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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 21 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour à tous chers collègues.
    Nous allons tout de suite commencer la séance d'aujourd'hui en accueillant les représentants du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
    J'aimerais toutefois que l'on se garde environ cinq minutes à la fin de la séance pour se réunir à huis clos afin de discuter brièvement de certaines questions. Ce ne sera pas long.
    Conformément à l'ordre de renvoi adopté le jeudi 14 avril 2016, à l'article 20 de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus et à l'examen législatif de la loi, nous accueillons aujourd'hui les représentants du ministère des Affaires étrangères. Mark Glauser est le sous-ministre adjoint par intérim pour l'Europe, le Moyen-Orient et le Maghreb.
    Mark, je vous demanderais tout d'abord de présenter vos collègues qui sont avec nous aujourd'hui, après quoi vous pourrez commencer votre exposé. Chers collègues, prenez note que l'exposé sera plus long qu'à l'habitude, et c'est très bien, puisque ce sera un peu plus détaillé. Nous enchaînerons tout de suite après avec une série de questions.
    Monsieur Glauser, la parole est à vous.
    Étant donné les changements dans les titres de poste, il serait peut-être plus rapide que mes collègues se présentent eux-mêmes à tour de rôle, en commençant par ma droite.
    Bien sûr.
    Je suis Sarah Taylor, directrice générale pour l'Asie du nord et l'Océanie, et cela englobe la RPDC.
    Je suis Alison LeClaire, haute représentante pour l'Arctique et directrice générale, Affaires circumpolaires et Relations avec l'Europe de l'Est et l'Eurasie, y compris la Russie.

[Français]

[Traduction]

    D'accord, merci.
    Monsieur Glauser, la parole est à vous.
    Merci beaucoup.
    Bonjour, et merci au Comité de nous avoir invités, mes collègues et moi, à venir vous donner de plus amples renseignements et répondre à vos questions sur la Loi sur les mesures économiques et spéciales, la LMES, relativement à trois pays en particulier: l'Iran, la République populaire démocratique de Corée et la Russie.
    Mes collègues et moi-même représentons divers domaines d'expertise au sein d'Affaires mondiales Canada en lien avec les sanctions canadiennes et les trois pays dont nous discuterons aujourd'hui. On m'a demandé, en tant que sous-ministre adjoint par intérim pour le Moyen-Orient et l'Europe, de prononcer l'allocution d'ouverture au nom d'Affaires mondiales Canada.

[Français]

    Avant de parler brièvement de chacun des pays, je tiens à profiter de cette occasion pour prendre acte de la lettre rédigée le 15 novembre 2016 par le président du Comité, l'honorable Robert Nault. Il demande dans cette lettre des renseignements plus précis sur un certain nombre de points.

[Traduction]

    Nous vous remercions de nous avoir présenté cette demande. Nous nous efforcerons de fournir au Comité une réponse écrite aux points 1, 2 et 8 de la lettre, tandis que les autres demandes seront abordées dans mon discours d'ouverture.
    Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à ces questions ainsi qu'à toute autre que vous pourriez avoir après ma déclaration.
    Je vais commencer par la Russie.

[Français]

    En ce qui concerne les sanctions que le Canada a imposées à la Russie, je profite de cette occasion pour répondre, à l'aide d'exemples, à certaines des questions qui ont été posées par le président du Comité.

[Traduction]

    À la suite des manifestations de Maïdan de novembre 2013 et de la fuite subséquente du président Yanukovych en février 2014, la province ukrainienne de Crimée a été envahie. En quelques jours, la Russie aurait massé plus de 6 000 soldats en Crimée, et l'Ukraine a sollicité l'aide de la communauté internationale.
    Outre son régime de sanctions contre la Russie, le Canada a fourni de l'aide au gouvernement de l'Ukraine en vertu de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus.
    À la suite d'une demande écrite du gouvernement de l'Ukraine, le gouverneur en conseil a déterminé que l'Ukraine faisait face à une transition politique complexe en raison d'une économie faible héritée de l'ancien gouvernement et de l'intervention unilatérale russe en Ukraine. Le gouverneur en conseil a également déterminé qu'il était dans l'intérêt des relations internationales du Canada d'adopter un règlement conforme à la LBBDEC en vue de bloquer les biens de certaines personnes associées à l'ancien gouvernement de Viktor Yanukovych et soupçonnées de corruption.
    Ainsi, le règlement de la LBBDEC a été adopté le 5 mars 2014 et a permis de bloquer les biens de 18 personnes. En date du 14 mars, la Russie avait accru sa présence militaire, qu'on estimait alors à 20 000 soldats, et avait pris le contrôle des principales institutions et installations, y compris l'Assemblée législative. Le gouverneur en conseil avait déterminé que cette situation constituait une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui avait entraîné ou était susceptible d'entraîner une grave crise internationale. Par conséquent, le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie et le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l'Ukraine ont été approuvés le 17 mars 2014.

  (1535)  

[Français]

     Au cours des semaines et des mois qui ont suivi, Affaires mondiales Canada a modifié son règlement sur la Russie à 13 reprises et son règlement sur l'Ukraine à 11 reprises afin de s'adapter à la situation sur le terrain. Dans tous les cas du régime de sanctions, les modifications ont été apportées au règlement afin d'adapter les mesures, de mieux cibler les sanctions ou d'atténuer les conséquences inattendues. Il s'agit d'un processus continu se poursuivant tout au long de l'existence du règlement.

[Traduction]

    Vous savez également qu'en vertu de la LMES, il est permis d'imposer des mesures non seulement à l'encontre de l'État étranger, mais également à l'encontre de toute personne dans cet État étranger ou de ses ressortissants nationaux qui ne résident habituellement pas au Canada. La plupart des règlements relatifs à la LMES, à l'exception du règlement sur la RPDC, comprennent ce que l'on appelle généralement des dispositions sur le « blocage de biens », qui s'appliquent aux personnes et aux entités visées, inscrites dans le règlement. Tous les règlements imposant de telles mesures présentent une description des types de personnes qui peuvent être inscrites. Dans le cas du règlement sur la Russie, les hauts fonctionnaires, les entités contrôlées par le gouvernement de l'État sanctionné ou les personnes ou les entités contribuant à la violation de la souveraineté ou de l'intégrité territoriale de l'Ukraine sont toutes susceptibles d'être inscrites dans le règlement.
    Pour prouver qu'une personne ou une entité visée correspond à ces descriptions, des fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada, tant ici, à Ottawa, que dans nos ambassades à l'étranger, surveillent les activités sur le terrain, examinent les rapports universitaires et les reportages des médias, consultent d'autres ministères du gouvernement du Canada et les partenaires internationaux et puisent dans les renseignements classifiés.

[Français]

    Dans le cadre du processus d'inscription, il est essentiel de garantir que nous avons fait preuve de diligence raisonnable pour établir les raisons de l'inscription. En outre, chaque règlement relatif à la LMES qui impose des mesures à l'égard d'une personne inscrite comprend une disposition lui permettant de demander son retrait de la liste. Dans le cas d'une telle demande, la personne désignée peut faire valoir qu'elle ne correspond pas aux catégories de personnes décrites dans le règlement. La personne désignée peut également faire valoir que sa désignation ne sert pas les objectifs du règlement.

[Traduction]

    Jusqu'ici, le Canada a inscrit sur la liste un total de 289 personnes et entités russes et ukrainiennes.
    Les mesures réglementaires canadiennes régissant les sanctions à l'égard de la Russie regroupent actuellement quatre annexes qui dressent la liste des personnes et des entités visées, des entités visées conformément aux mesures propres à un secteur et des produits assujettis aux mesures restrictives. Ces mesures ont été élaborées au moment où le Canada, ainsi que ses partenaires, est passé du ciblage initial de personnes impliquées dans l'annexion de la Crimée aux mesures économiques visant des secteurs particuliers de l'économie russe, en particulier les secteurs des finances, de l'énergie et de la défense.
    Les sanctions du Canada, ainsi que celles de nos partenaires, ont une importante incidence sur l'économie de la Russie. La combinaison du faible prix des produits de base et les sanctions imposées par les pays occidentaux ont grandement ébranlé la confiance des investisseurs. Cette situation a entraîné une importante fuite de capitaux de la Russie. Le président Poutine a annoncé publiquement que les sanctions « causent des préjudices graves à la Russie », en particulier en ce qui concerne les possibilités sur les marchés financiers internationaux. La Banque centrale russe a prévu pour 2016 une sortie nette de capitaux de 53 milliards de dollars américains.
    Dans le cadre du Sommet du G7, qui s'est tenu au Japon en mai 2016, les dirigeants ont réitéré leur condamnation à l'égard de la Russie et réaffirmé leur politique de non-reconnaissance de l'annexion de la Crimée, y compris les sanctions contre les personnes concernées. La durée de ces sanctions est manifestement liée à la mise en oeuvre complète des accords de Minsk et au respect de la souveraineté de l'Ukraine par la Russie. Le Canada est disposé à prendre des mesures encore plus restrictives en coordination avec ses partenaires internationaux, s'il le juge nécessaire.

  (1540)  

[Français]

    Passons maintenant à la Corée du Nord.
     La Corée du Nord est le seul pays à avoir mené des essais nucléaires au XXIe siècle. En effet, cinq essais ont été menés, soit en 2006, 2009 et 2013, ainsi qu'à deux reprises cette année, à seulement huit mois d'intervalle. C'était le 6 janvier et le 9 septembre derniers. En outre, la fréquence de lancement des missiles balistiques en Corée du Nord a fortement augmenté cette année.
     Jusqu'ici en 2016, la Corée du Nord a effectué plus de 20 lancements de missiles balistiques à portée courte, moyenne et intermédiaire, ainsi que par l'entremise de sous-marins. La mise au point continue des armes nucléaires et de leurs vecteurs par la Corée du Nord, qui constitue une violation des obligations internationales de ce pays, ainsi que le rythme croissant de ses essais nucléaires et de ses missiles balistiques sont très préoccupants.

[Traduction]

    Le 14 octobre 2006, en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté la résolution 1718 afin d'imposer des sanctions contre la RPDC en réponse à un essai nucléaire mené par celle-ci le 9 octobre.
    Depuis, le Conseil de sécurité a adopté plusieurs résolutions afin de modifier et de renforcer les sanctions initiales, y compris les résolutions 1874 en 2009, 2094 en 2013 et 2270 en 2016, à la suite des autres essais menés par la RPDC.
    Le Canada a adopté des sanctions liées à la RPDC en vertu de la Loi sur les Nations Unies et de la Loi sur les mesures économiques spéciales pour amener la RPDC à renoncer à tous ses programmes existants d'armes de destruction massive à la suite des essais nucléaires et des lancements de missiles balistiques et à d'autres mesures agressives de la RPDC. Le Canada a mis en oeuvre la résolution 1718 du Conseil de sécurité des Nations unies en adoptant de nouveaux règlements en vertu de la Loi sur les Nations Unies, et a appliqué les autres résolutions du Conseil de sécurité sur la RPDC en modifiant ces règlements en conséquence.
    En adoptant les sanctions de l'ONU, le Canada a imposé un blocage des biens et une interdiction des transactions à l'encontre des personnes désignées, ce qui comprend les personnes physiques et les entités. Le Règlement mettant en oeuvre les résolutions des Nations unies sur la RPDC prévoit également des interdictions de grande portée sur les exportations et les importations dans de nombreux secteurs. On vise l'entrée de capitaux dans la RPDC et on souhaite restreindre l'exportation vers la RPDC de matériel ou d'aide technique qui pourrait contribuer à l'élaboration des programmes d'armement de la RPDC.
    Il s'agit notamment d'interdictions sur les exportations d'articles tels que des armes et du matériel connexe, du carburant aviation ainsi que sur la formation offerte aux ressortissants nationaux de la RPDC dans des domaines sensibles tels que la physique avancée ou l'ingénierie aérospatiale, entre autres. Le Canada a également imposé des restrictions relatives aux déplacements aux personnes désignées par le Conseil de sécurité en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et son règlement d'application.
    Le 11 août 2011, le Canada a imposé des sanctions unilatérales à la Corée du Nord en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui ont été mises en oeuvre au moyen du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la RPDC, lequel vient compléter et étendre les sanctions appliquées en vertu de la Loi sur les Nations Unies et prévoit l'interdiction de toutes les exportations vers la RPDC, toutes les importations au Canada qui proviennent de la RPDC, tous les nouveaux investissements en RPDC, la fourniture de services financiers à la RPDC et aux personnes qui s'y trouvent, la fourniture de données techniques à la RPDC, l'accostage de navires et l'atterrissage au Canada d'avions provenant de la RPDC ou leur transit sur le territoire canadien.
    Ce règlement a été adopté à la suite du naufrage d'un navire sud-coréen, le Cheonan, survenu le 26 mars 2010. Le Cheonan a sombré ce jour-là en raison d'une explosion en mer Jaune, provoquant la mort de 46 membres de l'équipage. Le 20 mai 2010, la Corée du Sud a publié les résultats d'une enquête multinationale, à laquelle trois experts canadiens ont participé, qui a conclu qu'une torpille nord-coréenne a causé le naufrage du Cheonan, et que les preuves amenaient de manière accablante à la conclusion que la torpille avait été tirée par un sous-marin nord-coréen.
    Après la publication des résultats de l'enquête du Cheonan, le gouvernement du Canada a condamné avec force cette agression violente perpétrée par la Corée du Nord. Les sanctions du Canada imposées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales viennent compléter la mise en application des sanctions de l'ONU et renforcent le message du gouvernement à la RPDC que ces actes d'agression, comme le naufrage du Cheonan, sont inacceptables.

