Passer au contenu
Début du contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 088 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 février 2018

[Enregistrement électronique]

  (1200)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bonjour. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 29 janvier 2018, le Comité reprend son étude du projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d'exécution du budget 2017.
    Aujourd'hui, le Comité va entendre les témoignages d'employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale. Nous sommes ravis d'accueillir, par téléconférence, les représentants du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval, président-directeur général, et Guy-François Lamy, vice-président, Travail et affaires juridiques.
    Messieurs, pouvez-vous m'entendre?
    Excellent. Pour les besoins de la consignation des témoignages, je dois vous demander de vous identifier avant de prendre la parole, car si vous parlez tour à tour, nous ne saurons pas qui dit quoi.
    Nous avons ici avec nous, de la Société canadienne des postes, Ann-Therese MacEachern, vice-présidente, Ressources humaines, et Manon Fortin, vice-présidente, Intégration des opérations.
    Bienvenue à vous deux.
    De l'Association des banquiers canadiens, nous accueillons Marina Mandal, avocate en chef adjointe. Bienvenue.
    D'Employeurs des transports et communications de régie fédérale, l'ETCOF, nous avons Derrick Hynes, directeur exécutif. Bienvenue, monsieur.
    Nous avons également Sheryl Johnson, avocate chez Fogler, Runinoff LLP. Bienvenue.
    Chacun de vous a sept minutes pour faire une déclaration liminaire, après quoi nous aurons un tour de questions. Nous allons commencer par le Conseil du patronat du Québec.
    Messieurs, vous avez les sept prochaines minutes. Si vous pouvez vous identifier avant de parler, ce serait formidable. Merci beaucoup.
    Mon nom est Yves-Thomas Dorval. Je suis le président-directeur général du Conseil du patronat du Québec.
    Je tiens à remercier le Comité d'avoir accepté de nous entendre au sujet du projet de loi C-65. Je serai ravi de répondre à vos questions après.

  (1205)  

[Français]

     Le Conseil du patronat du Québec, ou CPQ, est une confédération d'employeurs représentant directement ou indirectement plus de 70 000 employeurs, dont plusieurs sont assujettis à la législation provinciale et plusieurs autres, à la législation fédérale. Nous avons pour mission de nous assurer que les employeurs disposent des meilleures conditions possibles pour prospérer. Bien sûr, des milieux de travail exempts de harcèlement et de violence sont essentiels au maintien de saines relations de travail et à l'essor d'un environnement productif, bénéfique pour la santé de l'ensemble des travailleurs.
    De manière générale, nous appuyons les objectifs poursuivis et les buts recherchés par le projet de loi, qui modifie le Code, notamment afin de renforcer le régime visant à prévenir le harcèlement et la violence dans les lieux de travail. Toutefois, nous aimerions émettre sur le projet de loi quelques commentaires qui pourraient améliorer celui-ci, du moins en partie. Dans le mémoire que nous vous avons fourni, nous faisons un parallèle avec la réglementation du Québec en matière de harcèlement et parlons de l'expérience québécoise à cet égard.
    De manière générale, en matière de réglementation, l'expérience québécoise nous a démontré que le caractère subjectif des perceptions créait un problème quant à l'application et à la gestion des cas de harcèlement psychologique. On retrouve d'ailleurs dans le mémoire des citations d'un auteur québécois selon qui il n'y a pas, dans ce domaine, de passe-partout. Chaque situation est particulière et doit être analysée en fonction de faits particuliers. Nous adhérons aux propos de l'auteur en question. De surcroît, l'expérience montre que le harcèlement psychologique a été allégué dans certains cas par des personnes souffrant de troubles personnels, ce qui peut créer des conflits de travail et ainsi entretenir un climat de travail malsain pour tous.
    Pour ce qui est des commentaires spécifiques du Conseil, nous soulignons dans la section intitulée « Définitions des notions de violence et de harcèlement » que les termes « harcèlement » et « violence » ne sont pas définis dans le projet de loi, mais que l'article 14 du projet de loi prévoit que ces termes pourront être définis par par voie réglementaire.
    À notre avis, cette disposition soulève plusieurs questions. Principalement, le CPQ se demande pourquoi la définition d'un concept aussi important ne figurerait pas directement dans le Code. En effet, un concept potentiellement aussi complexe que celui du harcèlement mériterait d'être défini soigneusement. Pour illustrer notre propos, nous citerons l'exemple du Québec, où le harcèlement psychologique est défini comme suit dans la Loi sur les normes du travail:

81.18 [...] une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.
    Il faut aussi prendre en considération la suite de cet article, qui dit ceci:

Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.
    Sur le plan strictement théorique, la définition de « harcèlement psychologique » ne présente aucun problème. Toutefois, l'expérience a démontré que, même si elle apparaissait à première vue tout indiquée, elle aurait pu être bonifiée en étant expliquée de façon plus complète.
    Dans notre mémoire, nous mentionnons notamment le droit de gérance de l'employeur, un élément de contexte qui se fond parfois dans le conflit de travail. En somme, il est important de définir strictement ce qui constitue du harcèlement psychologique ou de la violence.
     En ce qui a trait à l'élargissement de la portée du régime prévu par le Code, nous soulignons dans notre mémoire que les notions de harcèlement et de violence, qui couvriront vraisemblablement les actes de nature sexuelle, seront dorénavant prévues par voie réglementaire. Si le projet de loi devait être adopté dans sa forme actuelle, il serait primordial que le règlement soit adopté simultanément au projet de loi, sans quoi il pourrait en résulter un vide juridique.
    Si l'enquête du ministre peut s'avérer nécessaire à un certain moment du processus, celle-ci doit être opportune. Ainsi, l'implication du ministère dans la résolution des plaintes, tel qu'il appert au projet de loi, soulève quelques questions.
    Il convient de se rappeler que les meilleures pratiques internationales mentionnent qu'il faut davantage axer les interventions, c'est-à-dire que le milieu doit prendre en charge ce type d'enjeux. Nous ne sommes pas contre le fait qu'il y ait des interventions lorsqu'il y a lieu, mais nous rappelons qu'il faut procéder de manière parcimonieuse. Dans notre mémoire, il y a plusieurs questions à ce sujet.
    En terminant, je souligne que nous appuyons le projet de loi. Nous apportons quelques nuances issues de l'expérience québécoise et invitons les membres du Comité à prendre ces exemples et ces situations en considération. Je crois qu'on pourrait apporter quelques précisions additionnelles.
    Je vous remercie.

  (1210)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Ann-Therese MacEachern et Manon Fortin, de la Société canadienne des postes. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de nous avoir invitées à participer à cette discussion importante sur le projet de loi C-65.
    Je m'appelle Ann-Therese MacEachern et je suis vice-présidente des Ressources humaines. Je suis accompagnée de ma collègue Manon Fortin, vice-présidente de l'intégration des opérations. Nous sommes fières de représenter Postes Canada. Nous avons toutes deux plus de 25 ans d'expérience à divers niveaux de l'entreprise.
    Le harcèlement et la violence en milieu de travail sont des questions extrêmement importantes et nous espérons contribuer de manière positive à l'élaboration de ce texte législatif. Durant les prochaines minutes, je vais décrire notre approche, qui nous permet de veiller à ce que nos employés se sentent en sécurité, respectés et capables de faire leur travail sans craindre d'être victimes de harcèlement et de violence.
    D'abord, il est important de bien comprendre l'ampleur et la portée de nos activités. Plus de 50 000 employés à temps plein et à temps partiel travaillent à Postes Canada, sans compter nos filiales. Compte tenu de la taille de notre entreprise, nos employés représentent un microcosme de la société canadienne. Ils interagissent avec leurs collègues, leurs superviseurs et un grand nombre de clients dans chaque province et territoire.
    Nous avons la responsabilité de servir les Canadiens et nous en sommes fiers, mais il est également important de souligner que les deux tiers des plaintes déposées proviennent d'employés qui considèrent avoir été harcelés, ou pire, par des clients. Comme vous pouvez le constater, notre approche doit donc être exhaustive, claire et fondée sur la collaboration.
    À Postes Canada, nous nous engageons à créer un milieu de travail qui fait ressortir le meilleur de nos employés, tout en favorisant une atmosphère sûre, collaborative et productive. Nous ne tolérons aucune forme de harcèlement, de violence ou d'intimidation, que ce soit entre nos employés ou envers eux. Personne n'est parfait, mais nous joignons le geste à la parole avec une approche qui repose sur trois principaux piliers.
    Le premier pilier est la prévention au moyen de leadership, de normes, de formation et de politiques qui réitèrent les attentes. La collaboration avec nos syndicats est également essentielle. Le deuxième pilier consiste en une intervention rapide, efficace et adéquate en cas de problème, de même qu'en de nombreuses options mises à la disposition des employés pour qu'ils puissent se faire entendre. Le troisième pilier vise à examiner les résultats, à obtenir des commentaires, et à rechercher des façons de faire évoluer et d'améliorer continuellement notre approche.
    La prévention est l'aspect le plus important, et c'est donc par cela que je vais commencer. Tout commence par le ton qu'établit la Société par l'entremise de nos valeurs, de notre code de conduite et de nos politiques. Il y a également les cinq conventions collectives conclues avec nos syndicats et associations qui comportent des clauses liées aux droits de la personne. Ce sont plus que de simples feuilles de papier. Ces documents façonnent notre culture et définissent les normes que doivent respecter tous les employés.
    C'est par le leadership que cette approche transparaît le plus. Les interactions quotidiennes de nos chefs d'équipe avec leurs employés et l'exemple qu'ils donnent sont extrêmement importants. Dans les dernières années, j'ai constaté des progrès importants à ce niveau. Les chefs d'équipe qui sont accessibles, qui connaissent leurs employés, interagissent avec eux en milieu de travail et savent reconnaître un bon rendement, obtiennent de meilleurs résultats. Ils ont ainsi de bonnes occasions de régler les problèmes qui surviennent avec de l'encadrement, une bonne communication et du bon sens.
    Pour les aider, nous leur offrons une formation à leur embauche et des séances d'appoint sur une base régulière. La création d'un milieu de travail exempt de discrimination et de harcèlement est au coeur de la formation. Nous offrons également ce type de formation à tous les employés, dès le début du processus d'intégration. Je pourrai parler davantage de la formation durant notre discussion, mais j'aimerais souligner un exemple qui met en évidence l'importance que nous accordons à la collaboration.
    Depuis plus de 10 ans, les employés membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes suivent un programme de formation intitulé Droits de la personne et conflits en milieu de travail. Cette séance de formation d'une demi-journée a été élaborée et est animée conjointement avec le STTP, qui est notre plus important syndicat. Environ 30 000 employés ont suivi cette formation. Les sujets, dont la diversité en milieu de travail, le harcèlement lié aux droits de la personne, la discrimination et la résolution de conflits, sont bien accueillis par les participants.
    Cette collaboration ne se limite pas aux programmes de formation. Depuis longtemps, nos principales installations comptent des comités locaux mixtes sur la santé et la sécurité composés de gestionnaires locaux et de représentants syndicaux. Ceux-ci travaillent à prévenir les risques liés à la santé et la sécurité, et à régler les problèmes rapidement. En cas d'incident, les employés peuvent se tourner vers différentes options pour se faire entendre et obtenir de l'aide, et choisir celle avec laquelle ils sont le plus à l'aise. Ces options et les conséquences des comportements inappropriés sont communiquées aux employés par divers moyens.

