La Chambre reprend l'étude de la motion relative aux amendements apportés par le Sénat au projet de loi .
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Monsieur le Président, c’est toujours un plaisir pour moi de m’adresser à la Chambre, surtout à l’approche de la fermeture de ce magnifique édifice pour de nombreuses années à venir.
Premièrement, j’aimerais parler de l’autre endroit. Le Sénat contribue beaucoup au débat public. Il passe en revue les modifications et donne son évaluation de ce qui a été proposé par la Chambre des communes par voie législative. J’apprécie vraiment le travail d’un bon nombre de sénateurs et le temps qu’ils consacrent à essayer d’améliorer les projets de loi dont ils sont saisis.
Toutefois, d’après ce que j’ai compris, les amendements proposés par le Sénat ont fait l’objet de nombreuses discussions au sein d’un comité permanent de la Chambre. Je ne veux pas minimiser la gravité de l’infraction dont nous parlons, mais je crois que la majorité des Canadiens considèrent que cette mesure législative est positive et qu’elle se fait attendre depuis longtemps. Elle contribuera grandement à améliorer notre système.
Je vais commencer par l’objet du projet de loi, ce dont nous avons débattu ces derniers temps, et l’échéancier. Je veux aborder de nombreux autres aspects qui ont été soulevés par l’opposition, particulièrement en ce qui concerne le moment choisi, le nombre de projets de loi et ainsi de suite.
En ce qui concerne l’objet du projet de loi, je vais souligner quatre volets.
Premièrement, le projet de loi clarifiera et renforcera certains aspects du droit relatif aux agressions sexuelles en ce qui concerne le consentement, l’admissibilité de la preuve et la représentation juridique de la plaignante dans les procédures de protection des victimes de viol. Il suffit d’écouter certains des débats qui ont été tenus à l’étape de la deuxième lecture et certaines des discussions qui ont eu lieu au comité permanent pour avoir une bonne idée de la nature du problème et des raisons pour lesquelles cet aspect est si important.
Deuxièmement, le projet de loi vise à abroger ou à modifier un certain nombre de dispositions du Code criminel qui ont été jugées inconstitutionnelles par les tribunaux d’appel, et d’autres dispositions semblables à celles qui ont été jugées inconstitutionnelles.
Troisièmement, le projet de loi vise à abroger plusieurs infractions criminelles jugées désuètes ou redondantes.
Quatrièmement, et c’est un point très positif, le projet de loi exigerait qu’un ministre de la Justice dépose au Parlement, pour chaque nouveau projet de loi du gouvernement, un énoncé concernant la Charte, en exposant les effets que le projet de loi pourrait avoir sur la Charte. Un bon nombre de députés ont soulevé des réserves à ce sujet, mais je considère qu’il s’agit d’un ajout opportun.
J’ai dit maintes fois que le Parti libéral a fondé notre Charte des droits et libertés. Nous la prenons très au sérieux. Je pense qu'on a là un bon exemple de mesure très concrète témoignant clairement que nous sommes un gouvernement qui appuie vraiment la Charte canadienne des droits et libertés. Par conséquent, il est positif de charger un ministre de donner son interprétation de l’incidence qu’une mesure législative pourrait avoir sur les lois.
C’est quelque chose qui pourrait compléter les décisions futures. Un tribunal pourrait prendre en considération les idées, les concepts, les réflexions et les expressions qui auraient pu être soulevés pendant le débat sur le projet de loi à la Chambre. Je dirais que cela donne un peu plus de profondeur au projet de loi même. Je considère qu’il s’agit d’une mesure très forte et très positive.
Voilà les quatre points essentiels que je mettrais en lumière. Mais je veux parler de certaines des choses que j’ai entendues pendant le débat plus tôt ce matin et dans les questions et les observations. Les députés d’en face ont demandé pourquoi l’attribution de temps est importante. Certains députés de l’opposition me citent souvent en se demandant comment je peux bien appuyer l’attribution de temps. Je me souviens d’avoir siégé sur les banquettes du troisième parti dans le coin là-bas, il y a quelques années à peine. J’ai compris alors que l’attribution de temps est parfois un outil efficace et nécessaire pour permettre au gouvernement de respecter ses engagements envers les Canadiens. Nous avons pris cela très au sérieux.
Permettez-moi de donner un exemple. Jeudi dernier, nous avons présenté un autre projet de loi, le , sauf erreur. Lorsque nous l’avons présenté, le député de a amorcé le débat vers 15 h 30 et a gardé la parole pendant deux heures et demie, peut être trois. Cela donne à penser. Certains pourraient dire que nous limitons le débat, mais nous devons reconnaître que la Chambre n’a qu’un temps limité à consacrer à l’étude des projets de loi.
Si l’opposition décide de bloquer l’adoption d’un projet de loi, cela ne prend pas grand-chose. Le député de est très capable de discourir longuement. Il peut parler pendant deux ou trois heures d’affilée. Si l’on me donnait l’occasion de parler d’un budget et de toutes les belles choses que nous faisons, je pourrais probablement en parler pendant quelques jours, parce que notre gouvernement a fait tellement de bonnes choses pour la classe moyenne du Canada. Quel plaisir ce serait de pouvoir partager cette information avec mes collègues d’en face! La réalité, c'est que, même si l’opposition me le permettait, je soupçonne que cela ferait mal au gouvernement, étant donné le temps limité dont nous disposons à la Chambre.
