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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 066 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 juin 2017

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Chers collègues, je déclare la séance ouverte.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et dans le cadre de notre étude de l'Initiative canadienne de financement de développement, nous accueillons aujourd'hui Daniel Runde, président et directeur du projet sur la prospérité et le développement du Center for Strategic and International Studies et titulaire de la chaire William A. Schreyer. Il a la chance de se trouver actuellement à Rome.
    Bienvenue, monsieur Runde.
    Nous accueillons aussi Aniket Bhushan, professeur auxiliaire de recherche et chercheur principal à la Norman Patterson School of International Affairs de l'Université Carleton — l'une de mes universités favorites —, qui représente la Canadian International Development Platform.
    Nos deux témoins vont formuler quelques observations préliminaires.
    Monsieur Runde.
    Je suis désolé de ne pas être à Ottawa. J'adore aller dans cette ville. J'y vais environ deux fois par année. En fait, j'y vais pour la tarte au sucre et le sirop d'érable, alors je suis désolé de ne pas être parmi vous. Je suis plutôt ici, à Rome.
    C'est un réel honneur pour moi de pouvoir discuter avec les membres distingués du Comité. Merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
    Je suis titulaire d'une chaire dotée au Center for Strategic and International Studies, le CSIS. Ne vous méprenez pas, le sigle est le même, mais il ne s'agit pas de votre service du renseignement. Même si ma mère croit encore que je suis un espion, ce n'est pas le cas.
    Dans le passé, j'ai travaillé, sous l'administration Bush, pour USAID, l'organe d'aide internationale du gouvernement américain. J'ai travaillé aussi pour la Société financière internationale, l'entité responsable du financement du développement du Groupe de la Banque mondiale. J'ai aussi oeuvré dans le passé pour Citibank en Argentine, dans le secteur des services bancaires commerciaux, et j'ai commencé ma carrière dans le domaine des services bancaires d'investissement dans le service du financement des entreprises, pour ce qui est devenu la Deutsche Bank. J'ai une grande expérience du développement international et du financement du développement, et c'est donc ce dont je vais parler dans le cadre de mon exposé.
    Je tiens pour commencer à féliciter le Canada, qui a décidé de créer une institution de financement du développement. J'ai déjà comparu devant le Comité — en 2011, je crois —, et j'avais alors laissé entendre dans mes observations préparées que le Canada devait créer certaines formes de pouvoirs ou d'instruments de financement du développement. Je n'étais pas allé aussi loin que de suggérer une institution à part entière, même si c'est assurément une possibilité que j'avais à l'esprit, et je crois que c'est très bien que le Canada ait opté pour cette voie.
    J'ai aussi écrit un article sur le site Forbes.com en 2015 pour parler du fait que, dans son budget, le gouvernement canadien précédent envisageait la création et la mise sur pied d'une institution de financement du développement, une IFD, ce n'est donc pas quelque chose de nouveau pour le Canada. Je sais que beaucoup de vos professionnels d'Affaires mondiales Canada et de la SDE ont beaucoup réfléchi à tout ça. Je connais une bonne partie des personnes qui ont réfléchi à cette initiative et qui ont travaillé sur ce dossier. Vous comptez sur de très bons fonctionnaires qui réfléchissent à cette question depuis longtemps, mais l'une des choses qui sont très positives, ici, c'est que, selon moi, l'initiative bénéficie d'un vaste appui dans tout le spectre politique canadien.
    L'autre chose que je tiens à souligner, c'est que le Canada est, s'il n'est pas le dernier, l'avant-dernier pays membre du G7 à mettre sur pied une IFD. Tous les autres pays, y compris la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon, ont mis sur pied une institution indépendante de financement du développement, alors le Canada sera en très bonne compagnie une fois qu'il aura mis sur pied cette institution.
    Je veux aussi souligner quelque chose: ce n'est plus le monde en développement de vos grands-parents. Les pays sont plus riches, plus libres et plus capables. Ils ont plus d'options et, par conséquent, le rôle du secteur privé dans le domaine du développement est d'une importance cruciale. Les pays se développent grâce à une bonne gouvernance, comme c'est le cas du Canada, comme c'est aussi le cas des États-Unis, et grâce à un secteur privé solide et officiel, comme c'est le cas au Canada et dans des pays comme les États-Unis. C'est donc très important de trouver des façons de travailler et d'habiliter un secteur privé officiel.
    Je vais présenter pour le compte rendu un rapport que nous avons produit avec les institutions européennes de financement du développement intitulé « Development Finance Institutions Come of Age », qui a été publié en octobre. Je vous le recommande tous, et j'espère que la greffière le distribuera aux membres du Comité.
    Si on regarde toute l'aide étrangère dépensée actuellement par tous les pays comme le Canada, la France, les États-Unis et d'autres, ainsi que par les institutions multilatérales, on en est à environ 130 ou 140 milliards de dollars américains.
    Nous nous sommes penchés sur le niveau total des investissements de financement du développement misant sur les activités du secteur privé consentis par des institutions de financement du développement pour constater que, l'année dernière, on en était à environ 70 milliards de dollars. Le niveau d'aide étrangère traditionnel a doublé au cours des 15 dernières années, et il y a aussi sept fois plus de capitaux privés utilisés par les institutions de financement du développement durant la même période.
    Je soutiens que, au cours des cinq prochaines années, ces deux tendances se croiseront, et qu'il y aura davantage d'activités du secteur privé générées par les institutions de financement du développement qu'il n'y a d'aide étrangère traditionnelle. Cela ne signifie pas que nous n'avons plus besoin d'aide étrangère. Nous avons bel et bien besoin de l'aide traditionnelle officielle au développement que fournissent Affaires mondiales Canada et des institutions comme USAID, pour des choses comme une bonne gouvernance, certains cas d'aide humanitaire, la lutte à la corruption, la promotion d'une saine démocratie et des droits de la personne et certains types d'aide technique aux gouvernements. En outre, dans certains cas, il faut subvenir aux besoins humains fondamentaux ou soutenir des États fragiles et faibles, tout particulièrement.
    Cependant, ce que vous allez constater, puisque le monde en développement évolue et qu'il y a environ 60 États qui sont en train de devenir des pays à revenu intermédiaire qui emboîteront le pas de la Corée du Sud et de Taïwan, c'est que leurs besoins sont très différents.

  (0850)  

    Ce dont ils ont beaucoup plus besoin, ce sont des choses comme des infrastructures ou des investissements privés ou des incitatifs commerciaux, et pas vraiment des fonds pour subvenir aux besoins humains fondamentaux. Je crois que l'écosystème du développement, composé d'entités comme Affaires mondiales Canada ou la nouvelle institution de financement du développement... C'est important de compter sur ces instruments différents pour s'adapter à notre monde qui évolue constamment.
    Je vais maintenant dire certaines choses sur la nouvelle IFD du Canada.
    Je crois que la nouvelle IFD du Canada devrait refléter les intérêts stratégiques et géographiques du Canada ainsi que les occasions d'affaires internationales du Canada. Je vais donner quelques exemples. La francophonie est assurément très importante pour le Canada, alors je crois que l'Afrique francophone devrait être une région très importante pour la nouvelle IFD. Je crois qu'Haïti et l'Ukraine devraient être des pays très importants aussi pour l'institution.
    Je crois que la nouvelle institution devrait être prête à prendre des risques d'investissement plus élevés si elle doit oeuvrer dans l'Afrique francophone et des pays comme le Mali, Haïti ou l'Ukraine. Il y a une attente implicite selon laquelle elle devra accepter un niveau de risque plus élevé que si elle investissait dans des projets de télécommunication au Brésil, en Turquie ou en Chine qui, reconnaissons-le, sont peut-être des projets assortis d'un profil de risque moins élevé que les projets réalisés dans les genres d'endroits qui sont importants pour le Canada.
    J'encouragerais l'IFD, si elle doit oeuvrer dans les pays prioritaires pour le Canada, à adopter un profil de risque plus élevé pour cette raison. Je crois que le leadership politique qui appuie l'IFD doit être prêt à soutenir ce niveau de risque plus élevé. C'était la deuxième chose que je voulais dire.
    Le troisième point que je veux formuler, c'est que même si c'est très bien que le Canada ait mis sur pied l'institution, j'encourage tout de même le Comité à commencer à planifier à long terme et à penser à ce qui arrivera dans trois à cinq ans sur un certain nombre de fronts. On aura une certaine période, de trois à cinq ans, pour mettre sur pied cette institution, pour lui permettre des réalisations en matière d'investissement, pour créer les divers processus décisionnels sur les transactions à privilégier. Je crois que tout ça sera porté par d'autres arrangements de l'IFD, ce sur quoi je reviendrai dans une minute.
    Selon moi, il faudra accorder à l'IFD un peu de temps pour prouver sa valeur, et j'encourage donc le Comité à faire preuve d'un peu de patience et à lui donner plusieurs années pour prendre ses marques.
    Voilà donc mes trois points: mettre l’accent sur les intérêts stratégiques et géographiques du Canada, en se concentrant sur les intérêts et les priorités du pays; accepter un niveau de risque plus élevé; et, en troisième lieu, je demande au Comité de donner plusieurs années à l’IFD pour prendre ses marques.
    De plus, et c'est important, il faudra peut-être envisager un genre de structure différent à l'avenir. Il faudra peut-être conclure des types différents d'arrangements structuraux; j'y reviendrai aussi.
    Je vais maintenant approfondir ces trois points.
    Je tiens à souligner encore une fois que la réussite du secteur privé et d'un pays est d'une importance cruciale pour le développement. Le meilleur programme social du monde, c'est un bon emploi. La Banque mondiale possède des données selon lesquelles, dans le monde en développement, neuf emplois sur dix sont dans le secteur privé. Par conséquent, si neuf emplois sur dix sont créés par le secteur privé, la création de l'IFD est tout à fait logique.
    Permettez-moi donc d'en venir à mon premier point: l'IFD du Canada devrait refléter les intérêts régionaux et particuliers, les forces et les relations du Canada. Comme je l'ai dit, l'Afrique francophone, Haïti et l'Ukraine seraient les premières régions où il faudrait mettre l'accent, un premier groupe d'intérêts.
    Ensuite, il y aurait l'Afghanistan et le Pakistan, puisque le Canada a injecté beaucoup de ressources dans ces pays au cours des 15 dernières années et qu'il s'y est beaucoup intéressé. Ce sont deux pays où il serait très logique pour l'IFD d'oeuvrer.
    Enfin, je propose que le triangle du Nord de l'Amérique centrale soit considéré comme une région d'importance pour le Canada. J'ai rencontré des représentants d'Affaires mondiales Canada au Honduras, au Guatemala et au El Salvador au cours des deux ou trois dernières années lorsque je suis allé là-bas. Je mentionnerais aussi la Colombie, qui pourrait être un pays d'intérêt, en raison des importants investissements de temps et d'effort faits par le Canada pour assurer le processus de paix en cours là-bas.
    Du point de vue régional, ce sont les trois zones géographiques que je prendrais en considération.
    Du point de vue des thèmes, j'aimerais suggérer deux ou trois thèmes qui reflètent aussi les priorités du gouvernement canadien.
    Je crois que l'habilitation économique des femmes, bien sûr, est un intérêt central du gouvernement Trudeau. Je crois que l'IFD du Canada devrait mettre l'accent sur ce thème.

  (0855)  

    Je me pencherais précisément sur la Société financière internationale, qui réfléchit depuis 10 ans à la façon de favoriser les entreprises dirigées par des femmes, tant du point de vue des analyses et de l'aide technique que grâce à la prestation de marges de crédit pour immobilisations à un certain nombre de banques différentes de façon à ce qu'elles puissent prêter des fonds à des petites et moyennes entreprises appartenant à des femmes dans le monde entier. La nouvelle IFD canadienne pourrait s'appuyer sur ce que fait la SFI dans ce domaine précis.
    Je veux aussi souligner que le rétablissement post-conflit et les États fragiles sont un domaine d'intérêt possible dans des situations suivant des conflits. Ce sera très important.
    La santé mondiale est le troisième domaine. Je veux ici rappeler l'incroyable histoire de leadership canadien dans le domaine de la santé de la mère et de l'enfant. Ce qu'on ne sait pas au sujet de la santé, c'est qu'une étude a été réalisée il y a environ 10 ans par la Société financière internationale, étude que je vais aussi présenter pour le compte rendu, indiquant qu'environ la moitié des dépenses en soins de santé dans l'Afrique subsaharienne en 2005 — les données datent un peu, mais elles sont tout de même importantes si l'on veut comprendre — ont été engagées par des fournisseurs de soins de santé du secteur privé. Si c'est le cas, et je crois que c'est encore le cas en Afrique subsaharienne, alors il serait logique pour l'IFD de faire des investissements dans le secteur des soins de santé. Il faut un peu changer notre état d'esprit pour réfléchir à la façon dont les soins de santé sont vraiment offerts. Ils ne le sont pas toujours par des ONG sans but lucratif ou par les gouvernements; ils le sont souvent par le secteur privé à but lucratif.
    Un quatrième thème que l'IFD du Canada devrait inclure, c'est ce que je vais décrire comme une stratégie énergétique « inclusive ». Je crois absolument que l'IFD devrait financer des projets pétroliers et gaziers. Je crois vraiment que, si c'est approprié, elle devrait envisager de financer des projets liés au charbon. Je sais que ce n'est pas nécessairement là où le gouvernement Trudeau veut aller, mais je tiens à souligner qu'un certain nombre d'IFD vont le faire.
    J'ai rencontré des dirigeants de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures et de la Nouvelle Banque de développement au cours du dernier mois, et c'est assurément quelque chose qu'elles feront. Dans certains contextes, disons dans le cas d'Haïti ou en Afrique francophone, si c'est la meilleure option, alors il faut envisager des projets liés au charbon.
    Je ne dis pas qu'il faut investir dans des projets liés au charbon à l'aveuglette, mais je crois qu'il faut y réfléchir. Je crois assurément que le pétrole et le gaz seront de la partie. Je crois que 53 des 54 pays de l'Afrique subsaharienne réalisent des activités pétrolières, gazières et minières, actuellement, alors c'est selon moi absolument approprié, surtout en Afrique francophone, aussi. Bien sûr, des projets hydroélectriques, éoliens, géothermiques et solaires vont de soi, mais je voulais souligner qu'une stratégie énergétique « inclusive » devait constituer un quatrième secteur d'activités.
    Enfin, vu les excellentes entreprises canadiennes qui travaillent dans le domaine de l'infrastructure à l'échelle internationale, la trentaine d'États fragiles ont sûrement besoin de certains types d'aide, mais les 50 ou 60 pays en voie de devenir des pays à revenu intermédiaire ont vraiment besoin d'infrastructure. Vous n'avez qu'à regarder la réussite de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures. Le Canada est membre de cette banque et le fait qu'elle compte environ 80 membres actuellement est révélateur du fait qu'il y a un déficit majeur dans le domaine de l'infrastructure. J'espère que la nouvelle IFD envisagera ce thème en tant que cinquième domaine d'intérêts.
    Je vais maintenant vous parler de planification du risque. Je crois que...