  (1215)  

    Au total, les employés peuvent se tourner vers pas moins de huit avenues différentes, allant d’une discussion avec leur superviseur à des programmes confidentiels ou anonymes offerts par des tierces parties au nom de Postes Canada. C’est avec plaisir que je vous en dirai plus sur ces options durant la période de questions.
    Peu importe l’option choisie, les plaintes sont traitées rapidement et de manière respectueuse. Quand elle mène une enquête, la direction ne révèle pas l’identité du plaignant, à moins que ce soit essentiel pour résoudre une plainte. C’est important pour l’intégrité du procédé, tout comme il est important de veiller à ce que l’employé soit bien soutenu une fois qu’il a déposé sa plainte. L’enquête est amorcée rapidement et consignée, ce qui assure une intervention adéquate. L’employé dispose aussi d’autres sources de soutien, comme le programme d’aide aux employés.
    Après une enquête et selon les circonstances, différentes conséquences peuvent s’appliquer. Certains incidents sont résolus par une conversation franche ou un avertissement, alors que d’autres nécessitent des interventions plus poussées. En cas d’inconduite grave, la bonne chose à faire est de congédier l’employé fautif. Ces décisions ne sont jamais prises à la légère.
    Comme je l’ai mentionné au début, nous avons fait des progrès, mais l’amélioration du milieu de travail, de la santé, de la sécurité et du bien-être est un travail continu. Nous recueillons des données sur tous nos programmes et les examinons régulièrement pour déceler les tendances, analyser les causes fondamentales et repérer les occasions d’amélioration. Ce n’est pas qu’une question de chiffres. C’est important pour notre amélioration continue. Les données nous permettent de détecter les tendances et de repérer les problèmes systémiques. Par exemple, cette analyse détaillée nous a beaucoup aidés à cibler les secteurs auxquels nous devrions accorder plus de ressources et de soutien.
    Au nom de Postes Canada, j’aimerais remercier le Comité de nous avoir invitées à comparaître. Nous félicitons le gouvernement et les membres du Comité de travailler à fournir des attentes et des directives claires à tous les employeurs fédéraux par l’entremise du projet de loi C-65. Le harcèlement, l’intimidation et la violence n’ont pas leur place en milieu de travail non plus qu’ailleurs. Les employés doivent sentir qu’ils reçoivent une formation adéquate, qu’ils ont le soutien nécessaire et qu’ils sont en sécurité, peu importe où ils travaillent.
    Notre approche, qui évolue avec les années, s’harmonise bien à l’état futur souhaité qui est décrit dans le projet de loi C-65. Nous allons continuer à la faire évoluer et à l’améliorer non seulement pour nous conformer à la version finale de la loi, mais aussi pour trouver d’autres occasions d’amélioration.
    C’est une conversation importante et vous êtes sur la bonne voie. Commencez par la prévention et la collaboration, car elles vont avoir une énorme incidence positive sur la culture en milieu de travail. Puis veillez à ce que de nombreuses options soient mises à la disposition des employés pour qu’ils puissent se faire entendre et être traités avec respect. Finalement, surveillez constamment les progrès faits, tout en recherchant des occasions d’amélioration.
    Nous serons heureuses de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter Marina Mandal, avocate en chef adjointe à l'Association des banquiers canadiens. Vous avez sept minutes.
    Je remercie le Comité d'avoir invité l’Association des banquiers canadiens à comparaître aujourd'hui pour participer à son examen du projet de loi C-65. Je m’appelle Marina Mandal et je suis l’avocate en chef adjointe de l’ABC.
    L’ABC représente plus de 60 banques canadiennes et étrangères qui contribuent à la croissance et à la prospérité de l’économie canadienne. L'ABC préconise l’adoption de politiques publiques favorisant un système bancaire solide et vigoureux afin de permettre aux Canadiens de réaliser leurs objectifs financiers.
    Les banques du Canada appuient sans réserve les mesures du gouvernement fédéral visant à renforcer les mesures législatives sur le harcèlement et la violence en milieu de travail. La position de l’ABC à cet égard est claire. Le harcèlement et la violence n’ont pas leur place dans le milieu de travail et dans la société. Le secteur bancaire canadien continuera de donner l’exemple afin de favoriser l’établissement de milieux de travail sûrs, valorisants et respectueux pour tous les employés.
    L’ABC a participé activement aux consultations du gouvernement qui ont mené au projet de loi C-65 et se réjouit que les dispositions du projet de loi tiennent compte d’une de ses priorités: la protection de la vie privée et des renseignements personnels des employés tout au long du processus d’enquête sur toute allégation de harcèlement ou de violence. Nous nous réjouissons à la perspective de collaborer avec le gouvernement afin que le Canada continue à marquer des gains de calibre mondial sur le plan de la santé et de la sécurité de tous les Canadiens, dont les quelque 275 000 employés de toutes les origines du secteur bancaire canadien.
    Les banques du Canada sont fières d’avoir adopté des pratiques exemplaires pour aider à prévenir et à contrer le harcèlement en milieu de travail. En fait, bon nombre des mesures énoncées dans le projet de loi C-65 figurent déjà dans leurs mesures. Les banques ont des politiques écrites claires qui décrivent les comportements considérés comme étant de la violence ou du harcèlement en milieu de travail, la démarche à suivre par l’employé confronté à un incident, les mesures prises par l’organisation en réaction aux allégations et la protection explicite contre les représailles pour avoir exprimé des préoccupations face à des incidences de violence ou de harcèlement en milieu de travail. Les employés des banques sont également tenus de suivre une formation sur la violence et le harcèlement en milieu de travail comme condition du maintien de leur emploi.
    Lorsqu’une plainte est déposée dans une banque, de multiples canaux permettent de signaler des incidents de violence ou de harcèlement en milieu de travail. Citons notamment les canaux dans lesquels n'interviennent pas les gestionnaires directs des parties touchées. Il y a par exemple le bureau de l'ombudsman, qui est indépendant des autres services de la banque et qui relève directement des échelons supérieurs de la banque — directement de l’avocat en chef ou du président et chef de la direction de la banque.
    Les banques enquêtent sur toutes les allégations de violence ou de harcèlement en milieu de travail et, de façon générale, sur toute inconduite, que le prétendu comportement, si son occurrence s’est avérée, réponde ou non à la définition de violence ou de harcèlement en milieu de travail qui se trouve dans le code de conduite de la banque, dans sa politique régissant les employés ou dans la loi.
    Avant d'amorcer une enquête, les banques déterminent s'il convient que les parties demeurent dans le lieu de travail pendant le déroulement de l’enquête et offrent des services de soutien personnel à toutes les parties durant l’enquête, par exemple par l’entremise de leur programme d’aide aux employés. Une fois l’enquête terminée, elles informent tous les plaignants et tous les intimés de leurs constatations avant de les aviser de leur conclusion ou d’appliquer des mesures correctives. Les processus d’examen internes des banques s’alignent sur les lois et la common law, mais possèdent la souplesse nécessaire pour tenir compte des réalités pratiques. Les banques s’assurent également que chaque enquête est menée en toute impartialité par un enquêteur qualifié.
    Durant son allocution devant la Chambre des communes, la ministre Hajdu a déclaré que « le gouvernement est conscient que des lieux de travail sûrs, exempts de harcèlement et de violence, sont essentiels au bien-être des travailleurs canadiens ». Nous souscrivons à la déclaration de la ministre, et depuis longtemps les banques ne ménagent aucun effort pour s’assurer que c’est le cas dans leurs institutions.
    Encore une fois, merci au Comité d’avoir invité l’Association des banquiers canadiens à participer à son examen du projet de loi C-65. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

  (1220)  

    Merci, madame Mandal.
    C'est maintenant au tour du représentant d'Employeurs des transports et communications de régie fédérale, ou l'ETCOF, Derrick Hynes, qui en est le directeur exécutif.
    Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs, les membres du Comité, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis heureux de pouvoir m'exprimer au nom d'ETCOF au sujet du projet de loi C-65.
    Pour ceux d'entre vous qui ne seraient pas au courant, ETCOF correspond à Employeurs des transports et communications de régie fédérale. Compte tenu de la longueur de ce nom, vous comprenez certainement pourquoi nous préférons utiliser l'acronyme ETCOF. Les organisations membres d'ETCOF sont des entreprises de régie fédérale qui oeuvrent dans les secteurs des transports et des communications. ETCOF existe depuis plus de 30 ans. Il s'agit essentiellement de la principale association d'employeurs dans le secteur fédéral puisqu'elle représente entre autres des compagnies très connues comme Air Canada, Bell, CN, CP Rail et Telus et, à ce titre, plus de 500 000 employés. La plupart des entreprises membres comptent une forte proportion d'employés syndiqués et jouissent d'une longue feuille de route en matière de collaboration tripartite au sein du secteur fédéral.
    Essentiellement, nos membres sont très favorables à l'esprit et à l'intention du projet de loi C-65. Nous appuyons l'engagement de la ministre de veiller à ce que les employés aient accès à un processus efficient et efficace lorsqu'ils présentent des plaintes pour violence ou harcèlement au travail.
    Les milieux de travail canadiens devraient être exempts de harcèlement et de violence, point final. À cette fin, nos organisations membres ont mis en place des politiques en milieu de travail qui correspondent déjà en grande partie au processus qui sera désormais obligatoire en vertu de la partie II du Code canadien du travail par l'entremise de ce projet de loi. Nous sommes déterminés à faire tout ce que nous pouvons en tant qu'employeurs pour améliorer ces processus là où nous constatons des lacunes.
    Les membres d'ETCOF félicitent la ministre et les hauts fonctionnaires d'EDSC pour le travail accompli à ce jour, particulièrement en ce qui concerne les vastes consultations qui ont eu lieu ces 18 derniers mois et qui devraient se poursuivre une fois le projet de loi adopté. En fait, je considère que ce projet de loi est le résultat de ces consultations. Le processus de consultation remonte à juin 2016. Lors des réunions tripartites sur le harcèlement en milieu de travail, nos membres ont souligné que le gouvernement avait d'abord entendu les diverses préoccupations soulevées par les intervenants clés puis y avait donné suite. Le projet de loi C-65 reflète ces préoccupations concernant la protection de la vie privée dans le cadre du processus, le rôle des comités en milieu de travail et les responsabilités des agents de santé et de sécurité d'EDSC.
    Les membres d'ETCOF apprécient également que le gouvernement ait choisi de créer un cadre général par le biais de cette mesure législative, tout en permettant aux parties de régler certains détails dans le cadre du processus de réglementation. À titre d'exemple, nous nous réjouissons de voir que la définition de « harcèlement » se retrouvera dans la réglementation, ce qui permettra deux choses: d'une part, que la définition puisse être révisée de façon continue et transparente par un examen réglementaire; et d'autre part, que les principales parties prenantes — notamment du milieu syndical et du monde des affaires — participent à l'élaboration de ces définitions importantes.
    Notre examen du projet de loi C-65 a permis de déceler deux problèmes sur lesquels le Comité pourrait se pencher dans son étude du projet de loi. En fait, je pense qu'il est juste de dire que nos préoccupations portent davantage sur l'opérationnalisation du projet de loi dans le cadre du processus de réglementation, mais j'aimerais néanmoins les soulever à cette table.
    Premièrement, nous aimerions que le gouvernement fournisse plus de précisions sur l'intersection possible du nouveau processus de harcèlement d'EDSC créé par le projet de loi C-65 et des pouvoirs d'enquête de la Commission canadienne des droits de la personne. Nous espérons qu'il y aura un seul processus clairement défini pour toutes les plaintes de harcèlement. Le projet de loi C-65 et la Loi canadienne sur les droits de la personne offrent deux créneaux pour de telles plaintes. Chacun, cependant, renferme des dispositions pouvant mener au rejet des plaintes qui sont entendues ailleurs. Par conséquent, ce serait beaucoup plus limpide si le gouvernement indiquait clairement que ces dispositions seront appliquées lorsque deux plaintes découlant du même incident sont déposées.
    Deuxièmement, le projet de loi C-65 parle de la nomination d'une personne compétente pour enquêter sur toutes les plaintes de harcèlement ou de violence. Nous demandons que le gouvernement clarifie davantage ce processus, car il y a déjà une certaine confusion à cet égard dans le cadre du processus actuel d'enquête sur la violence. Plus précisément, nous demandons que le gouvernement reconnaisse que des personnes compétentes peuvent être des employés de l'organisation en question et que l'employeur conserve la responsabilité ultime de nommer la personne compétente, à la condition qu'elles répondent aux critères clairs énoncés dans la réglementation. Le processus ne devrait pas nécessairement être confié à un enquêteur de l'extérieur.

  (1225)  

    En conclusion, j'aimerais répéter notre message clé: les lieux de travail canadiens devraient être exempts de harcèlement et de violence, point final. Les membres d'ETCOF sont très favorables à l'esprit et à l'intention du projet de loi C-65. Les pratiques actuelles de nos membres sont généralement conformes à ce projet de loi. Nous appuyons l'engagement de la ministre de veiller à ce que les employés aient accès à un processus efficace et efficient lorsqu'ils présentent des plaintes pour violence ou harcèlement au travail. Nous sommes heureux de faire partie de cette solution.
    Merci.
    Merci, monsieur Hynes.
    Nous allons maintenant entendre Me Sheryl Johnson, avocate chez Fogler, Rubinoff LLP.
    La parole est à vous pour sept minutes.
    Selon moi, si je suis ici aujourd'hui, c'est essentiellement parce que mon livre a été porté à votre attention. Il s'agit en fait d'un guide, publié en septembre dernier, qui vise à comprendre et à prévenir le harcèlement sexuel. Il n'est pas seulement axé sur le milieu de travail, mais je pratique le droit du travail et de l'emploi depuis plus de 20 ans maintenant. J'ai beaucoup d'expérience tant du côté des employeurs que des employés et aussi en ce qui concerne les aspects pratiques de la mise en oeuvre du projet de loi.
    J'ai pensé que je pourrais revenir sur ce que les autres témoins ont dit. Je conviens tout à fait qu'il faut préciser dans le projet de loi que la plainte doit être traitée par les parties à l'interne. Cependant, il faudrait aussi prévoir des mécanismes, de sorte que si les parties ne s'entendent pas et que l'employeur ne mène pas une enquête en bonne et due forme, il revient au gouvernement de régler le problème. Je veux simplement m'assurer qu'il y a une soupape de sécurité et qu'on fait bien les choses, car personne ne devrait avoir à subir du harcèlement dans le cadre de son travail.
    En ce qui concerne la définition du harcèlement, elle est généralement incluse dans la loi. À l'heure actuelle, le harcèlement sexuel est défini dans le Code. Je crois que la définition devrait être mise à jour. Lorsque je donnais de la formation sur le harcèlement sexuel, et même lorsque je devais trouver la page couverture de mon livre, beaucoup de gens me montraient des photos d'un homme qui touchait une femme. N'importe qui peut être victime de harcèlement sexuel à son lieu de travail. Cela peut arriver à tout le monde, quel que soit son sexe, son identité sexuelle, son expression sexuelle ou son orientation sexuelle. Selon sa définition actuelle, il me semble que le harcèlement sexuel implique toujours un homme et une femme, de même que des attouchements ou un comportement à caractère sexuel. Comme on l'a mentionné plus tôt, il y a aussi le harcèlement psychologique. Le harcèlement prend plusieurs visages en milieu de travail, et sachez que le harcèlement sexuel ne se limite pas aux avances sexuelles, à la sollicitation sexuelle, ni aux attouchements ou aux commentaires non désirés. Je pense que le Code doit être mis à jour à cet égard.
    Je suis d'accord avec mes collègues sur la nécessité de trouver un juste équilibre, c'est-à-dire qu'il faut empêcher quiconque de subir du harcèlement ou de la violence en milieu de travail tout en protégeant la vie privée des gens. Ce n'est pas le cas en ce moment. Dernièrement, certaines personnes ont été présumées coupables sans avoir eu droit à un processus adéquat. Malheureusement, une plainte de cette nature détruit une réputation et ruine une carrière. J'applaudis les efforts déployés dans ce projet de loi pour assurer la confidentialité du processus.
     Encore une fois, en écrivant mon livre et dans ma pratique — et selon ce qu'on dit les autres témoins au sujet de leur processus, particulièrement Postes Canada —, je dirais qu'il faut miser sur la prévention et la collaboration, l'efficacité et la rapidité des interventions, puis l'examen et la mise à jour. Je me suis penchée sur les paragraphes 3(1) et 3(3) du projet de loi au sujet du paragraphe 125(1) de la loi et de la réglementation. Il faudrait non seulement s'attaquer aux politiques générales, mais aussi mettre en place des politiques de lutte contre le harcèlement, la discrimination et la violence. Il faut établir des exigences claires. Ce n'est pas le cas dans la version actuelle du projet de loi. Je crois que ce serait un moyen de lui donner du muscle et de veiller à ce que cela soit mis en oeuvre et que le processus soit suivi comme vous l'entendez.
    Il y a un autre problème potentiel avec la façon dont le projet de loi est actuellement rédigé. Le paragraphe 5(1) du projet de loi prévoit de modifier le paragraphe 127.1(1) de la loi de façon à ce que l'employé adresse une plainte à « son superviseur hiérarchique ». Il se peut très bien que le superviseur en question soit le prétendu harceleur. Cette personne ne peut donc être celle vers qui vous vous tournez ni à qui vous adressez la plainte.
    Pour ce qui est des banques, elles ont un tiers externe indépendant, l'ombudsman, qui reçoit ces plaintes, car les plaintes peuvent être portées contre le superviseur ou le gestionnaire du superviseur.

