propose que le projet de loi, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
-- Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi qui, je l'espère, sera appuyé par tous les partis représentés à la Chambre.
À la Chambre, nous sommes tous les représentants élus de la population. Nous sommes censés porter sa voix et faire des choix qui correspondent à ses préoccupations et à ses valeurs. Nous sommes en quelque sorte les incarnations de la volonté du peuple. C'est à la fois un privilège et un devoir que nous devons avoir constamment à l'esprit.
Cependant, la population perd confiance en nous au fil du temps. On l'entend dans nos soupers de famille, dans les conversations au bureau, dans les médias et dans la file au dépanneur. Mépriser la classe politique est devenu un sujet aussi banal que la météo ou les gloires et les déboires des Canadiens de Montréal.
La population perd confiance en nous. Plus souvent qu'autrement, on reproche aux politiciens d'être corruptibles. On ne serait pas ici pour les bonnes raisons. On aurait des intérêts particuliers et des programmes cachés.
Malheureusement, les citoyens ont l'impression que nous sommes à vendre comme classe politique et que nos décisions sont achetables. Les commentateurs appellent souvent cela le cynisme de la population. On entend souvent cette expression. Toutefois, la population, elle, n'est pas cynique, elle a un sens moral. Elle distingue ce qui est bien de ce qui est mal. C'est plutôt nous qui sommes soupçonnés d'être cyniques et de n'être guidés que par nos propres intérêts. Tout est une question de perception du public et de confiance de la part des concitoyens.
Nous avons tous ensemble le devoir de réparer le lien de confiance avec la population, sans lequel la légitimité même de la Chambre est remise en question. Nous avons la responsabilité d'être droits, de nous éloigner de toute apparence de conflit d'intérêts, de copinage et de quelque situation que ce soit qui pourrait avoir l'air d'un retour d'ascenseur.
Je ne réinvente pas la roue. Ce sont des propos que nous entendons tous un chacun dans nos circonscriptions respectives. Nous avons la responsabilité d'être irréprochables et plus blanc que blanc. Pour y arriver, nous devons commencer par poser un geste significatif et revoir le mode de financement des partis politiques actuellement en place.
Le financement des partis politiques est un geste profondément démocratique. Un citoyen peut contribuer à un parti politique parce qu'il adhère à ses idées, voire à ses idéaux. Cela n'est pas seulement un encouragement, c'est un geste politique qui relève de l'engagement.
Quand on s'attaque aux fondements du financement politique en en détournant les objectifs, quand on utilise le financement politique à des fins intéressées, parce que cela rapporte quelque chose directement dans les poches, c'est aux fondements même de la démocratie et à la charge qui nous incombe qu'on s'attaque.
Sur le plan du financement des partis politiques, plus un parti tripote les règles, moins il est populaire, moins il est accessible et plus il est suspect. Comment convaincre la population que chaque voix a la même valeur et le même poids en démocratie quand les partis politiques se financent à coup de soirées privées à 1 500 $ le billet d'entrée? Comment convaincre la population que les décisions sont prises uniquement dans l'intérêt public?
Les citoyens, la classe moyenne, n'ont pas accès à ces soupers intimes avec le premier ministre, par exemple, à 1 500 $ la table d'hôte. Même les gens intéressés par la politique voient cela d'un mauvais oeil. Quant à nos militantes et à nos militants respectifs, ceux qui croient assez en nous pour donner de leur temps, et pour offrir 100, 200, 300 ou 400 $ qu'ils peuvent dégager de leur budget annuel, comment pense-t-on que ces gens perçoivent les élus quand ils les voient au bras des élites à jouer la grande comédie dans l'espoir d'engranger les gros chèques?