  (1545)  

[Français]

     Certaines exceptions sont possibles en vertu du règlement, notamment des dérogations pour des raisons humanitaires telles que l'exportation de marchandises, à savoir de la  nourriture, des médicaments, des fournitures médicales et autres, qui sont expédiées aux organisations dans le but de sauver des vies humaines ou d'offrir du secours à des victimes de catastrophes.
    Dans le cadre de l'administration des procédures d'autorisation, le ministère procède à l'évaluation au cas par cas des répercussions de l'imposition ou de la non-imposition des sanctions, dans le contexte d'une aide humanitaire, pour chaque demande d'exemption du règlement.
     Dans le cadre de ce processus, des autorisations ont été accordées à 12 reprises pour l'exportation vers la Corée du Nord de fournitures humanitaires telles que de la nourriture, des médicaments, du lait maternisé, des multivitamines et d'autres marchandises.

[Traduction]

    Le 2 mars 2016, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2270, le dernier ajout au régime des sanctions des Nations unies contre la Corée du Nord.
    Quelques éléments de cette résolution vont encore plus loin que les sanctions appliquées par le Canada en vertu de la LMES, laquelle comprend déjà l'interdiction totale des importations et des exportations, avec quelques exceptions pour des raisons humanitaires. Nous espérons que les efforts de concertation avec le Conseil de sécurité des Nations unies pour convenir d'une résolution visant à répondre aux plus récents essais nucléaires de la Corée du Nord et à ses efforts continus pour renforcer son programme de missiles balistiques seront concluants.
    Dans le cadre de l'évaluation des effets des sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies, que le Canada a mis en application, le ministère procède à des analyses internes et participe à des consultations avec les pays partenaires afin de déterminer des moyens qui permettraient d'améliorer l'efficacité des sanctions.
    Le Canada, tout comme ses partenaires qui adhèrent aux mêmes valeurs, croit qu'une mise en application efficace et coordonnée de sanctions pertinentes est, et demeurera, un élément crucial des efforts visant à exercer des pressions sur la RPDC pour l'inciter à reprendre le dialogue et à abandonner ses programmes d'armement nucléaire et de missiles balistiques.
    En ce qui concerne l'Iran, en septembre 2005, le Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, a découvert que l'Iran ne se conformait pas au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. L'Iran a refusé de suspendre ses activités posant un risque de prolifération et, en février 2006, l'AIEA a saisi le Conseil de sécurité des Nations unies de la question.
    Ce dernier a conclu que le programme nucléaire de l'Iran constituait une menace pour la paix et la sécurité internationales et, entre 2006 et 2010, il a adopté une série de résolutions successives et imposé quatre séries de sanctions contre l'Iran. Les aspects obligatoires de ces résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ont été mis en oeuvre par le Canada.

[Français]

    En 2010, le Canada a imposé la première de six tranches de sanctions autonomes contre l'Iran en vertu de la LMES, conformément à l'approche globale plus vaste de réponse aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de l'Iran.
    En ce qui concerne l'Iran, des sanctions autonomes ont été imposées en réponse aux violations répétées de ses obligations internationales de non-prolifération nucléaire en vertu des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, plus particulièrement en ce qui concerne le non-respect de la suspension de ses activités d'enrichissement et de retraitement, qui constituent deux moyens de produire des matières fissiles nécessaires aux armes nucléaires, et son refus de coopérer pleinement avec l'AIEA.

  (1550)  

[Traduction]

    Dans l'intervalle, le régime de sanctions des Nations unies appliqué au Canada au moyen de la Loi sur les Nations Unies et complété par les sanctions autonomes appliquées par les États-Unis, l'Union européenne et un certain nombre de pays aux vues similaires, dont le Canada, a joué un rôle clé dans le retour de l'Iran à la table des négociations.
    Le 14 juillet 2015, après de longues négociations, les membres du P5+1 sont parvenus à un accord avec l'Iran en vue de l'adoption du Plan d'action global commun, soit le PAGC. En vertu de cet accord, l'Iran a accepté des contraintes importantes visant à faire reculer son programme nucléaire et à le soumettre à une vérification internationale approfondie et continue en échange de l'allègement des sanctions nucléaires.
    Le Conseil de sécurité des Nations unies a entériné le PAGC par l'adoption de la résolution 2231. Une étape déterminante a été franchie le 16 janvier 2016 — date connue sous le nom de « Jour d'entrée en vigueur » — lorsque l'AIEA a confirmé que l'Iran avait concrétisé un certain nombre de ses engagements « initiaux » et que sa capacité à produire des matières fissiles nécessaires pour les armes nucléaires était largement réduite. L'ONU, les États-Unis et l'Union européenne ont alors levé ou abandonné leurs sanctions nucléaires contre l'Iran.
    L'Union européenne et les États-Unis ont gardé en place un sous-ensemble des sanctions nucléaires devant être levé en 2023, dans la mesure où l'Iran continue de mettre l'entente en oeuvre. Toutefois, les sanctions européennes et américaines imposées à l'Iran en raison de son soutien au terrorisme et de l'atteinte aux droits de l'homme demeurent en vigueur.

[Français]

     Le 5 février 2016, afin de respecter les décisions du Conseil de sécurité des Nations unies relativement à la résolution 2231, le Canada a modifié ses sanctions mandatées en vertu du règlement de L'ONU sur l'Iran. Le même jour, le Canada a également modifié les sanctions contre l'Iran imposées en vertu de la LMES en remplaçant l'interdiction générale de services financiers, d'importations et d'exportations par un ensemble de contrôles et d'interdictions ciblant spécifiquement le commerce avec l'Iran de produits sensibles qui ont des incidences sur la sécurité.

[Traduction]

    En vertu du Règlement sur l'Iran de la LMES, le Canada continue de maintenir une liste à jour des individus et des entités assujetties à un blocage de biens et avec qui toute transaction de biens est interdite, ainsi qu'à l'interdiction d'exportation de produits sensibles énumérés dans le règlement ou la fourniture de données techniques à cet égard. Le Canada continue également de restreindre les exportations vers l'Iran d'un large éventail de produits sensibles conformément à la Liste des marchandises d'exportation contrôlée, y compris une vaste gamme de biens pour lesquels l'exportation proposée nécessite une autorisation et un permis préalablement délivré par le ministère des Affaires étrangères.
    Selon les rapports de vérification trimestrielle du directeur général de l'AIEA, l'Iran continue de tenir ses engagements pris dans le cadre du PAGC. Ceci dit, dans le rapport de vérification et de surveillance en Iran publié en novembre par le Conseil des gouverneurs, le Canada et des pays d'optique commune ont soulevé avec une certaine inquiétude que le stock d'eau lourde de l'Iran dépasse légèrement la limite imposée par le PAGC, qui est de 130 tonnes métriques. Cela fait maintenant deux fois que l'Iran dépasse cette limite.
    Selon ces rapports, l'Iran aurait dépassé cette limite par un dixième d'une tonne, c'est-à-dire moins d'un dixième d'un pour cent de la limite autorisée. Les représentants d'AMC continuent de surveiller étroitement l'évolution de la situation concernant l'entente nucléaire avec l'Iran. Il est important que l'Iran continue de mettre pleinement en oeuvre tous ses engagements dans le cadre du PAGC. Dans l'éventualité où l'Iran cesserait de respecter ses engagements, la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies prévoit une disposition de rétablissement automatique par laquelle le régime de sanctions des Nations unies pourrait être remis en vigueur.
    Le Canada demeure grandement préoccupé par les ambitions nucléaires de l'Iran, compte tenu de ses antécédents en matière d'armement nucléaire et de son programme actuel de missiles balistiques, et c'est pourquoi il maintient des restrictions sévères sur les exportations en Iran de produits, de services et de technologies qui présentent un risque de prolifération d'armes nucléaires, particulièrement ceux qui pourraient contribuer au renforcement de ses programmes nucléaires et de missiles balistiques.

  (1555)  

[Français]

    Au terme de cette entrée en matière, mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur Glauser.
    Chers collègues, il nous reste environ une heure et demie, alors j'estime que nous aurons suffisamment de temps pour approfondir les grands enjeux de la journée.
    Nous voudrions à un moment donné examiner la lettre adressée au ministère. Nous aimerions également avoir une réponse à une question, en fait à la question qu'on nous pose le plus souvent et qui nous sera soumise un peu plus tard, c'est-à-dire le nombre de postes équivalents temps plein à Affaires mondiales Canada qui sont affectés à l'administration et à l'exécution des sanctions économiques du Canada et le niveau de ressources budgétaires connexes.
    Je suppose, monsieur Glauser, que nous pourrons discuter rapidement de cette question et des deux autres afin d'obtenir des réponses. C'est une question qui est souvent posée par les membres du Comité.
    Cela dit, nous allons maintenant passer à la période de questions, et c'est M. Kent qui ouvre le bal. Nous devrions pouvoir tenir trois séries de questions aujourd'hui.
    Monsieur Kent.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous d'être présents aujourd'hui pour nous aider sur certains points de décision dans le cadre de notre étude.
    À ce jour, plusieurs témoins nous ont dit que la surveillance et le respect des sanctions, de même que la détection des infractions et l'exécution des sanctions dépendent de bon nombre de ministères et d'organismes fédéraux, des ressources de ces entités et de leur volonté à accorder la priorité à l'exécution des sanctions ou à la réalisation d'enquêtes.
    J'aimerais vous citer les propos de John Boscariol à la séance du 26 octobre dernier, lui qui est associé et chef du groupe du droit du commerce et de l'investissement internationaux à la firme de droit McCarthy Tétrault.
    Je vais résumer ses propos: il a dit que les États-Unis représentent la norme supérieure en matière de détection, d'exécution et de respect des sanctions, et que le système canadien ne fonctionne pas. Il affirme que sans une liste globale, les banques et les opérations commerciales au Canada ont beaucoup de mal à savoir à qui elles ont affaire, ou si elles font des affaires avec des individus qui risquent d'échapper aux sanctions. M. Boscariol soutient qu'Affaires étrangères refuse de fournir des conseils. Les représentants juridiques des entreprises canadiennes qui souhaitent honnêtement se conformer et éviter tout compromis relativement à notre régime de sanctions n'ont accès à aucun conseil ou savoir-faire.
    Pourriez-vous donner suite au témoignage de M. Boscariol?
    Merci beaucoup. Je vous remercie de la question.
    Pour ce qui est de savoir si le ministère est en mesure de fournir des conseils juridiques à ceux qui lui en font la demande, M. Boscariol a tout à fait raison de dire que nous ne fournissons aucun conseil juridique à la population. Nous avions bel et bien entendu les remarques des intervenants concernant l'obtention de conseils auprès du ministère.
    Je sais que vous avez posé une question précise sur les ressources, pour que nous décrivions de notre mieux la façon dont le ministère répartit ses ressources. À cet égard, le ministère revoit constamment ses priorités et les ressources qu'il consacre à ses activités. Je pense que les travaux de votre comité seront importants à l'avenir dans le cadre de ces enjeux.