  (0900)  

    Monsieur Runde, je vais devoir vous demander de conclure. Nous voulons aussi poser des questions. Pouvez-vous terminer rapidement? Puis, nous pourrons passer à M. Bhushan.
    Oui, je vais conclure. J'ai deux ou trois autres points. J'aurai besoin de deux autres minutes.
    Dans les 300 millions de dollars prévus pour le budget de la nouvelle IFD, je crois qu'il faudrait prendre en considération dans une certaine mesure ce qu'on appelle la première perte. Je crois aussi que le Comité devra réfléchir au fait que ce ne sont pas tous les investissements faits par la nouvelle IFD qui réussiront. Le Comité doit être prêt parce que ce n'est pas tous les projets qu'on vous présentera qui seront une réussite étincelante. C'est une autre chose à laquelle le Comité devra réfléchir.
    Enfin, je voulais souligner le fait que la structure de propriété actuelle dans le cadre de laquelle, essentiellement, l'institut sera une filiale d'EDC, n'est peut-être pas la meilleure structure pour la nouvelle IFD. Selon moi, la création d'une nouvelle société d'État, comptant un conseil d'intervenants, comprenant des représentants d'Affaires mondiales Canada, du ministère des Finances, du monde des affaires du Canada ainsi que d'EDC, serait peut-être un meilleur arrangement. Je voulais le souligner aussi.
    J'ai un dernier point. Il devrait y avoir un genre de bureau indépendant, qui se retrouverait très probablement dans les locaux d'Affaires mondiales Canada, pour soutenir la nouvelle IFD et lui fournir de petites quantités d'aide technique. Le fait de compter sur un service d'aide technique unique serait très important pour la nouvelle IFD; à mon avis l'endroit approprié serait dans une identité distincte, comme Affaires mondiales Canada.
    Je vais m'arrêter ici. Merci.
    Merci, monsieur Runde.
    Je suis désolé de vous avoir demandé de raccourcir votre exposé.
    Il n'y a pas de problème.
    Nous allons passer à M. Bhushan, s'il vous plaît.
    Je vais commencer sans plus tarder. Un certain nombre de mes observations complètent ce que le témoin précédent vient de dire, et je suis bien sûr tout à fait d'accord avec ce qu'il a dit en premier, soit que le monde en développement n'est plus celui qu'ont connu nos grands-parents.
    Durant le temps qui m'est alloué, j'aimerais aborder trois domaines en guise d'introduction. Je vais défendre un ensemble de points que j'ai formulés et qui seront présentés au Comité, et je crois que le Comité pourrait pour sa part les soumettre au gouvernement afin de préciser davantage la réflexion actuelle sur l'IFD. Puis, j'aimerais me concentrer sur les éléments qui concernent les recommandations.
    J'oeuvre à la Norman Patterson School of International Affairs. Là, je dirige la Canadian International Development Platform, une plateforme d'analyse de données qui concerne l'engagement du Canada auprès du monde en développement. C'est de ce point de vue que j'aborderai une bonne partie de mon exposé.
    Pour revenir au premier point soulevé par le témoin précédent, vraiment, le paysage du milieu du développement et du financement du développement change de façon très importante. Nous savons que la réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale est une bonne manchette, et je ne vais pas trop m'éterniser sur les statistiques, mais même si l'on envisage la date de 2030 prévue pour les objectifs en matière de développement durable, je crois que le chemin le plus difficile en matière de développement reste à faire et nous attend.
    C'est ce que je pense pour deux principales raisons. Premièrement, la pauvreté à l'échelle internationale sera de plus en plus concentrée dans les zones les plus difficiles, c'est-à-dire les endroits où les activités d'extension sont les plus difficiles, les plus coûteuses et les plus risquées. Deuxièmement, la faible croissance est devenue la nouvelle réalité, et, dans le contexte de la réduction de la pauvreté, cela signifie une faible réactivité à la croissance de la pauvreté. Nous pouvons analyser plus en détail les facteurs sous-jacents à cette tendance.
    Les donateurs traditionnels sont confrontés à des contraintes en matière de ressources liées aux répercussions combinées des réductions budgétaires et de l'augmentation des besoins. On a qu'à penser aux urgences coûteuses ou plus fréquentes, aux crises humanitaires, aux crises de réfugiés et à l'élargissement des programmes. Selon moi, c'est là un risque — comme je l'ai mentionné dans le mémoire que vous allez bientôt recevoir — comme si on demandait à un léopard d'avoir des rayures.
    Essentiellement, tout cela va dans le même sens que le rapport de Daniel. Je connais un certain nombre de coauteurs de ce rapport. Comme ils l'ont dit, dans ce contexte, les IFD deviennent de plus en plus l'instrument de choix pour surmonter l'ensemble des défis liés au développement. Ce qui se produit, c'est qu'il y a un risque que les institutions se retrouvent de plus en plus à l'extérieur de leur zone de confort et qu'on leur demande d'assumer des mandats de plus en plus larges, y compris ceux des ONG et des organisations de la société civile, les OSC, d'après moi, ce qui poussera les IFD à agir de plus en plus comme des organismes d'assistance plutôt que comme des investisseurs institutionnels. C'est un risque que, selon moi, nous devons garder à l'esprit.
    L'autre observation d'introduction que j'aimerais formuler, c'est que les IFD se trouvent là où la rondelle se dirige si je peux m'exprimer ainsi. Je vais soulever quelques points rapides à ce sujet. Depuis la conférence sur le financement du développement, à Addis, en 2015, on s'entend maintenant sur le fait que ce n'est plus des milliards de dollars qu'il faut pour financer le développement, mais des mille milliards. Tout le monde s'entend maintenant pour dire qu'il faut aller au-delà de l'APD et de l'assistance de base.
    La plupart des donateurs, y compris le Canada, l'ont très bien compris. La vraie question, maintenant, c'est comment faire. Les fonds des IFD dépassent maintenant plusieurs fois l'APD. Nous le savons. Les prévisions conservatrices des mouvements de capitaux vers les pays en développement d'ici 2030 sont de l'ordre de 6 mille milliards de dollars. Les lacunes dans le domaine du financement du développement, qui se chiffrent en mille milliards de dollars, semblent déconcertantes lorsqu'on les regarde de façon isolée. Lorsqu'on les remet dans le contexte de ce que j'appelle la plomberie défaillante du système financier mondial, on peut voir les choses d'un nouvel angle.
    Pensez au fait que, en février et mars 2016, environ 7 mille milliards de dollars se retrouvaient dans les marchés obligataires mondiaux et affichaient un rendement négatif. Il y a des rendements négatifs et des actifs qui attendent. Je ne dis pas qu'on peut utiliser tous ces fonds à des fins de développement, mais nous pourrions assurément faire du meilleur travail.
    Comme le témoin précédent l'a déjà dit, les IFD affichent une croissance rapide, 10 fois plus rapide que l'APD durant la période de 2002 à 2014, peu importe la façon dont on examine les choses. Cependant, il ne faut pas oublier où on trouve les investissements. C'est principalement dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et moyenne-supérieure, et pas dans ce qu'on appelle les plus pauvres PFR et les PMA, ou les PFR et les PMA qui ne reçoivent qu'une faible part des investissements. Les investissements sont faits principalement dans cinq secteurs: les services bancaires et les services financiers, l'infrastructure industrielle, la production d'énergie et l'approvisionnement énergétique... je vais laisser tomber la liste. Nous pourrons y revenir durant la période de questions et réponses.
    Selon moi, c'est là que le financement durable, catalyseur et autonome des IFD, entre l'aide étrangère publique et les investissements privés, peut jouer un rôle relativement limité. Les IFD sont des institutions financières qui ont un mandat lié au développement et qui fournissent un financement supplémentaire et complémentaire distinct de l'APD.

  (0905)  

    Il y a trois domaines où, selon moi, le Comité devrait demander des précisions au gouvernement. Je n'ai pas le temps de les approfondir, parce que je veux plutôt mettre l'accent sur mes recommandations, mais je voulais vous en fournir un. Dans le contexte de la décision au sujet de l'IFD canadienne en particulier, il y a des problèmes de sémantique. La façon dont on en a parlé — et même l'acronyme IFD — a beaucoup manqué de cohérence. Dans l'acronyme IFD, au départ, le « I » signifiait « initiative », puis, « institution » et, récemment, dans l'annonce du premier ministre à Montréal, il était question d'« institut ». C'est lequel des trois? Et est-ce que cela dénote quoi que ce soit concernant la portée, l'ambition, le mandat ou les limites? Je crois que ce serait bien d'obtenir des précisions.
    Le deuxième point concerne les 300 millions de dollars de capitalisation sur cinq ans. S'agit-il d'une capitalisation dans le sens financier normal, c'est-à-dire un montant que l'institution peut ensuite utiliser comme levier pour obtenir plus de fonds ou s'agit-il plutôt d'une limite quant à ce qu'elle peut faire et ce qu'elle aura sur cinq ans? Parler de capitalisation, puis préciser une période de cinq ans n'a aucun sens d'un point de vue financier normal. C'est une autre chose que le Comité pourrait préciser.
    L'autre chose où il faudrait demander des précisions au gouvernement, c'est la source et l'utilisation devant être déclarée. La source, les 300 millions de dollars fournis à l'IFD, est-ce entièrement hors budget? Les fonds proviennent-ils de l'enveloppe de l'aide internationale, l'EAI? Est-ce qu'une partie des fonds vient de là? Ce n'est pas clair, et je crois qu'il faudrait obtenir des précisions.
    Deuxièmement, pour ce qui est de l'utilisation devant être déclarée, est-ce que l'ensemble de la capitalisation figurera dans les livres en tant qu'APD ou non? C'est un autre point qu'il est important selon moi de préciser, parce qu'il aura une répercussion sur les chiffres de l'APD canadienne, surtout au cours de la prochaine année du G7.
    Mes recommandations sont les suivantes: dans un premier temps, je crois que le Canada et le Comité devraient s'assurer d'ajouter officiellement l'additionnalité du développement et la durabilité dans le mandat de l'IFD. Sans mandat précis et gouvernance serrée, on a constaté que les IFD sont susceptibles d'abandonner leur objectif de développement pour adopter des fins de nature plus financière et commerciale. C'est évident et logique, et ce, pour de bonnes raisons. Il faut par conséquent que les incitatifs soient alignés officiellement sur la notion d'additionnalité du développement.
    L'additionnalité est une notion que beaucoup d'IFD utilisent, mais ce n'est pas un concept évident. J'aimerais vous proposer une façon très simple de comprendre cette notion. La thèse d'investissement à différents niveaux, que ce soit au niveau global du portefeuille ou au niveau des investissements individuels, devrait permettre de définir clairement de quelle façon et pour quelle raison l'investissement de l'IFD permettra d'obtenir des résultats en matière de développement. Il faut aussi pouvoir préciser quels sont ces résultats en matière de développement. C'est une façon très simpliste et caractérisée de l'interpréter. Je crois que nous pourrions apporter une contribution ici, en demandant que l'additionnalité du développement soit au coeur du mandat de l'IFD.
    Le deuxième principe, c'est la durabilité. J'entends ici la durabilité de ce dans quoi l'IFD investit, mais aussi la durabilité financière. À moyen terme, une IFD devrait être autofinancée et devrait pouvoir — c'est ce qu'on apprend à la lumière des données probantes auxquelles nous avons accès sur les autres IFD — se financer elle-même grâce aux bénéfices non répartis, aux profits et ainsi de suite.
    Je vais maintenant passer rapidement au prochain point, soit le fait que l'IFD canadienne devrait avoir le droit de prendre des risques. L'élément central, ici, ce sont les risques. On en revient au point que j'ai soulevé tantôt sur la situation actuelle du développement à l'échelle mondiale: le plus dur reste à venir. Si on accepte cette réalité, alors mettre l'accent sur les États les plus pauvres et les plus vulnérables — en grande partie — signifie qu'il faut accroître notre tolérance au risque. L'une des principales critiques formulées à l'endroit des IFD, c'est qu'elles ne prennent pas suffisamment de risques. EDC est bonne à de nombreux égards. Elle possède une très solide capacité financière et de bonnes capacités, mais elle n'est pas considérée comme une institution qui prend beaucoup de risques. Il ne faut pas l'oublier.
    Il ne faut pas oublier non plus, comme le témoin précédent l'a dit, que même si on parle beaucoup de la possibilité de faire de l'argent en faisant le bien... on souligne souvent que l'OPIC, l'IFD américaine, a redonné 5,7 milliards de dollars au Trésor américain depuis 1971 et n'a pas eu besoin de fonds supplémentaires, mais elle est menacée de fermeture. Les IFD peuvent perdre de l'argent et elles en perdent. Je peux donner en guise d'exemple le fonds suédois de développement, Swedfund. Il possède une cible précise en ce qui a trait à son point de référence, cible qu'il a manquée depuis deux ou trois ans. Le fonds a perdu de l'argent. Le domaine du développement est risqué. On parle ici d'une institution qui prend des risques, et il ne faut pas l'oublier si l'additionnalité du développement doit être au coeur des activités de l'IFD canadienne.
    Je crois vraiment que les IFD qui ont plus d'instruments et d'offres sont plus susceptibles d'obtenir des résultats en matière de développement. Par conséquent, même si la plupart des IFD s'en tiennent à la composante de dettes et de financement par emprunts du continuum financier, seulement quelques-unes offrent aussi un financement par actions. Ce sont ces institutions qui, selon moi, obtiennent de meilleurs résultats en matière de développement. J'ai fourni dans mon mémoire des exemples et des données sur le CDC Group au Royaume-Uni, le FMO aux Pays-Bas et le Norfund de la Norvège.
    Ma troisième recommandation, c'est que, comme l'IFD sera de petite taille, elle doit, par définition, se trouver un créneau.