J'ai un bon exemple à donner. Le 19 mai 2016, le premier ministre a rencontré, dans un souper privé à 1 500 $ le billet, Shenglin Xian, un homme d'affaires qui souhaitait obtenir du gouvernement la permission de créer une banque spécifiquement destinée à servir l'importante communauté chinoise de Vancouver, la Wealth One. Le 7 juillet 2016, le gouvernement a donné le feu vert au lancement de la banque. Or dans les 48 heures précédant l'annonce officielle, le premier ministre a reçu 70 000 $ en contributions. Ces 70 000 $ provenaient tous de chèques du montant maximal prévu par la loi, soit 1 500 $.
Le premier ministre a reçu 70 000 $ pour sa circonscription de Papineau à Montréal, en chèques provenant pratiquement tous de riches Canadiens d'origine chinoise de la région de Vancouver.
C'est assez extraordinaire comme coïncidence. Cela entretient le cynisme. Toutes les apparences portent à croire que le premier ministre a bénéficié d'un retour d'ascenseur pour la création de la banque Wealth One.
On peut se questionner à savoir si c'est quelque chose de moral et si une telle proximité entre les lobbyistes et le premier dirigeant du Canada est souhaitable. On peut même se demander si le financement des partis politiques peut contribuer à mettre un certain projet sur la voie rapide, et si les décisions gouvernementales peuvent être influencées. Il y a une chose sur laquelle on ne peut pas se questionner, et c'est la légalité de cette pratique. Oui, la pratique que je viens de décrire est tout à fait légale, à 100 %, dans le régime actuel.
C'est comme cela que les grands partis se financent de nos jours, depuis qu'on a éliminé le financement public des partis politiques. C'est pratique pour les deux grands partis canadiens d'éliminer le financement public. Ils ont des entrées dans les grands cabinets, de bons carnets de contacts dans les grandes banques et de bons contacts dans toutes les officines du pouvoir où se brassent les grosses affaires. Ils n'ont pas besoin de dons des gens ordinaires qui veulent contribuer à la hauteur de leurs moyens, parce qu'ils veulent protéger l'environnement, qu'ils veulent plus de justice sociale ou qu'ils veulent un pays pour leur propre nation.
La compétition féroce entre les grands donateurs convient aux grands partis. Cela donne l'impression au public que le pouvoir est à vendre. Il faut se rappeler que c'est Jean Chrétien, ancien premier ministre libéral, qui avait instauré le financement public des partis politiques. Il avait bien compris, dans la foulée du scandale des commandites, que c'est important en politique de maintenir une image de probité irréprochable, car les citoyens trouvent cela important et crucial. Le gouvernement libéral actuel devrait s'en inspirer.
Avec le financement public des partis politiques, les partis obtiennent un financement stable qui dépend précisément du nombre de votes qu'ils ont obtenus. À cet égard, le financement public est un incitatif à voter, parce que même s'il est certain qu'un candidat ne sera pas élu, chaque vote qu'il recevra servira le parti que l'électeur aura appuyé. Tous peuvent donc avoir la certitude de ne pas voter inutilement et de ne pas perdre leur vote. C'est démocratique, c'est surtout éthique, mais c'est particulièrement sain pour nos moeurs démocratiques.
Avec le financement public, pas besoin de faire de la belle façon aux élites dans l'espoir de recevoir une poignée de main très payante. Les grands collecteurs de fonds des grands partis ont souvent une influence directe sur les politiques publiques, particulièrement lorsqu'il s'agit du parti au pouvoir. En effet, ils ont des accès privilégiés au caucus des députés, au Conseil des ministres ou au bureau même du premier ministre. Plus le plafond de contribution est bas, moins grande est l'influence des collecteurs de fonds, et il y a moins d'espace pour les lobbys, les intérêts privés et les amis du pouvoir.
En outre, avec le financement public, toutes les options politiques, quelles qu'elles soient, obtiennent des fonds correspondant au nombre des citoyens qui les appuient. C'est donc dire, comme je le disais plus tôt, que les citoyens savent que leur vote compte. Ils savent qu'ils peuvent choisir le parti politique qu'ils veulent et qui représente leurs valeurs, plutôt que de se limiter à faire un x en faveur du candidat au poste de premier ministre le moins pire, par exemple. C'est dommage d'être élu par défaut parce que nos gens, tellement cyniques, votent pour le choix le moins pire.
