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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Nous entamons notre 43e séance consacrée à l'étude de la réforme électorale.
    Nous accueillons aujourd'hui, de Forum Research, M. Lorne Bozinoff, président-directeur général, et M. William Schatten, directeur de recherche. M. William Cross, professeur à l'Université Carleton, comparaît à titre personnel. Enfin, de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, nous entendrons Sheila Lacroix et Madeleine Webb.
    Nous accueillons aussi, dans l'auditoire, la classe de sciences politiques de M. Paul Thomas, de Carleton.
    Bienvenue. J'espère que vous trouverez nos délibérations intéressantes et que vous consacrerez tous vos travaux de trimestre à la réforme électorale.
    Des voix: oh, oh!
    Déjà?
    Elle a fréquenté Carleton. Elle sait ce qui se passe à l'intérieur.
    Monsieur Cullen.
    Merci. Je ne veux pas enlever trop de temps aux excellents témoins de ce matin, mais hier soir, j'ai donné avis au Comité d'une brève motion.
    Bienvenue à nos amis de Carleton. Excellent comportement, tout le monde, soit dit en passant. C'est ce que vous essayez de dire, n'est-ce pas, monsieur le président? D'accord. J'ai compris.
    La motion propose que le Comité invite la ministre des Institutions démocratiques à déposer auprès du Comité un résumé de ses consultations publiques.
    Vous demandez le consentement, le consentement unanime. Commençons par là.
    Oui, nous pourrions commencer par là, si cela convient. Et sinon, nous aviserons.
    M. Reid souhaite intervenir, puis quelqu'un d'autre de ce côté.
    J'ai une question à poser à M. Cullen. Je ne veux pas amender la motion, mais confirmer un fait. Par « déposer », veut-il dire que la ministre déposerait le résumé en personne et comparaîtrait comme témoin, ou qu'elle fournirait un résumé par écrit?
    Je lui laisse le choix, je présume. Comme il nous reste quelques séances, si elle veut témoigner, j'en serais certainement heureux...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Il faut un préavis d'au moins 48 heures. Nous ne l'avons pas eu. Je demande que cette exigence soit respectée
    Merci.
    Un instant, s'il vous plaît.
    On me dit que, dans ce comité-ci, il n'y a pas de préavis minimum.
    Monsieur le président, nous avons adopté cette motion à la première séance. Nous avons dit qu'il fallait un préavis de 48 heures pour toutes les motions de fond. Ce préavis n'a pas été donné, et je demande donc, sauf votre respect, que cette règle soit appliquée.
    Je vais contre-vérifier avec la greffière.
     Je vais lire la motion que nous avons adoptée:
Qu'un préavis de 48 heures soit donné avant que le Comité soit saisi d'une motion de fond qui ne porte pas directement sur l'affaire que le Comité étudie à ce moment...
    Il me semble clair que cela s'applique à ce que nous faisons.
    Monsieur Cullen.
    Oui, je n'avais pas l'intention... Nous en avons discuté hier soir. J'ai simplement présumé qu'il s'agissait d'un oubli du cabinet de la ministre.
     La ministre est à la fois ministre des Institutions démocratiques et députée. Nous venons de remarquer, mais il se peut que je me trompe, qu'elle a peut-être déjà présenté les résultats de l'assemblée publique, mais si elle ne l'a pas fait, nous l'invitons à nous dire ce qu'elle a appris dans sa circonscription, celle de Peterborough. C'est ce que tous les autres députés ont fait, et c'est ce que le Comité a reçu.
    Monsieur Cullen, voulez-vous dire que vous voudriez savoir si la ministre a fait rapport de l'assemblée publique qu'elle a tenue à Peterborough?
    Oui, au strict minimum. J'imagine aussi que, puisqu'elle a fait une tournée du Canada, comme nous le savons, monsieur le président, elle voudra peut-être nous communiquer un résumé de ce qu'elle a appris au cours de ces rencontres. Je ne vois pas pourquoi elle ne le ferait pas. Toute cette information est acheminée vers le Comité de la réforme démocratique, qui prendra une décision éclairée et fera une recommandation au gouvernement.
    Nous vérifierons si elle a produit un rapport à titre de députée de Peterborough. Sinon... Mais j'y pense: le délai était fixé au 14.
    Oui, je sais.
    Serions-nous en mesure de recevoir un mémoire de la ministre à cette date-ci?
    Peu importe la forme que cela prendra. Il n'y a aucune mauvaise volonté derrière cette motion.
    Non, je le comprends.
    Ce n'est pas plus compliqué, et cela se rapporte à notre travail. Nous demandons simplement...
    Vous demandez un mémoire, en somme.
    Bien sûr... Ce que fait la motion, c'est demander pour le Comité un résumé de ses consultations publiques.
    D'accord. Monsieur DeCourcey, s'il vous plaît.
    Je comprends la motion de M. Cullen. Elle est simple, et je ne suis pas contre l'idée de demander à la ministre de déposer le résumé d'un rapport, mais je crains que cela n'ait pour effet de mêler le travail qu'elle fait à celui que nous accomplissons, qui doit être déposé au Parlement comme participation à l'élaboration d'une loi. J'ai des réserves au sujet d'une nouvelle comparution de la ministre au Comité. Nous avons déjà entendu son point de vue, et elle a été très occupée à échanger avec les Canadiens dans une démarche différente.
    S'il s'agit de discuter de ce que veut dire le dépôt d'un résumé, je demanderais respectueusement que nous remettions cet échange à plus tard pour que nous puissions entendre les témoins. Mais si nous demandons simplement que la ministre dépose un bref résumé des conversations qu'elle a eues avec des Canadiens d'un bout à l'autre du pays, je suis moins défavorable à l'idée que nous tranchions rapidement la question.
(0855)
    Madame May, je vous en prie.
    Je m'étonne que cette proposition semble prêter à controverse ou être le moindrement partisane. Je proposerais, puisque j'ai eu une assemblée publique avec la ministre dans ma circonscription, que s'il y a des rapports sur ses consultations, celui qui porte sur l'assemblée que j'ai eue avec elle à l'île Saturna me soit remis. Je sais que, avant de venir à l'île Saturna, elle était à Whitehorse avec Larry Bagnell. Il a peut-être présenté un rapport. Je ne crois pas que quiconque ait l'intention de la mettre sur la sellette ou de ne pas la faire comparaître de nouveau au Comité. Je songe à la façon dont nous avons consulté les Canadiens. Il y a eu trois démarches: ce que le Comité a fait, qui est considérable; les consultations que, à titre individuel, les députés ont faites au moyen de leurs assemblées publiques; enfin, les consultations que le secrétaire parlementaire et la ministre ont eux-mêmes menées auprès des Canadiens.
     Dans son résumé, il y a une page qui dit: « Je suis allée aux endroits suivants et, comme vous le savez, les députés de ces endroits ont soumis des rapports. » C'est tout. J'ai vu là une invitation qui tient compte de la possibilité que, la ministre étant telle occupée... Nous ne voulons pas que nos règles de procédure... Le délai était fixé au 14 octobre. Je ne veux pas que nous soyons soudain dans l'impossibilité d'accepter un mémoire. Je ne veux pas que la ministre soit de nouveau convoquée devant le Comité comme témoin. Je n'y vois aucun avantage. Je ne vais pas mâcher mes mots. Je ne vois pas l'intérêt, mais je ne veux pas exclure la possibilité que des comptes rendus de consultations de la ministre soient remis au Comité. Nous avons reconnu que ces consultations étaient une importante source d'information pour le Comité.
    Je dois signaler que nous avons reçu un rapport sur une assemblée publique qui a eu lieu à Peterborough. Ce doit être celui de la ministre. C'est une assemblée publique qu'elle a tenue à titre de députée. Nous avons reçu ce document.
    Monsieur Boulerice.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Nous avons reçu la ministre au début de ce processus de consultation, mais il serait très intéressant de l'entendre à la fin du processus. Comme l'a dit Mme May, il y a eu trois processus parallèles. La ministre a fait ses propres consultations et elle a rencontré des citoyens. Alors, j'aimerais bien savoir ce que des Québécois, des Québécoises, des Canadiens et des Canadiennes lui ont dit.

[Traduction]

