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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 avril 2016

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Chers collègues, j’aimerais faire un rappel au Règlement.
    Conformément au paragraphe 108(2), nous allons poursuivre notre étude sur les femmes, la paix et la sécurité.
    Durant la prochaine heure, nous accueillerons les représentants du Fonds MATCH pour la femme, de l’Initiative des femmes Nobel et du Réseau Femmes, paix et sécurité — Canada.
    Pour mémoire, veuillez nous donner votre nom et votre titre. Je ne suis pas sûr d’avoir de titre, mais je suppose qu’il faut considérer que je préside le Comité pour le moment. J’imagine que vous avez décidé de l’ordre dans lequel vous nous parlerez. Veuillez vous présenter, puis nous passerons aux exposés.
    Chers collègues, nous tâcherons de respecter la durée d’une heure chacun. Nous parlerons plus tard de nos votes insistants des mardis après-midi qui nous causent de petits ennuis, mais nous trouverons une solution.
    Madame Tomlin, vous avez la parole.
    Bonjour, je m’appelle Jess Tomlin et je suis directrice générale du Fonds MATCH international pour la femme.
    Bonjour, je m’appelle Diana Sarosi et je suis gestionnaire chargée des politiques et de la défense des intérêts dans le cadre de l’Initiative des femmes Nobel.
    Bonjour, je m’appelle Beth Woroniuk et je suis membre du comité directeur du Réseau Femmes, paix et sécurité — Canada.
    Je vous remercie.
    Madame Tomlin.
    Merci.
    Honorables membres du Comité, je tiens d’abord à vous remercier de l’attention et de l’importance que vous accordez à cette question. Je m’appelle Jess, comme je l’ai dit, et je suis directrice générale du Fonds MATCH international pour la femme.
    Cette étude arrive à point nommé. Pas plus tard que la semaine dernière, l’UNICEF dénonçait le cas des 98 jeunes femmes de République centrafricaine sexuellement torturées par des Casques bleus des Nations unies. Pas plus tard que le mois dernier, Berta Cáceres, militante des droits de la personne, des autochtones et de l’environnement connue dans le monde entier, était abattue chez elle, au Honduras. Berta avait quatre enfants.
    Les enjeux sont importants pour les femmes dans les zones de conflit. Je suis ici aujourd’hui pour vous faire part de l’expérience de nos partenaires dans le monde, dans l’espoir que vous en tiendrez compte dans l’examen de la politique étrangère du Canada du point de vue de la paix et de la sécurité.
    C’est un domaine où mes collègues et moi-même espérons voir le gouvernement du Canada prendre des mesures immédiates. Je sais que ceux qui sont ici avec moi aujourd’hui sont d’accord pour dire que le monde reconnaît le leadership du Canada dans ce domaine si profondément associé à l’universalité des droits de la personne.
    Le Fonds MATCH appuie les mouvements de femmes à l’échelle globale depuis 40 ans. Nos ressources viennent intégralement de donateurs individuels de la population canadienne. Nous reversons directement ces fonds aux organisations de femmes dirigées par des femmes et au service des femmes et des fillettes dans plus de 25 pays. Nous sommes convaincues que les femmes courageuses qui travaillent sur le terrain sont les mieux placées pour changer la situation des femmes et des fillettes dans le monde.
    J’aimerais, cet après-midi, vous parler de deux brefs exemples communiqués par nos partenaires de la Colombie et de la République démocratique du Congo pour illustrer ce que vivent les femmes qui travaillent sur le terrain pour instaurer la paix.
    Nubia Sanchez est directrice de notre organisation en Colombie, et elle travaille auprès de femmes victimes de violence sexuelle, de déplacement et de disparition forcée après des décennies de conflit armé. L’année dernière, l’organisation a apporté une aide directe à plus de 200 femmes en termes d’aide juridique et de soutien psychologique. Comme vous pouvez l’imaginer, le travail effectué par son organisation pour révéler la vérité et obtenir justice est considéré comme une menace par les parties au conflit.
    À 9 heures du matin, mardi dernier, Nubia a reçu un appel téléphonique anonyme. Je peux vous lire un extrait du message qu’elle nous a adressé la semaine dernière. Un homme qui ne s’est pas identifié l’a appelée et lui a dit: « Tu t’appelles Nubia, c’est ça? En fait, ça m’est égal. Si ce n’est pas toi, je te laisse ce message quand même. Arrête de t’agiter au sujet des victimes du conflit ici à Tumaco, sinon ça va aller mal. Je connais ton fils. Ce serait vraiment dommage qu’il lui arrive malheur. Je ne veux plus te voir dans le coin. »
    L’homme a raccroché avant que Nubia puisse dire quoi que ce soit. Ce n’est qu’un exemple d’une série de menaces bien documentées. Aucune enquête n’a été faite. L’unité de protection de la Colombie n’a pas pris d’autres mesures de sécurité minimale, comme des caméras de surveillance ou la consolidation des portes.
    Par ailleurs, Julienne Lusenge travaille avec des groupes de femmes locaux de la République démocratique du Congo pour prévenir les conflits, instaurer la paix et apporter un soutien à plus de 1,7 million de femmes violées par les combattants des factions armées. Les violences sexuelles commises durant le conflit en RDC ont attiré l’attention du monde entier au Sommet de 2014 au Royaume-Uni, auquel ont participé de nombreux gouvernements, dont celui du Canada.
    De plus, il y a à peine quelques mois, on a demandé à Julienne de témoigner devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Pour autant, ni elle ni d’autres dirigeantes comme elle n’ont obtenu de financement stable pour appuyer leurs efforts. Le travail de Julienne est épuisant. Elle me dit qu’elle passe le plus clair de son temps à recueillir 5 000 $ ici, 5 000 $ là, alors que des centaines de femmes viennent la voir toutes les semaines pour lui parler des viols qu’elles ont subis ou obtenir des services.
    Ces femmes témoignent des enjeux dont je veux vous parler aujourd’hui: d’abord le financement global des organisations locales de défense des droits des femmes; ensuite la responsabilité des gouvernements dans la participation et le financement des femmes dans le cadre des processus de paix; enfin l’importance du rôle et la protection des militantes des droits des femmes qui sont le plus exposées.
    Permettez que je m’attarde sur ces trois enjeux critiques. J’aimerais d’abord parler du financement des organisations locales de femmes. Ces organisations, tout comme ici au Canada, sont celles qui connaissent le mieux la situation sur le terrain et peuvent le mieux revoir les méthodes susceptibles de perturber la dynamique du pouvoir et d’inciter l’État à rendre des comptes.

  (1545)  

    Il s’agit souvent de bénévoles qui s’en tirent avec des budgets de bouts de chandelles. Le budget annuel moyen d’une organisation locale de femmes dans les pays du Sud est de 20 000 $ US par année. En Afrique subsaharienne, ce chiffre tombe à 12 000 $. Quarante-huit pour cent de ces organisations n’ont aucun budget de base pour couvrir les nécessités quotidiennes comme le personnel, l’éclairage, l’accès à Internet et la sécurité. Par ailleurs, tous les mois, une sur cinq d’entre elles ferme ses portes par manque de ressources financières. Et tout ça malgré l’importance accordée par les donateurs depuis 10 ans aux enjeux liés aux femmes et aux fillettes, qu’il s’agisse de santé maternelle et infantile ou de projets d’émancipation économique.
    C’est là qu’est la difficulté. Les femmes qui travaillent sur le terrain ne profitent pas des effets financiers de cet engagement des donateurs parce que, en réalité, leurs organisations, bien souvent, ne peuvent pas faire d’appels de propositions à cause de leur faible budget et des exigences complexes des bailleurs de fonds en matière opérationnelle et redditionnelle, très éloignées des réalités du terrain.
    De plus, les organisations de femmes s’occupent souvent d’enjeux multidimensionnels. Bien qu’elles mettent l’accent sur l’aide apportée aux survivantes de viols, beaucoup d’organisations offrent également des services de santé, des programmes sur les droits génétiques et des services aux dirigeantes sur les moyens de participer aux processus de paix. La tendance récente au financement par projet et l’exigence de résultats circonscrits écartent souvent ces organisations en raison de leur petite taille ou de l’éventail de leurs interventions communautaires.
    Ici s’ouvre une possibilité. Le Canada peut donner le ton en élargissant les engagements de haut niveau à l’égard des femmes et des fillettes, bien au-delà des organismes multilatéraux et internationaux. Selon le dernier rapport remis par le Canada à l’OCDE, le gouvernement fédéral a attribué 5,19 millions de dollars à des organisations et organismes de femmes en 2013-2014. Si Canada élargissait l’aide au développement et l’aide humanitaire aux organisations locales dirigées par des femmes pour les femmes sur le terrain, cela aurait un impact considérable sur le travail essentiel qui se fait sur le terrain. Il pourrait s’agir d’un instrument de financement national accessible aux organisations de défense des droits des femmes ou d’un mécanisme de financement réservé, dans le cadre de cet instrument, qui s’adresserait spécifiquement aux organisations de femmes vouées aux questions liées à la paix et à la sécurité.
    J’aimerais vous parler plus précisément de l’importance de la participation des femmes aux processus de paix. Les données relatives au domaine des femmes, de la paix et de la sécurité attestent que les ressources financières de ces organisations ont diminué considérablement faute d’engagement des gouvernements. Selon le Comité d’aide au développement de l’OCDE, 2 % seulement de l’aide destinée au domaine de la paix et de la sécurité visaient l’égalité des sexes comme objectif primordial. La raison en est qu’on n’en fait pas une priorité et, encore une fois, que l’aide n’est pas conçue pour atteindre les groupes locaux.
    Où se trouve donc le créneau ici? Le Canada pourrait organiser des consultations régulières et approfondies auprès des organismes de la société civile, comme ça se fait actuellement et je vous en félicite, aussi bien au pays qu’à l’échelle internationale pour rejoindre les réseaux de femmes à l’échelle locale. Cette audience parlementaire pourrait être un événement annuel. Imaginez les répercussions de consultations concrètes et régulières organisées par des décideurs canadiens auprès des femmes sur le terrain, des femmes engagées dans les processus de paix et des militantes des droits des femmes. J’oserais dire que ce serait une politique étrangère féministe.
    Enfin, j’aimerais vous parler du rôle des militantes des droits des femmes et de notre obligation de les protéger. Les militantes engagées dans la défense des femmes, de la paix et des droits de la personne se trouvent souvent saisies entre les feux croisés des groupes armés et de l’État. Ce sont des personnes ordinaires qui prennent d’énormes risques personnels pour défendre les droits de leurs collectivités. Nubia Sanchez et Berta Cáceres ne sont que deux exemples de militantes qui travaillent aux premières lignes et font l’objet, avec leurs proches, de menaces violentes. Elles sont souvent accusées de trahison. Elles et leurs familles sont menacées. C’est une triste réalité qu’elles paient souvent de leur vie. En 2015, 156 militantes des droits de la personne ont été tuées ou sont mortes en détention.
    Je vous implore de considérer vos efforts comme indispensables à la concrétisation des droits de la personne et comme contribution fondamentale aux objectifs plus généraux de ce dont nous discutons aujourd’hui, à savoir les femmes, la paix et la sécurité. Voilà où est la possibilité. Les militantes des droits des femmes nous disent qu’il ne s’agit pas seulement de garantir leur sécurité, mais, en fin de compte, de soutenir les organisations et les mouvements auxquels elles participent pour pouvoir changer les situations qui les menacent.

  (1550)  

     Le Canada a la possibilité de faire preuve de leadership, de concert avec seulement quelques autres pays progressistes, comme les Pays-Bas et la Norvège, et de s’engager à faire de la protection des militantes des droits de la personne une priorité de sa politique étrangère.
    Mon témoignage ne serait pas complet si je ne rappelais pas la résolution 2122 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui atteste l’importance de fournir un éventail complet de services aux femmes touchées par les conflits armés, dont des mesures de protection pour les femmes dont la grossesse résulte d’un viol.
    Comme vous le voyez, il y a bien des possibilités, et je vous remercie de m’avoir donné celle de vous en parler aujourd’hui.
    Il n’y a pas de raison que le Canada ne puisse être un chef de file de la politique étrangère qui finance les organisations de femmes sur le terrain, qui tient à la participation des femmes au processus de paix à l’échelle locale et qui protège les militantes des droits des femmes dans le cadre du travail important qu’elles font.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Madame Sarosi, vous avez la parole.
    Tout d’abord, merci de m’avoir donné l’occasion de vous parler aujourd’hui.
    Cette étude est en effet bienvenue et arrive à point nommé, et nous sommes très honorées de pouvoir contribuer à ses conclusions et recommandations. L’Initiative des femmes Nobel est dirigée par six courageuses lauréates du Prix Nobel de la paix. Ensemble, elles se servent du prestige ainsi acquis pour soutenir les militantes et les mouvements pour les droits des femmes dans le monde. L’initiative vient en aide aux femmes qui participent aux processus de paix dans le monde entier depuis une décennie. Nous avons aidé des survivantes de la violence sexuelle en Colombie et veillé à ce que leurs besoins soient pris en considération dans le processus de paix. Nous avons aidé les femmes en RDC et avons fourni des services aux survivantes pour qu’elles reconstruisent leurs collectivités. En Birmanie, nous avons aidé les femmes à faire de la sensibilisation communautaire sur l’importance de la participation des femmes au processus de paix, dont elles ont toujours été exclues jusqu’ici.
    Nous aidons actuellement les femmes syriennes qui luttent pour participer activement aux pourparlers de paix à Genève. Beaucoup d’entre elles seraient d’excellents témoins dans le cadre de cette étude et nous serions heureuses de faciliter leur participation ici.
    L’étude entreprise par votre comité sur les femmes, la paix et la sécurité arrive à point nommé, puisque nous avons récemment souligné le 15e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, en octobre dernier. L’Étude globale sur la mise en oeuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui comprenait des consultations auprès de milliers de femmes participant à des processus de paix, a révélé un écart handicapant entre les engagements des gouvernements et la volonté politique et le soutien financier effectifs.
    Les principales conclusions de cette étude comprennent le cadre normatif exhaustif qui a été élaboré, notamment à l’égard de la violence sexuelle dans les conflits. Les résultats sont moins probants du côté de la participation des femmes. On continue de mesurer les progrès en termes de premières et non pas de pratique courante. On manque cruellement de fonds. Seulement 54 États membres se sont dotés de plans d’action nationaux pour la mise en oeuvre de la résolution 1325, et la montée de l’extrémisme violent a multiplié les menaces contre les femmes.
    Il est évident que le train-train quotidien ne permettra pas de régler les urgences et les conflits complexes actuels comme ceux de la Syrie et du Yémen. Il faut réfléchir et agir selon d’autres termes, et c’est ce que propose précisément l’Étude globale sur la mise en oeuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est une feuille de route qui explique ce que cette nouvelle perspective suppose. Ce qui est révolutionnaire dans le programme des femmes, de la paix et de la sécurité, c’est qu’on y reconnaît que la sécurité des femmes fait partie intégrante de la sécurité des États et inversement. Les faits attestent que les sociétés où les hommes et les femmes connaissent une plus grande égalité sont aussi des sociétés plus paisibles. La paix passe donc par l’égalité des sexes et l’émancipation des femmes.
    C’est tout de même étrange que la collectivité internationale ait fait si peu de progrès depuis 15 ans en matière de participation des femmes. Le programme des femmes, de la paix et de la sécurité considère que la participation des femmes est indispensable à l’instauration d’une paix durable. Les données recueillies dans le cadre de l’étude globale indiquent que la participation des femmes à tous les niveaux est le gage de l’efficacité opérationnelle, du succès et de la durabilité des processus de paix et des efforts pour instaurer la paix. Des études indiquent également que, lorsque les femmes participent et ont une solide influence, on arrive toujours à un accord de paix. La participation des femmes est également associée à une plus grande probabilité que les accords soient mis en oeuvre, et pourtant, dans tous les processus de paix engagés, les femmes doivent littéralement défoncer les portes pour entrer.
    D’après les comptes rendus du plan d’action national du Canada, le gouvernement fédéral a surtout privilégié, d’abord, la participation des femmes aux opérations militaires et policières, ensuite, la multiplication des femmes parmi les fonctionnaires des missions à l’étranger, et, enfin, le soutien des Nations unies dans le cadre de l’élaboration d’une liste de femmes qualifiées pour doter les postes de direction.
    On n’a pas fait grand-chose du côté de la participation des femmes aux processus de paix. Dans les zones de conflit, d’après les comptes rendus du plan d’action national pour les femmes, la paix et la sécurité, c’est en Afghanistan qu’on a fait des progrès à cet égard. Comme cet aspect est négligé dans les autres pays en conflit, on comprend que ça renvoie à un engagement personnel plutôt qu’à une politique gouvernementale.
    Le Canada peut faire beaucoup plus pour veiller à la participation active des femmes aux processus de paix. Voici trois suggestions générales.