  (1600)  

    En ce qui concerne le fait qu'aucune liste globale n'est mise à la disposition des entreprises canadiennes, certaines petites sociétés canadiennes ont très peu de ressources financières pour savoir avec qui elles font des affaires, ou à quel moment la liste des individus et entités dont les biens sont bloqués est révisée ou ajustée, comme vous l'avez dit dans votre exposé d'aujourd'hui. Sans liste globale, comment les entreprises qui veulent se conformer, ou encore les organismes comme Immigration qui doivent s'occuper de l'exécution ou de la détection peuvent-ils selon vous faire leur travail exactement et complètement?
    J'ai remarqué que la question a aussi été soulevée lors des audiences du Comité. À l'heure actuelle, nous n'avons aucune liste globale. Il est possible de consulter les listes de deux manières. La première consiste à visiter le site Web du ministère, où les listes sont affichées dès leur entrée en vigueur. Sur le site Web, nous permettons également à tous ceux qui le souhaitent de recevoir automatiquement une mise à jour de la liste, essentiellement au moyen d'un fil RSS. C'est une autre façon d'obtenir l'information.
    En fait, une liste globale serait un document administratif, et non pas un texte juridiquement contraignant. Dans ce cas, il faut toujours retourner consulter la réglementation du ministère de la Justice pour obtenir le véritable texte légal qui présente les noms des personnes ou des entités, par exemple.
    En ce qui concerne les sanctions visant la Russie, la population et les médias ont remarqué des divergences entre les individus et entités qui apparaissent sur la liste américaine et sur celle du Canada. Par exemple, trois personnalités connues apparaissaient sur les listes américaine et australienne, nommément Sergey Chemezov, Igor Sechin et Vladimir Yakunin. Plus particulièrement, M. Yakunin était sur ces listes en raison de son association étroite avec Vladimir Putin sur les plans personnel et financier. Il semble toutefois que M. Yakunin a depuis été rétrogradé dans l'oligarchie parce que son fils aurait demandé la citoyenneté du Royaume-Uni après y avoir établi sa résidence grâce aux richesses de la Russie.
    De son côté, M. Chemezov était chef de la direction de Rostec, une société industrielle et militaire à laquelle certains fabricants d'aéronefs canadiens se sont peut-être intéressés. M. Sechin était quant à lui chez Rosneft, une société qui possède ou aurait possédé 30 % d'un projet réalisé par Exxon, en Alberta. M. Yakunin a été président des Chemins de fer russes entre 2005 et 2015, et il aurait eu affaire à l'Association des chemins de fer du Canada et à SNC-Lavalin.
    Dans quelle mesure les enjeux commerciaux du Canada permettent-ils de déterminer si un individu doit être sur la liste ou non dans le cas où il occupe une place prépondérante dans la liste de sanctions des États-Unis?
    Je vous remercie infiniment de votre question. Je peux répondre au sujet de la Russie, mais d'autres pourront vous donner une réponse plus générale.
    Si je comprends bien, la question sous-jacente concerne la coordination entre le Canada, l'Union européenne, ou UE, et les États-Unis, de même que la façon dont nous gérons le tout. Comme vous pouvez le constater d'après le nombre de mises à jour sur la Russie et de mises à jour connexes concernant l'Ukraine — il y en a 13 dans un cas et 11 dans l'autre —, nous faisons preuve d'une diligence raisonnable soutenue en tenant compte d'une multitude de points de vue. Il s'agit là du travail de nos missions à l'étranger, de même que du travail effectué par les fonctionnaires du bureau central. D'ailleurs, ces efforts comprennent assurément la consultation de parties prenantes, y compris des entreprises et du secteur privé. Nous sommes régis par les dispositions de la réglementation, puis nous devons tenir compte des différents points de vue en faisant preuve d'une diligence raisonnable.
    Il s'agit en quelque sorte d'une réponse systémique. J'ignore si j'ai bien répondu à votre question. Nous déployons un effort continu pour savoir ce que font les États-Unis et l'UE de façon à constamment coordonner nos activités avec les leurs.
    En ce qui concerne les trois cas particuliers dont vous avez parlé, je ne peux pas vraiment me prononcer sur des dossiers individuels. Si je peux vous fournir quelques éléments de réponse, je serai ravie de vous les faire parvenir plus tard.

  (1605)  

    Je compare peut-être des pommes et des oranges, mais en ce qui concerne les sanctions nucléaires visant l'Iran, on semble généralement dire que ces sanctions ont été assouplies parce que les pays européens s'intéressaient plutôt aux pratiques commerciales et aux relations avec l'Iran. Au bout du compte, les États-Unis ont dû leur emboîter le pas et changer d'avis à ce chapitre.
    Dans le cas de ces trois individus — et je sais que vous ne connaissez peut-être pas bien les détails —, les considérations commerciales canadiennes peuvent-elles avoir préséance sur l'intention des sanctions imposées?
    Je dirais que lorsque nous nous attardons aux répercussions nationales des sanctions — sur nos entreprises canadiennes — en collaboration avec nos partenaires, nous nous assurons que le secteur commercial canadien ne soit pas trop défavorisé. C'est un des objectifs de la coordination. Il faut d'une part que les sanctions soient efficaces et, d'autre part, qu'elles soient ciblées et stratégiques. Il faut veiller à ce qu'elles s'appliquent en même temps pour qu'elles aient une incidence. Quant aux répercussions sur le marché intérieur, nous voulons généralement éviter que notre compétitivité ne soit indûment érodée par rapport à nos partenaires internationaux.
    Merci, monsieur Kent.
    Nous allons maintenant écouter M. Sidhu. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous de votre témoignage d'aujourd'hui.
    M. Kent a brièvement abordé les sanctions visant la Russie, mais ma question sera plus générale. Après l'invasion de la Crimée, le gouvernement canadien a imposé des sanctions à plusieurs dirigeants russes et ukrainiens, mais peu de temps après, le gouvernement russe a riposté en imposant à son tour des sanctions contre une liste de dirigeants canadiens. Ces sanctions sont-elles essentiellement symboliques, ou ont-elles une incidence concrète?
    Parlez-vous des mesures de représailles que les Russes nous ont fait subir?
    Oui, il s'agit bien des représailles.
    C'est une excellente question. Je dois dire que je suis mieux préparée à parler de l'incidence de nos sanctions sur la Russie que de la riposte dont nous avons été la cible.
    Je dois avouer que je suis en poste depuis deux mois, et que je m'occupe de la Russie depuis encore moins longtemps. La réciprocité est certainement un principe fondamental lorsque nous traitons avec ce pays. Chaque fois que nous posons un geste, nous pouvons évidemment nous attendre à une riposte proportionnellement à ce que nous avons fait.
    Pour ce qui est des renseignements précis à propos de l'incidence de ces sanctions sur le Canada sur les plans économique et commercial, je vais devoir en prendre note et vous répondre ultérieurement. Je ne suis malheureusement pas en mesure de vous donner l'information maintenant.
    D'accord. Lorsque le gouvernement du Canada impose des sanctions semblables à d'autres pays, pouvez-vous nous dire quels sont ses objectifs principaux?

  (1610)  

    Dans le cas plus particulier des sanctions visant la Russie et des sanctions connexes touchant l'Ukraine, l'objectif est d'exercer des pressions sur le gouvernement russe, en collaboration avec nos partenaires, compte tenu de sa violation de la souveraineté ukrainienne. Dans les faits, les sanctions se rapportent aux engagements pris par la Russie dans le cadre du protocole de Minsk, et à l'annexion illégale de la Crimée. Voilà le but des sanctions.
    Pouvez-vous nous indiquer quelles modifications à la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou LMES, ou à la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, ou LBBDEC, amélioreraient l'efficacité des dispositions législatives? Savez-vous si des modifications ont récemment été apportées à la LMES? Vous dites que vous êtes en poste depuis deux mois. Est-ce que quelqu'un d'autre devra...
    Vous parlez de la Russie. Pour ce qui est de la LMES, je vais céder la parole à mon...
    Bien sûr. J'aimerais mieux comprendre la question. Me demandez-vous si je suis au courant des améliorations apportées à la LMES, ou ce que j'en pense, ou bien me demandez-vous dans quelle mesure le recours à la LMES a évolué au fil du temps?
    Je m'intéresse surtout aux changements que vous avez observés.
    Le président sait qu'en tant que fonctionnaires, notre rôle est d'expliquer en quelque sorte le « comment » des dispositions législatives, et non pas le « quoi » ni le « pourquoi », ni s'il convient d'apporter des améliorations particulières à la loi. À ce stade-ci, il serait probablement prématuré de vous parler des changements apportés à la loi. Je devrais même dire qu'il serait déplacé de vous parler de modifications possibles.
    Merci, monsieur le président.
    Bien. Puisqu'il reste quatre minutes à M. Sidhu, je vais céder la parole à M. Miller.
    Monsieur Adsett, lorsque nous nous étions rencontrés précédemment, nous avions discuté des lacunes possibles de la loi actuelle, notamment en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de la personne. Le sujet s'insère dans la discussion du Comité.
    Vous avez dit qu'il n'y a évidemment rien de parfait, qu'il s'agisse de la LMES, de la LBBDEC ou des dispositions actuelles du Code criminel, et il semble encore y avoir une certaine confusion sur la nature de ces lacunes.
    Bien des gens parlent de la possibilité de bloquer les biens issus des produits de la criminalité, et disent qu'il existe déjà des dispositions législatives afférentes. En cas de menace contre la paix internationale, il existe évidemment des mécanismes aux termes de la LMES. Certaines des préoccupations soulevées relèvent davantage de l'application de la loi. Vous ne pourrez probablement pas répondre, à moins que je ne me trompe sur vos rôles.
    On peut donc s'interroger sur les lacunes qui existent à propos du blocage des biens légitimes ou des produits de la criminalité. Attardons-nous aux biens légitimes d'auteurs de violations flagrantes des droits de la personne qui peuvent se trouver au Canada.
    Un certain nombre de préoccupations accompagnent le comblement de cette lacune, à savoir l'application régulière de la loi, la capacité de saisir ces biens — ce qui relève encore une fois de l'application de la loi —, et la nature des conséquences et répercussions involontaires de l'État pouvant appuyer les individus qui violent les droits de la personne de façon éhontée.
    Je veux plutôt m'attarder à l'aspect légal. Si vous ne pouvez pas répondre, je vais vous poser la question, après quoi vous pourrez faire parvenir une réponse écrite au Comité. Qu'est-ce qui empêche actuellement le ministre de savoir, à l'aide d'un décret ou d'un autre mécanisme, si une personne à l'étranger a violé les droits de la personne d'une manière flagrante et indécente, puis de bloquer ses biens au Canada? Encore une fois, je ne parle pas d'un ressortissant canadien, mais bien d'un ressortissant étranger.
    Permettez-moi d'abord de vous faire une mise en garde. Il serait déplacé pour moi de donner des conseils juridiques au Comité, mais je peux vous fournir quelques renseignements, s'ils vous sont utiles.
    Permettez-moi de reformuler légèrement votre question d'après ma compréhension: quel fondement du droit canadien permettrait au ministre de bloquer les biens d'une personne qui n'est pas un ressortissant canadien, mais plutôt d'un ressortissant d'un autre pays qui se trouve à l'étranger? Je crois qu'il s'agit simplement d'une description générale de l'enjeu ou de la question.
    À l'heure actuelle, vous devriez essentiellement invoquer la Loi sur les Nations unies, la LMES ou la LBBDEC, si vous répondez aux critères de cette loi. Dans le cas de la Loi sur les Nations unies, vous pourriez bien sûr avoir recours à une résolution du Conseil de sécurité. Pour ce qui est de la LMES, il y a deux possibilités. La plus courante est une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales, mais un autre mécanisme est prévu à la loi. Il s'agit essentiellement d'une résolution ou d'une décision d'une association d'États dont le Canada est membre. C'est d'ailleurs ainsi que nous avons imposé des sanctions contre l'ex-Yougoslavie. C'était une décision ou une résolution du G7.
    Dans le cas de la LBBDEC, il faut qu'un État étranger nous demande de bloquer les biens de dirigeants étrangers corrompus dans les circonstances prévues. Voilà les outils législatifs fondamentaux qui sont actuellement disponibles.
    Dans une lettre à l'intention de la ministre de la Justice, je sais que le Comité a demandé quels outils législatifs sont à notre disposition. Je crois savoir que la ministre vous répondra, ce qui pourrait vous aider aussi.