Je donne cet exemple parce qu’un certain nombre de députés d’en face ont exprimé des réserves sur deux points. Premièrement, ils se demandent pourquoi nous avons jugé nécessaire d’imposer le bâillon pour ce projet de loi. Deuxièmement, ils critiquent l’approche générale du gouvernement en matière de justice.
Au sujet de l’attribution du temps, il arrive souvent que les conservateurs et les néo-démocrates décident de faire front commun. S’ils sont déterminés à bloquer l’adoption d'un projet de loi, ils peuvent placer le gouvernement dans une situation très délicate en l’obligeant à faire adopter le projet de loi de force. Il s’agit là, en fait, d’une responsabilité du gouvernement.
Nous avons proposé de nombreuses mesures législatives, dont ce projet de loi, parce que nous en avons pris l’engagement devant les Canadiens en 2015. Ce projet de loi est la concrétisation d’un autre engagement pris par le gouvernement.
Si nous avions accordé à l’opposition tout le temps qu’elle réclame, nous n’aurions pas pu adopter une vingtaine de projets de loi. Les Canadiens s’attendent, à juste titre, à ce que le gouvernement ait un programme législatif soutenu. C’est ce que nous leur proposons.
Un député néo-démocrate a reproché au gouvernement de proposer des projets de loi ici et là, tandis que d'autres ne sont pas encore adoptés, sont encore au Sénat ou encore à l'étude ici. Il y a deux raisons pour cela. Premièrement, nous devons suivre la procédure. Deuxièmement, il arrive que des députés ou des entités politiques aient intérêt, pour quelque raison que ce soit, à empêcher l’adoption d’un projet de loi. Cela veut dire que des projets de loi en sont à différentes étapes de discussion et de débat. Il y a des projets de loi dont le Sénat est saisi. D’autres sont prêts à être renvoyés à un comité, d’autres en sont à l’étape de la deuxième lecture et certains, de la troisième lecture.
Il ne fait aucun doute qu’en matière de justice, nous adoptons une approche holistique pour obtenir des résultats. Je pense qu’il est prudent de dire qu’en tant que gouvernement, nous voulons nous assurer que les mesures législatives que nous proposons visent surtout à protéger les Canadiens.
Ce projet de loi est un élément du train de mesures qui produit l’effet escompté. Nous voulons faire preuve de compassion à l’égard des victimes. Les conservateurs disent souvent que nous sommes insensibles aux victimes, et pourtant nous avons un projet de loi qui reconnaît les droits des victimes dans certaines circonstances. En tant que gouvernement, nous reconnaissons l’importance de faire preuve de compassion à l’égard des victimes, mais aussi de présenter une mesure législative chaque fois que nous le pouvons ainsi que d’autres mesures législatives dans le cadre de budgets, afin de démontrer notre compassion à l’endroit des victimes.
Il importe également que nous tenions les délinquants responsables. Encore là, le gouvernement prend cela très au sérieux. Par le passé, lorsque j'ai parlé de ce sujet, j'ai comparé les conservateurs et les libéraux, car il existe une énorme distinction dans l'approche des deux partis en ce qui concerne les délinquants. Beaucoup de conservateurs aiment adopter la ligne dure à l'égard de la criminalité, comme si tenir un tel discours fera de notre société un endroit meilleur et plus sûr où vivre. Or, comme le montre le projet de loi, les libéraux ont une approche différente. Je reviens au détail du projet de loi.
Nous reconnaissons que les personnes incarcérées seront un jour remises en liberté dans la société. Nous avons le devoir d'empêcher que d'autres personnes deviennent victimes dans le futur en veillant à ce que la majorité des personnes remises en liberté deviennent des citoyens plus productifs.
De plus, nous reconnaissons l'importance de la Charte canadienne des droits et libertés. J'y ai fait allusion, au début de mon intervention, lorsque j'ai parlé de l'objet du projet de loi. J'ai souligné le fait que notre parti est celui qui a mis en place la Charte des droits et libertés. Nous en sommes conscients, et ce projet de loi permettrait de mieux prendre en considération les importantes dispositions de la Charte.
J'aimerais citer un document en particulier qui m'a été fourni et qui dit ceci au sujet de l'importance des énoncés concernant la Charte:
Pour gouverner et légiférer au Canada, il faut se préoccuper de l’aspect crucial que représente le respect de la Charte.
C'est ce que nous croyons, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous demandons aux députés d'appuyer ce projet de loi. Le document dit ensuite ceci:
L’obligation de présenter une déclaration concernant la Charte pour chaque nouveau projet de loi du gouvernement représente une nouvelle façon plus ouverte et plus transparente de démontrer le respect de la Charte.
La a déjà soumis au Parlement neuf énoncés concernant la Charte à propos des projets de loi qu'elle a présentés. Elle a fait preuve de leadership à cet égard. Le projet de loi vise à ce que cette mesure déjà prise par la ministre devienne une obligation juridique. Cette obligation s'étendrait à tous les projets de loi d'initiative ministérielle.
De toute évidence, on a beaucoup discuté de la clarté du consentement. On en a discuté en profondeur. On l’a fait à l’étape de l’étude en comité, et j’ai cru comprendre que les membres du comité étaient d’accord pour passer à l’étape de la troisième lecture avec ce qui est ressorti de cette étude. Je ne me souviens pas d’avoir entendu l’opposition officielle demander que l’on reprenne le débat pour établir une autre définition de consentement, et je suis sûr que si je me trompe, quelqu’un me corrigera pendant la période des questions et observations. C’est un aspect très important du projet de loi.