  (1555)  

     Premièrement, le Canada doit jouer un rôle plus actif dans la promotion de la participation des femmes et de leur accès à toutes les étapes des processus de paix. Comme on le voit actuellement dans le processus de paix en Syrie, les femmes qui veulent participer activement aux pourparlers se heurtent à d’importants obstacles. On leur a attribué un rôle consultatif, mais elles continuent de manquer d’influence et de ressources pour s’engager de façon autonome.
    L’un des problèmes associés aux pourparlers de paix en Syrie, comme c’est le cas partout ailleurs, c’est qu’ils suivent la démarche habituelle: des hommes conçoivent et mettent en place le processus, puis y invitent les femmes lorsque la plupart des décisions sont prises par un petit groupe d’hommes. Selon l’étude globale, les femmes participent rarement de façon intégrale à la conception du processus de paix. En général, leur participation est considérée comme un supplément technique, dans une petite case à cocher, une fois le processus conçu et mis en route. Mais les femmes doivent participer à ces processus depuis la conception des pourparlers préliminaires jusqu’à la mise en oeuvre de l’entente en passant par les négociations.
    Le cas de la Colombie est considéré comme le meilleur exemple de processus de paix du point de vue de la participation des femmes, mais nous sommes encore très loin de ce à quoi la collectivité internationale aspire et dont témoigne la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies. Grâce aux pressions exercées par les organisations de femmes, on a pu compter, dans le cadre des négociations de paix de La Havane, sur la présence de conseillères spéciales en égalité des sexes, pour les deux parties, à la table des négociations et dans le sous-comité de l’égalité des sexes. Pourtant, au plus haut niveau du processus de négociation, il n’y a qu’une seule femme.
    Maintenant que la Colombie progresse vers la mise en oeuvre des accords de paix et d’un cessez-le-feu, la faible participation des femmes à la table des négociations a pour effet concret une large tolérance à l’égard de la violence faite aux femmes, notamment aux Afro-Colombiennes et aux femmes autochtones, et une impunité complète pour les cas de violence remontant au conflit. Les groupes de femmes font actuellement pression sur le gouvernement et les Nations unies pour obtenir que la violence sexuelle soit considérée comme une violation de l’accord de cessez-le-feu. Si les femmes sont absentes de la table des négociations, la violence sexuelle ne sera pas correctement dénoncée et elle a tendance à proliférer après les conflits, comme on peut le constater au Liberia et en RDC.
    Voici quelques recommandations importantes à l’intention du Canada sur les mesures concrètes visant à promouvoir la participation des femmes: rappeler systématiquement, publiquement et aux plus hauts niveaux l’importance de la participation des femmes compte tenu de leurs droits et de l’efficacité de leur intervention; tenir les émissaires, les médiateurs et les parties aux négociations responsables au regard des normes et des engagements internationaux; faciliter la participation des femmes, en leur fournissant notamment une aide logistique et une protection, surtout aux premiers stades des négociations de paix et dans le cadre de la mise en oeuvre des accords de paix et de cessez-le-feu; organiser régulièrement des consultations auprès des femmes pour connaître leurs difficultés et trouver collectivement des solutions à proposer à la table des négociations.
    Deuxièmement, le Canada doit jouer un rôle de premier plan dans la consolidation des mouvements de femmes. D’après les résultats de 40 études de cas, l’inclusion des femmes est généralement le fruit de pressions concertées exercées par les organisations de femmes et non de la volonté des parties au conflit, des médiateurs ou des organisateurs des négociations. C’est également vrai en Syrie, où c’est l’effort collectif d’organisations de femmes locales, nationales et internationales qui a incité l’émissaire spécial des Nations unies Staffan de Mistura à prévoir un rôle pour les femmes dans les pourparlers et à désigner un groupe consultatif de femmes.
    Les études attestent également que ce sont les mouvements de femmes et non des femmes individuelles qui ont les moyens d’influencer les pourparlers. Il arrive trop souvent que des femmes-alibis soient désignées sans qu’elles puissent réellement participer. C’est ce qui est arrivé dans le cadre du processus de paix au Myanmar, où deux femmes ont été nommées et qui n’ont jamais eu la force qu’aurait eue un mouvement à leurs côtés pour influencer les pourparlers. Et pourtant les organisations de femmes manquent systématiquement de fonds et de personnel, et leurs membres courent de grands dangers. L’étude globale souligne que le manque de ressources et de fonds est peut-être l’obstacle le plus important et le plus impitoyable à la mise en oeuvre du programme des femmes, de la paix et de la sécurité. Les organisations de femmes ont besoin de ressources suffisantes, importantes et sûres.
    Pour ce qui est des recommandations au Canada, il doit avant tout mettre en place un mécanisme de financement pour garantir des ressources aux organisations et mouvements de femmes. Ce mécanisme doit prévoir un financement de base accessible et pluriannuel pour les organisations de femmes, ainsi que des fonds réservés aux organisations populaires. Le Canada doit réserver au moins 15 % des fonds liés à la paix et à la sécurité pour les acheminer aux programmes dont l’objectif premier est de répondre aux besoins spécifiques des femmes et de faire progresser l’égalité des sexes, comme le demandent les Nations unies.

  (1600)  

    Le Canada doit élaborer une stratégie de protection pour ses missions afin d’aider les femmes qui participent aux processus de paix dans le monde et sont gravement menacées à cause de leur travail. L’augmentation des ressources est un moyen de protection, mais les fonctionnaires canadiens doivent parler haut et fort pour les femmes dans les pays où ils interviennent et exiger la dénonciation de ceux qui les menacent. Cette stratégie doit comprendre des consultations régulières auprès des organisations de femmes et l’appui à leur participation aux tribunes nationales, régionales et internationales.
    Troisièmement, le Canada doit consolider le plan d’action national pour la mise en oeuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies. Le plan d’action est un moyen d’élaborer une directive stratégique ambitieuse qui garantirait que les engagements liés aux femmes, à la paix et à la sécurité se traduisent dans un large éventail de politiques internationales.
    Selon une évaluation à mi-parcours du plan d’action pour les femmes, la paix et la sécurité, effectuée par Inclusive Security, le plan n’est pas considéré comme un élément d’influence important dans l’orientation stratégique globale du Canada à l’égard des États touchés par des conflits et les États fragiles. C’est très malheureux. Nous espérons que la deuxième édition du plan sera à la hauteur de ses ambitions.
    Ce sont là nos recommandations.
    Le plan d’action national pour les femmes, la paix et la sécurité doit énoncer une vision de l’engagement du Canada dans le monde, pas seulement dans ou après les conflits, mais dans la prévention des conflits. L’un des quatre piliers du programme est la prévention. Le plan d’action doit être perçu comme une directive stratégique visant à concrétiser cette vision, qui doit être assortie d’objectifs, de résultats et d’indicateurs de mesure des résultats clairs.
    Il convient, dans le cadre de son élaboration, de consulter largement les femmes des zones de conflit ainsi que les principaux intervenants internationaux voués à la cause des femmes, de la paix et de la sécurité, et leurs points de vue doivent se traduire dans le nouveau plan d’action. Le Canada doit aussi adopter une perspective plus holistique dans le traitement des quatre piliers du programme des femmes, de la paix et de la sécurité, en s’appuyant sur les liens qu’il y a entre eux et en reconnaissant que le rôle des femmes dans la paix détermine leur expérience de la guerre.
    Le Canada doit réserver un budget au plan d’action, dont des fonds pour le personnel et les mécanismes redditionnels. Il doit nommer un champion de haut niveau ou un émissaire spécial doté de personnel et de ressources pour surveiller la mise en oeuvre du plan d’action et, surtout, de sa vision.
    Merci.

  (1605)  

    Merci beaucoup.
    Écoutons maintenant la représentante du Réseau femmes, paix et sécurité — Canada.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également le Comité d'avoir entrepris une étude aussi importante et de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
    À titre d'introduction, je mentionnerais que je travaille comme bénévole au sein du réseau Femmes, paix et sécurité — Canada. Notre réseau regroupe 65 individus et organisations et nous avons deux objectifs. Le premier est de renforcer et de surveiller les efforts que déploie le gouvernement du Canada pour mettre en oeuvre et appuyer les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies concernant les femmes, la paix et la sécurité. Le second consiste à offrir un forum pour les échanges et les activités des membres de la société civile canadienne dans ce domaine. Nous sommes uniquement des bénévoles, nous n'avons pas de bureau, de budget ni de personnel rémunéré. La plupart des organisations canadiennes qui comparaissent devant vous pour cette étude sont membres de notre réseau.
    Il y a plus de 15 ans, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1325 qui a suscité beaucoup d'optimisme. D'autres témoins vous ont toutefois déclaré que la mise en oeuvre de la résolution 1325 et celle des résolutions qui l'ont suivie n'a guère progressé. Les conflits armés actuels sont complexes, et mettent aux prises de nombreux acteurs étatiques et non étatiques, à cause de la violence sexuelle régulièrement associée à ces conflits, nous entendons souvent des gens dire que, dans les guerres aujourd'hui, il est plus dangereux d'être une femme que d'être un soldat. Les femmes jouent en général un rôle mineur dans la prise des décisions politiques et dans le secteur de la sécurité. Il est fréquent que l'aide humanitaire apportée à la fin de ces conflits ne tienne pas compte des besoins et des priorités différentes des femmes et des hommes, des garçons et des filles. Les gouvernements n'hésitent pas à faire des déclarations, mais ils sont lents à investir des fonds.
    Je pourrais continuer longtemps. Il me paraît important de revenir sur un certain nombre d'aspects et d'éléments clés qui sont au coeur du programme concernant les femmes, la paix et la sécurité. Ces éléments offrent toujours de nombreuses possibilités et constituent un point de départ à partir duquel examiner l'approche adoptée par le Canada.
    Premièrement, les résolutions du Conseil de sécurité reconnaissent et soulignent le lien étroit qui existe entre la sécurité des femmes et la sécurité des États. Elles légitiment l'attention accordée aux droits, à la protection et à la participation des femmes et des jeunes filles, non pas seulement parce qu'il s'agit de droits, mais plutôt parce que ces aspects sont des dimensions essentielles tant de la paix que de la sécurité.
    Le programme concernant les femmes, la paix et la sécurité nous oblige véritablement à repenser complètement la façon dont nous abordons la sécurité et les conflits armés. Il y a longtemps que les activistes nous disent, et les chercheurs nous l'ont maintenant confirmé, qu'il existe un lien évident entre la situation des femmes et des filles dans une société et la question de savoir si celle-ci risque de connaître un conflit violent. Alors qu'au départ les droits des femmes étaient considérés comme un sujet à aborder une fois les questions importantes réglées, nous savons maintenant que c'est là un facteur essentiel qui est intimement relié à la prévention et au règlement des conflits. Il est regrettable que cette idée ne se reflète pas dans l'approche qu'a adoptée jusqu'ici le Canada à l'égard des femmes, de la paix et de la sécurité, étant donné que ces questions sont bien souvent traitées comme des préoccupations accessoires ou marginales.
    Une autre idée connexe que mes collègues ont également abordée est que la participation des femmes est reliée à la consolidation de la paix et à la résolution des conflits. Que l'on pense au Liberia, à l'Ouganda ou à l'Irlande du Nord, au Yémen ou à la Colombie, on trouve de nombreux exemples de femmes courageuses qui se sont organisées pour lutter, résister et travailler en faveur de la paix. Elles l'ont fait malgré les graves dangers qui les menaçaient. Nous savons désormais que la décision de financer ces femmes, ces organisations et ces mouvements renforce l'efficacité d'une stratégie de réduction des conflits.
    Comme ma collègue l'a mentionné, la participation de représentantes des mouvements des femmes facilite grandement la conclusion des accords de paix et les rend plus durables. Il y a également de nombreux exemples de groupes de femmes qui se sont mobilisés pour appuyer un accord de paix une fois signé, même si les femmes sont souvent considérées comme des intervenants secondaires et non essentiels.
    Wazhma Frogh, une Afghane qui milite en faveur des droits des femmes, a récemment mentionné que les femmes d'une certaine collectivité avaient averti les autorités que des recruteurs extrémistes avaient parlé à de jeunes hommes dans leurs collectivités. Lorsqu'elles ont raconté cela à un ministre, celui-ci s'est moqué d'elles et ne les a pas prises au sérieux. Quelques semaines plus tard, ces mêmes jeunes hommes ont organisé un attentat contre un autocar qui a fait 32 morts.
    En plus d'être marginalisées, vous avez entendu mes collègues vous dire que les organisations de base de femmes n'obtiennent guère d'appui de la part de la communauté internationale pour qu'elles puissent effectuer leur travail, qui est pourtant essentiel. Dans un sondage auprès des organismes de la société civile effectué l'année dernière pour The Global Review, les répondants ont mentionné que le manque de ressources était le principal obstacle qui nuisait à l'efficacité de leur travail.
    Un troisième élément clé du programme concernant les femmes, la paix et la sécurité est la reconnaissance croissante de la légitimité des organismes dans la société civile pour ce qui est de mettre fin aux conflits armés. Les résolutions en question ont facilité une participation plus large des organismes de la société civile, en général, aux processus de paix.

