:
Monsieur le Président, lorsque je me suis présentée comme députée dans la magnifique province de Terre-Neuve-et-Labrador, je ne m'attendais pas à prendre la parole aujourd'hui pour démissionner d'un poste que j'adore qui m'a permis de représenter des gens que j'aime et de passer du temps avec un formidable caucus, mais, aussi, avec des personnes exceptionnelles des deux côtés de la Chambre. Je parle également de vous, monsieur le Président, des greffiers au bureau, des pages, du personnel de la sécurité et de tous ceux qui travaillent dans la fonction publique.
Nous travaillons ici parce que nous savons que nous pouvons jouer un rôle pour améliorer le sort du pays. Nous siégeons comme députés parce que d'autres personnes nous ont permis d'avoir le privilège de servir. Je suis si reconnaissante envers mes concitoyens de m'avoir offert cette chance. Ce fut un honneur d'être ici. Ce fut un honneur de siéger avec tous mes collègues députés, et ce fut aussi un honneur de servir pendant 10 ans en tant que ministre du Cabinet dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador et ici, à Ottawa, appuyée par une fonction publique dévouée composée d'hommes et de femmes déterminés à donner le meilleur d'eux-mêmes.
J'ai également eu la chance immense d'être entourée d'employés bienveillants et compétents, tant à mon bureau de circonscription à Terre-Neuve-et-Labrador qu'à mon bureau d'Ottawa. Ils ont travaillé 20 ans à mes côtés, ne ménageant aucun effort pour répondre aux besoins des gens de ma circonscription. Aux nombreux bénévoles qui ont contribué à mes campagnes au cours des 20 dernières années, je dirai qu'il m'est impossible d'exprimer toute la reconnaissance que m'ont inspirée leur dévouement et leur travail.
Étant donné ce que je viens de mentionner, prendre ma décision n'a pas été chose aisée, quoique les raisons qui m'ont poussée à faire ce choix ont facilité un peu les choses. L'appui et la sympathie qu'on m'a manifestés à cet égard m'ont beaucoup touchée. Personne n'a été plus compréhensif et encourageant que mon ami et voisin de banquette, le . Il rappelle constamment aux membres de son caucus qu'il leur faut faire passer la famille en premier. En effet, les députés se laissent souvent prendre par leur travail — un travail qu'ils adorent et qui les consume s'ils n'y prennent pas garde, ce qui arrive souvent.
Au moment de dire mes adieux, je pense à notre collègue Arnold Chan, qui a quitté beaucoup trop tôt sa famille et ses amis. Je pense à tous ceux qui se battent avec courage contre le cancer. Je ne connais personne qui se soit battu avec autant de courage qu'Arnold.
J'étais whip lorsqu'il a été élu, en 2014. En plus des autres responsabilités associées à ce rôle, je suis aussi devenue, en quelque sorte, la confidente de mes collègues et une source de réconfort au besoin. Dans le cas d'Arnold, je sais que mon expérience du cancer l'a un peu aidé à se battre pour sa survie tout en faisant un travail qu'il aimait. Nous avons souvent parlé du fait que ce qui aide beaucoup, c'est de rester actif et de garder son esprit occupé. C'était un homme bon et courageux qui s'est battu jusqu'à la fin. Il est une source d'inspiration pour bien des gens, y compris les députés.
Il arrive parfois des événements qui bouleversent complètement notre vie. Il nous arrive aussi des choses qui nous préparent à affronter ces bouleversements. On ne s'en rend peut-être pas compte sur le moment, mais il faut de la force et du courage pour vivre ces périodes difficiles.
Je n'oublierai jamais la force et le courage d'un autre jeune homme qui a trempé sa jambe dans l'océan Atlantique, à Terre-Neuve-et-Labrador, avant d'entreprendre son Marathon de l'espoir.
J'étais alors journaliste à Radio-Canada et affectée à la couverture de cette nouvelle. Terry et moi avons parlé du cancer, et de son souhait de se servir de son expérience pour attirer l'attention sur le besoin d'effectuer des recherches. Vers la fin de l'entrevue, j'ai mentionné ses cheveux frisés. Il en avait en abondance. Il m'a dit que pour lui, ils représentaient un résultat positif, puisqu'il les avait perdus au cours de sa chimiothérapie contre le cancer. Comme le dirait quiconque a combattu le cancer, si on peut rester positif, c'est déjà ça de gagné. Malheureusement, certains facteurs sont hors de notre contrôle.