  (1230)  

    Le superviseur n'est pas bien placé pour traiter les plaintes ou régler ce type de problèmes. Il faudrait que ce soit une personne de l'extérieur qui ne fait pas partie de la même structure hiérarchique que la personne concernée. Cela devrait d'ailleurs être inclus dans le projet de loi.
    Je serais ravie de répondre à vos questions sur les aspects pratiques de la mise en oeuvre ou le harcèlement sexuel de façon générale.
    Excellent. Merci beaucoup, maître Johnson.
    Je cède tout d'abord la parole à M. Kmiec. Vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Je vais d'abord m'adresser aux gens du Conseil du patronat du Québec.
    Dans votre présentation, vous avez fait quelques suggestions pour améliorer le projet de loi, mais vous avez aussi parlé du droit de gérance des employeurs. Selon ce que le Comité a entendu hier et selon d'autres témoignages, il y a parfois des divergences d'opinions. Je ne parle pas ici de harcèlement sexuel, mais de harcèlement en milieu de travail, donc de la différence entre le harcèlement qu'il pourrait y avoir dans la gestion du personnel à des fins de performance et ce qu'un employeur doit faire pour s'assurer que ses employés font le travail pour lequel ils reçoivent un salaire.
    Où est la mince séparation entre le harcèlement et la gestion du personnel par l'employeur? Quels conseils donnez-vous aux employeurs pour établir cette démarcation entre les deux? Y a-t-il une autre source d'information ou avez-vous des exemples de conseils que vous donnez à vos membres?

  (1235)  

    Je vous renverrais à la définition de harcèlement psychologique qui se trouve dans la Loi sur les normes du travail du Québec, à laquelle M. Dorval a fait allusion dans sa réponse. Le harcèlement psychologique y est défini comme une conduite vexatoire hostile avec un caractère généralement répétitif qui entraîne une situation de harcèlement psychologique.
    L'expérience québécoise a démontré que, depuis 2004, de nombreuses plaintes déposées au Québec avaient trait au droit de gérance de l'employeur; c'est d'ailleurs pour cela que nous en avons parlé. Cela venait du fait que les plaignants avaient une mauvaise compréhension ou une mauvaise connaissance de la définition de harcèlement psychologique. Autrement dit, le fait qu'un gestionnaire fasse un suivi de la performance ou de la prestation de travail d'un salarié ne devrait pas constituer du harcèlement psychologique.
    Évidemment, si ce suivi ou cette gestion est faite de façon telle que cela ressemble à une conduite vexatoire, hostile et répétée et que cela tombe dans l'abus, c'est là que la mince séparation dont vous avez parlé devrait être faite. C'est pourquoi nous trouvons intéressant de bien préciser, peut-être dans une définition dans la loi, que le droit de gérance de l'employeur ne constitue pas du harcèlement psychologique.
    C'est plutôt l'analyse de la façon avec laquelle les interventions sont faites qui permet de déterminer si on bascule dans le harcèlement psychologique. À notre avis, il faut revenir à ce qui constitue une conduite vexatoire. Autrement dit, des commentaires qui ne font pas plaisir ne sont pas nécessairement vexatoires, mais s'ils sont faits de telle manière qu'on sent une intention malicieuse, ils pourraient poser problème. Pour répondre à votre question, c'est là qu'on devrait tracer la ligne.
    Seriez-vous d'avis que la loi fédérale devrait ressembler davantage à la loi québécoise, que j'ai devant moi? La définition qui figure dans la loi québécoise est assez longue et on y énumère des critères comme la conduite vexatoire, le caractère répétitif, les paroles, les gestes, les comportements hostiles ou non désirés, l'atteinte à la dignité ou à l'intégrité, le milieu de travail rendu néfaste. Ces critères permettent à un employeur ou à un employé de déterminer s'il y a harcèlement.
    De tels critères devraient-ils être mis dans la loi fédérale, oui ou non?
    À notre avis, la réponse est oui. Comme nous l'avons mentionné, la définition dans la loi québécoise est bonne. Pour bonifier cette loi, je suggérerais qu'on précise ce qui ne constitue pas du harcèlement psychologique.
    Le paragraphe 15(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne précise ce qui ne constitue pas de la discrimination. Il faudrait reprendre le modèle de cette disposition fédérale de ce qui ne constitue pas du harcèlement psychologique et préciser que le droit de gérance n'en constitue pas non plus.

[Traduction]

    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Le président: Une minute.
    M. Tom Kmiec: Très rapidement, monsieur Hynes, vous avez dit que vous préfériez qu'on ne définisse pas dans la loi ce qui constitue du harcèlement. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi? Je ne suis pas avocat, mais à ma connaissance, il serait préférable d'avoir une définition claire dans la loi ou dans la common law afin d'éliminer toutes les zones grises possibles et de faire en sorte qu'il soit plus facile pour un employeur ou un employé de savoir où se situe la limite et quels sont les risques auxquels ils s'exposent. Si on n'a pas une définition définitive, un comportement pourrait être considéré comme du harcèlement une année puis ne pas l'être l'année suivante. Qu'est-ce qu'en pensent vos membres?

  (1240)  

    Nous estimons que la définition doit s'insérer dans la réglementation, de façon à pouvoir être mise à jour à mesure que notre compréhension de cet enjeu évolue.
    La ministre en a d'ailleurs parlé. Il a été question de cyberintimidation. C'est un concept qui n'existait pas il y a une décennie. Les règlements ne se changent pas du jour au lendemain; il faut suivre un processus. Leur libellé est aussi fort, et les gens doivent appliquer les règlements au même titre que les lois.
    Nous croyons que les experts devraient participer pleinement à l'élaboration de cette définition du harcèlement. Nous estimons que ce processus prendra du temps, comme cela a été le cas lorsque nous avons examiné la partie XX sur la prévention de la violence du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail. Cela dit, les experts du milieu syndical, du monde des affaires et du gouvernement, ainsi que les intervenants externes, devraient être consultés afin qu'on puisse comprendre parfaitement ce qui devrait et ne devrait pas faire partie de cette définition.
    Au bout du compte, que cela se retrouve dans la loi ou dans le règlement, cela ne change rien au chapitre de la mise en oeuvre, mais le fait que ce soit inséré dans la réglementation nous donne la possibilité, en vertu de ce cadre général qui sera créé par le projet de loi C-65 et des modifications apportées au Code canadien du travail, de passer par ce processus, qui prendra quelque temps. Honnêtement, je ne crois pas qu'on puisse régler la question ici, à cette table, dans les semaines à venir, alors qu'on discute du projet de loi.
    Merci, monsieur.
    Mme Dabrusin est la prochaine intervenante. Vous disposez de six minutes.
    Ma première question s'adresse aux représentantes de Postes Canada.
    Je ne sais pas si vous étiez toutes les deux ici plus tôt aujourd'hui, mais nous avons reçu M. Girouard, du syndicat. Tout au long de sa déclaration, il a décrit ce qu'il considère comme un problème systémique de harcèlement en milieu de travail. Vous avez défini tous les processus que vous avez mis en place pour que les gens puissent se manifester, mais à mes yeux, cela touche l'essence même de ce que nous essayons de faire ici. Vous avez beaucoup parlé de collaboration. Or, ce matin, il était visiblement question de plaintes.
    En quoi ce projet de loi peut-il nous aider à réduire l'écart entre ce que j'ai entendu ce matin et ce que j'entends cet après-midi? Y a-t-il quelque chose qui doit être amélioré pour qu'on puisse combler cette lacune?
    Depuis plusieurs années, Postes Canada s'efforce d'instaurer un bon climat de travail. Nous entretenons une relation de collaboration très étroite avec nos syndicats. Nous avons un objectif commun dans ce domaine particulier, tant au chapitre de la santé et de la sécurité que du harcèlement au travail. Nous voulons nous assurer que nos employés sont en sécurité et ne font pas l'objet de harcèlement. Nous avons donc créé des comités mixtes auxquels participent les syndicats. Nous avons des comités mixtes locaux et nationaux de santé et de sécurité dans les établissements de partout au pays. Nous avons également des comités mixtes sur les droits de la personne et sur l'équité en matière d'emploi. Nous nous rencontrons au moins deux fois par année pour...
    Je n'ai pas beaucoup de temps, mais ce que j'essaie de dire, c'est qu'on m'a présenté deux perspectives tout à fait différentes sur le même lieu de travail. Je vous crois quand vous dites que vous voulez avoir un lieu de travail exempt de harcèlement. C'est juste. Cependant, je regarde ce projet de loi et j'essaie de voir comment il pourra s'appliquer à ce scénario. Comment cette loi peut-elle vous aider à mieux répondre à ce que j'ai entendu ce matin? Voyez-vous des lacunes qui pourraient être comblées? Est-ce qu'à certains égards, ce projet de loi ne vous permettra pas de progresser comme vous le devriez?
    Je ne suis pas certaine que le projet de loi changera les choses pour Postes Canada, en ce sens que plusieurs des objectifs de la loi sont déjà en place chez nous. Nous avons déjà des politiques contre la discrimination et le harcèlement. Nous formons nos employés. De nombreuses possibilités s'offrent à eux lorsqu'il s'agit de demander de l'aide ou d'obtenir réparation, et nous prévoyons des conséquences.
    Peut-être que ce projet de loi pourrait nous aider si cela nous permet d'avoir une autre conversation et de répéter les mêmes choses que nous faisons aujourd'hui. Autrement dit, pouvons-nous faire les choses différemment? Y a-t-il des choses que notre syndicat aimerait que nous fassions différemment dans le cadre de nos comités mixtes? Ce serait peut-être une possibilité.

  (1245)  

    Je vais demander à l'avocate de se joindre à la discussion, car elle pourra peut-être m'aider là-dessus.
    L'une des choses qui pourrait être positive, et qui se fait en Ontario, c'est d'exiger, soit dans la réglementation, soit dans la loi, qu'il y ait des consultations avec le comité de santé et de sécurité ou le comité concerné dans le cadre de l'élaboration de la politique sur la prévention de la violence et du harcèlement et de sa mise en oeuvre. Si vous avez simplement une politique qui dort sur une tablette, ce n'est pas utile. Vous devez sensibiliser les gens et réévaluer la situation au moins une fois par année pour voir si cela fonctionne, puis renforcer la politique, s'il y a lieu. Nous devons nous pencher sur cette question plus d'une fois par année. Comment peut-on y arriver? Je pense que la tenue de consultations pourrait s'avérer très utile dans ce cas-ci.
    Très bien. Étant donné que vous avez de l'expérience avec le système de l'Ontario, y a-t-il des leçons que nous pourrions tirer et qui pourraient nous aider dans le cadre de ce projet de loi? Vous venez d'en mentionner une.
    Il y a beaucoup de choses. J'ai entendu les questions tout à l'heure au sujet de la préoccupation concernant l'exemption. Lorsqu'on impose une mesure disciplinaire raisonnable en milieu de travail, il y a une exemption prévue dans la loi selon laquelle toute mesure disciplinaire appropriée de la part de la gestion à l'endroit d'un employé ne sera pas considérée comme du harcèlement en vertu de la loi. Nous avons cela en Ontario. C'est une simple exemption. Ce n'est pas très long, mais cela couvre ce genre de situation.
    Dans la mesure législative se trouve également la définition de ce qui constitue du harcèlement.
    Dans ce cas, je vais vous arrêter là. Les définitions du harcèlement contenues dans la loi ontarienne vous conviennent-elles ou les reformuleriez-vous si vous aviez à établir une définition?
    Je pense qu'elles conviennent. La définition du terme « harcèlement psychologique » contenue dans la loi québécoise — je l'ai examinée parce que je me suis penchée sur l'ensemble des lois canadiennes à ce sujet — est probablement la meilleure. La version ontarienne définit très bien les termes « harcèlement » et « harcèlement sexuel ». Les définitions doivent être assez larges pour englober différentes situations. Dans le projet de loi qui nous occupe, on parle de harcèlement et de violence. La loi comprend une définition générale, qui est ensuite précisée dans le Règlement, le Règlement étant plus facile à modifier que la loi. La question exacte est soulevée, la base est établie; tout le monde connaît donc les règles du jeu. Puis, à mesure que la société, les valeurs culturelles et la loi — qui est fluide — évoluent, on modifie le Règlement. Je trouve qu'il s'agit d'un compromis équitable.
    Merci.
    Madame Trudel.