  (1610)  

    Il n'y a pas que ceux qui portent des armes qui ont le droit de participer aux négociations. Nous devons veiller à ce que tous ceux qui veulent consolider la paix, qui représentent toutes les facettes de la population, y participent. Comme de nombreuses femmes qui défendent leurs droits le disent: « Aucune décision nous concernant ne sera prise sans nous. »
    Je pourrais examiner de nombreuses autres questions, mais étant donné la mission que s'est donnée notre réseau, je vais axer mes recommandations sur le plan d'action national du Canada, ou PAN-C.
    Notre première recommandation consiste à faire du plan d'action national mis à jour du Canada un élément fondamental de nos orientations. Si le Canada veut jouer un rôle de leader dans les questions touchant les femmes, la paix et la sécurité, il faudra que la conception de notre plan d'action national soit modifiée. Comme cela a été mentionné plus tôt, l'examen à mi-parcours de notre PAN-C a permis de constater que celui-ci n'avait guère influencé les orientations générales du Canada à l'égard des États fragilisés ou touchés par des conflits. Autrement dit, il faut que notre plan d'action national ne soit pas un aspect accessoire de notre approche aux conflits armés et il doit jouer dans ce domaine un rôle central et influent plus important. Nous ne pourrons retirer tous les bénéfices que peut apporter le programme concernant les femmes, la paix et la sécurité si le PAN-C demeure un élément marginal, peu connu, et pratiquement invisible des grands débats et des initiatives diplomatiques.
    Notre deuxième recommandation consiste à faire en sorte que le plan d'action national du Canada s'applique à toutes les questions touchant les femmes, la paix et la sécurité et que tous les ministères concernés participent à sa mise en oeuvre. On fait souvent référence aux quatre piliers du programme concernant les femmes, la paix et la sécurité. Il s'agit premièrement de la prévention des conflits; deuxièmement, de la participation des femmes; troisièmement, de la lutte contre la violence sexuelle associée aux conflits; et quatrièmement, de l'importance des droits des femmes dans le domaine des secours et du redressement. Il est essentiel que le PAN-C intègre ces quatre éléments et les harmonise. Cela aurait pour effet de corriger le déséquilibre constaté dans notre approche antérieure, qui avait tendance à minimiser l'importance de la prévention des conflits et de la participation des femmes.
    Vous avez entendu de nombreuses recommandations au sujet de l'ampleur des questions sur lesquelles devrait porter le PAN-C et nous vous invitons à recommander que l'on adopte une approche globale, qui tienne compte de l'interdépendance de toutes ces questions. Si l'on veut que le PAN-C aborde ces thèmes de façon efficace, il faudra assurer la participation de tous les ministères concernés. Affaires mondiales Canada, la GRC et le MDN ont participé au premier PAN-C. Nous recommandons que cette participation s'étende à Immigration, réfugiés et Citoyenneté Canada, à Sécurité publique Canada et à Condition féminine Canada.
    Nous attendons avec beaucoup d'intérêt le témoignage que fourniront la GRC et le MDN pour cette étude. Ces deux organismes affirment avoir enregistré des succès. Il serait toutefois intéressant de savoir comment la GRC répondra aux questions que soulève le traitement des femmes au sein de cet organisme ainsi que les récents rapports d'inconduites sexuelles commises par ses agents en Haïti.
    Pour ce qui est du MDN, il sera important de tenir une séance d'information publique au sujet de la directive récente du chef d'état-major qui parle d'intégrer la résolution 1325 du Conseil de sécurité et les autres résolutions pertinentes dans la planification et les opérations des Forces armées canadiennes, et aussi de prendre connaissance des mesures prises pour répondre aux questions que soulève le rapport Deschamps sur les agressions sexuelles et le harcèlement dans les Forces armées canadiennes.
    Notre troisième recommandation consiste, ce qui n'est guère surprenant, à demander que l'on fournisse des ressources suffisantes dans ce domaine. Un engagement non accompagné de financement n'est pas un véritable engagement. Le premier PAN-C n'était pas associé à un budget précis et il était difficile de calculer le montant des fonds consacrés aux initiatives touchant les femmes, la paix et la sécurité à partir des renseignements contenus dans les rapports d'étape. Nous demandons l'adoption d'une cible précise pour le financement des actions touchant les femmes, la paix et la sécurité. Le Canada devrait suivre l'exemple des Nations unies et se donner une cible de 15 % pour l'aide au développement dans les contextes fragilisés et pour que les fonds prévus pour la paix et la sécurité aient comme principal objectif l'égalité entre les sexes ou l'autonomisation des femmes. Ce genre de cible devrait également s'accompagner d'un suivi renforcé des indicateurs de l'égalité entre les sexes de façon à pouvoir suivre et évaluer ces investissements.
    Nous appuyons sans réserve les arguments présentés par les autres intervenants qui demandent que les organismes de défense des droits des femmes reçoivent un financement accru de la part du Canada. Ces organismes ont besoin d'un financement de base prévisible et généreux pour qu'ils puissent exercer leurs activités essentielles.
    Notre quatrième et dernière recommandation est de veiller à ce que le plan d'action national soit accompagné de mécanismes de responsabilisation efficaces. Les politiques, même si elles sont excellentes, exigent toujours que l'on procède à des vérifications portant sur leur mise en oeuvre. Les membres de notre réseau ont exprimé des doutes au sujet de l'utilité des rapports d'étape du PAN-C. Ils ont été régulièrement présentés en retard. Par exemple, le rapport d'étape pour 2014-2015 n'a toujours pas été publié; cela fait donc plus d'un an que nous sommes dans un autre exercice financier et que nous n'avons pas reçu ce rapport.

  (1615)  

    Les rapports se contentent bien souvent d'énumérer les activités plutôt que d'expliquer les effets des mesures prises, et bien souvent, ils ne contiennent pas de données précises au sujet des investissements et des tendances dans ce domaine. Il est, par exemple, impossible de savoir si le gouvernement y consacre aujourd'hui davantage de ressources qu'avant l'adoption du PAN-C. C'est pourquoi le prochain PAN-C devrait prévoir un cadre axé sur les résultats et des indicateurs pertinents. Des rapports contenant tous les renseignements financiers nécessaires devraient être publiés régulièrement, en respectant les délais.
    Sur une note positive, je mentionne que depuis janvier de l'année dernière, des représentants de notre réseau et d'Affaires mondiales Canada — le GTSR des Affaires mondiales — se sont réunis à trois reprises. Cela a facilité les communications et a assuré un échange de points de vue constructif. Nous souhaitons vivement que ces consultations se poursuivent. En outre, le nouveau PAN-C devrait prendre en compte des consultations approfondies effectuées tant au Canada qu'auprès de femmes vivant dans des pays touchés par des conflits.
    Pour conclure, je dirais que le moment est venu pour que le Canada joue un rôle de leader dans le domaine des femmes, de la paix et de la sécurité. Nous savons ce qu'il faut faire. Cela constitue un investissement qui va non seulement renforcer les droits de femmes, mais également améliorer la paix et la sécurité. La promesse initiale contenue dans les résolutions touchant les femmes, la paix et la sécurité constitue un bon point de départ.
    Je vais vous citer les paroles de la Dre Alaa Murabit, une médecin canadienne qui défend les droits des femmes en Libye.
    En octobre dernier, la Dre Murabit a pris la parole devant le Conseil de sécurité des Nations unies pendant le débat public sur les femmes, la paix et la sécurité. Elle a déclaré:
Lorsque le Conseil de sécurité estima impensable d'intervenir dans une situation d'urgence sans tenir compte des droits des femmes, lorsque les aides humanitaires s'accompagneront d'un financement intégral pour les services spécifiques aux femmes, lorsque les dirigeants des organismes de défense des femmes verront leur action pleinement financée et appuyée par les gouvernements; lorsqu'il sera inimaginable de tenir des pourparlers de paix sans que les femmes y participent pleinement; alors seulement nous pourrons dire que nous recueillons les fruits de la résolution 1325.
    Je vous remercie.
    Merci pour vos rapports et vos recommandations.
    Chers collègues, nous allons passer aux questions.
    Je crois que nous avons suffisamment de temps pour faire deux tours et nous allons donc commencer par M. Kent.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins pour les conseils qu'ils nous ont fournis, en particulier au sujet des prochains avatars du PAN-C. J'estime que certains de ces conseils sont tout à fait pertinents et devraient être pris en compte par le gouvernement.
    Étant donné que les Nations unies sont l'instance qui est le plus souvent responsable de la sécurité sur le terrain dans les situations de conflit, d'après-conflit et de maintien de la paix, je suis certain que vous avez été aussi troublées que moi lorsque j'ai lu le mois dernier un article du New York Times rédigé par un fonctionnaire de carrière qui travaille dans ce domaine et dans les situations d'après désastre comme Haïti. Il a longuement énuméré les motifs pour lesquels il avait décidé, après toutes ces années, de démissionner. Un des exemples les plus frappants concernait la force de maintien de la paix qui avait été déployée dans la République centrafricaine. Malgré l'avis contraire de nombreux groupes, et celui d'organismes communautaires travaillant sur le terrain, des soldats de la République démocratique du Congo et de la République du Congo ont été envoyés dans ce pays. Depuis lors, ces soldats ont, pendant près de deux ans, systématiquement maltraité et violé les femmes que les Nations unies leur avaient demandé de protéger. Un de ces groupes de maintien de la paix a été retiré de ce pays il y a quelques mois, mais l'autre s'y trouve toujours.
    Je me demande si vous attribuez ce genre de situation à un dysfonctionnement systémique au sein des opérations de maintien de la paix des Nations unies dans certaines régions du monde. Ce n'est pas un aspect nouveau, c'est le moins que l'on puisse dire, pour l'Afrique. Cela reflète-t-il le cynisme des décideurs politiques ou est-ce simplement le résultat de décisions prises par des hommes qui ne tiennent pas compte de la réalité sur le terrain? Ou sont-ce toutes ces raisons?
    La question s'adresse à vous trois.

  (1620)  

    Merci d'avoir posé cette question.
    Je sais que cet article a causé de vives réactions dans les cercles qui gravitent autour des Nations unies à New York et dans le monde entier parce que ce fonctionnaire demandait en fait que l'on appuie les Nations unies dans ses efforts de réforme. Cela me paraît doublement important à l'heure actuelle parce que le Canada s'apprête à demander à nouveau aux Nations unies de participer aux discussions générales visant à trouver le moyen de résoudre les problèmes de bureaucratie qui empêchent les Nations unies de faire tout le bien qu'elles pourraient faire.
    Pour ce qui est de votre question précise au sujet de l'exploitation et des mauvais traitements sexuels commis par les gardiens de la paix, je dirais que cela fait déjà pas mal de temps que l'on se plaint de l'incapacité des Nations unies de régler ce problème. C'est là un point pour lequel nous félicitons le gouvernement du Canada d'avoir vivement réagi à ce problème dans les instances internationales et d'avoir demandé qu'on lui accorde davantage d'attention.
    Je ne prétends pas être en mesure d'analyser en détail les origines ou les causes de ce conflit. Je pense qu'elles sont multiples, notamment l'abus de pouvoir. Elles sont également reliées à certaines des causes générales de la violence exercée contre les femmes et les filles en général, qui sont considérées comme des personnes secondaires sans grande valeur, de sorte que tous ces aspects sont également reliés au fait de porter des armes et d'exercer le pouvoir.
    Vient s'ajouter à tout cela un certain dysfonctionnement des opérations de maintien de la paix, de sa structure et de la réticence des responsables à écouter les lanceurs d'alerte dans un tel contexte.
    Cette situation très triste est regrettable et nous espérons que l'on fera davantage dans ce domaine à l'avenir.
    J'appuie tout ce que vient de dire Beth.
    S'il y a bien une chose qui ne se fait toujours pas dans le monde, c'est bien de poursuivre les auteurs de ce genre de comportement. Peu importe qu'il s'agisse de groupes armés étatiques, non étatiques ou des Nations unies, les poursuites n'avancent que très lentement. Il a fallu attendre le mois dernier pour que la première fois, un général d'armée soit poursuivi devant la CPI pour des violences sexuelles exercées pendant un conflit.
    Encore une fois, cela vient tout d'abord d'un manque de ressources accordées aux personnes qui travaillent sur le terrain et qui sont chargées de réunir initialement les preuves. Bien souvent, encore une fois, ce sont des organismes de femmes qui exercent ces activités, mais qui n'ont pas les moyens de le faire de façon appropriée ou sécuritaire. On retrouve ce manque de ressources à tous les échelons. Il faut réunir beaucoup de données pour porter des accusations devant un tribunal. Là encore, le financement de ce genre d'activités aiderait beaucoup les organismes de défense des femmes.
    Vous conviendrez certainement que cela vient également du fait que, d'après le rapport des Nations unies de l'année dernière, il y avait, je crois, moins de 4 % des membres des troupes et moins de 10 % des membres de la police dans les différentes missions de maintien de la paix des Nations unies qui étaient des femmes. Seriez-vous prête à recommander que, dans les opérations de maintien de la paix, par exemple, les troupes ou les policiers canadiens affectés à ces missions soient tenus de travailler sur le terrain avec les organismes de base, en élargissant peut-être leurs attributions, en modifiant leurs descriptions de tâches pour atteindre certains des buts dont vous avez parlé pour ce qui est d'appuyer les organismes de terrain, qui sont sous-financés, sous-équipés et qui manquent de personnel?
    Je pense qu'il faut tenir compte de chaque contexte et de chaque mission dans ce domaine, parce que les femmes qui se trouvent sur le terrain courent bien souvent un grave danger si elles ont des rapports avec les forces militaires ou s'y associent. Il faut décrire ces activités et préciser la façon de les exercer et les différents rôles accordés aux intervenants avec beaucoup de prudence.
    Il me paraît important d'augmenter le nombre des femmes qui sont membres des forces de maintien de la paix, des missions de consolidation de la paix et des services de police civils. C'est un aspect, mais il faut être vraiment très prudent au sujet des rapports qui s'établissent entre ces gardiens de la paix et les populations locales.