  (0910)  

    Selon notre analyse, elle arrivera au deuxième au troisième rang des plus petites IFD bilatérales. Je crois que l'IFD canadienne devra trouver un juste équilibre entre le soutien et la prestation de capitaux en fonction des occasions existantes et l'investissement dans une capacité à plus long terme pour accroître le nombre de projets qu'on pourrait considérer comme des « projets susceptibles d'être financés ».
    Qu'est-ce qu'elle fait? Avec les petites sociétés, qu'est-ce qu'elle fait? L'une des façons de voir les choses consiste à se tourner vers les principales initiatives de financement du développement et d'investissement dans le développement du Canada. Il y aurait par exemple la transition vers une croissance à faibles émissions de carbone dans les pays en développement, un dossier dans lequel le gouvernement Trudeau investit beaucoup. C'est aussi un domaine où l'innovation canadienne pourrait pénétrer le marché afin d'être utilisée à l'échelle mondiale, dans les pays en développement.
    La deuxième chose, selon moi, qui découle de ce que je considère comme un problème central expliquant pourquoi les investissements ne se rendent pas dans les pays les plus pauvres, c'est l'absence de capacité locale pour promouvoir les investissements et mettre sur pied des arrangements susceptibles d'être financés, ce qui renvoie à un secteur puissant sur lequel l'IFD canadienne peut mettre l'accent: renforcer la capacité du secteur financier dans les pays en développement. En misant sur le secteur financier local, l'IFD du Canada pourrait trouver un juste équilibre entre la prestation de capitaux là où les occasions existent et la création d'une capacité à plus long terme de projets qui sont susceptibles d'être financés.
    Enfin, ma dernière recommandation au sujet de l'IFD canadienne, c'est qu'elle devrait avoir l'occasion d'établir la norme en ce qui concerne la mesure et la transparence des résultats en matière de développement. De façon générale, les IFD ne produisent pas de très bons rapports sur les résultats et les répercussions en matière de développement. C'est, en un sens, un résultat de l'intérêt renouvelé à l'égard des IFD. Le fait qu'on leur demande davantage de parler de leurs résultats et de leurs répercussions est quelque chose de nouveau.
    Selon moi, l'IFD canadienne ne devrait pas seulement faire un suivi de ses progrès et de ses indicateurs et produire des rapports connexes sur les projets: elle devrait combiner les répercussions au niveau intermédiaire et macroéconomique. En général, les IFD présentent leurs résultats sous forme de répercussions de premier ordre, principalement la génération d'emplois, la contribution aux recettes du gouvernement, les résultats des investissements et les taux de rendement financier, les résultats environnementaux et sociaux et l'effet catalyseur en ce qui a trait aux co-investissements et à l'attraction d'autres joueurs. L'IFD canadienne pourrait aller plus loin et mettre au point une méthode de mesure de l'incidence sur le développement qui tient aussi compte de la contribution à la croissance de deuxième ordre des activités et des investissements et de leur incidence, peu importe à quel point l'impact est indirect, sur la réduction de la pauvreté.
    Je vais m'arrêter ici. J'ai dépassé un peu le temps qui m'était alloué, mais je vous remercie de votre patience.
    Merci, monsieur Bhushan.
    Nous allons passer directement aux questions.
    Nous allons commencer par M. Kent, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux.
    Depuis près de 50 ans, le Canada est un partenaire majeur de la Banque interaméricaine de développement. Nous contribuons à valeur d'environ 4 % chaque année. Durant la crise économique, je crois que nous avons temporairement augmenté le capital exigible jusqu'à un peu plus de 4 milliards de dollars. La Banque a connu passablement de succès. Je crois que cette institution a eu de bons résultats en ce qui a trait à l'engagement du secteur privé canadien en plus de faire du bon travail de développement en tant que tel dans des endroits comme Haïti, après le tremblement de terre.
    J'aimerais que vous me disiez tous les deux quel serait votre conseil en ce qui concerne la relation entre — pour reprendre votre description, monsieur Bhushan — la nouvelle et relativement petite IFD canadienne et une entité aussi bien définie et aussi efficace, dans le voisinage du Canada et à l'échelle des Amériques, que la Banque interaméricaine de développement.
    Monsieur Bhushan, pouvez-vous répondre en premier?

  (0915)  

    Bien sûr. Je crois que l'IFD canadienne, comme vous venez de le dire, en raison de sa taille — une fois qu'on aura précisé exactement quelle sera sa taille, son ordre de grandeur et sa portée —, devra créer des partenariats non seulement avec la BID, mais avec d'autres banques de développement régional.
    Selon moi, il y a deux choses différentes à dire. La notion du capital exigible est très précise, et elle est liée à la crise financière et à la réceptivité. Je crois que ce serait une bonne chose d'examiner l'impact du capital exigible, s'il existe, mais qu'il n'est jamais exigé.
    Selon moi, nous ne pouvons pas nous en tenir aux apparences. Je crois qu'il y a beaucoup de soutien, mais si on examine les structures des accords de la plupart des IFD, on constatera qu'elles créent des partenariats avec des banques de développement régional, les SFI et d'autres entités, alors je crois vraiment que c'est ce qui se produira aussi dans le cas de l'IFD canadienne.
    Je crois que la question qu'il faut vraiment se poser, c'est celle de l'accroissement supplémentaire, si je peux m'exprimer ainsi, c'est-à-dire la valeur supplémentaire au chapitre du développement que l'investissement de l'IFD canadienne pourra apporter dans le cadre d'un projet. Quel sera l'impact supplémentaire? De plus, pourquoi est-ce que sa participation serait nécessaire? Ne pourrait-on pas plutôt que, par exemple, se limiter à injecter plus de ressources par l'intermédiaire de la BID, de la SFI ou d'une autre entité?
    Oui, exactement.
    Monsieur Runde.
    Monsieur Runde, nous ne vous entendons pas. Il y a beaucoup de parasites. On tente de régler le problème.
    Pendant que nous attendons la reconnexion, je vais peut-être me permettre une question complémentaire. Vous avez parlé de trouver un juste équilibre — même si vous ne l'avez pas dit expressément — entre l'individualité des décisions prises par une IFD et l'intérêt politique du pays parrain. Comment y arriver? De quelle façon devrait-on trouver cet équilibre? Quels sont les dangers lorsqu'on tente d'atteindre, justement, un tel équilibre?
    Si on pense à la nature des instruments ou aux possibilités à ce chapitre... Si on a un mandat clair et précis, cela améliore les choses. Si, en plus, il y a une structure de gouvernance qui veille au respect du mandat, de façon à ce que la composante de développement soit au centre des activités, et non la promotion, par exemple, d'un objectif commercial précis du pays hôte, c'est une autre façon de faire.
    Je me dois de mentionner que nous avons produit un mémoire l'année dernière — je crois que certains d'entre vous l'ont en leur possession — sur la façon d'y arriver et sur la façon de parfaire les détails. L'un des éléments centraux, si on veut bien régler les détails, c'est de demander à un conseil de gouvernance indépendant de jeter un coup d'oeil très rigoureux aux flux d'affaires de l'IFD. Dans le contexte canadien, puisque nous parlons d'un nombre relativement restreint d'initiatives, il y aura aussi relativement peu d'approbations.
    Pour ce qui est du caractère centralisé du conseil, qui en seront les membres? Est-ce simplement le gouvernement ou y aura-t-il des intervenants de la société civile et d'autres intervenants? Y aura-t-il des intervenants des pays sur lesquels l'IFD mettra l'accent, par exemple? C'est une façon de voir les choses. L'autre aspect de la question, au niveau des arrangements, tient au fait de savoir si on ajoute ainsi une composante supplémentaire au développement et au besoin de réaliser une analyse contre-factuelle. Est-ce nécessaire? Je ne crois pas que beaucoup d'IFD le font.
    Je vais m'arrêter ici pour l'instant, monsieur le président, mais si nous rétablissons la connexion, ce serait intéressant d'obtenir une réponse à la première question de la part de M. Runde.
    Nous allons tenter de régler le problème.
    Monsieur Fragiskatos, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci d'être là aujourd'hui, monsieur Bhushan. Je crois que c'est la deuxième fois que vous comparaissez devant le Comité. Vous avez indiqué que les IFD ont tendance à investir dans l'infrastructure et les services bancaires et financiers. Vous avez dit qu'il y avait trois autres secteurs. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Si on les classe rapidement en ordre de grandeur, les cinq principaux secteurs du portefeuille de l'IFD sont les services bancaires et financiers, les infrastructures industrielles, la production d'énergie et l'approvisionnement énergétique, le transport et l'entreposage, et les communications, c'est-à-dire les télécommunications.

  (0920)  

    Même si, à première vue, ces secteurs ne semblent pas contribuer à l'élimination de la pauvreté, ils contribuent au développement économique et à la croissance, et c'est donc une façon de lutter efficacement contre la pauvreté. N'êtes-vous pas d'accord?
    Tout à fait.
    Vous avez parlé d'innovations liées aux changements climatiques en tant que domaine d'intérêt possible de l'IFD. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet en nous parlant des priorités des autres IFD? Est-ce que d'autre IFD en font une priorité?
    Oui. Par exemple, d'un point de vue régional, en Afrique, dans de nombreux cas, des IFD ont été les premières à pénétrer dans ces domaines. Les gens mentionnent souvent l'exemple du CDC Group, l'IFD britannique. C'est l'une des plus importantes IFD du monde et l'une des premières à avoir pénétré dans le domaine des énergies renouvelables en Afrique.
    Cela peut avoir deux ou trois répercussions différentes. Premièrement, il y a le fait de créer un nouveau domaine et d'y pénétrer dans un nouveau domaine et, deuxièmement — et c'est aussi important, selon moi —, c'est un signal envoyé aux investisseurs. Une fois qu'une IFD est là, le profil de risque change, et d'autres investisseurs peuvent emboîter le pas dans un secteur qu'ils jugeaient précédemment trop risqué.
    Assurément, pour ce qui est des énergies renouvelables et des investissements qui vont dans le sens de la transition vers une croissance à faibles émissions de carbone, il y a beaucoup de données probantes selon lesquelles les IFD sont de très gros joueurs.
    Il serait logique que des investissements dans ces domaines génèrent de la croissance économique. C'est exact?
    Oui. Évidemment, c'est difficile de cerner un impact à court terme et au niveau microéconomique, mais à long terme, oui.
    C'est la direction dans laquelle le monde s'en va, et la plupart des gens rationnels seraient d'accord pour dire qu'il devrait s'agir d'un domaine d'intérêt. Certains seront peut-être en désaccord.
    Vous avez posé une question, et je regarde votre note, ici, où vous vous demandez de quelle façon tout ça devrait être classé et si, oui ou non, les contributions faites par l'IFD canadienne devraient être comptabilisées comme une APD.
    Oui.
    Je regarde une note de bas de page de votre mémoire, ici: « c'est seulement dans des cas précis, comme une aide technique sous forme de subvention ou des composantes de renforcement des capacités, que les fonds devraient être comptabilisés comme étant une APD ». Vous notez cependant ensuite: « il y a des données probantes selon lesquelles les pays en développement s'intéressent plus à l'accroissement, à la rapidité et à la réceptivité des partenaires de financement du développement, et de moins en moins à la modalité et au niveau de concessionnalité ».
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Ce que j'en comprends, c'est que, même si une contribution financière faite par une IFD canadienne pourrait ne pas être, techniquement, une APD — et donc, on ne peut pas la comptabiliser comme telle —, ce qui est beaucoup plus important, c'est le point de vue des pays qui en bénéficient. Ces pays veulent assurer leur croissance économique et ne s'en font peut-être pas du tout avec le fait que l'aide ne peut pas être considérée comme une APD. Ce qui les intéresse, ce sont les investissements.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? C'est de cette façon que j'ai compris ce que vous avez dit. Est-ce exact?
    Votre interprétation est bonne et tout à fait appropriée. Vous avez en fait pris ma note de bas de page pour en faire quasiment un paragraphe entier. Le point que je soulevais concernait la portion des subventions. Je crois que le témoin précédent a aussi mentionné qu'il devrait peut-être y avoir des bureaux au sein du secteur du développement d'Affaires mondiales Canada qui assurent une liaison liée à cette portion précise du travail de l'IFD en ce qui concerne les subventions. Et puisqu'il s'agit de subventions, et puisqu'on parle ici d'une assistance technique, c'est admissible et ce sera considéré comme une APD.
    J'aimerais prendre un peu de recul. L'APD, en tant que concept, n'est pas statique. Nous savons que, au cours de l'histoire, cette notion n'est allée que dans un sens, c'est-à-dire l'expansion, encore et toujours. Il y a plus de choses considérées comme une APD aujourd'hui, l'assistance étrangère, qu'à tout moment dans le passé, et c'est donc une tendance qui se poursuit actuellement, tout particulièrement lorsqu'il est question de soutenir le secteur privé qui utilise des deniers publics pour obtenir des investissements privés de contrepartie. Je prévois que, d'ici quelques années, même en ce qui concerne le volet des donateurs de cette conversation, le volet du CAD, ce sujet perdra tout l'intérêt pratique. Mais vous avez raison, les pays en développement — il y a des données et des recherches qui nous confirment, surtout pour les pays à revenu intermédiaire — se soucient de moins en moins de la question de savoir s'il s'agit d'une APD ou non. Je dirais même qu'ils ne soucient aucunement de savoir si c'est ce qu'on appelle une APD ou non.
    Ce sont les donateurs qui veulent montrer le niveau d'APD qu'ils fournissent qui s'en soucient. Les pays en développement se soucient d'accroissement. Ce qui leur tient à coeur, c'est la rapidité et la réceptivité et la propriété, c'est-à-dire s'ils ont directement un mot ou non à dire dans les choix d'investissement.

  (0925)  

    M. Runde est de retour.
    Mon dernier point, c'est que je crois qu'il est très intéressant que vous l'ayez soulevé, parce que c'est une source de critiques potentielles, c'est-à-dire que, si, à proprement parler, on ne peut pas considérer ce financement comme une APD, en quoi l'IFD contribue-t-elle à l'atteinte de la cible de 0,7 % du Canada?
    Du point de vue du Burkina Faso, du Cameroun, d'Haïti, d'Afghanistan ou du Pakistan, ce n'est pas pertinent. Ce qui les intéresse, ce sont des investissements. Ce qu'ils veulent, c'est assurer la croissance de leurs économies. Ce que nous cherchons à obtenir, c'est un vrai partenariat, et l'IFD peut aider à cet égard.
    Oui. Je crois que c'est tout à fait exact. Si on remet les chiffres en contexte, ici — c'est un débat qu'on a déjà eu et j'ai déjà réagi —, les ordres de grandeur font en sorte que l'IFD n'aura pas vraiment une incidence importante sur la mesure dans laquelle le Canada atteindra ou non la cible de 0,7 % qu'il a établie.
    Selon moi, il est beaucoup plus important d'avoir des vues plus ambitieuses et à long terme, qui misent davantage sur l'évolutivité, quant à la façon dont nous voulons procéder, ici. Par conséquent, pour revenir à mon point sur le mandat, le caractère central, la centralité de l'additionnalité du développement dans le mandat ainsi que la durabilité financière sont les objectifs qu'il convient de se donner.
    Je suis d'accord avec vous, je crois que la plupart des Canadiens le seraient aussi.
    Ai-je le temps de poser une dernière question rapide?
    Non.
    Peut-être durant la prochaine série.
    Merci beaucoup.
    Merci.