Du coup, cela encourage la diversité des opinions politiques et cela permet aux petits partis de se faire entendre, et mieux, à terme, cela peut même contribuer à l'arrivée d'un nouveau parti, ce qui est en soi est profondément sain et démocratique pour une société comme la nôtre.
Nous n'avons pas réinventé la roue, nous reprenons essentiellement l'héritage libéral. Si on rétablissait la vieille règle, l'héritage libéral, le coût du financement public serait insignifiant par rapport à ce que cela nous coûte dans le système actuel.
D'une part, comme le financement des partis politiques est lié au vote, chaque contribuable a la certitude que la minuscule part d'impôt qu'il paie pour le financement des partis politiques va essentiellement au parti qu'il a appuyé.
Dans le système actuel, quand un riche donateur donne 1 500 $ à un parti politique, il reçoit un crédit d'impôt de 650 $ que nous payons tous collectivement. Une petite part de nos impôts va au financement des partis auxquels nous sommes opposés. En diminuant le plafond et en ramenant le financement public, nous rétablissons l'équilibre entre la volonté de l'électeur et la participation du contribuable. Une plus grande part de notre impôt va directement au parti qui défend nos idées. Cela coûte beaucoup moins cher que le financement actuel. Le système actuel nous coûte la légitimité de la démocratie au Canada.
Je demande donc aujourd'hui à mes confrères et à mes consoeurs de tous les partis d'avoir une pensée pour les femmes et les hommes qu'ils représentent aujourd'hui à la Chambre. Ils les connaissent bien, ils savent à qui ils ont affaire et quel genre de valeurs les anime.
Je leur demande de réfléchir à ce que ces femmes et ces hommes attendent d'eux. Je leur demande de poser un geste fort en l'honneur des valeurs fondatrices de la Chambre. Je leur demande de voter en faveur de mon projet de loi, du rétablissement du financement public des partis politiques, de la probité et de la droiture des élus, des moeurs politiques saines et d'une expression démocratique plus libre.
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Madame la Présidente, c'est un grand plaisir pour moi d'intervenir pour parler du projet de loi et de la loi sur le financement électoral.
Pour commencer, je dirai que je n'appuierai pas ce projet de loi, et ce, non pas parce que je ne pense pas que les fonds publics doivent jouer un plus grand rôle dans le financement électoral — je le pense —, mais parce que l'autre possibilité est de faire plus de place aux fonds privés.
L'enjeu essentiel dans notre démocratie que je veux aborder est la remise en question totale du système de financement des partis politiques. Ce financement est-il nécessaire, et s'il l'est, quelle forme devrait-il prendre? Selon la sagesse populaire, il l'est. Je veux néanmoins que nous nous posions la question en faisant montre d'honnêteté et d'objectivité.
Les partis politiques ont besoin d'argent pour fonctionner et faire campagne, c'est certain. Cependant, comment peut-on faire pour leur financement soit équitable?
D'abord, les partis et les associations de circonscription ne devraient pas être en compétition pour les mêmes fonds. La collecte de fonds devrait se faire dans la circonscription et une partie de ces fonds devraient être envoyés au parti pour qu'ils restent associés au parti: aux partis et aux associations de circonscription de décider ensuite des détails. Après tout, un parti n'existe pas sans circonscription ni représentant. Les partis ne servent qu'à rallier des députés aux vues similaires pour qu'ils travaillent ensemble. Ils ne sont pas censés servir à produire des députés aux vues similaires. C'est une discussion pour un autre jour.