  (1625)  

    Merci.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Levitt.
    Tout d'abord, je vous remercie d'être venues aujourd'hui et d'avoir pris la parole devant le Comité. Vos trois interventions nous ont vraiment éclairé toute cette question.
    Je voudrais encore une fois remercier le député du NPD de nous avoir proposé ce genre d'étude.
    Pendant que je vous écoutais, j'ai constaté qu'il y avait quatre P qui me frappaient et que l'on retrouvait dans tous vos exposés: l'importance de la participation des femmes, et le renforcement de cette participation grâce à un financement suffisant, la protection des défendeurs des droits humains des femmes — je crois que les histoires de Nubia et de Berta ont bien fait ressortir la gravité des situations que l'on constate à l'échelle mondiale, la prévention de la violence sexuelle dans les zones de conflit, et enfin, à la base de tout cela, les résultats positifs en matière de paix qu'apporte une participation accrue des femmes à ce processus.
    À mon avis — et encore une fois, j'aime que les choses demeurent assez linéaires —, cela jette une vive lumière sur cette question et je vous en remercie.
    Beth, vous avez effectivement abordé cette question, mais j'aimerais aller un peu plus loin. Il s'agit des indicateurs de progrès.
    On a critiqué le PAN-C parce qu'il se prêtait mal à la présentation de ses indicateurs et de la façon dont ils peuvent mesurer les succès. L'évaluation de la mise en oeuvre du PAN-C effectuée par Inclusive Security et le rapport de décembre du réseau Femmes, paix et sécurité au sujet du plan d'action national du Canada ont tous deux signalé ce problème.
    J'aimerais vous demander quelles sont exactement les lacunes de ce plan. Compte tenu du fait que le PAN-C va bientôt être révisé, j'aimerais savoir comment nous pourrions l'améliorer; comment en renforcer l'efficacité? Comment faire en sorte que les choses aillent là où elles doivent aller et comment être sûr de travailler à partir d'une solide fondation?
    Je sais que Beth va vouloir intervenir sur cette question ,et elle a préparé à ce sujet des recommandations vraiment importantes et substantielles.
    Je dirais simplement que vous n'êtes pas le seul à aborder cette question de cette façon. Il existe au Canada un groupe d'experts incroyablement divers et compétent qui serait ravi de vous aider à formuler ces recommandations — il y a les gens qui se trouvent autour de cette table, mais il y en a beaucoup d'autres. Le réseau Femmes, paix et sécurité regroupe à lui seul quelque 50 organismes.
    À titre de recommandation générale, je vous invite à aborder cette question dans une large optique et de vous alimenter à la somme de connaissances incroyables qui se sont accumulées à la fois dans les organismes centraux et dans les organismes marginaux depuis une dizaine d'années.
    La première chose à faire est de définir ce que nous allons essayer d'obtenir au cours de la période prévue. Il faut donc commencer par les résultats et définir ensuite les indicateurs qui permettront de suivre ces résultats, plutôt que de commencer par les indicateurs. C'est un des problèmes que connaît le PAN-C actuel. Il contient un certain nombre d'indicateurs, mais il n'y a pas d'analyse des progrès réalisés, ni de la façon dont ils reflètent ce que nous essayons de faire.
    Il faut bien évidemment examiner les indicateurs et les résultats à court et à long terme. Quels sont les montants que nous accordons et comment décidons-nous de les attribuer? Un des principaux indicateurs que j'utilise est le suivant. Lorsque les femmes, la paix et la sécurité ne constituent pas le sujet de discussion principal, cet aspect est-il mentionné?
    Lorsque nous parlons de notre stratégie vis-à-vis de l'État islamique ou de nos politiques et nos priorités dans le Soudan du Sud, aborde-t-on les aspects reliés au programme concernant les femmes, la paix et la sécurité? Cela fait ressortir la façon dont nous prenons en considération cette directive essentielle qui doit encadrer et guider nos politiques.
    Je vous remercie.
    Le Canada a récemment été élu à la Commission de la condition de la femme des Nations unies. À votre avis, quel effet cela aura-t-il au cours des prochaines années sur le programme du Canada concernant les femmes, la paix et la sécurité?
    Je pense que c'est là une occasion formidable pour le Canada.
    Un des défis que pose le programme concernant les femmes, la paix et la sécurité est qu'il va falloir y ajouter certains autres instruments les droits de la personne, comme la déclaration et le programme d'action de Beijing, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et les conclusions de la Commission de la condition de la femme.
    Je pense que la participation du Canada à cette commission permettra de regrouper les instruments axés sur les droits de la personne et que cela pourra avoir une grande influence dans d'autres domaines, de sorte que, lorsque nous parlons du changement climatique, nous puissions explorer le lien qui relie la participation des femmes, les droits des femmes, le changement climatique et la sécurité. Le fait d'être membres de cette commission nous permettra de participer à ces débats et d'apprendre grâce à l'expérience acquise par d'autres pays.

  (1630)  

    J'aimerais ajouter que cela est fantastique. Vous recevez les vives félicitations de toutes celles qui sont ici, et je peux vous dire que la société civile vous appuie entièrement.
    L'intérêt, d'après moi, est que nous aurons la possibilité d'exercer une influence sur toutes ces questions fort complexes et d'être influencés par elles. Nous allons participer à ces travaux et nous parlerons du statut de la femme, mais dans le contexte du programme concernant les femmes, la paix et la sécurité. Pour le reste, le Canada sera amené à parler en 2016 du rôle de leader qu'il joue dans le domaine du droit des femmes, en particulier dans les discussions de haut niveau, cette tribune lui donnera la possibilité de faire des droits des femmes une priorité stratégique.
    Il se fait, et peut se faire, énormément de choses dans ce domaine qui peuvent s'inscrire dans le programme concernant les femmes, la paix et la sécurité. Nous avons des programmes qui touchent la question de la santé des mères et des enfants, ainsi que des programmes plus restreints, mais très solides concernant le mariage forcé et la mutilation génitale féminine. Toutes ces questions d'actualité sont d'une importance mondiale et elles peuvent toutes s'inscrire dans la priorité stratégique plus large des droits des femmes, aspect sur lequel l'action du gouvernement peut avoir un effet considérable.
    Merci.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Laverdière.

[Français]

    Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Ces trois présentations regroupaient certains thèmes essentiels associés à la participation des femmes. J'ai trouvé que le thème du financement, notamment, était fort intéressant.
     De petites organisations en Saskatchewan ou en Alberta trouvent très difficile le fait que, selon la politique canadienne actuelle, on procède par appel d'offres ou par l'entremise de processus très complexes. Cela leur rend la vie difficile et rend problématique l'accès à des fonds. J'image par conséquent que, pour une petite organisation de femmes de la Guinée-Bissau, la situation ne doit vraiment pas être facile. Pour ma part, je crois que la question du financement de base doit être scrutée.
    Je n'aime pas beaucoup parler de mon expérience personnelle, mais il reste que j'ai passé 15 ans au ministère des Affaires étrangères, où j'ai vraiment découvert le Réseau Femmes, paix et sécurité. J'étais alors responsable du développement des politiques en matière de sécurité humaine. Cela faisait partie de nos politiques.
    Vous dites que cela ne fait pas vraiment partie de la direction politique centrale. Or je me demande si quelque chose peut être fait pour que l'efficacité de la participation des femmes aux processus de paix soit mieux connue, qu'on en parle davantage, dans le cadre de nos représentations, de nos missions à l'étranger. Pour ce qui est de la mission en Afghanistan, on fait rapport régulièrement parce que, dans le cas de cette mission, les gens sont intéressés au dossier, mais dans d'autres missions, il n'en va pas de même.
    Des mesures concrètes peuvent-elles être prises pour que ce message circule au sein de toute l'organisation, au ministère des Affaires mondiales, au ministère de la Défense nationale ou ailleurs?

[Traduction]

    Pour ce qui est de la façon de faire comprendre qu'il s'agit là d'un message clé, il me paraît important que les ministres en parlent. Je sais qu'il existe quelque chose comme les annonces télévisées concernant les politiques. Cela n'a pas été fait pour le PAN-C précédent. Une bonne partie des gens interrogés pour l'examen d'étape n'avaient jamais entendu parler de cette politique et ils ne savaient pas que leur ministère l'avait adoptée.
    Nous devons également améliorer les séances d'information sur les documents de base. Nous devons veiller à ce que ce message soit associé à la question plus large de la sécurité et nous ne devons pas nous contenter de dire: « Eh bien, voilà notre approche en matière de sécurité et en passant, il y a également cette politique sur les femmes, la paix et la sécurité ». Il faut trouver le moyen d'introduire cette dimension dans les grands débats, ce qui n'est pas facile, parce que le secteur de la sécurité est toujours très réticent à recevoir ce genre de message. Si nous voulons que ce message soit transmis à tous les secteurs du ministère, il faudra que nous travaillions tous ensemble pour y parvenir. Nous pouvons essayer de présenter ce message de l'extérieur, mais je crois qu'il faut qu'il soit présenté par de nombreuses sources différentes.

  (1635)  

    De plus, comme je l'ai mentionné, il me paraît important qu'il y ait des défenseurs de ces droits dans les hautes instances des ministères. À l'heure actuelle, au sein de l'AFC, il n'y a qu'une seule personne à temps plein, chargée des femmes, de la paix et de la sécurité. Cela est insuffisant.
    Une stratégie pourrait consister à accompagner le PAN-C d'un guide de mise en oeuvre. C'est ce qu'a fait, par exemple, la Norvège. Ce pays a également mis sur pied un fonds pour les femmes, la paix et la sécurité. C'est en fait le seul fonds au monde consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité. On trouve d'excellents exemples dans d'autres pays, des exemples sur lesquels nous pouvons réfléchir, qui peuvent nous enseigner certaines choses et que nous pourrions intégrer à une stratégie globale applicable à l'ensemble du gouvernement.
    Un dernier mot sur ce sujet; il existait un programme qui a disparu, ce sont les fonds d'initiatives locaux. C'est un outil très efficace pour financer les organismes de base, mais c'est également un moyen extrêmement utile pour envoyer les diplomates sur le terrain. Il est également démontré que cela constitue une excellente stratégie de communication.

[Français]

     Oui, je me souviens bien du Fonds canadien d’initiatives locales, le FCIL. D'ailleurs, j'ai également eu le réflexe de penser à ce fonds pour le financement de ces groupes.
    J'aimerais poser une question sur la Syrie. Comme on le sait, des femmes représentantes agissent à titre de conseillères, mais cela demeure tout de même marginal. Sauf erreur, elles ne sont pas à la table centrale lorsque de vraies négociations se tiennent.
    Y a-t-il moyen de faire quelque chose maintenant, à cet égard? Le Canada peut-il favoriser une plus grande participation des femmes au sein de ce processus de paix?

[Traduction]

    Oui, bien sûr il y a cela.
    Oui, c'est vrai. Stéphane, le ministre, a créé un organisme consultatif. Cet organisme consultatif est composé de divers groupes de femmes représentant des opinions très différentes, qui vont d'opinions favorables à Assad à celles qui s'y opposent complètement. Le problème, là encore, vient du fait que l'on s'attend à ce que toutes les femmes aient la même opinion sur l'avenir de leur pays, ce qui n'est pas le cas. Il a été très difficile pour elles de se faire entendre clairement sur ce conflit parce qu'elles doivent parler d'une seule voix. C'est là une obligation qui devrait être supprimée pour cet organisme consultatif.
    Bien entendu, cet organe consultatif n'était pas le type d'instance qu'avaient choisi les femmes. C'est la seule chose que les responsables étaient disposés à leur accorder, de sorte que les femmes sont toujours en train de demander de participer aux discussions à nombre égal et d'avoir leur propre groupe.
    Encore une fois, il faut soit travailler avec les organismes internationaux de défense des femmes ou directement avec les groupes de femmes qui existent au Canada et s'efforcer de déterminer ce qu'elles souhaitent, ce qui doit être, d'après elles, l'avenir de leur pays et comment elles peuvent le concrétiser, et je crois que c'est là un moyen clé pour appuyer ces femmes.
    Comme je le souligne toujours, les négociations et la diplomatie à huis clos sont bien sûr nécessaires, mais à un moment donné, il faut intervenir publiquement. Il faut vraiment prendre la parole publiquement pour montrer qu'il y a un leadership. Je pense que c'est là que le Canada peut faire davantage au plus haut niveau.

