trait au déplacement de la revente des oeuvres à l'extérieur des galeries et des maisons de ventes aux enchères. Le Canada est très près des États-Unis. Il serait très facile d'aller vendre des oeuvres aux États-Unis, de gré à gré entre particuliers, et ainsi échapper tant aux taxes qu'à la mesure du droit de suite. Cela entraînerait aussi des pertes de revenus pour les galeries et, ultimement, pour les artistes.
    Il a été proposé d'insérer le droit de suite dans la Loi sur le droit d'auteur pour corriger une iniquité apparente entre les artistes en arts visuels et ceux de la littérature, de la musique ou du cinéma. Pourtant, la propriété des droits s'applique déjà en arts visuels de la même façon qu'elle s'applique dans d'autres milieux. À moins d'avoir cédé ses droits, l'artiste visuel peut aussi monnayer son autorisation de reproduire son oeuvre dans des livres, des revues, des films, et le reste. C'est pour cela que le rôle du CARFAC est très important dans le maintien des droits de reproduction.

  (1230)  

    L'AGAC souhaite ardemment que les instances gouvernementales mettent en place des mesures qui vont permettre d'améliorer les conditions socioéconomiques des artistes. Ils méritent de pouvoir gagner leur vie décemment, nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous croyons toutefois que, pour toucher l'ensemble des artistes et pas qu'une infime partie d'entre eux, la solution passe surtout par des mesures qui vont stimuler le marché des acheteurs et non le fragiliser. Par exemple, plutôt que de taxer les collectionneurs au moment de la revente des oeuvres, pourquoi ne pas les inciter à acheter davantage d'oeuvres du marché primaire en leur accordant des crédits d'impôt, par exemple? Pourquoi ne pas défiscaliser le gain en capital sur la vente d'une oeuvre d'art ou s'inspirer du Royaume-Uni et de son programme Own Art, qui incite à faire l'acquisition d'oeuvres d'artistes vivants?
     Nous allons maintenant commencer la période de questions et réponses.

[Traduction]

    Nous allons commencer par M. Hogg, allez-y.
    Pouvez-vous revenir sur ce dont vous parliez concernant ce qui se passe au Royaume-Uni?
    Parlez-vous du programme Own Art du Royaume-Uni?
    Oui.

[Français]

    Je vais revenir au français.
    Ce programme qui incite à faire l'acquisition des oeuvres d'art d'artistes vivants est géré par le conseil des arts et financé par la loterie nationale. Il offre des prêts sans intérêt pendant 10 mois pour faire l'acquisition d'oeuvres d'art d'artistes vivants. C'est une mesure incitative. Il y a eu des

[Traduction]

campagnes promotionnelles importantes pour vraiment encourager l'achat d'oeuvres auprès d'artistes et de créateurs locaux, et les résultats ont été très impressionnants.
     Y a-t-il des pratiques adoptées par d'autres pays ou d'autres régions du monde dont nous pourrions nous inspirer et qui nous aideraient à régler ce problème? Quelles sont les pratiques exemplaires et dans quel pays sont-elles mises en place?
    Je dirais que le Royaume-Uni est parmi les pays les plus intéressants et les plus proactifs pour ce qui est de la promotion de l'acquisition d'oeuvres d'art. L'idée de l'exonération fiscale, de l'échange de biens équivalents vient de ce pays.

  (1235)  

[Français]

    Si un collectionneur vend une oeuvre d'art et fait un certain profit, et s'il réinvestit ce profit dans le milieu immédiatement, il ne sera pas imposé sur le gain en capital. Cela réinjecte de l'argent dans le milieu tout de suite, et c'est ce dont nous avons besoin.