J'ai suivi la traversée canadienne de Terry et, à l'instar d'autres Canadiens, j'ai été très attristée quand on a annoncé qu'il ne pouvait plus continuer. Bien que Terry n'a pas pu compléter son marathon, il a permis d'améliorer les choses et, 37 ans plus tard, les gens partout au Canada participent à la course annuelle Terry Fox. En fait, cette semaine, c'est la course Terry Fox dans les écoles partout au Canada. Terry était une inspiration pour beaucoup de personnes et, tout comme j'ai été inspirée par Arnold, j'étais aussi inspirée il y a de nombreuses années par Terry.
J'étais loin de me douter que j'allais recevoir un diagnostic de cancer du sein de nombreuses années plus tard, et ce, deux fois plutôt qu'une. Mon plus récent diagnostic remonte à 2014. Tout comme Terry, j'ai perdu mes cheveux. Quand ils ont repoussé, ils étaient frisés, même si cela n'en a pas l'air aujourd'hui. Quand mes cheveux repoussaient, je pensais à Terry et à ses bouclettes, mais surtout à son attitude positive.
Lorsque la maladie frappe, la chose naturelle à faire pour une famille est de serrer les coudes et de se mettre en mode survie. C'est ce que j'ai constaté avec la famille Fox, et c'est ce qui s'est produit chez nous. Personne n'avait autant confiance que j'allais gagner mon premier combat contre le cancer que ma fille Carla, qui n'avait que 25 ans à l'époque.
Carla m'a accompagnée à tous mes traitements de chimiothérapie et de radiothérapie, et s'est assurée de dresser une liste de tous les médicaments que je devais prendre si je voulais survivre. Elle était déterminée à s'assurer que je n'en rate pas un. Il va sans dire qu'elle a pleinement conscience des effets que le cancer peut avoir sur une personne, mais elle sait aussi qu'il est possible de survivre au cancer.
Cette prise de conscience est devenue encore plus précieuse il y a deux ans quand j'ai découvert que j'étais porteuse du gène BRCA. Les porteurs de ce gène sont susceptibles de souffrir de plusieurs formes de cancer. De plus, leurs proches courent eux aussi ce risque. Il a été difficile d'accepter le fait que je pourrais transmettre ce gène à mes enfants Carla, Jason et Heidi, ainsi qu'à leurs enfants, et ce que cela signifierait pour eux. Inutile de dire que c'est encore difficile à accepter puisque, malheureusement, deux de mes trois enfants ont hérité de ce gène.
Même si nous croyons que le savoir donne le pouvoir, il faut beaucoup de courage pour prendre des mesures personnelles en vue de ne pas développer un cancer.
Les porteurs du gène BRCA peuvent également être victimes de discrimination génétique en milieu de travail ou lors de la présentation de demandes d'assurance-emploi. Personne ne devrait faire l'objet de discrimination en fonction de ses caractéristiques génétiques.
Je suis heureuse que le gouvernement soit en faveur d'ajouter les caractéristiques génétiques à la liste des motifs de distinction illicite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. La a écrit aux premiers ministres des provinces et des territoires pour obtenir leur appui. Dans sa correspondance avec ces derniers, la ministre a écrit ceci:
En conclusion, je réaffirme à quel point il est important que les provinces et les territoires prennent les mesures nécessaires dans leur compétences respectives afin d'interdire la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques.
Le Canada a réussi à mettre en place de très vastes mesures de protection des droits de la personne, qui interdisent la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle et la déficience perçue, entre autres, grâce à l’interrelation entre les lois fédérales, provinciales et territoriales.
Fidèles à cette fière tradition de protection des droits de la personne, nous devrions aussi interdire la discrimination génétique. Au nom de tous les Canadiens ayant des spécificités génétiques, j'implore aujourd'hui tous les premiers ministres du Canada de joindre leurs efforts à ceux du gouvernement fédéral pour faire de cela une réalité.