  (1640)  

    Merci.
    Monsieur Saini.
    Bonjour. Je vous remercie de nous avoir présenté des témoignages particulièrement frappants. Je suis heureux que vous ayez pris le temps de venir aujourd'hui.
    Il y a un certain nombre de thèmes que l'on retrouve dans toutes vos interventions. L'un est, bien évidemment, la violence de nature sexuelle et l'autre est le rôle marginal attribué aux femmes.
    Si nous voulons parler de façon un peu plus concrète, nous pourrions peut-être aborder la prévention. Quel est, d'après vous, le rôle que doivent jouer les femmes en matière de prévention? Vous avez également dit que la justice faisait partie de cette question, alors qu'elle ne joue qu'un rôle marginal dans ce domaine. Sur un plan plus personnel, vous avez demandé, en parlant du contexte dans lequel le viol est une arme de guerre qui entraîne des grossesses, où se situait l'aspect santé dans tout cela?
    Ma question est double. Avez-vous un conseil ou une solution susceptible de s'appliquer sur le terrain et que pensez-vous que le Canada devrait faire pour appuyer une telle mesure?
    Pour répondre à la première partie de votre question, je peux vous dire, ce qui me soulage, que c'est que ce n'est pas à nous de mettre au point des solutions. Nous sommes toutes profondément convaincues que, si l'on donne aux personnes sur le terrain les moyens de faire bouger les choses, de créer des services et de comprendre les façons dont on peut nuancer les solutions pour qu'elles s'appliquent efficacement dans leur culture et dans leur contexte, à ce moment-là, à ce moment politique et lorsqu'elles bénéficient d'un appui approprié, toutes ces personnes peuvent trouver des solutions novatrices et particulièrement créatrices. Nous l'avons constaté. Nous savons que des mouvements dynamiques peuvent déplacer des montagnes.
    Je ne veux pas simplifier votre question, mais plutôt que de vous proposer toute une série de solutions complexes, je crois qu'une des meilleures choses à faire est d'appuyer solidement et avec constance les organismes de femmes qui travaillent sur le terrain. Un tel appui leur fournit de nombreux moyens qu'elles n'auraient pas autrement.
    Elles font des choses actuellement et elles sont extrêmement résilientes. Ce sont des organismes qui disposent d'un budget de 12 000 $ et qui obtiennent des résultats. C'est en réalité tout à fait exceptionnel. Si ces organismes bénéficiaient d'un financement permanent, nous pensons qu'ils pourraient faire beaucoup plus.
    Pour ce qui est de la violence sexuelle, je dirais que nous avons souvent constaté que la plus grande partie des fonds consacrés à cette question étaient accordés bilatéralement à d'autres gouvernements. Peu importe qu'il s'agisse du Canada ou de la RDC, les femmes sont très réticentes à se rendre au poste de police local pour rapporter ce qui leur est arrivé, pour ensuite, aller voir un avocat, et ensuite se rendre dans une clinique, et ensuite... Ce n'est pas la bonne façon de faire.
    Les organismes de femmes comme celle qu'a mentionnée Jess... Julienne Lusenge a mis sur pied un guichet unique dans une région de la superficie de l'Espagne. Les femmes marchent pendant des journées pour arriver à ce guichet, où elles reçoivent des soins médicaux et un soutien psychosocial. Elles acquièrent des aptitudes pour recommencer leur vie, parce que la plupart d'entre elles ne peuvent pas retourner dans leur village. Il faut qu'elles trouvent d'autres façons de gagner leur vie, d'obtenir un revenu, par exemple. Il y a des techniciens judiciaires qui les aident à porter leurs dossiers devant les tribunaux. Elles travaillent avec les collectivités pour essayer de réparer le tissu social qui a été complètement détruit par le recours au viol, considéré comme une arme de guerre. C'est également la bonne pratique, la norme d'excellence, ici en Amérique du Nord, un guichet unique où les victimes peuvent avoir accès à tous les services dont elles ont besoin.
    Mais encore une fois, c'est un investissement énorme.
    Rapidement, un des thèmes que l'on retrouve dans les trois examens qui ont été effectués l'année dernière par les Nations unies était que la communauté internationale n'avait pas suffisamment investi dans la prévention des conflits. Certaines bonnes pratiques concernant la façon de mettre fin aux guerres avant qu'elles ne deviennent vraiment violentes proviennent de nos petites initiatives locales.
    Une de ces initiatives, en particulier, suscite beaucoup d'attention; il s'agit des femmes médiatrices du Burundi. Elles ont reçu une formation en technique de résolution des conflits au niveau local. Je pense qu'il y a environ 500 femmes qui ont reçu cette formation et elles résolvent des problèmes comme les litiges concernant les biens au niveau de la collectivité et toutes sortes d'autres choses. Les gens disent que c'est là une façon extrêmement efficace de réduire les tensions avant qu'elles ne s'aggravent et que c'est une façon d'essayer de renforcer le tissu social, un aspect très important pour la prévention des conflits.
    Je pense que si nous examinions certaines initiatives que l'on néglige bien souvent... Il est en effet très difficile de mesurer un conflit qui ne s'est pas produit. Cela est très difficile, mais c'est le genre d'initiative que nous devons financer et qui porte sur la prévention.

  (1645)  

    Je crois que nous allons terminer ici, chers collègues, pour respecter l'horaire.
    J'invite nos témoins à penser à un sujet auquel nous n'avons pas consacré beaucoup de temps, et qui, je crois, alimente ce processus de proposition limitée que l'on constate de façon générale au niveau des gouvernements. Au nom du Comité, j'aimerais beaucoup parler davantage de toute la question des mécanismes de responsabilisation.
    J'estime personnellement que les gouvernements ont laissé de côté le financement de base parce qu'ils semblent penser qu'ils ne sont pas capables de créer des mécanismes de responsabilisation appropriés. C'est, je crois, l'aspect clé de certaines questions auxquelles vous avez fait allusion, à savoir que, si nous revenons au financement de base, ce qui me paraît être une excellente idée, nous allons créer un mécanisme de responsabilisation qui fonctionne bien.
    Nous disposons aujourd'hui d'un temps limité et nous n'avons pas vraiment abordé cette question, mais c'est un aspect très important des changements qui pourraient intervenir au sein du gouvernement — si ce processus est effectivement destiné à changer. Je vous invite vraiment à nous indiquer par écrit comment vous voyez cet aspect. Je sais que Beth en a parlé rapidement dans son exposé, mais nous n'avons pas vraiment eu de discussion à ce sujet. Il me semblerait utile que le Comité dispose de vos commentaires sur ce point.
    Au nom du Comité, je vous remercie. Vos témoignages ont été fort utiles et je suis favorable à l'idée que le Comité fasse ce genre de choses de façon régulière pour mieux faire connaître cette situation. Parce qu'en effet, la seule façon d'attirer l'attention de la population sur ce sujet est d'en parler constamment et c'est le rôle des députés, en particulier dans des domaines comme celui-ci.
    Je tiens donc à vous remercier. Au nom du Comité, j'espère que nous allons vous revoir. Merci.
    Chers collègues, nous allons faire une pause de cinq minutes et nous entendrons ensuite l'intervenant suivant.
    Je serais ravie de comparaître à nouveau devant le Comité.

    


    

  (1650)  

    Chers collègues, reprenons. J'aimerais inviter M. Thomson et M. Fairbairn à prendre place à la table.
    Nous accueillons M. Fairbairn d'Inter Pares et M. Thomson de KAIROS.
    Avant d'entendre leurs exposés, je demande aux membres du Comité s'ils consentent tous à ce que soit distribué l'exposé de M. Fairbairn. Il n'est qu'en anglais. Avec votre permission, nous allons le distribuer à tous les membres.
    Des députés: D'accord.
    Le président: Vous allez tous recevoir une copie.
    Pour le compte rendu, pourriez-vous vous présenter ainsi que les organismes que vous représentez. Nous passerons ensuite directement aux exposés.

  (1655)  

    Bonjour, je m'appelle Bill Fairbairn et je suis gestionnaire de programme pour Inter Pares.
    Bonjour, je m'appelle Ian Thomson. Je suis le coordonnateur des partenariats pour l'Afrique pour KAIROS, les initiatives canadiennes en matière de justice œcuménique.
    Monsieur Fairbairn, vous avez la parole.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, je vous remercie de m'offrir la possibilité de parler d'un sujet qui est très important pour mon organisme, Inter Pares.
    Nous sommes un organisme féministe de justice sociale qui se consacre à l'autonomisation des personnes au Canada et dans le monde entier, pour qu'elles prennent en main leur propre développement. Nous avons établi depuis longtemps des partenariats avec des organismes locaux en Amérique latine, en Asie et en Afrique et au Canada. Nous avons reçu l'appui d'Affaires mondiales Canada et de ses prédécesseurs, l'ACDI et le MAECD, depuis plus de 30 ans.
    Depuis notre création il y a quelque 40 ans, nous avons parrainé de nombreux échanges sud-sud avec des femmes sur les questions touchant la paix et la sécurité. Nous avons organisé des tables rondes sur la question de la violence sexuelle dans les pays en conflit ou dans les situations d'après-conflit. Nous avons appuyé le principe et la mise en oeuvre de la participation des femmes aux processus de paix ainsi qu'à la prise de décisions politiques dans des pays comme la Birmanie, le Guatemala, le Soudan et la Colombie.
    Au sein d'Inter Pares, j'exerce des fonctions en matière de programmes pour l'Amérique du Sud, une région dans laquelle la violence sexuelle contre les femmes et les filles a été utilisée comme arme de guerre, chose qui est bien triste. La plupart des conflits armés de la région sont terminés, mais le niveau de violence en général et celui de la violence exercée contre les femmes, en particulier, sont toujours extrêmement élevés. En fait, le fémicide, le crime qui consiste à tuer les femmes en raison de leur sexe, est la principale cause de décès de nos jours chez les jeunes femmes dans des pays comme le Salvador, le Honduras et le Guatemala.
    J'aimerais aujourd'hui vous parler de certains aspects nouveaux de la région qui font ressortir l'importance de renforcer le soutien accordé au programme concernant les femmes, la paix et la sécurité, et à partir de là, vous présenter cinq recommandations.
    Il y a environ un mois et demi, j'assistais à un procès devant la Cour suprême du Guatemala et j'ai rencontré une nouvelle fois un groupe de femmes autochtones Maya Kekchi qui venaient de la région de Sepur Zarco. Ces femmes courageuses écrivaient l'histoire parce qu'elles étaient les plaignantes dans ce qui constituait à la fois le premier procès pénal pour violence sexuelle commise au cours du conflit armé qui a sévi au Guatemala ainsi que la toute première affaire d'esclavage sexuel à être entendue par une juridiction nationale.
    Sepur Zarco est une petite communauté rurale dans la vallée du Polochic située dans le nord-est du Guatemala. Au début des années 1980, le gouvernement militaire a établi un avant-poste dans cette région, à la demande des propriétaires fonciers locaux. Après avoir violemment fait disparaître 15 hommes de la région qui luttaient pour obtenir leurs titres de propriété sur leurs terres, les soldats affectés à cette base se sont rendus dans les collectivités où vivaient ces hommes. Ils ont alors incendié les maisons et les récoltes. Ils ont volé les quelques biens qui s'y trouvaient et avant de partir, ils ont violé les épouses des hommes qu'ils avaient enlevées et ils ont par la suite obligé ces femmes à vivre dans des cabanes tout à côté de la base militaire de Sepur Zarco.
    Au cours des années qui ont suivi, ces femmes ont été détenues comme des esclaves et étaient obligées de venir par roulement à la base. Elles devaient laver les vêtements des soldats, leur fournir de la nourriture, même si leurs propres enfants mouraient de faim, et elles devaient cuisinier pour eux. Elles étaient régulièrement violées.
    Le système juridique guatémaltèque a traditionnellement exclu les femmes autochtones et les a victimisées à nouveau. Cet aspect combiné à la honte ressentie et aux traumatismes subis explique que ces femmes n'aient jamais exercé de recours juridique. Pendant plus de 25 ans, elles n'ont pas parlé de ce qui leur était arrivé. Mais très lentement, il y a un peu plus d'une dizaine d'années, et avec l'appui d'organismes populaires de défense des femmes qui sont depuis longtemps des partenaires d'Inter Pares, ces femmes ont entamé leur long voyage vers la justice.
    En février dernier, il y a quelques semaines seulement, après des décennies d'impunité, deux accusés, des anciens militaires, ont été déclarés coupables de crimes de guerre et ont reçu des peines s'élevant à 360 années d'emprisonnement. Les hommes qui ont été condamnés dans cette affaire ne représentent que la pointe de l'iceberg, mais ce verdict est extrêmement important. Il représente non seulement un énorme progrès pour que justice soit rendue aux femmes mais il sert également à favoriser la transformation à long terme des comportements sociaux, de sorte que, ce qui était à une certaine époque considéré comme acceptable ou même recherché, est devenu inacceptable et répugnant.
    Si l'horaire le permettait, je pourrais vous donner d'autres exemples d'étapes importantes semblables, qui ont été franchies grâce à la persistance et au courage des victimes et aux organismes de base de défense des femmes qui les appuient.

  (1700)  

    Le Canada a fourni de l'aide au développement et dans certains cas, un appui diplomatique. Dans le cas de Sepur Zarco, l'ambassadeur du Canada a assisté publiquement à l'ouverture du procès. Le gouvernement canadien a contribué à ces résultats, mais il y a lieu de préciser que ces réussites n'auraient pas été possibles sans l'accompagnement à long terme qu'ont fourni à ces femmes les organismes de base de défense des femmes.
    Le Canada a été un leader dans la promotion internationale des droits de la femme, même si nous avons perdu un peu de terrain dans ce domaine ces dernières années. L'annonce de l'élection du Canada à l'organe de gouvernance de la Commission de la condition de la femme des Nations unies, comme nous l'avons entendu dire il y a un instant, est un événement très positif. Cela veut dire également qu'avec un rôle d'aussi haute visibilité, il nous appartient plus que jamais de joindre le geste à la parole. Nous pouvons faire beaucoup.
    Premièrement, il est évident que, sans la participation et les conseils des femmes, il n'est pas possible d'en arriver à une paix durable. Si nous voulons favoriser la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies au sujet des femmes, de la paix et de la sécurité, nous devons écouter les voix des femmes qui se font entendre sur le terrain et qui connaissent de première main les conflits et nous devons également les respecter et les appuyer. Cela peut se faire en collaborant avec les organismes de défense des femmes qui travaillent dans les pays où nous sommes présents. Comme nous l'a déclaré une de nos partenaires en Birmanie, et Beth a mentionné les mêmes partenaires, « Aucune décision nous concernant ne sera prise sans nous ».
    Deuxièmement, il est essentiel d'assurer un financement de base prévisible, stable et à long terme des organismes de femmes de terrain si l'on veut qu'elles acquièrent des capacités qui leur permettront d'obliger les gouvernements à rendre des comptes. Ce n'est pas quelque chose qui se fait rapidement.
    La structure de financement adoptée par le Canada a été profondément modifiée ces dernières années. Je doute que les organismes qui s'occupent des affaires que j'ai mentionnées auraient aujourd'hui accès au même niveau d'appui de la part de notre gouvernement. La direction des partenariats permettait auparavant à Inter Pares et à des organismes canadiens de la société civile de répondre aux besoins définis par nos partenaires sur le terrain. Le cadre actuel, qui privilégie un financement aléatoire au moyen d'appels de proposition périodiques, axés sur des thèmes choisis au préalable par le gouvernement canadien, est tout simplement inapproprié.
    Affaires mondiales Canada doit augmenter les fonds affectés à ce domaine pour financer les initiatives adaptées, globales, à long terme et de base qui favorisent activement la participation des femmes.
    Troisièmement, nous avons constaté ces dernières années un changement qui a consisté à cesser de défendre tout l'éventail des droits des femmes pour se concentrer de façon beaucoup plus limitée sur l'appui accordé aux femmes en tant que mères. Cet appui a encore été restreint, si l'on exclut les droits de reproduction et sexuels des femmes.
    La résolution 2122 du Conseil de sécurité de l'ONU, à laquelle une de mes collègues a fait référence il y a un instant, contient des directives importantes à ce sujet, en particulier, la nécessité d'accorder aux femmes touchées par les conflits armés et les situations d'après-conflit d'avoir accès à toute la gamme des services de santé sexuelle et de reproduction sans aucune discrimination, y compris pour ce qui est des grossesses consécutives à des viols.
    Quatrièmement, et là je pense ici en particulier à la situation en Colombie, il est essentiel que les femmes jouent un rôle actif dans le processus de paix officiel et dans le suivi de la mise en oeuvre des accords conclus.
    Les femmes sont encore gravement sous-représentées à la table de négociation principale dans le processus actuel qui réunit le gouvernement colombien et les FARC. Ce processus démarre en ce moment avec l'Armée de libération nationale, l'ALN, comme cela a été annoncé ces derniers jours, et cela risquerait d'améliorer la situation. Nous ne savons pas encore ce qui en ressortira. À la suite de la mobilisation des femmes, de leur défense acharnée de leurs droits et de l'appui international dont elles bénéficient, les deux côtés des négociations ne peuvent plus laisser de côté leurs préoccupations.
    Il est essentiel que des pays comme le Canada continuent à exercer des pressions sur tous les acteurs pour veiller à ce que les propositions présentées par les femmes se concrétisent par des politiques qui favorisent une paix durable grâce à l'égalité des sexes et l'autonomisation de toutes les filles et femmes et que l'on retrouve l'égalité des sexes dans les comités chargés de la mise en oeuvre éventuelle des accords, en particulier pour ce qui est des femmes autochtones et d'origine africaine.
    En Colombie, notre principal partenaire, Project Counselling Service, a facilité les échanges avec les femmes qui ont participé aux processus de paix en Amérique centrale. Un de leurs principaux messages était que la signature éventuelle d'accords de paix n'a pas nécessairement pour effet de mettre fin aux conflits.
    Bien trop souvent, lorsque des accords de paix officiels sont signés, l'appui international se déplace vers un autre pays ou est principalement affecté aux grandes entités gouvernementales, ce qui laisse de côté les organismes communautaires qui ont rendu ces processus possibles. C'est l'exclusion constante des peuples marginalisés qui a finalement créé la situation dont a découlé le conflit.