  (1615)  

    Ici encore, mon salaire ne me permet pas de payer votre taux horaire.
    Mais si.
    Je suis donc heureux que vous nous prodiguiez des conseils juridiques.
    Permettez-moi de vous demander comment cela peut être forclos ou non en vertu d'un décret, lorsque le ministre décide simplement que l'événement a eu lieu et qu'il faut intervenir.
    Ici encore, sans m'aventurer dans un domaine où je pourrais m'égarer, il faut généralement avoir un certain fondement législatif ou un pouvoir juridique quelconque pour obtenir un décret. Ce qu'il faut se demander, selon moi, quel est le pouvoir juridique permettant de prendre ce décret.
    Merci, Marc. Nous vous reviendrons.
    Nous accorderons maintenant la parole à Mme Laverdière.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de cette présentation détaillée sur trois groupes de sanction.
    Le Comité est également très intéressé à savoir comment le système fonctionne, comment les sanctions sont mises en oeuvre et s'il y a des brèches dans nos législations, en somme, tout ce qui touche l'approche systémique de la question.
    Étant donné que nous pourrons poser plusieurs questions, j'aimerais d'abord poursuivre à propos de ce que M. Kent a mentionné. J'aimerais également souligner que je l'ai entendu parler avec plaisir des cas de MM. Sechin, Chemozov et Yakunin. Il s'agit de questions que nous avions soulevées à maintes reprises sous l'ancien gouvernement.
    Cela étant dit, après ces dix secondes d'intervention politique, j'aimerais poursuivre sur la question d'une liste consolidée. Y a-t-il une raison pour laquelle des pays ont une liste consolidée qui est facile à consulter par les grandes et les petites entreprises, mais que le Canada n'en a pas? S'agit-il d'une question pratico-pratique, à savoir qu'on n'a pas les ressources disponibles ou est-ce une question légale? Bref, pourquoi n'avons-nous pas une telle liste?

[Traduction]

    J'ai remarqué que la question d'une liste consolidée est revenue à quelques reprises au cours de la séance.
    Nous n'avons pas de telle liste à l'heure actuelle. C'est une question que les parties prenantes ont soulevée et qui exigera une réflexion plus poussée.
    Je dirais qu'une liste consolidée pose problème, notamment parce qu'il s'agit essentiellement d'une liste administrative. Au bout du compte, pour avoir une bonne idée de ce qui constitue une liste contraignante, il faut consulter les textes réglementaires du ministère de la Justice. C'est là une des limites d'une liste consolidée; au final, il est nécessaire de s'en remettre aux textes réglementaires proprement dits, qui constituent la source initiale de la liste.

[Français]

    Merci.
    Même sans une liste consolidée, les entreprises sont obligées de toute façon de consulter les textes réglementaires. La liste consolidée serait simplement une étape de moins. Ai-je bien compris la situation à cet égard?

  (1620)  

    Effectivement.
    Merci.
    Au sujet des textes réglementaires, d'autres pays offrent des services légaux pour aider les entreprises. Je pense notamment aux plus petites entreprises pour lesquelles il est plus difficile de comprendre les textes réglementaires et d'être en mesure d'appliquer les sanctions de manière efficace.
    Est-ce quelque chose qu'on pourrait considérer pour le Canada? Si oui, quel ministère serait responsable de ce service?

[Traduction]

    Cette question nous renvoie à celle posée précédemment sur la manière dont nous nous sommes organisés pour répondre aux questions du public et, de façon générale, pour réagir aux sanctions.
    Je dirais qu'actuellement, nous avons une capacité limitée de fournir des conseils à la population. Jusqu'à présent, pour tenter de répondre aux demandes de conseils du public, nous nous sommes notamment assurés d'offrir un site Web que nous espérons clair; il est conçu de manière à au moins faire en sorte qu'il soit plus facile pour les petites entreprises et d'autres intéressés de comprendre le régime de sanctions en présentant les régions où nous imposons des sanctions non seulement par pays, mais aussi par type de sanctions imposées. Tout le monde peut consulter ce site Web afin de connaître la portée des sanctions. Nous avons tenté d'employer un langage assez clair, car nous comprenons que ces questions peuvent s'avérer fort complexes.
    Voilà ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Comme c'est le cas pour d'autres questions, nous prenons bonne note des observations formulées, non seulement avant, mais aussi au cours des séances du Comité.

[Français]

     À présent, j'aimerais savoir qui est responsable de s'assurer de la mise en oeuvre et du suivi des sanctions au sujet des entreprises canadiennes qui oeuvrent à l'étranger. J'ai en tête, notamment, l'exemple de Streit Group, qui a violé les sanctions canadiennes et celles des Nations unies. Qui s'occupe de surveiller sur le terrain les actions des compagnies canadiennes à l'étranger pour vérifier si elles sont en violation par rapport aux sanctions canadiennes ou à celles des Nations unies. Quel est le processus éventuel de poursuites et de sanctions à l'égard de ces compagnies?

[Traduction]

    Je peux hasarder une réponse d'assez haut niveau à cette question sans nommer de compagnies précises ou de préoccupations qui pourraient avoir été soulevées.
    De façon générale, l'application des sanctions relève essentiellement des organismes d'exécution de la loi, soit la GRC et, dans une certaine mesure, l'Agence des services frontaliers du Canada. Si le ministère a vent d'allégations voulant que des sanctions aient été violées, il peut en informer ces organismes pour qu'ils prennent les mesures appropriées. C'est aux organismes d'exécution de la loi qu'il revient de prendre une décision à ce sujet.

[Français]

    Est-ce que, de manière proactive, on observe ce que font les compagnies canadiennes à l'étranger pour s'assurer notamment que des actes illégaux ne sont pas commis? Quand on parle de compagnies qui font de la de vente d'armes ou de matériels sensibles, que fait-on à cet égard? Est-ce qu'on s'assure activement que les compagnies canadiennes ne violent pas les sanctions qui existent ou bien si, au contraire, on l'apprend par hasard ou dans les journaux et que c'est à ce moment-là qu'on fait appel à la Gendarmerie royale ou à un autre corps policier pour mener une intervention?

  (1625)  

[Traduction]

    On attend des entreprises canadiennes actives à l'étranger qu'elles se conforment aux lois canadiennes et on présume, de façon générale, que c'est ce qu'elles feront. C'est d'ailleurs probablement le cas la plupart du temps. Certains organismes d'exécution de la loi, comme l'Agence des services frontaliers du Canada, peuvent probablement en dire davantage sur la manière dont ils veillent à ce que les activités d'exportation des entreprises canadiennes cadrent avec les lois du Canada, y compris celle qui prévoit des sanctions. À ce que je sache, il n'existe pas de programme de surveillance proprement dit, mais chose certaine, si nous entendons des allégations ou des préoccupations, nous pouvons transmettre l'information à l'organisme concerné, comme nous le ferions, je suppose, pour toute autre question d'exécution de la loi.
    Mon collègue, Marc-Yves, est...

[Français]

    Oui.
    J'ajouterais qu'il y a quand même des agences du ministère des Finances, à savoir en particulier le Bureau du surintendant des institutions financières et également le CANAFE qui vont envoyer des informations aux clients, c'est-à-dire au secteur privé, pour les informer de la nouvelle réglementation qui est en vigueur. Il existe de plus les moyens de communication dont M. Adsett a fait allusion précédemment. Il y a tout de même, comme vous le dites, des mesures proactives pour aider le secteur privé à se conformer à la loi.
    J'aimerais ajouter brièvement, à l'intention de M. Adsett, que l'Agence des services frontaliers est certes un recours, mais que dans le cas de Streit Group, par exemple, il s'agissait d'armes produites à l'extérieur du Canada et vendues au Soudan du Sud, à la Libye et à d'autres pays. Je présume qu'Affaires mondiales Canada a un rôle potentiel à jouer à cet égard, étant donné qu'on a une présence à l'étranger que les agences frontalières ou que même la GRC n'ont pas.
    Vous noterez que le « on » que j'utilise fait référence à Affaires mondiales Canada.

[Traduction]

    Peut-être pourrais-je utiliser cette remarque pour faire une autre observation. Toujours sans parler d'affaires précises, quand il est question des sanctions des Nations unies, par exemple, il y a un rôle non seulement pour le Canada, mais aussi pour tous les pays membres des Nations unies. En cas de situations et de sanctions complexes, les autres partenaires ont également un rôle à jouer.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Nous accordons maintenant la parole à M. Miller.
    Je veux poursuivre en abordant une autre notion connexe que nous examinons lorsque nous envisageons l'élargissement de cette loi en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de la personne. La question ne se limite toutefois pas à cela; elle concerne les personnes dont le nom se retrouve inscrit sur une liste, souvent contre leur gré, et la procédure officielle. Cela concerne les éléments de la procédure officielle auxquels nous ne pensons pas nécessairement.
    Nous pensons évidemment à la capacité d'une personne de comparaître devant un tribunal afin d'obtenir un examen judiciaire adéquat. Je suis certain que vous souhaitez qu'un grand nombre de ceux qui viennent au Canada comparaissent devant un tribunal pour que vous puissiez leur mettre la main au collet.
    Il faut d'abord se demander s'il est judicieux d'imposer des sanctions à certaines personnes. Pour pouvoir recueillir des preuves fiables et, comme mon collègue l'a souligné, pour qu'une entreprise puisse faire affaire dans un pays, il faut pouvoir avoir accès à une liste cohésive, cohérente ou à jour, puis la contester en cour de justice.
    Hugh, vous êtes peut-être la meilleure personne pour répondre à la question suivante. Que pensez-vous de ce processus alors que nous envisageons d'élargir ou, à tout le moins, d'examiner le régime législatif actuel?
    Je pense que la question de la procédure officielle est importante. Je dirais que c'est un élément central de la manière dont nous avons traité les sanctions dans la loi existante jusqu'à présent. Vous avez probablement déjà entendu des témoins parler du processus des Nations unies et du rôle que joue l'ombudsman de cet organisme dans le processus de radiation de la liste dans le cas des sanctions imposées par le Conseil de sécurité.
    Je pense que nous avons instauré des mesures permettant aux personnes inscrites sur la liste ou sur une liste prévue par la Loi sur les mesures économiques spéciales, par exemple, de demander d'être rayées de la liste. Ces personnes peuvent avoir des motifs de vouloir le faire. Elles pourraient, par exemple, faire valoir qu'elles n'appartiennent pas à des catégories pour lesquelles la liste a été établie.
    Je vous donnerai peut-être un exemple. Dans le cas du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l'Iran, la catégorie de personnes inscrites sur la liste comprend les personnes qui participent « à des activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à ses activités relatives à la mise au point d’armes chimiques, biologiques ou nucléaire », etc.
    La loi canadienne permet certainement à ceux qui jugent qu'ils ne devraient pas figurer sur la liste de faire une demande de radiation. S'ils ne sont pas satisfaits de la réponse reçue ou de la décision du ministre, ils peuvent également demander un examen judiciaire.
    Les éléments de la procédure officielle sont importants. Lorsqu'on s'efforce d'établir une loi à cet égard, il est crucial d'y intégrer ces éléments également.