[Traduction]

    Madame Bertrand, vous avez adopté un point de vue différent concernant les droits de suite. Pouvez-vous nous en parler dans le contexte de ce que nous venons d'entendre?
    Je ne crois pas que l'ARCA a un avis sur le droit de suite des artistes parce que ce n'est pas une mesure qui touche immédiatement les artistes appuyés par le réseau d'artistes autogéré sans but lucratif.
    À l'Alliance pour les arts visuels, il n'y a actuellement aucun consensus sur le droit de suite des artistes; c'est pourquoi il ne faisait pas partie de l'exposé de l'Alliance.
    Je crois comprendre qu'il y a des problèmes des deux côtés et je les félicite d'avoir présenté au Comité leurs points de vue respectifs sur la question.
    J'ai déjà posé la question concernant d'autres pays et les pratiques exemplaires qui peuvent y avoir cours. Est-ce que chaque témoin pourrait faire des commentaires sur ce qu'il considère comme une pratique exemplaire et sur les leçons que nous pouvons tirer d'autres pays?
    Est-ce par rapport précisément au droit de suite des artistes?
    Non, de manière plus générale concernant la propriété de l'oeuvre.
    Il est difficile pour moi de ne pas citer les pratiques exemplaires des centres d'artistes autogérés.
    Je suis accompagnée de mon collègue Jason Saint-Laurent, qui est artiste, conservateur et directeur de la Galerie SAW ici, à Ottawa, que vous connaissez peut-être. Si nous examinons des exemples comme la Galerie SAW, nous constaterons qu'il y a présentement des pratiques très progressistes dans le réseau d'artistes autogéré, qui place les artistes, leur rémunération et leur soutien au centre de toutes les activités, y compris la gouvernance, la production, la création et la présentation.
    Monsieur Saint-Laurent, avez-vous autre chose à ajouter concernant vos pratiques, et, de manière plus générale, celles dont nous pourrions nous inspirer?
    Certainement. Je reviens tout juste de Suède. À Stockholm, on organise une foire indépendante gérée par les artistes, laquelle est la plus grande en son genre dans le monde, et on nous presse tout le temps de questions concernant notre propre système: que pensez-vous du Conseil des arts du Canada? Comment fonctionne votre système d'artiste autogéré?
    Nous avons un système d'artistes autogéré partout au Canada qui est le plus ancien et le plus étendu au monde. Les centres d'artistes autogérés ont travaillé de concert avec le Front des artistes canadiens dès le début pour s'assurer que les artistes sont rémunérés et reçoivent leurs droits. Nous avons en quelque sorte servi de modèle pour les systèmes partout dans le monde.
    Les Scandinaves s'inspirent maintenant du Canada, pour leur système de financement des arts et du Front des artistes canadiens et du Conseil des arts du Canada pour leur système de rémunération des artistes. Ils aiment vraiment le fait que nous avons un système de financement des arts ici qui est indépendant du gouvernement et évalué par les pairs. Ce n'est pas quelque chose que vous trouvez dans nombre de pays dans le monde. C'est un système qui est très respecté.
    Pour ce qui est des centres d'artistes autogérés, nombre d'entre nous, mais pas tous, sont financés par le Conseil des arts du Canada. Certains existent depuis 45 ou 50 ans. Nous croyons que nous avons inspiré les musées régionaux et les institutions nationales à faire la même chose que nous, c'est-à-dire s'assurer qu'un artiste est rémunéré à la suite d'une exposition. On s'attend souvent à ce que les artistes paient pour leur matériel, leurs déplacements et toutes sortes de dépenses liées à leurs expositions. Lorsqu'ils reçoivent leurs droits, l'argent a été dépensé.
    Alors je crois que nous avons créé un modèle dont s'inspirent les institutions partout au pays pour s'assurer que les artistes sont rémunérés pour leurs projets.
    Puis-je ajouter quelque chose pour M. Hogg?
    La présidente: Absolument.
    Allez-y.
    Il est intéressant que Jason vienne de parler de la Scandinavie. J'étudie un exemple d'une pratique très intéressante de la Norvège. L'équivalent norvégien du Front des artistes canadiens finance depuis de nombreuses années un système de suppléments de revenu à long terme destinés aux artistes établis et aux artistes chevronnés. Voici essentiellement la façon dont le système fonctionne. Étant donné que le système de financement public présente des lacunes et des écarts, particulièrement pour ce qui est des artistes actifs qui sont plus âgés, on a mis en place un système très rigoureux pour accorder aux artistes du financement stable à long terme pendant des périodes de cinq ou de sept ans, je crois, afin qu'ils puissent continuer d'exercer leur art à un moment où leur production est peut-être moins attrayante sur le marché de l'art au goût du jour.
    Si je ne me trompe pas...