Je ne suis pas d'accord avec le modèle de financement actuel, soit 100 % de fonds privés combinés à des crédits d'impôt non remboursables et à des remboursements de dépenses, puisque cela ne permet pas une participation égale de tous les membres de la société, ce qui est un principe de base de toute démocratie. Les personnes qui ont de l'argent peuvent participer au financement et obtenir des crédits d'impôt. Celles qui n'ont pas l'argent pour le faire n'ont pas droit à l'incitatif fiscal connexe. Ainsi, le fait d'avoir moins d'argent signifie que chaque dollar coûte plus aux moins bien nantis en termes absolus et extrêmement plus en termes relatifs. Encore une fois, les déshérités sont désavantagés par rapport aux plus fortunés, et les politiciens, dont les besoins en fonds sont infinis, doivent nécessairement aller vers les nantis.
Dans bien des cas, les personnes qui font des dons le font pour la cause. Cela dit, à mon avis, il serait naïf de penser qu'il en est toujours ainsi. Je suis certain qu'il nous est tous arrivé de recevoir un courriel ou un appel d'une personne qui avait fait un don à l'association de circonscription ou au parti nous disant: « Je suis un donateur et je suis en colère. » Personnellement, je n'aime pas ce genre de message. À mes yeux, les gens doivent donner parce qu'ils sont d'accord avec ce que nous faisons et qu'ils veulent que nous poursuivions sur la même voie et non pour pouvoir nous dire quoi faire. Si quelqu'un est en colère, je veux le savoir, mais je veux le point de vue d'un citoyen, pas celui d'un donateur. Les commentaires doivent être indépendants des dons qui ont été faits, et les personnes qui n'ont rien donné doivent pouvoir s'exprimer avec la même vigueur. Je suis ici pour représenter tous les habitants de ma circonscription et faire de mon mieux pour eux tous et non pas seulement les personnes qui m'ont appuyé ou qui pourraient un jour le faire.
Je ne souscris pas davantage au concept du financement annuel par vote reçu, qui est le principal objectif du projet de loi , pour la simple raison que le parti qu'un électeur a appuyé au cours des élections de 2015 ne correspond pas nécessairement à celui qu'il voudrait appuyer financièrement. De surcroît, le choix de cet électeur pourrait ne pas être le même en 2016, en 2017, en 2018 ou en 2019. Lorsque des partisans du Parti vert votent pour un candidat libéral afin de faire obstacle à un candidat conservateur, pourquoi l'argent devrait-il être versé au Parti libéral plutôt qu'au Parti vert? Cela n'a aucun sens. Si nous rétablissons le financement par vote reçu, nous devrions aussi mettre en place un scrutin préférentiel afin que l'argent soit attribué au premier choix des électeurs, quels que soient les autres candidats pour qui ils choisissent ensuite de voter au ballottage afin de prévenir les effets indésirables qu'on observe parfois lorsque les Canadiens ne votent pas de façon stratégique.
Cependant, j'estime aussi que ce n'est pas parce qu'un parti politique est enregistré qu'il a automatiquement droit à du financement ou au même niveau de financement que les autres partis enregistrés. Le financement doit être lié d'une certaine façon à l'appui réel dont jouit le parti. Il n'est pas nécessairement dans l'intérêt de la démocratie de verser 18 millions de dollars au Parti rhinocéros simplement parce qu'il est un parti enregistré. De plus, le financement par vote reçu pourrait inciter certaines personnes qui ne s'intéressent pas réellement au processus électoral à enregistrer des partis politiques strictement afin de recueillir l'argent. Je pense que les risques sont assez évidents.
Je sais que je suis l'un des seuls à penser ainsi, mais la méthode que je privilégie pour remédier à toutes ces préoccupations, c'est d'ajouter une question dans la déclaration de revenus des Canadiens. Cette question ressemblerait à quelque chose comme ce qui suit — je précise que j'ai choisi les chiffres de façon totalement arbitraire.