  (1630)  

[Français]

    Je ne m'étais pas rendu compte que M. Bertin était ici parmi nous.
    Monsieur Bertin, vous n'êtes peut-être pas la personne à qui poser je devrais cette question, mais j'aimerais savoir quelles mesures les pays visés par cette loi peuvent prendre contre nous et en connaître l'efficacité. D'autre part, quelle est l'efficacité des mesures que nous pouvons prendre contre ces pays, surtout quand cela est fait d'une façon unilatérale.
    Si je comprends bien ce que vous avez dit, vous vous interrogez au sujet de l'impact négatif qui peut résulter de l'application de mesures restrictives?
    Exactement.
    De plus, quelle analyse faites-vous au préalable avant de prendre une décision?

[Traduction]

    Les sanctions entraînent des conséquences évidentes pour l'État visé, mais aussi pour celui qui applique ces sanctions. L'État visé y perd des activités commerciales, et les civils en pâtissent parce qu'ils subissent des pertes d'emplois et des difficultés économiques.
    Quant au Canada ou à tout pays qui impose des sanctions, leurs entreprises perdront des occasions d'affaires, ce qui peut avoir des répercussions durables dans la mesure où le pays visé pourrait appliquer des mesures de remplacement des importations. Voilà qui restreint ce que les Canadiens peuvent faire au chapitre des envois de fonds, et nous savons que ces derniers constituent d'importants flux d'argent entre le Canada et les autres pays. Le Canada s'expose aussi à des représailles de la part du pays visé, bien entendu.
    En ce qui concerne le secteur privé, il est évident que plus les liens économiques sont profonds, plus le potentiel de perte d'activité et d'investissement est élevé. En outre, on pourrait dire que l'incidence de la conformité est plus importante dans ce secteur.
    Comme un certain nombre de témoins l'ont indiqué au Comité, il existe des preuves, dans les revues spécialisées, des effets dissuasifs sur le commerce et l'investissement. Cela s'explique par le fait que les entreprises, les banques en particulier, adoptent peut-être une approche plus prudente sur le plan de la conformité. Ainsi, quand vient le temps d'utiliser cette mesure, il y a des raisons pour lesquelles nous envisageons cette solution en dernier recours et nous l'utilisons concurremment avec une série de démarches diplomatiques afin d'y faire complément.
    Pour répondre à votre deuxième question sur ce que nous faisons à propos des répercussions sur le Canada, nous examinerons un éventail de renseignements. Comme vous l'avez entendu, ces renseignements, qu'ils viennent de sources ouvertes ou qu'ils soient classifiés, nous permettent de concilier les objectifs stratégiques de l'imposition de sanctions avec les répercussions sur les intervenants, les entreprises et, de façon plus générale, les citoyens canadiens.
    Nous nous intéressons notamment aux actions de nos alliés et des Nations unies, à la portée et à la gravité des violations commises par l'État concerné, à l'effet des autres démarches diplomatiques entreprises pour encourager un changement de comportement, et aux répercussions que les sanctions pourraient avoir sur les entreprises et les citoyens canadiens. Dans le cadre de ces efforts, nous écouterons non seulement notre personnel sur place et nos alliés, mais aussi, de toute évidence, les autres ministères afin de voir comment ils pourraient appuyer notre prise de décision.
    C'est une réponse de haut niveau très théorique. Tout dépend finalement du pays visé et du contexte dans lequel on agit, comme on l'a indiqué, il me semble, dans l'exposé et certaines réponses. De façon générale, cependant, nous restons à un niveau assez élevé. Nous tendons à ne pas expliquer en détail la manière dont nous procéderions, car nous voudrions préserver l'intégrité des détails de notre approche et traiter ces affaires derrière des portes closes.

  (1635)  

    Nous entendrons maintenant M. Levitt.
    Nous constatons que des organisations multilatérales comme les Nations unies peinent à mettre les sanctions à oeuvre. On en a un exemple magistral avec la Russie dans le contexte de la crise en Syrie.
    Au regard de ces nouvelles réalités — qui touchent également la CIC — et de l'affaiblissement de ces institutions lorsque vient le temps de former un consensus et de mettre des mesures en oeuvre à l'échelle mondiale, pensez-vous que le Canada doive modifier son régime de sanctions? Des témoins nous ont indiqué que la plupart de nos sanctions ont été appliquées sous l'égide des Nations unies. Devrions-nous travailler de manière plus individuelle avec des pays partageant nos points de vue, en dehors des organisations multilatérales?
    Est-ce que quelqu'un veut tenter de répondre à cette question?
    Permettez-moi de formuler quelques remarques préliminaires avant de céder la parole à un de mes collègues.
    Les sanctions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies sont évidemment approuvées par ses membres, y compris les membres permanents. Elles sont adoptées dans un contexte, puis mises en oeuvre en vertu de la Loi sur les Nations unies. Si la situation concerne un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, le contexte politique est de toute évidence différent. En pareil cas, le gouvernement dispose d'autres mécanismes pour intervenir, et c'est là qu'il a recouru à la Loi sur les mesures économiques spéciale, comme Hugh l'a fait remarquer plus tôt. Dans de telles situations, nous nous tournerons vers la gamme d'outils utilisés pour intervenir dans un contexte particulier.
    Le Canada, à l'instar de tous ses alliés, dispose de régimes de sanctions autonomes. Nous agissons par l'entremise du système des Nations unies, et quand, pour diverses raisons, nous ne pouvons imposer de sanctions de cette façon, nous avons tous des outils pour intervenir. La Loi sur les mesures économiques spéciales constitue la version du Canada.
    Dans tous les cas, nous pouvons imposer collectivement des sanctions en réaction aux menaces à la paix et à la sécurité internationales. Nous le faisons ici ou à l'étranger en appliquant les lois et les règlements. Quand j'observe les pratiques antérieures des autres pays, je constate que leur approche est fort similaire à la nôtre. En fait, leurs pratiques viennent étayer une grande partie des témoignages que vous avez entendus, y compris les nôtres et ceux d'experts des quatre coins du monde, selon lesquels il est essentiel d'adopter une approche harmonisée afin d'appliquer des sanctions. L'adoption d'une approche universelle est essentielle, car ce sont les chaînons faibles de la chaîne qui posent un dilemme quant à l'efficacité des sanctions.
    Dans ce contexte, compte tenu de la sévérité des mesures, cela impose des restrictions aux activités tout à fait légitimes en dehors d'un contexte de guerre. C'est pourquoi le Canada et ses alliés tendent collectivement à recourir à ces sanctions en dernier recours, à utiliser des seuils élevés et, de façon générale, à prévoir des examens judiciaires.
    Je pense que les pratiques du Canada correspondent grandement à celles de ses alliés.
     La Corée du Nord constitue un exemple intéressant d'application de sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies et de la Loi sur les mesures économiques spéciales dans des circonstances différentes.
    De toute évidence, comme mes collègues l'ont souligné, l'idéal est que toute la communauté internationale adopte une approche unifiée, comme c'est le cas pour les diverses résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, en raison des très graves préoccupations que suscitent les essais nucléaires de la Corée du Nord.
    Il y a aussi l'affaire du naufrage du Cheonan, à propos de laquelle il a été plus difficile d'obtenir le consensus sur les résultats de l'étude. Un certain nombre de pays, dont le Canada, jugeaient que la violation était très grave dans cette affaire, mais nous n'avons pu réunir le consensus au sein du Conseil de sécurité des Nations unies à ce sujet. Dans cette affaire, il a été très utile de disposer de la Loi sur les mesures économiques spéciales pour imposer des sanctions supplémentaires.

  (1640)  

    Passons brièvement à la question de l'Iran.
    Dans votre exposé, vous avez fait référence aux P5+1, au degré de conformité qui a été obtenu et à l'élimination d'un certain nombre de sanctions qui en a découlé.
    Le ministre Dion a déclaré que nous suivions attentivement la situation en Iran et que nous nous intéressions non seulement à la question nucléaire, mais aussi aux violations des droits de la personne et à des facteurs comme les taux d'exécution, le traitement des LBGT, le soutien du terrorisme par l'État, etc.
    Selon vous, est-ce que notre régime actuel de sanctions nous confère les outils nécessaires pour réagir à certaines de ces violations flagrantes des droits de la personne? Comment considérez-vous que nous nous positionnons actuellement dans ce dossier délicat, dans lequel un pays satisfait, dans une certaine mesure, aux exigences imposées par les P5+1, mais préoccupe aussi grandement notre pays, notre gouvernement par certains de ces comportements sur la scène internationale?
    Cette question comprend plusieurs parties.
    En ce qui concerne d'abord la mise en oeuvre du plan d'action global conjoint, l'Agence internationale de l'énergie atomique, sise à Vienne, travaille évidemment très fort à ce dossier. La délégation canadienne fait partie de ceux qui surveillent étroitement ce qu'il se passe dans ce contexte. J'ai abordé la question dans mon exposé. La mise en oeuvre du plan d'action global conjoint fait l'objet d'un suivi très attentif.
    Pour ce qui est des autres raisons pour lesquelles nous surveillons étroitement les activités en Iran, sachez que le gouvernement dispose d'autres moyens pour appliquer ses politiques. Sur le plan des droits de la personne, le Comité connaît certainement la résolution parrainée par le Canada qui a été présentée à l'Assemblée générale des Nations unies sur les droits de l'homme et qui a été adoptée par le Comité la semaine dernière. C'est une autre démarche qui témoigne de l'opinion du Canada et de la communauté internationale sur le bilan de l'Iran au chapitre des droits de la personne. Il est également possible de recourir à d'autres dispositions législatives dans ce dossier. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés permet l'admissibilité de certaines personnes au Canada dans certaines situations. Ces mesures entrent également en jeu dans ce contexte et s'inscrivent dans l'éventail d'outils dont le gouvernement dispose pour agir à cet égard.
    J'ajouterais que la LMES, la loi actuelle, peut permettre des sanctions en cas de violations des droits de la personne. Comme nous l'avons mentionné précédemment, cela se produit quand une organisation d'États ou une association d'États dont le Canada est membre appelle à la prise de mesures économiques ou quand le gouverneur en conseil juge qu'une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales est susceptible d'entraîner ou a entraîné une grave crise internationale. Ce n'est pas un concept théorique. Nous l'avons fait pour la Birmanie, le Zimbabwe et la Syrie. Le Canada impose aussi des sanctions en vertu de la Loi sur les Nations Unies, notamment des sanctions en cas de violations des droits de la personne.
    Si l'on envisage de modifier la LMES afin d'y inclure une justification explicite touchant les droits de la personne, il faut penser à divers aspects, par exemple, les circonstances particulières qui justifieraient une sanction en réponse à des violations des droits de la personne, ainsi qu'aux incidences du recours à un tel mécanisme, des points de vue opérationnel, légal ou autre... y compris pour le public. Les droits de la personne forment un concept très vaste.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Levitt.
    Avant que nous passions à M. Allison, autant poser la question d'une façon officielle.
    Est-ce que le décret permet les sanctions individuelles en cas de violations flagrantes des droits de la personne?
    Comme je viens de le mentionner, je crois que la réponse brève, c'est que la LMES telle qu'elle est en ce moment structurée permet la prise de sanctions quand les deux critères — les seuils, si vous le voulez — sont respectés. Dans ces conditions, des sanctions peuvent être prises en cas de préoccupations en matière de droits de la personne. Comme je l'ai mentionné, c'était le cas du Zimbabwe, de la Birmanie et, plus récemment, de la Syrie.