[Français]

     Je vous remercie de vos interventions et de votre participation à cette séance du Comité.
    Ma question, qui donne suite à celles de Mme Dabrusin, s'adresse à vous, mesdames Fortin et MacEachern.
    Il y a quelques semaines, des employés de Postes Canada ont dénoncé dans la presse une culture de harcèlement psychologique et ont rapporté certains événements. En outre, lors des consultations publiques que menait le premier ministre, une travailleuse a directement interpellé ce dernier pour dénoncer cette culture.
    Dans le cadre de ce comité, des témoins ont dit que les superviseurs faisaient subir aux employés du harcèlement psychologique et de l'intimidation. Il semblerait que ces comportements étaient directement liés à leurs primes.
    Ce genre de rémunération fait-il partie de la culture de Postes Canada? On parlait des congés de maladie et des personnes qui faisaient des heures supplémentaires pour leur propre itinéraire.
    Vous dites avoir déjà mis des mesures en oeuvre, mais j'aimerais savoir si, à votre avis, le projet de loi C-65 pourrait contribuer à améliorer la situation et atténuer ces pratiques courantes qui se sont révélées au cours des dernières semaines à Postes Canada.

  (1250)  

    Pour ce qui est de la rémunération de nos superviseurs, je veux préciser que ceux-ci ne reçoivent pas d'incitatifs financiers liés aux heures supplémentaires ou au travail des employés. Les superviseurs ont la responsabilité de faire fonctionner une succursale, une unité de travail, de façon sécuritaire et productive et de s'assurer qu'un bon service est offert aux clients. En général, c'est ce que nous leur demandons. Ils ont toutes sortes de procédures à suivre dans le cadre de leur travail. Nous leur demandons de suivre ces procédures. En général, ils fournissent les résultats que nous leur demandons de fournir. Bref, il n'y a pas d'incitatifs destinés spécifiquement à nos superviseurs.
    Je suis au courant de ce qui s'est dit dans les médias et en public. Pour ma part, j'ai longtemps travaillé dans le domaine des opérations. J'ai travaillé aussi bien au Québec que dans la région de l'Atlantique et dans les Prairies. J'ai rencontré un bon nombre d'équipes de travail et j'ai pu observer l'évolution de la situation. Nous ne sommes pas parfaits, loin de là...
    Pardonnez-moi de vous interrompre, mais je n'ai vraiment pas beaucoup de temps. Ce sont les seules minutes qui me sont accordées.
    Êtes-vous d'accord sur le fait que, en vertu du projet de loi, les comités de santé et de sécurité devraient pouvoir s'occuper des plaintes?
     Nos comités de santé et de sécurité comptent des représentants syndicaux et des représentants de la gestion, à tous les niveaux, et ce, jusque dans les succursales, qui sont les plus petits milieux de travail. Je suis absolument d'accord pour dire que les syndicats et les employeurs doivent travailler en collaboration pour régler les problèmes en milieu de travail. Qu'il s'agisse de harcèlement ou de toute autre difficulté, le but est d'améliorer le milieu de travail.
    Pour ce qui est de travailler à l'amélioration du milieu de travail, je crois que cela incombe aux comités de santé et de sécurité. C'est également le cas pour les discussions concernant les problèmes en milieu de travail. Pour ce qui est des cas individuels, je n'en suis pas certaine, étant donné que cela touche la vie privée. Ce sont des situations difficiles. J'ai été impliquée dans plusieurs situations de ce genre depuis que je travaille aux opérations. Certains éléments doivent rester confidentiels pour que les gens soient protégés.
    Si la plainte vise un superviseur, que peuvent faire les employés s'ils n'ont pas la possibilité de consulter le comité de santé et de sécurité?
    Il y a toujours le représentant syndical. Il y a également les possibilités soulevées par Mme MacEachern. On parle donc du représentant syndical, du représentant des ressources humaines et de la ligne indépendante pour les dénonciateurs, dont nous avons publié le numéro à Noël. Je pense qu'il y a plusieurs avenues. Au fil des ans, j'ai constaté qu'en général toutes ces possibilités permettaient de régler et de gérer ces situations.

[Traduction]

    J'aimerais ajouter quelque chose.
    L'une des raisons pour lesquelles nous offrons de si nombreuses possibilités, c'est que nous reconnaissons que les besoins varient selon les situations. Toutefois, je tiens à vous assurer que chaque plainte est examinée. Nous ne tolérons absolument pas le harcèlement en milieu de travail. C'est aussi une de nos valeurs et un de nos objectifs, et nous les maintenons.
    Vous avez 20 secondes.

[Français]

    Maître Johnson, voulez-vous ajouter quelque chose en vous fondant sur votre expérience?

[Traduction]

    J'ai tellement de choses à ajouter.
    Très brièvement, on a dit, entre autres, qu'il fallait veiller à ce que les employés aient quelqu'un à qui s'adresser. Ce n'est pas toujours un représentant des ressources humaines. Ce n'est pas toujours... D'après moi, les mesures prises par la banque relativement à l'ombudsman donnent aux employés la confiance nécessaire pour porter plainte, car la crainte du châtiment est la raison principale pour laquelle les employés gardent le silence ou renoncent à leurs plaintes, et vivent ce qu'ils vivent au travail.
    Ce n'est peut-être pas le cas pour cet employeur-ci, mais pour de nombreux employeurs, c'est une question de rendement. De nos jours, la situation économique étant ce qu'elle est, beaucoup d'employés se poussent jusqu'à l'épuisement professionnel et prennent des congés d'invalidité parce qu'au bout du compte, l'important, ce sont les bonis. On encourage les gens à en faire plus avec moins, ce qui a des répercussions. Ce sont des répercussions involontaires, mais tout de même réelles. Ils ont raison à cet égard.

  (1255)  

    Merci.
    Madame Fortier.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Je pense que nous sommes tous réunis parce que nous voulons trouver une façon de renforcer le projet de loi proposé. On a répondu à plusieurs questions depuis le début et cela nous a permis de constater que le projet de loi peut être amélioré.
    Nous devons contribuer au changement de culture. Comme mon collègue l'a dit ce matin, le statu quo n'est pas une option dans ce cas-ci. Il faut donc trouver une façon de contribuer au changement de culture et d'améliorer les processus d'enquête.
    Que peut-on faire pour protéger les victimes et leurs témoins ou les gens qui les appuient? Comment peut-on renforcer le projet de loi C-65? Ce projet de loi est-il suffisant ou faudrait-il le modifier en vue de protéger les victimes, les plaignants et leurs témoins? J'aimerais que les réponses soient brèves, s'il vous plaît.
    Madame Mandal, voulez-vous commencer?

[Traduction]

    Comme M. Hynes l'a déjà dit, nous considérons cette mesure comme une loi-cadre. Les préoccupations principales de l'Association des banquiers canadiens concernant la version initiale du projet de loi ont été traitées. Elles portaient sur la protection de la vie privée et sur la confidentialité pour toutes les parties touchées par l'enquête, ainsi que sur le rôle du comité de santé et de sécurité au travail. On a répondu à ces préoccupations.
    Maintenant, nous voulons poursuivre notre dialogue productif avec le gouvernement pour créer de la réglementation qui complète les détails du processus et qui fournit la précision et la souplesse nécessaires à toutes les parties.

[Français]

    Madame MacEachern ou madame Fortin, voulez-vous intervenir?

[Traduction]

    Mes propos seront semblables à ceux de notre collègue de l'ETCOF. Si un dossier peut suivre deux voies — celle du comité de santé et de sécurité ou celle de la Loi sur les droits de la personne —, c'est important de préciser comment il sera traité.
    Chez Postes Canada, nous avons créé une analyse de situation pour aider les chefs d'équipe à comprendre si une plainte est liée à la violence physique, à la violence psychologique, aux droits de la personne ou au harcèlement. Nous avons créé un modèle pour aider les chefs d'équipe à déterminer la voie à suivre. Ce serait très utile de fournir plus de précisions dans le projet de loi.
    Monsieur Hynes, je sais que vous avez déjà présenté des observations, mais avez-vous quelque chose à ajouter?
    Le projet de loi a été déposé à la fin de ce que nous considérons comme un processus de consultation très positif, dans le contexte d'un débat de société élargi aussi très positif sur le harcèlement et le harcèlement sexuel. C'est très bien. Nous avons pris une obligation d'une ligne prévue à la partie III du Code canadien du travail, selon laquelle un employeur doit adopter une politique; nous l'avons élargie; nous l'avons déplacée de la partie III à la partie II; et nous avons créé un processus que les employeurs devront dorénavant suivre. Comme je l'ai déjà dit, nombre des employeurs que je représente s'alignent déjà sur les mesures présentées par la ministre.
    En incluant les dispositions dans la partie II, nous avons augmenté le nombre d'organisations qui y sont assujetties et qui devront les appliquer dans leurs milieux de travail. Tout cela est extrêmement positif, selon nous, et nous sommes ravis d'avoir contribué à la solution.
    Madame Johnson, je vous accorde du temps, si vous voulez ajouter des façons de renforcer le projet de loi.
    Certainement. Concernant ce qui pourrait être inclus dans la loi pour aider à protéger les témoins, les plaignants et les défendeurs — bref, toutes les personnes qui prennent part au processus —, je recommanderais que le projet de loi même ou le règlement stipule les normes minimales devant être incluses dans les politiques ou les programmes des entreprises. Une fois la politique écrite établie, il faudrait qu'elle soit affichée au travail ou qu'elle soit rendue accessible par voie électronique ou autres, afin que les employés puissent en prendre connaissance et qu'ils soient renseignés sur leurs possibilités.
    Ajoutez aussi une disposition qui oblige les employeurs à indiquer qu'il n'y aura aucune représaille pour quiconque participe au processus ou dépose une plainte, si c'est fait de bonne foi. Il faut absolument préciser qu'il n'y aura pas de représailles pour toute action accomplie de bonne foi par un témoin ou un plaignant.
    Il faudrait aussi indiquer que la confidentialité sera préservée dans la mesure du possible. Je mène moi-même des enquêtes. Il faut parfois donner le nom du plaignant, selon les circonstances, pour pouvoir effectuer l'enquête. Précisez que la confidentialité sera préservée dans la mesure du possible.
    Enfin, par rapport à toutes les possibilités offertes à l'échelle fédérale, en Ontario, il y a seulement deux options: la voie des droits de la personne et la voie civile. Vous devriez peut-être considérer la possibilité que si cela ne convient pas vraiment... Tout dépend de la façon dont vous voulez traiter le dossier. La définition du harcèlement et de la violence au travail prévue à la partie II ne se limite pas aux droits de la personne. Il pourrait y avoir du chevauchement parce que les plaintes pourraient être fondées sur des motifs énumérés; or, l'obligation de choisir entre la santé et la sécurité au travail et les droits de la personne ne convient pas vraiment dans les circonstances. Vous devriez faire en sorte que si l'on choisit une voie, il ne soit pas possible de suivre aussi l'autre voie.

  (1300)  

    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Dorval ou monsieur Lamy, avez-vous d'autres suggestions à faire?

[Traduction]

    Soyez très bref, s'il vous plaît.