[Français]

     Monsieur Aubin, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos invités d'être avec nous. Mes questions s'adressent à nos deux témoins. Peut-être pourrions-nous suivre l'ordre de vos présentations préliminaires.
    Je me pose une question, bien que, à priori, je ne sois pas contre l'idée d'un institut de financement du développement, ou IFD. Le Canada, avec 300 millions de dollars étalés sur cinq ans, est-il en train de se donner une belle fenêtre à l'international, mais pas vraiment les capacités d'agir? Je voudrais savoir aussi, au sein des organismes que vous avez pu observer, quelle est la proportion du budget annuel consacrée aux frais de fonctionnement comparativement à la proportion qui sert au soutien et aux programmes?
    Monsieur Runde, voulez-vous répondre?

[Traduction]

    Quelqu'un doit traduire l'intervention.

[Français]

     Monsieur Bhushan alors, je vous écoute.

[Traduction]

    Si j'ai bien compris, votre question concerne la proportion du budget qui...

[Français]

    C'est au sujet des frais d'administration ou de fonctionnement de cet institut, et des fonds qui vont servir directement aux programmes sur le terrain.

[Traduction]

    Oui, donc les frais généraux, les frais administratifs. Nous ne le savons pas à la lumière des renseignements que nous avons sous la main. À la lumière de ce que nous savons des IFD, surtout au moment du démarrage et de la mise sur pied d'une institution, les IFD... Selon la méthode d'investissement désirée, si on veut en faire des investisseurs très indépendants et faire ce que quiconque dans le milieu financier a de l'expérience financière appellerait un « investissement sous la forme de fonds », il est possible que les besoins soient un peu moins élevés, ici.
    Cependant, si l'IFD veut vraiment oeuvrer dans certains pays, elle devra investir beaucoup d'argent dans le cadre de ce que nous appelons des efforts sur le terrain. Elle devra savoir avec qui elle veut créer un partenariat, savoir quels accords sont viables et ainsi de suite. Ce pourrait être un enjeu important, si, bien sûr, j'ai compris correctement la question.
    Nous ne savons tout simplement pas quelle sera la proportion pour l'IFD canadienne ni s'il faudrait en tenir compte dans le calcul des 300 millions de dollars et comment.

[Français]

    Merci.
    Cela en dit déjà long sur l'élément de transparence de ces IFD, dont vous parliez tout à l'heure.
    Voici mon autre question.
     L'interprétation a-t-elle été rétablie?

[Traduction]

    Entendez-vous l'interprétation?
    Peut-être pas.
    Non, désolé, monsieur Aubin. Le système ne semble pas très bien fonctionner aujourd'hui.

[Français]

    Je poursuivrai avec M. Bhushan.
    À partir de ce que vous connaissez au sujet d'autres IFD présents dans les grands pays de l'OCDE, êtes-vous capable d'établir une relation entre la part du financement public, provenant de l'État, et la capacité d'attirer de l'investissement privé dans un IFD?
    Y a-t-il une relation, par exemple, entre les pays qui se rapprochent du financement à 0,7 %, ou qui l'atteignent, et la possibilité pour l'entreprise privée d'être partenaire parce qu'elle en voit bien l'importance?
    Autrement dit, les deux vont-ils de pair en ce qui a trait à la croissance ou bien, dans le cas de plusieurs, est-ce une façon de diminuer la portion du financement étatique pour donner le travail au secteur privé?

  (0930)  

[Traduction]

    Il y a une nuance dans cette question que je ne veux pas perdre, alors même une traduction modeste serait utile.
    C'est traduit juste sous vous. Est-ce que quelqu'un voudrait bien lui montrer où est l'interprète? C'est quelque chose qui aurait été utile. Je vois bien que nous avons une journée difficile. Nous sommes en juin, et c'est jeudi. Il ne faut pas lâcher, groupe.

[Français]

    Vous devriez maintenant m'entendre en anglais, si cela fonctionne bien.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Je vais reprendre rapidement la question. Y a-t-il un parallèle à faire entre l'aide publique au financement dans les pays de l'OCDE que vous avez étudiés et la capacité de ces pays d'intéresser des investisseurs privés à financer les IFD?

[Traduction]

    C'est ce que je pensais avoir entendu en français. Une précision: voulez-vous dire s'il y a un parallèle entre la capacité d'attirer des investissements privés et de fournir une APD?
    Je ne suis pas sûr de très bien comprendre si vous parlez du point de vue du pays bénéficiaire ou du pays donateur.

[Français]

    Non. Je parle de la capacité du Canada, par exemple, d'attirer des investissements privés au sein de l'institut.

[Traduction]

    Exactement.

[Français]

     Y a-t-il un lien entre l'investissement public que fera le Canada et sa capacité d'amener le secteur privé à joindre l'institut?

[Traduction]

    On en revient au besoin de précision dont j'ai parlé tantôt, parce que nous ne savons pas exactement dans quelle direction s'en va l'IFD canadienne en ce qui a trait à son organisation. J'ai intégré un tableau dans l'annexe, dont la première partie « renseignements de base sur les IFD bilatérales » compte une colonne sur la structure de propriété. On peut voir qu'un certain nombre d'institutions sont des entités publiques-privées, et un certain nombre sont purement publiques. Il n'est pas question d'attirer des investissements privés dans le coeur de la capitalisation de l'IFD, directement dans son capital de base.
    Mais ce n'est pas coulé dans le béton. Les choses peuvent changer. L'IFD canadienne pourrait bien faire les choses différemment. La seule chose que je peux dire au Comité et dans le cadre des travaux du Comité, c'est qu'il faudrait demander au gouvernement de fournir des précisions. Est-ce que l'objectif ici est d'attirer des investissements, c'est donc dire d'attirer des investisseurs du secteur privé canadien, Bay Street, si vous voulez? On pourra alors se demander pourquoi l'institution n'est pas à Bay Street, mais à Montréal. C'est une tout autre question.
    Indépendamment de cela, est-ce l'un des objectifs ou non? S'agit-il simplement de fonds publics visant à attirer des investissements privés dans les pays en développement, ce qui en réalité — dans le cas de la plupart des IFD — prend la forme non pas de financement de contrepartie, mais plutôt de ce que j'appellerais du co-investissement, de façon à faire participer d'autres IFD et d'autres intervenants et, de façon modeste, à faire participer le secteur privé local et certains capitaux privés.
    Je ne sais pas si j'ai bien répondu à la question ou non. Nous ne savons tout simplement même pas si cela fait partie du plan de l'IFD canadienne.
    Je vais me tourner vers M. Levitt, s'il vous plaît.
    Bonjour, messieurs. Je suis désolé que nous ayons certains problèmes techniques ce matin.
    Monsieur Runde, pouvez-vous m'entendre?
    Oui.
    Fantastique. Je vais peut-être commencer par vous, parce que je sais que vous attendez depuis un certain temps.
    En 2015, un tiers des IFD dans le monde en développement étaient présentes dans les pays BRICS, le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. À l'opposé, les pays les moins développés ont seulement attiré 5 % des IFD des pays. J'aimerais comparer cette donnée aux chiffres de l'OCDE, selon lesquels le pourcentage de financement des IFD destiné aux PMA entre 2008 et 2013 s'élevait à environ de 11 à 27 % par année.
    S'agit-il d'un niveau raisonnable d'investissement des IFD dans les PMA ou pourrait-on en faire plus pour encourager des investissements dans les pays où les besoins et les répercussions sont peut-être les plus élevés? Quels sont les obstacles? Devrions-nous prévoir un montant précis, une cible? Ou est-ce que c'est le marché qui décidera?

  (0935)  

    À moins que les actionnaires de l'IFD canadienne ne l'obligent à s'intéresser à des endroits où il est plus compliqué de conclure des accords, ce sera toujours plus tentant de se tourner vers le Brésil pour y conclure des accords de télécommunication. C'est plus facile. Mettez-vous à la place d'un agent des investissements; comment êtes-vous évalué? Comment obtenez-vous une promotion? Vous décrochez une promotion en investissant de l'argent. Tout est une question de votre volume d'affaires.
    La nouvelle IFD doit évaluer ses agents des investissements, non seulement en fonction de l'argent qu'ils investissent, mais aussi selon leurs différents projets. Par exemple, les actionnaires de la SFI, y compris le Canada, l'ont beaucoup poussée à être plus présente dans des endroits comme Haïti ou l'Afrique subsaharienne.
    Une chose que je n'ai pas pu mentionner dans mon témoignage, c'est que je ne serais pas surpris si l'IFD revenait voir le Comité et le Parlement pour demander plus d'argent que ces 300 millions de dollars. Si vous comptez lui demander d'aller dans des endroits où il est plus difficile de conclure des affaires, vous allez devoir accepter que le risque soit plus élevé — vous n'obtiendrez probablement pas le plein rendement du marché —, et il se peut qu'on vous demande du capital supplémentaire.
    Cela ne veut pas dire que vous allez perdre tout cet argent, mais il sera investi soit dans l'assistance technique, soit dans des projets additionnels. Je crois que vous allez devoir insister, que vous allez devoir faire pression, sans vous attendre à obtenir le rendement complet du marché. Attendez-vous à ce que vos discussions d'investissement au Mali soient très différentes de celles qui se seraient tenues au Brésil.
    Monsieur Bhushan.
    C'est une très bonne question. Mes opinions concordent en grande partie avec celles de l'intervenant précédent.
    Je crois l'avoir mentionné dans mon exposé, relativement aux parts du portefeuille des IFD, mais de 75 à 80 % environ se trouvent dans des pays à revenu intermédiaire. Cependant, il y a aussi une autre chose qu'il convient de garder à l'esprit, si on veut que les calculs sous-jacents aient du sens. En 2000, il y avait 63 pays à faible revenu. En 2015, il n'y en avait plus que 31. Donc, il y a aussi le fait que votre bassin de pays diminue. C'est quelque chose qu'il ne faut pas négliger, surtout aux fins des calculs. Cela veut dire que même avec un petit montant — un montant absolu — vous pouvez tout de même avoir un grand impact, surtout dans les pays infopauvres affichant un déficit d'investissement élevé.
    Cela dit, je dirais en outre que certaines IFD en sont rapidement arrivées à cette conclusion et se sont réorientées en conséquence. Elles réagissent à la pression exercée pour les contraindre d'élargir leur présence dans des endroits difficiles. CDC Group, soit l'IFD du Royaume-Uni, est un exemple patent. Après des années ou même des décennies, l'organisation a récemment obtenu pour la première fois une augmentation importante de son capital, mais l'augmentation était assortie de l'instruction — ou d'une incitation dans ce sens — de déployer davantage d'efforts dans le pays à faible revenu et les moins avancés. CDC Group a décidé maintenant de déployer des efforts exclusivement en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. Voilà un exemple.
    De la même façon, l'OPIC a pour mandat de prioriser l'investissement américain lorsqu'elle négocie des accords. Aujourd'hui, la pression se fait de plus en plus forte, même sur l'OPIC. L'organisation a réagi en prenant davantage de risques; une plus grande part de son portefeuille est maintenant investi dans des pays à faible revenu parmi les moins avancés.
    Le risque doit vraiment devenir une question centrale ici, et je crois que cela vaut non seulement pour l'IFD, mais également pour l'ensemble de la discussion. Nous savons que la ministre Bibeau va annoncer sa nouvelle politique d'aide internationale, dont le féminisme sera un des principes; ce sera une politique d'aide internationale féministe. Je tiens à souligner que toutes ces choses ont un impact sur le risque. Adopter une approche féministe n'est pas sans risque. Ne nous faisons pas d'illusions.
    Parfait. Je veux que nous passions à la prochaine question, concernant l'un des piliers de notre stratégie de développement.
    La vieille politique — et hypothétiquement la nouvelle, selon vous — avait entre autres buts celui d'aider les femmes, y compris celles vivant dans les endroits les plus vulnérables. Il s'agit, bien évidemment, d'un enjeu très important pour l'IFD, et l'organisation compte continuer d'y travailler.
    D'un autre côté, que pouvons-nous faire? Devons-nous former des femmes entrepreneures pour leur montrer la valeur de l'IFD? Comment pouvons-nous nous assurer que cette IFD dispose de stratégies intégrées qui permettront aux femmes entrepreneures de réussir dans des régions où le risque est le plus élevé? Il faut tenir compte de qui sont les investisseurs, et nous devons veiller à soutenir les femmes sur le terrain pour ce genre de projets locaux afin de leur permettre de s'autonomiser. Que pouvons-nous faire pour nous assurer que l'IFD — autant en aval qu'en amont — produit de bons résultats pour les femmes?
    Je pose la question à vous deux.