J’ai entendu quelques députés parler d’un article sur la liberté de religion, et nous en avons tenu compte à l’étape de l’étude en comité. Si je soulève cette question, c’est que quelqu’un, en posant une question plus tôt aujourd’hui, a parlé de la façon dont le gouvernement avait reculé sur un article en proposant un amendement. Il est important de reconnaître que la ministre et ses fonctionnaires ont fait de l’excellent travail avant la présentation du projet de loi à la Chambre. Ils ont rencontré les différents intervenants et ont collaboré avec d’autres administrations pour présenter ce projet de loi. Il passe par le ministère après cette consultation.
Nous avons discuté d’un article qui aurait retiré un élément du Code criminel, mais nous avons jugé qu’il ne fallait pas le faire. C’était à l’étape de l’étude en comité. À mon avis, cela en dit long sur le processus du comité permanent. Les membres du comité permanent ont cerné un problème, il y a eu un changement qui a mené à un amendement du projet de loi. Ce n’est pas le seul changement qui s’est produit.
Je soulève ce point parce que, depuis le début des consultations initiales et du travail effectué par le ministère, nous travaillons avec les intervenants pour produire une bonne mesure législative qui, selon moi, servira bien les Canadiens.
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Monsieur le Président, je vous avise que je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Je trouve cela vraiment impressionnant que mon confrère d'en face espère avoir un deuxième mandat. J'espère que ce ne sera pas le cas.
Je me lève aujourd'hui à la Chambre pour me prononcer sur le projet de loi .
Ce projet de loi a suscité de vives discussions et d'importants débats puisqu'il touche à des sujets sensibles, tant pour les parlementaires que pour la population en général.
D'une part, le projet de loi a une certaine utilité puisque le Code criminel canadien mérite une mise à niveau, de manière à modifier, à supprimer ou à abroger des passages ou des dispositions qui ont été jugés inconstitutionnels ou qui pourraient soulever des contestations fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que des passages et des dispositions qui sont désuets ou inutiles ou qui n'ont pas plus de place dans le droit criminel d'aujourd'hui.
Le projet de loi comporte quatre sections principales, soit les dispositions concernant l'agression sexuelle, les dispositions ayant été jugées inconstitutionnelles ou qui sont semblables à d'autres dispositions qui l'ont été, les dispositions désuètes ou inutiles et les déclarations concernant la Charte.
Je tiens à m'attarder sur l'aspect du projet de loi qui vise à modifier certaines dispositions du Code qui se rapportent à l'agression sexuelle afin de clarifier leur application et de mettre en place un régime touchant l'admissibilité et l'utilisation des dossiers personnels d'un plaignant ou d'un témoin qui sont en la possession de l'accusé.
Compte tenu de tous les efforts, lesquels sont nécessaires, faits par tous les partis concernant les dénonciations des agressions sexuelles, je suis d'accord sur les dispositions du projet de loi concernant l'agression sexuelle puisqu'elles sont très raisonnables et que le Parti conservateur a toujours milité et voté en fonction de l'amélioration des lois lorsqu'elles favorisent les droits des victimes d'actes criminels, dont les victimes d'agression sexuelle.
Afin d'être conséquents dans nos démarches d'appuis envers toutes les victimes d'agressions sexuelles, les changements proposés dans le projet de loi sont nécessaires.
En tant que femme, mère de deux filles et militante pour l'amélioration des droits des victimes d'actes criminels, j'appuie pleinement les changements proposés dans le projet de loi qui a pour but de clarifier et de renforcer les dispositions sur l'agression sexuelle dans le Code criminel.
Il est évident que ces changements aideront le gouvernement à fournir un appui clair aux victimes du crime grave et terriblement marquant qu'est l'agression sexuelle.
Malgré ce pas en avant, il est indispensable de devoir également modifier le Code criminel canadien pour sévir davantage contre les criminels reconnus coupables d'agressions sexuelles, afin que les victimes se sentent appuyées dès le moment où elles envisagent de dénoncer leur agresseur.
Le Code criminel doit également comporter des peines minimales significatives pour les agresseurs, sans quoi les victimes n'auront jamais le sentiment que justice aura été rendue.
C'est effectivement important de dépoussiérer le Code criminel et de le garder à jour pour rendre justice de manière éloquente et efficace aux victimes et aux proches des victimes. Toutefois, comme je le disais plus tôt, le Code criminel doit être doté de peines minimales significatives et non de peines maximales. En effet, nous savons déjà que, dans la majorité des cas, celles-ci ne sont que très rarement imposées par les juges. Une peine minimale est un moyen fort et nettement plus dissuasif pour les agresseurs, et c'est également un message positif pour les victimes.
Le Parlement a adopté des dispositions claires qui définissent la notion de consentement aux fins de la question des agressions sexuelles.
L'article 273.1 comprend une liste exhaustive des facteurs relatifs au consentement non obtenu, et je me réjouis que les amendements présentés par la sénatrice Pate à cet égard n'aient pas été adoptés. Il est indispensable de maintenir intacte la notion du consentement, lequel n'est jamais obtenu lorsqu'un personne est inconsciente.