[Français]

    J'ajouterais un élément déterminant pour qu'une politique contre le harcèlement psychologique soit efficace. Il faudrait s'assurer que l'information est accessible aux employés. Vous avez mentionné le changement de culture dans votre question. C'est aussi en parlant qu'on réussira à changer la culture.
    Je suis entièrement d'accord avec Me Johnson. Elle a mentionné que la confidentialité doit être respectée, mais qu'il faut aussi tenir compte des limites à cette confidentialité, qui sont nécessaires pour conduire une enquête de façon efficace.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Vandenbeld.
    Merci beaucoup à toutes et à tous.
    D'après les témoignages que j'ai entendus ce matin et cet après-midi, il semble y avoir un écart entre la politique et la mise en oeuvre.
    Madame Johnson, je sais que vous vous spécialisez dans la mise en oeuvre. Le but du projet de loi C-65 n'est pas seulement d'élaborer une politique et de l'appliquer. Nous devons veiller à ce que des processus soient établis et à ce qu'il y ait des recours dans les cas où les processus ne sont pas suivis.
    Madame Johnson, pouvez-vous nous parler brièvement de la façon dont vous... C'est parfois un des problèmes systémiques ou un élément de la culture en milieu de travail. Comment pouvons-nous combler l'écart entre, d'un côté, l'adoption de la politique parfaite et la croyance par certains que la politique est appliquée, et de l'autre, l'expérience vécue par les employés sur le terrain qui affirment le contraire?
    Je pense que cela revient à l'idée de la collaboration et à l'ouverture d'esprit de l'employeur. Vous voulez croire que vous faites tout ce que vous pouvez, mais j'encourage toujours les employeurs à effectuer des vérifications en milieu de travail: rendez-vous sur les lieux, voyez la culture de l'organisation, voyez ce qu'elle fait, voyez comment les employés se traitent les uns les autres et comment ils traitent les biens et la propriété de l'employeur. C'est là une bonne façon pour l'employeur de déterminer si les employés pensent qu'il fait réellement ce qu'il dit faire, car si un employé ne respecte pas son employeur, il ne respectera pas non plus ses biens.
    Si un employeur affirme que tous doivent être traités avec dignité, mais que les gens ne le sont pas, il le verra, notamment, dans les taux élevés d'absentéisme et de roulement. À mon avis, pour favoriser la mise en oeuvre, les organisations doivent être réalistes et elles doivent faire preuve d'ouverture d'esprit; il ne suffit pas d'adopter la meilleure politique.
    En outre, l'éducation est l'un des éléments les plus importants de la mise en oeuvre. Comme mon amie l'a dit à propos du leadership, les membres de la direction doivent adhérer à la politique; ils doivent joindre le geste à la parole.
    Comment pouvons-nous encourager plus de gens à rompre le silence? On nous a dit hier que 22 % des fonctionnaires déclarent avoir été victimes de harcèlement, et pourtant, très peu d'entre eux passent à l'action.
    Je sais qu'une des solutions proposées est de créer un organe indépendant, par exemple, une ligne de dénonciation. J'aimerais en savoir plus sur le bureau de l'ombudsman dont Me Mandal a parlé, puis je demanderai aux autres comment nous pouvons encourager plus de gens à passer à l'action.

  (1305)  

    D'après moi, et comme Mme Johnson l'a dit, c'est une très bonne façon de faire en sorte d'avoir l'effet dissuasif dont d'autres intervenants ont parlé, ainsi que de répondre aux préoccupations des employés relatives aux représailles et à la protection de la vie privée.
    La ligne de dénonciation anonyme élimine la majorité, voire l'ensemble des inquiétudes qui découragent les employés de porter plainte. Des renseignements sont divulgués sur la personne accusée — pas nécessairement, mais ils sont divulgués. Le plaignant peut garder l'anonymat, et l'enquête peut être effectuée en arrière-plan. Habituellement, le bureau de l'ombudsman des employés relève directement du président-directeur général. Je le répète, l'indépendance des secteurs d'activité, y compris le secteur de la personne même, aide énormément.
    Les banques ont d'autres façons de gérer la protection de la vie privée, la confidentialité et la crainte de représailles, mais c'est là un aperçu général pour la fonction précise dont vous parlez.
    D'accord.
    Madame MacEachern ou madame Fortin, voulez-vous intervenir?
    Selon moi, c'est très important de créer des avenues indépendantes que les employés peuvent utiliser pour signaler ce qu'ils vivent. Nous avons aussi un ombudsman. La ligne de dénonciation est une autre solution. L'important, au bout du compte, ce sont les mesures qui sont prises par la suite. Les témoins regardent ce qui se passe. Ayant moi-même participé à certains dossiers traités au moyen d'avenues indépendantes, je pense que c'est probablement l'élément le plus important.
    Concernant la direction, il faut absolument inclure tout cela dans les plans de gestion du rendement, en prenant soin d'employer les bons termes, et évaluer les membres de la direction en conséquence. Je ne sais pas si vous devriez mettre cela dans la loi, mais c'est ce qui fonctionnerait, d'après moi.
    Dans le même sens, lorsque j'ai posé des questions à ce sujet à nos organisations membres, beaucoup ont déclaré qu'elles étaient fières de la façon dont elles s'occupaient de ces dossiers. Cela commence au sommet, avec la direction. Les bureaux qui traitent les plaintes relèvent directement du directeur général. La culture fait ressortir l'importance de porter plainte. Un processus bien défini et une politique bien communiquée sont en place. Les personnes qui doivent mener les enquêtes reçoivent de la formation. Le sujet est de mieux en mieux connu.
    Me Mandal a parlé d'un ombudsman; certains de nos membres en ont un. Certains ont une ligne de dénonciation anonyme. Le nombre de moyens dont dispose une personne pour porter plainte semble aussi augmenter le nombre de rapports.
    Pour beaucoup de personnes qui voudraient porter plainte, savoir que d'autres l'ont fait avant elles et qu'aucune mesure disciplinaire ou autre n'a été prise a un effet dissuasif. C'est un dilemme, car c'est possible que des besoins relatifs à la protection de la vie privée aient empêché de déclarer que des mesures avaient été prises.
    Comment pouvons-nous régler ce problème? Y a-t-il des dispositions dans le projet de loi C-65 qui pourraient aider, ou pourrait-il y en avoir?
    Il pourrait y en avoir.
    En Ontario, lorsque la plainte vient d'un travailleur et qu'une enquête est menée, le plaignant et le défendeur sont tous deux informés des résultats de l'enquête et des mesures disciplinaires progressives ou autres prises par l'employeur. Ils doivent en être informés. Je sais qu'il est arrivé que des employeurs effectuent l'enquête et qu'ils prennent toutes les mesures voulues, mais qu'ils ne transmettent pas l'information aux parties; ces employeurs ont reçu l'ordre du ministre d'informer les parties. Il y a des pouvoirs par rapport à cela.
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Genuis. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que c'est M. Dorval qui a dit qu'une conduite vexatoire était un élément central du harcèlement psychologique. Le concept d'une conduite vexatoire est-il subjectif? Qui évalue la conduite: le harceleur, la victime ou un observateur impartial? Comment définit-on une « conduite vexatoire »?

[Français]

     Je vais demander à M. Lamy de répondre à votre question.
    Le concept de comportement vexatoire n'est pas apprécié dans le régime québécois de manière purement subjective. On l'apprécie en fonction d'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Cet élément est très important. L'appréciation du caractère vexatoire ou non d'un comportement peut varier d'un individu à l'autre, mais le régime québécois l'apprécie en fonction du critère de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Ce critère est généralement utilisé dans d'autres circonstances en droit civil québécois et il a été intégré ici aussi. Cet aspect n'a pas vraiment posé problème dans son application.

  (1310)  

[Traduction]

    Je pense que c'est ce que nous appelons communément la règle de la « personne raisonnable ».
    D'autres témoins ont-ils quelque chose à dire sur la façon de définir une « conduite vexatoire »?
    Vous pouvez définir le terme dans la loi. Ce qui est vexatoire et ce qui ne l'est pas constituent un concept juridique généralement compris, et je pense que c'est la même... Ce concept n'a pas posé problème en Ontario. Comme mon ami vient de le dire par rapport au Québec, ce terme est généralement compris; ce n'est donc pas un obstacle, normalement.
    Merci.
    J'aimerais revenir à la discussion sur Postes Canada et à certains commentaires formulés précédemment à ce sujet. À mon avis, cela se rapporte directement à la définition du terme « harcèlement ».
    Plus tôt, un témoin a parlé de la réaction de Postes Canada à ce qu'il appelait l'absentéisme involontaire, je crois, ou quelque chose du genre. Il a indiqué qu'il estimait que la réaction était du harcèlement.
    J'aimerais savoir comment Postes Canada intervient dans les cas d'absentéisme involontaire. En tant qu'employeur — j'ai un bureau parlementaire —, je pense que vous devez avoir une politique quelconque à l'égard de l'absentéisme, involontaire ou autre. Pour un employeur, selon la nature de la réponse, n'est-il pas problématique que certains la qualifient de harcèlement?
    Il y a deux ou trois choses. En tant qu'employeur, ce que nous voulons lorsque les gens s'absentent du travail, c'est qu'ils se rétablissent. Il est donc absolument essentiel de faire un suivi et de veiller à ce qu'ils aient le soutien nécessaire. Voilà le principe que nous gardons à l'esprit. Communiquons-nous avec les gens pour nous assurer qu'ils obtiennent de l'aide par l'intermédiaire de leur médecin, entre autres? Oui, tout à fait.
    Postes Canada a une importante équipe de gestion de l'incapacité. Ce sont des professionnels dont le rôle est de veiller au respect des traitements médicaux adéquats et à la prestation de mesures de soutien appropriées. En ce qui concerne l'absentéisme, je dirais, encore une fois, que notre but est d'accorder aux gens toute l'attention nécessaire pour qu'ils puissent revenir au travail, dans un milieu sain.
    Étant donné son expérience, Manon pourrait ajouter quelque chose à cela.
    Je pense que vous avez tout dit. Je dirais simplement qu'en tant que dirigeante des opérations, j'encourage toujours les chefs d'équipe à être de bonnes personnes et à réserver un bon accueil aux employés qui reviennent au travail. Ce sont eux qui les connaissent le mieux.
    Il s'agit donc de bien les accueillir à leur retour au travail, de leur demander s'ils se portent bien et, si ce n'est pas le cas, de leur offrir le soutien dont Ann-Therese a parlé. Je pense qu'il s'agit simplement d'agir en bon dirigeant. Je ne vois certainement pas de harcèlement là-dedans, selon la définition qu'on lui donne.
    Je vais poser une question complémentaire, puis j'élargirai peut-être la discussion.
    Certes, les employeurs veulent évidemment faire tout leur possible, en général, pour aider leurs employés à se rétablir et à reprendre le travail. Cela dit, n'y a-t-il pas un risque qu'un employé qui ne fait pas son travail correctement puisse chercher à utiliser une plainte de harcèlement comme moyen pour contrer les efforts de son employeur?
    Mme Johnson hoche de la tête.
    Comment peut-on éviter ce risque?
    C'est difficile à éviter, car cela se produit constamment. Voilà pourquoi il devrait y avoir une exception pour les allégations formulées en toute bonne foi. L'exception relative aux mesures prises par la direction dans l'exercice de ses pouvoirs en matière de gestion et de mesures disciplinaires progressives ne devrait pas être considérée comme du harcèlement.
    Il est impossible d'éviter le risque qu'une personne porte plainte pour harcèlement, mais c'est précisément pour cette raison qu'il faut enquêter et déterminer les modalités de l'enquête. Il pourrait très bien être suffisant d'examiner l'historique pour constater que ce n'est pas vraiment un cas de harcèlement. Cela s'arrêterait là, sans qu'on doive faire appel à un enquêteur indépendant pour examiner le dossier.
    Je me demande si cela soulève des préoccupations dans le contexte parlementaire. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, madame Johnson. Essentiellement, ces enquêtes relèvent du cabinet de la ministre du Travail, alors qu'elles pourraient être liées aux bureaux de députés de l'opposition. Théoriquement, la ministre pourrait avoir à enquêter sur son propre bureau parlementaire. Cela semble-t-il...

  (1315)  