    Monsieur Reid.
    Si j'ai posé une question à M. Cullen au sujet de la comparution de la ministre, c'est que cette comparution me semble essentielle. Voici pourquoi. Lorsque la ministre a comparu, le 6 juillet, je crois, Mme May lui a demandé si elle suivrait les recommandations du Comité. Elle a répondu qu'elle en tiendrait compte. C'est tout. Nous ne savions donc pas quel poids aurait notre opinion.
    Hier, nous avons appris que le premier ministre aurait dit qu'il accordera peut-être un certain poids au travail du Comité, ou aucun. Il est fondamental pour le Comité de savoir s'il travaille à quelque chose qui n'ira nulle part. Je veux pouvoir poser la question à la ministre pour obtenir confirmation. Est-il vrai que le travail du Comité ne servira à rien? Il me semble que c'est une question raisonnable à poser.
    J'ai un point très important à ajouter. Les déplacements du Comité l'ont mené à Montréal et à St. John's. Si je ne l'ai pas suivi, c'est que j'étais dans cette salle, avec un autre comité, celui de la procédure et des affaires de la Chambre, pour interroger Marc Mayrand. Nos échanges sont publics. Je lui ai posé des questions sur les délais. Il m'a répondu qu'ils étaient très serrés, mais il pense pouvoir rédiger une nouvelle loi à la lumière de nos recommandations. Comme on peut le lire dans le compte rendu, il déclare accorder un poids énorme aux recommandations du Comité.
    Monsieur le président, je veux seulement soulever...
(0900)
    Madame Sahota, vous invoquez le Règlement?
    Oui.
    Est-ce une nouvelle motion que nous abordons ou devrions-nous la recevoir par écrit, quitte à en discuter plus tard? Les témoins attendent. Devrions-nous discuter de la motion de M. Cullen et régler cette question?
    Nous sommes en train, semble-t-il, de passer d'une demande de résumé de consultations publiques à une demande de comparution à adresser à la ministre. On dirait que c'est ce qui est en train de se passer. Je propose, puisque les témoins attendent et que nous ne pouvons prolonger la séance, que nous revenions là-dessus ce soir. Êtes-vous d'accord?
    Cela semble raisonnable. Je terminerai mon exposé sur ce que je viens de dire et je reprendrai ce soir.
    Si vous n'avez pas d'objection à ce que je le dise, je proposerai peut-être une autre motion pour inviter la ministre à témoigner pour les raisons que je viens de donner. Si nous ne réglons pas la question, tout ce que nous faisons ne servira à rien, et la ministre joue un rôle essentiel.
    D'accord. Pourquoi ne pas tenir cette discussion ce soir? Nous aurons tout le temps et nous pourrons avoir un meilleur débat.
    Cette proposition recueille-t-elle le consentement unanime? Vous êtes d'accord?
    J'ai dit au tout début que j'espérais que ce soit rapide. Apparemment, il y a une sorte de consternation. Il vaudrait mieux entendre les témoins.
    C'est ce que nous allons faire. Merci, monsieur Cullen.
    Nous entendrons donc les représentants de Forum Research, qui auront 10 minutes. Vous pouvez partager votre temps de parole à raison de cinq minutes chacun ou autrement, à votre guise.
    Nous commencerons par vous, monsieur Bozinoff, si vous le voulez bien.
    Bonjour. Je m'appelle Lorne Bozinoff, président et fondateur de Forum Research, qui publie le Forum Poll.
    Forum Research fait plus de médiascopies au Canada que toutes les autres maisons de sondage réunies. Nous estimons que la recherche sur l'opinion publique peut être qualifiée de pouls de la démocratie.
    William Schatten, directeur de recherche, est avec moi aujourd'hui. Merci de me permettre d'adresser la parole au Comité. Forum Research est une organisation impartiale, n'a aucun programme à servir ni préjugé à propos de ses sujets de sondage. Plus spécialement sur la réforme du système électoral.
    J'aurais une ou deux observations à faire avant que mon collègue ne présente quelques constatations détaillées. Je propose au Comité de garder en tête trois choses: les trois C. La première est la collaboration. Les Canadiens sont-ils au courant de l'existence du Comité? Comprennent-ils ce qu'il étudie? Nous constatons hélas que la majorité d'entre eux ne connaissent pas le Comité et ne comprennent pas les diverses possibilités de réforme.
    La deuxième est la consultation. La réforme du système électoral vise à modifier les règles du jeu. Y a-t-il eu des consultations efficaces auprès de tous les Canadiens avant que les recommandations finales ne soient mises en oeuvre? Je veux parler ici de mandats et de référendums.
    La troisième est le consentement. Y a-t-il consensus au sujet de la réforme électorale ou le Comité a-t-il fait émerger ce consensus? Je peux vous dire que, la semaine dernière encore, il n'y avait chez les Canadiens aucun consensus sur les détails précis de la réforme.
    Monsieur Schatten va maintenant vous présenter certains résultats de sondage détaillés.
    Merci à vous tous de nous accueillir.
    Je m'appelle William Schatten. Je suis directeur de recherche chez Forum Research.
    Comme vous le savez Forum Research a fait plusieurs sondages sur la réforme électorale. Tout récemment, nous en avons fait un dans tout le Canada, du 7 au 9 octobre. Nous faisons nos sondages de l'opinion publique au moyen d'appels téléphoniques à composition aléatoire. Ils sont reliés à ce que nous appelons une plateforme de réponse vocale interactive. Le sondage dont je vais parler aujourd'hui a un échantillon de 1 043 personnes, ce qui donne une marge d'erreur de 3 %, c'est-à-dire plus ou moins 3 %.
    Tout d'abord, nous avons interrogé les Canadiens au sujet de l'importance de la réforme électorale, parmi une série d'autres enjeux populaires qui se disputent l'attention des Canadiens en ce moment. La réforme électorale se classe assez haut. Sur une échelle de neuf points où un correspond à « pas important du tout » et neuf à « extrêmement important », la réforme électorale se situe à 5,5 dans l'ensemble du Canada.
    Les résultats sont nuancés. La réforme est très importante pour les partisans du NPD, avec 6,6 sur 9, et particulièrement importante chez les Québécois, avec 6 sur 9. Elle est la moins importante chez les partisans conservateurs, avec 4,5 sur 9.
    Si on leur demande si le Canada devrait modifier son système électoral, la moitié des Canadiens, soit 45 %, dit que oui, le tiers dit que non, tandis que le cinquième n'est pas sûr. L'appui le plus ferme à la réforme électorale est relevé en Colombie-Britannique et au Québec, ainsi que chez les jeunes électeurs.
    Nous avons aussi demandé aux Canadiens s'ils savaient que votre comité avait été mis sur pied. Ils se partagent par moitié. Un peu moins de la moitié était au courant. On était davantage au courant en Colombie-Britannique, avec 59 % et moins au Québec, avec 36 %.
    Les Canadiens peuvent-ils décrire les divers systèmes électoraux? La question est assez difficile. Nous l'avons reformulée ainsi: « Si un ami vous demandait de décrire la représentation proportionnelle, le scrutin uninominal à un tour ou le mode de scrutin préférentiel, pourriez-vous les décrire avec assurance? » Le degré d'assurance est plus élevé pour la représentation proportionnelle, avec 63 %, tandis que le scrutin uninominal à un tour se situe à 54 % et le scrutin préférentiel à 41 %. Pour situer la question en contexte, nous avons alors demandé quel était le système électoral actuellement en place au Canada. Seulement 40 % des répondants ont pu dire que c'était le scrutin uninominal à un tour. Le cinquième d'entre eux ne le savaient pas et un autre cinquième disait que c'était la représentation proportionnelle, 12 % ont répondu le scrutin préférentiel et 4 % ont donné une tout autre réponse. Les connaissances laissent donc à désirer à ce sujet dans la population.
    Enfin, nous avons demandé: « Quelle est votre préférence? » Après avoir donné une description sommaire des trois systèmes, nous avons demandé: « Quel est votre premier choix de système électoral pour le Canada? » Le plus populaire a été le scrutin uninominal à un tour, à 42 %, suivi par la représentation proportionnelle, à 35 %, et par le scrutin préférentiel, à 23 %
    Nous avons ensuite demandé quel était leur deuxième choix. Le scrutin préférentiel était au premier rang, à 40 %, suivi de la représentation proportionnelle, à 35 %, et du scrutin uninominal à un tour, à 25 %.
    Enfin, nous avons demandé: « Avez-vous voté aux dernières élections fédérales, en octobre de l'an dernier? » Nous nous sommes adressés expressément aux non-votants, à qui nous avons demandé pour quelle raison principale ils n'avaient pas voté. Voici quelques points qui intéresseront le Comité. Onze pour cent d'entre eux ont dit ne pas l'avoir fait parce qu'ils avaient l'impression que leur vote ne compterait pas. Nous avons demandé expressément aux non-votants si un système électoral différent les aurait encouragés à voter et 28 % d'entre eux ont dit que oui.
    Voilà la conclusion de nos résultats. Nous avons fait plusieurs sondages sur la question au fil du temps. Les résultats sont rendus publics. Et nous continuerons de faire des sondages à ce sujet dans un avenir prévisible.
    Merci.
(0905)
    Merci beaucoup, monsieur Schatten.
    Nous allons maintenant passer à M. Cross, qui aura 10 minutes. Si vous le voulez bien.
    Je dirai d'abord un mot de moi. Je suis professeur de sciences politiques à l'Université Carleton, où j'occupe une chaire de recherche sur la démocratie parlementaire canadienne. Mes travaux portent avant tout sur les partis politiques et la démocratie électorale au Canada, comparée à d'autres démocraties inspirées du modèle de Westminster. Je suis le dernier ex-président de l'Association canadienne de science politique et, fait particulièrement pertinent pour vos travaux, peut-être, j'ai été directeur de recherche pour la Commission du Nouveau-Brunswick sur la démocratie législative sous le premier ministre Lord, en 2004-2005.
    Je suis on ne peut plus conscient du fait que vous étudiez très intensément la question depuis plusieurs mois et que vous avez déjà entendu des dizaines de politologues et autres témoins intéressés par la question. Bon nombre d'entre vous pourraient probablement donner un cours de maîtrise sur les systèmes électoraux. Je ne reviendrai donc pas sur les pour et les contre des divers systèmes et les conséquences de chacun pour la représentation. Je consacrerai plutôt mes 10 minutes à un sujet très important qui a reçu très peu d'attention jusqu'ici, et ce sont les conséquences des divers systèmes pour le fonctionnement interne et l'organisation des partis politiques.
    J'ai des opinions sur les questions plus générales que le Comité doit étudier, et je serai heureux d'en parler pendant la période des questions si cela vous semble utile.
    De nombreuses fonctions des partis et leur démocratie interne sont touchées par le choix de système électoral. Notons leurs principales fonctions: le choix des candidats, la campagne électorale, la formation d'un gouvernement et le choix des dirigeants des partis. Je n'aurai pas le temps d'entrer dans les détails, mais je tirerai des exemples de l'Australie, de l'Irlande et de la Nouvelle-Zélande, où on utilise divers systèmes: vote unique transférable, système mixte proportionnel et vote préférentiel. Ce sont les points de comparaison les plus utiles, il me semble, parce qu'il s'agit de démocraties parlementaires dotées d'une culture politique et d'une infrastructure démocratique analogue à celles du Canada.
    Si on opte pour le système mixte proportionnel, il me semble probable que, pour la nomination des candidats, cela donnera des listes de parti fermées. Qui, dans le parti aura le pouvoir de dresser la liste? En Nouvelle-Zélande, par exemple, les trois principaux partis — travailliste, national et vert — tiennent des conférences de délégués qui permettent aux membres du parti de choisir les candidats à y inscrire. La loi électorale de la Nouvelle-Zélande a été modifiée au moment de l'adoption du système mixte proportionnel pour exiger que les partis utilisent des méthodes démocratiques pour confectionner leurs listes et que ces méthodes comprennent la participation des membres du parti.
    Il y a toutefois des différences entre les parties quant au processus crucial de l'établissement de l'ordre des candidats, ce qui est fondamental pour déterminer qui sera élu, au bout du compte. Les verts tiennent à cette fin un plébiscite chez tous les membres du parti qui votent par la poste. Les travaillistes font appel à ce qu'ils appellent un comité modérateur, dont la composition a été hautement litigieuse, ces dernières années, car tous les éléments du parti, on peut l'imaginer, veulent en faire partie. Actuellement, il compte de très nombreux membres. Beaucoup, dont le président du parti, estiment que la formule est peu commode. On y trouve des députés, des représentants régionaux, des représentants des Maoris et des nombreux secteurs du parti: les jeunes, le Rainbow Labour, les syndicats, les femmes et les insulaires du Pacifique. Les travaillistes et les verts ont des règles qui visent à assurer la représentation d'un grand nombre de ces mêmes groupes dans les rangs les plus élevés de la liste. Ce qui n'est pas le cas dans le parti national.
    Nos partis devraient s'attaquer à ces problèmes et élaborer un processus acceptable, si nous adoptions le système mixte proportionnel avec liste fermée. Il appartient aux députés de décider à quel point le Parlement doit être prescriptif à cet égard, pour peu qu'il doive l'être, ou s'il y a lieu d'exiger l'application de méthodes démocratiques. Ce serait là un changement profond par rapport au statu quo.
    Avec le vote unique transférable, les circonscriptions ont plus d'un député. Prenons l'Irlande. Il y a de trois à cinq députés par circonscription. Dans les grands partis, les membres au niveau local tiennent des assemblées d'investiture semblables à celles de vos partis, mais il faut respecter des instructions nombreuses du pouvoir central sur la façon de nommer les candidats et sur leur origine géographique. De plus en plus, les partis donnent des directives, venant du pouvoir central là aussi, sur la proportion des candidats des deux sexes. Dans certains cas, cela s'est avéré très litigieux, avec de vives tensions entre les membres et les associations au niveau local et les dirigeants du parti, car les instances locales veulent souvent nommer plus de candidats que le pouvoir central ne le permet. La logique du système veut qu'on ne nomme pas autant de candidats qu'il y aura de députés ou de TD, comme on les y appelle. Les instances locales veulent procéder sans trop d'entraves.
(0910)
    Nos partis devraient décider qui a le pouvoir de prendre ces décisions — aux niveaux national, régional ou provincial — et quelle doit être l'ampleur des directives imposées aux associations locales.
    Quant à la formation du gouvernement, avec le système mixte proportionnel ou le vote unique transférable, il est très probable que plusieurs partis participeraient à la gouvernance. Ce serait peut-être le cas aussi avec le vote préférentiel. Il faudrait bien sûr des négociations, le plus souvent après les élections mais pas toujours, pour arriver à un accord de coalition. Une question s'impose: quel parti aurait le pouvoir de s'engager dans cet accord? Il y a beaucoup de variantes à cet égard.
    Certains partis irlandais, comme Fianna Fáil, exigent la tenue d'un congrès spécial du parti pour approuver tout accord de coalition. D'autres, comme le Parti national de la Nouvelle-Zélande, exigent l'approbation de l'exécutif national du parti et des dirigeants parlementaires.
    Si nous nous retrouvions avec un système très fragmenté, ce qui pourrait bien être le cas avec l'un ou l'autre de ces systèmes, la formation d'un gouvernement pourrait s'avérer très difficile, mais les partis devraient au moins décider qui a le pouvoir de conclure des accords. Le choix des dirigeants n'est pas la chose à laquelle on pense le plus souvent, à propos de système électoral, mais il a son importance à cause d'une gouvernance multipartite. Dans les trois pays d'où je tire mes exemples, il est arrivé qu'un des partis de la coalition gouvernementale exerce une influence sur le choix des dirigeants d'un autre parti.
    En Australie, par exemple, lorsque le premier ministre Harold Holt a été présumé décédé, le candidat favori à sa succession, William McMahon, qui était trésorier du gouvernement libéral et jouissait de larges appuis dans sa formation, a fait l'objet d'une vive opposition du partenaire minoritaire de la coalition, le Country Party, qui a menacé de retirer son appui au Parti libéral si M. McMahon était choisi comme chef. Celui-ci a fini par se retirer de la course pour que les libéraux puissent rester en position de gouverner.
    De la même façon, dans des gouvernements récents de Fianna Fáil, deux chefs de parti, chacun étant Taoiseach, ou premier ministre, à ce moment-là, MM. Haughey et Reynolds ont été éjectés après que des partis qui les appuyaient au gouvernement — les progressistes-démocrates dans un cas et les travaillistes dans un autre — eurent menacé de retirer leur appui. Ces deux dirigeants avaient toujours leur propre caucus parlementaire, mais ils ont perdu leur poste pour que le parti reste aux commandes.
    En Nouvelle-Zélande, ce fut l'inverse. Le premier ministre John Key du Parti national, a menacé d'exclure un petit parti de sa coalition, ACT New Zealand, si, comme prévu, il destituait son président pour le remplacer.
    C'est là quelque chose qui est à peu près sans précédent au Canada, je crois: les partis d'une coalition qui influencent le choix des dirigeants d'un autre parti. Cela pourrait s'avérer particulièrement difficile dans le cas du Canada, étant donné que le pouvoir de choisir et de destituer les chefs appartient à des partis extraparlementaires. Dans tous les cas énumérés, le parti parlementaire a pu apporter le changement rapidement parce qu'il avait le pouvoir voulu. Si nous nous engagions dans cette voie, cela pourrait remettre en cause la pratique actuelle, qui laisse au parti extraparlementaire le pouvoir de choisir et de destituer les chefs.
    Quatrième et dernier aspect de la démocratie de parti que je vais signaler, la campagne électorale. Dans les systèmes de vote unique transférable et de système mixte proportionnel avec liste fermée, les élections générales ne vont pas sans le jeu d'une concurrence à l'intérieur des partis. Il faudrait que nos partis apprennent à gérer cela.
    Dans le système mixte proportionnel à la néo-zélandaise, l'accent s'est déplacé, au détriment des circonscriptions, vers les campagnes régionales ou nationales. Le nombre de sièges remportés par un parti est presque complètement déterminé par sa part du vote pour les partis, non par ses résultats dans les électorats ou circonscriptions. Néanmoins, les organisations locales des partis et plus particulièrement les députés titulaires veulent mener une campagne locale dynamique, quitte souvent à ne pas maximiser le vote pour le parti, qui est plus important.
    Les travaillistes de la Nouvelle-Zélande, notamment, ont eu des difficultés sur ce plan. Dans des réformes récentes du parti, ils ont créé des centres régionaux, pour les élections, afin de consacrer plus de ressources à la campagne pour le parti, mais cela ne s'est pas fait sans des tensions considérables entre les instances locales et le centre, puisque la répartition des ressources de campagne est un jeu à somme nulle.
    Le vote préférentiel a aussi des conséquences. En Australie, les partis publient des consignes de vote. Ils disent comment ils veulent que leurs électeurs ordonnent leurs préférences secondaires. Les partis doivent faire des ententes à cet égard. C'est parfois simple, mais pas toujours, et il peut y avoir des tensions entre les candidats de l'organisation locale et les autorités centrales.
(0915)
    Par exemple, en 2016, un député travailliste sortant, dans la région de Melbourne, Michael Danby, a invité ses électeurs, par ses consignes, à donner leur deuxième choix aux libéraux plutôt qu'aux verts. Dans le même électorat, le parti central, la campagne centrale, a favorisé dans ses consignes les verts plutôt que les libéraux comme deuxième choix pour les électeurs travaillistes. Ces électeurs ont donc reçu des consignes contradictoires. Il y a souvent des tensions à cet égard entre les organisations locales, d'État et nationale.
    En guise de conclusion, je dirai que tout cela tend à montrer que le changement de système électoral a de nombreux effets collatéraux dont il faut tenir compte et qu'on néglige souvent. Et il faudrait tout au moins donner à nos partis le temps d'examiner ces questions avant la tenue d'élections selon un système électoral différent. Autrement, nous risquons d'assister à un grand glissement de pouvoir vers le centre du parti, au détriment des associations de circonscription.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous passerons maintenant à Mmes Lacroix et Webb, s'il vous plaît. Vous avez 10 minutes.