Par exemple, en ce qui concerne, disons, la ligne 500 de la déclaration de revenus, il faudrait donner une réponse pour que la déclaration soit considérée comme complète. La question pourrait être la suivante: « Question 1. J'ai le droit de verser 25 $ à un parti enregistré dans ma circonscription ou de laisser cette somme en dépôt fiduciaire pour un candidat indépendant, qui devra les rembourser ou qui les perdra s'il ne se présente aux prochaines élections: a) Oui, je souhaite exercer ce droit; b) Non, je ne souhaite pas pour l'instant participer au financement d'un parti politique ou d'un candidat indépendant. » Si la personne répond « non », ce sera tout; elle aura ainsi respecté ses obligations relativement à cette ligne de la déclaration. Autrement, elle devrait ensuite répondre à trois autres questions.
La première question serait: « Le parti ou le candidat indépendant que je souhaite appuyer dans ma circonscription est », puis il y aurait un espace blanc à remplir ou, pour les déclarants par voie électronique, un menu déroulant contenant les données fournies par Élections Canada. La deuxième question serait: « J'aimerais que cet argent: a) provienne des recettes générales; b) soit ajouté à ma propre cotisation. » La dernière question serait: « J'aimerais que la provenance de cette contribution: a) soit communiquée au parti ou au candidat indépendant qui la reçoit; b) reste anonyme et confidentielle. »
Séparer ainsi les questions permet à ceux qui croient que ce sont leurs propres fonds qui doivent servir à financer les partis politiques de joindre le geste à la parole. Par contre, ce qui est encore plus important, c'est qu'une personne qui est sans le sou et un millionnaire ont alors le même poids dans le système de financement des partis.
Tout le monde a le choix de faire une contribution de façon anonyme, mais personne n'y est tenu, alors les partis politiques ne peuvent pas se servir d'emblée des données. Permettre aux gens de refuser de faire une contribution, qui plus est, de façon anonyme, devrait forcer tous les partis à adopter un message plus positif. Les activités de financement tendancieuses qui sèment la discorde ne fonctionneront pas dans un système de financement anonyme et fondé sur les cotisations fiscales. La négativité ne ferait que dissuader les gens de contribuer aux partis politiques dans leur ensemble, car, avant même de voir les options qui leur permettent de choisir le bénéficiaire du don, ils répondraient non à la question qui leur demande s'ils veulent donner de l'argent.
La part du gâteau peut être très grosse si les Canadiens ont tous une bonne opinion des partis politiques plutôt que d'avoir la mauvaise opinion promulguée aujourd'hui par certains des éléments de notre système politique visant à encourager la division et la haine plutôt que la collaboration.
Bien que l'Agence du revenu du Canada sera probablement très peu enthousiaste à l'idée de jouer un rôle dans ce dossier — il doit y avoir des contrôles minutieux et précis en vue de protéger la confidentialité des réponses à cette question —, je pense qu'il s'agit de la façon la plus juste possible de nous assurer du caractère équitable du financement politique par l'ensemble des citoyens pour ceux qu'ils soutiennent ici et maintenant, en tout temps, dans toutes les régions du pays.
Il ne fait aucun doute que d'autres modèles et solutions pourraient être étudiés, mais je crois fermement que la question doit être posée, et je remercie le député de d'avoir soulevé la question de la réforme du financement public pour que nous puissions en discuter.
Le projet de loi dont nous sommes saisis réduit aussi considérablement les limites en matière de financement tout en réintroduisant le financement par vote. Le montant du plafond de don est pratiquement inutile s'il existe toujours une iniquité entre les donateurs qui ont les moyens et ceux qui n'en ont pas. Par conséquent, en ce qui me concerne, le plafond de 500 $ ou de 1 500 $ est sans importance. Quelqu'un qui gagne suffisamment pour payer des impôts et qui fait un don de 400 $ paie seulement 100 $ de ses poches, tandis que quelqu'un qui ne gagne pas suffisamment pour payer des impôts et qui fait un don de 400 $ paie le montant total de ses poches, sans parler du fait qu'il se retrouvera peut-être dans la rue ou sans rien à manger. Ainsi, je pense que la modification proposée dans le projet de loi est assez inutile. Elle ne règlerait aucun problème existant.
Enfin, le projet de loi du député de contient une disposition d'entrée en vigueur absolue plutôt que relative. Étant donné que le projet de loi n'en est qu'à l'étape de la deuxième lecture ici à la Chambre et qu'il doit passer par les étapes de l'étude par le comité, du rapport et de la troisième lecture à la Chambre des communes, du renvoi au Sénat et de la deuxième lecture, de l'étude par le comité, du rapport et de la troisième lecture au Sénat, puis de la sanction royale, il n'est pas réaliste de laisser penser qu'il pourrait être en vigueur d'ici 24 jours.
Au cours des deux dernières années, nous avons progressé énormément sur ces questions. Je ne crois pas que mes opinions sur le financement reflètent celles d'un grand nombre de mes collègues de quelque parti que ce soit à la Chambre, mais nous voyons des changements ici et dans plusieurs provinces.
Le projet de loi conservateur , la prétendue Loi sur l'intégrité des élections, a modifié le financement de maintes façons nuisibles pour une société démocratique, y compris en excluant les dépenses consacrées aux collectes de fonds des dépenses plafonnées pour les campagnes électorales et en haussant la limite des dons de 25 % puis en l'indexant de 25 $ par année plutôt qu'en fonction de l'inflation.
Je ne vais pas contester encore ce projet de loi. Comme adjoint du porte-parole libéral en matière de réforme démocratique à l'époque, j'ai passé bien des nuits blanches à essayer de saisir chaque mot de cette mesure législative et cela a certainement contribué à me motiver à briguer un siège ici pour qu'il n'y ait plus ce genre d'abus de la démocratie.
Le projet de loi du gouvernement, le projet de loi , propose des exigences strictes en matière de rapports sur les activités de financement auxquelles participent les détenteurs du pouvoir au gouvernement et ceux qui travaillent fort pour les remplacer, ce qui est, je pense, réellement important.
Le problème que posent la collecte de fonds et le financement public des partis politiques, bien entendu, est qu'il n'y a pas de réponse parfaite, mais seulement un ensemble équilibré de solutions imparfaites. Ce dont je suis certain, cependant, c'est que le projet de loi ne règle pas les inégalités fondamentales dans la structure actuelle des collectes de fonds et du financement public de notre système politique.
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Madame la Présidente, selon moi, les observations et les propositions du député de sont beaucoup plus intéressantes que ce contient le projet de loi. Lui et moi sommes membres du comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Je ne suis pas certain de vouloir l'admettre, mais c'est moi qui siège depuis le plus longtemps à ce comité. J'y suis depuis 15 ans. Les gens qui ont voté aux dernières élections étaient encore des gamins quand j'en suis devenu membre. Je pense que c'était le cas du député. Sa jeunesse n'a d'égale que son intelligence et son enthousiasme.
Il est arrivé à quelques reprises, au cours de ma carrière de député, que j'aie des opinions plutôt originales. Je me suis alors efforcé de les écrire et de les publier dans les publications quasi spécialisées qui circulent au Parlement, par exemple la publication numérique Options politiques. Les idées qu'a exprimées le député dans la première moitié de son intervention auraient tout à fait leur place dans une publication comme celle-là. Elles pourraient alors faire partie du débat en cours, lequel porte sur une question qui, à vrai dire, ne sera jamais totalement réglée. On pourra toujours améliorer les choses. Voilà la nature de notre appareil politique, du Règlement de la Chambre des communes et des lois qui régissent les élections et, plus particulièrement, le financement des partis.
Je tiens à parler du projet de loi, car c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Ce projet de loi est en quelque sorte un ensemble de solutions à la recherche d'un problème.
Je m'explique. En général, le régime de financement politique que nous avons aujourd'hui est mieux que jamais auparavant. Grâce à ma carrière à la Chambre — presque aussi longue que la vie de Mathusalem —, je peux me rappeler les temps lointains, que le temps a oublié, si l'on veut, où les dinosaures régnaient sur Terre — ou, du moins, sur le financement. Lorsque j'ai été élu pour la première fois, il n'y avait aucune limite en matière de financement.
Une voix: Les conservateurs.
M. Scott Reid: Quelqu'un semble suggérer que le lien avec les dinosaures réfère aux conservateurs, mais je tiens à faire valoir qu'à l'époque, les libéraux ressemblaient beaucoup aux trilobites.
À l'époque, les dinosaures qui régnaient étaient les vastes institutions, c'est-à-dire les grandes sociétés qui pouvaient donner d'importantes sommes d'argent — des sommes phénoménales —, des sociétés sous réglementation fédérale comme les banques, par exemple, qui donnaient des sommes considérables aux partis et qui s'attendaient à recevoir en échange un traitement préférentiel. C'était un système foncièrement corrompu, même si je ne pense pas que les gens impliqués essayaient intentionnellement d'être corrompus.
Je participais à ce système. Je me souviens d'avoir organisé des dîners-bénéfices, où les sociétés achetaient des places aux tables. Tous les partis faisaient la même chose. Je suis heureux de dire que, tout à son honneur, Jean Chrétien a changé cette façon de faire en 2004. Il a fait imposer un plafond de 5 000 $, qui est entré en vigueur cette année-là.
Lorsque le gouvernement Harper est arrivé au pouvoir, il a réduit le plafond à 1 000 $ par année et, de plus, toutes les formes de dons des entreprises et des syndicats, qui avaient été plafonnées par le gouvernement Chrétien, ont été interdites complètement. Depuis, le chiffre a augmenté à 1 500 $, et mon collègue de a expliqué exactement comment il augmenterait à l'avenir.
En établissant un plafond pour les dons et en interdisant les dons provenant de sociétés et de syndicats, on souhaitait modifier en profondeur le mode de financement des partis politiques. Ainsi, au lieu de chercher à convaincre un petit nombre de donateurs de verser des dons considérables, il faudrait trouver de nombreux donateurs qui contribueraient des sommes moindres, le plafond étant de 5 000 $ à l'époque du gouvernement Chrétien, de 1 000 $ selon les premières règles du gouvernement Harper, et de 1 500 $ à l'heure actuelle. Il a été très bénéfique, pour la politique canadienne, qu'on impose ces plafonds peu élevés au lieu d'autoriser des dons illimités.
Grâce à cela, notre démocratie est plus pure, et elle repose sur un financement populaire. Les conservateurs ont réussi à recueillir plus de financement populaire que les autres partis, mais les libéraux commencent à adopter des stratégies plus efficaces. Cela influence non seulement leurs activités de financement, mais aussi leur approche politique, puisqu'ils souhaitent attirer des donateurs potentiels. Il ne s'agit pas, dans ce cas, de dirigeants d'énormes entreprises, mais de gens qui font des dons de 1 000 $ ou de 1 500 $, ou encore de 40 $ ou de 50 $.
J'avais l'impression que l'ancien système transformait l'argent en poison, d'une certaine manière, mais les plafonds actuels changent les choses. Quand nous cherchons à obtenir des dons, nous nous adressons généralement à nos électeurs et à des gens qui ont de fermes convictions, même s'ils habitent à l'extérieur de notre circonscription. Chacun de nous a un seul vote. Si un enjeu me tient à coeur mais ne trouve aucun écho chez mon collègue, chacun de nous a un vote, et nos votes s'annulent. Les dons laissent toutefois une certaine marge de manoeuvre, puisqu'ils vont jusqu'à 1 500 $. Ce plafond ne permet à personne d'avoir une influence de l'ordre de 100 000 $ ou d'un million de dollars, comme c'était le cas autrefois, mais il permet de faire un suivi et de montrer le sérieux de son engagement, ce qui est tout à fait raisonnable, selon moi.
Oui, il s’agit bien de la question des plafonds, mais c’est celle de la subvention par vote qu’il faut régler. Elle a été instaurée pour une raison bien précise, à savoir permettre aux partis de s’adapter. En privilégiant un montant modeste par habitant, nous éliminions les énormes montants provenant des banques, de Bombardier, des compagnies aériennes et des entreprises sous réglementation fédérale qui souhaitaient des avantages bien particuliers en échange de leurs dons. Ils se sont débarrassés du système qui était en vigueur lorsque Brian Mulroney était au pouvoir. Je me souviens, lorsque je faisais de la recherche pour le Parti réformiste, avoir vérifié la formule: un montant x irait au gouvernement conservateur de l’époque et un montant plus modeste mais multiplié, don après don, soit entre un demi et deux tiers du montant iraient au Parti libéral. Un montant représentait le pot-de-vin nécessaire pour obtenir la politique désirée et l’autre, plus modeste, représentait le second pot-de-vin à verser pour garder secret le premier. C’était un système terrible, et il a disparu.
Le passage à un montant de 5 000 $ par habitant aurait laissé les partis sans ressources. La solution était la subvention par vote qui permettait aux partis de voir venir. Toutefois, cette mesure qui devait être temporaire est devenue permanente en partie parce qu’elle avait pour effet de profiter de façon disproportionnée au parti au pouvoir.
Si le parti A obtient plus de voix que le parti B, il reçoit plus d'argent. Les règles du jeu ne sont pas équitables. C'est un danger que j'ai signalé lorsque Paul Martin était premier ministre, et on lui prédisait alors une victoire écrasante de 250 sièges sur 300. Si les libéraux avaient obtenu 50 % des voix, recevant ainsi la moitié de la subvention par vote, les autres partis auraient dû alors se partager l'autre moitié et n'auraient pas eu assez d'argent pour faire campagne. Une telle situation entraînerait un certain immobilisme, puisque toutes les décisions politiques importantes seraient essentiellement prises par le groupe interne du Parti libéral ayant reçu le plus d'appuis, étant donné que le Parti libéral serait toujours au pouvoir. Ensuite, si le Parti libéral avait obtenu 50 %, 60 % puis 70 % aux élections subséquentes, le Canada aurait été en voie de devenir ce que Stephen Harper appelait un État unipartite dans un article qu'il avait publié à l'époque.
J'ai toujours insisté sur la nécessité d'éliminer la subvention par vote, parce qu'elle peut avoir des effets pernicieux. D'ailleurs, si on fait un bilan du régime de subvention par vote — auquel s'opposait mon parti —, on constate, curieusement, qu'il a financé davantage mon parti, qui a gagné les élections subséquentes et s'est ensuite débarrassé de la subvention par vote. J'estime que le retour d'une telle subvention mènerait encore à des résultats extrêmement injustes. Je suis très heureux qu'elle n'existe plus.
Il y a un autre facteur qu'il ne faut pas manquer de rappeler. Il y a ici un parti dont la survie dépend indéniablement du rétablissement de la subvention par vote parce qu'il ne parvient pas à se financer, j'ai nommé le parti même du parrain du projet de loi: le Bloc québécois. Grâce au système, le Bloc québécois est resté sur le respirateur artificiel, alors que son financement total, au cours la dernière année, a été inférieur à celui de la caisse électorale de ma propre circonscription. C'est son problème. Il n'arrive pas à se financer adéquatement à même son bassin de donateurs éventuels. J'ai beau compatir dans une certaine mesure avec les bloquistes, il n'en reste pas moins qu'il leur revient de convaincre leurs électeurs potentiels de contribuer à leur caisse. C'est une attente légitime. Les néo-démocrates le font, les verts le font, les libéraux le font, mon parti le fait, et le Bloc québécois devrait le faire aussi.
Bref, je n'appuie pas le projet de loi dont nous sommes saisis. Je crois qu'il contient plusieurs mauvaises idées. Pour finir, je pense que, de manière générale, quoi qu'ait fait le gouvernement qui a été au pouvoir pendant une quinzaine d'années, nous évoluons de manière positive, ce qui, dans l'ensemble, me ravit au plus haut point.