  (1645)  

    Encore une fois, revenez à la question. Ce sont des entités. Ce sont des États et ils sont faciles à définir. Ils pourraient et devraient être considérés, sur le plan de la sécurité, comme étant... et ce serait sensé. Mais pour qu'un particulier soit sanctionné, peu importe dans quel pays, en raison d'une violation des droits de la personne, le critère de cette définition particulière en vertu de la LMES ne serait pas respecté, n'est-ce pas?
    Ce que la LMES vous permet en ce moment de faire — ce qu'elle permet au gouvernement du Canada de faire —, c'est d'identifier des États. Comme je l'ai mentionné dans certains des exemples, vous pouvez identifier des particuliers en vertu de la réglementation. Le concept juridique actuel ne vous empêche en rien d'identifier des particuliers, que ce soit en raison de leurs actions en tant qu'agents d'un État étranger ou de leur association à une forme de violation qui répond aux critères selon le gouverneur en conseil.
    Pour approfondir un peu plus cette question, quelles étaient les violations des droits de la personne qui ont mené aux sanctions contre la Birmanie?
    C'est une excellente question, et je me tourne vers Hugh pour voir s'il peut...
    Je vais devoir regarder mes notes. Les sanctions contre la Birmanie remontent à très longtemps, mais à l'époque, on craignait là-bas une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales. C'est ce qui aurait justifié les sanctions imposées.
    Nous vous fournirons ultérieurement une réponse écrite, monsieur le président, mais si ma mémoire est bonne, l'aspect des droits de la personne était considérable, en raison des personnes déplacées à l'intérieur du pays et à l'étranger.
    Allez-y.
    Nous avons étudié cette question au Sous-comité des droits internationaux de la personne. C'était le traitement des Rohingya en Birmanie.
    Merci.
    Voici ce qui pourrait être utile pour le Comité, d'un point de vue hypothétique. Si nous voulions sanctionner un particulier à cause de violations des droits de la personne en Russie, comment procéderions-nous en vertu de la LMES telle qu'elle est structurée en ce moment? C'est pour que nous puissions mieux comprendre les lois que nous avons. Les membres du Comité ont vraiment l'impression que nous n'avons pas, comme gouvernement, le pouvoir de sanctionner des particuliers en cas de violations flagrantes des droits de la personne en vertu de la LMES. De toute évidence, la LBBDEC ne fait pas partie de cela. Nous comprenons la Loi sur les Nations Unies et la façon dont elle fonctionne.
    Cependant, si cela n'est pas juste, il serait très important que vous corrigiez cela pour nous tous et afin que ce soit au compte rendu.
    Je vais faire de mon mieux pour vous aider.
    Encore une fois, sans chercher à être trop précis, comme Marc-Yves le disait, l'outil dont dispose le gouvernement en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales comporte ce que nous appelons les deux éléments déclencheurs différents. L'un est l'association d'États dont le Canada est membre, et c'est vraiment très vaste. Cela peut servir en diverses circonstances, du moment qu'il s'agit d'une association dont le Canada est membre et que cette association a convenu de la pertinence d'imposer des sanctions. Comme je le disais, c'est ce qui s'est produit avec l'ancienne Yougoslavie. À l'époque, c'était une déclaration ou une résolution du G7.
    Le deuxième élément déclencheur est celui que vous connaissez probablement le plus, soit la rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales. Des violations flagrantes des droits de la personne peuvent être telles que le gouverneur en conseil estimerait qu'il s'agit d'une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales. C'est ce qui s'est produit en Birmanie. C'est ce qui s'est produit en Syrie aussi, et dans l'autre cas, au Zimbabwe.
    Je dirais que c'est une analyse très contextuelle. Tout dépend des circonstances que le gouverneur en conseil voit comme étant suffisantes pour estimer qu'il s'agit d'une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales. Cependant, pour ce deuxième élément déclencheur, si le seuil est atteint, il se pourrait très bien que vous arriviez à cette conclusion particulière en raison de violations flagrantes des droits de la personne. C'est contextuel. Tout va dépendre de la situation.

  (1650)  

    J'essaie de voir pourquoi vous posez cette question de la façon dont vous le faites. D'après moi, il y a peut-être confusion, et ce que vous voulez savoir, c'est s'il est possible de cibler des particuliers — et seulement des particuliers — plutôt qu'un État, et ensuite des particuliers.
    Selon le concept juridique actuel, vous identifiez l'État ainsi que les particuliers.
    C'est juste. Pour simplifier encore plus, les États-Unis ont adopté la Loi Magnitsky dans le but de viser des particuliers plutôt que des États, et pas avec le concours de l'ONU et de la structure du Conseil de sécurité que nous connaissons.
    La question que nous posons est la suivante. Si nous étendons la portée de cela aux particuliers, est-ce que la loi nous permet de le faire en ce moment? Sinon, il faut manifestement réfléchir à recommander cela ou à changer cela, en tant que gouvernement. Nous essayons de voir comment nous pourrions faire cela avec la structure actuelle.
    Je vais m'en tenir à cela pour le moment, et nous allons laisser d'autres membres du Comité poser des questions. J'essayais seulement d'obtenir... Un peu plus tôt, vous avez donné l'impression qu'en fait, nous avons la structure juridique nécessaire pour le faire. Ce n'est certainement pas ce que nous ont dit toutes les autres personnes venues témoigner devant le Comité jusqu'à maintenant.
    Je vais donner la parole à M. Allison pour la suite.
    Merci, monsieur le président.
    En fait, j'allais poursuivre dans la même veine de toute façon. Vous avez posé la moitié de mes questions, alors je vais simplement poursuivre.
    Que pourrions-nous faire? Avons-nous besoin d'en étendre la portée, si c'est le cas, car il semble que plutôt que de... La recommandation ne vise pas l'adoption d'une toute nouvelle loi indépendante que nous devons intégrer; il s'agit d'étendre les recommandations en vertu de la LMES. Est-ce qu'il y a une façon, dans ce cas, plutôt que de regarder les États ou les violations flagrantes... que nous regardions quelque chose qui serait axé sur les particuliers? Serait-ce sensé? La LMES serait, on dirait, le véhicule le plus logique pour cela, si c'était le cas.
    Vous nous demandez essentiellement des conseils sur la façon de modifier la loi, et je ne pense pas que nous sommes nécessairement en mesure de le faire. Étant donné nos rôles en tant que fonctionnaires, nous sommes ici pour expliquer les faits tels qu'ils sont actuellement.
    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, des particuliers sont ciblés en vertu de la LMES actuelle. Cela ne se fait qu'une fois qu'on a identifié, aussi en vertu de la loi, l'État qu'on estime fautif. C'est ce que nos dispositions législatives actuelles nous permettent de faire.
    Est-ce qu'on a utilisé cela dans le contexte des violations des droits de la personne? Absolument. J'ai mentionné trois cas.
    L'une des autres choses qui ont été dites au cours des témoignages, c'est que nous devrions peut-être adopter une perspective mondiale, et non seulement cibler certains pays comme nous le faisons peut-être. Ce que je comprends de ce que vous avez dit, c'est que même si la loi nous en donne la possibilité, elle est peut-être assez vague et il est difficile de le faire en ce moment. Il faudrait peut-être chercher un moyen de la rendre plus définitive. Qu'est-ce qui aiderait, alors, si nous devions faire des recommandations pour essayer de rendre les dispositions de la LMES plus définitives?
    Je pourrais faire une observation sur ce qui s'est produit au sud de la frontière. De toute évidence, vous parlez de la Loi Magnitsky des États-Unis. Ce qui est intéressant dans l'application de cette loi, c'est qu'il y a eu des représailles d'une nature que vous pourriez qualifier de surprenante. Entre tous les groupes de personnes possibles, les Russes s'en sont pris aux parents qui cherchaient à adopter de jeunes enfants. Je dirais qu'ils ont riposté d'une manière surprenante et déconnectée. Il y a des incidences à cela.
    L'autre observation que je ferais, c'est qu'il y a, au Congrès américain, des dispositions législatives à l'étude pour la modification de la Loi Magnitsky. Je ne veux pas caractériser ce qu'ils pensent de leur expérience avec cette loi, mais il y a manifestement des mesures prises au sud de la frontière pour la modifier. Il reste à voir ce qu'il adviendra de cela.
    L'une des choses que nous avons entendues, c'est que nous devrions au moins faire en sorte qu'elle soit de nature mondiale, plutôt que de cibler des pays particuliers qui ont peut-être ce problème.
    J'ai une dernière question. Vous avez dit, et nous comprenons qu'il pourrait y avoir des accusations portées par la GRC ou d'autres accusations. Nous avons vu qu'une seule accusation a été portée avec succès en vertu de la LMES depuis 1992. Pour ce qui est de la mise en application — nous souhaitons aussi des recommandations —, il semble toujours que... Je comprends le travail en vase clos et je sais que certains ministères ont certaines responsabilités. L'une des choses qu'on nous a dites, c'est que cela pourrait ne pas avoir d'effet, parce que les gens ne vont pas mettre d'argent au Canada, etc. Rien n'est arrivé; il n'y a pas eu d'accusations.
    M. Leblanc a rédigé un article à propos du fait que si une enquête est en cours... Est-ce qu'il est encore question de ressources, pour regarder comment trouver si des personnes commettent des abus ou ne font pas ce qu'elles sont censées faire, si nous ne prévoyons pas de ressources? Si cela fait partie des recommandations, nous devons peut-être aussi examiner cela. Il semble que nous adoptons des mesures législatives pour un moment précis dans le temps, mais que nous n'y revenons qu'à moins qu'il soit pertinent de le faire. On dirait que nous oublions tout cela par la suite.
    Ce que j'aimerais que vous me disiez, c'est si la question des ressources — et ce sujet a déjà été abordé — fait partie des éléments manquants pour que nous puissions rendre les sanctions plus efficaces, plus durables ou plus significatives.

  (1655)  

    Vous avez mentionné que d'autres ministères et organismes ont des rôles clés à jouer en matière d'application des lois — la GRC, l'ASFC, etc. Je ne pense pas que nous soyons les meilleurs pour commenter les niveaux des ressources ou qu'il soit approprié que nous le fassions. Le système de gestion des dépenses étant ce qu'il est au Canada, il fait intervenir de nombreuses personnes. Cela dit, nous avons manifestement la certitude que nos collègues des autres organisations aménagent convenablement les ressources en fonction des priorités et des défis auxquels le pays fait face.
    Merci beaucoup, monsieur Allison.
    C'est maintenant au tour de M. Fragiskatos.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame LeClaire, vous avez dit quelque chose qui m'a frappé, un peu plus tôt. Vous parliez des États. Vous avez dit que quand vous faites quelque chose, vous pouvez vous attendre à une réponse. Donc, si l'État A prend une mesure contre l'État B, l'État B va réagir. Je pense à cela, et je pense aux types de régimes. Je pense aux États autoritaires et à la façon dont ils réagiraient. La réponse sera dictée par la nature du régime, la nature de la culture politique de ce régime, et la nature du leadership.
    Le Comité a entendu les témoignages de divers experts. La semaine passée, j'ai mentionné Kim Richard Nossal, l'un des plus grands spécialistes du Canada en matière de mesures législatives visant les sanctions. Cette semaine, je veux parler de Daniel Drezner, qui est aux États-Unis, à l'Université Tufts. Il est un spécialiste très reconnu. Il a dit au Comité que quand des sanctions sont imposées, habituellement, « l'État autoritaire [...] devient encore plus autoritaire en réaction à la coercition économique de l'extérieur », la « coercition économique » étant naturellement les sanctions.
    Je lis ce passage et je pense au projet de loi Magnitsky d'initiative parlementaire qui a été déposé et qui a fait l'objet de beaucoup de discussions. Si le Canada devait adopter une loi Magnitsky du genre qui est suggéré, est-ce que cela ne donne pas le feu vert... et si ce n'est pas le feu vert, est-ce que cela n'ouvre pas la porte à une réponse très difficile sur le plan des droits de la personne? Est-ce que cela ne permet pas à la Russie de prendre des mesures qui seraient contraires aux principes démocratiques fondamentaux et qui mèneraient à une accélération encore pire des violations des droits de la personne dans un État comme la Russie?
    Je vous remercie de votre question, qui a pris une tournure complètement différente de ce à quoi je m'attendais.
    Quand je parlais d'une réponse, je parlais d'une réponse qui était dirigée contre le pays imposant la sanction. Si nous imposons des sanctions à la Russie, il y a une réaction dirigée contre le Canada. Marc-Yves a donné l'exemple de ce qui s'est produit aux États-Unis avec la Loi Magnitsky, ce qui s'est produit avec les...