  (0940)  

    Je vais laisser monsieur répondre en premier. Je crois que nos opinions divergent peut-être sur la question.
    Merci. C'est évident qu'on déploie des efforts là-dessus, mais si on prend le portefeuille de la SFI, je doute que cela représente une part importante. C'est sûr que cela a capté beaucoup l'attention au cours des 10 dernières années, et je crois que nous allons devoir procéder avec prudence dans l'avenir. On devrait déployer beaucoup d'efforts à ce chapitre, et la SFI, par exemple, s'en est chargée de plus d'une façon. Par exemple, elle a fourni des lignes de crédit, des garanties et de la formation à des banques locales dans des pays en développement dans le but de cerner les petites entreprises dont les propriétaires sont des femmes et de travailler avec elles. Voilà un exemple d'efforts.
    Un autre effort pourrait être de fournir de l'assistance technique, c'est-à-dire des subventions, combinée, disons, à des prêts pour l'entrepreneuriat féminin qui vont fournir des services aux entreprises pétrolières, gazières et minières du Canada. Ce serait une façon de tirer parti des investissements des entreprises minières canadiennes dans les pays en développement. On voit un grand mouvement favorisant les entreprises locales; un grand nombre de gouvernements demandent que ce soient des organisations locales qui s'occupent des chaînes d'approvisionnement pour les activités extractives. Il n'y a aucune raison de ne pas aider de cette façon, dans une certaine mesure, les entreprises appartenant à des femmes.
    La SFI a également travaillé à un effort conjoint avec le Groupe de la Banque mondiale. C'est quelque chose qu'on aurait pu faire conjointement avec, disons, certains établissements de recherche canadiens, des universités ou des laboratoires d'idées. Des analyses ont été menées dans certains pays, et il avait été démontré qu'il serait possible d'augmenter la croissance de leur PIB de 1 % par année en modifiant certaines lois précises concernant la succession ou d'autres règles qui entravent la propriété ou les activités économiques féminines. Si vous demandez à certains pays si c'est ce qu'ils veulent, la plupart vous diront que ça les intéresse. On joue avec une composante analytique, dans ce cas.
     On doit faire jouer plusieurs composantes: l'assistance technique, les prêts et l'analyse des politiques. Soyons clairs: je comprends le sentiment qui sous-tend tout cela, et j'y souscris aussi, mais je crois que nous devons procéder sans nous faire d'illusions. C'est impossible que cela représente 50 % du portefeuille au cours des cinq premières années. Même si on dit que cela va être la priorité absolue [Note de la rédaction: Difficultés techniques]
    Nous avons perdu M. Runde.
    Il y a des jours comme ça.
    Chers collègues, nous allons laisser M. Bhushan répondre à la question de M. Levitt, puis ce sera tout.
    Monsieur Bhushan.
    Je vais reprendre ce que vient de dire l'intervenant précédent.
    Je vois un danger. Si je puis dire, je crois que vous tombez dans le piège que j'ai mentionné plus tôt, celui de demander à un léopard d'avoir des rayures. Il me semble que l'IFD ne va pas se rendre dans les villages pour leur apporter un soutien concret. Comme le dernier intervenant l'a dit, c'est parfaitement impossible que cela représente une grande part du portefeuille.
    Certaines des institutions financières les plus importantes — certaines des IFD les plus importantes — ont un portefeuille et une présence, disons, tellement grands qu'il leur est très facile de montrer qu'elles s'intéressent au sort des femmes et des filles, aux changements climatiques ou à l'agriculture et au climat. Par exemple, prenez la SFI. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'efforts concrets — il y en a —, mais il est aussi question d'envergure ici; je veux dire, qu'est-ce que vous comptez faire, et dans quelle mesure?
    Mais, encore une fois, en contrepartie, je dois souligner le risque existant de pousser les IFD à agir plutôt comme des organismes d'aide et non pas comme des investisseurs institutionnels. Nous devons essayer de garder à l'esprit, ou du moins, ne pas oublier, les buts recherchés dans le mandat. Avons-nous besoin d'un nouvel organisme d'aide, et si oui, pourquoi? Dans le cas contraire, nos objectifs concordent-ils avec la raison d'être des IFD? Ces organisations doivent agir comme catalyseurs pour les entreprises privées; leur utilisation doit être limitée, voyez-vous.
    À dire vrai, j'ai également fait valoir des arguments à propos du soutien aux capacités locales, surtout dans le secteur financier, parce que renforcer la capacité du secteur financier, même s'il s'agit de quelque chose comme la mise en place de l'attribution de titres de propriété, par exemple, peut servir à améliorer les régimes fonciers. C'est un prérequis si on veut un marché immobilier stable, et cela vaut aussi pour le marché hypothécaire, qui lui-même est nécessaire si on veut qu'il y ait, dans l'avenir, des investissements dans des sociétés de placement immobilier. Dans la plupart des pays en développement, ce genre de choses n'existent pas. C'est pourquoi nous devons réfléchir à long terme, avec une vue d'ensemble. Nous devons choisir des domaines où l'évolution sera longue et étendue, et non succomber à la tentation; juste parce qu'il y a le mot « féministe » dans un titre, cela ne veut pas dire que nous devons essayer de nous assurer que chaque investissement est concrètement et parfaitement féministe.
    Puisque les impacts des IFD se ressentent au niveau macroéconomique, nous avons une marge de manoeuvre qui nous permet d'avoir un impact en stimulant l'investissement, la productivité et la croissance à long terme. Voilà sur quoi on devrait mettre la priorité au lieu de se contenter de faire l'éloge des projets.

  (0945)  

    Merci, monsieur Bhushan.
    Monsieur Runde, êtes-vous de nouveau parmi nous?
    Oui. Toutes mes excuses pour ces problèmes techniques.
    Je veux dire que j'appuie ce que monsieur vient de dire. Selon moi, l'IFD n'est pas un organisme d'aide parmi tant d'autres, et il y a donc des limites à ce qu'elle peut faire. Elle a ses propres forces et elle peut faire certaines choses qu'un organisme d'aide traditionnel ne peut pas faire. Je pense, par exemple, à la Commonwealth Development Corporation — la Société pour le développement du Commonwealth — au Royaume-Uni, qui a subi une révision majeure au cours des cinq dernières années, en plus de recevoir du nouveau capital, comme monsieur l'a dit plus tôt. On accepte qu'il remplisse un rôle différent de celui du ministère du Développement international, disons, qui est l'organisme d'aide bilatéral du Royaume-Uni.
    Merci.
    Chers collègues, nous allons devoir nous arrêter ici.
    Je tiens à remercier M. Bhushan et M. Runde et je veux aussi m'excuser si certains problèmes techniques, comme les services d'interprétation, vous ont causé quelque frustration. Ils sont censés fonctionner.
    Ce sera tout pour vous aujourd'hui. Nous avons vos deux mémoires, mais ils n'ont pas été distribués parce qu'ils ne sont pas dans les deux langues. Nous allons les faire traduire, et ensuite nous allons les remettre aux membres du Comité.
    Monsieur Runde, je crois que nous alllons essayer de voir si nous pouvons vous inviter à nouveau. Nous aimerions avoir avec vous une discussion beaucoup plus rigoureuse, puisque vous avez été essentiellement écarté pendant tout le processus. Cela ne nous aide pas beaucoup. Nous croyons que discuter avec vous pourrait nous apporter beaucoup. Je vais essayer de vous inviter à nouveau d'ici peu, mais ce ne sera probablement pas avant l'automne. D'ici là, nous avons amplement le temps de régler nos problèmes techniques.
    Je vais venir à Ottawa.
    D'accord, ce serait un plaisir de vous recevoir. Nous sommes toujours contents de vous avoir à Ottawa, et je vous en serais très reconnaissant.
    Chers collègues, nous allons prendre une pause, puis nous allons passer à notre prochain groupe de témoins.
    Merci beaucoup, monsieur Bhushan, monsieur Runde.

  (0945)  


  (0950)  

    Chers collègues, reprenons les travaux.
    Nous avons devant nous ce matin, par vidéoconférence depuis Toronto, James Haga, vice-président, Stratégie et investissement d'Ingénieurs sans frontières Canada. Nous avons également avec nous Rod Lever, vice-président de Cowater International.
    Nos deux témoins vont nous présenter brièvement leurs commentaires et leurs déclarations, puis nous allons passer aux questions. Je veux commencer avec M. Haga, notre témoin par vidéoconférence. Voyons si les choses vont mieux se passer qu'avec notre dernier témoin.
    James, vous avez la parole.
    Vous m'excuserez de ne pas pouvoir être parmi vous en personne, mais je suis tout de même très heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui. Je sais que, pour chacun d'entre vous, ce genre de chose est le train-train quotidien, mais pour moi, c'est vraiment quelque chose de pouvoir m'entretenir avec vous, les décideurs du gouvernement. Je vous suis très reconnaissant, au nom de mon organisation, de me donner cette occasion. Merci de nous avoir invités, Ingénieurs sans frontières Canada et moi.
    D'abord et avant tout, je crois qu'il serait important de dire au gouvernement et à tout le monde concerné qu'ils méritent vraiment toutes nos félicitations. Bon nombre de gouvernements et de personnes, tous partis confondus, se sont penchés sur le financement du développement depuis un grand nombre d'années, et des gens y ont mis beaucoup d'efforts. Ceux d'entre nous qui ne font pas partie du gouvernement ont également joué un rôle actif pendant de longues années. Je suis moi-même intervenu, à l'instar d'Aniket qui a témoigné devant vous ce matin, sur cette question pendant plusieurs années. Nous soutenons de tout coeur les progrès réalisés par rapport à l'engagement qui a été pris et qui ont permis la création de ce genre d'institution. Ce genre de progrès novateur ajoute de façon réelle aux outils que le Canada pourra utiliser pour composer avec les difficultés qui ressortent sur la scène internationale.
    Dans mes commentaires, je vais surtout essayer d'aborder des sujets un peu différents que vous n'avez peut-être pas entendus de la part des autres témoins. Je connais très bien Brett House de la Banque Scotia. J'ai travaillé avec lui sur cette question pendant de nombreuses années. J'ai aussi lu son témoignage. Je tiens à dire que je soutiens et appuie la majeure partie de ce qu'il a dit. Je vais donc gagner beaucoup de temps et dire que je souscris à un grand nombre des conseils et recommandations de Brett. Je n'ai pas entendu ce qu'Aniket a dit ce matin, mais après avoir travaillé avec lui au fil des ans, je crois qu'il a toute l'expérience requise pour formuler des arguments saillants, auxquels je souscrirais également.
    D'abord, laissez-moi commencer par une histoire très simple. Je crois que ce sera important pour situer le contexte dans lequel une IFD évolue réellement. Depuis les deux dernières années, je travaille dans l'Est, l'Ouest et le Sud de l'Afrique. Si je suis en mesure de vous fournir mon opinion éclairée sur ces questions, c'est essentiellement parce que j'ai interagi avec des centaines d'entrepreneurs sur le continent africain. J'ai vu de mes propres yeux un grand nombre des difficultés auxquelles ces gens doivent faire face pour édifier des marchés durables et inclusifs. Selon un certain nombre de personnes qui travaillent en Afrique depuis longtemps, les obstacles à l'entrée sont de taille lorsqu'on veut faire des affaires dans les pays en développement; c'est loin de n'être qu'une question de capital. Bien sûr, nous sommes ici aujourd'hui pour discuter du financement du développement, mais je veux aussi dire rapidement que les efforts relatifs aux capitaux ne touchent qu'une partie de ces problèmes. Outre la disponibilité de capitaux, il est tout aussi important de prendre en considération le capital humain et la façon dont on peut rajuster le déploiement des capitaux en fonction des risques compte tenu des besoins et du contexte des pays en développement où nous menons nos activités.
    Il y a un exemple que j'ai entendu et que je raconte souvent aux gens: il a fallu à Coca-Cola, l'une des entreprises les plus importantes et efficientes au monde, plus de 12 ans pour simplement atteindre le seuil de rentabilité concernant ses activités en Afrique subsaharienne. Et ça, ce n'est que pour la vente d'une boisson sucrée et légèrement addictive, vendue par une entreprise possédant une expérience internationale en ce qui concerne ses chaînes de valeur et ses activités de distribution. Je crois que cet exemple peut vraiment vous aider à situer les difficultés, à prendre conscience de leur ampleur lorsque vous essayez d'aider au développement des entreprises afin de répondre aux besoins des populations les plus pauvres et les plus vulnérables. C'est très difficile d'être un entrepreneur, peu importe où dans le monde. Je sais que certains membres du Comité ont également une certaine expérience en tant qu'entrepreneur, et lorsque ce n'est pas le cas, vous en connaissez très bien certains. Un grand nombre d'entrepreneurs au Canada échouent. Pour mettre cette difficulté en perspective, je dirais qu'il est beaucoup plus difficile, à cause de l'environnement et du contexte opérationnel, pour les entrepreneurs de réussir dans les pays en développement.

  (0955)  

    C'est très important de garder cela à l'esprit pour situer vos attentes envers l'IFD dans ce contexte; le Canada, comme d'autres pays qui ont déjà établi des IFD, devra faire preuve de patience s'il espère des résultats utiles. Ce que je veux dire, en partie, d'un point de vue conceptuel, à propos du mandat de cette IFD, c'est simplement que nous avons l'occasion de prendre des décisions qui nous permettront de nous situer, et de quelle façon, sur le continuum avec les autres institutions financières de développement existantes. Nous pourrons ainsi tirer parti de certaines des leçons et de l'expérience des autres organisations qui oeuvrent depuis bon nombre d'années dans ce domaine.
    Le premier ministre et la ministre Bibeau ont annoncé il y a quelques semaines déjà, à Montréal, que l'institution serait établie à Montréal. Selon moi, ils ont fait, à cette occasion, un certain nombre de déclarations très importantes, et j'aimerais souligner deux d'entre elles: premièrement, on va mieux centrer les efforts sur les populations les plus pauvres et les plus vulnérables du monde — et il est très important de le préciser —; et deuxièmement, cela sera fait en mettant à contribution l'expertise des petites et moyennes entreprises, en particulier celles dirigées par les femmes et les jeunes. Nous accordons tout notre soutien et toute notre confiance à l'ensemble de ces déclarations. Nous croyons qu'une institution financière de développement peut et doit être novatrice; elle doit prendre les risques qui lui permettront de répondre à des besoins précis et d'avoir un impact supplémentaire et concret dans l'édification des marchés.
    Je crois qu'il est aussi nécessaire de souligner les difficultés exceptionnelles que cela suppose. À première vue, c'est tout simple de dire qu'il faut mettre l'accent sur les populations les plus pauvres et les plus vulnérables du monde, mais en vérité, un grand nombre d'IFD finissent par injecter leurs capitaux dans des occasions d'affaires qui, selon moi, n'ont pas été conçues dans le but de répondre aux besoins particuliers de ces populations cibles uniques. Je ne dis pas cela pour les discréditer. Les marchés sont conçus de diverses façons d'un bout à l'autre du monde — c'est nécessaire —, et les IFD doivent continuer d'agir en conséquence. Cependant, je dois dire que le Canada a été très clair dans son annonce, quand il a été question des populations les plus difficiles à rejoindre. Nous devons donc adopter une approche conceptuelle différente pour notre IFD et la façon dont ses activités serviront à atteindre les objectifs.
    Je vais maintenant faire quelques recommandations qui sont explicitement formulées en tenant compte de ce qui a été dit à propos des populations les plus pauvres et les plus vulnérables du monde. Nous savons que 9 emplois sur 10 dans les pays en développement sont dans le secteur privé, et malgré tout, un grand nombre de petits entrepreneurs ont extrêmement de difficulté à obtenir du financement à long terme. Les PME créent environ 66 % des emplois à temps plein dans les pays en développement. L'emploi — dans ce cas-ci, la création d'emplois —, sera crucial d'ici 2050, puisqu'on sait, je crois, qu'il y aura d'ici là plus d'un milliard de jeunes seulement sur le continent africain. Nous avons tous un intérêt très considérable à veiller, et cela le plus rapidement possible, à ce que ces gens puissent trouver de bons emplois durables afin de contribuer à la société.
    Bien sûr, en même temps, le Canada, par l'intermédiaire de sa politique étrangère, a déjà adopté de nombreuses façons une approche visant à affirmer l'importance des femmes et des filles dans toutes les activités du pays. Nous savons que les femmes et les filles sont particulièrement et terriblement désavantagées en ce qui concerne leurs possibilités de participer à la vie active, et c'est surtout vrai en ce qui concerne l'économie. Certaines de mes recommandations touchent précisément la façon dont le Canada peut, essentiellement, prendre des mesures en conséquence.
    D'abord, je veux parler de l'importance de l'approche axée sur le portefeuille. Nous devons répartir le risque sur l'ensemble du portefeuille; nous savons que certains investissements seront pris en vue d'obtenir un rendement très précis, tandis que, pour d'autres, nous pouvons accepter un rendement différent, puisque l'objectif de développement lié à ce genre d'investissement doit être atteint à long terme, avec davantage de patience.