  (1240)  

    Je dois vous arrêter ici. Je suis désolée, mais le temps est écoulé.
    Monsieur Yurdiga, allez-y.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins de leur présence ici aujourd'hui et des renseignements dont ils nous ont fait part. J'ai appris beaucoup de choses.
    Madame Bertrand, dans votre exposé, vous avez mentionné qu'un tiers des artistes reçoivent des droits d'auteur. Quelle est l'importance pour ces artistes de les obtenir? Je vois que deux tiers n'en ont pas. Y a-t-il un avantage à en avoir?
    La question des droits d'auteur est directement liée à la propriété intellectuelle. La conversion des processus créatifs en propriété est quelque chose que nous faisons depuis longtemps. Elle ne génère simplement pas le même type de revenu que nous souhaiterons. Il ne fait aucun doute que les droits d'exposition sont essentiels à la rémunération générale ou au soutien des artistes; ils ne génèrent tout simplement pas des montants suffisants pour fournir un salaire décent. Je ne remets pas en question les droits d'auteur. Je dis seulement que nous pourrions peut-être examiner d'autres sources, peut-être des fonds, pour donner aux droits d'auteur un petit coup de pouce.
    Il est probablement trop tard pour répondre à la question de M. Hogg, mais il existe certains modèles dans lesquels on a créé un fonds accessible aux organisations afin qu'elles puissent verser aux artistes des droits d'auteur ou des droits d'exposition. Ce n'est pas quelque chose que j'ai examiné attentivement, mais je suis certaine que nous pourrions étudier des façons de faire dans d'autres pays qui pourraient nous éclairer.
    Vous connaissez le processus des droits d'auteur. Je ne suis pas certain de savoir comment il fonctionne. S'agit-il d'une entreprise coûteuse pour beaucoup d'artistes? Je suppose qu'obtenir des droits d'auteur coûte quelque chose.
    Toute production culturelle qui est fixée sur un support est protégée par un droit d'auteur au Canada. Il n'existe aucun processus pour l'obtenir. Il peut y avoir des frais si quelqu'un retient les services d'une société de gestion collective. Cette dernière peut retenir un pourcentage pour gérer les droits d'auteur au nom de l'artiste. Sinon, les droits d'auteur ne coûtent rien.
    Nous avons 180 centres d'artistes autogérés. Je crois que vous avez dit que 77 reçoivent du financement de base.
    Y a-t-il une raison pour laquelle les autres n'en reçoivent pas? N'y sont-ils pas admissibles? Pourquoi y a-t-il seulement 77 centres qui obtiennent du financement de base?
    En bref, c'est que, pendant longtemps, il n'y avait pas de financement supplémentaire pour permettre à de nouvelles organisations de recevoir le financement de base du Conseil des arts du Canada.
    Nombre de ces organisations reçoivent du financement de leurs conseils des arts municipal et provincial. Elles n'ont simplement pas encore été en mesure d'accéder au financement du conseil fédéral.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Émilie.
    Vous avez parlé des droits de suite. Jusqu'où peuvent-ils aller? Voulez-vous qu'on paie une taxe ou un droit chaque fois qu'une oeuvre d'art change de propriétaire?
    C'est le projet que le Front des artistes canadiens a proposé. Essentiellement, chaque fois qu'une oeuvre d'art est revendue, un droit de 5 % reviendrait à l'artiste.
    En tant que représentante du marché de l'art et particulièrement du marché primaire, dans lequel nous travaillons très étroitement avec l'artiste, je dirais que ce n'est vraiment pas une bonne idée pour le marché actuel du Canada.