  (1700)  

    Que la réaction soit dirigée contre le Canada ou contre les citoyens russes, il y aura une réaction d'une manière ou d'une autre. Je veux poser la question à n'importe quel membre de votre ministère, dont vous, qui connaissez la Russie et qui venez témoigner: si le Canada adoptait une loi Magnitsky, la Russie ne réagirait-elle pas, simplement à cause de la nature du régime, d'une manière contraire à nos espérances? La situation relative aux droits de la personne n'empirerait-elle pas?
    Permettez-moi d'essayer de répondre.
    Nous savons très bien, tout comme vous, qu'un projet de loi ayant beaucoup des caractéristiques de la Loi Magnitsky aux États-Unis fait son chemin au Parlement en ce moment. Le gouvernement ne s'est pas encore prononcé publiquement sur les lois de ce genre. Je pense en particulier au projet de loi S-226, pour lequel le gouvernement continue de penser à sa position. Il serait préjudiciable pour nous de faire des commentaires et d'émettre des hypothèses dans un tel contexte.
    Bon, j'essaie seulement de profiter de vos connaissances. Je pense que si le Canada devait adopter une loi Magnitsky, d'après les témoignages d'un certain nombre d'universitaires, notamment de M. Kim Nossal, le spécialiste canadien, et de M. Drezner, l'un des principaux spécialistes américains des sanctions, sinon le premier, cette loi devrait inquiéter encore plus ceux que chagrinent les violations des droits de la personne en Russie, parce que ce pays se vengerait en violant encore plus ces droits, en représailles contre la communauté internationale, c'est-à-dire en l'occurrence le Canada. Du moins, c'est plausible. C'est ce que les témoignages porteraient à croire.
    J'ai une autre question. Le Consortium pour les sanctions ciblées a constaté que les sanctions atteignent leur objectif officiel moins de 30 % du temps. Il est donc juste d'affirmer, du moins de mon point de vue, que les sanctions sont, au mieux, un outil parmi d'autres. Quels autres outils nous permettent de répondre aux actions préoccupantes, aux violations des droits de la personne ou aux autres causes d'inquiétude, à la mise au point de techniques de missiles balistiques ou de même favoriser de nouveaux comportements, amener un État à se retirer d'une région où il ne devrait d'abord pas se trouver? Je pense que vous savez ce dont je parle.
    Veuillez nous en parler, parce que si l'édiction de sanctions est un mécanisme important, on leur accorde beaucoup de vertus pour changer soudainement une situation, comme par magie. Elles ne sont pas des baguettes magiques, comme on l'a dit à notre Comité.
    C'est peut-être une question à laquelle plusieurs de mes collègues souhaiteront répondre, mais il est sûr qu'un État dispose d'un certain nombre de moyens pour exprimer son mécontentement. Il y a notamment les moyens diplomatiques habituels. Je pense que quelqu'un a parlé, aujourd'hui, de la résolution sur l'Iran, par exemple, que le Canada a déposée aux Nations unies pendant un certain nombre d'années, pour condamner la situation des droits de la personne en Iran. L'État peut faire adopter des résolutions au Conseil de sécurité, s'il peut obtenir au moins le consensus de ses membres permanents.
    Je laisse à mes collègues le soin d'énumérer d'autres moyens.
    J'en ai seulement quelques petits. Nous avons négligé d'aborder le système en place de contrôle à l'exportation et à l'importation, sur lequel le ministre des Affaires étrangères a manifestement l'autorité. Dans diverses autres instances internationales, c'est la meilleure expression qui me vient à l'esprit, des États qui partagent les mêmes opinions discutent d'activités touchant la prolifération — le Régime de contrôle de la technologie des missiles et le groupe de l'Australie, entre autres — qui sont tous conçus pour l'examen en commun des problèmes constatés dans le monde et la recherche de moyens pour les résorber, notamment par la coordination des exportations de marchandises sensibles ou d'autres formes de pression diplomatique, pour répondre aux enjeux de la paix et de la sécurité internationales que nous examinons.
    On discute constamment de la façon d'améliorer les processus pour obtenir de meilleurs résultats, mais on consacre beaucoup de temps aussi à ces processus.

  (1705)  

    J'ai une dernière question, sur un point soulevé d'abord par notre président.
    Pouvez-vous dire quelles mesures le Canada a prévues pour réagir, par exemple, aux violences, à la torture et même au meurtre subis par un défenseur des droits de la personne et de la démocratie? Par exemple, si le bourreau et, en fin de compte, le meurtrier souhaitent venir au Canada, que peut notre pays? S'ils ont des biens ici, que peut notre pays? Dites-le à notre Comité. Il existe sûrement des lois qui nous permettent de répondre à ces questions.
    Commençons par le cas où la personne vient au Canada.
    Je pense que l'un des moyens les plus accessibles est la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, c'est-à-dire celle qui permet l'entrée de certaines personnes au Canada. Encore une fois, c'est un autre ministère qui devrait en parler en détail, mais ses dispositions ferment la porte de notre pays à certaines personnes, ils n'y sont pas admissibles en raison d'atteintes aux droits humains ou internationaux. Je crois que c'est l'expression consacrée. C'est, je pense, l'un des premiers aspects du cadre législatif.
    Selon les circonstances, s'il s'agit d'une personne et que, dans cette situation, son pays est déjà l'objet de sanctions sous le régime de la Loi sur les mesures économiques spéciales... Encore une fois, nous avons parlé de listes. La Loi sur les mesures économiques spéciales prévoit de dresser des listes tant qu'on se trouve dans une situation de rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales.
    Contre les auteurs d'actes répréhensibles, on peut invoquer les mécanismes habituels de la Loi tant qu'on peut établir les liens nécessaires avec la compétence du Canada. Je pense qu'il serait mieux de poser la question au ministère de la Justice. Comme je l'ai dit, je sais que l'une des questions du président était d'obtenir de ce ministère une idée de la gamme des moyens juridiques qui pouvaient être disponibles.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Monsieur Kmiec, vous avez la parole.
    Merci encore d'être ici.
    Pour commencer, allons à la page 12 de vos notes, où il est question d'exceptions demandées pour le Règlement, relativement aux sanctions. Pour des motifs humanitaires, on peut demander que des sanctions ne soient pas imposées. Pouvez-vous expliquer comment le demander et qui peut le faire?
    Essentiellement, une organisation canadienne ou un Canadien peut faire la demande. Il est question ici de la Corée du Nord. Toute personne ou toute organisation qui voulait, peu importe la raison, exporter des marchandises en Corée du Nord, faire des opérations financières ou réaliser une activité que la loi empêche de faire pourrait le demander au gouvernement par l'entremise de notre ministère.
    Nous examinons chaque demande au cas par cas, son objet d'abord et sa correspondance avec les exemptions autorisées par la loi et les règlements sous son régime, par exemple le caractère surtout humanitaire des marchandises. Pour la Corée du Nord, nous examinons particulièrement aussi la possibilité de détournement des marchandises au profit des militaires ou du gouvernement.
     Nous examinons — encore une fois au cas par cas — la nature de la proposition. Si elle semble acceptable pour des motifs humanitaires, on accorde l'exemption.
    Qui prend la décision finale d'accorder l'exemption? Le ministre ou le Cabinet?
    Le ministre.
    Le ministre. Très bien.
    Vous avez dit qu'un organisme ou un Canadien peut aussi faire la demande par l'entremise du ministre au ministère.
    Pour autant que je sache, je ne crois pas qu'il y ait de... Oui. Il n'y a pas de restriction particulière sur l'identité de celui qui pourrait...

  (1710)  

    Combien de ces types d'exemptions a-t-on accordés à la Corée du Nord, par exemple?
    Douze, depuis la promulgation du règlement.
    Est-ce que c'étaient des Canadiens ou des ONG? Y avait-il d'autres types d'organisations?
    Je ne peux pas vous donner trop de détails, parce que les demandes des particuliers sont privées. C'est que, dans certains cas, il pourrait y avoir des considérations commerciales. Cependant, dans presque tous les cas, les demandes concernent des marchandises humanitaires. La plupart des demandeurs sont des organismes qui ont déjà fourni une aide humanitaire à la Corée du Nord.
    Mme Charron nous a dit que des mesures punitives plus lourdes auraient comme conséquences non voulues de faire souffrir des civils innocents, que le régime et les dirigeants de la Russie, de la Syrie, du Zimbabwe et d'autres pays ne tiennent pas compte, dans leurs calculs politiques, des sanctions canadiennes, qu'elles soient multilatérales ou unilatérales.
    Cependant, l'ancien dirigeant de l'opposition au Bélarus Andrei Sannikov nous a dit que les directeurs et gardiens de prison et les subalternes des dirigeants politiques en tiennent compte. Ils ne veulent pas que leurs noms figurent dans une liste de personnes sanctionnées.
    Est-ce que le ministère tient compte de tout cela quand il recommande ou pas au ministre la levée de sanctions, ce genre de coercition exercée pas tellement sur les dirigeants politiques, mais sur les exécutants de leurs ordres visant à opprimer les adversaires politiques, les militants pour les droits de la personne et les ONG?
    Nos sanctions tiennent compte de l'acquis important des 25 dernières années. Les États avaient l'habitude d'envisager l'embargo, qui est essentiellement une sanction plutôt brutale, qu'on a cessé d'employer essentiellement pour des considérations humanitaires, parce qu'il était susceptible de nuire à la population en général plutôt que de modifier le comportement de l'État visé d'une manière plus ciblée grâce à une démarche plus ciblée.
    Aujourd'hui, la pratique internationale... Divers témoins, notamment M. Thomas Biersteker, vous ont parlé de messages et de mesures très personnalisés, qui visent très sélectivement les décideurs et leurs complices dans un pays donné, une méthode perçue comme peut-être plus efficace pour provoquer le changement de comportement que nous essayons d'induire, particulièrement dans...
    Permettez que je vous interrompe, parce que je ne dispose pas de beaucoup de temps. Cette sélectivité plus grande des sanctions évite-t-elle de faire souffrir une population nombreuse? Une mesure comme la loi Magnitsky serait logique. On pourrait cibler avec précision des groupes, inscrire des noms sur une liste, faciliter la consultation de la liste par les entreprises, pour qu'elles sachent que les directeurs de prisons particulières sont visés par des sanctions afin de protéger les dirigeants de l'opposition, les prisonniers politiques et la société civile en général. C'est une façon de mettre de la pression sur le régime. Ce n'est pas pour le punir, mais plutôt pour le forcer à mettre fin à l'oppression ou pour l'amener à prendre des mesures différentes.
    Bien sûr, il faut toujours tenir compte des rapports de force, avec les grands pays, les superpuissances, les quasi-superpuissances et les petits pays. Mais ne serait-il pas logique d'agir de concert avec nos alliés?
    Voyez, par exemple, les sanctions que nous avons appliquées contre la Russie, notamment. C'est précisément ce que nous avons fait. Nous avons ciblé des individus, les décideurs et leurs complices, grâce aux leçons tirées de plus de 25 années de sanctions, pour éviter de faire souffrir des populations nombreuses et pour mettre les décideurs et leurs complices dans la mire.
    Non seulement c'est bon pour les populations, mais c'est aussi plus efficace pour rendre ces sanctions opérationnelles, dans la mesure où nous atténuons les conséquences potentielles pour les pays tiers. Dans le même temps, nous atténuons le désir de contourner les sanctions. Voilà pourquoi les mesures sélectives et ciblées vers des individus, les décideurs et leurs complices, sont devenues en très grande partie la pratique courante.
    Si j'en ai encore le temps, monsieur le président, je voudrais revenir un peu à la Corée du Nord.
    Dans les notes, il est dit que des sanctions unilatérales ont été imposées à ce pays. Des sanctions unilatérales que le Canada a imposées et qui ont inspiré plus tard la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, sur laquelle j'ai pris une note que je ne réussis pas à retrouver.
    Est-ce que ces sanctions unilatérales du Canada se sont révélées efficaces?