  (1000)  

    Donc, ma première recommandation est de consacrer 15 % du portefeuille de l'institution de financement du développement afin d'injecter des capitaux patients dans des petites et moyennes entreprises qui présentent un risque élevé, et ce, à un stade très précoce. Cela comprend les entreprises axées spécifiquement sur la création de solutions de marché ciblées et adaptées pour les populations les plus pauvres et les plus vulnérables vivant dans des pays à faible revenu.
    Le Canada pourra vraiment se distinguer en poursuivant à dessein un rendement inférieur au taux du marché adapté en fonction du risque afin de soutenir les entreprises qui permettront d'ouvrir de nouveaux marchés pour les populations les plus pauvres et les plus vulnérables. Un grand nombre d'IFD finissent par conclure des ententes dans les pays à faible revenu. Le Canada pourra aller plus loin en essayant, effectivement, d'injecter une partie des capitaux de l'IFD dans des solutions d'affaires adaptées de façon à répondre aux besoins des populations qui sont présentement mal desservies ou complètement sous-représentées dans le marché d'aujourd'hui.
    C'est la chose la plus difficile, et c'est pourquoi j'ai recommandé de ne consacrer que 15 % du portefeuille à ces investissements présentant des risques très élevés. Puisqu'il s'agit d'un portefeuille très vaste, c'est important de prendre ce genre de risque, mais il ne faut toutefois pas que le mandat de cette institution canadienne soit entièrement entravé par les risques de ce genre.
     Ma deuxième recommandation serait d'offrir des garanties de prêt aux PME appartenant à des femmes. La ministre Bibeau et le premier ministre Trudeau en ont déjà discuté: vouloir axer nos efforts sur les entreprises appartenant à des femmes va également imposer une difficulté supplémentaire au Canada dépendamment de la façon dont nous nous y prenons, parce que l'entrepreneuriat féminin dans tous les pays en développement du monde doit affronter un grand nombre de difficultés systématiques ainsi que de la discrimination.
    Le taux de prêts non productifs chez les femmes est moins élevé que chez les hommes — simplement, elles tombent moins souvent en défaut de remboursement —, et pourtant, les institutions financières croient qu'il est beaucoup plus risqué d'investir de l'argent dans une entreprise appartenant à une femme. Les institutions de financement du développement bilatérales et multilatérales déjà en activité ont des instruments de garantie de prêt qui ciblent les femmes afin d'aider à atténuer cette perception qu'il est plus risqué d'accorder un prêt à une femme. C'est une croyance perpétuée par les banques et qui s'applique à toutes les femmes du monde, et c'est pourquoi on essaie d'encourager les prêts destinés à l'entrepreneuriat féminin. Cette approche est très efficace pour une IFD, et cela a été prouvé, et c'est quelque chose que les marchés et les institutions financières privées ne feraient pas en temps normal. Nous croyons que le fait de déployer de grands efforts pour appuyer l'entrepreneuriat féminin permettra au Canada d'ébranler de façon très réelle ce genre de problème.
    Avec ma dernière recommandation, je reviens en fait à quelque chose que j'ai dit plus tôt, à propos du fait que les difficultés que connaissent les petites et moyennes entreprises d'aujourd'hui sont loin de tenir uniquement à la disponibilité des capitaux. Si l'intention de l'IFD du Canada est d'adopter une approche exhaustive, il sera extrêmement important de fournir aux entrepreneurs de l'assistance technique ainsi que toute une gamme de services de soutien aux entreprises.
    Nous encourageons donc le Canada à mettre en place une installation pour l'assistance technique qui pourra être utilisée dans le cadre d'investissements et de partenariats concernant des institutions financières que notre propre pays essaiera de conclure. Parallèlement, le Canada devrait également fournir une assistance directement aux entrepreneurs, en particulier à l'entrepreneuriat féminin, de façon à rendre plus solide l'investissement de l'IFD dans ces gens et à veiller à ce que nous soyons en mesure de les soutenir s'ils éprouvent des problèmes en cours de route, vu toutes les difficultés que suppose la création d'une entreprise. Un grand nombre d'études de cas montrent qu'il est crucial de donner suite aux investissements en offrant une assistance technique, et je serai heureux de vous en parler davantage si vous me posez des questions à ce sujet après mon exposé.
    Sur ce, je vais conclure en vous remerciant à nouveau de m'avoir donné l'occasion de témoigner.

  (1005)  

    Merci, monsieur Haga.
    Monsieur Lever, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je désire également vous remercier de m'offrir la possibilité de venir ici et de parler de ce sujet auquel je m'intéresse depuis longtemps. Au cours des 20 dernières années, j'ai passé beaucoup de temps à travailler au financement du développement et au financement des exportations. J'ai travaillé 16 ans à EDC, et cela fait près de deux ans que je suis à Cowater International.
    Je désire commencer mon exposé en disant que les points de vue que je vais exprimer ici aujourd'hui sont les miens. Ils ne reflètent pas nécessairement ceux de mon employeur actuel ou ceux de mon employeur antérieur, alors je vais plonger dans le vif du sujet. Je vous demande votre indulgence même si j'ai préparé mes remarques. J'ai réfléchi à ce que je voulais dire; je vais aborder chaque élément et j'aurai besoin d'environ huit minutes.
    Je vais commencer par certaines hypothèses de travail concernant l'IFD et aborder ensuite ce que j'appellerais les « zones de danger », ce que, à mon avis, l'IFD ne devrait pas aspirer à devenir. Je vais expliquer pourquoi, préciser ce que l'IFD devrait souhaiter devenir et réaliser, selon moi, et ce que cela représente pour son mandat, sa gouvernance et sa stratégie. Je donnerai de véritables exemples d'institutions partenaires et de ce que j'ai observé lorsque j'étais dans le domaine.
    Je vais commencer par les hypothèses et les dangers.
    La nouvelle IFD visera à être autonome, c'est-à-dire qu'elle devra assumer ses coûts opérationnels et financer ses investissements et ses prêts au moyen de capital versé et de provisions pour pertes. Sa direction et présumément son conseil d'administration seront responsables de l'exécution de son mandat et de l'administration des résultats financiers et en seront redevables. Cela signifie que son appétit pour les risques, la portée de ses activités et sa stratégie seront circonscrits dans une certaine mesure. En d'autres mots, elle ne sera pas en mesure de tout faire pour tous. Elle devra choisir des domaines d'activités, sur le plan tant géographique que sectoriel, et définir les types d'ententes qu'elle désire conclure ainsi que les solutions structurelles.
    Même s'il s'agit simplement de la réalité, non pas d'un problème nécessairement, cela pourrait mener l'institution dans une voie qu'elle ne voudrait pas nécessairement emprunter. Qu'est-ce que nous voulons? Je ferais valoir, d'abord, que nous désirons que cette institution présente un caractère complémentaire, ce qui signifie qu'elle ne fera pas ce que les institutions financières du secteur privé font déjà et, ensuite, nous voulons placer l'impact sur le développement au coeur de la façon dont elle mesure les résultats.
    Vous pensez peut-être que ces objectifs sont évidents, mais nous devons examiner pleinement les répercussions liées au fait d'être autonome: l'institution subira certainement des pressions pour atténuer les risques et, en outre, trouver des projets et conclure des ententes qui réduisent le fardeau opérationnel que suppose le fait de trouver et de mener des transactions financières complexes au lieu de possiblement suivre l'exemple des autres et du marché. Il s'agit d'un scénario possible.
    Nous savons que l'IFD peut concurrencer partout dans le monde afin de conclure les meilleures ententes. Tout le monde veut être associé à des projets et à des entreprises qui connaissent du succès et, tout comme dans le monde bancaire du secteur privé, les IFD sont reconnues pour se battre afin d'obtenir les meilleurs actifs.
    Encore une fois, je ne veux pas être trop critique — il existe certainement nombre de bons modèles d'IFD —, mais j'affirmerais que le type de comportement qui consiste à chercher les actifs de choix est un comportement que nous ne voulons pas voir et, par définition, il ne s'agit pas vraiment du caractère complémentaire recherché.
    Pour que l'IFD trouve efficacement un juste équilibre entre l'autonomie et ses priorités en matière de développement, elle doit le faire à l'aide d'un cadre de gouvernance approprié et d'une orientation et de priorités stratégiques claires. Ces objectifs peuvent et devraient être équilibrés, et l'institution — et l'intervenant précédent en a parlé — sera donc forcée d'innover afin de conclure des ententes complémentaires solides ayant un impact sur le développement qui, à l'échelle du portefeuille — encore une fois je reprends les propos de l'intervenant précédent —, n'entraînent pas de pertes. Voilà ce qui encadre la discussion sur l'équilibre des risques.
    Nous allons maintenant parler du mandat et de la gouvernance.
    Ma première recommandation est, par conséquent, que l'IFD démontre une additionnalité claire et un impact évident sur le développement pour chaque transaction. Il existe des méthodes établies dans le monde du développement pour mesurer l'impact sur le développement, et j'affirme que l'IFD doit chercher à les apprendre et à les intégrer à ses propres mesures.
    Par exemple, AMC possède plusieurs experts, tout comme nous à Cowater, qui conçoivent des cadres robustes de mesure du rendement, lesquels sont essentiels à la gestion axée sur les résultats. Dans nos projets, nous devons nous engager à atteindre des résultats très précis en matière de développement, allant même jusqu'au nombre de personnes qui reçoivent un certain type de formation ou au nombre d'entreprises qui pénètrent de nouveaux marchés avec leurs produits. Pourquoi l'IFD ne devrait-elle pas envisager d'utiliser des pratiques similaires adaptées bien sûr à la sphère commerciale dans laquelle elle mène ses activités?

  (1010)  

    Cela m'amène à ma deuxième recommandation: l'IFD doit établir un cadre robuste de mesure du rendement fondé sur les pratiques exemplaires du secteur privé dans la sphère du développement international.
    Je vais parler un peu de stratégie. J'espère voir AMC renforcer sa capacité d'aborder ses interactions avec l'IFD de manière stratégique et de jouer un rôle bien défini dans l'élaboration des priorités de l'IFD. C'est plus facile à dire qu'à faire. À un niveau élevé et sur le plan stratégique, l'IFD devrait s'inscrire dans la trousse à outils d'instruments stratégiques offerte par le gouvernement du Canada, pendant qu'elle travaille à soutenir le développement d'économies partout dans le monde avec l'objectif ultime de réduire la pauvreté et les inégalités et de favoriser la croissance économique et les moyens de subsistance.
    Sur les plans conceptuel et temporel, l'IFD joue un rôle dans le développement économique d'un pays plus tard que les programmes traditionnels de développement, comme on l'a vu avec la CDC par rapport au DFID.
    L'idée principale est que les entreprises durables existent. Elles ont la capacité de rembourser leurs prêts et leurs investisseurs, mais pour diverses raisons, y compris les marchés financiers locaux sous-développés, elles ne peuvent pas avoir accès au capital afin de croître et de mener à bien leurs plans opérationnels.
    Alors, de quelle façon une IFD se compare-t-elle aux programmes traditionnels de développement? AMC devrait relever un ou deux programmes, bureaux ou divisions, se concentrer sur la croissance économique dans les pays en développement et envisager d'adresser les bénéficiaires qui cherchent à prendre de l'expansion à la nouvelle IFD, ce qui représente ma troisième recommandation. Il s'agit vraiment de s'organiser et de s'assurer que, si nous parlons d'une politique cohérente de développement où on fait des interventions précoces et tardives, le mécanisme existe permettant de le faire.
    Par exemple, dans le cadre de nos projets dans le monde entier, à Cowater, nous travaillons avec différents organismes donateurs et, pour cette raison, nous sommes dans une position relativement privilégiée pour examiner diverses conceptions de projet, les bonnes comme les mauvaises. Je vais en choisir une bonne. Le DFID, le ministère du Développement international du Royaume-Uni, est un meneur dans ce qu'on appelle les approches axées sur les systèmes de marché en matière de développement. Il investit dans l'aide aux pays, aux entreprises et aux gouvernements infranationaux afin qu'ils éliminent systématiquement les obstacles au marché dans les pays les moins développés et qu'ils pavent la voie à la viabilité financière grâce à ces interventions.
    On fait cela, par exemple, dans l'énergie renouvelable. On a beaucoup de difficultés à aider les pays africains à investir dans des technologies qui atténuent les changements climatiques et à bâtir des modèles opérationnels durables dans le secteur de l'énergie. Des candidats au financement du développement viennent de ces programmes. Vous pourriez avoir, par exemple, une petite exploitante d'une centrale solaire qui a un flux net de trésorerie récurrent et une expertise éprouvée et qui désire reproduire son modèle opérationnel dans le cadre de nombreux autres projets. Même si le DFID l'aide, elle n'a pas accès à du capital ou fait face à des coûts d'immobilisations élevés, ce qui nuit effectivement à sa croissance.
    Voilà les types de façons dont AMC et l'IFD peuvent travailler ensemble en adoptant une approche coordonnée à long terme, en investissant dans le développement élémentaire d'entreprises et en s'assurant que l'IFD cherche des candidats susceptibles de connaître une croissance lorsqu'ils seront prêts.
    Ma quatrième recommandation est que l'IFD devrait se concentrer sur des secteurs ou des régions où les PME sont viables et ont le potentiel de croître d'une manière durable sur le plan financier. Le secteur de l'énergie renouvelable, le secteur de l'eau et les petites infrastructures sont des exemples. Incidemment, je ne crois pas que l'IFD devrait s'occuper de grands projets d'infrastructure. Ce sont les entreprises privées qui devraient s'en occuper, et ces projets sont peu susceptibles d'être de bons candidats au renforcement des capacités des PME ou des micro-entreprises si importantes au développement économique des pays en développement.
    Je vais parler un peu d'instruments et de mécanismes. Les IFD qui connaissent du succès combinent leurs instruments financiers avec l'assistance technique faisant l'objet de subventions, qui est essentielle au moment de fournir la capacité dont le bénéficiaire a besoin. Par exemple, dans l'ancienne Union soviétique, la SFI a été très efficace lorsqu'il s'est agi d'investir dans de petites banques régionales afin qu'elles respectent les normes internationales en matière de gestion des risques, ce qui permettait également d'atténuer les risques pour la SFI dans le cadre de ses investissements et ses prêts. Pour que la banque évite les risques systémiques et bancaires, elle devrait mettre en place les pratiques de gestion des risques voulues.
    Le financement de donateurs, afin de permettre à la banque de disposer d'assez d'argent pour rémunérer une équipe intégrée de conseillers pendant quelques années, associé à d'autres investissements, est l'élément clé qui a permis d'y arriver et la raison pour laquelle la SFI a été en mesure d'avoir un impact pertinent et réel sur le développement.
    Le secteur privé canadien serait extrêmement bien positionné pour fournir ce type d'assistance technique et aider les pays en développement à bénéficier de l'expertise canadienne de calibre mondial.