[Français]

    Je vous remercie de nous avoir invitées à comparaître ce matin.

[Traduction]

    Je m'appelle Maddie Webb et je représente la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, où je suis coordonnatrice de la défense des intérêts. Je suis accompagnée par Sheila Lacroix, membre de notre club de Leaside–East York, qui a dirigé l'élaboration de notre politique sur la représentation proportionnelle.
    La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités est un organisme bénévole, non partisan et autofinancé qui compte plus de 100 clubs et près de 9 000 membres dans l'ensemble du Canada. Depuis sa création, en 1919, la fédération s'efforce d'améliorer la condition féminine et de promouvoir les droits de la personne, l’éducation du public, la justice sociale et la paix. Elle jouit d’un statut consultatif particulier auprès de l'ONU et fait partie de la Commission sectorielle de l'éducation, à la Commission canadienne pour l’UNESCO. Elle est le plus important membre de Graduate Women International, qui représente des femmes du monde entier. Elle est aussi membre de l'Alliance pour qui chaque électeur et électrice compte.
    Nos membres sont profondément convaincues qu'il est important de voter à tous les niveaux. Nos clubs de tout le Canada proposent des activités d'éducation des Canadiens au processus démocratique, y participent et en font la promotion. Plusieurs d'entre eux ont pris la tête de campagnes incroyablement fructueuses d'incitation à voter qui ont accentué la sensibilisation et fait augmenter la participation dans leurs circonscriptions respectives.
     Nous félicitons les membres du Comité de consacrer autant de temps et d'énergie à chercher le meilleur moyen de faire évoluer le système électoral du Canada. À la lumière des propos que le premier ministre Trudeau a tenus hier, nous réaffirmons l'urgence d'une modification de notre système électoral pour le rendre plus représentatif. Après des années d'études indépendantes, de recherche et de débat, il est clair que les Canadiens veulent remplacer leur système de scrutin uninominal à un tour. Il reste à savoir quel système correspond le mieux aux Canadiens et donnera des résultats représentatifs.
    Nous exhortons le gouvernement à adopter un modèle de représentation proportionnelle. C'est le moyen le plus précis de garantir que les votes se traduisent en une représentation fidèle. Les systèmes à majorité relative comme le scrutin uninominal à un tour et le vote préférentiel ne reflètent pas avec exactitude les suffrages exprimés.
    Dans tout le pays, le scrutin uninominal à un tour donne de fausses majorités et gaspille des votes. Les systèmes à majorité relative favorisent les partis régionaux et les grands partis dont les appuis sont concentrés géographiquement, alors que les petits partis dont le soutien est plus diffus sont sous-représentés. Les résultats des élections fédérales au Canada le montrent bien. Depuis la Première Guerre mondiale, seuls quatre gouvernements ont obtenu de vraies majorités en remportant plus de 50 % des suffrages exprimés.
    Ces problèmes ne sont pas réglés par le vote préférentiel, autre système fondé sur la majorité relative. Disons simplement que la représentation proportionnelle peut donner un reflet juste des suffrages. Des décennies de recherche, les conclusions de plus d'une douzaine de comités, de commissions et d'assemblées, et la longue histoire de réussites dans les meilleures démocraties du monde montrent clairement que la représentation proportionnelle est la meilleure solution pour le Canada.
    Comme organisation féminine, nous nous investissons dans le renforcement du pouvoir des femmes aussi bien comme électrices que comme candidates. Dans un système à majorité relative, les femmes et les membres des minorités ont moins de chance d'avoir leur nom sur les bulletins, non parce qu'elles ne sont pas éligibles, mais parce que le processus d'investiture des partis a toujours favorisé les hommes blancs comme meilleur choix pour une sélection unique. Les hommes blancs sont souvent considérés comme des candidats plus acceptables, ce qui décourage le choix de femmes comme candidates.
    Même si les femmes sont majoritaires dans presque tous les pays du monde, elles ont une représentation pitoyable dans leurs gouvernements. Dans les systèmes de représentation proportionnelle, les Autochtones, les groupes minoritaires et les femmes ont une meilleure chance de se faire inscrire sur les listes des partis dans des circonscriptions à plusieurs députés. En fait, les listes peuvent faire alterner hommes et femmes. Les listes encouragent les partis à retenir des candidats qui font appel aux divers éléments de l'électorat. Les partis peuvent aussi adopter des quotas de candidates.
    Un simple coup d'oeil aux trois grandes démocraties occidentales qui pratiquent toujours le scrutin uninominal à un tour, soit le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis, permet de constater qu'aucun n'est allé au-delà de 30 % de représentation féminine. Cependant, un examen rapide des démocraties occidentales qui ont une forme de représentation proportionnelle montre que le pourcentage y va bien au-delà des 30 % et dépasse même les 40 %. Les systèmes à représentation proportionnelle font élire parfois 8 % de femmes de plus que les autres systèmes.
    Aux élections de 2015, 62,6 % des électeurs ont voté pour des partis qui préconisaient une réforme électorale. Ce fait, ajouté aux conclusions du Comité et aux opinions exprimées par le passé par le public et des spécialistes, devrait donner la légitimité voulue pour aller de l'avant, cette fois-ci. Il y a assez d'experts au Canada pour élaborer un système propre au Canada. Les Canadiens, s'ils sont assez informés, s'adapteront à la représentation proportionnelle comme l'ont fait les citoyens de la plupart des pays occidentaux. Nous tenons en ce moment une occasion historique de transformer des années de débats, de recherche et d'attente en un système électoral juste et représentatif.
(0920)
    J'espère avoir mis en évidence les pièges de notre système de scrutin uninominal à un tour, qui ne sert pas les Canadiens et ne les représente pas. Les systèmes à majorité relative, comme le vote préférentiel, ne peuvent pas combler les lacunes du scrutin uninominal à un tour.
    La représentation proportionnelle est le choix qui s'impose pour une démocratie ouverte si nous voulons obtenir une représentation exacte et des résultats politiques justes.
    Merci.
    Madame Lacroix, prendrez-vous la parole également?
    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Chaque député aura du temps pour échanger avec les témoins. Nous pouvons sans doute accorder sept minutes à chacun. Je demande aux députés d'être très conscients de la limite de temps, comme l'est Mme May. J'ignore comment elle y arrive.
    Nous devrons être un peu plus stricts que lorsque nos séances n'avaient pas à se terminer à une heure précise. Comme nous devons terminer à 10 h 45, je vous demande de ne pas aborder un nouveau sujet ou quelque chose de très compliqué lorsqu'il ne vous reste que 30 secondes. Je vous serais reconnaissant d'être conscients de cette contrainte.
    Je fais appel à Mme Romanado d'abord. Vous avez sept minutes. Je vous en prie.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci beaucoup de votre présence ce matin.

[Traduction]

    Merci à vous tous de votre participation. Merci également de leur présence aux étudiants de l'Université Carleton. Je suis sûr qu'il y a parmi eux de futurs députés.
    Ma première question s'adresse à M. Bozinoff.
    J'ai lu avec un vif intérêt votre mémoire sur votre récent sondage. C'est une question intéressante que vous avez posée là: la description des différentes formes de système électoral. Bien sûr, une bonne majorité de gens ont dit qu'ils pouvaient les décrire. Mais invités à expliquer le système actuel, bien peu ont pu s'exécuter, ce qui me dit qu'il n'y a pas beaucoup de connaissances solides sur ce que nous essayons de faire, sur le système existant, sur le problème que nous essayons de régler, sur les diverses solutions possibles.
    Selon vous, quelle exigence devrions-nous satisfaire pour continuer à modifier le système électoral, étant donné que ceux qui prétendent très bien s'y connaître ne sont pas aussi au courant que nous l'espérions? Pourriez-vous préciser?
(0925)
    Nous devons vraiment réfléchir à la complexité de certaines de ces idées. Dans l'autre témoignage d'aujourd'hui certains de ces systèmes me semblent extrêmement compliqués. Notre système actuel est peut-être le plus simple, et les gens en ignorent beaucoup de détails. J'ai dit au début que nous devons veiller à ce qu'il y ait consensus et collaboration, et cela repose en partie sur l'hypothèse voulant que les gens sachent de quoi nous parlons, mais ils ne savent pas encore de quoi nous discutons au juste. Comme les données de notre sondage l'ont montré, ils connaissent très mal les différents systèmes.
    On peut poser une question et les gens vont répondre, mais on n'est jamais sûrs qu'ils comprennent ce qu'on leur demande. Nous devons être très prudents dans l'interprétation des résultats et de leurs préférences. Savent-ils de quoi ils parlent? En ce moment, je ne crois pas que le grand public soit présent. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de faire une recommandation et de demander au public ce qu'il en pense, puisqu'il ne comprend pas l'objet de la consultation. C'est une simple mise en garde. Pour la plupart des gens, c'est une question qui n'intéresse qu'Ottawa, que la Colline du Parlement. Elle n'a pas un grand retentissement dans la population en général.
    Merci.
    À ce propos, vous venez de dire que notre système actuel est probablement le plus facile à comprendre. D'après un rapport Broadbent sur les cinq grands objectifs d'un système de scrutin, 55 % des gens ont dit qu'il était important que le système soit simple et facile à comprendre. La simplicité est un des principes qui nous guident. Merci de votre observation.
    Je passe à M. Cross.
    Vous avez donné une foule de renseignements que nous entendons pour la première fois. Merci beaucoup de votre participation.
    Vous avez dit que, dans un système mixte proportionnel, l'accent est mis moins sur les circonscriptions que sur les régions. Au niveau local, le citoyen a des problèmes précis dont il veut que le député s'occupe. Il veut que son représentant s'attache aux questions locales — ce qui est un problème dans chaque campagne —, mais le choix de celui qui le représente pourrait se faire ailleurs.
    Prenons un électeur de Longueuil–Charles-LeMoyne, ma circonscription, qui croit que le logement social est la question la plus importante. Le parti que vous voulez élire va mettre l'accent là-dessus, mais à cause du vote national, cela change. Comment vous sentiriez-vous, comme citoyen local, si le choix de votre représentant se faisait au niveau national et non pas local? Auriez-vous l'obligeance de vous expliquer plus longuement?
    Nous prenons l'exemple de la Nouvelle-Zélande, mais il est important de reconnaître qu'il y a beaucoup de variantes du système mixte proportionnel. Dans les systèmes électoraux, les détails comptent vraiment.
    Les électeurs ont deux votes, n'est-ce pas? Ils votent séparément pour le député local et pour le parti qu'ils souhaitent voir au pouvoir. Nous constatons que, dans bien des cas, les votes sont partagés. Prenons l'exemple d'Auckland Central, une circonscription du centre-ville d'Auckland. Aux dernières élections les travaillistes ont obtenu 44 % des voix pour le député. Ils ont perdu de peu aux mains du député sortant du Parti national, mais ils n'ont obtenu que 22 % du vote pour le parti. C'est vraiment important, car ce sont les votes obtenus par le parti qui déterminent le nombre de sièges qu'il aura à l'assemblée législative, pas le vote local pour les députés.
    On peut comprendre que le parti veuille maximiser le vote pour le parti, mais on peut imaginer que les candidats locaux, les députés locaux d'Auckland Central et d'ailleurs, surtout s'ils sont sortants, veulent des ressources pour se faire réélire et être les députés de la circonscription locale. Cela a suscité de vraies tensions dans le parti. C'est pourquoi on a adopté ce dispositif des centres régionaux, qui sera mis à l'essai aux prochaines élections. On espère consacrer beaucoup plus de ressources non sur le plan local, mais sur le plan régional, et mettre l'accent là-dessus, pour amener les électeurs à voter pour le parti et maximiser la part du vote du parti sur cette partie du bulletin.
(0930)
    Madame Webb, merci d'être parmi nous.
    Hier soir, nous avons voté à la Chambre sur une proposition voulant que les partis touchent des remboursements en fonction du nombre de femmes inscrites sur les bulletins, par exemple. Il est incroyablement important d'avoir plus de femmes au Parlement. Je suis ravie que, de ce côté-ci de la table, il y ait deux femmes membres du Comité.
    La majorité d'entre nous, de ce côté-ci, nous sommes abstenus hier soir parce que nous voulions nous assurer que ce Comité puisse faire son travail afin d'amener un plus grand nombre de femmes à se présenter aux élections. Il faut absolument revoir le processus d'investiture.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Romanado.
    Monsieur Reid.
    Merci, monsieur le président.
    Je poserai pour commencer quelques questions aux représentants de Forum Research, MM. Bozinoff et Schatten.
    D'abord, avez-vous publié les résultats de ce sondage? On dirait que c'est un nouveau sondage et que vous nous donnez de nouveaux résultats. Ont-ils été publiés sur votre site Web?
    Je crois que oui. Sinon, ils s'y trouveront ce soir.
    Merci.
    Vous avez énuméré une série de questions et dit comment on y avait répondu. En juillet, vous avez affiché sur votre site un sondage que vous veniez de réaliser. Vous avez demandé: « Êtes-vous d'accord ou non pour dire que le Canada devrait tenir un référendum national sur la réforme électorale avant d'apporter quelque changement que ce soit aux modalités d'élection des députés? »
    Avez-vous posé de nouveau cette question dans le dernier sondage?
    Non, le sondage le plus récent n'a pas repris cette question.
    Très bien.
    Dans ce sondage, vous avez fait une ventilation. Vous le savez, puisque c'est votre sondage. Vous dites que 65 % estiment qu'il devrait y avoir un référendum. Une majorité se dégage dans tous les partis: 79 % des partisans conservateurs; 56 % des partisans libéraux; 75 % des néo-démocrates; 63 % des verts; 74 % des partisans du Bloc.
    Cela révèle un certain consensus. Je ne vais pas insister sur cette question, mais constatez-vous un consensus dans les divers partis pour les autres questions que vous avez posées? Autrement dit, y a-t-il un clivage partisan entre les partis quant à l'importance de l'enjeu ou existe-t-il un consensus général comme il semble y en avoir un pour cette autre question?
    Il y a des nuances pour différents éléments. Par exemple, dans le dernier sondage, nous avons demandé quelle était l'importance de différents enjeux. La réforme électorale était du nombre. Il y avait aussi l'économie, la légalisation de la marijuana et quelques autres questions. Il y avait quelques nuances dans le classement de ces questions selon les partis. J'y ai plus ou moins fait allusion.
    On accorde partout une assez grande importance à la réforme électorale. Mais beaucoup plus chez les néo-démocrates que chez les conservateurs. Les libéraux et les verts se trouvent quelque part au milieu. Mais il s'agit seulement de l'importance de l'enjeu. Le Canada devrait-il modifier son système électoral? Partout, sans égard aux partis, le soutien est plutôt solide. Environ la moitié des Canadiens estiment qu'il faudrait le modifier.
    Il y a des nuances au sujet de l'importance de l'enjeu, mais pour ce qui est de savoir s'il y a lieu de modifier le système, la réaction est cohérente et il y a accord de tous les côtés.
    Vous dites que les gens donnent une grande importance à la réforme électorale. On dirait que cela veut dire qu'ils la placeraient plus haut dans le programme politique que certains autres dossiers auxquels le gouvernement pourrait accorder son attention. C'est bien ce que vous voulez dire?
(0935)
    Oui. Je n'ai pas le tableau au complet sous les yeux, mais l'économie était au premier rang pour tout le monde. La note moyenne était de huit sur neuf. La réforme électorale était à peu près au milieu. Les autres moyennes étaient les suivantes: changements climatiques, 6,8; relations avec les Premières Nations du Canada, 6,4; réforme électorale, 5,5; réfugiés syriens, 5,3; légalisation de la marijuana, 5,0. Toutes ces notes sont relativement élevées.
    Très bien.
    Il y a une autre façon d'aborder la question de l'importance du système électoral aux yeux des gens. Je voudrais vous décrire l'impression que j'ai de l'opinion publique à la lumière de nos audiences, de vos sondages et de ceux d'autres maisons, et des consultations que nous avons menées. Je voudrais savoir si, d'après vos données, je me fais une idée assez juste ou si je suis complètement à côté.
    Il me semble d'abord que les Canadiens dans leur ensemble, aussi bien ceux qui trouvent que la réforme électorale est une bonne idée et ceux qui pensent le contraire, ceux qui la classent très haut ou très bas, sont d'avis que le système électoral a une importance fondamentale, qu'il fait partie de la Constitution, au sens où les Britanniques disent que la Constitution est un élément fondamental du système, qu'il soit protégé ou non par notre formule de modification. Deuxièmement, il n'y a pas de majorité concrète en faveur du changement. La scission est profonde. Troisièmement, parmi ceux qui souhaitent un changement, la représentation proportionnelle est de loin préférée aux autres possibilités. Effectivement, ceux qui veulent un changement optent pour la représentation proportionnelle, mais dans ce sous-ensemble il y a une forte préférence pour un modèle ou l'autre de représentation proportionnelle.
    D'après ce que vous pouvez constater, est-ce là un tableau assez exact de l'opinion des Canadiens?
    Oui. Nous n'avons pas demandé aux enquêtés quel système le Canada devrait adopter, mais quel système, à leur avis, est le meilleur pour le Canada. Lorsque nous avons formulé la question de cette façon, le scrutin uninominal à un tour a été le plus populaire, avec 42 %; la représentation proportionnelle suit, avec 35 %; et, je le répète, le scrutin préférentiel se situe à 23 %. Quand nous avons demandé quel système semblait le meilleur pour le Canada, la majorité a dit que c'était le scrutin nominal à un tour. Quand on demande par quoi le Canada devrait remplacer le système actuel, ce que nous n'avons pas demandé dans le dernier sondage, il est possible que la représentation proportionnelle soit la solution préférée. C'est peut-être vrai.
    Quant à vos autres points, il est vrai que cet enjeu revêt une assez grande importance.
    Ce n'est pas la majorité qui est d'avis que le Canada devrait changer son système électoral. C'est 48 %, environ la moitié. Un tiers est contre tout changement et un cinquième se situe quelque part au milieu, est incertain our sans opinion.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Cullen.
    Merci beaucoup.
    Merci aux témoins d'être là, surtout les sondeurs. Les sondages, c'est comme de l'herbe aux chats pour les hommes et femmes politiques. Vous le savez. Nous voulons plonger là-dedans et remettre les choses en question.
    J'ai quelques questions à vous poser, mais je voudrais d'abord m'adresser un instant à Mme Webb.
    J'étais en train de regarder quelques statistiques et citations. Cette semaine, la ministre s'est fait demander s'il y aurait des efforts pour faire désigner plus de femmes comme candidates. Elle a dit que, à la Chambre, on ne tenait pas à avoir plus de femmes qui se présentent, mais à ce qu'il y en ait plus qui se fassent élire. Cette déclaration prête à confusion, il m'a semblé.
    Vous avez dit dans votre témoignage que rien ne prouve que, lorsque des femmes obtiennent l'investiture, il y a un sexisme inhérent, que les électeurs ne les élisent pas. Ai-je bien compris?
    Oui.
    Très bien. Le Canada se classe maintenant au 64e rang dans le monde, derrière...
    Oui.
    ... l'Afghanistan et l'Irak, derrière le Soudan du Sud et d'autres grandes démocraties. L'idée serait donc, si nous savons que, une fois que les femmes sont désignées comme candidates, elles font aussi bien que n'importe qui d'autre...
    Elles font mieux.
    Elles font mieux?
    Oui.
(0940)
    D'accord. Alors, le premier obstacle, c'est l'investiture. Une fois désignées comme candidates, elles font bien, elles font mieux.
    Effectivement.
    Très bien.
    Cela me semble étrange.
    Voulez-vous que je réponde? Puis-je dire quelque chose?
    Oui, bien sûr.
    Nous voudrions parler toutes les deux, mais je vais vous donner quelques généralités. Je n'ai pas les statistiques exactes sous les yeux, mais les femmes se font élire un peu plus souvent que les hommes, une fois désignées comme candidates. C'est dans le processus d'investiture qu'elles font l'objet de discrimination, à cause de notre système à majorité relative. À cause de ce système, les partis, ceux qui votent dans les partis, les membres des partis, ont tendance à choisir quelqu'un qui, d'après eux, intéressera davantage les électeurs, c'est-à-dire, le plus souvent, des hommes blancs.
    Juste. Il y a un préjugé ancré chez les membres des partis.
    Oui, une fois candidates, les femmes ont de bons résultats.
    Sheila aurait quelque chose à dire, elle aussi.
    Très bien. D'accord.
    Je voudrais parler de la dimension régionale. Dans certaines régions, certains partis n'ont aucune chance de se faire élire, à certains moments. Et le scrutin uninominal à un tour accentue le phénomène. Même s'il y a des candidates, et je pense à de nombreux exemples, si elles se présentent dans une région où le parti...
    Les sièges « perdus ».
    ... n'est pas populaire, il n'y a toujours aucun espoir. Je connais d'excellentes candidates qui n'ont pas été élues.
    Il y a deux éléments. Si nous voulons l'emporter au niveau national... L'an dernier, il y a eu un an hier, nous avons vu cette grande victoire électorale. Bien des Canadiens diraient que les choses ont changé de façon radicale pour les femmes, mais leur pourcentage aux Communes a augmenté de un point, passant de 25 % à 26 %.
    Exact. Il y en a peut-être davantage au Cabinet, mais moins dans les comités...
    C'est juste. Qui?
    ... je crois qu'il n'y avait qu'une femme au comité chargé d'étudier l'aide médicale à mourir.
    Je ne sais quoi penser et je suis désolé lorsque j'entends la ministre des Institutions démocratiques dire que nous ne tenons pas à avoir des candidates. Vous nous dites que le grand obstacle est justement là en ce moment, en plus du système électoral. La représentation proportionnelle aide les femmes à se faire élire, une fois qu'elles sont candidates.
    Des gens de Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni nous ont dit hier soir que, dans les systèmes à représentation proportionnelle le nombre de sièges « sûrs » ou « perdus » avait diminué radicalement. Tous les partis doivent se battre et ils ont tous leurs chances dans tout le pays. Pour améliorer les résultats, il ne suffit plus d'avoir des candidates.
    J'ai examiné les statistiques sur les investitures. À la dernière campagne, mes collègues conservateurs ont proposé 20 % de candidates, le Bloc, 28 %, les libéraux une proportion mirobolante de 31 %, tandis que nous en avons eu 43 %. Notre parti a des politiques qui visent à aider les femmes à se faire choisir comme candidates.
    Monsieur Bozinoff ou monsieur Schatten, je ne sais pas très bien qui va répondre. Vous avez dit dans votre sondage: « Nous avons trouvé qu'il était notoirement difficile de faire des sondages sur la réforme électorale parce qu'il n'est pas facile de bien expliquer chaque système. Nous avons constaté que, lorsque les faits simples sont présentés, la représentation proportionnelle est préférée, puisqu'elle semble plus représentative. »
    Ce que je ne comprends pas, c'est que, lorsqu'on en explique les inconvénients, l'appui à la représentation proportionnelle diminue. C'est bien ce que vous dites dans votre rapport?
    Nous avons demandé aux répondants s'ils pouvaient décrire les différents systèmes, et c'est là que la représentation proportionnelle obtient un appui de 63 %. Ils se sentaient à l'aise pour décrire ce type de système. Le scrutin uninominal à un tour suivait, avec 54 %. Puis, nous avons demandé quel était le meilleur système électoral pour le Canada, quel système était leur premier choix, et c'est alors le scrutin uninominal à un tour qui passe devant, avec 42 %, suivi de la représentation proportionnelle, à 35 %.
    Très bien. Avez-vous expliqué les effets de distorsion du scrutin uninominal à un tour? Avez-vous précisé que les femmes se font moins souvent élire avec ce système?
    Oui. Dans la première partie dont nous avons parlé, il s'agissait de décrire les systèmes et de dire quel système le Canada avait. Il n'y avait aucune invite, aucune description des systèmes. Nous voulions avoir une idée du degré de connaissance. Pour demander les préférences, nous avons donné une description très brève, très sommaire des systèmes. On ne peut pas vraiment, dans un sondage, transmettre des connaissances ou donner un cours d'éducation civique. L'ensemble des résultats du sondage montre des lacunes dans les connaissances des Canadiens.
    L'idée, c'est que, avec ce degré d'ignorance sur quelque chose d'aussi fondamental, qui a une influence sur la vie des gens... Il faut combattre l'ignorance. Tout le monde dit que l'éducation est importante.
    Nous dirions cependant qu'il y a des choses comme les accords commerciaux qui ont un effet sur la vie de tout le monde, le PTP ou l'AECG. Je serais curieux d'aller sur le terrain pour demander aux Canadiens: « Parlez-nous de l'AECG. Dites-nous ce que le PTP voudra dire pour la sécurité alimentaire, pour la sécurité énergétique, pour les médicaments ou les produits pharmaceutiques. » Nous discutons ici tous les jours de choses qui ont un retentissement dans le quotidien.
    Hier, un témoin néo-zélandais a dit que, en politique, on ne confie pas à d'autres les décisions difficiles. Nous nous faisons élire pour agir. Certaines décisions sont difficiles. Je suis étonné, car quelqu'un a dû... Quel pourcentage des gens sont au courant de la démarche en cours?
(0945)
    Environ la moitié des Canadiens étaient au courant de l'existence du comité.
    Extra. Je voudrais nous comparer au comité des transports ou au comité de l'agriculture. Je suis impressionné. C'est une excellente nouvelle.
    En fait, à bien y penser, ce n'est pas mauvais.
    N'est-ce pas bien, monsieur le président?
    Oui.
    Madame May
    C'est à mon tour?
    Merci, monsieur le président.
    Désolé. C'était M. Thériault.

[Français]

    Toutes mes excuses, monsieur Thériault. Allez-y.
    Je vais réfléchir à cela et décider si je vous excuse, monsieur le président.
    Mesdames, messieurs, chères étudiantes, chers étudiants, j'espère que nos débats vous passionnent.
    Je vais commencer par m'adresser à vous, madame Webb.
    Pour que vous sachiez où je me situe quand je pose mes questions, je vous dirai que notre premier ministre était dans sa tendre enfance quand je militais dans un mouvement féministe. Je suis pour la parité hommes-femmes dans les mises en candidature, mais je prône davantage une réelle représentation des femmes au Parlement.
    Je vais vous poser une question très simple: si vous aviez à choisir entre le maintien de notre mode de scrutin accompagné de mesures coercitives pour favoriser la parité hommes-femmes dans les candidatures et le mode de scrutin mixte proportionnel accompagné de mesures incitatives, que choisiriez-vous?
    Parlez-vous de choisir entre les règles pour...
    Entre le mode de scrutin actuel, auquel on ajouterait des mesures coercitives pour favoriser les candidatures paritaires, et le mode de scrutin mixte compensatoire à représentation proportionnelle, qui comprendrait des mesures incitatives, que préférez-vous?

[Traduction]

    Je vais répondre en anglais, simplement parce que je ne connais pas tous les termes en français, merci de votre question.
    À titre de représentante de la FCFDU, je peux vous dire que nous n'avons pas de politique spécifique sur la question, mais en ce moment, devant ce Comité, nous sollicitons des changements. Je crois que ce que nous constatons, c'est que nous pouvons offrir des incitatifs pour avoir plus de femmes élues ou nommées. Certains partis prennent cette initiative.
    De manière générale, je crois que c'est une bonne idée d'encourager les partis à désigner plus de candidates. Toutefois, pour un changement véritable, si nous voulons voir plus de femmes élues et plus de membres de minorités élus, nous devons changer le système électoral. Je ne dis pas que nous préconisons spécifiquement un système mixte avec compensation proportionnelle. Nous préconisons une version canadienne de la représentation proportionnelle, peu importe la forme.

[Français]

    D'accord, je comprends la nuance.
    Monsieur Bozinoff et monsieur Schatten, vous avez dit que les gens qui disent savoir ce que les Canadiens veulent peuvent peut-être parler à tort et à travers en jouant à la représentation. Je suis un député dûment élu. Nous sommes dans une démocratie représentative. Je n'ai pas la prétention de savoir quel mode de scrutin veut l'ensemble des électeurs.
    Je sais ce que je veux et ce que veut ma formation politique. Nous voulons un changement du mode de scrutin et l'introduction d'une forme de proportionnalité. Nous préférons un mode de scrutin mixte proportionnel compensatoire. Cependant, nous ne voulons pas n'importe quel modèle de ce mode de scrutin et nous ne voulons pas qu'il soit appliqué n'importe comment.
    Il faut prendre le temps de faire les choses correctement. Pour cela, il faut sortir du carcan dans lequel nous a mis le premier ministre en affirmant que ce serait la dernière élection avec le mode de scrutin actuel. À mon avis, il ne savait pas ce qu'il disait et il n'a aucune connaissance de ce qu'il est nécessaire de faire pour transformer les choses.
    Admettons que notre comité passe à une deuxième étape consistant à développer un modèle et à continuer de consulter l'ensemble des électeurs pour leur faire comprendre les différences entre le mode de scrutin envisagé et le mode de scrutin actuel. Les gens seraient ainsi mieux éclairés et pourraient trancher le débat. Dans ce cas, seriez-vous partisan d'un référendum sur la question?
    Des gens nous ont dit qu'un référendum ne serait pas nécessaire, puisque nous sommes des représentants du peuple. Si un référendum n'est pas nécessaire pour changer le mode de scrutin, il n'est pas nécessaire non plus pour maintenir le statu quo. À ce moment-là, l'un est aussi valable que l'autre.
    Si nous ne voulons pas décider à la place du peuple et si nous voulons sortir de la partisanerie, à mon avis, un référendum serait nécessaire, et il pourrait se tenir pendant la prochaine élection.
    Pour intéresser les gens à cette question, ne faudrait-il pas d'abord avoir un modèle clair, plutôt que de maintenir le statu quo et de poursuivre les consultations?
(0950)

[Traduction]

     Je vais répondre en anglais.
    Le public est généralement en faveur des référendums. Il aime le principe, savoir qu'il sera consulté directement à propos d'un enjeu. Nous avons fait un sondage il y a un mois, et 65 % des répondants favorisaient un référendum. Ce n'est pas une surprise. Les gens ont tendance à dire que le public doit être consulté.
    Je ne suis cependant pas convaincu qu'ils voudraient deux référendums. L'argument contradictoire tient au coût de ces activités, qui atteignent parfois des millions de dollars. Nous entendons parfois ce type de réaction contraire. Je ne suis pas convaincu que l'intérêt est là pour deux référendums, mais je crois qu'un seul référendum susciterait beaucoup d'intérêt lorsque le Comité aura formulé sa recommandation et que nous aurons une option concrète.
    Vous savez, ces résultats comportent beaucoup de fluidité, car les détails sont encore inconnus. Nous ne savons pas quel choix sera retenu. Nous avons mis trois options à l'essai. Pour vraiment bien se faire une opinion, le public devrait connaître la nature de l'idée.
    Pour revenir à l'argument de M. Cullen sur les détails, les accords commerciaux et ainsi de suite, je crois que lorsque le public connaîtra les détails exacts, il comprendra les implications dans les discussions menant au référendum. Il comprendra le pour et le contre. Je crois que les gens sauront ce que l'option signifie pour eux. Ils comprendront.
    Merci.
    Je crois qu'ils seront en mesure de répondre de manière mieux informée, qu'ils soient ou non en faveur de ce système, ou de distinguer le nouveau système de l'ancien.
    Merci.
    Donnons maintenant la parole à Mme May, s'il vous plaît.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le Comité et tous les membres de notre panel présents aujourd'hui. Nous avons eu une très bonne discussion. C’est aussi avec plaisir que nous accueillons ici au Parlement une classe de sciences politiques, pour assister à cette discussion d'une importance vraiment cruciale.
    Nous étions un peu taquins à propos de la réponse de M. Cullen à la question. Quand M. Bricker était ici, ses résultats de sondage indiquaient qu'en août, 3 % des Canadiens connaissaient l'existence de notre Comité. Nous avons bondi à une proportion de 50 % des Canadiens qui connaissent ce comité, et si vous jetez un coup d'oeil derrière vous, vous verrez que les tables réservées aux médias sont remarquablement désertes, comme c'est régulièrement le cas dans presque toutes nos audiences. Je suis ébahie que nous ayons atteint 50 % alors que nous sommes dans une zone d'éclipse médiatique.
    Je désire m'identifier comme membre de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, et je vous reviendrai avec d'autres questions, mais je voudrais d'abord m'adresser à M. Cross.
    Je vous suis reconnaissante de vous être attardé à un domaine que nous ne connaissions pas, mais je me demande si vous pouviez revenir sur quelque chose dont nous avons entendu parler, en particulier puisque vous en étiez un conseiller. Pourriez-vous décrire un peu plus en détail votre rôle au sein de la Commission sur la réforme électorale du Nouveau-Brunswick? Appuyez-vous toujours la recommandation de la Commission, alors favorable à un système mixte avec compensation proportionnelle?
(0955)
    J'ai travaillé environ 18 mois comme directeur de la recherche pour la Commission, en collaboration avec David McLaughlin dont vous avez entendu parler. Il était alors sous-ministre. C'était une petite commission, finalement de huit membres. Il y en avait neuf au départ, un est parti en cours de route. Mon rôle consistait en fait à fournir l'information et les recherches qu'utilisait régulièrement le Comité lors de nos réunions. Nous avons aussi réalisé beaucoup de consultations publiques partout dans la province, pour finalement rédiger le rapport.
    Selon moi, des changements au système électoral doivent évidemment être abordés avec beaucoup de prudence, en étant conscients de toutes les répercussions possibles. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, la Commission a accompli son travail très sérieusement pour en arriver à un système mixte avec compensation proportionnelle adapté au contexte du Nouveau-Brunswick. Il s'agit évidemment d'un système unique dans notre confédération, avec ses deux communautés linguistiques à l'échelle provinciale. Il fallait prendre en compte de nombreuses dynamiques régionales. La Commission a recommandé un système qui était adapté à la province à ce moment. Le nouveau gouvernement libéral vient tout juste d'engager un nouveau processus. Nous verrons où il aboutira.
    En deuxième partie de ma question, est-ce que vous pensez toujours qu'un système mixte avec compensation proportionnelle convient bien au Nouveau-Brunswick? Avez-vous des recommandations particulières, compte tenu de tout le temps que vous avez consacré à travailler à cette question et à y réfléchir à titre de président de la recherche sur la démocratie parlementaire? Avez-vous une préférence personnelle en matière de réforme électorale que notre comité devrait recommander? Quelles sont selon vous les priorités que nous devrions accorder aux différentes valeurs qu'il nous faut prendre en compte dans cette recommandation?
    Bien sûr. Vous avez raison de partir d'une position de valeurs. Je reviens à la définition du mot réforme dans le dictionnaire, qui est de changer quelque chose en mieux. Nous devons prendre grand soin de bien comprendre les répercussions complètes des changements que nous envisageons et d'améliorer le système.
    J'écoutais justement la conversation sur le genre. Je viens de rédiger un article qui sera bientôt publié dans la Revue canadienne de science politique, à propos de la nomination des candidats et leur sexe au cours de l'élection de 2015. C'est vrai que c'est l'un des obstacles principaux, mais si l'intention est de faire entrer plus de femmes au Parlement, il y a bien des façons d'y arriver autres que changer le système électoral si nous sommes déterminés à y arriver, et nous devrions le faire.
    Changer le système électoral ne garantit pas ce résultat en soi. Les gens choisissent les exemples qui leur conviennent, n'est-ce pas? L'Irlande, qui a un système plus proportionnel, compte moins de femmes dans la chambre basse, le Dáil Éireann, que le Canada. Leur nombre vient juste de doubler lors de la dernière élection plus tôt cette année, et c'était en conséquence d'avoir lié le remboursement des dépenses électorales à une augmentation du nombre de femmes désignées candidates, une mesure que nous pourrions prendre si c'est vraiment ce que nous désirons accomplir, avec un incitatif aussi solide.
    Pour répondre à votre question, je dirais seulement que je n'ai pas de position privilégiée sur le sujet. Je conseillerais au Comité de procéder lentement. Cela me préoccupe, et c'est l'une des choses que je voulais aborder. Si nous procédons très rapidement pour dire que la prochaine élection aura lieu dans un système mixte avec compensation proportionnelle, par vote préférentiel ou par scrutin à vote unique transférable, et que nous ne laissons pas le temps aux partis politiques de s'adapter, je crois qu'il pourrait en découler un véritable coup de force favorisant l'instance centrale de nos partis au détriment de la démocratie interne des partis, où les membres et les assemblées de district électoral jouent un rôle important.
    Il n'est pas inévitable d'en arriver là, mais si nous ne laissons pas aux partis le temps de réfléchir à ces questions et de tenir une conversation réfléchie à ce propos, je crois que c'est où nous aboutirons.
     Je crois que vous conviendrez avec moi qu'au fil des dernières décennies, en tout cas certainement depuis le début des années 1970, quand pour la première fois le nom d'un parti politique figurait sur un bulletin de vote et que pour la toute première fois les chefs des partis politiques avaient à approuver les candidatures, il serait naïf d'avancer que l'actuel processus de nomination des candidats des grands partis dans tout le Canada est dénué de contrôle politique partant du sommet.
    Convenez-vous qu'il y a eu une tendance vers un contrôle politique accru de l'instance centrale depuis que nous inscrivons le nom du parti politique à côté de celui du candidat sur les bulletins de vote?
(1000)
    C'est compliqué. Joey Smallwood, alors qu'il était premier ministre de Terre-Neuve, avait émis un communiqué de presse nommant toutes les personnes qui seraient les candidats fédéraux du Parti libéral à Terre-Neuve.
    La tendance fluctue dans les deux sens. Il y a une décennie, le parti de M. Harper et les libéraux renouvelaient arbitrairement la nomination des députés sortants depuis l'instance centrale. Ils ont reculé depuis, n'est-ce pas? Il y avait une réelle contestation.
     Comme nous le savons tous, il y a ingérence de l'instance centrale. C'est controversé, mais nous devons réfléchir prudemment à la façon dont le scénario se déroulerait dans différents systèmes.
    Je vais passer à M. Bozinoff.
     Un simple éclaircissement, en page 8 de votre document, au tableau 1, est-ce effectivement la description utilisée pour le système de réponse vocale interactive? Est-ce que c'est tout ce qu'on leur a dit sur les différents systèmes? Sauf erreur, ce système indique à l'électeur seulement comment chaque député a été élu, il n'explique en rien pourquoi dans un système uninominal à un tour, 39 % des votes vous donnent la majorité. L'impact de la proportionnalité ne se fait pas sentir dans chaque circonscription, mais plutôt dans la composition globale du Parlement, un fait complètement absent de cette description au tableau 1.
    Très brièvement s'il vous plaît, notre temps est limité.
    Oui, ce sont les descriptions que nous avons utilisées.
    Merci.
    Monsieur Aldag, s'il vous plaît.
    Bonjour à nos experts. C'était une autre excellente matinée. À mesure que nous avançons, je suis toujours étonné par les témoignages que nous entendons chaque jour. Chacun d'entre vous nous a appris quelque chose aujourd'hui, et nous l'apprécions vraiment.
    J'avais l'intention de commencer par une petite correction à une déclaration antérieure, lors d'une discussion à propos des comités et sur la difficulté d'avoir une entière représentation des femmes dans ce Parlement.
    On a donné l'exemple du comité sur l'aide médicale à mourir. J'ai siégé à ce comité et je désire simplement indiquer qu’il n'y avait pas qu'une seule femme dans le comité au complet. Les libéraux avaient deux femmes qui ont participé à toutes les délibérations. Le NPD avait ausi une femme, Mme Sansoucy, qui a participé régulièrement tout au long du processus. De plus, le Sénat comptait cinq participantes, car il s'agissait d’un comité spécial conjoint. Je crois que c'est en fait une assez bonne représentation.
     Nous voyons d'autres exemples. Ma collègue Mme Romanado siège à deux comités, et je siège à un comité. Parfois les femmes doivent travailler plus fort, mais nous pouvons obtenir cette représentation.
    Des voix: Oh, oh!
    Toujours.
    Ou au moins être plus présentes...
    Mme Sherry Romanado: Travailler plus fort.
    M. John Aldag: D'accord.
    Je vais vous poser mes premières questions, monsieur Cross. J'ai trouvé votre discussion vraiment intéressante. Je vais vous dire où allait ma réflexion ce matin. Nous avons discuté de différentes formes de gouvernement qui se forment dans un système proportionnel et de l'idée de coalition, et j'ai un peu exploré avec d'autres témoins des types de compromis politiques qui s'effectueraient, lorsque des petits partis peuvent avoir une influence disproportionnée ou difficile à concilier.
     À cause de leur capacité de négocier avec les pouvoirs au Parlement, ils pourraient aboutir avec une voix plus forte qu'autrement, mais je n'avais jamais pensé à cette influence dans le contexte du choix des dirigeants d'un parti. Vous avez donné l'exemple de l'Australie, et je regarde de l'autre côté de la table, nous avons les conservateurs qui entament leur course à la direction, et le NPD qui se prépare au même processus. Je me dis, wow, vous me dites que Mme May, avec quelques députés de plus dans son Parti vert, pourrait en fait dicter aux Conservateurs qui ils choisiront comme chef, et le Bloc pourrait vraiment discuter avec le NPD pour déterminer qui sera écarté ou retenu.
     Une telle chose pourrait-elle arriver dans le contexte canadien? Je trouve cela absolument fascinant.
    Bien, c'est déjà arrivé dans chacun des trois pays, Australie, Nouvelle-Zélande et Irlande.
    Dans les années 1990, deux taoiseach ou premiers ministres issus du Fianna Fáil, ont été démis de leurs fonctions parce que leurs alliés dans la coalition, dans un cas les Démocrates progressistes et dans l'autre les Travaillistes, avaient affirmé qu'il ne pouvaient pas maintenir leur appui au parti au pouvoir à moins que le Fianna Fáil ne démette et remplace son chef, ce que le parti a fait. Il y avait eu des scandales.
    Comme je l'ai brièvement mentionné, dans tous ces cas, le parti parlementaire avait le pouvoir de démettre son chef. Ce n'est pas le cas au Canada, à moins d'adopter une loi de réforme. L'une de mes préoccupations est justement la possibilité que vous soulevez. Imaginons que les conservateurs gouvernent en coalition avec les Néo-démocrates, et que ces derniers demandent aux Conservateurs de démettre leur chef s'ils veulent garder l'appui des néo-démocrates.
    Des voix: Oh, oh!
    M. William Cross: Comment le Parti conservateur peut-il faire une telle chose par un processus extraparlementaire? Il faudrait beaucoup de temps. En corollaire concret, l'adoption de la loi de réforme pourrait permettre une telle situation, un genre de répercussion inattendue d'un changement de système électoral.
(1005)
     C'est vraiment intéressant.
    L'autre aspect, et je ne sais pas si vous pourriez le commenter, a trait à notre structure au sein de la Chambre des communes. Actuellement, il faut avoir 12 députés pour obtenir le statut de parti officiel, participer à des comités et obtenir d'autres choses. Dans ce type de système de coalition, lorsque deux partis qui n'atteignent pas le seuil se joignent, sont-ils considérés comme un seul parti? Est-ce qu'une union pourrait déclencher le versement de budgets et subsides supplémentaires à des plus petits partis? Est-ce qu'ils pourraient franchir cette barrière qui les bloque actuellement?
    Dans les autres pays, ils continuent d'être considérés comme des partis indépendants.
    Ils ne pourraient se laisser porter dans le sillage du parti qui lui a dépassé ce seuil. C’est très intéressant.
    Vous avez parlé dans vos observations liminaires du rôle des parties. Je parle du principe voulant que les partis autonomes devraient pouvoir établir leurs propres politiques par rapport à une situation où c’est plutôt le Parlement qui impose sa volonté aux partis.
     Je reviens, comme Mme Romanado l’a mentionné, au vote d’hier. Un projet de loi a été présenté devant la Chambre qui prévoyait des sanctions pour les partis qui n’atteignaient pas leur cible. Je réfléchissais à la direction que j’allais moi-même adopter à cet égard, et j’ai fini par m’abstenir, parce que nous délibérons actuellement et je crois qu’une telle décision serait actuellement précipitée.
     L’idée que le Parlement impose sa volonté aux parties est en soi, à mon avis, un dilemme. Comment faire pour que le citoyen, qui est la véritable fondation de notre système démocratique, fasse la bonne chose? Quand instaurez-vous des mesures de dissuasion? Quand brandissez-vous une carotte et quand offrez-vous un encouragement au moyen de mesures incitatives? Je ne sais pas si vous avez des commentaires que vous souhaiteriez formuler à ce sujet. C’est un sujet que je trouve difficile, la volonté du Parlement contre celle des partis.
    C’est en effet une question difficile de savoir si les partis devraient ou non être considérés comme des organisations privées. D’autre part, nous devrions peut-être les considérer comme des services publics, puisqu’ils jouent un rôle tellement important au sein de la démocratie et reçoivent un montant important de fonds publics des contribuables.
    J’ai témoigné devant le comité du Sénat au sujet de la loi sur la réforme. Quand la loi était encore contraignante, quand elle imposait certaines choses qui auraient dû relever des caucus mais leur étaient enlevées, je trouvais que cette loi était une très mauvaise idée, car elle imposait à nos partis un ensemble particulier de valeurs ainsi que les moyens pour mettre le tout en place.
     Dans l’ensemble, je crois qu’il vaut mieux laisser aux partis politiques la possibilité de décider pour eux-mêmes, même si je suis d’avis que les fonds octroyés pourraient parfois servir de carotte. Certains aspects pourraient être encouragés, comme le nombre de femmes nommées. C’est un secteur où, à mon avis, nous devons agir avec prudence. Nous ne voulons pas que les partis soient des créatures ou des membres captifs du Parlement.
    Y-a-t-il...
    Merci.
    Nous devons poursuivre. Je suis désolé. Je vous ai dit qu’aujourd’hui les règles sont plus strictes en raison de la limite de temps.
    Passons à M. Richards, s’il-vous-plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d’être ici.
    Je vais commencer par MM. Bozinoff et Schatten.
    J’ai eu un choc quand j’ai entendu ce que vous avez répondu à une question au sujet de la compréhension des divers systèmes... Je vous ai entendu affirmer que la question que vous aviez posée, c’est « Pourriez-vous expliquer cela à un ami? » Et que c’était un moyen de déterminer si la question avait été réellement comprise. J’ai eu un choc encore quand vous avez dit que seulement 54 % des Canadiens pouvaient expliquer le scrutin majoritaire uninominal à un tour, qui est actuellement notre système électoral. Puis vous avez poursuivi en affirmant que seulement 40 % des Canadiens savaient que le scrutin majoritaire uninominal à un tour était notre système électoral actuel, je crois donc que nous avons là l’explication.
     Je suis curieux de savoir si vous avez déjà demandé à des gens d’expliquer notre système actuel. La raison pour laquelle je pose cette question est que, de toute évidence le pourcentage de 54 % est inférieur au pourcentage de participation type à un vote électoral. Si ces personnes ont déjà voté, elles devraient comprendre le système qui régit le vote. Je suis juste curieux de savoir si vous avez déjà posé cette question. Plutôt que de poser la question au sujet du scrutin majoritaire uninominal à un tour, avez-vous posé la question « Pourriez-vous expliquer notre système actuel? » Je suis juste curieux.
    Non. Dans le cadre des sondages, nous ne sommes pas entrés dans le détail et n’avons pas vraiment fait la description du fonctionnement de notre système actuel.
    Le libellé est important. Lorsque le Comité prend sa décision et si le gouvernement décide d’aller de l’avant, que ce soit par référendum ou d’autres moyens, vous allez devoir... Il faudrait organiser une campagne de sensibilisation publique autour de ces questions, quelle que soit la décision. Il faut qu’il y ait un transfert de connaissances, et une certaine forme d’éducation. C’est dire à quel point c’est important.
    Quand on pense à ces personnes, à peine plus de la moitié d’entre elles ont pu décrire ce qu’est le scrutin majoritaire uninominal à un tour, mais quand on leur a donné un exemple, seulement 42 % pouvaient dire que c’était le système électoral utilisé au Canada. Il y a de toute évidence des lacunes sur le plan des connaissances dans ce domaine.
(1010)
     Oui.
    Dans le même ordre d’idées, on peut avancer que 52 %, sont d’avis que nous devons conserver notre système actuel. Quand vous avez demandé si nous devions changer de système, 48 % étaient d’accord, donc j’assume que 52 % étaient contre. Autrement dit, on peut avancer qu’il y a quand même un grand nombre de Canadiens qui potentiellement conserveraient notre système actuel.
    Quand vous avez demandé quel est votre premier choix en termes de systèmes, 42 % ont répondu que ce serait le scrutin majoritaire uninominal à un tour. C’est le résultat le plus élevé, mais ça reste moins que ceux qui ont indiqué qu’ils ne voudraient pas changer.
    Je me demande comment cette question a été formulée. J’imagine qu’ils avaient plusieurs choix de divers systèmes. Si quelqu’un avait dit, « notre système actuel » est-ce que cela aurait été considéré comme une réponse valide qui aurait été incluse avec le scrutin majoritaire uninominal à un tour? Je me demande comment le sondage a été mené.
    Non, ils devaient cliquer sur l’une des trois options que nous leur avons proposées. Ils ne pouvaient répondre « le système actuel ». Il leur fallait reconnaître le nom du système actuel, et peut-être qu’ils ne le connaissaient pas.
    Rappelez-vous cependant, quand on parle connaissances, il n’y a pas de test de connaissances pour pouvoir voter. Nous n’administrons pas de test aux gens pour leur dire ensuite « Hé vous ne pouvez voter, puisque vous ne connaissez pas les détails sur le système électoral. Vous ne savez pas comment il s’appelle. Vous ne pourriez le décrire à un ami ». Ils vont tous voter. Ils ont tous une opinion. Il y avait certaines réponses « Ne sais pas » dans le sondage, mais nous avons donné trois choix aux gens, et la majorité a choisi l’un de ces choix.
    C’était seulement de la curiosité de ma part. Il va de soi que s’ils avaient pu choisir « le système actuel », les résultats auraient été plus élevés.
     Je conviens qu’il ne devrait pas y avoir de test de connaissances pour pouvoir voter. Ils sont plusieurs à avancer cette hypothèse dans le cas d’un référendum. On pense en effet que les gens n’ont pas assez de connaissances ou de compréhension pour voter dans le cadre d’un référendum. Je pense que c’est un point de vue arrogant. Et que c’est malheureux que certaines personnes voient la situation ainsi.
    C’est à votre tour, monsieur Cross.
    Vous avez mentionné, et en fait en réponse à la question de M. Aldag, le sujet a de nouveau été mentionné, l’un des défis uniques qui existe probablement au Canada, c’était quand vous avez parlé des listes des partis et le fait que d’autres partis soient en mesure d’influencer les choix à la direction des partis. Vous avez expliqué que, comme ce choix au Canada est fait par des membres extraparlementaires, ou autrement dit, les militants d’un parti, cela créerait un réel défi relativement à certains enjeux comme les coalitions et les listes de parti et autres choses du genre.
    J’aimerais savoir si vous avez réfléchi longtemps à d’autres éléments quand vous avez examiné un système pour le Canada. De toute évidence, le Canada est, de plusieurs manières, très différent de bien d’autres pays. Nous sommes l’un des plus grands pays du monde. Le pays est peu peuplé et sa population est très diversifiée. Avez-vous des suggestions sur d’autres facteurs que nous devrions prendre en considération? Si nous devions implanter un nouveau système au Canada, nous devrons penser à ces enjeux uniques. Avez-vous pensé à ce que ces défis uniques pourraient être et qui mériterait de faire l’objet d’une réflexion approfondie?
    Bien sûr. Je prendrais juste 10 secondes avant de commencer pour revenir sur un élément d’une conversation précédente. En lisant le témoignage de certains de mes collègues qui se sont présentés devant vous, je peux affirmer, sans exagération, que j’ai été plutôt choqué de l’attitude de certains qui avancent que les Canadiens ne pourraient se renseigner sur cette question et formuler une opinion éclairée. Je tenais à vous faire part de mon opinion.
     Je pense qu’il y a un certain nombre d’autres enjeux qui sont importants dans le contexte canadien. L’un d’eux est...
    Permettez-moi de vous interrompre. Vous avez fait ce commentaire, donc vous avez certainement une opinion à ce sujet. Pensez-vous que c’est une façon importante de procéder, de donner aux Canadiens cette option, ce choix? Vous dites qu’il serait possible de les éduquer, et je suis d’accord.
    Oui.
    Nous devrions nous assurer que la population a les connaissances nécessaires pour prendre une décision.
    Bien sûr. Voyez par exemple le cas de la Nouvelle-Zélande, où il y avait un programme éducatif financé et mis en oeuvre par le gouvernement. Je crois que s’il y avait un processus éducatif robuste, les Canadiens seraient en mesure de comprendre la base de ce qui est nécessaire. Ils n’ont pas à comprendre le quotient de Droop ni le fonctionnement éventuel des transferts. Il faudrait qu’ils sachent ce que cela signifie pour eux, comment ils sont représentés au Parlement et par qui.
    Au sujet de la question que vous posez au sujet d’un référendum, et je m’avance sur ce terrain avec beaucoup d’hésitation, car il y a quelque chose d’un peu tendancieux dans cette question, je me rallie à la remarque de M. Reid. On n’est pas loin de l’enjeu constitutionnel. C’est quelque chose de fondamental. Je pense en termes d’équité et d’acceptation de la part des Canadiens de ce qui est recommandé, peu importe ce que c’est, et, si nous avons un changement, qu’il est important que ce ne soit pas perçu comme un exercice partisan. Le moyen pour éviter cette perception est de veiller à ce que le changement soit accepté par les Canadiens et les Canadiennes. Je ne crois pas que nous ayons besoin de grandes majorités ou de quelque chose du genre.
(1015)
     Merci.
    La parole est à Mme Sahota, s’il-vous-plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui sont ici aujourd’hui. C’est un plaisir de voir un auditoire aussi nombreux. C’est certainement un des plus importants auditoires que nous avons eu depuis longtemps.
     Madame Webb, à votre avis, quel serait pour votre organisation la raison principale d’adopter un système de représentation proportionnelle, ou RP? Que souhaiteriez-vous accomplir avec une telle option?
    Merci de votre question. C’est une excellente question, car je crois qu’il est important de dire que nous n’appuyons pas la représentation proportionnelle uniquement pour la raison que ce mode de scrutin aiderait les femmes à se faire élire.
    Je crois que l’aspect le plus important de la RP est que nous croyons que les Canadiens et les Canadiennes devraient pouvoir aller voter en se disant que leur vote se traduira par une représentation. Ce n’est pas le cas actuellement. Dans le cadre d’un scrutin uninominal à majorité simple, un énorme pourcentage des votes est tout simplement perdu. Je suis d’avis que le fait qu’il y ait autant de votes qui ne sont pas pris en compte dans le régime actuel, est la principale raison d’aller de l’avant avec le changement.
    Dans toutes les différentes présentations, je pense que celle de M. Cross nous a donné matière à réflexion. C’est définitivement une des raisons qui ressort le plus souvent. Supposons que j’aie voté pour un parti qui n’a récolté que quelques sièges. Sur la scène canadienne, j’occupe une position minoritaire sur le plan politique, mais je voudrais que ma position minoritaire soit reconnue à la Chambre des communes. Cependant, nous ne prenons pas en compte tous les changements collatéraux et tous les éléments entreraient en vigueur après l’adoption d’un système de RP.
    Monsieur Cross, vous avez donné un témoignage sur les différents changements qui pourraient éventuellement survenir selon les différents systèmes. Croyez-vous que l’opinion des Canadiens et des Canadiennes serait mieux représentée dans un système de RP qu’elle l’est maintenant? En cochant leur réponse sur le bulletin de vote, les gens seraient-ils en mesure de se dire « C’est ce que je pense, c’est mon opinion politique », et ensuite s’attendre à ce que ce vote se traduise en une politique concrète dans l’avenir? Ou pensez-vous que le système actuel où les partis se présentent munis d’un mandat clair, et que soit le parti gagne et forme le gouvernement ou il perd et ne forme pas le gouvernement. Il n’existe pas de tradition de coalition ici au Canada, pas encore. La RP pourrait en créer une.
    Nous avons reçu plusieurs témoignages sur la possibilité qu’un milieu de collaboration soit créé. La collaboration pourrait être une bonne chose, mais nous avons également eu des gens qui sont venus témoigner du fait que la collaboration pourrait finir par obliger un grand nombre de partis à faire des compromis sur leur idéologie la plus précieuse. Nous avons eu un témoignage au Nunavut récemment, où ils ont une forme consensuelle de gouvernement, qui faisait valoir que très peu de choses sont accomplies. Ils n’arrivent pas à faire passer leurs décisions et il y a beaucoup de frustration au niveau territorial.
    Pouvez-vous expliquer un peu ce que vous obtenez comme résultats?
     Il y a beaucoup à dire.
    Je crois que ce que vous voulez dire c’est qu’il y a en jeu des principes contradictoires. Il faut établir une liste des priorités de ce que vous souhaitez obtenir d’un système électoral. Il n’y a pas de meilleur système, il n’y a pas de système parfait et aucun système ne peut accomplir tous les différents objectifs légitimes de la démocratie que vous avez mentionnés.
    En ce qui a trait aux conséquences indésirables, il y a deux sujets auxquels le Comité n’a peut-être pas vraiment réfléchi, mais qui à mon avis mériteraient d‘être abordés. D’abord, il y a toute la question du fédéralisme exécutif au Canada et tout ce que cela signifie. Supposons que nous adoptions un système de représentation proportionnelle quelconque à l’échelle fédérale qui donnerait lieu à la création de gouvernements de coalition, et que les autres premiers ministres continuaient d’être élus dans le cadre d’un scrutin majoritaire uninominal à un tour et formeraient pour la plupart un gouvernement majoritaire. Quand les membres de ces gouvernements se rencontrent, est-ce que la première ministre ou la première ministre de la Santé par exemple, a-t-elle le pouvoir de négocier au nom de son gouvernement, ou doit-elle retourner consulter son gouvernement et s’assurer qu’elle a le soutien des partenaires de la coalition et des autres partis? Je pense à ce qui est arrivé avec l’Accord du lac Meech, qui était la première fois que le pouvoir législatif participait au processus constitutionnel. Une fois que les premiers ministres en sont venus à un accord, celui-ci devait être approuvé par les pouvoirs législatifs et c’est à ce stade que tout s’est effondré. En ce qui concerne les négociations fédérales-provinciales, c’est un facteur qui mériterait réflexion.
    Deuxièmement, si je ne connaissais rien à propos du Canada et que vous me parliez de ce grand pays, des données démographiques et ainsi de suite, et que j’ai parcouru l’ensemble du pays, je me dirais « Ce n’est pas logique. Ça ne va pas durer. Bonne chance à vous tous. Les forces centrifuges sont trop importantes. » Et cependant, nous allons célébrer le 150e anniversaire d’un pays qui fonctionne et qui fait l’envie de plein de gens à l’échelle internationale. Je crois que c’est en partie attribuable au fait que nous avons traditionnellement de grands partis non idéologiques et conciliants. Si un parti veut accéder au pouvoir, il sait qu’il doit tenter de joindre le plus grand nombre de Canadiens et de trouver le centre élargi. Ce fut l’argument qui a incité les progressistes-conservateurs et l’Alliance à fusionner en un seul parti.
    Si le système avait été différent, cet argument favorable n’aurait pas existé. Ils auraient poursuivi leur chemin en tant que partis séparés. Peut-être que cela aurait été une bonne chose ou peut-être pas. Certes, c’est un jugement normatif mais qui a une incidence profonde sur le fonctionnement de notre démocratie. Je crois donc qu’il est important d’envisager ce qui arriverait avec d’autres systèmes dans le contexte du Canada, un système fédéral hautement diversifié.
(1020)
    Un autre témoin qui s’est présenté devant ce Comité a fait une analogie vraiment intéressante dont les membres du Comité ont discuté quelque peu. C’était à propos d’un travail qu’il avait fait à l’école. Il a donc essayé d’enseigner aux élèves le principe de la RP et a eu recours pour ce faire à une méthode utilisée pour commander de la pizza. Le bulletin présentait différentes options de pizzas. Le résultat, dans le cadre d’un système de RP, est que toutes les personnes présentes ont eu la pizza qu’elles voulaient. Il y avait celle au pepperoni et fromage, il y avait la végétarienne et d’autres garnitures variées.
    Comme d’autres témoins comme vous se sont présentés, il me semble qu’en bout de compte, ce n’est pas tout le monde qui réussit à obtenir ce qu’il veut, car en fait il n’y aurait pas une seule pizza avec pepperoni et une seule pizza végétarienne. Il y aurait de la pizza avec des anchois, et, à la fin, on aurait une pizza gouvernementale comportant une combinaison de toutes sortes d’ingrédients. Est-ce possible que tous obtiennent ultimement ce qu’ils veulent ou est-ce que tous se retrouvent avec une approximation de leur choix de pizza à laquelle ils deviennent allergiques à la fin de la journée? Je ne sais pas, mais c’était une analogie intéressante.
    Est-ce que j’ai...
    Non, vous n’avez vraiment plus de temps.
    Malheureusement, il ne reste plus de temps pour répondre à la question de la pizza.
    Nous allons poursuivre avec M. Boulerice.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je dois avouer à tout le monde que cela me donne faim.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous ce matin. Je remercie également tous ceux et celles qui sont dans la salle. C'est assez inhabituel, et je suis très heureux que vous soyez là pour entendre nos discussions. Bienvenue.
    Monsieur Cross, on vit depuis presque 150 ans avec un mode de scrutin majoritaire. On n'a jamais connu autre chose. Or la plupart des autres démocraties occidentales ont un mode de scrutin de type proportionnel, soit mixte, soit à vote unique transférable.
    Selon vous, quel changement culturel un mode de scrutin de type proportionnel opérerait-il au sein de la fédération canadienne, notamment lors des débats et des prises de décision du gouvernement?

[Traduction]

     Lorsque j’examine notre système, au-delà de la représentation des femmes que j’estime un enjeu de taille, et peut-être de la représentation d’autres groupes minoritaires qui sont actuellement désavantagés et sous-représentés au Parlement, l’un des aspects les plus troublants au fil du temps est l’absence de représentant de certaines régions du pays dans les caucus parlementaires, en particulier du côté du gouvernement. Le gouvernement conservateur de M. Clark n’avait personne du Québec, personne pour faire entendre la voix du Québec au Cabinet à moins de faire l’exercice difficile de nommer quelqu’un au Sénat. C’est ce qu’il y a de plus troublant dans le cadre de notre système.
    Si je pense à d’autres options, ce que l’on appelle parfois un système parallèle ou un système non compensatoire permettrait une autre centaine de députés élus des régions, à partir d’une liste de parti. Par exemple, si les libéraux obtenaient 10 % des votes en Alberta, ils auraient quelques députés. Cela ne changerait rien de manière radicale parce que cela ne serait pas compensatoire. Autrement dit, si vous le faisiez, tous les partis obtiendraient une part des sièges et vous pourriez toujours avoir un gouvernement majoritaire. Cela ne toucherait pas ceux qui gouvernent et un gouvernement à majorité unipartite serait encore possible.
    C’est une réelle lacune de notre système à mon avis, mais évidemment d’autres aspects du système doivent être pris en compte.
     Plus tôt, l’un des désavantages de notre système qui a été mentionné est qu’il favorise les partis régionaux. Je ne suis pas convaincu que c’est un désavantage, que c’est mauvais. Lorsque les gens de l’Ouest avaient l’impression d’être marginalisés dans les années 1980 et 1990, notre système a permis au Parti réformiste d’avoir un certain succès et de se faire entendre au Parlement. À mon avis, ce n’est pas nécessairement mauvais que 40 % des Québécois qui se sentent frustrés par notre fragile système veuillent voter pour le Bloc québécois. Notre système leur donne une voix et la capacité de se faire entendre.
    Le système majoritaire uninominal à un tour n’est pas le seul système qui le permettrait. Il y en a d’autres aussi. Les gens vont souvent dire que c’est un élément négatif de notre système, mais je ne suis pas persuadé que ce soit le cas.
(1025)

[Français]

     C'est excellent. C'est un très bon point, en effet.
    Hier, le professeur Byron Weber Becker nous a montré des modélisations et des extrapolations à partir des chiffres des dernières élections. C'était très intéressant. Il disait qu'en ce moment, au Canada, un parti politique qui obtient 40 % du vote peut obtenir entre 0 et 338 députés. Autrement dit, en ayant obtenu 40 % du vote, un parti peut tout aussi bien n'avoir fait élire aucun député, dans le cas où son opposant a obtenu 50 % ou 60 % du vote, que gagner dans toutes les circonscriptions.
    Ne trouvez-vous pas qu'il y a là la possibilité d'une distorsion manifeste qui fait en sorte que la volonté de l'électorat peut être complètement bafouée, étant donné que le mode de scrutin ne traduit pas le pourcentage de votes en sièges?

[Traduction]

    Oui et ce n’est pas complètement hypothétique. Au Nouveau-Brunswick, Frank McKenna a gagné avec 60 % des votes et M. Hatfield a obtenu 40 %, mais aucun siège à l’assemblée législative.
    Par ailleurs, avec la régionalisation de notre système à l’échelle fédérale, un parti ne gagnera pas avec 40 % des votes et il obtiendra des sièges.
     C’est très dangereux de prendre des résultats d’élections antérieures pour extrapoler et les appliquer à un autre système car les intéressés seraient différents, et tout le monde réagit à des incitatifs: les électeurs, les partis, les groupes d’intérêts. Je pense que c’est un jeu dangereux à jouer, mais lorsque les résultats obtenus sont incroyablement déséquilibrés et ne correspondent pas au vote populaire, il y a manifestement une lacune dans notre système. Cela a été très important dans le cas du Nouveau-Brunswick dont a fait état Mme May, et aussi à l’Île-du-Prince-Édouard dans les années 1990 lorsqu’une série d’élections a mené au retour d’un ou deux membres de l’opposition.

[Français]

    Madame Webb, dans une réponse précédente, vous avez dit que, dans notre système actuel,

[Traduction]

de nombreux votes ne comptent pas.

[Français]

    Que vouliez-vous dire exactement à propos de cela? J'ai une petite idée, mais je voudrais vous entendre nous en parler un peu plus.

[Traduction]

    Supposons que je me rende voter et que je vote pour le candidat de mon parti, qui n’est pas celui pour lequel 40 % des électeurs de ma circonscription ont voté. Le reste des votes, soit 60 %, est divisé entre les autres partis. Alors mon vote n’est pas représentatif, il ne compte pas. Mon vote compte seulement si, comme bien des gens l’ont fait durant la dernière élection, je vote stratégiquement pour un parti que je crois va gagner parce que j’adhère à son programme et parce que je crois que les gens de ma circonscription vont voter en sa faveur.

[Français]

     Votre temps de parole est pratiquement terminé, monsieur Boulerice.
    Nous allons poursuivre avec M. Deltell.
(1030)
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus à la Chambre des communes.
    Je profite de l'occasion, moi aussi, pour saluer cette brochette estudiantine présente aujourd'hui. Soyez les bienvenus. Vous observez la démocratie en mouvement, et c'est ce qu'il y a de plus intéressant.
    J'offre également mes salutations aux gens qui sont avec nous et qui, dois-je comprendre, ne sont plus à l'école.
    Monsieur le président, je veux prendre un moment pour souhaiter, avec une journée de retard, un bon anniversaire à tout le monde. Il y a un an, certains d'entre nous ont été réélus, tandis que d'autres ont été élus pour une première fois, comme c'est mon cas au palier fédéral.
    C'est tout le principe de la démocratie que notre comité a illustré ces derniers mois. Nous avons tenu plus d'une quarantaine de rencontres. Nous avons voyagé d'un océan à l'autre. Nous avons rencontré des milliers de Canadiens. Chaque député, à sa façon, a également mené des consultations. En effet, plusieurs ont tenu des rencontres citoyennes.
    Du côté des conservateurs, plusieurs de nos députés ont envoyé un document d'information à la population, accompagné d'un coupon-réponse, à la suite de quoi 81 000 personnes ont donné leur opinion. Leur choix était clair: 91 % des gens qui nous ont écrit réclamaient un référendum.
    Cela dit, chaque parti a adopté sa propre démarche, qu'il s'agisse du NPD, du Parti vert, du Bloc québécois ou du Parti libéral.
    Bref, depuis plusieurs mois, les parlementaires s'interrogent beaucoup quant à l'avenir du mode électoral. Comme vous le savez, de notre côté, nous souhaitons la tenue d'un référendum, si d'aventure il y a un changement électoral. Nous sommes ouverts à la discussion et nous sommes d'avis que, au bout du compte, c'est à la population de juger.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Bozinoff et monsieur Schatten, de Forum Research Inc.

[Traduction]

    Vous travaillez fort pour connaître l’opinion des gens sur ces enjeux et cela fait de nombreuses années aussi que vous vous y employez.
    Notre parti et les autres partis en ont beaucoup parlé. Nous avons tenu énormément de réunions d’un océan à l’autre et des milliers de personnes ont participé à nos assemblées publiques. Avez-vous constaté un changement d’opinion chez les gens au cours des derniers mois ou des dernières années concernant le système électoral?
    Il nous faudrait comparer. C’est une question intéressante. Il faudrait que nous fassions une analyse au fil du temps de certains de nos sondages. Nous n’avons pas réalisé ce type d’analyse pour notre témoignage devant ce Comité; toutefois, comme vous l’avez souligné, au cours des derniers mois, le nombre de personnes qui connaissent l’existence de votre Comité a augmenté. Cela a eu des répercussions positives: les Canadiens sont au courant qu’il y a un dialogue en cours, mais comme nos données semblent l’indiquer, il reste encore beaucoup à faire pour ce qui est de faire connaître les enjeux et s’assurer que les Canadiens connaissent les tenants et aboutissants de la réforme électorale.
    Avez-vous constaté un changement quant à l’état d’esprit de la population?
    Nous pourrions vérifier puis vous donner une réponse. Comme je l’ai dit, nous avons mené plusieurs sondages et nous continuerons de sonder les gens sur cette question. Nous avons un sondage fédéral chaque mois, et nous pourrions ajouter une analyse chronologique au prochain sondage. Nous dresserons des tableaux des tendances sur les questions qui se chevauchent dans tous nos sondages.
    Au cours des dernières années, avez-vous constaté un changement chez les gens qui disent vouloir un nouveau système électoral ou est-ce que c’est pareil? Est-ce qu’il y a beaucoup de gens qui veulent des changements ou beaucoup de gens qui n’en veulent pas? Avez-vous constaté une évolution à cet égard au cours des dernières années?
    De manière anecdotique, nous avons assisté à l’élection d’un maire populiste à Toronto il y a cinq ou six ans, alors oui, je crois qu’il existe de l’intérêt envers les mouvements de type « 99 % contre 1 % », le populisme, la reddition de comptes, monsieur et madame Tout le monde qui a son mot à dire, ce genre de notions.
    On assiste à ce même phénomène aux États-Unis, le même type de populisme. La population est favorable à la reddition de comptes et souhaite que tout le monde ait la possibilité d’influencer la société.
    D’accord.
    Comme vous le savez, hier, notre premier ministre, celui qui contrôle ce Comité, a fait une déclaration. Je la citerai en français parce qu’il l’a faite à un journal francophone et je ne veux pas interpréter ce qu’il a dit. Je suis sûr qu’il y a ici des gens ici qui sont très compétents et je sais qu’ils feront du bon travail comme toujours. Voici ce que le premier ministre a dit au journal Le Devoir, qui est l’un des journaux les plus prestigieux au Canada:

[Français]

Sous M. [Stephen] Harper, il y avait tellement de gens mécontents du gouvernement et de son approche que les gens disaient “ça prend une réforme électorale pour ne plus avoir de gouvernement qu’on n’aime pas”. Or, sous le système actuel, ils ont maintenant un gouvernement avec lequel ils sont plus satisfaits. Et la motivation de vouloir changer le système électoral est moins percutante [...]
(1035)

[Traduction]

    Est-ce vrai?
    Nous n’avons pas de données particulières. Je ne me souviens pas de questions précises sur le souhait d’une réforme électorale dans nos sondages précédant les élections fédérales. Nous pourrions vérifier. Nous avons assurément mené beaucoup de sondages avant la dernière élection fédérale.
    Lorne, vous souvenez-vous si c’est une question que nous avons posée dans des sondages précédant les élections?
    Non.
    Je crois qu’il serait juste de dire qu’en comparaison avec l’année dernière, je ne sais pas comment l’expliquer, mais la popularité du premier ministre actuel est beaucoup plus élevée que celle que celle du premier ministre antérieur. Il semble que les gens éprouvent une plus grande satisfaction à l’égard de leur gouvernement et que cela se traduise par des opinions plus favorables à l’égard du premier ministre actuel qu’à celui de l’ex-premier ministre. Il n’y a pas de comparaison. Le premier ministre actuel jouit d’une popularité beaucoup plus élevée que celui qui l’a précédé à la tête du gouvernement.
    C’est intéressant d’étudier cela. Vous êtes des spécialistes de ces questions. Vous pouvez déterminer, année après année, si l’opinion des gens évolue en faveur d’un nouveau système électoral.
    Ce que l’on a vu hier n’est pas bon pour la démocratie parce que c’est lui qui prend les décisions. Au bout du compte, c’est lui qui décide parce qu’il contrôle l’exécutif, la Chambre des communes, le législatif. Je peux vous dire que s’il décide finalement de tenir un référendum sur le système actuel et les autres options, je dirai « Ça va! », mais je ne sais pas s’il le fera. C’est très décevant pour ceux qui pensaient que nous étions engagés dans un processus de réflexion fondé sur les principes et non pas sur un programme politique. C’est exactement ce qu’il a fait.
    Merci.
     Monsieur DeCourcey, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à toutes les personnes qui sont venues nous éclairer par leur témoignage aujourd’hui.
    Je veux aussi remercier M. Paul Thomas pour avoir amené sa classe ici. Paul et moi avons eu le plaisir de travailler ensemble il y a 10 ans avec Andy Scott, ancien député fédéral de Fredericton. Je sais que l’expérience que Paul et moi avons vécue a joué un rôle fondamental dans nos carrières respectives aujourd’hui.
    J’aimerais dire à vos étudiants d’écouter ce que le professeur a à dire parce qu’il a une connaissance approfondie de notre système et de notre culture politiques.
    Parlant de culture politique, monsieur Cross, votre témoignage m’a rappelé le merveilleux témoignage que nous a présenté Maryantonett Flumian, une personne qui a eu une carrière longue et remarquable dans la fonction publique. Mme Flumian a comparé le système électoral à un élément d’un écosystème plus large qui comprend une constitution qui a façonné le pays; une charte qui défend nos droits et libertés; la Cour suprême; le Sénat; le public; les provinces, les gouvernements provinciaux et les responsabilités qu’on leur a confiées; la fonction publique; nos relations internationales et les médias. Ce sont tous des éléments de l’écosystème qui contribuent à créer la culture politique qui nous mène à cette conversation aujourd’hui. Nous devons prendre en compte ces éléments pour choisir la voie que nous entendons suivre.
    Lorsque nous sondons les Canadiens pour leur demander si nous devrions changer de mode de scrutin, croyez-vous qu’ils ont pris en compte toute l’ampleur des enjeux, les parties prenantes et les éléments qui seront influencés inévitablement par un changement ou qu’un changement influencera?
    À ce stade-ci, la réponse évidente est non. La plupart des Canadiens n’ont pas mûrement réfléchi à la question. Je ne suis pas sûr que ma réponse serait la même si un processus de consultations, d’information et d’éducation était mené pendant une année auprès des Canadiens.
    L’exemple de la Nouvelle-Zélande, où deux référendums ont été tenus à une année d’intervalle, est très important. Le premier référendum n’a pas réglé la question, mais il a sensibilisé les gens qui se sont dit alors « Je dois prêter attention à ce système ». Cela s’est révélé un bon processus d’éducation. Je crois qu’au deuxième référendum, les Néo-Zélandais savaient ce sur quoi ils votaient. La preuve en est que deux décennies plus tard, à un autre référendum, une majorité solide a confirmé la décision prise antérieurement après avoir expérimenté le système pendant 20 ans.
(1040)
    Cela me montre l’importance d’un processus de validation et d’éducation pour amener les gens à évoluer et être à l’aise avec les changements mis en œuvre. C’est un bon témoignage à entendre au Comité.
    Pourriez-vous aborder la notion d’un changement graduel possible et de la façon dont une certaine forme de consensus pourrait être établie afin d’offrir au Parlement et au gouvernement un changement que les Canadiens estimeraient acceptable, qu’ils pourraient comprendre ou éventuellement comprendre.
    Je reviens à l’expérience de la Nouvelle-Zélande où deux référendums ont eu lieu. Au premier référendum, les Néo-Zélandais ne faisaient pas un choix définitif. Je compare cette expérience à celle de l’Ontario ou de l’Île-du-Prince-Édouard ou même de la Colombie-Britannique.
    Les électeurs qui se sont présentés à une élection provinciale en Ontario en pensant qu’ils allaient seulement choisir leur député ont été surpris de se faire poser une deuxième question sur un sujet qui n’avait pas été tellement débattu. Les électeurs n’avaient pas reçu beaucoup d’information et il n’est pas étonnant qu’ils aient répondu non au changement.
    Je crois qu’un processus qui pourrait être plus long... et je comprends que cela n’est peut-être pas possible dans les circonstances actuelles. Vous devez peut-être composer avec des contraintes de temps. Je comprends que cela peut être plus difficile si vous vous attendez à avoir mis en oeuvre des changements pour la prochaine élection. Cela me ramène à ce que j’ai dit dans mon témoignage, c’est-à-dire que cela ne laisse pas le temps aux partis de s’ajuster ou de modifier leurs infrastructures.
    Oui, j’avais oublié que c’est un autre élément de l’écosystème. Compte tenu de tous les freins et contrepoids mis en place et de toutes les parties prenantes de la sphère politique, est-il juste de dire que l’argument simpliste voulant qu’un gouvernement majoritaire a tous les pouvoirs est catégoriquement faux?
    Oui, je crois que c’est faux. Je suis certain que tous les premiers ministres aimeraient bien avoir un pouvoir absolu, mais je peux vous donner toutes sortes d’exemples qui montrent que cela n’est pas le cas. Vous le constatez dans la façon de fonctionner de vos caucus et de vos comités. Ce concept de votes perdus me met un peu mal à l’aise. Ces votes ne comptent peut-être pas autant qu’ils auraient dû et notre système manque peut-être d’équité, mais j’ai voté souvent pour des gens qui ne sont pas devenus des députés et je n’ai jamais eu l’impression de gaspiller mon vote parce que j’ai exprimé mon opinion et c’est ce qui importe.
     Le gouvernement agit différemment s’il a 52 % du vote populaire que s’il en a 39 %.
    Les réformes et la modernisation démocratiques sont encore un enjeu important auquel nous devrions nous attarder.
    Absolument.
    Merci beaucoup, monsieur DeCourcey.
    J’ai seulement une question pour MM. Bozinoff et Schatten. Nous avons entendu beaucoup de résultats de sondages d’opinion publique, mais rien sur la question de savoir si les Canadiens sont favorables aux gouvernements minoritaires ou s’ils sont prêts à accepter des gouvernements de coalition. Je crois que c’est important. C’est une question que l’on se doit d’envisager dans le cadre de nos délibérations parce qu’un changement de système pourrait donner lieu à cela. Il est possible que les Canadiens soient très ouverts à ces deux possibilités, mais je n’ai vu aucun sondage et je ne me souviens d’aucun sondage qui nous donne une idée de ce que pensent les Canadiens à ce sujet. Que répondez-vous à cela?
    Je ne crois pas que nous ayons posé des questions à ce sujet mais nous pourrions facilement le faire.
     Il a déjà été question de formation d’un gouvernement de coalition dans le cadre actuel et cette idée n’a pas été accueillie favorablement. En fait, elle a été plutôt impopulaire. À l’échelle fédérale, plus récemment, la tentative de mise sur pied d’un gouvernement de coalition par M. Dion a donné lieu à beaucoup de résistance du public, alors ce n’est pas perçu favorablement compte tenu le système actuel. Il serait difficile d’essayer d’évaluer comment cela fonctionnerait dans un autre type de système.
    Je dis simplement que cela serait utile de le savoir pour notre Comité, puisque c’est une question cruciale.
    Je remercie tous les témoins. Nous en sommes à la 43réunion et nous pensions avoir tout entendu, mais ce n’est pas le cas. Nous entendons des témoignages originaux chaque jour, et aujourd’hui n’a pas fait exception.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je rappelle aux membres du Comité que notre prochaine réunion a lieu ce soir.
    La séance est levée.
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