  (1245)  

    Il serait très difficile de suivre l'oeuvre, particulièrement si elle se retrouve entre les mains d'un collectionneur privé et qu'elle est ensuite donnée ou vendue. Je crois que ce serait un grand défi en soi.
    Il serait compliqué de la suivre et également de trouver l'artiste. Beaucoup de problèmes administratifs sont en effet très coûteux.
    Évidemment, toutes les formes de média, que ce soit la musique, les arts visuels ou d'autres formes d'art connaissent des difficultés.
    Qu'aimeriez-vous que le Comité sache? Que pouvons-nous faire afin de veiller à ce que les créateurs perçoivent une rémunération adéquate?
    L'AGAC estime que la meilleure façon de s'assurer que les conditions socioéconomiques de l'artiste s'améliorent, c'est d'avoir un marché de l'art en santé. Le marché de l'art au Canada n'est pas très fort.
    Vous avez tout à fait raison de dire que les autres pays envient beaucoup notre système parce que nous avons réussi à établir un organisme de financement public très solide qui aide les artistes à créer, et grâce à ce système très important de centres d'artistes autogérés...
    Nous sommes très bons pour aider les artistes à créer et à exposer leurs oeuvres, mais nous avons en quelque sorte oublié de mettre en place les outils qui permettraient aux gens d'acheter ces oeuvres. À l'heure actuelle, les artistes ont des studios remplis d'oeuvres qui n'ont pas d'acheteurs. Ils doivent détruire des oeuvres parce qu'ils ne peuvent plus les entreposer.
    Récemment, la Banque d'oeuvres d'art du Conseil des arts du Canada a dû quitter des locaux et retourner des oeuvres, particulièrement de grandes sculptures. Des artistes qui étaient très heureux de faire partie de cette collection importante se retrouvent maintenant avec des oeuvres d'art qu'ils ont vendues il y a 25 ans, et ils ne savent pas quoi faire.
    Il n'y a pas nécessairement de marché pour ces oeuvres. Nous parlons beaucoup de l'art comme d'un investissement, mais disons qu'il ne s'agit pas d'un investissement très liquide.
    D'accord.

[Français]

     Monsieur Nantel, vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie tous de vos témoignages. Ils sont très intéressants, d'autant plus qu'ils traitent de sujets moins évidents que ceux dont on a beaucoup parlé, comme les droits d'exécution publique minables que reçoivent les artistes musicaux des plateformes d'écoute en continu ou tous les enjeux que nous connaissons bien maintenant, depuis le temps que nous menons cette étude.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Madan.
    Pourriez-vous nous résumer les enjeux liés aux droits d'auteur qui se posent au domaine des arts numériques? Y a-t-il des droits d'auteur qui sont versés? Y a-t-il du vol de droits d'auteur? Nous connaissons bien le secteur de la musique et savons qu'il y a du piratage de films et autres choses de ce genre, mais de votre côté, quel est le principal enjeu?
     En fait, les arts numériques se trouvent à chevaucher tout le phénomène de l'oeuvre d'art qui est facile à copier. Toute oeuvre d'art reposant sur un support entièrement numérique, que ce soit du côté de la musique, du cinéma ou de la télévision, subit le sort que l'on sait, et il en va de même pour les arts numérique.
    Dans ce contexte, il est très difficile d'assurer la protection de la version originale et, lorsqu'il y a vente ou revente de celle-ci, de faire en sorte que l'artiste ou l'ayant-droit soit correctement rémunéré.