Le libellé inscrit dans le projet de loi reconnaît clairement qu'il y a de nombreuses raisons possibles pour lesquelles une personne est incapable de donner son consentement, et ce, même si elle est consciente.
Nous devions conserver une des idées premières de ce projet de loi: nous assurer de ne pas rendre les mesures législatives plus complexes qu'elles ne le sont déjà, et nous assurer de ne pas créer de litiges sur la notion de consentement, laquelle est trop souvent utilisée contre les victimes en cour par les avocats de la défense.
Pour les victimes, rien ne doit venir ébranler la définition du consentement, selon laquelle une plaignante doit donner un consentement réel et actif à chaque étape de l'activité sexuelle, ce qu'une personne inconsciente est incapable de faire, même si elle exprime à l'avance son consentement.
Je ne peux imaginer dans quel état se retrouveraient les victimes d'agressions sexuelles si, au cours d'une soirée, elles donnaient leur consentement pour une relation sexuelle dite normale, mais qu'elles étaient droguées avec la drogue du viol et qu'elles subissaient des agressions sexuelles violentes.
Si le gouvernement a la volonté de mieux protéger les victimes d'agressions sexuelles, il est essentiel qu'il maintienne cette disposition, d'autant plus que nous soutenons également le projet de loi d'initiative parlementaire de l'ancienne députée Rona Ambrose, le projet de loi . Ce dernier demande que seules soient admissibles à la magistrature les personnes qui ont suivi un cours de perfectionnement complet sur les questions liées aux agressions sexuelles. De plus, il modifie le Code criminel afin d'obliger un tribunal à fournir des motifs écrits à l'appui de toute décision relative à une affaire d'agression sexuelle.
En terminant, j'aimerais ajouter que ce projet de loi, s'il avait été sérieux à ce sujet, aurait pu proposer que le ministère de la Justice ait l'obligation d'évaluer l'incidence de toute modification au Code criminel sur les droits des victimes d'actes criminels contenus dans la Charte canadienne des droits des victimes. Voilà la raison de ma seule, mais non moindre réticence à l'adoption de ce projet de loi. Je crois que, sans cette disposition, nous risquons d'adopter des lois qui pourraient aller à l'encontre des droits contenus dans la Charte canadienne des droits des victimes.
J'accepterai néanmoins de voter pour le projet de loi , car dans l'ensemble, c'est un bon projet de loi.
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Monsieur le Président, je suis heureux de discuter du projet de loi , qui porte sur diverses questions. Je n’aborderai pas l’ensemble du projet de loi, mais j'en ferai un résumé et je traiterai de certains articles qui sont particulièrement préoccupants.
Ce projet de loi comporte quatre parties distinctes. La première concerne les dispositions relatives aux agressions sexuelles et les règles connexes. Je ne prétends pas être un expert en la matière, et mon intervention ne portera pas sur ces aspects du projet de loi, mais ce que j’entends de la part de certains de mes collègues, c’est que certains cas d’agression sexuelle seraient traités de façon moins sévère qu’ils ne l’étaient auparavant. Cela me préoccupe. Je me demande pourquoi le gouvernement apporte ces changements. Je ne vois aucune raison de traiter les cas d’agression sexuelle moins sévèrement à l’avenir que par le passé.
Il y a quelques autres dispositions qu’il est logique de regrouper. Elles portent sur des questions parfois désuètes ou sur des dispositions qui ont été jugées inconstitutionnelles. Il est logique de regrouper les deux dans le projet de loi, car il s'agit essentiellement de faire le ménage dans la loi. Ces dispositions ne sont plus fonctionnelles, et le projet de loi en est un d’ordre administratif en ce sens.
Puis, pour une raison étrange, le gouvernement a inclus dans le projet de loi une disposition sur les énoncés concernant la Charte, qui prévoit que des énoncés et des avis juridiques concernant la Charte des droits et libertés accompagnent tous les projets de loi d'initiative ministérielle.
Si je peux donner quelques conseils au gouvernement pour l’avenir, il ne devrait peut-être pas essayer de regrouper ces quatre domaines distincts. Les questions relatives aux agressions sexuelles, en particulier, doivent faire l’objet d’un projet de loi à part entière, afin de permettre aux députés d’en discuter adéquatement et de trouver des moyens de rendre justice à l’accusé et aux victimes. Comme on l’a déjà dit, il s’agit d’une infraction criminelle qui a des conséquences graves et durables sur la vie des personnes touchées.
Je m’intéresse particulièrement à certains éléments que le gouvernement a réunis en ce qui concerne les dispositions qui sont désuètes, qui ont été jugées inconstitutionnelles ou qui sont semblables à d’autres dispositions ayant été jugées inconstitutionnelles. Je comprends pourquoi le gouvernement a inclus l’article 28, qui abroge l’infraction qui consiste à fournir à une personne de sexe féminin une drogue ou des instruments dans le but de provoquer une fausse couche. Je comprends pourquoi il ajoute une disposition pour éliminer cet élément de la loi.