  (1705)  

    Par conséquent, il est essentiel de continuer à appuyer les organismes communautaires de défense des femmes pour renforcer une démocratie participative et inclusive dans les scénarios d'après-conflit.
    Enfin, il est essentiel d'examiner de plus près la prévention des conflits et de lutter contre les causes qui sont à l'origine des conflits. Au cours des réunions que j'ai eues ces dernières années avec les femmes de Sepur Zarco et les organismes qui les ont appuyées, et au cours de nombreuses conversations, j'ai été frappé par leurs commentaires au sujet de la situation des femmes mayas au Guatemala. Les communautés mayas du Guatemala sont très semblables à celles qui existaient avant et pendant le conflit armé.
    Peu de choses ont changé pour ce qui est du racisme profond, de la pauvreté et de l'exploitation des peuples autochtones. La propriété foncière, qui était à l'origine de l'affaire de Sepur Zarco, demeure très inégalitaire. Deux pour cent de la population est propriétaire de 57 % des terres de ce pays et au Guatemala, 3 % des terres sont réparties entre près de la moitié de la population.
    Nous constatons aujourd'hui la remilitarisation de la sécurité des citoyens, y compris les déclarations d'état d'urgence, la persécution judiciaire des leaders communautaires, et encore une fois, la création de bases militaires sur les territoires des communautés autochtones où existe un contentieux foncier. Il s'agit aujourd'hui d'appuyer de grands projets d'exploitation des ressources, en particulier des projets miniers et hydroélectriques.
    Aujourd'hui, un autre groupe de femmes mayas Kekchi, 40 ans plus jeunes que les autres, mais qui viennent de la même région et qui ont la même origine ethnique que les femmes de Sepur Zarco, sont demanderesses dans une affaire portée devant les tribunaux canadiens qui concerne des viols collectifs commis par des membres des forces de sécurité privée, employés par une société minière canadienne, ainsi que contre des soldats et des policiers guatémaltèques. Tout ceci s'est produit au cours de l'expulsion forcée des familles de leurs fermes et de leurs maisons dans la communauté isolée de Lote Ocho.
    Le Canada a déjà été reconnu pour le rôle qu'il exerçait dans l'établissement de la paix et la promotion des droits de la personne, mais au cours de mon voyage, j'ai entendu s'exprimer de plus en plus de préoccupations concernant les agissements d'un certain nombre de nos compagnies minières et exprimer des doutes au sujet de la volonté du gouvernement canadien d'exiger un consentement libre, préalable et éclairé.
    Inter Pares et nos associés possèdent une expérience très riche qui touche le sujet de cette étude, mais pour conclure et résumer, notre principale recommandation est que le Canada se mette à l'écoute des femmes de terrain qui sont directement touchées par le conflit, qu'il fournisse un financement stable et à long terme aux organismes de femmes aussi bien avant que pendant et après les conflits, qu'il favorise l'accès à toute la gamme de services de santé sexuelle et visant la reproduction, qu'il insiste pour que les femmes participent aux négociations relatives aux processus de paix et qu'il finance la prévention des conflits et lutte contre les causes à l'origine de ces derniers.
    Je vous remercie de votre attention. Je serais heureux de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Fairbairn.
    Nous allons maintenant passer à M. Thomson.
    Merci, monsieur le président.
    Au nom de KAIROS, permettez-moi de commencer par vous remercier de m'avoir donné la possibilité de m'adresser au Comité dans le cadre de son étude sur les femmes, la paix et la sécurité. Je suis ravi d'être ici avec vous aujourd'hui.
    KAIROS est une organisation oecuménique nationale qui travaille avec des partenaires aussi bien au Canada que dans les autres pays pour faire respecter les droits de la personne et la justice écologique. Nous regroupons 11 organismes religieux et églises nationales qui représentent huit dénominations chrétiennes.
    KAIROS exerce toutes ces activités en vue de renforcer la justice entre les sexes, et pour cet organisme, la justice entre les sexes exige une égalité et une équité parfaites entre les femmes, les filles, les hommes et les garçons, dans leurs diverses identités et dans toutes les sphères de la vie. KAIROS a pour mission de travailler pour un monde plus juste dans lequel le pouvoir et les responsabilités sont partagés également entre tous et d'appuyer les personnes et les individus qui travaillent pour transformer les relations de pouvoir et mettre fin aux injustices historiques.
    KAIROS et nos partenaires de la société civile mondiale ont une longue histoire de collaboration sur la question des femmes, de la paix et de la sécurité ainsi que sur celle des droits de la personne dans les pays où les conflits se prolongent.
    Avec ces partenaires, KAIROS a mis sur pied notre programme des femmes de courage. Cette initiative se fonde sur l'idée que, si les femmes font face à de nombreuses injustices dans le monde, elles sont également les principaux agents de changement et catalyseurs lorsqu'elles exercent des activités axées sur la protection des droits de la personne et la consolidation de la paix. KAIROS travaille avec des organismes partenaires en Colombie, en République démocratique du Congo, dans la Cisjordanie en Israël-Palestine, aux Philippines et au Soudan du Sud de façon à répondre aux besoins des femmes dans leurs contextes locaux. De plus, KAIROS s'efforce de construire des relations de solidarité avec les Canadiennes, qui sont opprimées en raison de leur sexe, en particulier les migrantes et les femmes autochtones.
    Nos programmes de femmes de courage comportent plusieurs volets.
    Il comprend un volet counseling et appui psychosocial destiné aux femmes victimes de violation des droits de la personne et qui ont survécu à la violence sexuelle, ainsi qu'un appui juridique pour améliorer l'accès à la justice et aux réparations; il prévoit également des ateliers de formation et de renforcement des capacités pour les organismes de défense des femmes ainsi que pour les femmes qui défendent les droits de la personne dans le but de les aider à utiliser les résolutions et les cadres internationaux et nationaux législatifs pour protéger les droits de la personne des femmes dans le contexte des conflits militarisés et pour favoriser la participation des femmes aux processus d'établissement de la paix.
    Le programme prévoit également des campagnes d'éducation de base portant sur des choses comme les femmes, la paix et la sécurité, la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que les autres résolutions, dans le but de sensibiliser davantage les femmes et tous les membres de la société à ces aspects. Enfin, il prévoit des échanges internationaux entre les organismes de défense des femmes et les défendeurs des droits de la personne dans le but de favoriser la communication des expériences et des bonnes pratiques de façon à faciliter l'élaboration de recommandations et de stratégies conjointes.
    Par exemple, en Colombie dans le cadre du processus de paix actuel et les droits des victimes, KAIROS et notre partenaire, l'Organización Femenina Popular, appuient des demandes de réparations collectives et individuelles pour les victimes de violation des droits de la personne et de violence fondée sur le sexe, ainsi que les comités de victimes au sein desquels les femmes ont accès à un appui et à une représentation juridiques pour intenter des poursuites dans les cas d'agression et de violence.
    Au Soudan du Sud, KAIROS travaille avec le programme national des femmes du South Sudan Council of Churches pour amener les femmes à dépasser les clivages tribaux pour qu'elles fassent localement la promotion de la paix, tout en acquérant une compréhension des cadres internationaux touchant le rôle des femmes dans la consolidation de la paix, y compris la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies.
    Historiquement, les femmes ont été au premier rang des mouvements pour la paix et les droits de la personne, mais les processus de consolidation de la paix sont souvent dominés par les hommes et leurs points de vue. Entre 1992 et 2011, 2 % seulement des médiateurs en chef et 9 % des négociateurs participant aux processus de paix étaient des femmes.
    Parallèlement, des études ont démontré que les processus de paix auxquels participent les femmes sont non seulement plus équitables et inclusifs, mais également plus durables. Ce sont là des raisons convaincantes pour appuyer la participation des organismes de défense des femmes de la société civile ainsi que celle des femmes qui défendent les droits de la personne dans les processus de paix et dans l'assistance après conflit: équité, inclusion, justice, durabilité et efficacité du processus.
    La première recommandation que nous souhaitons faire au Comité serait que le gouvernement du Canada appuie davantage financièrement les organismes de défense des droits des femmes ainsi que les organismes de base de la société civile dans leurs efforts de consolidation de la paix dans les États touchés par les conflits et les États fragilisés.

  (1710)  

    KAIROS appuie la recommandation que vous a présentée le réseau Femmes, paix et sécurité — vous avez entendu des représentants de cet organisme il y a un instant — qui proposait une cible de 15 % pour l'appui accordé dans un contexte de conflit et d'établissement de la paix destinée aux programmes dont le principal objectif est l'autonomisation des femmes ou l'égalité des sexes.
    Nous sommes très encouragés par les observations qu'a présentées le Canada devant le Conseil de sécurité des Nations unies au mois de mars dans lesquels il reconnaissait l'importance critique d'appuyer la participation des organismes locaux de femmes à l'établissement de la paix. Par contre, ces dernières années, le gouvernement du Canada a accordé son aide publique au développement à de grandes organisations multilatérales comme les agences des Nations unies et la Banque mondiale, et moins aux partenariats conclus avec des organismes de la société civile, tant au Canada que dans le monde entier.
    Dans certains cas, cela peut être logique, notamment lorsque l'appui accordé par le Canada s'accompagne de contributions provenant d'autres donateurs, mais l'expérience acquise en matière de consolidation de la paix démontre que la paix ne peut durer que si l'on appuie tous les aspects du programme concernant les femmes, la paix et la sécurité à tous les niveaux. J'aimerais vous fournir un exemple.
    En février, je me trouvais en République démocratique du Congo. KAIROS et notre partenaire congolais en matière de droits de la personne, les Héritiers de la Justice, a créé une clinique juridique qui fournit du counseling et un soutien juridique aux victimes de violence sexuelle. Des techniciens judiciaires et des spécialistes des droits des femmes de la clinique tiennent des ateliers de formation sur le droit interne, sur les instruments internationaux concernant les droits de la personne ainsi que sur la résolution 1325 du Conseil de sécurité des NU pour que ces femmes puissent défendre leurs droits et participer à la consolidation de la paix. Grâce à l'appui des Héritiers de la Justice, des comités locaux de femmes ont été créés dans les villes et les villages dans le but d'aider les femmes à s'entraider et surtout à rompre le mur du silence qui entoure la violence sexuelle.
    En 2013, le gouvernement du Canada a fait un investissement important de 18 millions de dollars par l'intermédiaire du Programme de développement des Nations unies pour lutter contre l'impunité dont bénéficie la violence sexuelle au Congo. Grâce à ce projet, des tribunaux itinérants ont été mis sur pied et ils se sont rendus dans des régions rurales isolées de l'est du Congo pour faciliter l'accès à la justice. La création d'institutions de ce genre est essentielle, mais il faut qu'au niveau local, les femmes y participent et aient confiance dans celles-ci. Si l'on ne consacre pas des fonds aux ateliers locaux de renforcement des capacités donnés par des organismes de terrain, la mission du Canada qui consiste à mettre fin à l'impunité grâce à ce projet multilatéral plus vaste ne pourra vraiment se concrétiser. À notre avis, il n'est pas nécessaire de choisir entre ces deux scénarios. Pour que la consolidation de la paix et que l'autonomisation des femmes soient véritablement durables, il faut que les initiatives régionales et nationales qui viennent d'en haut s'accompagnent d'initiatives locales émanant de la société civile.
    KAIROS avait déjà prévu en 2009 d'agrandir cette clinique juridique au Congo. À l'époque, nous avions demandé à l'Agence canadienne du développement international d'établir un partenariat avec KAIROS pour ce travail au Congo et dans d'autres États touchés par des conflits. Comme bon nombre d'entre vous s'en souviennent, la proposition de KAIROS n'a pas été approuvée, malgré la recommandation du président de l'ACDI.
    En janvier de cette année, KAIROS a présenté une nouvelle proposition à Affaires mondiales Canada pour demander un appui pour nos associés qui travaillent dans le domaine des femmes, de la paix et de la sécurité. Nous n'avons toujours pas obtenu de réponse, mais nous espérons que le travail de KAIROS et de ses partenaires va venir compléter et renforcer les programmes canadiens actuels dans ce domaine et en assurer la réussite.
    Nous sommes convaincus que nos partenaires mondiaux et notre programme international apportent des changements et permettent d'obtenir des résultats durables à long terme. Nous constatons que des vies sont changées, que des collectivités ont été autonomisées et que les femmes retrouvent leur dignité et sont en mesure d'exercer leurs droits. Il faudrait toutefois davantage de ressources pour appuyer les organismes de femmes de la société civile ainsi que les femmes qui défendent les droits de la personne. Même si la recherche démontre que ces acteurs constituent un facteur clé dans la défense des droits et la consolidation de la paix dans le monde, le financement qu'ils reçoivent est honteusement faible et ne fait que diminuer.
    La deuxième recommandation que nous aimerions présenter au Comité concerne le plan d'action national. Nous aimerions que le plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité soit élargi, pour qu'il puisse être utilisé à la fois comme une vision stratégique pour la mise en service par le Canada de ses engagements internationaux en matière de femmes, paix et sécurité et comme un outil de suivi visant à faciliter l'établissement de rapports sur les engagements financiers, les activités, les lacunes et les progrès réalisés jusqu'ici.
    KAIROS reconnaît que le gouvernement du Canada a joué un rôle important dans l'adoption de la première résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur les femmes, la paix et la sécurité en 2000, lorsqu'il a par la suite appuyé les résolutions présentées et adopté un plan national d'action en 2010. Comme je l'ai mentionné il y a un instant, nous avons apprécié les déclarations qu'a faites récemment le Canada devant le Conseil de sécurité de l'ONU au sujet de son engagement envers les femmes, la paix et la sécurité.