En tant que femme ayant passé 28 ans dans le milieu politique, je m'en voudrais de ne pas saisir l'occasion pour encourager plus de femmes à pratiquer ce que je considère comme une profession honorable, où il est vraiment possible d'améliorer le sort d'autrui, en particulier des plus vulnérables.
Malheureusement, j'ai pu observer, au fil des ans, les raisons qui découragent peut-être certaines de choisir cette carrière. Il faut être forte pour lutter contre l'intimidation, quelle qu'en soit la forme, mais c'est d'autant plus vrai si l'intimidateur est en position d'autorité. Je parle du milieu de la politique, mais l'emploi de tactiques telles que le harcèlement et le dénigrement ne s'observe pas seulement dans le domaine politique, ni ne vise uniquement les femmes. Cela dit, on peut dire sans se tromper que, le plus souvent, ce sont les hommes qui y ont recours à l'endroit des femmes. Pourquoi? Pourquoi certaines personnes estiment-elles acceptable qu'on en traite d'autres comme des êtres inférieurs?
Lorsque j'encourage les femmes à s'impliquer, je leur raconte mes expériences positives et je leur dis que, d'après moi, aucune profession n'est plus gratifiante. Je leur dis également que mes encouragements ne visent pas à leur faire croire que les femmes font un meilleur travail; non, nous accomplissons simplement notre travail différemment, en fonction de nos expériences.
Je remercie le de m'avoir donné l'occasion de faire partie d'un Cabinet paritaire. Cela a renforcé ma conviction que c'est lorsque les hommes et les femmes collaborent, qu'ils se respectent et qu'ils sont traités de façon équitable que les meilleurs résultats sont obtenus.
Au cours des 28 années pendant lesquelles j'ai oeuvré en politique, j'en ai vu de toutes les couleurs. J'ai eu à vivre des expériences — et d'autres m'ont raconté des expériences — qui n'auraient jamais dû avoir lieu. Je regarde ma fille et ma petite-fille à la tribune et je pense au fait que, lors des élections de 2015, seulement 88 des 338 députés élus étaient des femmes, seulement 26 %; je me dis que la lutte pour l'égalité des femmes est loin d'être terminée.
Si quelques progrès ont bien été faits, il faut que tous, hommes et femmes, mettent la main à la pâte pour que nos filles et nos petites-filles aient l'occasion de servir en politique et de changer les choses. Comme l'a souvent dit le , on peut toujours faire mieux. En travaillant en équipe, on peut effectivement faire mieux.
Je dis toujours à tout le monde que j'ai la chance de pouvoir compter sur une famille formidable. Sachant qu'ils m'écoutent aujourd'hui à la tribune ou à la maison, j'en profite pour remercier les membres de ma famille de l'appui extraordinaire et indéfectible qu'ils m'ont manifesté tout au long des 28 années de ma carrière politique. Ils savaient à quel point j'étais reconnaissante d'avoir pu saisir une telle occasion, car elle m'avait permis de m'épanouir pleinement.
Comme j'avais déjà fait de la politique provinciale avant d'être élue députée fédérale en 2008, ma famille savait que, en raison de mes fonctions, je serais la plupart du temps à l'extérieur de la maison. En tant que députée représentant une circonscription qui compte 240 localités, j'étais rarement à la maison, même quand je me trouvais à Terre-Neuve-et-Labrador.
Howard, avec qui je suis mariée depuis 43 ans, a dû composer avec un mode de vie complètement fou. Sachant à quel point j'aimais mon travail, il a fait campagne vigoureusement à chacune des campagnes électorales pour m'aider à le garder. En fait, j'ai toujours dit que nous étions deux à faire campagne.
Howard est le pilier de la famille: il est un mari, un père, un beau-père et, maintenant, le papy de Katie May, Meadow, Ruby Jude et Elliott, à qui nous disons: « Nous vous aimons plus fort que tout. » À cela, Katie May répond toujours: « Je vous aime encore plus. »
Je vous remercie de m'avoir toujours montré que vous compreniez à quel point mon travail était important. Je vous remercie aussi de m'avoir montré que, même si mon travail était important, vous saviez que, pour moi, il ne l'était jamais autant que vous. J'ai très hâte d'être plus souvent à la maison, où nous passerons des moments mémorables pendant encore de nombreuses années.