Je me permets d’exprimer ma déception à cet égard parce que cela fait disparaître ce qui reste des dispositions législatives canadiennes sur l’avortement. Je sais que les arrêts Morgentaler et ainsi de suite les ont invalidées, alors je peux comprendre la logique du raisonnement juridique du gouvernement à ce sujet. Si je partageais sa perspective philosophique, je le ferais le ménage moi aussi, mais cela attire l’attention de la Chambre sur le fait que le Canada est le seul pays démocratique au monde à ne pas avoir de loi traitant de l’avortement. Je trouve, comme d’autres députés, que c’est absolument honteux. Il s’agit en fait du dernier détail administratif pour éliminer ce qui reste des dispositions législatives sur l’avortement dans le Code criminel du Canada.
Les députés, en particulier ceux qui pensent comme moi que c'est honteux, devraient profiter de cette dernière mesure de nettoyage qui vise à se débarrasser de ce qui reste d’une mesure qui protégeait la vie des enfants à naître pour envisager de s’opposer au projet de loi au moment du vote final afin d'envoyer le message que, selon nous, il faut faire quelque chose pour protéger la vie des enfants à naître. Encore une fois, je comprends le raisonnement juridique du gouvernement. Je ne le remets pas en question. Cependant, je pense que la Chambre a le devoir de ne pas toujours approuver automatiquement ce que décident les tribunaux. Elle doit aussi envoyer un message sur ce qui nous semble juste et moral, même lorsque les tribunaux, à mon sens, usurpent son rôle.
L’autre changement dans ce projet de loi qui a retenu l’attention d’un grand nombre de personnes, dont moi, concerne l’obstruction ou la violence à l’égard de membres du clergé ou leur arrestation. À l’origine, le gouvernement soutenait qu’il s’agissait d’une disposition désuète qu’il fallait abolir. Or, je pense que ce qui s’est passé dans le cas de cet article montre bien que les processus démocratiques fonctionnent bien chez nous. Beaucoup de Canadiens étaient très inquiets parce que cet article a déjà été invoqué. On m’a dit qu’il n’y a pas si longtemps, il a été invoqué, je crois, à l'église St. Patrick, ici, à Ottawa. Les députés peuvent comprendre pourquoi cela peut causer d'énormes inquiétudes.
À mon sens, le gouvernement avait raison d’étendre la définition au-delà du clergé chrétien, comme les prêtres catholiques. Il est absolument évident qu’un rabbin célébrant un service religieux dans une maison de culte juive pourrait être très inquiet si quelqu’un s’amenait pour manifester contre Israël ou si quelque chose se devait se produire au cours d’un service musulman. Dans l’esprit de certains, beaucoup de questions de politique étrangère sont désormais liées à la religion. Selon moi, il était très important que la population élève la voix et dise clairement au gouvernement qu’il est inadmissible d’abroger cette disposition, que c'est quelque chose qu’il faut protéger.
Toutes les formes de liberté d’expression sont importantes et doivent être protégées. La liberté d’expression religieuse n’est pas une liberté personnelle ou particulière, elle est collective. Si quelqu’un perturbe un service célébré par un membre du clergé, il s'en prend à quelque chose de très profond et de sacré pour un groupe de personnes. C’est une atteinte à la vie privée. Cette perturbation prive les fidèles d’un moment intime et privilégié, d’une communication avec leur dieu. Dans sa proposition initiale, le gouvernement a soutenu que cette disposition était redondante par rapport à d’autres mesures législatives, mais je pense qu’on comprend très bien que ce n’est pas le cas. Il s'agit d'une question spéciale et distincte. Le gouvernement a fait preuve de sagesse en cédant à la pression publique et en comprenant ce que cela signifie pour de nombreux Canadiens.
Ma dernière réserve au sujet de ce projet de loi est l’obligation de présenter un énoncé concernant la Charte. En vertu du projet de loi, chaque fois que le gouvernement propose une mesure législative, il doit présenter au Parlement, en même temps que son projet de loi, un énoncé concernant la Charte. Si c’est ce que le gouvernement souhaite faire, c’est son choix. Je crois savoir que cela s'est fait huit fois. J’ai toutefois certaines réserves à cet égard.
Lorsqu’un énoncé juridique relatif à la Charte des droits et libertés est joint à un projet de loi, cela peut fort bien donner au public une fausse impression quant à la légalité ou l’illégalité de la mesure en question. Je m’attends à ce que tous les gouvernements fassent des vérifications très minutieuses pour savoir si un projet de loi ou une mesure législative est juste. Cependant, un avis juridique émis par un, deux, voire trois avocats du ministère de la Justice peut être interprété comme ayant plus d’importance et de poids qu’il n’en a en réalité.
Mon autre réserve à ce sujet, c’est que cela pourrait facilement être une façon, pour le ministère de la Justice, d’orienter, par le biais de ses propres opinions, les opinions politiques du gouvernement. Les gouvernements ont le droit d’être en désaccord avec leurs propres avocats. Ils ont le droit de proposer des projets de loi qui repoussent la ligne imprécise des droits de la personne. Il y a une disposition de dérogation. Les gouvernements ne sont même pas obligés de se conformer systématiquement à la Charte des droits et libertés. C’est l’interprétation qu’on en fait. Voilà ce qui me préoccupe. Là encore, si c’est ce que le gouvernement souhaite faire, libre à lui de le faire. Cela crée toutefois un obstacle supplémentaire ou une perception que ne partagent pas, j’en suis certain, tous les députés de la Chambre.
Ce sont là mes préoccupations. Je comprends le fondement du projet de loi. Il y a toutefois certains éléments que je ne peux appuyer.
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Monsieur le Président, je suis heureux de participer aujourd’hui au débat sur le projet de loi et, en particulier, sur les amendements proposés par le Sénat.
J’ai l’intention aujourd’hui de me concentrer sur deux questions qui découlent de ce projet de loi. Il y a d’abord la question du consentement préalable en général, sur les plans philosophique et pratique, et la question de savoir si nous pensons qu’une personne devrait être en mesure de consentir à l’avance à quelque chose qui se produira à l’avenir. J’aborderai aussi certaines des questions liées à cela dans ce projet de loi. Deuxièmement, je veux parler de l’article 176 et de la façon dont le gouvernement aborde la réaction aux actes de haine, de violence et de perturbation perpétrés contre des groupes confessionnels au Canada.
Nous avons débattu de la question du consentement préalable sous toutes sortes d’angles différents. Je souligne que la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel de l’Ontario ne s’entendent pas toujours’en ce qui concerne le consentement préalable à une activité sexuelle. Dans l’affaire R. c. J.A., la personne accusée d’agression sexuelle a soutenu que, dans ce contexte particulier, il n’y avait pas eu d’agression sexuelle, parce que la plaignante aurait consenti à être rendue inconsciente et qu’elle aurait consenti à se livrer à cette activité sexuelle. La Cour d’appel de l’Ontario a en fait accepté les arguments de l’accusé en déclarant que dans cette situation, « le seul état d’esprit de cette personne a toujours été celui d’une personne consentante ».
Je pense que la Cour d’appel de l’Ontario s’est trompée. Bien des gens diraient qu’il est non seulement répréhensible, mais profondément choquant de laisser entendre qu’un acte sexuel pourrait être commis sans le consentement explicite d’une personne au moment même, en prétendant qu’elle y avait préalablement consenti.
À mon avis, la Cour suprême a vu juste quand elle a dit:
[...] ce qu’une personne inconsciente est incapable de faire, même si elle exprime à l’avance son consentement. Toute activité sexuelle avec une personne qui est incapable d’évaluer consciemment si elle y consent n’est donc pas consensuelle au sens où il faut l’entendre pour l’application du Code criminel.
Le projet de loi codifie ce jugement dans le Code criminel en indiquant qu'il n'y a jamais consentement lorsqu'une personne est inconsciente. Le nouvel alinéa 273.1(2)a.1) prévoit que:
Pour l’application du paragraphe (1), il n’y a pas de consentement du plaignant dans les circonstances suivantes:
La décision que la Cour suprême a rendue dans cette affaire était la bonne. C'est une décision à laquelle je souscris et dont la loi tient compte.
Il est à noter que la Cour d'appel de l'Ontario avait un avis différent sur la question et soutenait qu'une personne pouvait donner un soi-disant consentement préalable. Cela témoigne du fait que des gens dans différents contextes ont soutenu la prétendue légitimité du consentement préalable. Cet argument a été utilisé dans une autre affaire sur laquelle je me pencherai dans quelques instants.
Les arguments ne manquent pas contre le fait que nous devrions autoriser ou accepter le soi-disant consentement préalable. L’un des plus évidents, c’est que les désirs et les penchants passés d’une personne peuvent être en totale opposition avec ses désirs et ses penchants futurs. On pourrait croire qu’à un moment donné dans l’avenir, dans certaines circonstances, on voudra ou on acceptera ceci ou cela. En réalité, toutefois, lorsqu’on vit ces choses, on réagit tout à fait différemment dans le contexte de cette nouvelle situation. L’idée d’un ancien moi qui dicte irrévocablement les conditions et les événements qui vont se produire en ce qui concerne un futur moi est injuste pour ce dernier et viole l’autonomie de la personne à ce moment précis dans l'avenir. Notre identité passée diffère de celle de notre identité future, et nos perceptions passées de la façon dont nous vivrons certains événements peuvent différer de la façon dont nous les vivons au moment où ils se produisent.
C’est sur cette base de reconnaissance de l’importance de l’autonomie — non pas au sens d’une autonomie passée et future irrévocable, mais au sens où les personnes prennent des décisions pour elles-mêmes dans le moment présent et sont en mesure de s’assurer qu’elles sont à l’aise avec tout ce qui se passe pendant que cela se produit — que le tribunal, la Chambre et ce projet de loi reconnaissent le caractère fondamentalement répréhensible du consentement préalable dans le contexte d’une activité sexuelle.
J’insiste sur ce point en dépit de l’entente qui existait peut-être déjà à la Chambre parce qu’il est pertinent dans le contexte de notre discussion sur d’autres aspects du consentement. En particulier, certains députés aimeraient que nous autorisions le consentement préalable dans le cas de l’euthanasie ou de l’aide au suicide. Il est important que les députés pèsent bien le pour et le contre de l’autorisation du consentement préalable dans une situation donnée lorsque nous examinons l’application possible du même principe dans une autre situation.
Des questions ont été posées à la Chambre, par exemple, au sujet du cas de Mme Audrey Parker, une situation tragique pour elle, et d’autres cas où la question du consentement préalable a été soulevée. Certaines personnes, en particulier certains députés du NPD, ont fait valoir que les gens devraient pouvoir donner leur consentement préalable pour qu'on leur enlève la vie si leur état de santé se détériore jusqu’à un certain point et si certaines conditions sont respectées.
Je trouve cette possibilité très troublante, le fait que le moi d’aujourd’hui puisse engager irrévocablement le moi futur, d’autant plus que la personne pourrait établir des paramètres qui engageraient son moi futur, alors que la personne qu’elle sera alors pourrait ne plus vouloir que les choses se passent ainsi.
Dans le contexte particulier de l’euthanasie, donner son consentement préalable, cela veut dire, bien sûr, que les gens doivent imaginer comment ils vivront certaines maladies, quelle sera l’évolution de la maladie, comment ils se sentiront face à cela, comment ils réagiront et ce qu’ils souhaiteront à ce moment là. Le principe et l’argument évoqués par certains défenseurs de l’euthanasie, c’est que la personne devrait pouvoir rédiger ses directives anticipées, afin que, même si au moment voulu elle n’a plus la capacité de prendre une décision, ce soit son ancien moi qui décide à la place de son moi présent.
Cela peut nous amener à nous demander ce qui se passerait si une personne qui n’a plus sa capacité de décider, et qui souffre néanmoins d’une maladie envisagée par son ancien moi, ne voulait plus mourir. Son ancien moi a rédigé ce testament vivant, ces directives anticipées qui autorisent, en théorie, l’État et les médecins à lui enlever la vie, alors qu’elle ne veut plus qu’on tienne compte de ce qu’a dit son ancien moi.
Ce n’est pas une situation purement hypothétique. Il y a une affaire devant les tribunaux néerlandais dans laquelle une patiente a été retenue immobile par des membres de sa famille pendant qu’un médecin lui injectait le médicament létal. Le médecin exécutait une directive anticipée et des déclarations antérieures faites par la patiente.
Il existe également des cas où la concrétisation du consentement préalable à l’euthanasie donne lieu à une situation absolument terrifiante où on met fin à la vie d’une personne pendant qu’elle est en train de crier « Non, je ne veux pas. ». Or, quelqu’un juge que les propos tenus par la personne dans le passé ont préséance sur ce qu’elle dit au moment présent.
Il est vrai que le moi présent qui subit ce genre de violence n’a peut être plus la même capacité qu’avant, mais je persiste à croire qu’il s’agit là d’une situation ou d’une proposition terriblement inquiétante.
J’encourage les députés à réfléchir à la question du consentement préalable et à adopter une position cohérente à cet égard. Je leur conseille de fixer une norme de consentement similaire dans ces cas. Je ne vois pas pourquoi on fixerait la barre du consentement à mourir plus bas que celle du consentement à une activité sexuelle ni pourquoi on appuierait cette norme dans le cas de la mort ou de la fin de vie. Nous ne savons pas exactement où ira ce débat sur le consentement préalable dans le contexte de la mort et de la fin de vie. Nous nous attendons à ce que comité d’expert mis sur pied par le gouvernement présente son rapport très bientôt. Je sais que des membres du caucus du gouvernement ont dit qu’ils sont en faveur du principe du consentement préalable.
Cependant, si nous réfléchissons au cas dont j’ai parlé et à la façon dont nous nous sentirions si une version antérieure de nous-même avait dit qu’elle souhaitait quelque chose, et que tout à coup, dans le vif d’une situation ou d’un moment, nous ne voulons plus que les choses se passent de cette manière et que, malgré cela, on nous dise que s’est ce que nous souhaitions le passé et que c’est notre ancien moi qui a préséance sur notre moi présent, je pense que cela serait contraire à un principe fondamental de l’autonomie et je sais pertinemment que ce principe est important aux yeux de nombreux députés.
Je laisse la question à la Chambre. Dans le cadre de notre étude du projet de loi , la question est très pertinente pour ce qui est de la façon dont le projet de loi codifie le fait que, dans le contexte du consentement sexuel, une personne ne peut pas consentir à l’avance, et une personne qui est inconsciente ne peut jamais consentir, peu importe ce qu’elle a dit au préalable. Je tiens à réitérer mon accord avec cette modification au projet de loi C-51. J’encourage les députés à réfléchir à ce que cela signifie pour certaines des autres discussions qui sont en cours.
L'étude actuelle du projet de loi porte sur les amendements du Sénat. Un des amendements proposés contient un libellé précis pour l’article en question. Je sais que certains de mes collègues se réjouissent de l’intention du sénateur qui a proposé cette disposition, mais ils sont également préoccupés par d’éventuelles répercussions juridiques imprévues, à savoir que si certaines choses y sont énoncées explicitement, certaines autres pourraient ne pas être énoncées du tout dans l’article. L’impression, et je pense que c’est logique, est que le libellé actuel de cet article du projet de loi réussit à atteindre la cible. Voilà ce que j’avais à dire sur la question du consentement préalable.
J’aimerais faire quelques observations au sujet de l’article 176 du Code criminel et des échanges que nous avons eus à propos de cet article et d’autres mesures que le gouvernement a prises à cet égard.
L’article 176 porte sur la perturbation d’un service religieux, le vandalisme contre des biens de l’Église, et ainsi de suite. Notre caucus a beaucoup travaillé avec la société civile pour attirer l’attention sur l’importance et la valeur de cet article et pour s’opposer aux efforts initiaux menés par le gouvernement pour le supprimer.
Le gouvernement a fait valoir que l’article 176 pouvait être supprimé parce qu’il était redondant. De toute évidence, les infractions visées par l’article 176 pourraient faire l’objet d’autres accusations, mais cela ne veut pas dire que l’infraction, si l’on y met un accent particulier et qu’on assure des poursuites exhaustives dans ces cas, est redondante. Par analogie, notre Code criminel parle précisément des crimes haineux, et je n’ai jamais entendu quiconque dire que les mesures législatives sur les crimes haineux sont redondantes, parce que la violence associée aux crimes haineux — dont le vandalisme, mais plus particulièrement les agressions et des choses semblables — est déjà illégale.
Je n’ai jamais entendu qui que ce soit demander pourquoi nous avons besoin de dispositions sur les crimes haineux, vu que ceux-ci sont déjà illégaux. Je pense que nous acceptons tous que le message envoyé par l’existence d’une catégorie particulière de poursuites pour les crimes haineux est approprié, parce que les crimes haineux ne visent pas seulement à faire violence à une personne en particulier, mais aussi à faire en sorte qu’une collectivité entière se sente menacée et ne puisse pas pratiquer sa foi ni s’afficher publiquement par des actions associées à son identité, et ainsi de suite.
La loi sur les crimes haineux vise à faire en sorte que des groupes de personnes ne soient pas ciblés en raison de leur identité. C’est pourquoi nous traitons le crime haineux différemment d’un acte d’agression comme tel. Si les députés acceptent ce principe pour les crimes haineux et les poursuites pour crimes haineux, il me semble que le même principe vaut pour l’article 176. Quiconque perturbe activement un service religieux ou commet des actes de vandalisme ou de violence contre un membre du clergé n’essaie pas seulement de perpétrer un acte de violence particulier contre une personne ou un lieu. Il ne s’agit pas seulement d’un acte d’intrusion ou de vandalisme, mais plutôt d’un acte qui a pour effet d'empêcher des croyants de vivre librement et en toute confiance sans avoir à s’inquiéter de ce genre de violence. C’est pourquoi l’article 176 n’est pas redondant. Il a une importance cruciale.
Un autre argument invoqué par le gouvernement consistait à dire que le libellé de l’article 176 est désuet parce qu’il fait référence à un membre du clergé et qu’il n’englobe pas, dans ses implications textuelles, toutes les confessions et tous les sexes. Or, en réalité, l’article était clairement appliqué d’une façon entièrement universelle. C’était vraiment un argument étrange de dire que nous devrions supprimer complètement cet article parce que son libellé n’était pas inclusif alors qu’il aurait suffi de modifier le libellé. Même un changement de libellé ne changerait pas les effets pratiques de la loi.
Au bout du compte, à la suite d’une réaction très vive et d’une vague de fond de la part de diverses collectivités qui ont collaboré avec notre parti, la suppression proposée de l’article 176 dans le projet de loi a été abandonnée. Nous en avons été heureux.
En même temps, nous avons vu le gouvernement proposer, dans le projet de loi , de reclasser en infractions mixtes les infractions prévues à l’article 176 et réduire ainsi la peine à y appliquer. Dans le dernier débat sur cette question à la Chambre des communes, mon ami de a défendu l’idée des infractions mixtes. Je ne pense pas que quiconque ait soutenu qu’il ne devrait pas y avoir de cas où le pouvoir discrétionnaire ne couvrirait pas un spectre associé aux infractions mixtes.
Par contre, je pense que beaucoup de ceux qui ont préconisé vigoureusement le maintien de l’article 176 et qui ont été au départ heureux que le gouvernement renonce à sa décision ont vu dans le reclassement de cette infraction en infraction hybride une autre indication que le gouvernement ne comprend pas vraiment l’importance de la question et n’accepte pas l’importance d’avoir un libellé fort et clair, qui prévoie des peines appropriées dans le Code criminel pour protéger la pratique religieuse dans notre pays.
C’est paradoxal parce que le gouvernement tient souvent de beaux discours lorsqu’il s’agit de lutter contre les crimes haineux. Lorsqu’il s’agit de motions ou de déclarations sur ce genre de questions, le gouvernement semble toujours prêt.
Nous avons longuement débattu à la Chambre de la motion M-103 sur l’islamophobie. Nous savons tous qu’il est important pour nous de prendre fermement position contre la violence ou la haine à l’égard des musulmans, dans ce cas-ci, et qu’il est important pour nous d’adopter une position sans équivoque contre ceux qui font preuve de sectarisme contre quelque communauté que ce soit. Nous voulions toutefois que le gouvernement définisse ce qu’il entendait par « islamophobie », et il a refusé de le faire. Malheureusement, la Chambre n’a pas été en mesure de s’entendre d’une façon qui aurait pu être souhaitable pour envoyer un message clair et unifié sur cette question.
Malgré le libellé précis de la motion M-103, sur la nécessité d’« endiguer le climat de haine et de peur qui s’installe dans la population », les mesures prises par le gouvernement à l’égard de l’article 176, un article du Code criminel qui offre une véritable protection juridique aux personnes qui pratiquent leur foi, montrent que, dans de nombreux cas, il ne s’intéresse qu’à la forme, au détriment du fond.
Les dirigeants et les groupes religieux de toutes confessions qui se demandent quelles sont les mesures de protection substantielles qui leur sont accordées étaient en droit de s’attendre à ce que le gouvernement mette en relief l’importance de l’article 176, plutôt que de l’affaiblir comme il l’a fait.