    Ce ne serait pas acceptable...
    M. Garnett Genuis: Merci.
    Mme Sheryl Johnson: Il devrait donc y avoir une certaine souplesse dans de tels contextes. Toute enquête devrait se faire dans les règles de l'art, en fonction des circonstances. À mon avis, le libellé devrait prévoir une certaine souplesse quant aux mesures à prendre, selon les circonstances. Dans ce contexte, cela devrait relever d'une personne indépendante ayant la formation nécessaire pour mener de telles enquêtes, en toute neutralité et impartialité par rapport au processus.
    Merci.
    Monsieur Fraser, la parole est à vous, pour six minutes.
    Merci beaucoup.
    Je pense que nous avons réussi, pendant la discussion, à réduire le nombre d'enjeux pour lesquels les points de vue semblent diverger. J'ai l'impression que la plupart des gens sont plutôt heureux qu'on s'attaque au problème, mais que c'est une question de détails. Selon moi, un des aspects dont les détails suscitent toujours la controverse, dans une certaine mesure, est la façon d'assurer l'intégrité du processus, notamment la comparaison entre le rôle des comités et les processus relevant de l'employeur.
    Monsieur Hynes, je crois que vous avez indiqué que nous ne devrions pas recourir automatiquement à une enquête par un tiers indépendant. Je m'interroge là-dessus et j'ai quelques questions. C'est vous qui avez fait ce commentaire, je crois. Donc, pourquoi serait-il préférable de commencer par l'employeur?
    Lorsque nous avons entrepris des discussions tripartites sur le harcèlement sexuel dans le secteur fédéral et que nous examinions de possibles solutions pour l'avenir, l'une des options présentées par le gouvernement était de déplacer cet article de la partie III à la partie II du Code canadien du travail, pour diverses raisons, dont l'une était d'élargir son champ d'application à un plus grand nombre de personnes.
    Un des enjeux soulevés lors de la discussion initiale portait sur les personnes qui devraient participer à ces enquêtes. Je crois savoir qu'il était généralement reconnu et accepté qu'il y avait une différence entre les plaintes de harcèlement sexuel et les plaintes de violence sexuelle, et que la nature délicate de ces plaintes les distinguait des plaintes typiques de violence. Je pense que les participants aux discussions convenaient généralement que le nombre de personnes ayant accès à ces renseignements au cours d'une enquête devrait être restreint, et ce, le plus possible. Je pense que c'est ce qui a mené à l'idée de retirer le comité en milieu de travail du processus d'enquête.
    Cela ne voulait pas dire que le comité ne pouvait pas participer à l'établissement des politiques, veiller à leur application adéquate, et lutter contre tout problème systémique de harcèlement en milieu de travail. Cela signifiait que le comité n'aurait aucun rôle précis dans les enquêtes. Cela ne voulait pas dire que les syndicats n'auraient pas un rôle à jouer. L'employé aurait la possibilité de communiquer avec son représentant syndical pour obtenir de l'aide et des conseils, déposer un grief et franchir le processus.
    Voilà l'origine de tout cela, en quelque sorte. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
    Oui, c'est très utile.
     Madame Johnson, j'aimerais vous poser une question dans la même veine.
    J'ai noté les réponses fournies à mon collègue, M. Genuis, par les gens de l'industrie aérienne. Je crois qu'ils sont toujours dans la salle. En résumé, ils ont indiqué que c'était un enjeu majeur pour eux. Je comprends pourquoi; on ne veut pas que le harceleur soit l'enquêteur. Cela n'a aucun sens.
    En effet.
    Madame Johnson, vous avez laissé entendre qu'il existe un processus en lequel vous pourriez avoir confiance, je pense, pourvu qu'il s'accompagne de mesures d'appui du gouvernement pour veiller au caractère raisonnable des enquêtes.
    Pourriez-vous expliquer en quoi ce sont des mesures appropriées qui protégeraient la vie privée des personnes en cause et assureraient en même temps l'intégrité du processus?
    Ce que je disais, c'est que je suis d'accord pour qu'il y ait, au début, une souplesse permettant aux instances en milieu de travail d'examiner le problème, d'enquêter et d'essayer de le régler. Je pense que cela se reflète dans la version actuelle du projet de loi.
    En ce qui concerne les propos de mon amie sur la nécessité d'écarter le comité de santé et sécurité au travail de l'examen des plaintes, pour des questions de protection de la vie privée, cela se reflète dans le projet de loi. Pour ce qui est des enquêtes, on prévoit des exceptions relativement aux articles 128 et 129.
    En mon sens, parvenir à obtenir l'adhésion et l'engagement des parties à l'égard du processus est absolument essentiel à son intégrité. Toutefois, dans les cas où ils ne suivraient pas les procédures établies, et si le syndicat ou un employé constate que l'employeur s'est limité aux motions liées à l'enquête ou qu'il a obtenu un résultat inadéquat, il serait alors possible, par mesure de sécurité, d'avoir recours à un tiers indépendant. On parle ici de cas où le processus interne a échoué.

  (1320)  

    Dans cette veine, je tiens à créer un système qui encouragerait les gens qui ont été victimes de harcèlement à se manifester. Si les options offertes donnent aux gens l'impression qu'ils n'obtiendront pas justice, je comprends pourquoi ils hésitent et choisissent de ne pas signaler l'incident.
    Vous avez mentionné l'idée d'assurer la présence d'une personne issue d'une autre chaîne de commandement. Si je ne me trompe pas, les témoins de Postes Canada ont indiqué que l'organisme a adopté le modèle de l'ombudsman pour de tels cas.
    Doit-on modifier la mesure législative pour y parvenir? Si oui, comment?
    Oui, parce que selon le libellé actuel, l'employé doit s'adresser à son supérieur hiérarchique. C'est trop restreint. Il faut élargir cela au superviseur de l'employeur et, possiblement, ajouter un paragraphe indiquant que lorsque la personne visée par des allégations se trouve à être l'employeur ou le superviseur, il faut faire appel à un tiers indépendant.
    On peut laisser une latitude quant à l'identité du tiers, mais l'employeur et les parties sur le lieu de travail devront choisir une personne de confiance avec laquelle les gens seront à l'aise de discuter sans crainte de représailles.
    Excellent.
    Je consacrerai les 30 dernières secondes à un autre sujet.
    Monsieur Hynes, vous avez parlé des consultations tenues jusqu'à maintenant et comparé brièvement la définition de harcèlement de la réglementation et de la loi.
    Une des choses qui me préoccupent, c'est l'incapacité de ce comité de consulter adéquatement tous les intervenants, en huit heures environ, pour en arriver à une définition adéquate.
    Pensez-vous qu'une des façons d'y parvenir est d'intégrer cela à la réglementation pour que les intervenants, tant l'employeur que les syndicats, puissent être consultés adéquatement?
    Oui, je pense que c'est le processus le plus adéquat pour de telles discussions. Les experts et les intervenants peuvent tenir des rencontres et entreprendre ce qui est franchement un douloureux processus de choix de mots — des « et », des « ou », des « mais » —, mots qui ont leur importance, en fin de compte. Cela permet d'en arriver à une solution qui convient à tous, à mon avis. Nous avons un libellé qui peut ensuite être intégré à des règlements qui ont littéralement force de loi et qui donnent de meilleurs résultats. Quant au point que vous avez soulevé, nous pouvons le faire en quelques heures.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à la députée Harder, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Me Johnson.
    Vous avez fait d'excellents commentaires sur l'importance du pouvoir d'enquête et sur les instances où ce pouvoir est concentré, pour ainsi dire.
    Actuellement, la loi ne précise pas qu'un rapport rédigé au terme d'une enquête doit être communiqué au plaignant. Selon vous, serait-ce un ajout pertinent à la mesure législative? Serait-il plutôt préférable de ne pas inclure le plaignant?
    Non, je ne pense pas que le rapport lui-même, en particulier lorsqu'il s'agit d'un cas de harcèlement sexuel... En tant qu'enquêteur, on fait toujours son possible pour que les témoins ne puissent être identifiés. Dans une certaine mesure, la divulgation intégrale du rapport nuit à l'obligation de confidentialité et a une incidence sur d'autres préoccupations qu'on pourrait avoir à l'égard du processus.
    Je pense que les conclusions ainsi que les modalités de la mise en oeuvre des mesures qui en découlent devraient être communiquées au plaignant et au répondant, mais que le rapport lui-même ne devrait pas l'être.
    Très bien; merci.
    Une personne compétente peut être nommée pour participer au processus d'enquête. Actuellement, les critères liés à la personne compétente ne sont pas établis. À votre avis, pourrait-on ajouter cela à cette mesure législative?
    Je pense que cela nous ramène à ce que nous disions par rapport à certaines autres définitions. Il conviendrait peut-être d'intégrer cela à l'un des règlements ou...
    « Personne compétente » devrait signifier une personne qui a une formation et une expérience antérieure. En Ontario, certains de ces critères font partie intégrante de la loi. À titre d'exemple, si on retient les services d'un enquêteur privé, il faut que ce soit un enquêteur privé agréé, ou un avocat. Ce sont des exemples. Le texte dit « une personne compétente », puis on donne des exemples, disons un enquêteur privé agréé, mais sans définir des caractéristiques très précises. Je pense qu'on se limite trop lorsqu'on met des définitions trop pointues dans le Code lui-même.
    Iriez-vous jusqu'à nous mettre en garde contre une définition générale?
    Je pense qu'avoir une définition générale est une très bonne idée; je ne suis jamais contre. Ce qui poserait problème, ce serait une définition précise visant des personnes précises.

  (1325)  

    Très bien; merci.
     Monsieur Hynes, cette mesure législative a ceci d'intéressant qu'elle permet au ministère de mener des projets pilotes pour vérifier l'efficacité de la nouvelle réglementation. Dans l'examen législatif, on indique que les projets pilotes visent à mettre à l'essai la nouvelle réglementation dans une industrie précise ou une région précise. Étant donné que le gouvernement fédéral réglemente des entreprises qui exercent des activités au-delà des frontières provinciales, cela ne représenterait-il pas un désavantage concurrentiel pour une région ou une industrie par rapport à d'autres?
    Pas nécessairement. Je crois que cette disposition vise à présenter des façons dont le ministère peut améliorer son travail. Le ministère veut lancer un projet pilote sur la conformité à la loi et aux règlements connexes. À moins que ce projet pilote ne soit associé à la lourde responsabilité de faire rapport sur la communauté des employeurs, il y a peut-être moyen de le mener sans grande conséquence, mais je crois qu'il faudrait négocier cela avec le gouvernement.
    Disons qu'on met en place un règlement sur les bateaux de pêche en Nouvelle-Écosse, mais qu'il n'y en a pas au Nouveau-Brunswick. Est-ce que cela placerait la Nouvelle-Écosse en situation de désavantage important, en raison des coûts associés au respect de la réglementation dans la région?
    Dans cet exemple, oui: cela entraînerait un fardeau supplémentaire pour la région.
    En tant que porte-parole des intervenants de cette industrie, est-ce que vous appuieriez une telle mesure?
    Je crois que l'intention de cette disposition n'est pas celle que vous avez décrite; elle vise plutôt à veiller à ce que le ministère fasse de son mieux pour assurer la conformité. Il peut se pencher sur les méthodes de travail de certaines industries, et examiner leur travail. Je ne crois pas que le but soit d'établir des normes propres à une seule région.
    Madame Johnson, voulez-vous intervenir?
    Si les mesures s'appliquent à l'ensemble de l'industrie, je crois que c'est juste. Si elles varient en fonction des régions, alors on se retrouvera avec les problèmes que vous avez mentionnés.
    Merci.
    La parole est maintenant à Mme Trudel. Allez-y, madame.

[Français]

     Ma question s'adresse à Me Johnson et concerne les petits milieux de travail non syndiqués.
    Selon le libellé du projet de loi C-65, l'employé doit porter plainte directement à l'employeur. Si le harceleur est l'employeur, comment le projet de loi pourra-t-il s'appliquer?

[Traduction]

    C'est difficile, parce qu'il y a moins de ressources et moins d'anonymat. L'employé se sentira beaucoup plus vulnérable. Il se sentira probablement intimidé à l'idée de parler.
    Selon mon expérience, la taille de l'organisation n'a pas d'incidence sur ses obligations. Toutefois, dans certaines usines par exemple... En Ontario, si l'entreprise compte six employés ou plus, toutes les obligations s'appliquent. Les organisations de moins de cinq employés ne sont pas tenues de tout publier et n'ont pas à prendre toutes les mesures minimales exigées des grandes entreprises, en raison de leur petite taille.
    Je crois que les obligations générales à titre de devoir de l'employeur d'assurer la santé et la sécurité de son milieu de travail doivent s'appliquer sans égard à la taille de l'organisation. Ce qui est difficile, c'est d'avoir un tiers à qui l'on peut se confier, mais cette personne ne doit pas nécessairement faire partie de l'organisation. En Ontario, on peut avoir une personne externe qui agit à titre de soupape de sûreté; c'est une solution pour les petites entreprises.

[Français]

    Devrait-on ajouter à la réglementation l'obligation, pour les petits employeurs, d'avoir recours à une ressource extérieure?

[Traduction]

    Je crois que la réglementation serait utile. Je me soucie toujours de la microgestion et de ce qui empêche les employeurs de bien fonctionner. Toutefois, selon la méthode utilisée, si l'employeur ne le fait pas de lui-même et que cela devient problématique, alors on pourrait l'obliger à avoir recours à une ressource externe.

  (1330)  