  (1015)  

    Ma dernière recommandation est, par conséquent, que l'IFD mette en place un mécanisme pour travailler avec le secteur privé canadien afin de définir les projets en devenir qui auront un impact considérable sur le développement et au sujet desquels l'expertise canadienne peut grandement contribuer.
    Merci d'avoir écouté mes remarques. Je suis heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Lever.
    Nous allons passer directement aux questions.
    Monsieur Kmiec, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je désire parler immédiatement de la prise de risques parce que je n'ai pas eu l'occasion de poser des questions à ce sujet aux deux témoins. Vous en avez parlé tous les deux, et c'est assez essentiel au lancement de l'IFD parce que nous parlons de centaines de millions de dollars de l'argent des contribuables qui sont mis de côté.
    Certains témoins, par le passé, ont parlé du portefeuille et du fait qu'on ne devrait pas s'attacher à chaque projet, mais plutôt envisager l'ensemble du portefeuille. Dans un portefeuille, vous avez un éventail de projets, et j'ai examiné différents fonds. J'ai le fonds suédois ici sur mon iPad et je peux voir certains des projets qui ont été financés. Si vous essayez de gérer les risques de votre portefeuille, comme on en a parlé, en permettant à l'IFD de réinvestir les fonds qu'elle tire du financement qu'elle a consenti et de profiter elle-même du soutien financier qu'elle offre... il y en a tout un spectre. Si nous envisageons de nous attacher aux PME et aux programmes à haut risque qui ont un impact considérable sur les plus pauvres, cela signifie que le gestionnaire de portefeuille devra opter pour quelque chose comme un hôtel de luxe qui offre un rendement très élevé. Alors, comment trouver le juste équilibre? J'ai examiné ces projets suédois ici, et ils comptent des hôtels de luxe en Afrique qu'ils ont aidés à démarrer. Peut-être que la Sierra Leone en a besoin d'un autre; je ne le sais pas. Par ailleurs, le fonds a également financé des programmes qui semblent mettre exactement l'accent sur les plus démunis qui ont besoin d'aide. Comment trouver un équilibre entre les deux? C'est ma première question.
    Quel est le pourcentage acceptable de perte de l'IFD, à votre avis, au cours de la première, de la troisième et de la cinquième année, si les choses vont mal?
    Il y a également deux volets au risque dont il faut tenir compte, car on parle d'accepter des rendements en dessous du marché. L'IFD pourrait perdre de l'argent investi dans un projet. Elle peut atteindre tous ses objectifs, mais perdre quand même de l'argent. Est-ce acceptable? Ou si elle investit dans un projet et qu'elle obtient un rendement en dessous du marché, cela fait également partie de la perte qu'elle subit.
    Puis-je vous entendre tous les deux sur ces deux aspects?
    Monsieur Haga, vous pouvez y aller en premier.
    Excellent. Ce sont toutes des questions importantes.
    En ce qui concerne le fait d'établir un équilibre entre certains des éléments dont vous parliez, évidemment, cela dépend de la nature du mandat et de la mesure dans laquelle il est défini et établi précisément. Certaines IFD sont spécialement conçues pour être plus dynamiques que d'autres dans la recherche d'un rendement financier, alors le Canada pourrait choisir d'adopter une approche selon laquelle nous cherchons à continuer de générer un rendement financier solide, ou bien on pourrait voir... Je dirais en fait qu'il serait tout à fait acceptable pour nous d'en arriver au point où nous obtenons un remboursement de capital plutôt qu'un rendement du capital.
    Je dis cela parce que, si vous pensez au flux d'affaires émanant d'entreprises qui est actuellement disponible, de très nombreuses personnes qui mènent leurs activités en tant qu'investisseurs, qu'il s'agisse de fonds ou d'autres choses — au moins dans les pays de l'Afrique subsaharienne que je connais —, parlent souvent d'un problème lié au flux d'affaires et à ce qui est en cours de réalisation et du fait qu'il n'y a vraiment pas assez d'entreprises solides dans lesquelles investir, alors, dans le but de jouer un rôle qui est vraiment libérateur et catalyseur, le Canada peut choisir d'établir des marchés en contribuant à l'élimination des risques pour certaines de ces entreprises en démarrage qui pourront ensuite devenir potentiellement rentables, puis les croître et fournir des solutions qui ont une incidence significative sur la vie des gens.
    Je pense que la question de l'équilibre a vraiment de l'importance relativement à la façon dont nous établissons et définissons ce mandat. Selon mon point de vue personnel, au moins durant les premières années, il est parfaitement acceptable de chercher à obtenir uniquement le remboursement des capitaux que nous injectons au fil du temps, mais cela va prendre plusieurs années. Il est question de nous organiser pour que le Canada obtienne un rendement généré par certains des investissements qu'il effectue. Je pense que nous envisageons un rendement dans 10 ou 15 ans, au lieu de penser à la première, deuxième ou troisième années. Ce genre de modèle d'investissement patient est d'une importance primordiale, et c'est plus particulièrement le cas étant donné que le Canada a déjà établi certains facteurs déterminants, comme l'accent mis sur les plus pauvres et les plus vulnérables du monde et sur l'investissement dans les PME dirigées par des femmes et des jeunes. Ces investissements sont plus difficiles.
    Il est formidable que nous l'ayons fait. Cela renforce particulièrement: le caractère additionnel et unique de ce que peut faire l'IFD du Canada comparativement à ce que beaucoup d'autres de nos homologues internationaux font actuellement, mais cela signifie que nous allons devoir être plus patients concernant nos attentes à l'égard du rendement et les délais en cause.

  (1020)  

    Merci de poser la question. Je pense que c'en est une très bonne et qu'elle est à la base de ce que nous devons comprendre.
    Vous avez évoqué l'approche axée sur le portefeuille. Tout d'abord, je souscris à l'opinion de James selon laquelle le portefeuille devrait être assorti d'un but à long terme. Si nous commençons à nous inquiéter et à nous en faire au sujet du pourcentage perdu la première ou la troisième année, cela aura une incidence néfaste sur le processus décisionnel et pourrait créer des buts auto-imposés qui ne sont pas réalistes concernant ce que l'institution peut accomplir.
    Cela dit, je pense que, dans l'ensemble, l'approche selon laquelle on cherche à établir un équilibre entre les risques faibles, les bons risques et les autres est celle à adopter. Je ne sais pas si le pourcentage est de 15 % ou quel est le chiffre, mais un effort concerté doit être déployé dans le but de cibler le capital de risque, qui est presque comme un bassin à l'intérieur de l'institution. Il devrait presque y avoir non pas un quota, mais une cible qui s'y rattache, et le capital doit être déployé dans les segments à risque élevé du mandat de l'institution. Quelqu'un devrait être responsable d'indiquer comment procéder, en s'assurant que l'argent est destiné aux plus pauvres et aux plus vulnérables et que les éléments de base de la stratégie, par exemple ceux relatifs aux femmes et aux filles, sont accomplis de manière efficace.
    Pour ce qui est de votre question concernant les secteurs où les actifs à faible risque devraient se trouver, l'exemple des hôtels de luxe... Manifestement, je ne sais pas si c'est ce que vous voulez faire. Je pense qu'en principe, l'idée de subventionner de façon indirecte le portefeuille en faisant des choses à faible risque — par exemple co-investir dans des fonds qui ont fait leurs preuves, qui accomplissent des choses solides, et où nous pourrons être relativement certains que les pertes seront limitées — devrait faire partie du modèle. Cette réponse clarifie presque ma déclaration préliminaire, c'est-à-dire que je ne suis pas contre le fait de mener des activités à faible risque, mais le portefeuille doit être équilibré.

  (1025)  

    Puis-je vous demander, alors...?
    Non, je suis désolé, Tom.
    Monsieur McKay, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux.
    Je suis heureux de vous revoir, James.
    C'est un débat intéressant au sujet de la vocation qu'on veut donner à cette banque une fois sa croissance terminée et de la question de savoir s'il s'agit d'une banque ou d'un organisme d'aide. Je pense qu'il est très instructif d'entendre ce que vous avez à dire. Je me rappelle avoir entendu ces genres de conversations en ce qui a trait à la Banque de développement et au Crédit agricole. Lorsque les pertes commencent à s'accumuler, il y a un retrait, et on détermine de nouveau le profil des risques acceptables.
    Laissez-moi vous poser une série de questions précises afin d'obtenir votre réaction.
    Considéreriez-vous cette institution comme un organisme qui prêterait, disons, de l'argent à une entité comme la banque Grameen?
    La banque Grameen est une institution de microfinancement. Il existe évidemment un très grand nombre de ces institutions dans le monde, dont certaines sont meilleures que d'autres. Oui, je pense tout à fait que les IFD peuvent inclure l'octroi de prêts à des institutions de microfinancement dans leur portefeuille. Selon moi, c'est bien raisonnable, et il s'agit d'une stratégie permettant de rendre les capitaux accessibles aux institutions, qui sont ensuite bien placées pour les distribuer et consentir des prêts à des exploitants de petites entreprises...
    Incluriez-vous cette activité dans vos 15 %, James, ou bien la laisseriez-vous faire partie des 85 %?
    Je ne la mettrais pas dans les 15 %, non, sauf si cette décision tient très précisément à ce que va faire l'institution de microfinancement en question au moment de consentir des prêts grâce aux capitaux mis à sa disposition par l'intermédiaire de l'IFD du Canada.
    Monsieur Lever.
    Non, je ne pense pas que ce devrait être dans la partie à risque élevé de son mandat. Je pense que le volet microfinancement de l'accès au capital est essentiel au développement. C'est important, mais je pense aussi que cela nous ramène tout simplement à la stratégie et à l'objectif: décidons d'abord où cette institution s'insère et quelles lacunes elle veut combler, puis, assurons-nous qu'elle ne fait pas la même chose que tout le monde. Si l'institution financière du Bangladesh ou de l'Inde reçoit des capitaux adéquats, ce pourrait ne pas être la priorité; il pourrait y avoir d'autres domaines dont elle pourrait s'occuper.
    Évidemment, il faut qu'on ait besoin de capitaux. Je veux dire... vous n'interviendriez pas si ce n'était pas le cas.
    Tout le monde a besoin de capitaux, par contre, n'est-ce pas?
    De façon générale, ces institutions atteignent beaucoup de buts fixés par le gouvernement, plus particulièrement en ce qui a trait aux femmes et aux microentreprises.
    Je veux seulement obtenir une réaction instinctive, si vous voulez, quant au fait qu'il s'agit ou non d'un investissement approprié. Ce qui est intéressant dans la réponse de James, c'est qu'il ne considère pas cela comme un investissement à risque; il voit cela comme une partie du portefeuille.
    Dans ce cas, ma deuxième question est la suivante: travailleriez-vous en partenariat avec une institution chinoise?
    Vous prenez vos mesures de connaissance de la clientèle, découvrez qui sont les actionnaires. Il est très difficile d'être catégorique à cet égard. Toutefois, vous sonnez l'alarme.
    Exactement.
    Si vous avez l'intention de mener vos activités en Afrique, vous devez conclure une certaine entente avec les Chinois. On peut soutenir qu'ils sont les principaux joueurs sur ce continent.
    James, quelle est votre réaction à l'idée d'un partenaire chinois?
    Je ne veux pas vous donner une non-réponse, mais je pense que, ce qui est important, c'est que, dans le cas de toute IFD, il doit y avoir des lignes directrices et des normes claires quant à la façon dont tout investissement a été effectué et aux conséquences de ces investissements particuliers d'un point de vue social, environnemental et financier.
    Dans la mesure où vous tentez de rassembler une foule d'autres partenaires et d'investisseurs, je ne ferais pas de discrimination contre tout groupe particulier, pourvu qu'il soit en mesure de suivre notre processus de diligence et de faire la preuve qu'il est effectivement un partenaire d'investissement de qualité convenant à un cas particulier.
    Je me rends compte que cela peut avoir l'air d'une non-réponse, mais je pense que la question est peut-être trop précise pour que l'on puisse y répondre d'un seul coup.

  (1030)  

    Mais, en principe, vous n'écarteriez pas cette possibilité.
    En principe, je ne l'écarterais pas.
    Pour ce qui est de tenter de miser sur l'expertise canadienne... Les Canadiens sont connus pour leur expertise en matière énergétique, leurs institutions financières, l'agroalimentaire, les ressources, etc. Le danger — si on veut — tient à la possibilité que l'institution soit utilisée pour assumer des risques dans les domaines d'expertise. Par exemple, une société minière veut mener ses activités dans le pays X, sait qu'il s'agit d'un investissement à risque élevé, et s'adresse à la banque en disant: « Ma demande a été refusée par EDC parce qu'elle ne répondait pas à ses critères, mais, dans cette banque, on a le goût du risque. »
    Quelle est votre réaction à ce genre d'investissement potentiel?
    Je pense qu'il y a des moyens de se protéger structurellement contre le fait d'être un bailleur de fonds de dernier recours ou, par exemple, d'être profondément subordonné dans une structure de capital. On s'assure que l'investisseur minier X a des intérêts en jeu, qu'on partage le risque avec lui, qu'il ne s'agit tout simplement pas d'un investissement idiot.
    La notion selon laquelle les sociétés minières sont de bonne foi... et contribuent à la croissance économique, par exemple, en Afrique subsaharienne... J'espère que nous pouvons convenir du fait que beaucoup de bonnes choses peuvent être faites dans ce domaine. Du simple fait qu'il s'agit d'une société minière, simplement parce que le risque est élevé, je ne pense pas que la réponse devrait être non.
    James.
    À mes yeux, l'exemple que vous soulevez ressemble à un mésusage flagrant du recours à l'IFD. Ce n'est pas pour dire que les sociétés minières sont mauvaises. Ce n'est pas là que je veux en venir. C'est simplement que l'IFD n'est pas censée être un moyen rapide et facile pour les sociétés d'accéder à du financement auquel elles n'avaient pas accès autrement et ne saurait être traitée comme une aide sociale aux entreprises parasites. Personne ne gagne dans cette situation, et surtout pas dans le contexte de ce pourquoi l'IFD a été créée et établie, c'est-à-dire, tout d'abord, pour avoir une incidence sur le développement. Je dirais qu'il ne s'agit pas d'un investissement bon et prévisible.
    Merci.
    Monsieur Aubin, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être parmi nous. Si jamais il y a un problème et que vous perdez l'interprétation, n'hésitez pas à me faire un signe.
    Ma première question s'adresse aux deux témoins. On en est aux balbutiements du projet d'IFD. Avant même que l'institut voit le jour, je me demande, compte tenu des positions qui sont les vôtres, si vous avez une opinion, voire un inconfort, vis-à-vis le fait que cet organisme va relever du ministre du Commerce international plutôt que de la ministre du Développement international.