  (1715)  

    Précisons d'abord qu'une série de résolutions et de sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies sont associées à ces sanctions. Avec chaque résolution, nous avons mis en oeuvre des mesures en application de la Loi sur les Nations unies. Nous les avons mises en oeuvre au fur et à mesure. Elles répondent toutes à des motifs visant à empêcher essentiellement la prolifération. Il est difficile de distinguer l'efficacité des mesures canadiennes de celle des mesures générales. Je pense qu'il faut examiner l'efficacité du régime onusien de sanctions dans son ensemble.
    Mais votre question portait principalement sur les mesures unilatérales. Elles ont été prises sous le régime de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Elles répondaient à un incident précis, le naufrage de la Cheonan et, sur le plan strictement commercial, elles ont été tout à fait efficaces. Tout d'abord, nous n'avions pas beaucoup de relations commerciales avec la Corée du Nord. Je pense que les échanges étaient de l'ordre d'environ 26 millions de dollars avant l'imposition des sanctions. Je n'ai pas la valeur précise, mais, actuellement, je la croirais inférieure à un million. Notre commerce avec la Corée du Nord a fondu à presque rien, à l'exception, encore une fois, du petit nombre d'exemptions pour motifs humanitaires. Les sanctions ont été très efficaces.
    Comme la valeur des échanges était si faible avant, les sanctions n'ont probablement pas eu de conséquences matérielles importantes en Corée du Nord, mais certaines des autres mesures visant, par exemple, les opérations financières et le transit par des ports canadiens en ont peut-être eu de plus importantes. Il est un peu difficile de les mesurer, mais je dirais que, pour l'économie de la Corée du Nord, elles peuvent avoir été plus importantes.
    D'accord. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Kmiec.
    Nous passons maintenant à Mme Laverdière.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais profiter de la présence des témoins pour en savoir un peu plus à propos de ces questions.
    Depuis 2011, 148 personnes d'origine égyptienne ont été inscrites à la liste en vertu de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus. À l'heure actuelle, en 2016, aucune personne en provenance de l'Égypte ne figure sur cette liste. Étant donné que la situation en Égypte ne s'est pas forcément améliorée, je me demande comment il se fait que plus personne ne figure sur cette liste.

[Traduction]

    Avez-vous des renseignements à ce sujet?
    Merci beaucoup.
    La Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus vise à répondre à la demande d'un État étranger. C'est lui qui, dans les circonstances particulières visées par la loi, demande au Canada de bloquer ces biens. Les listes établies sous le régime de la loi deviennent caduques au bout d'un certain temps. La loi est ainsi faite que ces mesures sont destinées à être temporaires. La saisie des biens n'est pas censée être une mesure permanente, mais l'objectif de la loi est la présentation, vraisemblablement, d'une demande d'aide juridique mutuelle par l'État étranger.
    Encore une fois, c'est le contexte de la loi même qui est important. Elle a d'abord visé à répondre aux événements dits du « Printemps arabe », les situations de trouble, de changement de gouvernement, quand on craint la sortie de biens de l'État en question. Cependant, ça n'a jamais voulu être autre chose qu'une réponse temporaire. Il s'agit d'appuyer l'État étranger. S'il demande la prolongation de la prise d'effet de la liste, c'est faisable, mais, sinon, la liste devient caduque.

[Français]

    C'est ce qui expliquerait aussi que le nombre de personnes inscrites à la liste en provenance de la Tunisie soit passé de 123 à 8. Pour ce qui est de la Tunisie, on se souviendra qu'une demande légale avait été faite afin que les biens soient rendus à l'État tunisien. Je ne me souviens pas des chiffres — cela remonte à il y a quelques années et j'ai la mémoire bien courte —, mais le Canada prévoyait garder la plus grande part des biens et n'en remettre qu'une petite partie aux autorités tunisiennes. Est-ce que c'est une pratique normale à cet égard?

  (1720)  

[Traduction]

    Je ne peux pas parler des détails, parce que je ne suis pas au courant. Comme je l'ai dit, la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus est censée être une mesure temporaire qui fait suite à une demande d'aide juridique mutuelle. La règle qui régit l'aide juridique mutuelle s'applique ensuite aux modalités de restitution des biens et aux particularités de cette restitution.

[Français]

     Est-il possible de fournir au Comité les données sur la demande du gouvernement tunisien pour que les avoirs de M. Ben Ali leur soient remis? Je crois que c'est un bon exemple. Qu'est-ce qui a été remis finalement? Pourriez-vous donner au Comité le plus d'informations possible par écrit à ce sujet? Ce serait très apprécié.

[Traduction]

    Nous pourrons vous répondre par écrit plus en détail.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Madame Mendès.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je ne suis pas un membre régulier du Comité. Par contre, je suis de très près les affaires du Commonwealth et j'aimerais poser une question sur un autre pays, c'est-à-dire le Royaume-Uni, où il y a eu pas mal de démarches judiciaires pour faire annuler des sanctions parce que leur application était jugée non constitutionnelle, malgré le fait qu'elles étaient imposées par le Conseil de sécurité, principalement en raison d'un manque de diligence.
    Y a-t-il lieu de craindre que cela n'arrive au Canada? Est-ce que cela pourrait se produire au Canada?
    Je suppose que je pourrais vous répondre, de manière générale, que quiconque est touché par un aspect du droit canadien peut toujours contester son inscription à la liste en vertu d'une loi canadienne et demander un examen judiciaire pour diverses raisons. C'est toujours une possibilité, bien sûr, et c'est la raison pour laquelle nous déployons tous les efforts possibles, quand nous adoptons des règlements ou faisons des recommandations, pour nous fonder sur des renseignements solides dans l'établissement de ces listes. Le but est d'éviter toute contestation.
    Il n'y a jamais eu de contestations de l'application de sanctions au Canada sur la base d'un manque présumé de diligence?
    Il n'y a jamais eu de poursuite en ce sens, à ma connaissance.
    Cela ne signifie pas que personne n'a essayé de contester des décisions.
    Tout à fait.
    D'accord. Je vous remercie de cette précision.
    Pouvons-nous avoir une idée des unités de mesure que vous utilisez pour évaluer l'efficacité des sanctions? Je pourrais débattre longuement du recours aux sanctions. Je crois — et il s'agit de mon opinion personnelle — que les sanctions causent habituellement plus de tort à la population du pays visé qu'elle ne change les moeurs de l'État, mais y a-t-il des unités de mesure dont vous pourriez faire part au Comité pour évaluer l'efficacité de sanctions?
    Je crois que vous avez entendu divers témoins vous présenter des points de vue divergents quant à l'efficacité des sanctions. Il est intéressant de souligner que les témoignages des experts que vous avez entendus se fondent tous, de manière générale, sur des méthodologies différentes.
    Nous sommes d'avis que les recherches varient au cas par cas. Nous faisons nos propres évaluations. Nous évaluons chaque cas individuellement, et nous faisons un suivi. Il est très difficile d'isoler les mérites d'une sanction, compte tenu du fait que chacune est appliquée dans le contexte d'une négociation faisant intervenir un vaste éventail d'outils diplomatiques, notamment.
    De notre point de vue, les sanctions sont surtout efficaces lorsqu'elles sont imposées universellement pour assurer un effet optimal, et il faut qu'elles ne nuisent pas nécessairement aux intérêts du Canada, à ses intérêts commerciaux en particulier.
    Nous croyons aussi que le fait d'établir clairement l'objectif précis d'une sanction contribue à son efficacité, mais comme je le mentionnais, les sanctions font généralement partie d'une série d'outils de persuasion, pour nulle autre raison que de permettre à l'État contrevenant d'adapter son comportement et par conséquent, d'apaiser la situation.
    Cela dit, dès que nous cessons d'utiliser des sanctions dans une relation, la LMES prescrit que le gouverneur en conseil publie un rapport dans les 60 jours de séance qui suivent sur l'application de ces sanctions. J'en ai apporté quelques exemples aujourd'hui. C'est avec plaisir que je vous laisserai ces documents. Ils vous donneront une idée de l'évaluation qui a été faite sur l'application des sanctions.

  (1725)  

    Cela promet d'être intéressant.
    J'ai terminé, monsieur le président. Merci beaucoup.
    J'ai une dernière question à poser.
    Le Comité a tendance à se concentrer beaucoup sur la LMES. Comme vous le savez, nous sommes ici à vous parler et à fonder notre analyse sur les exigences de la LBBDEC après cinq ans d'application en vue de sa prolongation ou de sa modification ou pour déterminer si elle répond à l'objectif exposé par M. Fragiskatos, c'est-à-dire s'il s'agit d'un bon outil pour le gouvernement du Canada.
    Ce serait fort utile si vous vouliez bien nous dire si vous croyez que la LBBDEC est une loi qui répond aux besoins du gouvernement du Canada et si vous aimeriez qu'elle reste en vigueur plus longtemps, encore cinq ans ou selon ce que vous recommanderiez. Comme vous l'avez mentionné, elle a été adoptée en réaction au Printemps arabe et se voulait une mesure temporaire, si je comprends bien. Il serait donc pertinent que le gouvernement du Canada et ses représentants veuillent bien nous dire s'ils estiment qu'il s'agit d'un outil qu'ils voudraient conserver.
    Je pense que notre expérience de cette loi à ce jour, c'est qu'elle nous donne un outil qui nous manquait. Elle nous permet de réagir dans les circonstances très particulières prévues dans la réglementation. Nous savons, d'après nos conversations avec les représentants d'autres États, qu'ils analysent la loi canadienne et qu'ils la trouvent intéressante. D'après ce que je comprends, par exemple, la Suisse a une loi différente, mais qui comporte certains éléments similaires à ceux de la loi canadienne.
    Comme je le dis souvent, elle nous donne des outils que nous n'aurions pas sinon pour réagir dans des circonstances très particulières. D'après notre propre expérience, à tout le moins, elle répond à l'objectif de permettre à un État, lorsqu'il est confronté à des perturbations internes, de solliciter de l'aide pour prévenir essentiellement la fuite de biens du pays par une demande de blocage temporaire des biens, question de donner à l'État le temps nécessaire pour s'organiser afin de présenter une demande plus officielle d'entraide judiciaire.
    Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de cette réponse.
    Je veux maintenant prendre le temps de remercier M. Glauser et ses collègues d'être venus témoigner devant le Comité. Ceux deux heures ont été bien productives, et je vous en suis très reconnaissant. Merci. Nous avons hâte de recevoir les réponses que nous n'avons pas eu la chance d'entendre de vive voix et que nous vous avons demandé de nous envoyer par écrit.
    Monsieur Glauser, au nom du Comité, je vous remercie infiniment de nous avoir présenté un exposé si complet.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, j'aimerais vous demander cinq minutes de séance à huis clos. C'est tout le temps qu'il nous faudra. J'aimerais corriger une petite erreur du Comité. Sur ce, nous allons nous arrêter 30 secondes, puis nous y attaquer sans plus tarder.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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