    Merci.
    Voilà qui met fin à la deuxième série de questions.
    Il nous reste environ 30 minutes. Je crois que nous avons le temps pour une troisième série.
    Monsieur Genuis, vous êtes le premier. Allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Je dispose de combien de temps?
    Vous disposez de six minutes. Utilisez le temps dont vous avez besoin.
    D'accord.
    Un de mes collègues voudra peut-être intervenir. On verra.
    Je vais commencer par une question sur l'environnement général associé à cette mesure législative.
    Il me semble que ces nouvelles règles — qui sont potentiellement plus rigoureuses, mais peut-être aussi plus faibles à certains égards — ne changent pas le fait que ces questions seront abordées et entendues en partie par le public et dans les médias.
    Qu'arrive-t-il lorsqu'une personne n'a pas eu recours au processus désigné ou à un nouveau processus, et qu'elle fait des allégations publiques contre l'entreprise qui peut être représentée ou non, ou lorsqu'une enquête permet de déterminer que le harcèlement n'a pas eu lieu ou que le plaignant n'est pas satisfait des mesures réparatrices offertes et qu'on en parle publiquement davantage? Comment les entreprises doivent-elles répondre à ces discussions publiques? Comment devrions-nous y répondre?
    Il me semble que ce soit une préoccupation légitime puisque les gens entendent ces histoires, mais ne voient pas nécessairement les autres volets du processus, le cas échéant.
    On peut réglementer la façon dont se traitent les gens dans leur milieu de travail. On n'a toutefois aucun pouvoir sur les gens qui font des déclarations publiques et qui abordent ces questions publiquement, mais je crois que les gens et la société doivent se rappeler que nous vivons dans une démocratie et qu'il y a l'application régulière de la loi. Il faut se rappeler, comme dans tout autre contexte, de toujours poser des questions. Il faut accepter ce qui est dit de bonne foi, mais poser des questions, faire un suivi, creuser la question et veiller à bien comprendre ce qui se passe avant de faire un commentaire ou de prendre une décision.
    Quelqu'un d'autre veut faire un commentaire là-dessus? D'accord.
    J'aimerais alors qu'on revienne à la discussion sur la place de la définition du harcèlement: dans la loi ou dans la réglementation. Je crois que nous avons entendu les positions des deux camps.
    Monsieur Hynes, je sais que vous souhaitez qu'elle se trouve dans la réglementation. J'aimerais vous faire part de mon point de vue, rapidement, et vous donner la chance d'y répondre.
    Il me semble qu'étant donné les distinctions subtiles dont nous parlons et la possibilité de glissement dans certains cas au sujet de ce qui est visé ou non par un terme, il est important d'établir une définition claire, qui est bien connue et largement acceptée. Il me semble que la fonction d'une loi est d'établir un cadre et d'aborder les éléments les plus importants, et de garder les détails pour le règlement. Or, vous demandez aux législateurs d'adopter un projet de loi qui crée un processus précis pour traiter du « harcèlement », mais qui n'explique pas clairement le terme; c'est quelque peu particulier. C'est comme si l'on disait qu'on allait établir un processus pour aborder une question X, mais qu'on laissait le soin au gouvernement de définir la question et d'en réviser la définition plus tard. Je suppose qu'en gardant la définition pour le règlement, nous devons avoir confiance en la bonne foi du gouvernement et présumer qu'il a la noble intention de produire une telle définition — ce qui est très souvent le cas, j'en suis certain —, mais notre fonction à titre d'organe législatif, c'est de tenir le gouvernement responsable d'établir des paramètres clairs lorsque nous légiférons. Il ne s'agit pas simplement de dire: « D'accord, allez-y: définissez cette chose, qui est mal, mais que nous n'avons pas encore définie. »
    Monsieur Hynes, que pensez-vous de ces arguments? Est-ce qu'ils tiennent la route selon vous?
    Je crois qu'il est légitime de garder les détails pour le règlement. Nous avons le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, qui fait environ 250 pages. Il contient des dispositions qui établissent le cadre des exigences en matière de santé et de sécurité au travail. Les employeurs doivent respecter cette norme et le gouvernement veille à ce qu'elle soit respectée.
    Par exemple, dans le cas de la violence en milieu de travail, selon ce que je comprends, la définition du mot « violence » se trouve dans le règlement. Selon nous, il devrait en être de même dans le cas présent. Nous ne parlons pas nécessairement de négocier, mais plutôt de réunir des experts, des gens qui travaillent sur le terrain — la communauté juridique, la communauté des affaires, le mouvement ouvrier, les représentants du gouvernement et d'autres — et de régler les détails de la définition. Étant donné les changements qu'il apportera au Code canadien du travail, je crois que ce projet de loi établit un solide cadre général pour aborder la question du harcèlement et de la violence en milieu de travail. Il nous permet d'avancer, mais en ce qui a trait aux détails relatifs à la définition, je crois fondamentalement qu'il s'agit de la façon la plus logique de procéder.

  (1335)  

    Je veux entendre Me Johnson, mais honnêtement, cela ne règle pas le problème que j'ai soulevé. Bien sûr, il faut passer par un processus d'élaboration, mais on demande aux législateurs de se prononcer sur un processus qui vise à aborder une question avant même que ce processus n'ait eu lieu. En règle générale, on s'attend à ce qu'il y ait un processus d'élaboration, notamment par l'entremise d'un comité parlementaire, mais au bout du compte, nous avons la possibilité de nous prononcer sur ce sujet au moment du vote en troisième lecture, n'est-ce pas?
    Maître Johnson, j'aimerais vous entendre là-dessus.
    Je crois — et je pourrais en formuler une immédiatement — que la définition du harcèlement ou de la violence serait... Il faut intégrer à la loi une définition générale que tous pourront comprendre. Il peut s'agir d'une chose commune — comme la violence, par exemple — ou d'une conduite qui pourrait entraîner un préjudice physique ou psychologique pour l'employé, qu'il s'agisse d'une menace ou d'un geste concret, n'est-ce pas? L'employé doit croire qu'on lui causera du tort.
    Il faut que la définition soit très large et qu'elle puisse s'appliquer à de nombreuses circonstances. Ensuite, on la peaufine dans le règlement. Je crois que la définition générale devrait se trouver dans la loi et que les détails devraient se trouver dans le règlement.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Morrissey, vous disposez de six minutes. Allez-y.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais revenir sur la dernière discussion, rapidement.
    Monsieur Hynes, vous avez vu passer de nombreuses mesures législatives. Est-il rare qu'on intègre un élément qui nécessite un examen approfondi — comme la définition du harcèlement — dans le règlement plutôt que dans la loi?
    Non, ce n'est pas rare. Franchement, je crois que c'est la façon de procéder.
    En ce qui a trait à la réglementation, lorsqu'il s'agit de la santé et de la sécurité au travail, nous tenons habituellement des réunions tripartites. Le ministère publie un plan de réglementation lorsqu'il juge qu'un règlement doit être mis à jour en raison d'un changement de circonstance, lorsque notre compréhension à l'égard d'une question a changé ou lorsque la technologie a évolué.
    Nous ouvrons alors les règlements, nous les examinons de façon tripartite et nous discutons des façons de les réviser. Il y a quelques mois, nous avons abordé la question des espaces clos d'un lieu de travail. À mon avis, il s'agit d'une partie fondamentale du processus. La loi établit le cadre général et nous travaillons les détails par l'entremise du processus réglementaire, qui peut prendre du temps, mais qui en vaut la peine, parce qu'au bout du compte, tous les intervenants autour de la table et la société en général peuvent reconnaître qu'il s'agit de la voie logique à suivre.
    Est-ce qu'on pourrait faire les deux? Me Johnson a parlé d'une définition générale et d'une définition plus détaillée. Est-ce que ce serait un processus contradictoire?
    Je ne sais pas si ce serait contradictoire. Je crois qu'il faudrait discuter du langage utilisé dans la définition générale. Je crois qu'en tant que parlementaires, vous voudriez probablement entendre ce que la communauté d'intervenants a à dire au sujet du langage précis. Cela pourrait fonctionner. Je ne sais pas s'il s'agit de la façon habituelle de procéder à l'échelon fédéral, mais cela pourrait fonctionner. Je crois qu'il faudrait tenir une conversation exhaustive au sujet du langage précis.
    D'accord.
    J'ai deux questions très différentes à vous poser. L'une s'adresse à Me Johnson. Je crois que vous avez fait référence — et on n'en a pas beaucoup parlé — à la prise de mesures pour éviter qu'une personne ne soit reconnue coupable sans une application juste de la loi. Personne n'aime aborder ce sujet.

  (1340)  

    C'est une partie très importante du processus. Les réactions fortes seront nombreuses, d'une manière ou d'une autre, de la part des employés également. En règle générale, selon mon expérience, lorsqu'une personne se manifeste, les employés se rangeront toujours dans l'un des deux camps: celui du plaignant ou celui du défendeur. Pour que le processus dans son ensemble soit respecté, la confidentialité et la dignité de toutes les parties visées doivent être respectées et encouragées. Cela signifie de ne pas commérer, de ne pas en parler et de ne pas porter de jugement sur les décisions.
    Il faut passer par ce processus. Il faut appliquer les critères de justice naturelle. Nous vivons dans une démocratie. Selon notre système de justice pénale, une personne est présumée innocente jusqu'à preuve du contraire et il faut que tout le monde — les intervenants, les employeurs et les employés — comprenne et respecte cela afin de veiller à bien faire les choses. Si nous allons trop loin, dans un sens ou dans l'autre, nous allons nuire à l'ensemble du processus.
    Croyez-vous que la loi soit assez rigoureuse à cet égard?
    On pourrait renforcer son libellé pour la rendre plus rigoureuse. Je n'ai rien vu au sujet des minimums. Comme je l'ai dit plus tôt, vous ne subirez pas de représailles si vous présentez des allégations ou si vous participez au processus à titre de témoin, pourvu que vous le fassiez de bonne foi et que votre plainte ne soit pas vexatoire.
    On pourrait prévoir des exceptions, comme je l'ai dit plus tôt, en ce qui a trait à l'exercice adéquat des pouvoirs en matière de gestion, qui ne serait pas considéré à titre de harcèlement ou de violence en milieu de travail. Il y a certainement des lacunes à combler.
    J'aimerais revenir à Postes Canada.
    Il y a des contradictions entre les témoignages que nous avons entendus précédemment et ceux d'aujourd'hui. En fait — et je ne le cite pas directement, mais presque —, un témoin a dit qu'il y avait du harcèlement systémique à Postes Canada dans la gestion des heures supplémentaires sur la route. On a fait valoir que les superviseurs recevaient des primes en fonction de leur gestion des heures supplémentaires.
    Voulez-vous faire un commentaire à ce sujet? Selon les témoignages que nous entendons aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
    Nous avons parlé plus tôt de l’important rôle que le leadership joue dans la création d’une culture organisationnelle positive. De plus, il est probable que personne ne joue un rôle aussi important que le chef d’équipe auprès de son équipe. Il est donc paradoxal qu’une organisation, y compris la nôtre, incite les gens à…
    Puis-je vous interrompre?
    Bien sûr.
    J’aimerais que vous formuliez des observations précises sur la façon dont Postes Canada gère ses travailleurs des postes et, en particulier, les livreurs responsables de routes postales, en ce qui concerne leur nombre excessif d’heures supplémentaires et les délais déterminés par Postes Canada pour parcourir leur route postale.
    Soyez très brève, s’il vous plaît.
    Je vais céder la parole à ma collègue à cet égard.
    Nous gérons des milliers de routes postales qui permettent de livrer quotidiennement des colis et du courrier aux Canadiens. Et, comme dans toute autre entreprise, des heures supplémentaires sont requises certains jours. Nous mettons en œuvre un processus qui permet aux employés d’interagir avec leurs superviseurs. Nos employés connaissent leur route postale mieux que quiconque. Par conséquent, avant leur départ, nous leur disons : « Comme vous avez vu le courrier que vous devez livrer, venez nous dire combien d’heures supplémentaires vous devrez faire, à votre avis, pour assurer ces livraisons ». Nous avons également prévu un processus à entreprendre à la fin de leur journée de travail. Nos employés doivent venir nous parler de leurs heures supplémentaires.
    Voilà l’interaction qui doit survenir. Elle se produit des milliers de fois par jour dans le cadre de nos opérations. Lorsque des employés font des heures supplémentaires au-dessus de la moyenne, cela ressort nettement et, bien entendu, en tant qu’employeurs responsables, nous devons examiner la situation. Nous devons comprendre pourquoi un employé travaille quatre heures de plus chaque jour pour parcourir une route postale fondée sur des moyennes. Nous mettons en œuvre un processus pour gérer ce genre de situations, et c’est ainsi que nous gérons les heures supplémentaires à Postes Canada. Cela se produit quotidiennement.

  (1345)  

    Je déteste vous interrompre, mais nous avons dépassé le temps qui nous était imparti.
    Mme Trudel est la prochaine intervenante.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. Dorval. M. Hynes et Mme Mandal pourront aussi se joindre à la conversation par la suite.
    Le 12 février 2018, des fonctionnaires ont comparu devant ce comité. Ils ont mentionné que des coûts pour les employeurs seraient associés à la mise en oeuvre de la loi. Ils ont précisé que, à long terme, ces coûts diminueraient, car il pourrait y avoir une diminution de l'absentéisme, une augmentation de la productivité et une réduction du nombre de litiges.
    Avez-vous des commentaires à formuler sur ces coûts? Qu'est-ce que cela pourrait représenter pour les plus petits employeurs?
    Pour ce qui est des coûts, cela dépendra de la réglementation qui va accompagner la loi. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, il serait important d'avoir la réglementation au moment même où la loi entrera en vigueur. De toute façon, les employeurs ont l'obligation de maintenir un milieu de travail sain, entre autres choses. Ils ont donc déjà l'obligation d'être vigilants en ce qui a trait aux processus et d'élaborer des politiques internes.
    Il ne s'agit pas ici de changer complètement la donne pour les employeurs. Pour les employeurs, cela dépendra de la réglementation. J'en arrive maintenant aux petites entreprises: si une réglementation venait fixer des processus très détaillés obligeant les petites entreprises à avoir recours à une expertise extérieure pour élaborer de l'intérieur une politique ou un mécanisme d'accompagnement, c'est sûr que cela représenterait un coût pour ces entreprises ou pour les PME. Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans les responsabilités qui incombent à un employeur, il y a déjà des coûts associés à cela.
    J'aimerais revenir sur la question qui a été posée tout à l'heure. Du côté des obligations, c'est un peu ce qui se fait déjà. Il ne faut pas penser que, tout à coup, on révolutionne l'environnement. Il se fait beaucoup de choses, même dans les petites entreprises. Il ne faut pas non plus penser qu'on est dans un domaine très différent. En matière de santé et sécurité au travail, par exemple, il se fait déjà beaucoup de choses également.
    Il y aura des coûts, et ils dépendront surtout de l'ampleur de la réglementation et des obligations qui y seront prévues, mais les employeurs ont déjà des responsabilités, et la grande majorité d'entre eux les assume correctement.
    Je vous remercie.
    Madame Mandal ou monsieur Hynes, voulez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Bien sûr. Comme je l’ai exposé dans ma déclaration préliminaire, je pense que le secteur bancaire a déjà mis en œuvre bon nombre des mesures exigées par le projet de loi et le Règlement. Le secteur est donc chanceux à cet égard mais, pour faire écho à ce que M. Dorval vient de dire, cela représentait toujours, en un sens, une obligation, et les banques prennent certaines mesures préventives pour mettre en œuvre des politiques et des processus dans tous les domaines que j’ai mentionnés plus tôt.
    En ce qui concerne les coûts, le respect de nouvelles règles en occasionne toujours, bien entendu, que ce soit au chapitre de la reddition de comptes ou des fonctions de vérification. Quelles que soient les mesures prises pour respecter la lettre et l’esprit de la loi, des dépenses supplémentaires devront être engagées, ce qui pourrait être un fardeau plus lourd à assumer pour nos petites banques, qui disposent de moins de ressources que nos grandes banques.
    J’ai deux suggestions à faire à cet égard. Premièrement, il faut que, dans la mesure du possible, le Règlement soit simplifié et clarifié afin qu’on ne dépense pas trop d’argent en honoraires d’avocat pour l’interpréter — et je peux dire cela, car je suis avocate. Deuxièmement, le Règlement doit être souple afin que les employeurs qui ont déjà adopté des pratiques et des politiques puissent en tirer parti. Il serait bon que l’on reconnaisse un peu que la façon d’atteindre les objectifs du projet de loi C-65 n’a pas besoin d’être prescrite dans la loi ou le Règlement, mais plutôt d’être gérée et comprise par le programme du travail et d’autres intervenants. Ainsi, nous ne serons pas forcés de reproduire ce que nous faisons déjà.