  (1715)  

    Par sa participation au réseau canadien Femmes, paix et sécurité, KAIROS a suivi la mise en oeuvre par le Canada de ces résolutions et est déterminé à travailler avec ses partenaires pour que soient également mises en oeuvre les résolutions subséquentes. Nous espérons que le renouvellement du PAN-C en 2016 produira une vision stratégique sur la meilleure façon pour le Canada de mettre en oeuvre les engagements internationaux envers les femmes, la paix et la sécurité. Le plan doit permettre au Canada de jauger comment notre pays en fait une directive politique prioritaire, dans quelle direction nous allons et quels seront les apports particuliers du Canada à cet effort mondial.
    C'est pourquoi nous recommandons en troisième lieu à l'intention du Comité que le gouvernement du Canada consulte et collabore avec les organisations de droits des femmes et leurs partenaires internationaux pour le développement de sa politique et de ses programmes touchant les femmes, la paix et la sécurité.
    Il faudrait au départ qu'il tienne de larges consultations publiques partout au Canada pour faire connaître le renouvellement du PAN-C. Nous croyons que le gouvernement aura ainsi la possibilité d'améliorer le plan grâce aux apports d'un large éventail d'intéressés. Les audiences parlementaires en cours constituent une excellente fondation, mais nous espérons qu'Affaires mondiales Canada mènera en 2016 de larges consultations publiques dans les villes canadiennes pour orienter l'élaboration du nouveau plan.
    Les organisations de femmes et d'autres groupes de la société civile tels KAIROS ont beaucoup à partager à propos des expériences vécues dans d'autres pays et des leçons tirées des efforts déployés par le Canada pour mettre fin à la violence faite aux femmes et pour promouvoir la participation politique des femmes et leur autonomisation.
    Merci de votre attention. Je serais heureux de répondre à vos questions.

  (1720)  

    Merci à M. Thomson pour le compte de KAIROS et à M. Fairbairn pour Inter Pares.
    Nous allons commencer maintenant le premier tour de questions et allons donner la parole à M. Allison.
    Merci, monsieur le président et merci aux invités qui sont là aujourd'hui. Je vous remercie de votre participation à cette question très importante.
    Ma question porte sur les plans nationaux. Nous parlons de réviser celui-ci et de voir si nous ne pourrions pas faire davantage dans ce domaine. Avez-vous vu d'autres plans nationaux dans d'autres pays qui ont été efficaces et si c'est le cas, pourriez-vous nous en parler?
    En Colombie, en particulier, je sais que les organismes de femmes ont exercé des pressions sur le gouvernement colombien pour qu'il adopte un plan. Dans ce pays, le mouvement des femmes est extrêmement puissant et courageux. J'entends dire au sujet de l'Organización Femenina Popular qu'elle est composée de femmes qui ont subi les plus lourdes répercussions de ce conflit armé et qu'elles agissent pour amener leur gouvernement à adopter un plan efficace.
    Je dois vous dire que je n'ai pas suivi de près les interventions qu'elles ont faites auprès de leur gouvernement au sujet de leur plan. Je serais par contre très heureux de me renseigner auprès de nos partenaires, ainsi qu'auprès de mes autres collègues qui travaillent en Afrique et en Asie, pour savoir s'il existe d'autres expériences positives dans ce domaine. À part le fait que je sais que les Colombiennes s'occupent de cette question à l'heure actuelle, je ne peux pas vous fournir d'autres exemples.
    Monsieur Thomson, voulez-vous dire quelque chose?
    Je connais davantage le contexte africain, parce que je suis en rapport direct avec nos partenaires. Je ne peux pas parler des autres régions du monde.
    Au Congo, je sais que l'on tente de construire ce plan à partir des communautés et c'est de là que vient notre recommandation concernant la participation et la consultation de tous les Canadiens. Je me demande, comme d'autres l'ont mentionné plus tôt, comment pouvons-nous en faire une priorité que les ministres seront obligés d'intégrer à leur discours. Je crois que nous y parviendrons en amenant les Canadiens à participer davantage à l'élaboration du plan et à en prendre connaissance. Au Congo, l'espoir réside dans le fait que ce plan vient en fait des communautés. Les institutions existantes n'offrent guère d'espoir.
    Le contexte est très différent au Canada et je n'essaie pas de comparer les deux. Je pense néanmoins que le renforcement au Canada de groupes communautaires qui travaillent dans le domaine des femmes, de la paix et de la sécurité pourrait donner d'excellents résultats. Je pense également que nous nous trouvons à un moment unique dans l'histoire de notre pays puisque nous venons d'accueillir des milliers de personnes qui fuyaient un conflit. Je pense que les Canadiens sont ouverts à cette idée et disposés à y travailler. Je pense que leurs coeurs et leurs esprits sont ouverts à cette possibilité. J'estime que si le plan est élaboré à partir de consultations et grâce à la participation des Canadiens, cela sera un document très fort. Plus encore, ce serait vraiment un document vivant.

  (1725)  

    Merci.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui, ainsi que les témoins du groupe précédent.
    Je vais commencer par poser une question à M. Thomson.
    Monsieur, vous représentez une organisation confessionnelle, un partenariat avec différentes églises, c'est pourquoi j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'intégration de groupes religieux et aussi des questions touchant le genre. En particulier, comment, d'après vous, les organismes religieux du monde entier peuvent-ils oeuvrer dans ce domaine et comment le fait d'être sensibilisés à cette dimension pourrait améliorer notre action dans ce domaine?
    Je commencerais par inviter le gouvernement canadien à considérer que les organisations confessionnelles sont des partenaires pour la mise en oeuvre du programme concernant les femmes, la paix et la sécurité.
    En fait, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, les églises sont présentes dans l'ensemble du pays, dans des endroits où le gouvernement lui-même n'est pas présent. Si nous parlons d'essayer de rejoindre tous les citoyens, je dirais que les institutions confessionnelles sont des partenaires efficaces. Tout comme au Canada, le fait que nous soyons présents dans tant de communautés peut également, d'après moi, faciliter ces discussions avec les Canadiens.
    L'exemple que je pourrais vous fournir est celui de notre partenaire dans le Soudan du Sud. Le Conseil des églises du Soudan du Sud déploie beaucoup d'efforts pour regrouper les femmes au-delà des clivages tribaux. C'est un pays principalement chrétien, de sorte que les églises représentent la vaste majorité de la population. Leurs séances, qui commencent par de simples prières pour obtenir la paix, ont été extrêmement efficaces pour favoriser les conversations, à la fois avec des femmes appartenant à d'autres groupes ethniques qui se trouvent dans un camp de l'ONU et avec celles qui vivent à l'extérieur du camp. Lorsque ces deux groupes se réunissent, ces femmes apprennent à parler de paix. Après ces réunions, elles peuvent ensuite retourner dans leurs communautés et en parler aux hommes et aux garçons, pour que la question des femmes, de la paix et de la sécurité ne soit pas une question qui touche uniquement les femmes et les filles, mais tous les membres de la société.
    Je pense que les églises ont découvert, dans ces contextes difficiles, des façons nouvelles de supprimer les barrières et d'amener les gens à avoir des conversations au sujet de la paix et de la réconciliation que l'on peut reproduire dans d'autres contextes. C'est là un exemple d'un pays principalement chrétien, mais des organismes d'autres traditions religieuses pourraient également être utiles dans d'autres contextes.
    Monsieur Sidhu.
    J'aimerais tout d'abord vous remercier tous les deux, monsieur Thomson et monsieur Fairbairn. Vous faites de l'excellent travail et avez fourni au Comité de l'information très utile.
    En octobre dernier, votre organisme a lancé un plan quinquennal stratégique. Pourriez-vous nous expliquer l'importance de la question des femmes, de la paix et de la sécurité ainsi que celle du plan stratégique pour les quatre prochaines années? Pourriez-vous le renforcer? Vous avez fourni quelques informations, mais pour ce qui est du plan lui-même, quelle est son importance stratégique ou que pensez-vous qu'il se passera au cours des quatre prochaines années grâce à ce plan?
    KAIROS a élaboré un plan axé sur le programme concernant les femmes, la paix et la sécurité qui, comme je l'ai décrit il y a un instant, comporte différents éléments d'appuis et de counseling psychosocial, d'appuis juridiques, mais le dernier point que j'ai mentionné était les échanges internationaux entre femmes qui défendent les droits de la personne. Ces modèles, dont les différents éléments mis en oeuvre sont souvent très semblables, sont ensuite adaptés à chaque contexte et il est alors possible d'expliquer aux autres comment ce programme progresse dans différents pays et d'en tirer des leçons.
    C'est pour moi là le point essentiel. C'est un programme très unifié, de sorte que, même s'il s'agit de contextes très différents, avec des conflits aux causes différentes, la plupart des réponses qu'ont apportées nos partenaires à sa mise en oeuvre se ressemblent de façon frappante. C'est un aspect que nous aimerions favoriser, partager davantage au cours des cinq années de mise en oeuvre du plan.

  (1730)  

    Vous avez posé une question au sujet d'un rôle accru du Canada en matière de financement. Ce financement est-il important pour la mise en oeuvre du plan au cours quatre prochaines années?
    Oui. Nous n'avons pas à l'heure actuelle les fonds dont nous avons besoin pour mettre en oeuvre le plan que nous venons d'élaborer.
    Selon notre proposition, les églises canadiennes financeraient 25 % du plan. Nous demandons au gouvernement du Canada de fournir le financement restant, soit 75 %. C'est le modèle que nous avons utilisé jusqu'ici et que nous souhaitons continuer à appliquer.
    Merci.
    Le côté des libéraux dispose encore d'un peu de temps.
    Peter.
    Monsieur le président, j'aimerais accorder mon temps de parole à Karina Gould, si vous le permettez.
    Très bien.
    Allez-y Karina.
    Je vous remercie tous les deux ainsi que tous les témoins qui sont venus aujourd'hui pour vos exposés, vos interventions et aussi pour tout le travail que vous effectuez dans ce domaine. Cela est très important.
    J'espérais que vous pourriez nous dire quelques mots de la façon dont vous autonomisez les femmes dans le cadre des processus de paix et comment vous les faisiez passer du statut de victime à celui d'agent de changement. Je pense que le travail qu'effectue Inter Pares dans le procès Sepur Zarco et avec le programme des Femmes de courage illustre très bien cette transition et la façon dont elle s'effectue. Le gouvernement du Canada est en train de réviser notre plan d'action national; pourriez-vous nous dire ce que nous pouvons faire pour appuyer les femmes pour qu'elles deviennent des agents de changement et participent aux processus de paix dans le monde entier?
    Je pourrais peut-être vous parler de Sepur Zarco, parce que tout cela est tout frais dans mon esprit. Je me trouvais avec ces femmes tout récemment encore.
    Je les ai rencontrées un certain nombre de fois ces dernières années. Dans des circonstances différentes et parfois, à l'occasion de la prise de photos de ces femmes, mais elles se voilaient le visage parce qu'il était trop dangereux pour elles de montrer qu'elles étaient impliquées dans cette affaire. Lorsque nous les avons rencontrées à la Cour suprême, elles avaient également le visage voilé. À un moment donné, nous nous sommes réunis dans un couloir et elles ont alors retiré leurs voiles parce qu'elles ont déclaré qu'elles se sentaient en confiance avec les personnes qui les entouraient.
    Ce processus peut être très long. Ces femmes, comme je l'ai mentionné, étaient lourdement traumatisées et elles avaient parfois des difficultés au sein de leur propre communauté parce que certains membres estimaient que c'était leur faute si elles avaient été violées. Quinze hommes avaient été tués et 11 femmes emmenées à la base militaire. Quatre des veuves — parce que les hommes avaient disparu et avaient été ensuite assassinés — s'étaient rendues dans les montagnes. Elles s'y cachaient. Elles essayaient de survivre dans une situation extrêmement pénible.
    Il y a 10 ans, un groupe appelé l'Alliance pour la fin du silence a réuni trois organismes guatémaltèques. L'un, l'UNAMG, qui est l'Union nationale des femmes guatémaltèques, un autre, qui fournit un appui psychologique, appelé l'ECAP et un autre appelé la Transformation du monde par les femmes, qui leur fournit un soutien juridique.
    Le travail a consisté au départ simplement à rencontrer ces femmes, à commencer à leur parler, à les faire sortir de leur silence, à trouver des gens qui connaissaient très bien ces communautés — bien évidemment, elles parlaient le Kekchi, il fallait donc des gens qui parlaient cette langue — pour progressivement amener ces femmes à se parler pour qu'elles puissent échanger leurs histoires et se consoler du fait qu'elles avaient toutes vécu la même chose. Ça été un processus très long. Enfin, on a abordé le sujet des poursuites, parce que c'est une chose qui les réunit, mais l'autre aspect est qu'elles allaient devoir se rendre devant les tribunaux raconter une fois de plus leur histoire et la revivre.
    Je dois dire que ce processus a été très long. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il faut parfois des dizaines d'années pour obtenir des résultats. Ce n'est pas un processus à court terme. Ces femmes sont maintenant très heureuses. Elles sont très satisfaites des résultats. Elles estiment qu'il valait la peine de faire tous ces sacrifices. Une des femmes est décédée quelques années avant le début de la poursuite, mais elle a fourni à l'avance son témoignage pour qu'il puisse en être tenu compte au procès.
    Je pense que permettre à ces femmes de vivre une transformation qui les a fait passer de l'état de victime à celui d'intervenante est un long processus. Il exige que soient prises de nombreuses mesures multidisciplinaires à divers niveaux. Oui, cela a été une expérience très importante.

  (1735)  

    Madame Laverdière.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux de vos excellentes présentations. Elles étaient très intéressantes. Je n'essaierai pas de revenir sur tous les aspects de vos mémoires, mais j'ai pris beaucoup de notes.
    Monsieur Fairbairn, vous travaillez particulièrement en Amérique latine. Constatez-vous qu'il existe des défis particuliers pour les activistes en matière de droits des femmes qui travaillent dans le contexte du secteur de l'extraction pétrolière, minière et ainsi de suite? Cela présente-t-il des défis particuliers?
    Bien sûr.
    Je vous prie de m'excuser, madame, mais je vais vous répondre en anglais, puisque mon français est un peu faible.

[Traduction]

    Je dirais que les femmes sont à l'avant-garde de la plupart de ces luttes. L'exploitation des ressources est un problème de plus en plus grave dans la région.
    Je me base également sur mon expérience personnelle pour le dire. Je vais vous raconter une anecdote qui va peut-être m'occasionner quelques problèmes; la première fois que je me suis rendu en Amérique latine, c'était au cours des années 1980. Je me suis rendu au Guatemala et j'ai étudié dans une école au Guatemala. Il y avait autour de moi des étudiants originaires des États-Unis qui craignaient de dire qu'ils étaient Américains. Ils portaient des drapeaux canadiens sur leurs blousons parce qu'ils faisaient semblant d'être des Canadiens à cause du conflit.
    Il y a quelques années je suis retourné au Guatemala et je me trouvais aux alentours d'El Estor d'où est originaire l'affaire dont je vous parle. Quelqu'un m'a dit que, lorsqu'ils ont appris que j'étais canadien, certains voulaient me lyncher. Je vous le dis parce qu'en tant que Canadien, il est de plus en plus difficile de se rendre dans certains endroits d'Amérique latine et d'entendre les gens parler des choses que font nos compagnies minières. Cela me préoccupe énormément parce que les gens constatent que leurs rivières sont contaminées ou dans le cas du Guatemala, que l'on établit des bases militaires dans les communautés qui ont déjà été traumatisées par l'armée plusieurs années auparavant au cours d'un conflit armé interne, très violent.
    Les femmes sont souvent à l'avant-garde de ces luttes et il est très important de les écouter. C'est pourquoi je reviens à la remarque que nous avons faite au sujet de la nécessité d'appuyer les organismes populaires de femmes pour créer les conditions favorables à un consentement libre, préalable et éclairé, parce qu'à l'heure actuelle, dans la plupart des pays où je me suis rendu en Amérique latine, ces conditions n'existent pas. Les gens ont peur, ils sont encore traumatisés et les femmes ont connu la violence sexuelle qu'apportaient les bases militaires. C'est pourquoi il est vraiment important d'appuyer ces femmes, de démilitariser le pays et d'établir les conditions dans lesquelles il peut y avoir un consentement libre, préalable et éclairé.

[Français]

    C'est pourquoi il serait souhaitable qu'il y ait un ombudsman pour la responsabilité sociale des entreprises, mais c'est un autre sujet.
    Monsieur Thomson, j'ai été particulièrement intéressée par vos propos sur le Soudan. Je dois vous mentionner que ce sujet me touche beaucoup. Vous évoquiez le fait de travailler

[Traduction]

    au-delà des clivages tribaux. Je me souviens de situations dans lesquelles on demandait à un groupe de femmes de travailler avec celles qui se trouvaient des deux côtés du conflit en parlant de questions et de problèmes communs à toutes ces femmes. Elles revenaient ensuite dans leurs communautés et en parlaient à leur mari, à leur père, à leurs enfants, et cela avait un effet considérable.
    J'ai également compris que vous travaillez en Cisjordanie et je me demandais si l'on pouvait faire quelque chose de ce genre dans la région et j'aimerais également, si cela est possible, avoir davantage de détails sur ce que vous faites en Cisjordanie.
    Je vous mettrais, avec plaisir, en contact avec le coordonnateur des partenariats au Proche-Orient, qui pourra vous donner beaucoup d'information sur cette question. Je ne suis pas vraiment en mesure de le faire correctement aujourd'hui.
    Au Soudan du Sud, on a utilisé une stratégie particulièrement efficace, parce qu'il fallait avant même de la mettre en oeuvre, assurer le counseling et l'appui nécessaire pour amener ces personnes à pouvoir communiquer à nouveau sur ce plan. Notre programme était centré sur la ville de Malakal, qui a été particulièrement touchée l'année dernière avec le conflit interne que connaît le Soudan du Sud. Les atrocités qui ont été commises — aucun des côtés ne peut se déclarer innocent — sont vraiment horribles, de sorte que la première étape a consisté à réunir ces femmes pour qu'elles puissent, comme Bill le décrivait il y a un instant, travailler, comme première étape, à partager leurs propres expériences.
    Une fois que ces femmes ont reçu ce genre d'appui, ce sont des agents de consolidation de la paix très efficaces. La tradition chrétienne parle d'expériences de conversion. Il s'agit de convertir ces femmes pour en faire des agents de la paix. Les femmes m'ont dit: « J'ai véritablement pensé que ma vie était finie après la violence que j'ai connue. Je ne pouvais envisager ce que pouvait apporter l'avenir ». Je les ai rencontrées après qu'elles aient suivi le programme et ces femmes étaient devenues les meilleures défenseures de la paix, des personnes énergiques, engagées et passionnées.
    C'est là ce que l'avenir pourrait apporter dans ce domaine; c'est un effort à long terme qui nous permettra de créer progressivement un type de société qui ne redeviendra pas conflictuel. Le Soudan du Sud, le dernier pays indépendant au monde, sait que c'est là une chose possible et qu'il doit construire une société axée sur la paix.

  (1740)  

    Merci.
    Avant de donner la parole aux libéraux, j'aimerais poser à M. Fairbairn une question touchant les commentaires qui paraissent à la page 3, tout en bas, selon lesquels il arrive très souvent que, dès qu'une entente de paix officielle a été signée, l'appui apporté par les organismes internationaux se déplace vers un autre pays.
    Est-ce là un phénomène ponctuel ou est-il en réalité facile d'obtenir des données et des statistiques au sujet de cette tendance? C'est là un rôle extrêmement important que jouent les organisations. J'ai un peu d'expérience en tant que négociateur et j'ai déjà vu des gens signer ce genre d'ententes. Ils ne sont pas toujours très satisfaits de les signer; cela ne veut pas dire que tout est gagné. Cela veut dire qu'il y a encore beaucoup à faire.
    Pourriez-vous nous donner certains exemples de ce genre de choses? Pourrions-nous obtenir quelques renseignements qui nous expliquent comment cela se passe, que ce soit en Amérique latine ou dans d'autres parties du monde? Je m'intéresse beaucoup à cette question parce que cela limite gravement notre rôle; nous sommes là et nous partons dès la signature de l'accord. J'aimerais beaucoup obtenir cette information.
    Je serais heureux de vous fournir davantage de renseignements sur ce point. C'est un sentiment général qui nous vient de nos partenaires sur le terrain et qui nous disent que bien souvent, lorsque les accords de paix sont signés, l'attention des médias internationaux se détourne de la région.
    Nous pensons aux guerres en Amérique centrale. Au plus fort de la Guerre froide, il y avait les États-Unis, l'Union soviétique et de nombreux autres intéressés dans la région. La presse internationale s'y trouvait. Tous les jours, il y avait des articles sur la guerre au Salvador et au Guatemala. Cela faisait les nouvelles tous les soirs. Des accords de paix ont été signés et tous ces médias ont disparu parce que la paix était arrivée.
    Nous constatons grâce à notre travail sur le terrain que ce n'est pas le cas. Les gens disent « La paix? Quelle paix? La situation n'a pas changé, il y a toujours autant de racisme et d'exclusion ». Les statistiques que j'ai fournies au sujet de la propriété des terres au Guatemala... Cela n'a pas changé beaucoup depuis cette époque.
    Bien évidemment, les accords de paix sont importants et ils reflètent la volonté de la société civile de mettre fin à un conflit armé. Mais les statistiques actuelles de pays comme l'El Salvador indiquent que le nombre des meurtres est aussi élevé qu'au plus fort de la guerre. C'est pourquoi je dis que, bien souvent, l'attention internationale se dissipe et les gens estiment que puisque des accords de paix ont été signés, il est temps d'aller ailleurs.
    Dans un pays comme la Colombie, les gens parlent depuis des années d'un scénario après-conflit, un peu comme s'ils se trouvaient déjà dans une situation d'après-conflit, mais ce n'est pas la réalité sur le terrain. La guerre fait rage en Colombie, malgré les signes très positifs qui indiquent qu'il serait possible de mettre un terme à ce conflit armé.
    Cela ne visait pas uniquement le Canada, mais c'est une remarque générale, à savoir qu'il semble que notre capacité d'attention est limitée et que nous avons tendance à changer de pays bien trop rapidement.

  (1745)  

    Merci.
    Je faisais également référence, de façon à alimenter la réflexion du Comité pour ce rapport, à toute la question de ce qui se passe après la signature de ces ententes, à savoir s'il est vrai que nous retirons notre financement et allons dans un autre pays? En fait, si l'on pouvait démontrer que nous quittons effectivement une région et nous supprimons le financement accordé aux organismes de terrain et aux autres qui ont beaucoup de choses à faire, cela serait fort utile pour le Comité, d'après moi. Cela nous serait utile.
    Monsieur Saini.
    Je vous remercie pour le témoignage que vous avez livré aujourd'hui.
    La question que je voulais poser s'adresse peut-être à Bill. Vous avez parlé du travail que vous avez accompli au Guatemala. Avez-vous effectué ce genre de travail dans d'autres pays et j'aimerais également savoir ce qui en ait résulté avec ces femmes, en particulier celles de Sepur Zarco? Suivez-vous toujours la situation? Leur offre-t-on un appui pour ce qui est des soins de santé, d'éducation, ou un encouragement pour les aider à refaire leur vie? Je sais qu'il y avait un volet juridique combiné à ce soutien.
    Personnellement, je travaille depuis les années 1980 dans un certain nombre de pays d'Amérique latine, principalement sur les questions de droits de la personne. J'ai collaboré très étroitement avec des défendeurs des droits de la personne.
    Pour ce qui est d'Inter Pares, nous travaillons à l'heure actuelle dans cinq pays d'Amérique latine: le Guatemala, le Mexique, l'El Salvador, la Colombie et le Pérou. Ce sont là les cinq pays où nous sommes principalement actifs.
    Pour ce qui est de Sepur Zarco, il résultera du jugement... Les femmes ont demandé des services d'éducation et des soins de santé. Elles ont demandé un certain nombre de choses pour soutenir leur communauté. Elles nous disent constamment qu'elles ont décidé d'agir parce qu'elles ne veulent pas que d'autres vivent les mêmes choses qu'elles, et c'est cela qui les motive véritablement. Voilà ce qu'on vous dit, que vous soyez au Guatemala, en Colombie ou au Pérou. Ces femmes qui ont connu cette violence sexuelle ont trouvé le courage de parler parce qu'elles ne voulaient pas que d'autres connaissent le même sort.
    Elles veulent que les gens sachent la vérité au sujet de ce qui a été fait. Je pense souvent à ce qu'ont fait de nombreux autres organismes de défense des droits de la personne ces dernières années et je crois que la violence contre les femmes a été absente de leurs activités. Les gens parlent de torture, de disparition et d'exécutions sommaires, mais la violence exercée contre les femmes ne figure pas toujours dans les rapports. Je pense que cela change et que c'est grâce à des femmes comme ces femmes courageuses de Sepur Zarco et à un autre groupe de femmes de Manta.
    Encore une fois, je pense que le gouvernement canadien a financé certains de nos organismes communautaires. À l'heure actuelle, on a lancé une campagne au Pérou parce que pendant la dictature de Fujimori près de 300 000 femmes ont été stérilisées de force. On a exercé des pressions sur elles pour qu'elles le fassent. Ce sont des femmes qui vivent dans les Andes, principalement dans les régions d'Ayacucho et de Huancavelica et le gouvernement au pouvoir voulait réduire la population vivant dans cette région. Le gouvernement a stérilisé de force près de 300 000 femmes et 20 000 hommes, en les obligeant à se faire opérer sous peine d'être privés de nourriture ou de se voir supprimer d'autres choses. C'est un autre domaine que nous trouvons extrêmement préoccupant.
    Les groupes de défense des droits de la personne et les organismes de femmes au Pérou sont à la toute pointe de cette lutte et ils veulent attirer l'attention sur cette question. Grâce à leur travail, le gouvernement péruvien a mis sur pied l'année dernière un registre national. À l'heure actuelle, les partenaires que nous avons au Pérou viennent de la région des Andes et ils travaillent avec des femmes locales pour qu'elles s'enregistrent et qu'elles obtiennent les réparations auxquelles ont droit les femmes qui ont été touchées par cette politique.
    Il semble que la fille de Fujimori s'apprête à revenir en politique.
    Oui. Elle est une des favorites. Dimanche, elle était en tête, mais il y aura un deuxième tour.

  (1750)  

    Pensez-vous que votre travail pourrait servir de modèle dans d'autres pays, en particulier à cause de votre implication personnelle au Guatemala?
    Je pense que le modèle d'Inter Pares pourrait être utilisé ailleurs. Le nom « Inter Pares » veut dire entre égaux. Nous sommes structurés comme un collectif féministe. Notre structure interne est intéressante. Un grand nombre de nos homologues aimeraient beaucoup savoir comment nous fonctionnons avec un modèle non hiérarchisé. Il est très important que nous exercions des activités au Canada — c'est notre pays — en plus d'appuyer des organismes homologues à l'étranger.
    Ian parlait également de ce que nous avons appris. Il est très important pour nous de travailler avec des partenaires. Nous nous communiquons nos expériences. Nous réunissons des partenaires qui viennent de Birmanie et de Colombie pour parler des processus de paix en Colombie et des problèmes qu'ils posent. Lorsque vous réunissez des personnes, des décisions se prennent et vous ne savez pas toujours qu'elle en sera la teneur, mais c'est toujours très intéressant. Je pense que les Canadiens ont un rôle très important à jouer dans notre pays pour aider à regrouper toutes ces voix.
    Merci.
    Je remercie mes collègues et ainsi que nos témoins, M. Thomson et M. Fairbairn.
    Le temps passe rapidement ici, de sorte que nous tenons à vous remercier d'avoir pris le temps de venir ici et fait l'effort de passer un peu de temps avec notre Comité.
    Chers collègues, je vous rappelle que nous entendrons jeudi deux témoins au cours de notre première vidéoconférence de la législature. Cela se fera ici et ensuite, au cours de la deuxième heure, nous aurons avec nous le ministre Dion. Nous espérons que vous serez tous là jeudi après-midi.
    La séance est levée.
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