  (1250)  

    Je vais intervenir ici. Tous les enjeux de piratage sur le Web sont donc les mêmes et vous concernent tout autant que les autres oeuvres d'autres formats, d'autres disciplines. Par contre, vous venez de parler de l'effet que cela peut avoir sur la transaction espérée par l'artiste.
    Quelle est cette transaction? À qui et comment vendez-vous vos oeuvres?
    Je dirais que le marché des arts purement numériques n'étant pas encore bien établi, c'est très difficile de le savoir. Chaque artiste procède à sa façon. Les transactions se font à la pièce.
    Le réseau que je représente est formé de créateurs indépendants. En effet, certains créateurs indépendants qui travaillent dans le milieu audiovisuel ont toutes les possibilités de montrer leurs oeuvres, leurs films, sur les plateformes internationales comme Netflix et compagnie. Cependant, le problème de la découvrabilité existe dans ces grandes plateformes. Nos artistes ne se voient pas accorder une vitrine de choix. Ils sont relégués à la millième page.
    Je comprends. Les algorithmes ont cet effet pervers.
    Madame Grandmont-Bérubé, vous avez mentionné vos réticences concernant le droit de suite pour la première transaction.
     Je vous comprends très bien. Venant moi-même du milieu du disque, je crois que les parallèles qui ont été faits récemment — je crois même que cela l'a été durant l'heure précédente de la séance — entre un producteur de disque et le premier album d'un artiste à découvrir sont appropriés. Je crois effectivement que les galeristes ont exactement cette fonction. Bien évidemment, loin de moi l'idée de nuire à l'éclosion des nouveaux talents et à leur diffusion.
    Par contre, vous avez mentionné que, pour vous, le principal problème est celui du droit de suite sur le marché primaire. Différents modèles ont été présentés. Le CARFAC a présenté son modèle. M. Alexandre Taillefer, que tout le monde connaît, a déjà exprimé son soutien à la proposition du droit de suite en arts visuels dans le modèle présenté par la SODRAC, si je me souviens bien. En tout cas, je suis persuadé qu'il a déjà manifesté son soutien à l'une des deux formules.
    Si on retirait la dimension du droit de suite sur le marché primaire, soit celui du premier galeriste qui offre une oeuvre, à ce moment, est-ce que cela changerait tout pour vous?
    En fait, le droit de suite n'est pas proposé au niveau primaire, il est proposé à la première revente. Ce qui est très important à cet égard, c'est la question de la vente à perte ou à profit. Le droit de suite, s'il doit s'appliquer, c'est à partir...
    Les modèles diffèrent. Par exemple, en Californie — soit le seul État américain qui a inclus le droit de suite dans sa législation —, le droit de suite n'est appliqué que dans les cas ses artistes vivants. Pardon, je me reprends: il ne s'applique que dans le cas des oeuvres qui sont vendues à plus de 1 000 $, et seulement lorsque l'oeuvre est vendue à un prix plus élevé que celui auquel elle a été achetée en tenant compte de l'inflation.
    Je suis très heureux des nuances que vous apportez parce que, à entendre votre témoignage initial, c'était une mauvaise idée et il y avait des communistes derrière cela.
    Je ne pense pas que ce soit une question de communisme.
    D'entrée de jeu, c'est une mesure qui a un impact extrêmement négatif sur le marché.
     Ce serait un impact de 5 % négatif?
    Dans les faits, c'est 5 % de surplus. Cependant, l'impact sur un marché fragile comme celui du Canada est beaucoup plus grave. C'est assez considérable, pour être honnête.
    Ce n'est pas très politiquement correct de ma part, mais je ne peux pas m'empêcher de sourciller quand j'entends cela.
    Malheureusement, la réalité, c'est que très peu de gens autour de cette table achètent des oeuvres d'art, et ce même si nous avons tous de bons salaires d'environ 160 000 $ par année. Très peu d'entre nous achètent des oeuvres d'art.
    Pour le moment, c'est un écosystème d'artistes créateurs qu'on se doit de valoriser — je vois que Mme Bertrand veut commenter mes propos. Ce sont des créateurs qui veulent se réaliser et créer des oeuvres.
     Actuellement, ce sont des institutions et des gens fortunés qui ont un intérêt pour les arts visuels qui achètent des oeuvres. J'ai donc peine à croire qu'une pénalité de 5 %, qui pourrait permettre la pérennité de la carrière d'un artiste vivant, comme Mme Pootoogook, par exemple, soit dramatique. Cette dernière est l'exemple parfait de ce dont je parle.
     Je sais qu'il y a des dimensions sociales liées aux Premières Nations, mais la réalité, c'est que certains artistes ont vécu pauvrement toute leur vie et que, après leur décès, leurs oeuvres ont été vendues pour des sommes faramineuses comparativement aux prix initiaux qu'ils auront pu toucher. Le parallèle avec la musique est immédiat.
    J'aimerais que vous répondiez, et je voudrais également entendre le point de vue de Mme Bertrand.

  (1255)  

    Malheureusement, nous n'avons pas assez de temps.
    Comme c'est dommage!
    Nous continuons avec M. Boissonnault, qui a cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J'invite mon collègue et ami M. Nantel à faire ses recherches. Après être sorti du placard, j'ai eu, durant sept ans, un conjoint qui était un artiste visuel. J'achète donc des oeuvres d'art. Les murs de ma maison sont couverts d'oeuvres que j'ai payées. Je pense qu'il faut s'entourer d'art.
    Madame Grandmont-Bérubé, la pire chose qu'on puisse faire à un artiste, c'est lui dire à quel point il est talentueux et que ses oeuvres sont belles, et sortir de la galerie sans avoir rien acheté. C'est une insulte.

[Traduction]

    Vous pouvez ne rien dire du tout ou parler de la météo, mais ne dites pas que son art est magnifique sans rien acheter.

[Français]

    Je n'ai que cinq minutes.
    Il vous en reste quatre.
    D'accord.
    J'aimerais que M. Madan, de l'Alliance pour les arts visuels, et Mme Bertrand me parlent du lien entre de meilleures données et de meilleurs revenus pour les artistes.
    C'est la première fois qu'on entend dire que ce comité doit établir un partenariat avec Statistique Canada, ou avec Statistique Canada et le gouvernement, pour recueillir de meilleures données socioéconomiques afin de remettre plus d'argent entre les mains des artistes.

[Traduction]

    J'ai besoin d'une réponse en une minute ou moins. Quel est le lien?
    Nous devons présenter les arts visuels comme un système intégré qui fonctionne avec de nombreuses parties et qui reconnaît les complexités de la rémunération actuelle d'un artiste. Sans cela, il est très difficile pour nous de défendre les arts visuels parce qu'on n'arrive pas à déterminer de façon consensuelle si le système s'améliore, se détériore, obtient des gains ou subit des pertes.
    L'Alliance pour les arts visuels demande des données à Patrimoine canadien depuis que je me suis jointe à l'ARCA en 2012. Nous avons une très bonne étude qui a été réalisée par Guy Bellavance de l'INRS. Elle nous présente l'ensemble du plan d'action pour obtenir ces données.
    Tous les gouvernements, conservateur, libéral ou autre, utilisent parfois l'argument des données comme stratégie de défense parce qu'ils ne veulent pas aller de l'avant. Ils disent: « Si vous obtenez de meilleures données, nous pourrions alors faire quelque chose, mais, sans ces données, nous ne pouvons rien faire. Nous avons les mains liées. »
    Je vous conseille de travailler avec les communautés minoritaires. Nous savons que les communautés minoritaires sont surreprésentées dans la communauté artistique. Les gens de couleur, les LGBTQ2, les Autochtones, les femmes, les francophones de l'Ouest, les anglophones du Québec — trouvez les communautés minoritaires que nous savons être surreprésentées parmi les artistes et assurez-vous également du même coup de faire connaître les données qui les concernent.