  (1350)  

    Je ne peux pas ajouter grand-chose à ce que Me Mandal a déclaré. J’approuve sans réserve tous les arguments qu’elle a fait valoir.
    En général, les mesures qu’ont prises les grands employeurs que je représente à ETCOF coïncident déjà avec les nouvelles dispositions qui seront mises en œuvre. Est-ce que les nouvelles exigences de la réglementation et l’obligation de rendre des comptes entraîneront des coûts supplémentaires? Nous pouvons nous attendre à ce que certains coûts s’ajoutent, comme cela se produit chaque fois qu’une nouvelle loi ou un nouveau règlement est mis en œuvre. Comme nous l’avons expliqué, un milieu de travail exempt de harcèlement est le but ultime de tout employeur. C’est non seulement ce qui s’impose, mais c’est aussi bon pour les affaires puisque l’absentéisme diminue, la productivité s’accroît et les employés sont plus heureux. Cela profite à tous, et c’est la raison pour laquelle nous appuyons ce projet de loi.
    Cela entraînera-t-il l’augmentation de certaines dépenses? C’est probable mais, comme nous et Marina l’avons indiqué plus tôt, nos politiques coïncident en général avec les principes présentés dans le projet de loi et les processus décrits, de toute façon. Par conséquent, nous ne nous attendons pas à un changement radical.
    Merci.
    M. Fraser est le prochain intervenant.
     Je souhaite faire un peu la lumière sur le processus de sélection de la « personne compétente ».
    Au cours de leur témoignage, certaines personnes ont déclaré que la façon appropriée de sélectionner les personnes compétentes serait peut-être de dire: « Écoutez, donnez-nous des directives claires mais, par défaut, remettez-vous-en au choix de l’employeur ». Dans ma tête, je ne cesse d’essayer de me mettre à la place d’une personne harcelée dans son milieu de travail, qui n’est pas à son meilleur parce qu’elle a été victime de harcèlement et qu’elle n’a aucune confiance dans le processus. La réaction naturelle d’une telle personne ne consisterait pas à consulter la loi et les dispositions du Règlement et à affirmer ensuite: « Oh, je suis certaine que l’employeur choisira la bonne personne ». À mon avis, si je sais bien interpréter les émotions humaines, cette personne aurait plutôt tendance à dire: « Je ne veux pas comparaître devant la personne choisie par la personne ou l’entreprise qui a pratiqué le harcèlement ».
    Les syndicats et les employés devraient-ils avoir leur mot à dire lorsqu’il s’agit de sélectionner les personnes compétentes qui mèneront l’enquête?
    Je vais céder la parole à toute personne qui souhaite intervenir.
    Actuellement, dans le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, dans la section sur le processus d'enquête sur les cas de violence, on a établi des critères liés à la personne compétente. Les voici. Une personne compétente s'entend de toute personne qui « est impartiale et est considérée comme telle par les parties; (...) a des connaissances, une formation et de l'expérience dans le domaine de la violence dans le lieu de travail » — dans ce cas-ci, manifestement, il s'agirait de harcèlement — et qui « connaît les textes législatifs applicables. »
    Habituellement, ce processus fonctionne bien et une personne compétente est nommée. Dans les grands organismes, il s'agit souvent d'une personne au sein de l'organisme qui répond à ces critères — et les parties conviennent qu'elle répond aux critères. Elle peut ainsi mener l'enquête.
    Dans les cas où la plainte est plus grave ou de nature plus délicate, vous pouvez faire appel à un enquêteur de l'extérieur, afin qu'il mène une enquête en votre nom. L'un des enjeux qui surgissent de temps en temps concerne le niveau de complexité lié au choix d'une personne compétente, car cela peut engendrer un débat, en quelque sorte, entre l'employé — ou le syndicat — et l'employeur au sujet du choix de cette personne. Une partie est d'avis que les critères sont satisfaits, mais pas l'autre. Ainsi, un droit de veto contre le choix de la personne compétente est sous-entendu.
    C'est une question importante que nous devrions régler dans le processus de réglementation. Nous pourrions mener des consultations et tenter de trouver une solution.
    Je sais que certains organismes ont produit une liste sur laquelle tout le monde s'est mis d'accord. Par exemple, le syndicat et l'employeur s'entendent sur une liste de noms et tout le monde convient que toutes ces personnes sont acceptables. Nous pensons qu'il pourrait exister un moyen de régler certaines de ces complexités...
    Excusez-moi, mais mon temps est limité, et j'aimerais rapidement demander aux autres témoins s'il est acceptable d'avoir, par exemple — dans une situation d'arbitrage, cela se produit tout le temps — une liste de personnes qualifiées sur lesquelles le syndicat et l'employeur se sont entendus à l'avance.
    Je vois certaines personnes hocher la tête. J'aimerais entendre la réponse du témoin d'Antigonish.
    Ann-Therese, allez-y.
    C'est certainement ce que nous faisons à Postes Canada. Nous sommes un grand employeur, et nous avons donc la capacité de faire cela. C'est notre pratique, et nous la publions également sur notre site Web.
    L'autre chose que nous faisons — et c'est un détail important —, c'est que nous nous mettons d'accord sur le choix d'une personne avant le début de l'enquête. Je le précise, car même si je suis compétente, je suis peut-être trop touchée par la situation, et il se peut qu'on souhaite demander à une autre personne dans ce cas. Donc, avant le début de l'enquête, nous décidons ensemble si nous gardons la personne préalablement choisie ou si nous choisissons plutôt une personne d'une autre région du pays ou d'une autre partie de la ville. Cela fonctionne bien pour nous.

  (1355)  

    J'aimerais aborder un autre point. Nous pourrons peut-être revenir sur la question des personnes compétentes s'il nous reste une minute. Nous avons un peu de temps.
    Madame Johnson, vous avez parlé de la nécessité d'interdire expressément les représailles. Manifestement, la crainte de subir des représailles retient toute personne qui pourrait envisager de signaler un incident. Dans notre bureau de circonscription, j'ai entendu de nombreux exemples de gens qui ne savent pas quoi faire. Parfois, les employés d'employeurs sous réglementation fédérale ne peuvent pas donner d'exemple précis de l'intimidation qu'ils ont vécue, car ils ont déposé une plainte, mais ils n'ont eu aucune promotion en huit ans, alors que tous les collègues qui étaient avec eux, à ce moment-là, ont eu des promotions. Ils ont donc l'impression d'avoir subi une forme non officielle de représailles. Ils ne peuvent jamais le prouver, car il n'y a eu aucune discrimination proactive à la suite de la plainte de harcèlement.
    Cela n'a pas été direct. Oui.
    C'est exact. Pouvons-nous mettre en oeuvre certaines mesures de protection? Il faudrait éviter de nous contenter de mettre par écrit que les représailles sont une mauvaise chose et qu'elles ne devraient pas être exercées. Il faudrait plutôt prévenir les représailles en milieu de travail. Comment pourrions-nous y parvenir?
    Cela revient à la façon dont vous appliquez la loi. Je ne sais pas si vous pouvez réglementer ou légiférer cela. Des règlements ont été établis. S'ils ne sont pas respectés, il faut appliquer le processus prévu pour gérer ce type de situation.
    C'est ce que j'ai mentionné plus tôt lorsque je disais qu'il fallait veiller à établir des normes minimales, afin que les employés sachent qu'ils peuvent déposer une plainte dans le cadre d'un processus, et qu'ils connaissent les protections qui leur sont offertes dans le cadre de ce processus. C'est ce dont je parlais. Toutefois, en ce qui concerne ce scénario particulier, je ne peux penser à aucune façon de légiférer directement cette situation.
    Essentiellement, si on a interdit les représailles et qu'un employé a l'impression de subir des représailles, cet employé pourrait poursuivre l'employeur en justice, par exemple.
    L'employé pourrait poursuivre l'employeur en justice ou on pourrait intégrer un mécanisme d'application dans lequel l'employé peut présenter une plainte au gouvernement à cet égard, et faire appel ensuite à un enquêteur indépendant — un officier ou un enquêteur — pour déterminer s'il y a eu violation de la loi ou non.
    Merci.
    Je crois que mon temps est écoulé.
    Il est pratiquement écoulé. C'est la fin de la troisième série de questions. Nous n'avons pas vraiment le temps d'entamer une quatrième série de questions, mais je vais profiter des deux minutes qu'il reste pour poser une question sur un sujet que je n'ai entendu personne aborder aujourd'hui.
    Je sais que l'une des plus grandes préoccupations de la plupart des victimes de harcèlement qui choisissent d'utiliser les possibilités et les processus offerts concerne le temps nécessaire pour traiter leur plainte et pour ensuite, manifestement, régler cette plainte. Existe-t-il actuellement des normes minimales que vous tentez d'atteindre au sein de chacun de vos organismes? Quelles sont ces normes? Mesurez-vous les résultats d'une façon ou d'une autre?
    Nous pourrions entendre d'abord le témoin de Postes Canada.
    Nous n'avons pas de norme minimale, et c'est parce que les situations sont toutes différentes. En raison des détails propres à chaque situation, il serait très difficile d'établir une norme minimale.
    J'aimerais préciser deux choses. Tout d'abord, la rapidité d'exécution est très importante. En effet, il est important d'être en mesure de non seulement lancer une enquête, mais également de la terminer aussi rapidement et efficacement que possible. Il faut également trouver des façons d'empêcher ces situations de se reproduire. Si on est en mesure de régler les choses efficacement et rapidement, cela contribuera à empêcher qu'un incident se reproduise. C'est notre avis.
    J'aimerais demander au témoin de l'Association des banquiers de répondre à la question.
    Il n'y a aucune norme minimale et aucune limite de temps dans laquelle une plainte doit faire l'objet d'une enquête complète et d'un règlement, pour des raisons similaires à celles qui viennent d'être mentionnées.
    Tout ce que je peux dire, c'est que les banques s'engagent envers le plaignant à mener une enquête rapide, complète et confidentielle. Lorsqu'on pense à la vaste gamme de situations qui peuvent être alléguées ou dénoncées, du comportement inapproprié à la violence sexuelle, on se rend compte qu'il n'est pas logique de fixer une limite de temps de 6 mois, de 12 mois, etc. En effet, il s'agit de certaines des situations les plus délicates qui peuvent être traitées en milieu de travail, et nous ne voulons pas agir en fonction d'une limite de temps, car cela ne garantira pas le meilleur résultat et une résolution optimale.
    L'autre facteur lié aux limites de temps, c'est que certaines complexités échappent complètement au contrôle de l'employeur, par exemple si l'une des parties est en congé et ne peut pas être interrogée, ou s'il y a des problèmes de TI, par exemple une recherche de courriel qui prend un certain nombre de semaines ou de jours, ou si d'autres experts du domaine médical ou juridique participent au processus.

  (1400)  

    Mon temps est presque écoulé, mais j'aimerais intervenir. Je comprends la notion et les préoccupations liées aux normes minimales, mais dans la deuxième partie de la question, je demandais si on mesurait les résultats.
    Dans mon emploi précédent, si ce n'était pas mesuré, ce n'était pas fait. Ce qui me préoccupe, c'est qu'il semble qu'on ne mesure pas cela du tout dans de nombreuses industries. Un grand nombre de victimes nous disent que le temps nécessaire pour terminer ce processus les revictimise. Cela devient un problème de santé mentale causé par le stress, etc.
    Notre temps est écoulé, mais je tenais à terminer la réunion sur cette réflexion. Que cela se trouve dans la loi ou non, nous devons réellement arriver à un point où nous communiquons au moins une estimation du temps nécessaire à la victime.
    De toute façon, je dois terminer la réunion là-dessus. J'aimerais remercier tous les témoins d'avoir comparu. J'aimerais également remercier les personnes qui sont restées après la session précédente.
    Je remercie mes collègues et toutes les personnes qui rendent ces réunions possibles — les personnes à ma gauche, à ma droite et derrière moi. J'espère que le reste de votre semaine se passera bien. Nous nous reverrons ici-même la semaine prochaine.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU