:
Monsieur le Président, tout d'abord, je veux mentionner que je suis impatient d'entendre le discours de mon collègue de , avec qui je vais partager le temps dont je dispose. Entre-temps, c'est lui qui va écouter ce que j'ai à dire sur le projet de loi . On verra que nos opinions sont sensiblement les mêmes. C'est évident.
Je suis heureux de parler aujourd'hui du projet de loi .
Ce dernier va notamment apporter quelques changements assez majeurs, puisqu'il va, entre autres choses: éliminer le recours à l’isolement préventif ou disciplinaire; autoriser le commissaire à désigner, à titre d’unité d’intervention structurée, tout pénitencier ou tout secteur de pénitencier pour les fins de l’incarcération des détenus qui ne peuvent demeurer au sein de la population carcérale régulière pour des raisons de sécurité ou autres; prévoir des solutions de rechange moins invasives aux examens des cavités corporelles; confirmer que le Service correctionnel du Canada a l’obligation de soutenir l’autonomie professionnelle des professionnels de la santé agréés et leur indépendance clinique.
Il apportera d'autres modifications dont je n'aurai malheureusement pas le temps de parler. En 10 minutes, on ne peut pas aborder tous les aspects du projet de loi. Cependant, je vais me consacrer à quelques éléments, dont la volonté qui a été exprimée par le gouvernement d'éliminer le recours à l'isolement préventif ou disciplinaire. C'est une décision qu'a prise le gouvernement à la suite de deux causes qui sont présentement devant les tribunaux. Même si le gouvernement conteste les jugements des cas qui sont déjà devant la cour, il a décidé, par ce projet de loi d'utiliser une « ultrasolution », c'est-à-dire de recommander d'éliminer le recours à l'isolement préventif ou disciplinaire pour régler une situation pour laquelle, selon moi, on aurait pu trouver une solution différente. Malheureusement, comme la plupart des initiatives de ce gouvernement, même si ce projet de loi est adopté, il est voué à l'échec. Mettre fin à l'isolement préventif et disciplinaire va créer beaucoup plus de problèmes dans les institutions carcérales au Canada que solutionner les problèmes visés.
Pour étayer davantage ma prévision selon laquelle ce gouvernement va encore une fois échouer en abolissant l'isolement préventif, je vais faire état des différents échecs du gouvernement au cours de ce mandat, depuis l'élection de 2015.
Le gouvernement a tenté de régler un grand nombre de situations et, chaque fois, il a fait pire.
En économie, il a notamment augmenté les impôts. Il a chassé du pays des milliards de dollars d'investissements en rendant le Canada moins attirant pour les investisseurs étrangers. Des milliards de dollars ont été investis à l'étranger. En matière de sécurité à la frontière, tout le monde ici sait qu'une situation inacceptable perdure du côté du Québec, particulièrement. Des milliers de demandeurs d'asile sont entrés illégalement au Canada et continuent de le faire. Cependant, le gouvernement échoue à trouver une solution, à faire quelque chose et à agir.
En matière de commerce international, il n'y a aucun nouvel accord commercial avec un autre partenaire commercial dans le monde. De plus, on réussit à mettre en danger et en péril les ententes déjà existantes. Rappelons-nous le moment où le ne s'est pas pointé à une cérémonie de signature pour le Partenariat transpacifique, faisant du Canada la risée des pays qui étaient présents au moment prévu de la signature.
Rappelons la récente entente de libre-échange, l'Accord États-Unis—Mexique—Canada. C'est le premier accord dont le Canada ressort avec plus de tarifs qu'il n'y en avait avant. C'est un échec lamentable de la part du gouvernement.
En matière de justice, on a refusé de remettre la meurtrière de Tori Stafford derrière les barreaux. On a également permis à un tueur de policier qui n'a jamais servi dans les forces armées, de continuer à recevoir des prestations du ministère des Anciens Combattants. Chaque fois qu'on demande au gouvernement de régler la situation, on n'obtient que des réponses vagues et évasives et aucune mesure n'est prise.
Je ne peux pas parler des échecs du gouvernement actuel sans parler des échecs en matière d'éthique du gouvernement libéral. Le est le premier dirigeant du Canada à avoir été reconnu coupable d'une infraction aux lois sur l'éthique. Il y a quatre ministres de ce côté-là qui ont fait aussi l'objet d'enquêtes fédérales au cours des trois dernières années.
Ces échecs ont des conséquences réelles pour les Canadiens et les Canadiennes. Ils leur ont rendu la vie plus chère, ils ont diminué la sécurité des Canadiens et ils éliminent la possibilité pour les Canadiens de faire des affaires et surtout de prospérer en ayant, comme je l'ai mentionné tantôt, fermé la porte pratiquement aux investissements étrangers. De plus, les Canadiens font malheureusement moins confiance au gouvernement.
J'ai peut-être trouvé la source du problème du gouvernement libéral. En fouillant dans les archives et en regardant un peu ce dans la littérature ce qui aurait pu motiver et inspirer un gouvernement à échouer autant. J'ai trouvé un livre écrit il y a quelques années par M. Paul Watzlawick et qui s'intitule: Comment réussir à échouer. Je pense sincèrement que c'est le livre de chevet des libéraux.
Je vais lire quelques commentaires de la postface:
Comment réussir à échouer? C'est simple. À chaque problème, il suffit de trouver l'ultrasolution. Qu'est-ce que l'ultrasolution? « Une solution qui se débarrasse non seulement du problème, mais de tout le reste — un peu comparable à cette vieille plaisanterie de carabin: opération réussie, patient décédé. »
Donc, le problème des libéraux c'est de trouver chaque fois l'ultra-solution. On avait un problème avec le cannabis, on trouve l'ultra-solution: on légalise sans égard à tous les problèmes, sans égard aux avis contraires reçus de la part des policiers, des médecins psychiatres, des municipalités et des provinces. L'ultra-solution est choisie pour régler un problème qui était bel et bien présent au Canada. On a décidé de prendre l'ultra-solution de légaliser sur toute la ligne. On pourrait continuer comme cela pour chacune des décisions prises par le gouvernement actuel depuis le début.
Je reviens au projet de loi . On a effectivement des problèmes avec l'isolement, on l'a vu. Il y a des problèmes par rapport aux différents groupes ou aux différentes communautés, comme les Autochtones, qui sont placés en isolement, soit de manière préventive ou pour la sécurité. Le gouvernement, plutôt que de tenter de trouver des solutions aux problèmes particuliers, a décidé d'utiliser l'ultra-solution en mettant tout simplement fin à l'isolement préventif ou sécuritaire.
J'ai ici un article qui date du 28 septembre 2017. On parle de M. Ivan Zinger qui était l'enquêteur correctionnel du Canada et qui a fait une enquête sur l'isolement. À sa grande surprise, « [l]a réduction du recours à l'isolement cellulaire des prisonniers a un effet pervers qui avait été jusqu'ici sous-estimé: une augmentation de la violence en milieu carcéral. » C'est lui-même qui le reconnaît. On a constaté cette réalité parce qu'effectivement, depuis 2014, on a tenté d'envoyer moins de personnes en isolement.
Selon les données compilées par M. Zinger, le nombre de prisonniers gardés en isolement, à un moment ou à un autre de l'année, est passé de 800 prisonniers à moins de 300 prisonniers depuis 2014. Cependant, au cours de la même période, le nombre de voies de fait commis par des prisonniers contre d'autres détenus a bondi de 32 %: il y a eu 719 incidents l'an dernier contre 543 incidents en 2013-2014. Les incidents visant des gardiens de prison sont pour leur part restés stables.
C'est exactement ce que j'essaie d'expliquer et de faire comprendre au gouvernement. À vouloir faire un projet de loi qui vise à éliminer le problème et tout ce qui l'entoure, on crée d'autres problèmes qui sont parfois bien pires que ceux qu'on tentait de régler. C'est pour cette raison que je ne pourrai pas appuyer le projet de loi .
:
Madame la Présidente, le député de a fait un discours remarquable, et j'espère que je pourrai être à la hauteur de ses attentes.
Je suis ravi de me prononcer sur le projet de loi , Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi. Au centre de ma circonscription, il y a l'établissement de Bowden, une prison à sécurité moyenne, qui a été fondé sur un modèle de campus ouvert. Il a été inauguré en 1974 et a été bâti où se trouvait la station Bowden de l'Aviation royale canadienne, qui était une base d'entraînement aérien du Commonwealth britannique pendant la Deuxième Guerre mondiale. Même si c'est une prison à sécurité moyenne, un grand nombre de membres de gangs violents y ont récemment été transférés.
J'ai été enseignant à Innisfail, à quelques kilomètres au nord du pénitencier, pendant 34 ans, et ma femme a été enseignante à Bowden pendant 10 ans. Nous avons rencontré de nombreuses familles dont des proches étaient incarcérés au pénitencier ainsi que beaucoup de membres de la collectivité qui travaillaient comme gardes, psychologues ou enseignants dans l'institution.
J'ai été le député de Red Deer de 2008 à 2015 et maintenant celui de Red Deer—Mountain View. Les inquiétudes concernant les activités qui ont lieu non seulement à Bowden, mais dans tous les établissements correctionnels du pays, aboutissent souvent sur mon bureau.
Le moral des membres du personnel des prisons est important parce qu'ils ont besoin de conditions sécuritaires et d'une orientation positive pour que leur travail soit utile aux détenus et à eux-mêmes. Je vais commencer par l'un des problèmes qui les préoccupent énormément, c'est-à-dire l'horrible système de paie Phénix. Aucun travailleur ne devrait être obligé de vendre son véhicule, de déménager, de subir la rupture de son mariage à cause de difficultés financières et de déclarer une faillite personnelle parce que le gouvernement est incapable de calculer correctement son chèque de paie. Cependant, ces situations sont déjà survenues et elles continuent d'avoir lieu.
Aucun travailleur ne devrait avoir affaire avec des toxicomanes à l'intérieur d'une prison, surtout ceux qui consomment des drogues comme du fentanyl, qui peut être mortel par simple inhalation. En juillet 2017, un agent correctionnel a été hospitalisé après avoir découvert du fentanyl dans une voiture stationnée. Des drogues sont cachées dans les parterres, sont insérées dans des balles de tennis et lancées par-dessus les murs et sont acheminées par des visiteurs, qui sont souvent contraints d'agir ainsi sous la menace de violence contre leurs proches.
En novembre 2017, le personnel a saisi un demi-million de dollars en drogues, surtout de la méthamphétamine et du THC. Imaginons comment les gens se sentent lorsqu'on ajoute à tout cela le concept d'échange de seringues et de chauffage de cuillères. Cela illustre simplement au public à quel point la situation est dangereuse et impossible à gérer.
Non seulement le personnel correctionnel est tenu de s'occuper de ces situations dangereuses, mais il doit le faire les mains liées. S'il s'écarte de cette directive et qu'il s'en prend à un détenu, il s'expose à des pénalités pécuniaires, même si c'était pour se défendre.
En ce qui concerne le projet de loi , le Syndicat des agents correctionnels du Canada entend consacrer beaucoup de temps à son étude. Jason Godin, le président national, a tenu les propos suivants:
Si on souhaite que [le projet de] loi C-83 fonctionne, une consultation sérieuse et des ressources seront nécessaires [...] En tant qu’agents correctionnels, nous souhaitons avoir les bons outils afin d’assurer la sécurité du personnel et des détenus. En ce sens, [le projet de] loi doit inclure des unités d’interventions structurées, qui seraient utilisées à titre d’outils pour gérer la population carcérale, et assurer la sécurité de tous.
Pour ce qui est des consultations, des ressources et des outils appropriés pour que tout fonctionne, après avoir vu la façon dont le gouvernement a déployé son programme d'accès à la marijuana, je doute qu'il y ait beaucoup de personnes qui croient qu'une bonne gestion des ressources est — ou a déjà été — une priorité des libéraux.
Pour le syndicat, le nouveau projet de loi ne doit pas sacrifier l’isolement préventif, puisqu’il réussit à dissuader les détenus d’adopter les comportements violents.
Nous devons trouver des sanctions disciplinaires alternatives à l’isolement en nous assurant que les détenus qui adoptent des comportements dangereux et violents assumeront les conséquences de leurs actes. Nous assistons à une hausse des assauts sur les agents et les détenus depuis que Service correctionnel Canada a limité le recours à l’isolement.
À titre d’exemple, M. Godin explique:
[L]e personnel du Regional Psychiatric Centre a subi plus de 100 assauts en 12 mois et [il] est urgent de régler cette situation.
J'estime que la mise en place d'unités d'intervention structurée pourrait poser un risque pour les gardiens de prison et les détenus, en particulier dans les situations où l'isolement peut servir à les protéger. De plus, le fait de ne plus pouvoir recourir à l'isolement disciplinaire rendra les prisons plus dangereuses pour les gardiens, puisque les pires détenus, ceux qui sont les plus imprévisibles, pourront maintenant passer quatre heures par jour en dehors de leur cellule.
Le projet de loi va encore plus loin que ce qui est suggéré dans l'une ou l'autre des décisions de la Cour suprême en éliminant l'isolement préventif et en le remplaçant par le modèle des unités d'intervention structurée. Ce n'est qu'un autre exemple qui démontre à quel point l'approche libérale est illogique. Les libéraux ne donnent du répit qu'aux criminels et mettent des bâtons dans les roues à ceux qui doivent maintenir l'ordre.
Les conservateurs feront toujours passer la sécurité des travailleurs et les besoins des victimes avant les droits et privilèges des criminels.
Il y a un autre aspect du projet de loi que j'appuie, soit la mise en place de détecteurs à balayage corporel. Ceux qui, comme les députés, voyagent souvent, sont habitués à ces appareils. À quoi servent-ils? À nous protéger, à contrôler les objets dangereux, et à prévenir les risques de grabuge. Où ces détecteurs peuvent-ils être plus utiles que dans une prison? De plus, le syndicat, qui accueille favorablement le recours à ces détecteurs comme moyen de prévenir la contrebande, a dit ceci: « Notre syndicat a lutté pour l’implantation de ces appareils. Nous sommes satisfaits des résultats. »
Je conviens que la mise en place de détecteurs à balayage corporel est une bonne idée. Cependant, nous proposerons des amendements pour que toute personne qui entre dans l'établissement soit soumise à une fouille par balayage corporel, et pas seulement les employés. J'irais même jusqu'à dire que si les détenus savaient que tout le monde doit se soumettre à cette procédure, ils se rendraient à l'évidence que rien ne peut pénétrer dans l'établissement, et cela contribuerait grandement à la sécurité de tous.
En tant qu'habitant du centre de l'Alberta, je suis particulièrement sensibilisé au problème de la criminalité. Nous avons un pénitencier là-bas, mais des criminels de partout au pays s'y retrouvent. J'ai entendu d'autres députés parler de la situation particulière des détenus autochtones et des préoccupations concernant les détenus appartenant à des minorités religieuses ou ethniques. Ce sont toutes des questions qui doivent être étudiées attentivement.
Il faut aussi se pencher sur le cas des toxicomanes, qui commettent des crimes pour assouvir leur dépendance, ainsi que sur les cas particuliers des détenus atteints de troubles du spectre de l'alcoolisation fœtale qui se livrent à des activités criminelles parce qu'ils se font manipuler par des escrocs, se trouvant parfois dans le même établissement qu'eux. Ce sont là des situations où il faut recourir à des protocoles et à des interventions en santé mentale efficaces.
Officialiser les exceptions visant les contrevenants aux prises avec des troubles mentaux dans des circonstances particulières, si c'est fait correctement, serait une mesure véritablement juste. D'ailleurs, le précédent gouvernement conservateur avait amélioré le traitement en santé mentale des malades en s'assurant que les troubles de santé mentale seraient décelés plus rapidement grâce à la création de stratégies en santé mentale, en élargissant les services de consultation psychologique et en améliorant la formation des employés.
Il ne s'agissait pas de mesures sévères à l'égard des criminels, mais de mesures efficaces et pleines de compassion. Il est vrai qu'il reste beaucoup de travail à accomplir. Cependant, baisser les bras comme le font les libéraux et espérer faire sortir plus rapidement des criminels de prison simplement en changeant leur classification, ce n'est pas une solution réfléchie, et cela ne protège certainement pas le public.
Des politiques qui permettent qu'on change la classification d'une seule cellule d'un établissement à sécurité minimale pour en faire une cellule à sécurité maximale ressemblent davantage à des solutions administratives qu'à des décisions réfléchies visant à assurer la sécurité.
En conclusion, nous voulons éliminer complètement les risques pour les gardiens de prison, le personnel des établissements et le grand public. L'isolement des contrevenants qui s'en prennent aux autres détenus ou qui présentent un risque pour eux-mêmes et pour les autres ne devrait pas toujours être remis en question. Empêcher que de la drogue entre en prison au moyen de la technologie et d'une application stricte ne devrait pas être une tâche jugée impossible. Toutes les personnes concernées devraient veiller à ce que des soins de santé mentale adaptés à chacun des détenus qui en ont besoin soient offerts aussi rapidement que possible.
J'espère que les témoins qui réclament à grands cris que les libéraux comprennent le bon sens auront une occasion juste de se faire entendre au comité, lorsqu'il étudiera le projet de loi, et que des amendements seront acceptés pour rendre cette mesure législative efficace.
:
Madame la Présidente, c'est un plaisir de participer au débat sur ce projet de loi important. C'est l'une des mesures législatives qui illustrent à merveille les différences entre les divers partis de la Chambre. Je parlerai donc du projet de loi, et j'expliquerai ce qui me fait dire que nous sommes passablement différents en ce qui concerne nos philosophies politiques et notre façon d'aborder la criminalité et de voir à la sécurité des rues de nos collectivités.
Je m'appuierai sur mon expérience personnelle. J'ai présidé pendant plusieurs années le comité de justice pour la jeunesse du Nord de Winnipeg. À titre de porte-parole en matière de justice à l'Assemblée législative du Manitoba pendant plusieurs années, j'ai aussi eu l'occasion d'approfondir mes connaissances grâce à mes conversations avec des victimes, des contrevenants et les nombreux intervenants du système de justice. Il n'est donc pas étonnant que j'aie des opinions sur ces questions.
La criminalité figure parmi les principales causes d'inquiétude des électeurs. J'en discute souvent avec eux quand je fais du porte-à-porte. La santé et l'éducation intéressent toujours une partie de la population, mais s'il y a un sujet qui semble universel, c'est celui de la sécurité publique. Pour moi, il s'agit d'un sujet extrêmement important.
Les conservateurs nous accusent souvent d'être indulgents avec les criminels, alors je tiens à rétablir les faits: à mes yeux, il n'y a rien de plus important que les victimes, et nous devons tout faire pour qu'elles ne deviennent jamais des victimes, justement. Qu'on se le dise.
Les personnes qui enfreignent la loi doivent répondre de leurs actes. C'est primordial. Il doit y avoir des conséquences. Cela dit, notre rôle à nous consiste à faire diminuer le nombre de récidivistes. À en croire les discours musclés des conservateurs, c'est en envoyant les gens derrière les barreaux et en les y gardant le plus longtemps possible qu'on y parviendrait, même si cela peut parfois être l'occasion pour les criminels d'ajouter de nouvelles cordes à leur arc.
Toute la notion de réadaptation semble échapper aux députés du Parti conservateur, surtout lorsqu’ils sont dans l’opposition ou lorsqu’ils rédigent des communiqués de presse. On sait que parfois, un gouvernement conservateur peut faire de bonnes choses en matière de réadaptation, comme quand il a mis sur pied des pavillons de ressourcement. C’est ce que les conservateurs ont créé lorsqu’il a été question de faire passer un détenu d’une prison à haute sécurité à une prison à sécurité moyenne. Je suis heureux que les conservateurs applaudissent et reconnaissent cela.
Il leur arrive parfois de faire de bonnes choses, mais ils n’en parlent jamais vraiment. Ils tiennent d’abord à afficher la bonne vieille attitude conservatrice intransigeante qui consiste à jeter les contrevenants en prison et à jeter la clé.
Quiconque a eu la possibilité de visiter des établissements carcéraux, qu’il s’agisse de l’établissement Headingley, juste à l’extérieur de Winnipeg, ou de Stony Mountain, juste à l’extérieur de Winnipeg, près de Stonewall, a pu se faire une assez bonne idée de ce qu’est l’incarcération et de la raison pour laquelle il est important qu’un solide volet de réadaptation soit appliqué dans les prisons.
Il faut comprendre que la majorité des gens qui vont en prison aujourd’hui vont en ressortir à un moment donné. Contrairement à l’impression que les conservateurs voudraient donner aux Canadiens, il n’y a pas que des meurtriers, des violeurs et des pédophiles en prison. Il y a beaucoup d’autres personnes qui se trouvent du mauvais côté de la loi, pour de nombreuses raisons, et qui finissent par se retrouver en prison.
Mon collègue et ami a parlé du syndrome d’alcoolisme foetal. C’est un trouble très grave que l’on trouve dans différentes régions du pays, mais davantage dans certaines régions que d’autres. Il y a un facteur de corrélation dont il faut tenir compte.
J'ai notamment été surpris par le nombre de personnes ayant des problèmes de dépendance, et j’aimerais parler en particulier de la dépendance au jeu. En raison d’une dépendance au jeu, les gens se retrouvent souvent à enfreindre la loi et, si la situation est assez grave, ils se retrouvent en détention ou en prison. Nous devons reconnaître que si nous offrons de bons programmes, une fois qu’ils auront quitté la prison, ils auront de meilleures chances d’être des citoyens productifs et respectueux des lois. Si nous éliminons ces programmes dont les conservateurs souhaitent la disparition — du moins souhaitent-ils la disparition de ce qu’ils représentent, je dirais —, je crois que les études prouveront que le nombre de victimes augmentera. En conséquence, la réadaptation est un élément important de notre système de justice et de nos établissements correctionnels.
Cela n’enlève rien aux conséquences. Comme je l’ai dit, j’ai siégé à un comité de justice pour les jeunes. Ces comités sont quasi judiciaires. Des membres de la communauté viennent dire à la collectivité qu’ils seraient disposés à être des agents de probation honoraires et à s’occuper des jeunes contrevenants. Pendant des années, j’en ai présidé un et j’ai toujours trouvé intéressant, quand nous accueillions de nouveaux membres, de voir ce qu’ils pensaient de certains des jeunes contrevenants que nous aurions. Un cas typique pourrait être celui d’une personne qui a commis un vol à l’étalage, par exemple. Nous voyions un voleur à la tire arriver avec son tuteur et prendre place devant deux ou trois agents de probation honoraires pour une entrevue. On cherchait à voir si l’adolescent avait des remords et quelle décision servirait au mieux l'intérêt de la collectivité pour le crime commis et au mieux l'intérêt de l’adolescent afin qu’il ne récidive pas.
Dans les années 1990, nous avions un groupe assez proactif de comités de justice pour les jeunes dans le secteur Nord de Winnipeg. Je soupçonne que beaucoup de ceux qui ont comparu devant ces comités de justice pour les jeunes, où les membres de la collectivité étaient engagés, avaient de meilleures chances de réussir et ne commettaient pas d’infractions.
Si nous nous en remettons aux professionnels, aux personnes qui ont étudié le comportement humain dans les établissements, et même aux associations de victimes, et que nous écoutons ce qu’ils ont à nous dire, nous constaterons qu’il y a beaucoup de place pour étudier les façons d’améliorer nos établissements correctionnels. Tel est vraiment l’objet de ce projet de loi.
Il est intéressant de noter qu’en 2011 ou à peu près, le nombre moyen de détenus en isolement chaque jour donné dépassait les 700. Qu’en est il aujourd’hui? Aujourd’hui, il est d’environ 340, soit un peu moins de 350 par jour. C’est une diminution considérable en relativement peu d’années. De 700 à environ 340 ou 350, c’est une diminution importante. Je dirais qu’elle est en grande partie attribuable au professionnalisme de nos agents correctionnels. Ils font un boulot phénoménal. Je tiens à saluer les efforts de nos agents des établissements correctionnels, que je félicite pour les services qu’ils rendent jour après jour pour assurer la sécurité de nos collectivités et de nos établissements correctionnels. Ils font un travail phénoménal, sans égal, à mon avis.
Ces chiffres sont très encourageants. Il y a moins de personnes placées dans les unités d’isolement.
Le projet de loi éliminerait les unités d’isolement préventif et créerait des unités d’intervention structurée. Il y a une différence. Les conservateurs disent que nous en faisons trop et que nous sommes trop gentils. Les néo-démocrates disent que nous ne faisons rien et que nous devons en faire plus.
Je suis heureux de dire que le gouvernement et le ministre ont fait de l’excellent travail en collaboration avec les intervenants en ce qui a trait aux unités d’intervention structurée, dont l’efficacité est évidente. En fait, elles devraient changer les choses et répondre aux besoins des personnes en attente de décisions judiciaires concernant des contestations relatives à l’isolement. Le projet de loi tient également compte de ce qui se fait ailleurs dans le monde.
Le ministre a fait un travail fantastique en veillant à ce que nous ayons des mesures législatives solides, mais les néo-démocrates et les conservateurs votent contre, pour des raisons totalement différentes, au lieu de reconnaître que nous sommes, en fait, sur la bonne voie. Ce n’est pas parce qu’ils sont dans l’opposition qu’ils sont obligés de critiquer. Si le gouvernement présente un bon projet de loi, il n’y a rien de mal à le reconnaître pour ce qu’il est et à l’appuyer. C’est ce dont nous débattons et c’est pourquoi je suis assez découragé par les propos que tiennent les deux partis de l’opposition.
L’élimination de l’isolement permettrait aux personnes visées d’avoir accès à des programmes. Cela ferait en sorte que l’importance de la santé mentale soit reconnue. Il est ridicule de croire que la santé mentale n’est pas l’une des principales raisons pour lesquelles des personnes se retrouvent dans nos établissements correctionnels. Si nous voulons rendre nos collectivités plus sûres à l’avenir, nous devons nous attaquer aux problèmes de santé mentale.
Pour la première fois, nous adoptons une approche très audacieuse en nous débarrassant de la notion d’isolement au profit des unités d’intervention structurée et en nous assurant qu’il y a des programmes et des services qui tiennent compte de la question de la santé mentale.
Si nous sommes en mesure de régler les problèmes de santé mentale et d’offrir des services essentiels lorsque ces détenus réintègrent la population carcérale générale, cela signifie qu’au moment de leur libération, ils seront mieux en mesure de se conformer à nos lois. Ils seront de meilleurs citoyens dans la collectivité. Ils auront une attitude plus positive, ce qui favorisera leur intégration.
N’est-ce pas ce que nous sommes censés faire à la Chambre? Les députés libéraux le reconnaissent. Nous le reconnaissons, nous le croyons et c’est pourquoi nous appuyons ce projet de loi. Nous ne voulons pas nous limiter à de simples paroles, mais nous voulons aussi que nos collectivités soient plus sûres. Nous voulons que le nombre de victimes diminue.
Le projet de loi prévoit d'autres modifications très positives mais dont aucun député n'a parlé. Par exemple, lors de la comparution de délinquants devant la Commission des libérations conditionnelles, les victimes pourraient assister à l'audience pour entendre ce qui est dit. Si elles n'assistent pas à l'audience, elles pourraient demander à recevoir un enregistrement sonore afin de savoir ce qui s'est passé.
Cette mesure législative permettrait aux victimes de demander des enregistrements sonores, peu importe qu'elles soient présentes ou non à l'audience. Essayons d'imaginer avoir été victimes d'un crime et devoir écouter le délinquant. Certaines personnes en seraient capables, mais d'autres pas. Toutes sortes de pensées se bousculent dans la tête des victimes qui assistent à une audience. Ne devraient-elles pas avoir le droit de demander à recevoir les enregistrements sonores qui existent afin de pouvoir les écouter chez elles ou dans une atmosphère où elles sont plus à l'aise?
Le projet de loi comporte des dispositions que tous les députés appuieront certainement. Nous avons entendu parler des détecteurs à balayage corporel, ce qui n'est pas surprenant. Les députés prennent généralement beaucoup l'avion et connaissent bien ces appareils qui sont utilisés dans les aéroports. Le projet de loi permettrait aux établissements correctionnels d'acquérir ce type de détecteurs corporels, ce qui réduirait le nombre d'examens des cavités corporelles à mener. J'estime qu'il s'agit d'un changement positif. C'est moins intrusif. Les détecteurs ne seraient pas utilisés que sur les prisonniers, ils le seraient également sur leurs visiteurs.
Je représente une circonscription située dans le nord de Winnipeg et je comprends l'importance des droits des victimes. Le gouvernement a présenté une mesure législative qui vise à protéger les droits des victimes. Il ne faut pas se laisser duper par la propagande des conservateurs qui donne l'impression qu'ils sont les seuls à se soucier des victimes, ce qui n'est tout simplement pas vrai. Tous les députés devraient appuyer le projet de loi dont nous sommes saisis parce qu'il réduira le nombre de victimes à l'avenir. Je le crois sincèrement. C'est l'une des raisons pour lesquelles je demande aux députés d'envisager...
:
Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec mon extraordinaire collègue de , qui parlera du projet de loi avec beaucoup d'éloquence.
Ce n'est pas l'introduction que je pensais faire, mais comme le secrétaire parlementaire m'a tendu la perche, s'il est ouvert à des suggestions, je lui suggérerais une idée libérale, voire un projet de loi libéral, le projet de loi , qui vient de son propre gouvernement et qui réglerait davantage de problèmes que le projet de loi C-83 que nous étudions aujourd'hui.
Je ne prends pas cela d'un groupuscule d'extrême gauche, je le prends de son propre gouvernement. Il y a plein de bonnes idées dans le projet de loi C-56, de bien meilleures idées que ce qu'on retrouve malheureusement dans le projet de loi C-83. Je lui suggère donc de lire son propre projet de loi, qui existe toujours quelque part dans les limbes de la Chambre des communes.
J'ai souvent rencontré moi aussi des syndicats d'agents correctionnels, à l'époque où j'étais le porte-parole du NPD en matière de travail. Je partage certaines de leurs préoccupations concernant leur charge de travail ainsi que leur santé et leur sécurité au travail. Je me rappelle qu'ils dénonçaient particulièrement les positions prises par le Parti conservateur à l'époque, notamment en ce qui concerne la surpopulation des prisons et les problèmes de sécurité que le partage des cellules leur causait. Je veux qu'ils sachent qu'encore aujourd'hui, nous appuyons leurs revendications pour de bonnes conditions de travail.
J'ai également eu la chance de visiter certains pénitenciers au cours des deux dernières années, à l'invitation d'un groupe qui appuie les droits des prisonniers et des prisonnières. Il y a deux ans, j'ai visité le Centre fédéral de formation de Laval, un pénitencier à sécurité moyenne. Plus récemment, j'ai visité le pénitencier Leclerc, qui est également à Laval, pas très loin. J'ai également eu la chance de rencontrer des détenus qui, en un an, étaient passés du Centre fédéral de formation de Laval à la prison Leclerc. Ils avaient cheminé et ils étaient presque admissibles à la libération conditionnelle.
Puisqu'on parle du système carcéral, il est important de démystifier certaines choses et d'expliquer aux gens comment cela fonctionne dans la réalité.
Premièrement, une prison à sécurité moyenne est un endroit assez difficile à visiter. La privation de liberté est quelque chose d'extrêmement sérieux. Le fait d'être emprisonné dans une cellule est assez difficile à imaginer pour un civil. On pense souvent que c'est facile d'être en prison et qu'il n'y a pas de conséquence, mais le simple fait d'y passer des mois et des années a un effet sur les gens. C'est un vrai châtiment. Je vais d'ailleurs bientôt aborder la question de l'isolement carcéral comme manière de gérer certaines situations auprès des prisonniers. Ici, on atteint un niveau de châtiment qui pourrait parfois être jugé cruel et abusif.
J'ai visité des pénitenciers au cours deux dernières années et j'ai parlé avec des prisonniers. Ils sont extrêmement politisés, et j'ai remarqué que l'environnement était leur plus grande préoccupation. Ils me posaient des questions sur le fleuve Saint-Laurent, sur les changements climatiques, sur l'avenir des bélugas, etc. C'était fascinant de voir ces gens qui suivaient un processus de réhabilitation et qui purgeaient leur peine rester en contact avec le reste de la société. Ils posaient un paquet de questions absolument pertinentes.
Dernièrement, j'ai rencontré aussi des gens des maisons de transition de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec. Il s'agissait d'hommes judiciarisés qui accompagnent les hommes qui ont suivi le processus de libération conditionnelle et qui suivent un programme avec des services et certaines thérapies pour être capables de rejoindre la société civile et nos communautés. Ces gens font un travail extraordinaire, et ils n'acceptent pas tout le monde. À vrai dire, 20 % des gens qui se retrouvent dans ces maisons de transition sont retournés au pénitencier parce qu'ils sont incapables de suivre leur programme. Ils n'acceptent donc pas n'importe qui. Il faut que la personne soit disciplinée et qu'elle se conforme aux règles. Elle doit expliquer ses absences et elle doit toujours dire où elle se trouve.
Pour ceux qui ont obtenu une libération conditionnelle, qui suivent les programmes des maisons de transition et qui réintègrent la communauté, le taux de récidive est de 1 %. C'est fascinant. Cela signifie que 99 % d'entre eux ne vont plus jamais se retrouver en cour ni en prison, parce que le processus a fonctionné.
Je pense que c'est important que les gens comprennent que, quand c'est bien fait et que c'est fait jusqu'au bout, le processus fonctionne. Ce qui est le plus dangereux, c'est souvent les personnes qui purgent leur peine jusqu'à terme. Elles ont passé 25 ans en prison. Elles n'ont participé à aucun programme, n'ont eu droit à aucune libération conditionnelle et n'ont suivi aucune thérapie. Quand elles sortent, c'est vrai qu'elles peuvent représenter un danger pour la société.
Celles qui ne sont pas dangereuses, ce ne sont pas celles qui ont purgé leur peine jusqu'au bout. Ce sont celles qui sont libérées avant, parce qu'elles ont fait un effort et qu'elles sont prêtes à reprendre leur place sur le marché du travail, auprès de leurs familles et de leurs amis.
Je qualifierais le projet de loi devant nous est digne de George Orwell. À la base, deux jugements de cours supérieures, celle de l'Ontario et celle de la Colombie-Britannique, ont jugé anticonstitutionnelle la loi actuelle, qui prévoit un isolement préventif dans certaines situations. Toutefois, il y a deux problèmes. Premièrement, il n'y a pas de tierce partie, d'observateur indépendant, pour vérifier si l'isolement préventif était justifié et si sa prolongation l'était également. C'est un premier problème.
Deuxièmement, la durée de cet isolement préventif est en moyenne de 24 jours par année. C'est énorme, et cela a des conséquences sur les prisonniers et les prisonnières et leur santé mentale.
Malheureusement, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui ne répond pas du tout aux préoccupations de la Cour supérieure de justice de l'Ontario et de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Je voudrais prendre la peine de dire qu'une des deux cours a clairement dit qu'un isolement prolongé pouvait être une sanction cruelle si elle était utilisée de manière abusive. La Cour supérieure de justice de l'Ontario parle clairement de répercussions négatives, irréversibles dans certains cas, que peut avoir sur la santé mentale un isolement préventif de plus de deux jours.
Il peut y avoir des conséquences irréversibles sur la santé mentale après un isolement préventif de plus de deux jours. La moyenne actuelle est de 24 jours. Selon les Nations unies, une présence en isolement préventif de plus de 15 jours peut être définie comme une forme de torture. La moyenne est de 24 jours. Quelle durée maximale le projet de loi du gouvernement libéral prévoit-il? Aucune. C'est indéterminé.
C'est absolument fascinant de voir l'article 1 du projet de loi, qui dit très fièrement que l'isolement carcéral, c'est terminé. On va écouter la cour de l'Ontario et la cour de la Colombie-Britannique et on ne fera plus cela.
Dans le deuxième article, on voit que cela s'appelle désormais une unité d'intervention structurée. C'est exactement la même chose. On prend les termes « isolement carcéral » et on appelle cela « unité d'intervention structurée », ce qui est toujours un isolement, ce qui a toujours le même effet sur le prisonnier, ce qui est toujours une forme de punition qui peut être abusive et cruelle qui peut exacerber des problèmes de santé mentale, et qui, après 15 jours, peut être vu par les Nations unies comme un exemple de torture. Les unités d'intervention structurée, ce sont tous les endroits appelés ainsi par Service correctionnel du Canada.
L'unité d'intervention structurée peut être un pénitencier au complet, une section du pénitencier ou certaines cellules désignées comme telles. Je devine que les cellules d'isolement préventif vont maintenant s'appeler des unités d'intervention structurée. Ce sont exactement les mêmes endroits. Les demandes de la justice au gouvernement libéral ne seront absolument satisfaites. Il n'y a pas plus de corps indépendants pour vérifier si c'est fait dans le respect des normes et des règles. Il n'y a pas de différence dans la durée prévue ou possible de cet isolement pour ces prisonniers ou ces prisonnières.
La seule différence, c'est qu'on passe d'un maximum de 22 à 23 heures d'isolement par jour à un maximum de 20 heures. C'est tout. Cela ne change pas considérablement la réalité du prisonnier ou de la prisonnière. Il faut savoir, encore une fois, que cela pourrait faire en sorte que les heures de liberté soient à 3 heures du matin, et qu'on demande au prisonnier d'aller dehors alors qu'il fait -25 degrés Celsius. Dans les faits, souvent, cela n'existe même pas.
J'espère que le gouvernement libéral entendra raison cette fois-ci.
:
Madame la Présidente, il y aura 11 ans demain qu'Ashley Smith est morte. Son histoire tragique a fait le tour du pays. Après avoir été trimbalée d'un endroit à l'autre par l'appareil judiciaire et le système carcéral du pays, Ashley est morte toute seule, isolée dans sa cellule et sans la protection que le Canada aurait dû lui offrir. Onze ans se sont écoulés depuis, et rien n'a changé.
En juin 2017, 399 détenus fédéraux étaient en isolement préventif. Du nombre, 94 l'étaient depuis plus de 90 jours consécutifs. D'avril 2011 à mars 2014, 14 détenus se sont suicidés pendant qu'ils étaient en isolement.
Le rapport de 2014-2015 du Bureau de l'enquêteur correctionnel dénonçait le recours abusif à l'isolement préventif comme outil pour gérer la population carcérale. Au total, 27 % des détenus ont déjà été placés en isolement préventif.
Cette proportion est plus importante dans certains groupes, comme les femmes ayant des problèmes de santé mentale, les Autochtones et les Noirs.
Les détenus autochtones sont encore ceux qui passent en moyenne le plus de temps en isolement préventif. Ils représentent environ 46 % de tous les détenus en isolement.
Selon le Service correctionnel du Canada, les périodes d'isolement durent en moyenne 24 jours.
En quoi est-ce grave? Que reproche-t-on à cette pratique?
Au printemps, le comité de la condition féminine, dont je suis la vice-présidente, s'est intéressé à la surreprésentation des femmes autochtones en prison et à leur expérience des systèmes judiciaire et correctionnel fédéraux.
Voici quelques statistiques et citations tirées de notre rapport.
Le rapport de 2006 du Service correctionnel du Canada, intitulé « Rapport sur les progrès réalisés depuis dix ans dans le domaine des services correctionnels pour femmes », indique:
L’isolement a généralement des répercussions importantes sur les délinquantes. Dans l’ensemble, les femmes entretiennent des liens entre elles grâce aux relations, et l’isolement, combiné à la crise ou au stress que la femme vit, peut laisser des marques [...]
Le 1er février, nous avons entendu le témoignage de Mme Virginia Lomax, conseillère juridique de l'Association des femmes autochtones du Canada. Elle a déclaré:
L'isolement est une pratique particulièrement cruelle pour les femmes ayant des antécédents de traumatisme et d'abus, un autre domaine où les femmes autochtones sont surreprésentées. Leur expérience du patriarcat colonial, des traumatismes intergénérationnels et de la violence étatique les rend particulièrement vulnérables aux effets néfastes de l'isolement.
Interdire le recours à l'isolement des détenus qui s'automutilent activement reconnaît que la pratique ne doit pas être employée pour gérer des crises de santé mentale, mais ne tient pas compte du fait que l'isolement est souvent la cause de l'intensification d'un tel comportement.
Pour ces raisons et bien d'autres, l'Association [des femmes autochtones du Canada] demande l'arrêt complet de l'isolement cellulaire, peu importe son nom ou sa durée.
Le Dr Ivan Zinger, du Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada, a déclaré dans son témoignage au comité le 2 février de cette année:
Nous avons aussi constaté les répercussions de l'isolement. La grande majorité des femmes incarcérées dans les unités de garde en milieu fermé ont connu l'isolement. Il existe aussi un système de classification fondé sur le sexe qui nécessite que certaines détenues considérées comme à haut risque soient menottées et parfois enchaînées pour sortir de l'unité, ce qui leur cause toutes sortes de problèmes.
En réponse à ma question au sujet de la manière dont Service correctionnel Canada traite les détenues qui ont besoin de soins de santé urgents dans la région du Pacifique, il a répondu ceci:
Transférer une femme ayant des troubles mentaux graves dans un établissement réservé aux hommes, en isolement, toute seule dans une unité, est honteux et une violation des droits de la personne. Je pense que cela n'est pas digne du Canada.
Il faut dire que ces femmes ont été jugées et que le système de justice a déterminé qu'il y avait un motif pour les emprisonner. Nous avons certainement entendu beaucoup de témoignages. Elles nous ont dit qu'elles avaient elles-mêmes souvent été victimes d'un crime avant de se retrouver dans le système de justice pénale.
Nous devons absolument protéger les victimes et il faut que justice soit faite dans les cas de crime violent.
Nous entendons souvent des témoins dire qu'ils souhaitent que ces victimes s'en tirent mieux à leur sortie du système de justice pénale. Toutefois, nous constatons que c'est le contraire qui se passe.
Il s'agit d'un débat important au sujet de l'isolement cellulaire.
Voici ce que le NPD a recommandé. Dans notre rapport final au gouvernement, que nous avons déposé ici même à la Chambre en juin dernier, nous avons cité Ivan Zinger, l'enquêteur correctionnel du Canada, qui a dit ceci:
Je suis fermement convaincu qu’on peut abandonner cette pratique de facto dans les établissements pour femmes si on utilise les unités de garde en milieu fermé avec la même rigueur comme mesure de dernier ressort, et qu’on les utilise pour séparer, et non pas pour isoler, les quelques cas dont il faut s’occuper pendant un court laps de temps.
Nous avons aussi cité la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, chargée de surveiller le Canada pour voir s'il respecte ses engagements envers les Nations unies, qui a dit:
J’aimerais réclamer une interdiction absolue de l’isolement cellulaire, de la ségrégation, des soins psychiatriques intensifs, de l’observation médicale et de toutes les autres formes d’isolement des détenues ayant des problèmes de santé mentale.
Enfin, dans ce rapport final présenté au gouvernement, le NPD a écrit:
Il est choquant qu’au lieu de procéder à une réforme, le gouvernement libéral ait porté en appel la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique contre l’isolement cellulaire, choisissant ainsi de dépenser l’argent des contribuables pour lutter contre la B.C. Civil Liberties Association en cour plutôt que de mettre en place des réformes pour aider les femmes autochtones en prison.
Qu’avons-nous obtenu? Le gouvernement a déposé lundi le projet de loi . Il modifie un peu la disposition sur l’isolement préventif ou isolement dans une cellule, auquel il donne un nom différent. Il conserve en grande partie le libellé et le cadre qui étaient utilisés pour définir l’isolement préventif. Il ne tient pas compte des décisions de la Cour suprême de la Colombie-Britannique et de la Cour supérieure de l’Ontario selon lesquelles l’isolement préventif est inconstitutionnel. Il ne prévoit aucune possibilité de demander un contrôle indépendant des décisions visant à restreindre davantage les libertés des détenus en les transférant dans les unités d’isolement rebaptisées. Au lieu de passer de 22 à 23 heures par jour en isolement avec le système actuel, le nouveau régime propose un maximum de 20 heures par jour pour une période indéfinie. La Cour supérieure de l’Ontario avait déjà conclu que les effets néfastes de la privation sensorielle peuvent se manifester en aussi peu que 48 heures.
Enfin, la Cour suprême de la Colombie-Britannique critique la nature indéfinie de l’isolement et le juge inconstitutionnel, comme la disposition précédente, bien que le gouvernement fédéral tente actuellement d’en appeler de cette décision, comme je l’ai dit plus tôt.
Ce matin, à l’occasion du déjeuner organisé par le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes afin de souligner la Journée de l'affaire « personne », la sénatrice Kim Pate nous a signalé que, de surcroît, le projet de loi portait atteinte aux articles 21, 81 et 84. Ces trois articles permettent aux détenus d’être transférés pour purger une partie de leur peine à un endroit où ils peuvent recevoir certains soins, que ce soit hors du milieu carcéral ou dans un pavillon de ressourcement. Ce sont trois articles qui sont sous-utilisés ou à peine utilisés. À l'époque où la sénatrice Pate oeuvrait au sein de la Société Elizabeth Fry et depuis sa nomination au Sénat, elle s'est employée à attirer l'attention des gens sur ces trois articles. Le comité de la sécurité publique et le comité de la condition féminine les ont étudiés et ont formulé des recommandations à leur sujet. Étrangement, le projet de loi actuel les rend inopérants. C’est une drôle de coïncidence.
La représentante de la Société Elizabeth Fry a dit que, même si son organisme préconise depuis des décennies l’abolition de l’isolement préventif, le projet de loi C-83 laisse beaucoup à désirer.
Je le dis avec tristesse: les néo-démocrates souhaitaient une véritable réforme. Nous avons fait des propositions précises à ce sujet. Le gouvernement a choisi de rebaptiser une pratique qui est inconstitutionnelle au lieu de faire ce que les tribunaux ont ordonné.
Je vais terminer en faisant un rappel. Plus d’une femme sur trois dans les prisons fédérales est autochtone, 91 % ont des antécédents de violence et beaucoup souffrent aussi de maladies mentales débilitantes. Nous devons mettre fin à l’isolement des détenus dans une cellule. Nous allons nous opposer à ce projet de loi.
[Le député s'exprime en cri.]
[Traduction]
La priorité du gouvernement du Canada est la sécurité des Canadiens et des collectivités. Il est important de veiller à ce que les établissements correctionnels fédéraux offrent un environnement sûr et sécuritaire au personnel et aux détenus, ce qui aide à la réadaptation des détenus. Nous devons réduire le risque de récidive et nous devons garder nos collectivités en sécurité, que ce soit à Winnipeg ou ailleurs au pays.
Le gouvernement du Canada a présenté un projet de loi qui propose de renforcer le système correctionnel fédéral et de le réorienter — car il était plus punitif sous les conservateurs —, afin de tenir compte des données probantes les plus récentes et des pratiques exemplaires, de mettre en oeuvre un nouveau modèle d'interventions correctionnelles, de renforcer la gestion des soins de santé, de mieux appuyer les victimes et de s'occuper de la situation particulière des détenus autochtones.
À la suite d'une décision rendue récemment au sujet de l'isolement préventif, le projet de loi propose d'éliminer l'isolement et d'établir une unité d'intervention structurée qui permettra de séparer, au besoin, certains détenus du reste de la population générale de détenus, tout en maintenant leur accès aux programmes de réadaptation, aux interventions et aux soins de santé mentale. Nous devons nous assurer qu'ils suivent bel et bien un programme de réadaptation et qu'ils peuvent recevoir des interventions appropriées ainsi que des soins de santé et de santé mentale. C'est extrêmement important.
Les réformes proposées illustrent la détermination du gouvernement à continuer de mettre en oeuvre les recommandations de l'enquête du coroner sur le décès d'Ashley Smith, à propos du recours à l'isolement dans le traitement des délinquants souffrant de problèmes de santé mentale. Elles s'appuient également sur des mesures déjà prises pour combler les lacunes des services offerts aux Autochtones dans l'ensemble du système de justice pénale.
J'aimerais citer les propos de mon bon ami le , qui est un député de la Saskatchewan. Il a dit ceci:
Nous sommes résolus à avoir un système correctionnel qui assure la sécurité de la population canadienne et qui tient responsables les personnes coupables d’avoir contrevenu à la loi, tout en favorisant une réadaptation pratique afin d’avoir moins de récidivistes, moins de victimes et, en fin de compte, des communautés plus sécuritaires. Cette approche relative au système correctionnel fédéral permettra de protéger la sécurité de notre personnel, ainsi que celle des personnes sous leur garde en séparant les délinquants, au besoin, et en s’assurant qu’ils bénéficient d’interventions plus efficaces, de programmes de réadaptation et qu’une attention sérieuse est portée aux problèmes de santé mentale.
Le projet de loi est extrêmement important, car il prévoit un certain nombre de nouveaux éléments dans notre système correctionnel.
J'ai eu l'occasion d'entendre la semaine dernière le témoignage de la commissaire du Service correctionnel du Canada, Anne Kelly. Ce sera un moyen important de faire avancer les choses. Elle est tout à fait résolue à mettre en place un système correctionnel qui respecte le mandat du ministère, et non simplement un système qui apaise la vindicte populaire. Elle veut que le système correctionnel renforce la sécurité non seulement au sein de la société, mais également dans les établissements correctionnels, au profit des employés et des détenus, et qu'il favorise la réadaptation des gens afin qu'ils puissent se réintégrer dans la société et qu'ils ne récidivent pas une fois libérés.
L'un des nouveaux mécanismes mis en place est l'unité d'intervention structurée. Elle serait créée afin d'offrir les ressources et l'expertise nécessaires pour les détenus qui ne peuvent être pris en charge de façon sécuritaire dans la population carcérale générale. Il se trouve qu'il y a des gens qui ne seront jamais en sécurité dans nos prisons. Quoi que nous fassions, certaines personnes commettent malheureusement des crimes si odieux, comme ceux qui sont commis contre des enfants par des pédophiles, qu'il est extrêmement difficile de les intégrer dans la population générale. Pour leur propre sécurité et celle du système tout entier, il faut quelquefois adopter une approche différente.
Une unité d'intervention structurée sera chargée d'offrir des interventions et des programmes adaptés à la situation d'un détenu. Les détenus auront la possibilité de passer au moins quatre heures par jour à l'extérieur de leur cellule et deux heures par jour seront prévues pour établir des contacts véritables avec d'autres êtres humains. Des programmes permanents seront mis à la disposition des détenus afin de les aider à progresser dans l'atteinte des objectifs de leur plan correctionnel.
On tient aussi compte des facteurs propres aux délinquants autochtones. Les besoins et les intérêts des Autochtones seront mieux servis, car la loi exigera désormais que le Service correctionnel du Canada prenne en considération les facteurs systémiques et historiques uniques aux délinquants autochtones dans toutes les décisions en matière correctionnelle. Depuis trop longtemps, les Autochtones ne jouissent pas de toutes les mesures de soutien disponibles.
Par exemple, l'actuel gouvernement a accordé 26 millions de dollars au Manitoba en 2016 pour offrir de l'aide juridique à tous. Beaucoup d'Autochtones vivent dans la pauvreté et doivent avoir recours à l'aide juridique. Malheureusement, le gouvernement conservateur de la province a décidé de faire des compressions équivalant exactement au montant versé. Les gens les plus vulnérables du système ont été privés de cette aide. On les a laissés tomber encore une fois.
Voilà qui explique la violence structurelle et systématique, laquelle cause la surreprésentation des Autochtones, qui sont incapables d'obtenir des conseils juridiques adéquats. On offre ici un moyen efficace pour assurer que même les délinquants autochtones ont accès aux services dont ils ont besoin dans le système carcéral.
Un exemple: j'ai rencontré de nombreux Autochtones qui ont fait l'expérience des services correctionnels et qui ne savaient pas comment faire dans les temps voulus une demande de libération anticipée ou conditionnelle, parce qu'ils n'avaient pas accès à ces services. Cela en fait partie.
Le projet de loi traite aussi de l'appui aux victimes, un élément très important. Les victimes seront mieux soutenues par le système de justice pénale, notamment parce qu'elles auront accès aux enregistrements audio des audiences de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Nous allons également améliorer la gestion des soins de santé. Les réformes proposées confirmeront l'obligation du Service correctionnel du Canada de soutenir l'autonomie des professionnels de la santé et leur indépendance clinique. Ils n'ont pas besoin que le leur dise comment faire leur travail ou quoi faire. Au cours des dernières semaines, il a été dit à la Chambre que l'opposition aimerait que le ministre de la Sécurité publique intervienne directement dans certains dossiers. Toutefois, nous devons veiller à ce que les professionnels de la santé puissent faire les évaluations indépendamment des manigances et des pressions politiques de la Chambre.
Le Service correctionnel du Canada aurait aussi l'obligation de fournir aux détenus des services en matière de défense des droits des patients, pour les aider à mieux comprendre leurs droits et leurs responsabilités en matière de soins de santé, comme le recommande le coroner dans son rapport d'enquête sur la mort d'Ashley Smith. Cela suppose que l'on améliore les mesures pour la santé mentale des détenus pour que ceux qui ont des besoins en la matière reçoivent des traitements appropriés.
Le budget de 2017 prévoyait un investissement de 57,8 millions de dollars sur cinq ans, à partir de 2017-2018, et de 13,6 millions de dollars par année par la suite pour élargir la capacité à fournir des soins en santé mentale à tous les détenus dans les établissements correctionnels fédéraux. Le budget de 2018 étoffe ces investissements, proposant 20,4 millions de dollars sur cinq ans, à partir de 2018-2019, et 5,6 millions de dollars par année par la suite, pour que Service correctionnel Canada subvienne mieux aux besoins en matière de santé mentale des détenus sous responsabilité fédérale, surtout les femmes.
Nous savons tous, et je suis sûr que nous le croyons tous aussi, que les délinquants qui finissent dans des établissements correctionnels ne respectent pas les normes de notre société. Ils ont commis des crimes pour une raison ou pour une autre, et certains d’entre eux ont besoin de soutien en santé mentale.
À l’heure actuelle, Winnipeg est aux prises avec une crise de méthamphétamine grave et profonde que le gouvernement provincial a ignorée. Heureusement, le maire est un peu plus progressiste et il attaque ce problème de plein front. Cependant, le gouvernement provincial a refusé pendant longtemps de rencontrer ses homologues d’autres villes et même des représentants du gouvernement fédéral pour essayer de résoudre cette crise. Cela a donc causé d’autres problèmes. Les gens ne devraient pas craindre de se faire attaquer quand ils marchent dans les rues d’une ville canadienne. Bien souvent, ces situations découlent de troubles de santé mentale et du fait que les gens essaient de se médicamenter en consommant des drogues, de l’alcool, de l’essence et d’autres types de drogues afin d’apaiser la douleur de l’existence qu’ils mènent dans la plus grande pauvreté.
Évidemment que notre système correctionnel doit tenir les individus qui enfreignent la loi responsables de leurs actes. Cependant, nous devons aussi créer un milieu qui favorise la réadaptation pour réduire le nombre de récidives et de victimes et, en fin de compte, pour assurer la sûreté des collectivités. Voilà pourquoi il est si important d’adopter ce projet de loi. Nous devons renforcer le système correctionnel fédéral pour y appliquer des pratiques exemplaires fondées sur des données probantes. Nous voulons réadapter les détenus et les préparer, en temps opportun, à retourner en toute sécurité dans la collectivité.
Presque tous les détenus quitteront un jour le système correctionnel pour aller vivre parmi les Canadiens. Nous devons veiller à ce qu’ils ne récidivent pas, nous devons assurer la sécurité de tous. Nous devons leur prodiguer les soins qui conviennent pour qu’à leur libération, ils ne récidivent pas et qu’ils ne fassent plus de tort à autrui.
À cette fin, le projet de loi appliquerait les récentes décisions des tribunaux en éliminant l’isolement et en créant des unités d’intervention structurée, qui seront plus efficaces. Il renforcerait le soutien des victimes pendant les audiences de libération conditionnelle. Il augmenterait la sécurité du personnel et des détenus à l’aide de la technologie des détecteurs à balayage corporels. Il renouvellerait notre approche aux enjeux critiques comme les soutiens en santé mentale et la réponse aux besoins des délinquants autochtones.
Le Service correctionnel du Canada doit avoir le pouvoir de séparer certains délinquants de la population générale afin d’assurer la sûreté des établissements. En remplaçant l’isolement préventif par des unités d’intervention structurée, ce projet de loi prévoit que les délinquants que l’on séparera de la population générale continueront à participer aux programmes de réadaptation et à recevoir des soins de santé mentale et d’autres interventions. La réadaptation efficace et l’intégration menée en toute sécurité constitueront ultimement les meilleurs moyens de protéger les collectivités canadiennes.
L’histoire de l’isolement préventif et de son application est intéressante. On critique cette pratique depuis bien des années. Elle nous rappelle le cas d’Ashley Smith, qui est morte en 2007. La plupart des députés ont mentionné ce cas dans leurs interventions aujourd’hui. Ce cas a jeté la lumière sur les problèmes que cause l’isolement et sur les troubles de santé mentale qu’il entraîne dans le système correctionnel canadien.
En 2013, le rapport d’enquête du coroner sur la mort d’Ashley Smith contenait des recommandations, suggérant entre autres de limiter la période d’isolement imposée aux détenus.
En 2016, le gouvernement a présenté le projet de loi C-56, qui aurait établi une limite présomptive à 15 jours d'isolement préventif et un processus externe d'examen indépendant, ce qui est selon moi très important. Depuis que le projet de loi a été présenté, il a été statué à l'issue de contestations judiciaires en Ontario et en Colombie-Britannique que l'isolement préventif est contraire à la Charte. Nous ne pouvons pas garder les prisonniers en isolement et ne leur accorder que deux heures de contact avec d'autres gens par jour pour le reste de leur vie. Les deux jugements ont été portés en appel, l'un par le gouvernement et l'autre par l'autre partie. Toutefois, dans l'état actuel des choses, les changements préconisés dans les jugements entreront en vigueur en décembre 2018 et en janvier 2019. Cela signifie que le Service correctionnel du Canada ne pourra peut-être plus avoir recours à l'isolement préventif actuellement en vigueur.
Des recours collectifs liés à l'isolement préventif et à l'omission de fournir des soins adéquats de santé mentale sont aussi en instance. Des plaintes ont également été portées devant le Tribunal canadien des droits de la personne.
Le 7 mai, l'Ontario a adopté le projet de loi 6, qui limite le nombre de jours d'isolement permis et qui interdit catégoriquement que certains groupes de détenus, comme les femmes enceintes ou les personnes qui souffrent de maladies mentales, soient isolés.
En 2011, le nombre de détenus soumis quotidiennement à l'isolement était de plus de 700. Il est de 340 aujourd'hui.
Bien que l'enquêteur correctionnel ait reconnu que la diminution du recours à l'isolement préventif constitue une amélioration, il a aussi dit craindre que cette baisse soit liée à la hausse de la violence entre détenus. Toutefois, les unités d'intervention structurée ont été conçues pour que les détenus puissent être gardés dans un environnement sûr, sans pour autant être privés des programmes vitaux et de la possibilité d’avoir des contacts humains réels.
Le projet de loi mettrait fin à l'isolement préventif. Les prisonniers séparés jusqu'alors de la population carcérale générale, habituellement pour des raisons de sécurité, se verront attribuer une unité d'intervention sûre. Les détenus logés dans les unités d’intervention structurée passeront au moins quatre heures par jour en dehors de leur cellule, dont au moins deux en compagnie d’employés, de bénévoles, de visiteurs ou de codétenus compatibles. Ils recevront aussi la visite quotidienne d'un professionnel de la santé. En revanche, les détenus actuellement placés en isolement ont seulement le droit de sortir de leur cellule deux heures par jour, leurs interactions humaines sont minimales et leurs chances de participer à des programmes, minimes.
Dans les cinq jours ouvrables suivant le placement d’un détenu dans une unité d’intervention structurée, le directeur examinera son cas et déterminera s’il doit y rester. Des examens subséquents seront effectués, d’abord par le directeur, 30 jours plus tard, et ensuite par le commissaire du Service correctionnel du Canada tous les 30 jours, tant et aussi longtemps que le détenu sera maintenu dans cette unité. Ce sera donc l’agent correctionnel le plus haut placé du Canada, le commissaire, qui examinera tous ces cas. Des examens peuvent être également déclenchés à la recommandation d’un professionnel de la santé qui, comme je l’ai mentionné, sera indépendant et jouira de toute la latitude nécessaire pour mener un examen qu’il juge être dans l’intérêt du patient ou si un détenu refuse de quitter sa cellule pendant un certain nombre de jours.
Actuellement, les victimes ont le droit d’avoir les enregistrements sonores des audiences de libération conditionnelle seulement si elles n’y ont pas assisté. Certains ont toutefois fait savoir qu’en raison de la nature émotive des audiences, il pourrait être difficile pour certaines victimes de se souvenir de tous les détails de la procédure. Même celles qui sont présentes pourraient bénéficier d’un accès à un enregistrement qu’elles pourraient écouter plus tard, au moment qui leur convient et dans un cadre plus confortable.
Le projet de loi permettrait donc aux victimes d’avoir accès aux enregistrements sonores, qu’elles soient présentes ou non à l’audience. Il est très important d’avoir un compte rendu exact de ce qui s’est réellement produit.
Ce projet de loi ajoutera un principe directeur à la loi affirmant la nécessité que le Service correctionnel du Canada tienne compte des facteurs systémiques et historiques uniques aux délinquants autochtones dans l’ensemble du processus décisionnel. Cette exigence donne suite à la décision Gladue rendue par la Cour suprême en 1999 et elle s’inscrit dans la directive stratégique du Service correctionnel depuis 2003. Malheureusement, il a été difficile d’appliquer ce principe puisque les services correctionnels ne l’ont pas souvent mis en oeuvre. Il est désormais enchâssé dans la loi.
Ce projet de loi mettra également en œuvre les principales recommandations de l’enquête sur le cas d’Ashley Smith en créant le cadre juridique nécessaire pour autoriser la présence de défenseurs des droits des patients dans les établissements du Service correctionnel. Les défenseurs des droits des patients travailleront avec les délinquants et le personnel correctionnel afin de veiller à ce que les délinquants reçoivent les soins médicaux dont ils ont besoin. Le projet de loi enchâsse également dans la loi l’autonomie décisionnelle des professionnels qui travaillent au Service correctionnel.
Le prochain point est extrêmement important pour assurer la sécurité à l’intérieur des établissements correctionnels du Canada. Je parle ici des détecteurs à balayage corporel qui empêcheront l’entrée dans les prisons de drogues ou d’autres objets interdits. Le projet de loi autorise l’utilisation de détecteurs à balayage corporel similaires à ceux utilisés dans les aéroports pour fouiller les personnes qui entrent dans les établissements. Ces dispositifs sont moins invasifs que la fouille à nu ou l'examen des cavités corporelles et dissipent les problèmes d’obtention de faux positifs signalés par certaines personnes soumises à un examen par détecteurs ioniques.
Les scanners corporels sont déjà employés dans de nombreux établissements carcéraux provinciaux et le système fédéral se met maintenant à niveau. Cela permettra d'améliorer la sécurité. Différents groupes se sont prononcés en faveur de cette mesure, notamment le Syndicat des agents correctionnels du Canada, qui accueille avec prudence les mesures du projet de loi concernant l'isolement préventif, mais qui est ravi de l'ajout des scanners corporels comme mesure de lutte contre la contrebande. Voici ce qu'a dit Jack Godin:
Notre syndicat a lutté pour l’implantation de ces appareils. Nous sommes satisfaits des résultats. Mais nous avons encore besoin de ressources pour gérer les délinquants au comportement à risque, comme le syndicat l’a revendiqué en 2005 pour contrôler les délinquantes dangereuses, revendication qui semble être tombée dans l’oreille d’un sourd.
Le syndicat a encore quelques réticences, mais il est favorable à l'utilisation des scanners corporels.
Pour que les unités d'intervention structurée soient mises sur pied, il faudra de nouveaux investissements, surtout pour l'embauche de personnel. Le gouvernement s'est engagé à faire les investissements nécessaires; le montant exact devrait être annoncé sous peu.
Le gouvernement a indiqué qu'il compte investir considérablement dans les soins de santé mentale offerts dans le système carcéral. On parle ici d'améliorer les soins de santé mentale offerts dans les unités d'intervention structurée de même que les services de diagnostic précoce et de traitement offerts à l'arrivée des nouveaux détenus, et de renforcer les centres régionaux de traitement du Service correctionnel du Canada, qui fournissent des soins intensifs aux détenus qui ont de graves problèmes de santé mentale. Ce financement s'ajoutera aux quelque 80 millions de dollars déjà affectés, dans les deux derniers budgets, aux soins de santé mentale au sein du Service correctionnel.
Mon temps de parole tire à sa fin, et il me reste seulement deux minutes. J'aimerais lire quelques articles du projet de loi pour que les gens qui suivent le débat sur CPAC ou ailleurs sachent ce qu'il propose.
Voici ce que dit le projet de loi à propos des unités d'intervention structurée:
32 Les unités d’intervention structurée ont pour objet:
a) de fournir un milieu de vie qui convient à tout détenu dont le transfèrement dans l’unité a été autorisé et qui ne peut demeurer au sein de la population carcérale régulière notamment pour des raisons de sécurité;
b) de fournir à un tel détenu la possibilité d’avoir des contacts humains réels, de participer à des programmes et de bénéficier de services qui répondent à ses besoins particuliers et aux risques qu’il représente.
Quant à l'article 33, il dit ceci:
L’incarcération dans une unité d’intervention structurée prend fin le plus tôt possible.
Comme je l'ai déjà souligné, il y a d'autres éléments qui sont inclus dans cette mesure. Par exemple, nous avons parlé des quatre heures par jour en dehors de la cellule, mais il y a aussi le temps non compté. L'article 36 dit ceci:
(3) Lorsque le détenu prend sa douche en dehors de sa cellule, le temps qui y est consacré n'est pas compté pour l’application de l’alinéa (1)a).
De plus, l'article 37.2 dit ceci:
Le professionnel de la santé agréé employé par le Service — ou dont les services ont été retenus par celui-ci — peut, pour des raisons de santé, recommander au directeur du pénitencier de modifier les conditions d'incarcération du détenu dans l'unité d'intervention structurée ou qu'il n'y soit plus incarcéré.
Cela signifie que c'est le professionnel de la santé qui déterminera quand les limites ont été dépassées.
J'aimerais utiliser les dernières minutes qu'il me reste pour parler brièvement des délinquants autochtones. Fait incroyable, le tout premier article du projet de loi contient une définition du terme « autochtone »:
autochtone, S'agissant d'une personne, vise notamment toute personne issue d'une première nation, un Inuit ou un Métis. (Indigenous)
De plus, on propose de mettre en place beaucoup plus de comités consultatifs et de tenir compte des chefs spirituels et des aînés:
Chefs spirituels et aînés
83(1) Il est entendu que la spiritualité autochtone et les chefs spirituels ou aînés autochtones sont respectivement traités à égalité de statut avec toute autre religion et tout autre chef religieux.
Rendons grâce à Gitchi Manitou. Remercions le Grand Créateur. Je crois que c'est la première fois que j'entends cela, et je suis fier de voir que cette mesure a été retenue dans ce projet de loi.
Sur ce, après ce discours de 20 minutes, je crois qu'il est temps de conclure. Je suis reconnaissant d'avoir pu prendre la parole ici, et j'ai hâte d'entendre quelques-unes des questions et des observations qui suivront.