[Traduction]

    Je m'excuse. Je n'entends pas l'interprétation. Je ne suis pas certain, mais je pense comprendre la question.
    Je ne suis pas à l'aise avec cette conception. Je pense qu'une IFD est d'abord et avant tout une institution financière investie d'un mandat de développement, alors il importe que, d'un point de vue structurel, ce soit quelque chose qui respecte ce principe et qui, au bout du compte, relève du ministère approprié, dans ce cas.
    Cela dit, je pense qu'il est d'une importance primordiale que l'IFD... C'est une occasion palpitante, actuellement, d'établir le mandat selon lequel des principes de développement devront être établis très clairement dans l'orientation et la gouvernance de cette institution et que le volet développement soit bien représenté, non seulement par la ministre de Développement international et Affaires mondiales Canada, qui aura un rôle très important à jouer pour ce qui est d'aider à soutenir et à orienter les éléments de cette institution, à mon avis, mais aussi par des experts externes. C'est quelque chose que je veux réaffirmer.
    Notre organisation a pris la parole à ce sujet dans le passé, et, à ce que je crois comprendre, l'établissement d'un conseil d'administration indépendant qui supervise et, essentiellement, approuve ou rejette chacune des possibilités d'investissement fait partie du plan. Nous devons affecter à ce conseil des gens possédant un éventail de compétences et d'expertise et nous organiser pour que le conseil reflète un point de vue axé sur le développement.
    Je ne pense pas que le fait que l'IFD ne va pas relever directement de la ministre du développement pose problème. Selon moi, si on regarde des institutions comme le CDC, au Royaume-Uni, la plus ancienne IFD au monde, elles entretiennent une relation très étroite et intime avec le DFID. Le gouvernement du Royaume-Uni considère délibérément les deux comme faisant partie de la boîte à outils qu'il utilise pour favoriser la réalisation de ses priorités et de ses visées en matière de développement.
    Je pense que le Canada devrait adopter ce même genre d'approche éclairée, où il ne privilégie pas une chose plutôt qu'une autre, mais qu'il devrait plutôt voir le potentiel de mener ses activités selon une stratégie plus complète, vu que nous mobilisons maintenant un éventail d'actifs divers et d'occasions de contribuer à l'atteinte des buts liés à l'essor des marchés et au développement humain dans des pays où ils répondent à un besoin vital.

  (1035)  

[Français]

     Merci.
    Monsieur Lever, vous avez la parole.
    Je vais vous répondre en anglais.

[Traduction]

    Pas de problème.
    Non seulement je ne pense pas que le fait que l'institution relève de la ministre du Développement pose problème, mais en plus, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, selon moi, il faudrait en faire plus pour ce qui est de mettre au point un mécanisme d'intégration de la stratégie. Pour ce qui est de la question d'une boîte à outils de l'innovation, à mes yeux, ce n'est que logique, car nous disposons de ce continuum d'instruments.
    Nous avons ce que nous appelons des interventions précoces dans le développement, qui peuvent mener à des résultats que l'IFD pourra examiner. Je pense que la stratégie du ministère du Développement devrait viser à intégrer l'endroit où l'IFD devrait intervenir. Ensuite, en plus de cela, le mécanisme servira-t-il à mobiliser l'organe du secteur privé d'AMC?
    Je pense que beaucoup de bonnes choses peuvent être faites en collaboration avec AMC et l'IFD en ce qui a trait au développement.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'ai une deuxième question. Plusieurs témoins nous ont parlé de la priorité des intérêts stratégiques du Canada. Il m'apparaît que lorsqu'on adopte cette approche, on vient peut-être un peu défaire le travail qu'on fait, par exemple, comparativement à l'approche par pays ciblé et, encore plus, à l'un des Objectif de développement durable, ou ODD, qui stipule que la priorité devrait être accordée aux besoins locaux et non pas au pays qui investit.
    Cela vous pose-t-il problème?
    Monsieur Haga, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Désolé, je m'excuse. Je n'ai pas bien compris la question, et je demanderais à Rod s'il veut répondre d'abord à la question, et je pourrais ensuite réagir en interprétant sa réponse.
    D'accord.
    La question, James, concerne le travail relatif aux approches des pays ciblés et aux ODD. Je vais simplement commencer.
    D'après ce que je comprends, votre question signifie — et dites-moi si c'est exact — que, comme l'IFD fait des choses qui sont de nature commerciale et qui ne sont pas dans la même veine qu'un développement plus traditionnel, cela pourrait perturber certains de nos efforts liés au développement? Est-ce là la question?

[Français]

     Oui.

[Traduction]

    Non, je ne pense pas que ce soit le cas. La raison, c'est que, de mon point de vue, le secteur privé est le plus important catalyseur et le plus important moyen de débloquer la croissance de l'emploi et la création de moyens de subsistance où que ce soit, et l'IFD est un moyen qui permettra de vraiment miser sur le secteur privé dans les pays en développement. Si nous convenons tous du fait que c'est important, alors, nous avons besoin des instruments appropriés pour être en mesure de faire participer davantage le secteur privé et de combler les lacunes que ne comblent pas les joueurs actuels du secteur financier, actuellement.
    En outre, on peut assurément orienter l'IFD vers les ODD. Par exemple, dans le cas de l'ODD relatif à l'accès à l'énergie — je pense que c'est le septième, mais je pourrais me tromper —, comment allez-vous aborder l'accès à l'énergie et vous assurer que... L'énergie est importante parce qu'il s'agit d'un pilier du développement économique, du développement industriel, etc., et, comme je l'ai en quelque sorte évoqué dans ma déclaration, ce sont des projets très capitalistiques, et on ne sera pas en mesure de s'y attaquer grâce au développement habituel. Il faut faire intervenir le secteur privé et le mobiliser, et l'IFD devrait tenter de faire cela.
    Merci.
    Je vais passer à M. Saini; vous avez la parole.

  (1040)  

    Bonjour, messieurs. On ne dirait pas que j'ai beaucoup de temps, alors je vais vous poser à tous les deux cette question très précise. Nous savons à quoi ressemble le succès parce que nous savons que les Britanniques ne sont pas retournés au Trésor public depuis 15 ans. Nous savons que, pour chaque dollar qu'investit l'OPIC, il lui en revient 8. Nous connaissons les cas de réussite aux Pays-Bas et en Espagne. En guise de question générale, car je pense que nous avons épuisé certaines des autres questions — j'avais tout un tas d'autres questions, mais le temps est limité —, selon vous, quels devraient être les deux ou trois éléments que nous devrions nous assurer d'inclure, puisque nous ne voulons pas réinventer la roue, à un moment où nous avons observé de si nombreux cas de réussite dans d'autres pays? Quelles pratiques exemplaires pouvons-nous apprendre afin de nous assurer de les inclure dans notre propre IFD?
    Je pense que je vais utiliser cette question comme une occasion de réaffirmer certaines des choses que je recommandais dans ma déclaration initiale parce qu'au moins deux ou trois d'entre elles sont fondées sur des pratiques exemplaires. Selon moi, compte tenu de la population cible sur laquelle le Canada vise à avoir une incidence, c'est-à-dire les plus pauvres et les plus vulnérables, cette réflexion au sujet de l'accessibilité des garanties de prêt comme moyen de supprimer les risques liés à l'accès aux capitaux et à l'investissement pour les femmes entrepreneures est une stratégie largement reconnue et une approche qui contribuera à faire de l'IFD un succès et à en faire vraiment un catalyseur dans la poursuite de sa mission et de son mandat.
    Je pense qu'il importe que le Canada mise également sur l'expertise qui a été durement acquise par d'autres IFD et qu'il choisisse ensuite également de s'appliquer de manières qui comblent certaines des lacunes institutionnelles qui restent encore. À la lumière de ces éléments, il s'agit en partie de la raison pour laquelle nous encourageons également les responsables à consacrer un petit segment du portefeuille à un type d'investissement à risque élevé dans les PME. Nous savons que la possibilité d'établir des marchés qui répondent aux besoins des gens laissés pour compte par le système, aujourd'hui, est une tâche plus difficile et qui requiert plus de patience. Bien des IFD n'ont pas relevé le dur défi que cela représente, et le Canada peut se distinguer au sein du groupe, à l'échelon international, en tentant de le faire.
    Je veux donner un exemple très précis de la façon dont cette situation se traduit et de ce à quoi elle ressemble. Un entrepreneur de l'Afrique du Sud, que je connais très bien, dirige une entreprise appelée Zoona. Il s'agit maintenant du plus grand fournisseur d'argent mobile de l'Afrique du Sud. Ses transactions s'élèvent à plus d'un milliard de dollars par année et sont effectuées sous la forme de prêts mobiles qui rendent essentiellement des capitaux accessibles à des personnes qui n'ont pas de comptes bancaires ou qui n'ont pas accès aux finances. Il s'agit d'un modèle d'affaires qui a des conséquences importantes.
    En tant qu'institution de développement multilatéral, la SFI a dirigé une ronde d'investissement de série B de 15 millions de dollars dans Zoona. Il s'agit du type d'entreprise dans laquelle une IFD envisagerait d'investir, non seulement parce qu'elle en est maintenant à un stade où elle souhaite étendre ses activités à de grandes régions, qu'elle a une très forte incidence et qu'elle affiche un rendement solide d'un point de vue commercial, mais parce qu'elle a la capacité d'offrir des perspectives d'emploi et l'accès à des biens et à des services qui, autrement, ne seraient pas accessibles aux personnes les plus pauvres, un objectif intégré dans la conception de l'entreprise.
    Zoona ne s'est pas rendue jusqu'au stade où elle aurait ensuite pu accéder à 15 millions de dollars d'investissement de la part d'une IFD. Il lui fallait encore sept ou huit ans d'investissement à risque élevé de la part d'un éventail d'autres partenaires institutionnels, et cela fait partie de la raison pour laquelle je souligne cette recommandation relativement aux 15 % destinés aux investissements à risque élevé. On ne peut pas s'attendre à ce que ces entreprises, contre toute attente et malgré toutes les contraintes auxquelles elles font face dans le cadre de leur exploitation dans des environnements qui, par nature, présentent des risques élevés, se rendent simplement jusqu'au stade où elles sont opérationnellement et commercialement viables. À mes yeux, cet exemple présente une perspective de la façon dont une IFD canadienne pourrait investir dans une entreprise à un stade ultérieur ainsi que de la façon dont elle pourrait choisir de miser du capital de risque aux étapes précoces également.
    Je pense qu'on court un peu certains risques si l'on tente de reproduire d'autres modèles. Nous allons adopter notre propre approche. Si nous devons prendre du recul pour concevoir cette institution, nous allons nous dire que nous voulons lui permettre de mener des activités à risque élevé et de rester concentrée sur trois ou quatre secteurs. Comment va-t-on y arriver? Voilà la question, et c'est là que, selon moi, les partenariats avec des organisations comme la SFI ou d'autres instances qui ont acquis une certaine expérience en faisant des investissements comme celui dans Zoona sont une occasion d'apprendre, mais sans aller jusqu'à commencer à faire ce que tous les autres font. Ce serait dangereux. Vous connaissez votre stratégie, vous savez où vous voulez aller, c'est-à-dire vous tailler une place dans les secteurs A, B et C. Nous ne disposons actuellement pas nécessairement des outils et de l'expertise internes requis pour acquérir l'expérience. Par conséquent, l'investissement en collaboration avec d'autres institutions est non pas un moyen en soi — c'est extrêmement important —, mais un moyen d'en arriver à une fin.

  (1045)  

    Laissez-moi revenir sur cet élément pour une seconde. Nous avons des modèles qui ont connu du succès dans le passé. Vous nous demandez de nous distinguer de ces modèles.
    Oui.
    Une partie du problème tient au fait que nous tentons de combler une lacune entre les secteurs public et privé. Comment envisageriez-vous cette distinction par rapport à d'autres modèles qui ont connu du succès?
    Nous pouvons aborder tout un tas d'exemples différents. Je m'occupe du secteur de l'énergie. C'est à cela que je consacre la meilleure partie de mon temps, alors je vais simplement l'utiliser en guise d'exemple.
    Beaucoup d'IFD travaillent dans le secteur de l'énergie. Elles investissent dans des projets d'énergie renouvelable, et elles prennent des risques. Il y a aussi des organismes de développement qui adoptent des approches ciblées, mais le marché est énorme. Les créneaux qui pourraient se présenter à nous, et qui pourraient être intéressants, pourraient être liés à des projets d'énergie renouvelable dirigés par des femmes. Personne ne touche à cela.
    Je suppose que ma réponse à votre question, c'est que le fait d'apprendre des autres... ces solutions ne s'excluent pas du tout mutuellement. Oui, nous voulons adopter des pratiques exemplaires, mais nous pouvons absolument faire cela, et ça ne devrait pas être considéré comme étant dangereux de le faire.
    Chers collègues, je m'excuse, mais nous devons conclure.
    Je veux remercier MM. Lever et Haga de leurs exposés. C'est toujours une courte période, mais nous avons déjà dépassé le temps dont nous disposions.
    La semaine prochaine, nous allons entendre directement le témoignage de certains des joueurs qui possèdent des IFD depuis un certain temps, alors nous aurons l'occasion de leur poser des questions qui porteront un peu sur leur expérience. Des représentants du Royaume-Uni comparaîtront devant nous, ainsi que de l'Allemagne — espérons-le, et peut-être des États-Unis.
    Sur ce, je vous souhaite une bonne fin de semaine, et nous allons vous revoir mardi.
    La séance est levée.
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