[Français]

    Ainsi, vous aurez un argument très fort.

[Traduction]

    Est-ce que cela fait partie de votre plan?
    Je crois que vous voulez dire qu'elles sont sous-représentées...
    Non, non. Nous savons que les communautés minoritaires sont bien représentées dans la communauté artistique parce que, dans nombre de cas, c'est ce que les gens ont choisi de faire pour survivre en raison de la discrimination et d'autres... Si vous pouvez travailler avec la communauté des artistes visuels et vous assurer que l'intersectionnalité est là,

[Français]

je crois que votre argument sera meilleur.

[Traduction]

    Les centres d'artistes autogérés représentent les communautés culturelles en situation minoritaire depuis le début. L'AGAVF — l'Association des groupes en arts visuels francophones — est membre de l'Alliance pour les arts visuels, et nous avons des centres d'artistes autogérés autochtones. Ces centres existent depuis au moins les années 1990.
    C'est juste un petit conseil pour vous dire que les chiffres parlent.
    Monsieur Madan, vous avez avancé un argument très intéressant lorsque vous avez dit que vous vouliez que l'ARC applique mieux les règles. Pourriez-vous ajouter cela dans votre mémoire? Que voulez-vous dire, et avez-vous des exemples où les règles n'ont pas été appliquées, ce qui a désavantagé vos membres? Cela nous aiderait de comprendre.

  (1300)  

    Oui.
    Pourriez-vous nous donner un exemple où la mauvaise application des règles a nui à vos membres?
    Certainement. En raison d'initiatives particulières sur le plan des procédures prises par l'ARC à l'heure actuelle, les artistes sont ciblés de manière disproportionnée pour des réévaluations parce que, par défaut, ils ne sont pas reconnus par l'ARC comme des travailleurs autonomes. Dès qu'ils déclarent un revenu en tant que travailleurs autonomes, puisqu'ils sont des gens d'affaires et que c'est la façon appropriée pour eux de le déclarer, l'ARC a tendance à éprouver un problème avec la déclaration.
    Cela déclenche une réaction en chaîne, qui mène souvent les artistes... Ils gèrent leurs activités eux-mêmes. Ils ne disposent pas d'un service de comptabilité. Souvent, ils ne sont pas équipés pour répondre aux demandes. Ils finissent par payer le montant, même si, aux yeux de la loi, ils n'y sont pas tenus.
    Je comprends cela. Nous devons vous arrêter ici.
    M. Blaney voulait une minute pour poser une question. L'horloge a un peu d'avance, alors je vais lui donner une minute.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
     Je veux remercier les témoins. J'ai beaucoup apprécié leurs témoignages.
    Ce dont on se rend compte, c'est qu'il y a deux avenues. Vous aimeriez qu'il y ait des études. Si vous le souhaitez, vous pouvez répondre par écrit à mes commentaires.
     Monsieur Madan et madame Bertrand, vous avez exprimé le souhait que nous recueillions des données statistiques en vue de soutenir les artistes. D'un autre côté, ils produisent des oeuvres, et ce sont ces oeuvres qui créent de la richesse.
    Le gouvernement doit-il soutenir l'artiste ou mettre en place des mesures qui vont créer de la valeur pour les oeuvres, qui elles, vont faire vivre l'artiste? C'est le point que je voulais apporter. Si vous souhaitez commenter cela, je l'apprécierais.
    Il me reste 10 secondes.
    Dans le cadre de l'étude statistique, il faudrait peut-être tenir compte de ces revenus, d'où ils viennent et de la façon dont on peut les augmenter. C'est l'oeuf et la poule.
     J'ai pris 56 secondes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Vous pouvez transmettre vos réponses par écrit. D'ailleurs, vous pouvez toujours donner plus d'informations par écrit.
    Je remercie tous les témoins. C'était vraiment intéressant.

[Traduction]

    Cela met fin à la séance.
    Merci.
    La séance est levée.
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